Les successeurs de Constantin maintinrent la forme d’administration qu’il avait établie. Le préfet du prétoire et les officiers qui lui étaient subordonnés, ne commandèrent plus les troupes, et d’un autre côté le généralissime et ceux qui les commandaient sous lui, n’eurent plus l’administration des affaires de justice, de police et de finance. Environ dix-huit ans après la mort de Constantin Le Grand, son fils l’empereur Constance envoya Julien, si connu dans l’histoire sous le nom de Julien l’Apostat, et qu’il avait fait César, commander les armées dans les Gaules. Quoique Julien, en qualité de César, ou d’héritier présomptif de l’empire, pût prétendre à une autorité plus étendue que celle qu’un généralissime ordinaire aurait exercée en vertu de sa commission, cependant Julien n’osait rien décider concernant la levée des subsides et la subsistance des troupes. Quand il s’en mêlait, c’était par voie d’insinuation. C’était en faisant ses représentations à Florentius préfet du prétoire des Gaules, et qui avait en cette qualité le maniement des finances. Ce fut sans consulter auparavant Julien, que Florentius imposa un subside extraordinaire dont on pouvait se passer, et dont ce prince n’empêcha la levée qu’en s’adressant directement à l’empereur. Lorsque Julien qui craignait qu’on ne fît avec trop de rigueur le recouvrement des deniers publics dans la seconde Belgique qui venait d’essuyer plusieurs malheurs, souhaita que, contre l’usage pratiqué actuellement, on lui confiât le soin de faire lui-même ce recouvrement : Julien s’adressa au préfet du prétoire. Ce fut de Florentius que Julien obtint que ni les huissiers de la préfecture des Gaules, ni les huissiers du président ou du gouverneur particulier de la seconde Belgique, n’y pourraient faire aucune contrainte, et que la levée des subsides s’y ferait par ceux que Julien lui-même en aurait chargés. Dans un autre endroit Ammien Marcellin dit en faisant l’éloge de Constance : que ce prince avait une grande attention à contenir les officiers militaires... Si quelquefois il est arrivé qu’un des successeurs de Constantin ait jugé à propos de confier à ses officiers le pouvoir militaire et le pouvoir civil, dans la même province ; cette disposition quoique conforme à l’ancienne administration, a cependant été regardée comme une nouveauté. On l’a remarquée comme une chose extraordinaire. Ammien Marcellin ayant dit que Procope le tyran, avait conféré le proconsulat d’Asie à Hormisdas avec la faculté d’exercer à la fois dans sa province le pouvoir civil et le pouvoir militaire ; cet historien croit devoir avertir que cette disposition conforme à l’ancien usage, était contraire à l’usage actuellement suivi ; et il en avertit. Suivant la façon de penser des romains, qui croyaient que la profession des armes dût céder le pas à la dispensation des lois, la dignité de préfet du prétoire était encore après Constantin la charge la plus éminente que l’empereur conférât pour un temps illimité, et ceux qui s’en trouvaient revêtus, devaient quoiqu’on leur eût ôté le commandement des troupes, précéder dans l’occasion les généralissimes de leurs diocèses. Néanmoins il n’est pas étonnant qu’environ soixante ans après le nouvel établissement fait par Constantin, c’est-à-dire, à la fin du quatrième siècle, temps où Ammien Marcellin avait la plume à la main, les officiers civils eussent perdu une partie de la considération, et peut-être une partie du pouvoir qui leur était dû suivant les règles. Il est comme impossible que deux officiers qui ne sont point subordonnés l’un à l’autre, et dont l’un représente dans un département le souverain comme chef de la justice, quand l’autre l’y représente comme le chef des troupes, n’entreprennent point chacun sur les fonctions de son collègue, ou plutôt de son rival politique. Or ce qui arrive le plus ordinairement, c’est que les officiers militaires qui sont les plus audacieux et les plus forts, usurpent, sur tout dès qu’ils survient des troubles, les fonctions de ceux dont les dignités sont, pour ainsi dire, désarmées : on ne saurait croire que Constantin n’eût pas prévu cet inconvénient, et peut-être avait-ce été dans la vue de le prévenir, qu’il avait ôté le commandement des troupes aux anciens officiers dont la dignité connue depuis longtemps était universellement respectée, et qu’il avait pris le parti de confier ce commandement à des officiers moins accrédités, parce que leurs emplois seraient, pour parler ainsi, de nouvelle création. L’idée que nous avons de Constantin ne nous laisse point croire qu’il s’en fût tenu à cette précaution. Il avait sans doute recommandé très sérieusement à ses successeurs de ne jamais souffrir ces usurpations que la vigilance et l’inflexibilité du souverain pouvaient seules empêcher. Mais il parait en lisant Ammien Marcellin que les successeurs de Constantin avaient été trop négligents ou trop faciles. Il se faisait cependant de temps en temps quelques lois pour réprimer les usurpations des comtes militaires, et de leurs officiers supérieurs. En voici une qui fut publiée à ce sujet, vers la fin du quatrième siècle, par les empereurs Valentinien le jeune, Gratien et Théodose : les illustres comtes,... Ce que nous venons de dire instruit suffisamment des
fonctions du préfet du prétoire du diocèse des Gaules. Au commencement du
cinquième siècle, il faisait encore son séjour à Trèves, le premier lieu de
sa résidence. En effet, c’était la ville de son diocèse la plus considérable.
Trèves, dit Zosime, en parlant d’une chose qui n’est pas de notre sujet, est
la plus grande ville qui soit au-delà des Alpes. Zosime écrivait en orient,
et les Gaules à son égard étaient au-delà de ces montagnes. Il y avait sous
le préfet du prétoire du département des Gaules trois vicaires généraux, dont
l’un était pour les Gaules, le second pour l’Espagne, et le troisième pour Il faut mettre encore au nombre des officiers subordonnés au préfet du prétoire plusieurs personnes qui exerçaient dans les Gaules d’autres emplois civils. Tels étaient les quatre commis principaux que le trésorier général de l’empire d’occident avait dans les Gaules, et dont le premier se tenait à Lyon, le second à Arles, le troisième à Nîmes, et le quatrième à Trèves. Tels étaient encore les trois directeurs des monnaies des Gaules, dont l’une était à Lyon, l’autre à Arles, la troisième à Trèves, aussi bien que les directeurs des ateliers, où différents ouvriers entretenus par le prince, travaillaient pour son compte à divers ouvrages. Il y avait alors dans les Gaules six ateliers où l’on forgeait et fabriquait toutes sortes d’armes et de machines de guerre. Dans trois autres on travaillait en damasquineur. Cet art qui est aujourd’hui de peu d’usage, était alors en grande vogue, soit pour orner les armes, principalement les défensives, dont tout le monde, jusqu’au simple soldat, se couvrait, soit pour embellir les vases et les ustensiles de cuivre ou d’argent destinés au service domestique. Il y avait encore dans les Gaules six manufactures, entretenues par le prince, où l’on faisait des étoffes de laine, et une où l’on faisait des toiles. |