L'EMPEREUR CLAUDE

 

IX. — CLAUDE ÉPOUSE AGRIPPINE.

 

 

Détails sur cette princesse. Laie Pauline. Claude donne un roi aux Parthes. Troubles en Orient. Adoption de Néron par Claude. 49, 50[1].

 

Pendant les premiers temps qui suivirent la mort de Messaline Claude déclara ne pas vouloir se remarier. Il avait été, disait-il, trop malheureux jusqu'alors pour tenter le hasard d'une nouvelle union ; mais bientôt ce sentiment s'affaiblit chez lui ; il n'aimait pas à être seul, il avait besoin d'avoir auprès de lui quelqu'un à qui il pût se confier, une compagne, compagne officielle, qui l'accompagnât aux cérémonies et aux jeux publics, qui l'aidât enfin dans cette perpétuelle représentation de la majesté impériale. Son entourage le comprit et le sénat le pressant de se remarier pour oublier ses chagrins, pour donner une seconde mère aux enfants qui lui restaient, il finit par s'y décider. D'après le conseil de Narcisse, il songea d'abord à reprendre cette Ælia Pétina qu'il n'avait répudiée que pour de légers motifs, peut-être même que pour obéir à l'empereur alors régnant. Avec elle, il aurait repris la vie de sa jeunesse, son union avec Messaline n'aurait été qu'un mauvais rêve ; il aurait retrouvé le ménage de son adolescence, ses habitudes d'autrefois, une épouse à laquelle il était accoutumé : c'aurait été comme un rajeunissement de ses anciennes amours.

Caliste, l'affranchi de Caligula, avait proposé faiblement Lollia Paulina, première femme de Caligula et de plus puissamment riche.

Pallas de son côté voulait Agrippine[2] pour impératrice, et malheureusement Claude suivit ses avis, au lieu d'écouter les sages conseils de Narcisse.

L'union fatale fut décidée ; Agrippine d'ailleurs était aimée des Romains : c'était la fille de ce Germanicus, les délices du peuple, et de cette austère Agrippine qui sut être digne jusque dans la mort du grand nom de son époux. La seconde Agrippine, comme on l'appelait, n'avait pas les vertus de sa mère, mais elle en avait au moins les dehors austères ; elle était fière, adroite quoique violente ; certains auteurs l'ont accusée d'avarice ; mais l'orgueil, l'esprit de domination faisaient en somme le fond de son caractère ; un astrologue lui avait prédit que son fils Domitius (Néron) pourrait régner un jour, mais qu'alors il la tuerait. Qu'importe, avait-elle dit, qu'il me tue, mais qu'il règne ! Mariée déjà deux fois, d'abord à Domitius Ahénobarbus, puis à Passiénus qu'elle fit peut-être périr, elle était néanmoins encore jeune et encore belle ; froide de tempérament, la volupté n'était, disait-elle, qu'un moyen de parvenir et la beauté d'une femme que la rançon de son ambition.

Déjà elle avait tenté d'épouser Galba à qui l'empire avait été promis par Tibère qui se piquait de connaissances en astrologie. Elle l'avait même tellement poursuivi de ses avances que la vieille mère de Galba, indignée de son impudeur, l'avait un jour souffletée en plein Forum, injure dont Agrippine devenue impératrice eut le bon esprit de ne point tirer vengeance, ne voulant pas en renouveler le souvenir par le châtiment.

L'expression caractéristique de sa physionomie, c'était la fierté ; son regard était ferme et hardi, ses pommettes très-saillantes la faisaient paraître mieux de profil que de face : c'était du reste de profil qu'elle affectait toujours de se faire voir. Sa coiffure ordinaire, ainsi qu'on le peut voir sur ses camées et sur ses médailles, consistait en bandeaux ondulés ; de petites boucles frisées lui encadraient le front, le reste de la chevelure était tordu et rejeté en arrière sur le cou. Le caractère de sa figure aurait été tout à fait viril sans cette coiffure féminine qui l'adoucissait quelque peu.

Donner une telle femme à un homme doux et même un peu faible comme l'était Claude, c'était bien imprudent de la part d'un affranchi tenant à la faveur impériale ; il était fort à présumer qu'elle ne tarderait pas à avoir tout empire sur l'esprit de son mari : Tacite a cherché à expliquer le fait en donnant à Agrippine Pallas pour amant. Du reste, Agrippine faisait de son côté tous ses efforts pour attirer sur elle le choix de l'empereur. Un vieil historien, Jean Tristan, seigneur de saint Amant et du Puy-d'amour, raconte naïvement, à la manière d'Amyot, les coquetteries de la future impératrice. Elle jouait dextrement et accortement son roollet, car même congnoissant que Claude estoit aisé à surprendre par les attraits, mignardises et carresses de celles qu'il trouvoit belles, se congnoissant avoir toutes les qualités propres pour l'amorcer, elle le visitoit plus soigneusement que les autres, lui tesmoignoit par la permission de quelques carresses qu'elle lui accordoit et laissoit prendre qu'elle désiroit merveilleusement son alliance et sa compagnie, si bien que le bonhomme en devint si affublé qu'il ne put plus défendre qu'il ne l'espousât et la préférât à toutes autres.

Mais une grave difficulté s'opposa d'abord à ce mariage ; Agrippine, fille de Germanicus, était par conséquent la nièce de Claude, et les lois romaines défendaient expressément les mariages entre oncle et nièce, entre tante et neveu. Claude, malgré son amour, recula longtemps devant cette union qu'il regardait comme incestueuse ; enfin Vitellius, devenu l'ami d'Agrippine, obtint de la complaisance du sénat un décret qui autorisait ce genre d'hymen ; bien plus, les sénateurs déclarèrent qu'ils iraient en corps supplier l'empereur d'épouser Agrippine. Elle-même trouva un chevalier romain et un centurion primipilaire qui voulurent bien s'unir avec leur nièce. Dès lors, il n'y eut plus d'obstacle, et le mariage de Tibérius Claudius César avec Julia Agrippina fut proclamé dans le Forum. La première partie de la prédiction de l'astrologue était bien près de s'accomplir ; Agrippine régnait.

Elle régnait bien réellement ; maîtresse incontestée du cœur de Claude, par le droit de sa jeunesse et le droit de sa beauté, crainte du sénat, aimée du peuple qui avait pour elle une de ces affections irréfléchies si fréquentes dans les masses, Agrippine était véritablement la souveraine de Rome et du monde romain. Elle voulut que son fils Domitius[3] épousât la fille de Claude, Octavie, déjà fiancée à Silanus. Silanus, jusqu'alors chéri de l'empereur, est brusquement disgracié ; on l'accuse d'être l'amant de sa propre sœur, et dans sa douleur il se donne la mort. Gagné par Agrippine, Memmius Pollion, consul désigné, propose au sénat de prier Claude de bien vouloir fiancer Octavie au fils de la nouvelle impératrice pour resserrer encore les liens qui unissent l'empereur et sa compagne ; Claude, pressé de toute part, consent à ce mariage ; à cette occasion des fêtes sont données au peuple, une amnistie est proclamée, et une rapide galère va chercher en Corse l'exilé Sénèque, dont Agrippine, la sœur de Julia, veut faire le gouverneur de son fils, le connaissant assez pour savoir qu'elle trouverait en lui, quand serait venu le moment des suprêmes intrigues, un conseiller et au besoin même un complice.

Agrippine avait la prétention d'avoir conservé l'austérité des anciens temps : au lieu de se parer comme Messaline, elle affectait au contraire une tenue digne et sévère, ses goûts paraissaient simples, elle semblait mépriser ce que recherchait la précédente impératrice, les joyaux, les meubles de prix, les riches étoffes.

Son principal luxe était sa volière, et ce luxe était bien vu de ce peuple romain qui avait tellement la passion des oiseaux, qu'il fit à un corbeau tué par un cordonnier les mêmes funérailles qu'à un personnage consulaire, après avoir préalablement mis à mort le meurtrier. La grive d'Agrippine, qui parlait distinctement, était célèbre dans toute l'Italie ; non moins connus étaient son rossignol blanc qui fut payé 6.000 sesterces (1.223 fr. 34 c.) et ses perruches vertes à collier, la seule espèce alors connue, qui saluaient gravement l'empereur et les magistrats. Outre cette distraction, elle se plaisait à écrire ; elle avait même commencé ses commentaires, histoire de sa vie qu'admirait fort le bon Claude, et auxquels Tacite du reste n'a pas dédaigné de faire quelques emprunts. En peu de temps l'aspect de la cour impériale fut entièrement changé, les jeunes patriciens débauchés, les femmes élégantes et faciles en furent sévèrement bannis ; au lieu du mime Mnester et des histrions dont aimait à s'entourer la précédente impératrice, on ne rencontrait sous les arcades de Tibère, la promenade principale du Palatin, que des philosophes à mine renfrognée, ayant comme Sénèque, l'air grossier, la tournure pédante, masque de stoïcien sous lequel se cachait souvent la plus immonde corruption. Logé au palais pour surveiller l'éducation de cet élève qui devait être Néron, Sénèque, grâce à son talent oratoire, à ses dehors sévères, à sa tournure affectée de philosophe avait su rapidement gagner les bonnes grâces du prince ; Claude, qui ne prisait rien tant que l'éloquence et l'instruction, membre distingué lui-même de l'académie de Lyon fondée par Caligula, Claude le fit nommer préteur. Il aimait à s'entretenir avec lui et l'artificieux précepteur profitait déjà de ces conversations pour faire l'éloge de son élève, et pour insinuer à l'empereur que le fils de Messaline pourrait bien n'être pas du sang des Claudius.

La faveur d'Agrippine croissait tous les jours ; elle avait su charmer, non-seulement par sa beauté, mais encore par la réelle distinction de son esprit, le cœur et la tête de son mari ; il ne pouvait plus se passer d'elle ; aux réceptions d'ambassadeurs, de princes étrangers, Agrippine s'asseyait aux côtés de son mari, ce que Livie osait à peine faire auprès d'Auguste. Bien plus, elle obtint du sénat le droit de prendre place auprès de l'empereur dans le tribunal d'où il rendait la justice. Partout on la voyait, assistant aux conseils, recevant les félicitations des rois et des princes, les supplications des alliés, y répondant en son nom comme au nom de son époux : on eût dit qu'elle voulait habituer l'univers à sa domination future.

Jalouse de son empire, elle eut le soin de faire disparaître toutes celles qui auraient pu être ses rivales. Lollia Paulina était célèbre par sa beauté et par sa richesse ; on l'avait vue à un souper porter une parure de perles et d'émeraudes du prix de quarante millions de sesterces (8.151.666 fr. 80 c.). De plus elle avait dans la bouche une double dent canine, ce que la superstitieuse antiquité considérait comme un signe assuré de domination, Calliste enfin avait voulu la faire épouser à Claude : il faut que Lollia meure. Elle a laissé échapper quelques mots d'impatience, elle a consulté des astrologues pour savoir quand finiraient le règne et la vie de l'empereur. En voilà assez pour baser une accusation de haute trahison. Le sénat, dévoué par crainte à Agrippine, demande la mort de Lollia. Mais cette fois encore Claude refusa de faire périr l'accusée ; il se contenta de la bannir de l'Italie. La malheureuse n'y gagna pas grand'chose : quelques mois plus tard elle était assassinée.

Calpurnie avait dîné à la table impériale : était-ce cette Calpurnie qui à Ostie avait dénoncé Messaline, nous l'ignorons. Claude l'avait louée de sa beauté, plutôt par politesse que par amour : Calpurnie mourut. Décidément Agrippine ne valait guère mieux que Messaline.

Les événements intérieurs du palais ne doivent pas nous faire négliger l'histoire de la politique extérieure. Trois faits d'une certaine importance doivent être au moins brièvement rapportés.

La Judée, théâtre de troubles perpétuels, fut réunie, afin de lui enlever le peu d'autonomie qu'elle avait conservée, à la province de Syrie ; plus tard du reste, en l'an 53, la partie septentrionale de la Terre-Sainte fut donnée à Hérode de Chalcis, en échange de sa principauté, et à titre de tétrarchie. La même année qui vit réunir la Judée à. la Syrie vit aussi l'expulsion des Juifs de Rome, dont ils furent impitoyablement chassés, nous ignorons pour quelle cause. Le roi des Parthes, Vardane, prince rempli de sagesse et de modération, fut tué et remplacé par son frère Gotarze, à qui il avait cependant cédé bénévolement, par suite d'un arrangement de famille, la principauté d'Hyrcanie. Mais Gotarze traita ses sujets avec tant de cruauté qu'ils dépêchèrent secrètement des envoyés auprès de Claude pour le supplier d'avoir pitié d'eux et de les délivrer de leur barbare souverain. Claude, selon son habitude, avait à sa cour un roi tout prêt pour eux ; c'était Méherdate, fils de Vonone, petit-fils de Phraate qui avait régné sur les Parthes sous le règne d'Auguste. Cassius, gouverneur de Syrie, eut l'ordre de soutenir Méherdate, mais après d'heureux débuts, ce malheureux prince tomba dans les mains de Gotarze qui le fit mutiler cruellement. Néanmoins le but de Claude était atteint : affaiblis par la guerre civile, les Parthes ne songèrent pas à attaquer l'empire, et les provinces limitrophes de la domination parthique purent jouir d'un repos dont elles n'étaient pas habituées à connaître les douceurs.

 

Cotys, que nous avons vu choisir en l'an 47 par l'empereur Claude pour remplacer Mithridate sur le trône du Bosphore, fut soudainement attaqué par ce rival aidé de toutes les forces de Zosine, roi des Siraques. Mais Claude n'abandonna pas son protégé ; trop intelligent pour tenter les hasards d'une guerre avec la puissante et belliqueuse nation des Parthes, il comprenait qu'il était de son intérêt d'avoir justement non loin des frontières menacées constamment par ce peuple guerrier de petits rois qui lui fussent dévoués. Julius Aquila, chevalier romain, se mit, par ordre de l'empereur, à la tête de l'armée de Cotys ; des secours lui furent envoyés par les gouverneurs des provinces voisines ; les troupes indisciplinées de Mithridate et du roi des Siraques furent bientôt mises en déroute. Poussé au désespoir, abandonné de tous les siens, Mithridate fit solliciter son pardon auprès de l'empereur par l'entremise d'Eunone, roi des Adorses ; il offrait de se rendre aux Romains pourvu qu'il ne fût pas traîné en triomphe. Claude lui accorda cette grâce, en disant qu'il y avait gloire à triompher d'un roi puissant et non d'un suppliant, et l'ancien roi du Bosphore vint vivre obscurément à Rome, où l'empereur Galba le fit tuer plus tard pour se venger de quelques railleries innocentes.

Quant à Zosine, il s'humilia devant la puissance romaine, il implora son pardon avec force protestations de fidélité pour l'avenir. Sa puissance ne paraissait pas bien redoutable et l'empereur Claude laissa régner cet ennemi vaincu.

Claude avait déjà conquis la Mauritanie et la Bretagne : il crut à juste titre pouvoir reculer le Pomœrium, suivant l'ancien usage qui permettait à ceux qui avaient reculé les bornes de l'empire de reculer également les bornes de la ville.

 

Il y avait moins d'un an qu'Agrippine était devenue la femme de Claude, et déjà elle avait fait un rapide chemin vers le but suprême de son ambition, introduire son fils dans la maison des Césars, être mère d'empereur, comme elle en était déjà petite-fille, femme et nièce. Domitius est déjà le gendre désigné de Claude : il sera mieux, il va devenir son fils et son fils aîné. Depuis longtemps déjà Agrippine et Sénèque avaient inspiré à l'empereur des craintes sur la légitimité de Britannicus, et vraiment la conduite de Messaline avait été assez peu édifiante pour qu'on pût avoir quelques doutes à ce sujet. Auguste, lui disaient-ils, avait appelé aux plus hautes faveurs, avait jugé digne de sa succession, le fils de sa femme, Tibère, bien qu'il eût des petits-fils nés de son sang. Tibère, père de Drusus, avait cependant adopté Germanicus : Domitius, le fils d'Agrippine, était par sa mère du sang du divin Auguste, il allait être en âge d'aider l'empereur dans ses travaux, et, sans même vouloir attaquer la naissance de Britannicus, Domitius devenu son frère ne serait qu'un appui pour lui. Pallas surtout, en rivalité avec Narcisse le protecteur de Britannicus et le partisan de ses droits, pressait vivement Claude d'adopter Domitius, Agrippine mettait en jeu toute son habileté, toutes ses richesses pour arriver à ce résultat si désiré. Elle l'emporta : son fils entra dans la famille Claudia avec le surnom de Néron ; un décret du sénat sanctionna cette adoption. Il y avait près de six cents ans, depuis le vieil Atta Clausus, que le nom des Claudius s'était transmis de père en fils pur de toute adoption. Un autre décret donna à Agrippine le surnom d'Augusta qu'avait porté Livie.

L'adoption donnant tous les droits d'enfant légitime, Néron, plus âgé de deux ans que Britannicus, était donc devenu le fils aîné de l'empereur. Le jour même où la nouvelle en fut annoncée au peuple réuni sur le Forum, le ciel parut subitement couleur de sang, de nos jours ce serait simplement un phénomène météorologique, du temps de Claude, c'était un présage.

Mais ce présage fit peu d'effet sur l'armée et sur le peuple. Néron distribuait, pour fêter son adoption, le donativum à chaque soldat, le congiarium à chaque citoyen, et l'éclat des pièces d'or fit pâlir aux yeux de tout ce peuple de vendus l'éclat du ciel irrité !

Domitius devenu Claudius Néro était l'astre levant, tout le monde se tourna vers lui, Britannicus se vit délaissé ; Narcisse seul essayait de temps en temps de le voir et de lui parler ; mais Agrippine veillait : Britannicus fut relégué dans une partie écartée du palais, on lui enleva son ancien gouverneur, et le soin de son éducation fut confié à des créatures de l'impératrice. Claude, aigri contre lui, supportait à peine sa présence ; jusqu'alors il avait toujours soupé avec ses enfants assis au pied de son lit ; Britannicus n'y parut plus qu'à de longs intervalles, et Néron prit sa place entre Antonia et Octavie. Aux jeux donnés au peuple pour célébrer l'adoption, Néron avait paru dans la loge des Césars, revêtu de la robe triomphale, tandis que Britannicus, que son père avait toujours eu l'habitude de tenir sur ses genoux dans toutes les cérémonies, était relégué en arrière, couvert encore des vêtements de l'enfance. Bien que très-jeune, il avait compris son infortune ; il haïssait cet intrus qui lui prenait sa place et partageait son nom. Quand il le rencontrait, il affectait de ne l'appeler que Domitius Ahénobarbus ; Agrippine s'en plaignit plusieurs fois à l'empereur, et Britannicus se vit contraint de traiter en frère le fils de sa marâtre.

Au dehors, l'empire était toujours fort et respecté. Les Cattes, peuple belliqueux de la Germanie, furent vaincus par Pomponius, non moins célèbre alors comme poète que comme général. Une colonie de vétérans fut, établie dans la ville des Ubiens où était née Agrippine ; destinée à acquérir une grande importance, cette place défendait une partie du cours du Rhin, en cas de guerre en Germanie elle offrait un lieu de refuge et une base d'opération ; en temps de paix ce devait être l'entrepôt de tout le commerce avec le peuples des Sicambres, des Teuctères, des Matdagues, etc., et, comme pour porter aux extrémités de l'empire le nom et la réputation d'Agrippine, Claude nomma la nouvelle ville la colonie d'Agrippine, Colonia Agrippinæ, aujourd'hui Cologne.

Un des chefs de la nation des Suèves, chassé par ses sujets, obtint un asile de Claude, qui, fidèle à sa politique vis-à-vis des barbares, trouvait plus avantageux d'avoir auprès de lui des prétendants dévoués à l'influence romaine que des otages exigés par la force.

 

 

 



[1] Tacite, Annales, l. 12, § 1 et suivants. — Suétone, Claude. — Onuphre, In fast. — Orose, l. VII. — Josèphe, Antiq., l. XX. — Zonaras, Vit. Cl. — Apollonii Tyanœi Vita per Philostratum, Paris, 1608, c. 15, 19. — Eckel, Doctrina nummorum, passim. Actes des Apôtres, 18.

[2] Agrippine était fille de Germanicus et de la première Agrippine, qui était fille elle-même de Vipsanius Agrippa et de Julie fille d'Auguste. Tout le monde connaît la façon tragique dont périt la mère de Néron.

[3] Néro était un surnom depuis longtemps en usage dans la famille des Claudius : il avait été porté entre autres par Claudius Néro le vainqueur d'Asdrubal. Aulu-Gelle (XIII, 22) dit que l'origine de ce surnom est sabine, le mot sabin (nério) signifiant valeur, courage ; les grecs appelaient νεϋρα les attaches des membres d'où le mot latin nervi. Νεϋρα a peut-être formé nerio et Nero.