LES PRISONS DU MONT SAINT-MICHEL

 

CHAPITRE VII. — BROUTILLES ET MENU FRETIN.

 

 

Une maison de correction pour jeunes nobles. — L'incarcération de M. des Faucheries. Les tracasseries de M. de la Chastière. — Un personnage mystérieux François de la Bretonnière. A-t-il tâté de la cage ? Le chevalier d'O. — M. l'abbé Chauvelin. Les registres de la paroisse de Cendres pensionnaires et exilés. — L'hôpital de Pontorson. — Décès et inhumations. — Les registres de Saint-Pierre-du-Mont ; personnes de marque. L'exilé de mars 1787 : l'affaire Baudart de Sainte-James. Un trésorier coupable et malheureux. — M. Sabatier de Cabre ; une douce captivité. — Un fils de famille terrible M. Louis de Saint-Pern. Une victime d'usuriers. Un gosier toujours sec. — Lettres de cachet. — A la veille de la prise de la Bastille. — Un prieur bien content. — Une évasion au Mont à la fin du dix-huitième siècle ; poursuites contre le citoyen Pierre Mezierre, gardien chef de la maison du Mont. Une sentinelle innocentée.

 

Après avoir servi de prison militaire au seizième siècle, le Mont Saint-Michel devint, au dix-septième, une sorte de maison de correction, non pas pour des détenus vulgaires, mais pour les jeunes nobles dont les écarts de conduite désolaient leurs familles ; toutefois, les archives pénitentiaires font complètement défaut à cette époque ; s'il fallait en croire les historiens locaux qui n'indiquent pas leurs sources, le régime de ces prisonniers de choix, détenus sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, n'avait rien de rigoureux[1]. Un gentilhomme, retenu au Mont en vertu d'une lettre de cachet, occupait, dit-on, dans la petite cité montoise avec sa femme et sa fille, un logis particulier voisin de la Porte du Roi.

Rien ne permet d'affirmer non plus que le Mont ait servi de lieu de détention pour les Protestants, soit au moment des guerres de religion, soit lors des persécutions, dirigées contre eux sous Louis XIV. Cependant, il faut bien croire que les bâtiments servant de prison étaient encombrés, vers 1666, puisque nous savons que le 17 mars de cette année-là, M. de la Chastière, capitaine gouverneur du Mont Saint-Michel, se trouva fort embarrassé pour loger deux personnages c'étaient le connétable de Fougères et M. des Faucheries, avocat et sénéchal du prieuré de Villamée. Une lettre de cachet les envoyait comme prisonniers d'État au Mont Saint-Michel avec charge de les bien garder. M. de la Chastière répondit à l'exempt et au chef de l'escorte que son plus vif désir était, certes, d'obtempérer aux ordres du roi, mais qu'il lui était impossible de recevoir ces messieurs. L'exempt répondit qu'il n'entendait pas que les choses se passassent ainsi il avait une mission et un mandat faire écrouer au Mont le connétable et l'avocat. Enfin, après une longue discussion, M. de la Chastière résolut de les garder et, comme il vivait en fort mauvais termes avec les religieux, il ne fut pas fâché de leur jouer un tour. Il exigea que le prieur mît immédiatement à sa disposition la chambre ditte de l'abbé, derrière la grande salle, où se voit cette belle cheminée sur le manteau de laquelle est une vigne de pierre artistiquement travaillée[2]. Le pauvre dom Michel Gazon, prieur, eut beau protester ; les mots d'ordre du roi tintaient lugubrement à ses oreilles, il fallut bien en passer par là et voir démurer deux portes séparant les chambres de M. l'abbé d'avec les chambres occupées par M. le gouverneur[3]. Dom Michel Gazon se montre d'autant plus furieux des agissements du gouverneur, que la chambre où furent logés les deux exilés servait, en l'absence de l'abbé, de classe de théologie et de philosophie à ses jeunes confrères estudiants.

Mais le chagrin de dom Michel ne fut pas de longue durée ; le 18 juin 1667, M. de la Chastière[4] mourait presque subitement et son successeur autorisa tout aussitôt les Pères de Saint-Maur à reprendre les pièces qui leur avaient été enlevées si malicieusement.

Quelques années après, les portes du château se seraient aussi refermées sur un personnage assez difficile à saisir, le sieur François de la Bretonnière, bénédictin défroqué, auteur d'une brochure très virulente intitulée le Cochon Mitré. La Bretonnière se serait réfugié en Hollande, sous le nom de Lafond ; il aurait été trahi par un juif et transporté au Mont Saint-Michel où il serait mort dans la cage de fer. Le Cochon Mitré était paru en 1689, sans nom de lieu. C'est un dialogue entre Scarron et Furetière, Mme de Maintenon et Maurice Le Tellier. La cour y est violemment attaquée. Le libelle circula difficilement ; on en connaît cependant deux éditions, l'une de 1689, l'autre, sans date, imprimées l'une et l'autre en Hollande[5].

Il est probable que c'est à La Bretonnière, dit aussi Chauvigny de Chavigné, que se rapporte le passage suivant des Mémoires de Pierre Thomas, racontant un pèlerinage au Mont Saint-Michel : Il y a, au haut du rocher, un endroit où était pour lors enfermé, par ordre de Sa Majesté, un certain auteur de la Gazette de Hollande qui disait toujours mille impertinences contre le roi et contre l'État et qu'on trouva moyen de faire arrêter, lorsqu'il s'en doutait le moins, étant Français d'origine et ayant voulu revenir en France, voir son pays, en compagnie d'un autre Français qui l'y engagea adroitement pour le faire prendre. Il était resserré de telle sorte qu'il y avait ordre de ne le laisser parler à personne et que le prieur était chargé de sa garde en son propre et privé nom ce fut lui-même qui nous en parla et qui nous a montré l'endroit où il était renfermé[6].

Il n'y avait pas de Gazette de Hollande, mais il paraissait dans les principales villes des Provinces-Unies des feuilles imprimées, dont les titres étaient Gazette d'Amsterdam, Gazette de Leyde, Gazette d'Utrecht et Gazette de Rotterdam. L'erreur de Pierre Thomas est excusable, et le fait par lui de dire que la gazetier de Hollande fut poussé à rentrer en France par un ami, simple agent de la police criminelle, démontre que ce personnage était bien François de la Bretonnière. Les Mémoires de Thomas ne parlent nullement de la cage où certains auteurs prétendent que la Bretonnière serait mort fou, en 1698[7]. C'est encore une légende.

L'internement d'Avedick, patriarche des Arméniens (1706-1708), celui de Victor de la Cassagne, dit Henri Dubourg (1745-1746), constituent deux événements d'une telle importance qu'il était nécessaire de leur consacrer deux chapitres spéciaux ; mais, pour ne pas revenir sur les menus faits de l'histoire du château, considéré comme lieu de détention au cours du dix-huitième siècle, nous allons noter simplement quelques noms de prisonniers, d'après les registres paroissiaux ou d'autres pièces. Le 4 février 1729 mourait M. Nicolas-Brandelis-Joseph de Bailleul les religieux ne l'appelaient que M. le chevalier d'O ; il était titulaire des ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel. Il était détenu au Mont pour raison de santé. Entre ses crises, où il devenait violent et dangereux de là la nécessité de l'interner dans un hospice à chambres fortes, il était doux et sociable il aimait à guider les rares visiteurs qui se détachaient de la grande route de Caen à Quiberon, pour se rendre, entre deux marées, au Mont Saint-Michel il les conduisait, avec de belles manières et des paroles distinguées, à travers l'église, le cloître et la salle des Chevaliers où les étrangers étaient admis mais les femmes ne pouvaient pas pénétrer dans le cloître. Quelquefois, M. le chevalier tenait des propos extravagants : Je le crois un peu fou, disait un jour un visiteur au prieur. — Vous êtes bien bon, monsieur, répondit celui-ci, vous faites grâce de l'autre moitié à notre cher chevalier.

Un prêtre, l'abbé Chauvelin, y fut aussi enfermé quelque temps à la suite d'un conflit qui s'était élevé entre l'autorité ecclésiastique de Paris et le parlement, au sujet de la nomination d'une dame Moysan comme supérieure de l'hôpital général de Paris. Il paraît que la captivité de l'abbé Chauvelin n'eut rien des rigueurs qui pesaient sur les autres détenus. Les religieux lui avaient préparé un appartement confortable et sa table était servie avec la délicatesse que permettaient les approvisionnements du pays et les ressources de la communauté.

Nous avons encore une autre source d'informations dans les registres d'une ancienne paroisse qui a disparu, lors de la Révolution, celle de Cendres, voisine de Pontorson ; elle a été incorporée à Saint-Georges de Grehaigne, canton de Pleine-Fougères, arrondissement de Saint-Malo.

La mairie de Pontorson possède deux registres consacrés à l'hospice de Pontorson et qui se trouvait sur le territoire de Cendres. Le premier de ces registres est intitulé Registre contenant les noms, la patrie et le jour des décès des religieux, pensionnaires — personnages envoyés en vertu de lettres de cachet — et malades du couvent et hôpital de la Charité de Pontorson, diocèse de Dol, depuis 1730 ; l'autre est le Registre des sépultures du même couvent-hôpital pour 1790. Enfin le Greffe du tribunal civil de Saint-Malo détient les Registres des baptêmes et mariages de Cendres de 1754 à 1790 et celui des Sépultures de 1753 à 1790.

Ces registres mentionnent plusieurs pensionnaires et exilés. Suivons-les.

Lorsque les religieux de la congrégation de Saint-Maur, établis au Mont Saint-Michel depuis le concordat de 1622, s'apercevaient que leurs pensionnaires et leurs exilés ne pouvaient recevoir au château les soins que réclamait, soit leur santé générale soit leur état d'esprit, ils les dirigeaient sur l'hôpital de Pontorson, avec lequel ils avaient un traité particulier. Cette pratique a eu lieu jusqu'en 1863. C'est ainsi que, le 20 septembre 1840, le polonais Austen, détenu politique, fut transféré du Mont à Pontorson, en raison de sa démence il en fut de même, quelques mois après, de ses compagnons Charles et Bordon.

Cet hôpital, avait été fondé en 1115 par douze bourgeois de Pontorson qui l'avaient doté de douze cents livres de rente. En 1644, les religieux de Saint-Jean-de-Dieu avaient été chargés par le roi de son administration ; ils y restèrent jusqu'en 1789. L'hôpital était peu confortable ; il était couvert en chaume ; les salles étaient petites, mal aérées ; les exilés préféraient encore les chambres du château et le frère Mathias ne craignait rien tant que d'y être expédié il réclamait son transfert à la maison du Mesnil-Garnier qui, elle aussi, recevait des aliénés.

Mais voici quelques noms d'exilés et de pensionnaires relevés sur ces registres

Boullé, Guillaume-Hyacinthe, originaire d'Auray, mort le 22 février 1780, à l'âge de soixante-six ans ; de Boutouillic, François-Louis, né à Hennebont, mort le 15 septembre 1747 âgé de (illisible) ans[8].

Bertrand Feudé de la Joussaye, originaire de Dol, avocat, mort le 13 décembre 1747, âgé de trente et un ans ; Gilles Marie de Forsanz de la Morlière, né à Lohéac, mort le 5 septembre 1756, à l'âge de vingt-trois ans la famille de cet exilé était originaire de Gascogne ; André Gaudin du Breil, natif de Nantes, appartenant probablement à la branche de la Seilleraye de Carquefou, mort le 22 février 1781 ; Messire Jacques Zacharie Gigot de la Bourilhé né à Trélivan, décédé le 9 octobre 1747 ; François Hermand Godefroy, né à Saint-Jean-de-Daye, en 1629, mort le 6 avril 1766 ; M. Le Gouz de Bordes, natif de Beaugé en Anjou, mort le 21 novembre 1769 ; M. Guy-François de Han, originaire de Rennes, décédé à l'âge de vingt-six ans, le 29 décembre 1747 ; Christophe Lemercier de Montigny, de Fougères, mort le 12 novembre 1768 ; M. Leroirenel de Pontmartin, ancien mousquetaire du roi, originaire de Vire, décédé le 4 juin 1778 ; Charles de Marais, né à Méry près Bayeux, mort, âgé de dix-neuf ans, le 31 juillet 1749 ; Messire Poulain de Chédeville, natif de Lamballe, décédé le 3 septembre 1767, à l'âge de soixante et onze ans Jacques Roussel, de Vire, ancien subdélégué, décédé le 20 septembre 1749, âgé de 66 ans ; Louis-Antoine-Marie-Joseph Varin, originaire de Honfleur, mort le 3 octobre 1780, à l'âge de trente-six ans.

Les registres paroissiaux de Saint-Pierre du Mont nous révèlent encore d'autres noms ; nous en rapportons quelques-uns, en suivant l'ordre des décès.

1750. 30 avril. Inhumation de Louis-Jacques °Guillery de Masquevin, ancien écrivain principal de la marine, âgé de soixante ans, décédé dans le château du Mont, où il était détenu prisonnier par les ordres de Sa Majesté.

1752. 9 juillet. — Inhumation de Thomas Jacques Le Noir, écuyer, sieur des Vaux, seigneur de Lanchal, ancien capitaine au régiment de la Fère ; détenu par ordre royal.

1752. 27 juillet. — Inhumation de M. Michel Duval : ordre royal.

1761. — A cette date dut sévir une épidémie elle atteignit surtout la ville et semble avoir épargné le château ; on se hâtait d'enterrer les morts : une personne, morte à cinq heures du matin, était inhumée à dix heures, le matin du même jour.

1762. 9 novembre. — Inhumation de M. Charles Louis de Kerléan de Kerhuon, sieur de Pennamarie — lisez Penarmené —, ancien officier de marine, exilé, mort le 2 novembre 1762. Il appartenait à une famille dont le nom primitif était Bohic. Un aïeul, Hervé Bohic, avait enseigné le droit à Paris et avait composé en 1349 un livre sur les Décrétales ; cet ouvrage fut imprimé en 1520.

1763. 1er février. — Inhumation de Louis Miotte, sieur de Ravanne, âgé de trente-trois ans, exilé.

1763. 26 mai. — Inhumation de Francois de Kaërboust — lisez Kaërbout[9] — âgé de soixante-douze ans, exilé.

1764. 29 février. — Inhumation de M. Le Thrésor de Fontenay, gentilhomme de Normandie, près Carentan ; détenu par ordre.

1765. 12 avril. — Inhumation de Nicolas de Rocquemont, écuyer, ancien mousquetaire de la garde du roi, exilé.

1771. 17 septembre. — Acte constatant la disparition de Joachim Bernier, originaire de Nantes, âgé de 50 ans détenu au chasteau, s'en est eschappé et noyé à environ une heure du Mont[10].

1778. 27 décembre. — Inhumation de Messire Louis Doussel, écuyer, de la paroisse de Notre-Dame de Versailles, pensionnaire de l'abbaye. Il est constaté, à l'acte, qu'un nombreux clergé assista aux funérailles.

1780. 17 février. — Décès de M. Ambroise Septier de la Fuye, de Montreuil-Beslay, en Anjou, pensionnaire de l'abbaye royale, sous les ordres de Sa Majesté.

1789. 11 février. — Décès d'Antoine Roy de Panloup, ancien officier de dragons, à Orléans, originaire de Saint-Pierre de Moulins, pensionnaire de Sa Majesté.

 

En 1753, le 5 janvier, les portes du château se refermaient sur un gentilhomme, M. de Vavincourt.

M. le chevalier Roger-Nicolas-Charles, seigneur de Vavincourt et de la Gabardière, était originaire de la Picardie il avait épousé dame Anne le Sassasin de Montmorel, dont il avait eu quatre enfants, tous nés dans la paroisse de Chateaubourg[11]. On ne saurait dire d'une façon certaine en raison de quels faits il fut interné par l'ordre du roi, au Mont Saint-Michel. Lorsqu'il y entra, sa santé était très précaire ; il était paralysé et son état s'aggrava ; il fut visité par le sieur Josseaume, docteur à Pontorson et médecin de l'abbaye[12] ; ce dernier fit un rapport sur le malade qui manifestait un ardent désir de rentrer sur ses terres. Les États de Bretagne et les autorités administratives déclarèrent qu'une mesure de clémence s'imposait, mais qu'il ne fallait pas que M. de Vavincourt revînt en Bretagne le 9 décembre 1753, Fontette écrivait de Caen à l'intendant de Bretagne qu'il avait expédié, d'urgence, des ordres au prieur du Mont Saint-Michel pour expédier sur Laval M. de Vavincourt, conformément aux ordres que le roi avait donnés le 2 décembre.

Dès le 18 janvier 1754, M. de Vavincourt écrivait de Laval une lettre aux termes de laquelle il remerciait le roi de la mesure de clémence dont il avait été l'objet.

Mais il s'éleva une difficulté pour le règlement de la pension. Le 3 février 1754, le Père Guion, procureur du Mont, faisait connaître à l'administration que M. de Vavincourt devait, pour sa pension, depuis le 5 janvier 1753 jusqu'au 12 décembre de cette même année, une somme de 560 livres, sur le tarif de 600 livres, prix réglé et payé par la cour pour la pension des prisonniers d'Etat. Pour M. de Vavincourt, le roi n'entendait payer que 300 livres l'abbaye réclamait l'autre moitié. Le 10 février 1754, intervenait une ordonnance de l'intendant, fixant à 393 livres la somme à prendre sur le domaine de Sa Majesté ; on reconnaissait que l'indigence de M. de Vavincourt était complète et que sa situation était d'autant plus digne d'intérêt que sa femme venait d'être gravement malade.

Il n'apparaît pas que M. de Vavincourt ait été à nouveau interné au Mont Saint-Michel à partir de sa sortie du château, il continua à habiter à Laval, en résidence obligée ; son internement au Mont reste bien obscur dans sa cause, mais il ne se rattache en rien à l'histoire politique des États de Bretagne, comme semble le croire M. F. Girard qui a consacré à ce gentilhomme une dizaine de lignes, pleines d'inexactitudes[13].

Le 11 mars 1787, une chaise de poste, escortée par quatre cavaliers de la maréchaussée, s'arrêta, à trois heures du soir, devant la Porte du Roi. Il en descendit un homme, dont les traits étaient convulsés[14] ; on le fit aussitôt entrer dans le corps de garde tandis qu'un exempt montait vers le château, accompagné d'un des soldats de l'escorte. Il redescendait une demi-heure après, murmurait quelques mots à l'oreille de l'inconnu qui devint encore plus pâle : Veuillez me suivre, Monsieur, lui dit l'exempt.

Les cavaliers qui avaient mis pied à terre attachèrent leurs montures aux anneaux qui étaient scellés à la base de la tour du Guet, cette jolie construction du quinzième siècle, à la forme prismatique, qui dresse, au-dessus du rempart, sa tête fine et curieuse tout aussitôt, ils emboitèrent le pas à l'exempt et à son compagnon. Ils gravirent le Grand Degré, s'engagèrent dans le Gouffre[15] et, sans que l'exempt eut besoin de sonner, la porte de Belle-Chaise s'ouvrit. Ils se trouvèrent alors dans la salle des Gardes ; le Prieur, dom Aurore, deux autres frères et un porte-clefs les y attendaient, le dos tourné à la cheminée monumentale, construite au quinzième siècle par Pierre Le Roy, quand cet abbé eut fini de bâtir le Châtelet.

Vous n'ignorez pas, monsieur, dit le Prieur au gentilhomme sur lequel veillait toujours l'exempt, que Sa Majesté nous ordonne de vous recevoir ; soyez persuadé que vous serez traité ici avec tous les égards possibles et que nous ferons tous nos efforts, mes frères et moi, pour que vous ne souffriez pas de votre séjour au Mont.

Aucun nom n'avait été prononcé, l'exempt seul et le prieur devant connaître l'identité de ceux qui étaient amenés en vertu des lettres de cachet.

Le prisonnier s'inclina légèrement, puis, fondant en larmes, il se laissa tomber sur un des sièges voisins de la cheminée. Dom Aurore respecta sa douleur ; enfin, quand ses sanglots eurent cessé, il le prit doucement par le bras et disparut avec lui par un petit escalier communiquant avec la tour Perrine, où une chambre avait été préparée pour le nouveau venu.

Il avait nom Baudard de Vaudésir et était trésorier-payeur de la marine et de la maison de la reine. Il demeurait à Paris, rue Neuve-Saint-Eustache et s'était fait construire une superbe maison, place Vendôme. Sa maîtresse, Mlle de Beauvoisin, y recevait somptueusement dans un salon, dont le plafond était l'œuvre de La Grenée jeune, peintre du roi. M. Leroux-Cesbron, dans son ouvrage intitulé Aux portes de Paris, a donné sur la vie de ce financier des détails très curieux. Il appartenait à une famille noble, et était marié à Mme Julie-Augustine du Bois, fille d'un premier commis du département de la Guerre et de Marie-Charlotte Sauvé, attachée au service du duc de Bourgogne[16]. Baudard de Sainte-James s'était distingué dans le contrôle de l'administration des finances des colonies françaises de l'Amérique du Nord, qu'il inspectait alternativement avec M. de Selle de Garejade. En 1773, il avait été nommé officier de l'Ordre de Saint-Louis. Malheureusement, le train de sa maison devint excessif[17] et des malversations furent commises par le trésorier ; il réussit à boucher les premiers trous ; mais le déficit se creusa de plus en plus et, le 1er mars 1787, il fut obligé d'aviser le ministre des Finances qu'il ne pouvait faire honneur aux effets présentés à sa caisse, par suite des détournements de fonds dont il s'était rendu coupable. Le bruit courut que son passif s'élevait à quinze millions de francs. Une lettre de cachet le déroba à la répression de la justice criminelle il fut enfermé au Mont Saint-Michel.

A peu près à la même époque, le château recevait M. Sabatier de Cabre, membre du parlement et pair de France, qui s'était associé avec M. Fréteau de Saint-Just aux protestations déposées aux pieds du roi par le duc d'Orléans dans la séance du 19 novembre 1787. Une supplique fut adressée au roi en faveur de M. Sabatier : Sans le savoir et sans le vouloir, Votre Majesté, y était-il écrit, a peut-être signé l'arrêt de mort de ce malheureux en lui donnant pour demeure un rocher battu par les flots de la mer et entouré d'un mauvais air.

La détention de M. Sabatier ne paraît pas avoir été bien rigoureuse ; il était plutôt en résidence imposée. C'est ainsi qu'il était autorisé à se rendre à Avranches et à Pontorson ; il fréquentait surtout le presbytère des Pas, petite paroisse distante d'une lieue et demie du Mont Saint-Michel ; elle avait alors pour curé M. l'abbé Lesplu-Dupré, qui devint dans la suite, archiprêtre de Saint-Gervais d'Avranches.

Un des derniers exilés du Mont Saint-Michel fut M. Louis-François, Toussaint-de-Saint-Pern. Ce gentilhomme, né à Rennes le 17 septembre 1745[18], avait eu une jeunesse très orageuse et de nombreux démêlés avec la justice ; c'était un prodigue et un mauvais payeur. Déjà, en 1777, il avait occupé le ministre secrétaire d'Etat de la maison du roi, qui écrivait à la date du 5 décembre, la lettre suivante à M. le maréchal de Tonnerre[19] : Vous me marquez que le tribunal a bien voulu accorder au sieur de Saint-Pern de Lattay, un sursis de 6 mois pour satisfaire à ses ordonnances, sous la condition de quitter Paris dans les 24 heures et de payer toutes ses ordonnances dans le cours des 6 mois qui lui sont accordés... Je vais, en conséquence, ainsi que je vous en ai prévenu, le 30 octobre dernier, faire expédier la révocation des ordres qui exilaient ce gentilhomme à Saint-Malo et lui accorder un sauf conduit de 6 mois. Signé : AMELOT.

Cinq ou six ans plus tard, l'incorrigible Louis de Saint-Pern est enfermé à Saint-Lazare. En septembre 1783, il recouvre sa liberté, ou plus exactement il l'obtient en s'évadant. Son père écrit, de Dinan, à l'intendant de Bretagne, le 25 septembre de cette année-là : Vous aviez eu, Monsieur, la bonté de m'obtenir un ordre du roi, pour faire renfermer mon fils à Saint-Lazare. Il vient de terminer sa captivité par évasion ; le premier usage qu'il a fait de sa liberté a été de venir implorer ma clémence et il a réussi par son repentir et par sa promesse à m'attendrir en sa faveur. J'espère, Monsieur, que vous voudrez bien m'aider à faire retirer l'ordre que d'autres circonstances m'avaient forcé à solliciter et j'écris par le même courrier à M. Amelot auprès duquel je vous prie d'appuyer ma demande. Dinan, le 23 septembre 1783[20].

En 1784, il manifeste le désir d'entrer dans les ordres. A la fin de cette année, il présente requête au parlement de Bretagne, pour obtenir une pension alimentaire. Il se proclame, à juste titre d'ailleurs, victime de l'usure ; il avait vendu, en 1773, le seul bien qui lui restât, la terre de la Touchais, à M. de la Motte-Beaumanoir, pour 100.000 livres et une rente viagère de 7.500 livres. En octobre 1784, il est à Paris, très mal accoutré et promenant sa grosse inutilité dans les rues de la capitale[21] ; son père meurt le 19 décembre de cette même année et un arrêt du parlement de Bretagne lui accorde une provision de 300 livres, pour subvenir à ses frais de deuil, à prendre sur la rente due par la famille de Cornulier. Mais, bientôt, il recommence ses prodigalités. Le 10 septembre, il est écroué à la prison de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à la requête de M. Le Roux, marchand de vin retiré, un de ses principaux créanciers une somme de 1.123 livres est consignée au greffe de la prison par M. Picot, brigadier de la connétablie ; mais il tient à l'abbaye la conduite la plus indigne et la plus crapuleuse. Les créanciers qui l'ont fait arrêter n'ont nul espoir d'être payés. Débiteur de plus de 100.000 livres au delà de sa fortune, il est réduit à une rente viagère de 1.000 livres que le parlement de Bretagne lui accorde, sur celle de 7.500 livres, reste unique des biens considérables qu'il a dissipés. La passion du vice à laquelle il se livre abrégera ses jours, s'il demeure à portée de la satisfaire. Aussi sa famille demande-t-elle son internement au Mont Saint-Michel, un lieu plus convenable à sa naissance, plus propre à lui faire inspirer un retour sur lui-même et à prolonger une existence à laquelle ses créanciers, qui n'ont de ressources que dans sa rente viagère, sont évidemment intéressés[22].

Cette demande fut agréée, après de nombreuses formalités qui furent coûteuses, puisqu'elles excédèrent la somme de 2.400 livres prévue pour le transfèrement. Le 24 mars 1786, M. Noël, porteur de l'ordre du roi, était parti en poste pour le Mont Saint-Michel, avec M. de Saint-Pern : Ils y étaient arrivés à bon port, quoique contrariés par de très mauvais chemins et la marée. Il avait fallu prendre un compagnon pour en imposer au gentilhomme et prêter main-forte à l'exempt, au cas de besoin ; les chemins affreux de la Basse-Normandie, impraticables par la voie la plus courte, ont obligé les voyageurs à passer par Vire, ce qui a occasionné une augmentation de dépense d'un louis par poste.

M. Noël ne cacha pas au prieur à quel triste exilé il aurait à faire ; il le mit en garde contre une évasion tant que l'ordre du roi ne serait pas expiré cet ordre était valable jusqu'au 14 août 1787. M. Noël ayant dit au prieur que la pension alimentaire accordée à M. de Saint-Pern, était de 1.000 livres, le prieur rectifia en disant qu'il savait qu'elle se montait à 1.200. Quoi qu'il en fût, la première de ces sommes était suffisante, puisque les pensions au Mont Saint-Michel étaient fixées à 800 livres et, qu'à ce prix, les prisonniers y étaient bien nourris.

M. de Saint-Pern était mal vêtu quand il arriva au Mont ; il n'avait même pas le linge nécessaire ; il s'était dépouillé de tout pour son bâtard aussi sa famille fut-elle invitée à lui faire parvenir le linge de Bretagne où il est moins cher qu'à Paris. Mais l'exilé se souciait fort peu de son trousseau. Il ne pensait qu'à boire. A la date du 27 avril 1786, le prieur du Mont Saint-Michel, écrivait à M. Dubois des Sauzais : Je vous accuse réception de votre traite de 400 livres ; la pension est payée pour six mois. Si je voulais agir suivant les vues du réclamant (l'exilé), je n'aurais pas beaucoup à mettre sur son corps ; la plus grande partie passerait par son gosier[23]. S'il n'avait pas cette malheureuse passion, on en pourrait tirer bon parti car il a de l'esprit et est fort amusant. Enfin, je ferai tout pour le mieux et peut-être en serai-je plus content que je ne l'espère. Le 30 avril 1787, le prieur dom Maurice, en accusant réception du semestre payé d'avance et à échoir le 27 septembre, déclarait que les mesures de sévérité prises d'abord contre M. de Saint-Pern, avaient très mal réussi. J'ai tenu renfermé notre prisonnier, écrit-il, et il s'est porté à toutes sortes d'excès. Depuis que je lui ai accordé une certaine liberté, j'en ai été content il sent tout le prix de ce que j'ai fait pour lui et avoue qu'il serait embarrassé de sa personne, s'il n'était pas ici. Je lui crois le cœur bon et reconnaissant aussi, je ne puis croire qu'il pense à faire un coup de tête qui lui serait très préjudiciable sans doute, pour être à l'abri de toute  crainte, il faudrait qu'il fût sous les verrous mais, dans le moment présent il ne le mérite pas et je ne me porterai pas à commettre une injustice à son endroit vous seriez le premier à m'en blâmer et vous seriez en droit de le faire.

Cependant la famille se préoccupait de faire renouveler la lettre de cachet relative à M. de Saint-Pern. En mai 1787, elle sollicitait une prolongation de détention et le baron de Breteuil adressait, de Versailles, le 26 mai, une lettre aux termes de laquelle il faisait connaître à M. de Catuelan, président du Parlement de Bretagne que, conformément aux ordres de Sa Majesté, il invitait M. le lieutenant général de la police, à Paris, à faire exécuter une nouvelle lettre de cachet, pour une période de deux ans ; elle devait prendre date à partir du 26 mai.

Cette nouvelle fit faire la grimace aux religieux. Leur cher exilé devenait insupportable. Le 17 avril, le prieur avait écrit à la famille qu'il ne désirait nullement voir se prolonger la détention de M. de Saint-Pern : Il n'est pas susceptible, affirmait dom Maurice, d'un bon conseil ; un moment, il paraît raisonnable, un instant après, c'est un autre homme.

Quand il eut appris le renouvellement de la lettre de cachet, M. de Saint-Pern entra dans une violente colère ; il injuria les religieux, invectiva par écrit sa famille, et jura qu'il se mettrait lui-même dehors. Il n'eut pas cette peine. Quelques jours après, le ministre ordonnait sa mise en liberté et le prieur ne se faisait pas prier pour ouvrir à M. de Saint-Pern la porte du château mais, en homme prudent, il exigea du cher exilé un reçu en bonne et due forme des sommes qui lui furent remises au greffe, à l'heure de son élargissement ; décharge en fut donnée sur la signification de la mainlevée d'écrou, adressée par M. de Crosnes. Mais l'exilé s'obstina à ne pas rendre la clé de sa chambre : il l'emporta, promettant bien de la rendre. Le 13 juillet, le prieur n'avait encore rien reçu. On sera forcé de lever la serrure ! écrivait-il à la famille. Et il ajoutait : Si on se trouve jamais dans la nécessité de faire enfermer M. de Saint-Pern, je prie instamment que ce soit partout ailleurs qu'au Mont Saint-Michel. Je ne voudrais pas pour mille écus d'un pareil pensionnaire !

L'excellent prieur pouvait dormir tranquille ; la Bastille allait être prise le lendemain, les prisons du Mont Saint-Michel devaient être bientôt fermées, et lui-même serait contraint de déguerpir avec ses religieux et de prendre le chemin de l'exil.

La fin du dix-huitième siècle fut marquée par une évasion dont les détails sont surtout intéressants, parce qu'ils nous renseignent sur l'incurie de l'administration pour l'alimentation des détenus. Le 10 germinal an VIII, Pierre Mézierre, gardien chef de la maison du Mont, reçut les protestations de plusieurs prisonniers, MM. de Rochereuil, Pierre Le Tellier, Pierre et Jean Ganne et Pierre Val ils n'avaient pas eu de pain depuis plus de trente heures Le sieur Mézierre, qui avait déjà constaté plusieurs fois l'irrégularité des livraisons, reconnut le bien-fondé de leurs réclamations. Ils le prièrent alors de leur donner deux livres de pain, deux pots de cidre et de leur procurer un appartement où ils pourraient être plus tranquilles, afin de régler ensemble les petites dépenses qu'ils avaient faites ou allaient faire et dont le gardien leur avait avancé le montant. Pierre Mézierre les conduisit dans l'ancienne cuisine de l'abbaye et leur fit servir une collation avec le pain et le cidre apportés de l'extérieur. Il est probable qu'il but et mangea avec eux, car il ne les quitta qu'à sept heures du soir, pour procéder à l'appel des autres détenus il les renferma à double tour dans la cuisine, certain qu'ils ne s'évaderaient pas par les fenêtres, celles-ci étant élevées de plus de cinquante pieds au-dessus du sol une sentinelle montait précisément la garde sur le chemin de ronde que dominait la cuisine.

Quand Pierre Mézierre y rentra une demi-heure après la pièce était vide ; les cinq prisonniers étant seuls dans cet appartement, s'étaient évadés par la croisée du milieu séparée en deux par un pilier en ;pierre ils y avaient attaché une corde et un drap qu'ils étaient parvenus à se procurer sans qu'on sache comment ni à qui pouvaient appartenir les objets ; ils nouèrent draps et cordes les uns au bout des autres, ce qui formait une longueur de plus de dix-sept mètres et ils descendirent d'abord sur le fort de la Merveille où les deux derniers furent aperçus par un des hommes de garde qui leur cria : Qui vive ? Au lieu de lui répondre, ils franchirent promptement, comme les trois autres, un mur d'environ quatre mètres de hauteur, construit sur un rocher dont le glacis a plus de quatre vingt mètres et qu'il leur fallut descendre auparavant d'arriver à la grève au travers de laquelle ils prirent la fuite sans que, depuis, aucun d'eux n'ait été repris[24].

Les autorités firent immédiatement une enquête. Le factionnaire Louis Manet, et le gardien Mézierre furent traduits devant le jury sous la prévention d'avoir par leur négligence ou connivence favorisé l'évasion de cinq détenus.

Pierre Mézierre se défendit énergiquement. Il déclara que depuis trois à quatre décades, le pain n'ayant pas toujours été délivré aux prisonniers dont il avait la garde exactement, puisqu'ils avaient été plus de trente-six heures sans manger, il s'était vu, plusieurs fois, en danger de sa vie que pour calmer et apaiser les détenus qui, dans les accès de rage et de faim lui demandaient ou du pain ou la liberté ou la mort, il s'était vu souvent obligé de leur acheter du pain pour le leur délivrer par quarteron que le 20 germinal, les nommés Rochereuil, Le Tellier Pierre, Jean Ganne et Le Val, n'ayant point encore mangé, le prièrent de leur procurer un endroit pour leur fournir des rafraîchissements et des vivres. Il expliqua qu'il avait pris soin de les enfermer dans la cuisine, ayant la clef dans sa poche. Il ne pouvait supposer qu'ils fussent assez téméraires pour s'évader par une croisée élevée de plus de cinquante pieds, au-dessous de laquelle était une sentinelle, sur la vigilance de laquelle il avait droit de compter pour les arrêter au cas qu'ils fussent assez téméraires pour oser s'échapper.

Il n'y a donc eu de ma part, concluait-il, ni négligence ni connivence.

Louis Manet, soldat au Mont déclara qu'il était faux qu'il eût été placé en sentinelle à la guérite au-dessous de la croisée de la cuisine qu'aucune sentinelle n'était placée de ce côté, pour la bonne raison qu'il n'y avait point de prisonniers de ce côté, qu'on ne pouvait prévoir que le gardien amènerait des détenus dans la cuisine.

Il donnait même des détails précis sa guérite était éloignée de plus de soixante mètres de l'endroit où les prisonniers avaient mis pied à terre, en se laissant glisser de la corde. Ayant entendu son camarade Resbœuf crier Aux armes, il s'était aussitôt avancé dans sa direction, en appelant les volontaires de garde. Il avait aperçu les fugitifs en train de descendre le rocher et il avait tiré sur eux deux coups de feu ; il ne les avait pas atteints. La poursuite était impossible parce qu'il s'était élevé une brume assez épaisse, qu'il tombait de la pluie, qu'il faisait beaucoup de vent et qu'il commençait à faire nuit.

Le jury décida qu'il y avait lieu à accusation contre le gardien, mais non contre la sentinelle. C'était justice, semble-t-il[25].

 

 

 



[1] Les enquêtes administratives et judiciaires, faites à la fin du dix-huitième siècle, démontrent que les prisonniers étaient bien nourris, que leurs chambres étaient presque confortables. Cependant les prisonniers du Mont Saint-Michel n'imitèrent jamais certains détenus de la Bastille qui s'y trouvaient si bien que l'un d'eux, M. Etter de Sybourg, sollicita un internement plus long et qu'il fallut mettre dehors, malgré ses protestations, le comte de Morlot, autre embastillé. Cf. FUNCK BRENTANO, Légendes et Archives de la Bastille.

[2] Extrait des additions de dom Estienne Jobart ; ms. 209. Bibl. d'Avranches, cahier interfolié entre le f° 150 et le f° 151.

[3] Extrait des additions de dom Estienne Jobart ; ms. 209. Bibl. d'Avranches, cahier interfolié entre le f° 150 et le f° 151. Cette salle était un des plus beaux spécimens de l'architecture civile du treizième siècle. On voit encore très bien sur le mur de l'ouest les vestiges de la cheminée dont parle Étienne Jobart.

[4] Acte de décès de Louis Brodeau, marquis de la Chastière, né à Candé, évêché de Tours, le plus méchant de tous les hommes, époux de Cécilie Le Gay la Berge qui estoit plutôt une mégère qu'une furie. Nous avons raconté, au chapitre : Une vilaine femme au Mont Saint-Michel, toutes les misères que fit Mme de la Chastière aux religieux, pendant le gouvernement de son mari. Le Mont Saint-Michel inconnu, pp. 302 à 315.

[5] Cf. BARBIER, Dictionnaire des ouvrages anonymes, Paris, 1872, t. I, vol. 619 et 620. ROURE, Analect. Biblion., II, p. 413 et la Nouvelle Bibliographie générale de GUSTAVE BRUNET, Didot, 1863. Verbo Bretonnière. Voir aussi E. FOURNIER, Variétés historiques et littéraires, t. VI, pp. 209 à 244.

[6] Extrait de : Un pèlerinage au Mont Saint-Michel, il y a deux siècles. Mémoires de Pierre Thomas, publiés par les soins de la Société de l'histoire de Normandie.

[7] Cf. Mémoires de l'intendant Foucault, Imp. Nat., 1862, p. 327.

[8] Un membre de sa famille, M. de Boutellic, lieutenant au régiment de Languedoc, fut fusillé à Quiberon.

[9] Cf. POL DE COURCY, Nobiliaire de Bretagne, nouvelle édition, t. II, p. 69.

[10] Les registres paroissiaux, tout comme l'Obituaire, manuscrit n° 215 de la Bibliothèque d'Avranches, mentionnent d'assez nombreuses noyades et enlisements dans la baie.

[11] PARIS JALLOBERT, Registres paroissiaux de Chateaubourg, arrondissement de Vitré, Ille-et-Vilaine.

[12] Lettre de Boisbaudry, 16 novembre 1753, s. l. Archives d'Ille-et-Vilaine. Intendance, série C.

[13] F. GIRARD, Mont Saint-Michel, p. 71.

[14] Mme Vigée-Lebrun dans ses Souvenirs a tracé le portrait de ce prisonnier qui n'était autre que Baudard de Vaudésir : Il était de moyenne grandeur, gros et gras, visage très coloré, de cette fraîcheur qu'on peut avoir à cinquante ans passés, quand on se porte bien et qu'on est heureux.

[15] Nom donné par les Montois à l'escalier qui monte à Belle-Chaise sous le Châtelet et qui s'ouvre d'une façon si impressionnante entre les deux tours de cet édifice.

[16] Armes à trois faces ondées d'argent. Cf. LA CHESNAYE-DESBOIS, Dictionnaires de la noblesse, t. II, 3e édition de 1863, p. 493. Originaire de Sainte-Gemme, en Anjou, Baudard avait pris le nom de Sainte-James, sans doute par snobisme, choses et gens d'Angleterre étant alors à la mode.

[17] M. André Hallays a consacré un feuilleton du Gaulois (10 août 1912) à la propriété luxueuse appelée la Folie-Sainte-James, que ce financier orgueilleux et malhonnête, habitait à Bagatelle, auprès de Neuilly. Thierry dans son Guide des amateurs et des étrangers à Paris (Paris 1778, 2 vol. in-12) a donné de la Folie-Sainte-James une description fort détaillée.

[18] Fils de Pierre-Placide-Marie-Anne, chevalier, seigneur de Lattay, et de Jeanne-Hiéronyme-Charlotte de Cornulier.

[19] Cf. BARON DE SAINT-PERN, Preuves de l'Histoire généalogique de la Maison de Saint-Pern, passim, et plus spécialement t. I, 1077-1079, t. II, 1044-1066-1069 et suivantes.

[20] Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, Intendance C., 225. Lettres de cachet.

[21] Lettre de M. Galles à M. Gautier de la Guistière, 13 octobre 1784. Histoire de la maison Saint-Pern, ouv. cité, pr. n° 1072.

[22] Lettre de M. Galles à M. Gautier de la Guistière, 13 octobre 1784. Histoire de la maison Saint-Pern, ouv. cité, pr. n° 1072 ; citations suivantes même source.

[23] Depuis bien longtemps, les religieux ne récoltaient plus de vin sur leur propriété de Brion, située auprès de Genêts et qui passait, au quatorzième siècle, pour être excellent. Il est noté au Registrum abbatiæ pour 1310, tres quartas vini boni de Brione (ARCH. MANCHE) mais après ils le firent venir de Gascoigne par le port de Saint-Malo de l'Isle. Ils avaient un traité avec un propriétaire de Bergerac. En 1316, huit tonneaux de vin furent payés 1.505 livres (Registrum pitanciæ abb. S. M. M., Bibliothèque d'Avranches). D'après un autre manuscrit, ms. 214 de cette bibliothèque, on servait à la table des moines du vin de Gascogne ou d'Angers sans le mélanger, mais on ajoutait de l'eau à celui de Brion : non misceatur nisi vinum de Brione.

[24] Archives du Greffe civil d'Avranches, pièce reproduite par M. A. LE GRIN, Revue de l'Avranchin, 1901, n° 3.

[25] Les Archives départementales d'Ille-et-Vilaine possèdent diverses pièces relatives aux internements au Mont Saint-Michel, au dix-huitième siècle. Nous citerons : Un procès-verbal relatif à un gentilhomme dont la famille ne paie pas la pension (C. 168) ; un mémoire pour fournitures de livres, par Vatar, libraire à Rennes à un prisonnier en 1749 (C. 173) ; un rapport relatif à M. de Cartulan enfermé en 1765 (C. 189) ; une lettre de Poullain-Duparc au sujet de la détention de son fils en 1781 (C. 216).