Cette nation qui habitait sur les bords du Pont-Euxin, d’où elle s’étendait fort avant dans l’Asie, s’avança jusque sur les bords du Danube, après que les goths eurent abandonné le pays qu’ils occupaient à la gauche de ce fleuve, pour s’établir sur le territoire de l’empire. Les principaux peuples de la nation scythique étaient les Alains, les Huns et les Teïfales. Les Alains furent longtemps le peuple dominant parmi les
scythes. Ammien Marcellin qui écrivait à la fin du quatrième siècle, dit en
parlant des temps antérieurs à ceux dont il composait l’histoire : les Alains habitaient dans les vastes déserts de Après ce que je viens d’exposer, on ne sera point surpris de voir que les auteurs du cinquième siècle et du sixième désignent souvent un des peuples scythiques par le nom général de Scythes, par celui de Massagètes, ou par quelque autre nom, que les écrivains plus anciens qu’eux avaient donné à quelque peuple particulier du nombre de ceux qui étaient compris sous le nom général de scythes. On ne sera point étonné, par exemple, de trouver les Alains, à qui Aëtius donna des établissements dans le centre des Gaules vers l’année cinq cent quarante, désignés dans des auteurs différents, et quelquefois dans le même auteur, tantôt par le nom de Huns, tantôt par le nom d’Alains et quelquefois par celui de scythes. Tout ce que les écrivains du moyen âge rapportent de la
nation scythique, nous la représente entièrement semblable à ceux des
tartares qui habitent aujourd’hui son ancienne patrie. Ces écrivains donnent
à la nation scythique les mœurs et les usages qui distinguent les tartares
des autres peuples, parce qu’ils leur sont particuliers. Enfin la différence
spéciale que nos écrivains mettent entre les Huns, les Alains et les Teïfales,
est celle qui se trouve encore entre les tartares de Quand Jornandés fait le portrait d’Attila, c’est un tartare qu’il peint : ce prince, dit-il, avait le visage court,... Sidonius Apollinaris ayant occasion dans le panégyrique d’Anthémius de parler de nos scythes, il en fait un portrait semblable à celui qu’on vient de voir. Leur crâne, dit-il, se termine en pointe... Nous lisons encore dans Ammien Marcellin, et dans d’autres écrivains du cinquième siècle et du sixième, quelques détails concernant le pays et la manière de vivre des scythes de ce temps-là, et ces détails montrent que les moeurs et les usages de nos scythes étaient semblables à ceux de la plupart des tartares. Les scythes, ainsi que la plus grande partie des hordes des tartares, n’avaient d’autre domicile que des huttes construites sur des chariots, et s’il est permis de s’expliquer ainsi, souvent ils transportaient d’une contrée à l’autre ces bourgades ambulantes. C’était dans ces cabanes portatives que leurs femmes faisaient leurs couches, et qu’elles élevaient leurs enfants. Un des usages particuliers aux tartares, c’est quand ils ont faim, de saigner leurs chevaux, et d’en avaler le sang, tel qu’il est sorti de la veine, pour se sustenter. Les Huns, au rapport d’Isidore de Séville, faisaient la même chose. Tout le monde a entendu parler de la vitesse singulière des chevaux tartares, qui tout rosses qu’ils paraissent, fournissent néanmoins à des traites qui seraient impossibles aux meilleurs chevaux des autres pays. Vopiscus raconte qu’on présenta un jour à Probus un cheval pris à la guerre sur les Alains, ou sur quelque autre nation du pays où ce prince tenait alors la campagne, et que les captifs assuraient que cet animal, assez chétif en apparence, faisait cent milles ou trente-cinq lieues par jour, et qu’il pouvait faire chaque jour la même traite durant dix journées consécutives. Probus n’en voulut point, en disant que ce cheval était plutôt le fait d’un homme qui voulait s’enfuir, que la monture d’un homme qui voulait combattre. Si les tartares sont bons hommes de cheval, les Huns paraissaient des centaures. Ils tiraient de l’arc étant à cheval, avec autant de justesse que s’ils avaient eu les deux pieds sur terre ; et c’est ce qui les rendait la terreur des goths, qui presque tous étaient fantassins, et dont les armes principales étaient l’épée, et un javelot qu’ils ne savaient point lancer étant à cheval. Un endroit des plus curieux de l’histoire de la guerre de Justinien contre les ostrogots, c’est celui où Procope raconte un combat qui se donna dans le champ de mars, qui était encore du temps de cet historien hors des murs de Rome, entre les barbares dont nous parlons et les troupes de l’empereur. Voici celle des circonstances de cette action de guerre qui fait à notre sujet. Procope après avoir dit que Constantin qui commandait les romains, débanda des archers Huns sur un corps d’ostrogots, ajoute en appelant Massagètes ceux qu’il venait de nommer Huns. Les ennemis tournèrent le dos,... Ainsi que les tartares le pratiquent encore aujourd’hui, les Huns faisaient quelquefois semblant de fuir, afin que les escadrons ennemis se débandassent pour les suivre, et qu’ils pussent alors, en revenant à la charge, les trouver en désordre, et les attaquer avec avantage. Lorsque Agathias raconte que Narsès qui commandait pour Justinien en Italie, mit en oeuvre ce stratagème ; il dit que le général romain se servit d’une des ruses de guerre que les Huns pratiquent. Enfin, les auteurs du moyen âge reprochent aux nations scythiques les vices les plus infâmes dont on accuse aujourd’hui les tartares. |