La détermination exacte des différentes mesures de La question restait donc indécise ; et dans un mémoire composé en 1824, lu en 1826 à l’Académie des Inscriptions et en 1832 à l’Académie des Sciences, nous avons cherché à jeter quelque lumière sur un problème à la solution duquel l’Europe savante a toujours attaché tant de prix[4]. Nos conclusions ont d’ailleurs été confirmées par plusieurs monuments découverts depuis l’époque de notre travail. Nous citerons particulièrement trois poids de dix livres en serpentine, cinq pieds de bronze et un demi-pied en ivoire trouvés dans les fouilles d’Herculanum et de Pompéi, qui ont été l’objet d’un savant mémoire lu par M. Cagnazzi à l’Académie royale des Sciences de Naples[5]. Nous nous contentons de signaler ici ces éléments nouveaux, nous réservant d’en discuter la valeur dans les chapitres suivants. L’unité de longueur chez les Romains était le pied, qui se divisait en 4 palmes, et le palme en 4 doigts. Le palme dont il est ici question est le palmus minor ; il v avait une autre espèce de palme appelée palmus major, qui valait 12 doigts. Les multiples du pied romain étaient : 1° Le pas, passus major,
de 2° La decempeda, de
3° L’actus, de 4° Le mille ou milliarium,
de 1000 pas ou Nous mentionnerons encore le cubitus
ou coudée de Vitruve, qui valait L’unité agraire était le jugerum,
qui se subdivisait en 2 actus quadratus.
L’actus quadratus était un carré de Les multiples du jugerum étaient : 1° l’hœredium, valant 2 jugerum ; 2° La centuria, de 100 hœredium ; 3° Le saltus, de 4 centuria disposées en carré. On distinguait trois espèces d’actus
: l’actus minimus, de L’unité de capacité était l’amphore ou quadrantal : l’amphore se divisait en 2 urnes et en 3 modius, de sorte que l’urne valait 1 modius ½. L’urne se subdivisait à son tour en 4 congias, le congius en 6 sextarius, le sextarius en 2 hemines, et enfin l’hemine en 2 quartarius, ou 4 acetabulum, ou 6 cyathus, ou 24 ligules. Le culeus valait 20 amphores. La capacité de l’amphore était celle d’un pied cube, comme l’indique le mot quadrantal et comme le prouvent évidemment les vers suivants de Priscien, attribués à Q. Rhemnius Fannius Palémon[7]. Pes
longo spatio latoque notetur in anglo Angulus
ut par sit, quem claudit linen triplex ; Quatuor
ex quadris medium cingatur inane ; Amphora
fit cubus, quem ne violare liceret, Sacravere
Jovi Tarpeio in monte Quirites. Les deux derniers vers et l’inscription mensurœ exactæ in Capitolio, du conge de Vespasien, nous démontrent en outre ce fait important : que les étalons des mesures romaines étaient déposés au Capitole, comme les minutes du cadastre aux archives impériales. De là l’expression amphora Capitolina pour désigner une amphore d’une contenance parfaitement exacte. L’unité de poids était l’as ou la livre, qui se partageait en douze onces, chaque once se partageant à son tour en 24 scrupules, de sorte qu’il y avait 288 scrupules à la livre. Nous donnons ici un tableau des multiples et des subdivisions de la livre, avec leur valeur correspondante.
Nous ne devons pas omettre, relativement à ces noms, une remarque fort importante ; les Romains les employaient dans deux sens différents : 1° Dans leur sens propre et primitif, pour exprimer les poids plus petits que la livre ; 2° Par extension d’idées, pour représenter dans un total quelconque la partie que ces poids représentaient dans la livre. Voulait-on, par exemple, exprimes qu’un citoyen héritait d’un autre pour 1/12e, on disait : hœres ex unciâ ; devait-il hériter des ¾, il était hœres ex dodrante. C’est encore par une semblable extension d’idées qu’ils avaient donné à la decempeda quadrata, mesure de superficie le nom de scrupule, parce que la decempeda quadrata était 1/288e du jugerum, comme le scrupule 1/288e de la livre. Il existait entre l’unité de poids et l’unité de capacité
une relation bien remarquable, qui nous est donnée par le texte de Cestus
déjà cité : Quadrantal vini octoginta pondo siet.
L’amphore devait donc contenir Nam
libræ, ut memorent, bessem sextarius addet, Seu
punu pendas latices scu dona Lyæi. En effet le sextarius
étant le 6e du congius et
ce dernier le 8e de l’amphore, il y avait 48 sextarius dans l’amphore
; or 1 2/ Le dernier des deux vers que nous venons de citer nous apprend en outre que, lors de l’établissement du système métrique romain, l’eau et le vin étaient regardés comme ayant la même densité, ce qui est d’autant moins surprenant que, si la densité des vins de fronce est en général un peu plus petite que l’unité, celle des vins des pays plus chauds, de l’Espagne, par exemple, lui est souvent supérieure. M. Gay-Lussac a trouvé 1,01597 pour la densité moyenne de 10 espèces de vin[11]. Au reste, dès le IVe siècle de notre ère, les idées étaient devenues bien plus exactes à ce sujet. A l’appui de cette assertion il suffira de citer la suite du passage de Priscien[12] : Hœc
tamen assensuu facili sunt credita nobis : Namque
nec errantes undis labentibus amnes, Nec
mersi puteis latices, aut fonte perenni Manantes,
par pondus habent ; non denique vina, Quæ
campi aut colles, nuperve aut ante tulere. Ainsi l’on avait, sinon mesuré, du moins reconnu, au temps de Priscien, note seulement la différence de densité de l’eau et du vin, mais celle des différentes sortes d’eaux et de vins. Dès le siècle d’Auguste, on savait que c’était à l’eau de
pluie qu’il fallait avoir recours pour obtenir exactement un poids de En résumé, l’eau de pluie contenue dans l’amphore pesait
exactement |
[1] Dissertation sur le poids de l’ancienne livre romaine, par M. de
[2] Mém. de l’Acad. des Inscr., t. VI, nouv. série, p. 44 et suiv., 260 et suiv.
[3] Au mot Publica pondera.
[4] Voy. ce travail dans les nouveaux Mém. de l’Acad. des Inscr., t. XII, 2e partie, p. 286 et suiv.
[5] Su i valori delle misure e dei pesi degli antichi Romani, desunti dagli originali esistenti nel real Museo Borbonico di Napoli. Naples, 1825, in-8° de 153 pages.
[6] Suétone, in August., c. 94.
[7] De ponderibus et mensuris, apud Cagnazzi, p. 105.
[8] Ou teruncius.
[9] Ou sembella.
[10] De ponderibus et mensuris, ap. Cagn., p. 107.
[11] Bullet. des sciences, par M. Da Férussac, t. VII, p. 400.
[12] Ouvrage cité, et Cagn., p. 107, 108.
[13] Hippocrate, éd. Chartier. Paris, 1639, in-fol., t. XIII, p. 984, D.
[14] Su i valori delle misure, p. 112.