LA FRONDE ANGEVINE

TABLEAU DE LA VIE MUNICIPALE AU XVIIe SIÈCLE

 

CHAPITRE XI.

 

 

Anne d'Autriche et Mazarin à Saumur. — Opérations de l'armée royale. — Siège et capitulation d'Angers. (Février-mars 1652.)

 

Prise entre Rohan-Chabot et Condé, menacée par le duc d'Orléans du soulèvement de Paris, la Cour était perdue si le cardinal Mazarin ne fût enfin venu à son secours. L'ancien ministre avait mis à profit les derniers temps de son exil pour lever une armée. Plusieurs milliers d'Allemands et de Polonais, enrôlés à son service et parés de ses couleurs, lui avaient permis de rentrer en France sans trop redouter l'effet des menaces parlementaires. Ces étrangers ne partageaient nullement les passions politiques qui agitaient alors le royaume. C'étaient en général de vieux soldats. Ne voyant dans la guerre qu'une entreprise à forfait, ils étaient prêts à la faire de leur mieux pour le parti qui les payait. Mazarin pouvait donc compter sur eux. Malheureusement, ces routiers, dont l'avidité n'épargnait pas plus les amis que les ennemis, allaient augmenter les misères de notre pays en le pillant avec une brutalité inouïe même à cette époque[1].

Pour les commander, le cardinal avait trouvé un vrai condottiere, le maréchal d'Hocquincourt. Soldat énergique et politique sans consistance, ce personnage avait rendu des services à tous les partis et n'avait su s'attacher à aucun. Caractère altier, cœur sensible, esprit original, il aimait par-dessus tout la guerre, après la guerre Mme de Montbazon, et après Mme de Montbazon la philosophie[2]. C'est pour plaire à sa maîtresse qu'il s'était jeté dans la Fronde, en 1649 ; c'est pour la belle des belles qu'il était allé s'emparer de Péronne. Plus tard, de nouvelles amours l'avaient brouillé personnellement avec M. le Prince. Il s'était donné corps et âme à la Cour, avait hardiment proposé de faire tuer Condé. C'était l'homme des colins de main et des résolutions violentes[3]. Peu d'années après, grâce à une nouvelle palinodie, il devait passer à l'ennemi et mourir honteusement dans les rangs espagnols. En attendant, et sans cesser apparemment de le surveiller, Mazarin se servait de lui. D'Hocquincourt était brave, hasardeux. Son intérêt et ses passions lui commandaient dans le moment d'être fidèle. Deux lieutenants éprouvés menaient, sous ses ordres, la petite armée du cardinal. C'étaient les comtes de Navailles et de Broglio, ce dernier originaire d'Italie comme Mazarin et inviolablement attaché à sa fortune.

Entouré de ses soldats, le favori d'Anne d'Autriche put braver les fureurs populaires et traverser sans accident la plus grande partie du royaume. Il était peut-être moins pressé de rentrer au ministère que la reine-mère n'était impatiente de le revoir. Quand il approcha de Poitiers, cette princesse ne put contenir sa joie. Elle resta plusieurs heures à sa fenêtre pour le voir arriver de loin. Elle serait allée au-devant de lui si sa dignité ne lui eût interdit cette démarche. Elle envoya du moins sur la route le jeune roi, qui fit plus d'une lieue au-devant du cardinal et l'amena presque triomphalement dans la ville[4]. Inutile d'ajouter que Mazarin reprit immédiatement sa place dans le Conseil et redevint à la face de la France ce qu'il n'avait pas cessé d'être en secret, c'est-à-dire chef du ministère (28 janvier 1652).

Son retour était un avantage considérable pour la cause royale. Grâce aux ressources infinies de son esprit non moins qu'aux troupes qu'il amenait, la Cour pouvait reprendre l'offensive sur plusieurs points et menacer à la fois tous ses adversaires. Mais de quel côté devait-elle diriger ses principaux efforts ? Le renfort qu'elle venait de recevoir allait-il être porté vers la Guyenne ou vers l'Anjou ? Le ministère s'attacherait-il avant tout à écraser Condé ? Négligerait-il Rohan ? Ou partagerait-il ses forces de façon à lutter en même temps contre ces deux ennemis ?

Ces questions furent posées dans le Conseil peu d'heures après le retour de Mazarin, et tout d'abord elles y provoquèrent une scission. Le marquis de Châteauneuf, ancien frondeur, ennemi de Coudé et du cardinal, avait tenu la première place dans le cabinet jusqu'à l'arrivée de ce dernier. Dépité de n'occuper plus que la seconde, il proposa un parti, qui, pour avoir sa raison d'être, n'en devait pas moins déplaire profondément à son rival. C'était de marcher sur Bordeaux avec toutes les forces disponibles, sans se préoccuper de la rébellion angevine. Condé une fois battu, Rohan s'empresserait de se soumettre. Mais le cardinal jugeait, fort sainement, que, s'enfoncer dans le Midi, c'était laisser à toutes les provinces du Nord le temps d'imiter l'Anjou, permettre au duc de Nemours d'opérer sa jonction avec Beaufort, à tous les deux d'occuper la ligne de la Loire, et à Paris de s'insurger. Or il fallait avant tout, suivant lui, se rapprocher de la capitale, afin de pouvoir ou la réduire ou l'intimider assez pour qu'elle n'osât pas se déclarer en faveur des princes. Sans cesser de refouler Condé en Guyenne, la Cour devait consacrer le gros de ses forces à prendre à revers Rohan, Beaufort et Nemours. Ces trois chefs vaincus ou seulement arrêtés, c'était assez pour que la France, provoquée par le Parlement à la guerre civile, hésitât à s'y précipiter, pour que le Parlement lui-même revînt sur ses premières déclarations. C'était en tout cas gagner du temps ; et la devise du cardinal était : Le temps et moi.

Châteauneuf, qui avait vu d'abord son projet adopté, montra beaucoup de dépit quand il apprit que la reine-mère avait changé d'avis. Turenne et son frère Bouillon, récemment rebelles, maintenant tout dévoués à la cause royale, offraient leurs services à la Cour. L'épée du premier surtout était précieuse. Le cardinal n'eut pas de peine à démontrer à la reine que ce grand capitaine ne pouvait être employé nulle part plus utilement que sur la Loire. Pendant que le comte d'Harcourt tiendrait tête à M. le Prince sur la Dordogne et la Garonne, on l'emploierait à contenir Nemours et Beaufort ; d'Hocquincourt irait faire dans le même temps le siège d'Angers. Celle ville prise, la Cour enverrait à Turenne les troupes dont elle pourrait disposer. Puis elle se rapprocherait de Paris[5]. Mazarin ne pensait pas, du reste, qu'Angers dût retenir bien longtemps ses soldats. Plusieurs magistrats, chassés par Rohan ou fuyant sa colère, étaient venus à Poitiers et avaient dit bien haut que cette place ne tiendrait pas devant l'armée royale. Elle n'était, d'après eux, dominée que par le gouverneur et une poignée de factieux ; l'immense majorité des habitants était dévouée au gouvernement. Les Angevins ne demandaient qu'à prouver leur fidélité. Paralysés par un tyran, ils allaient retrouver tout leur courage à l'approche de d'Hocquincourt, se soulever contre Rohan, ouvrir leurs portes, fêter le roi et sans doute aussi le cardinal[6].

La reine-mère décida donc que l'armée amenée par Mazarin serait employée à la reprise d'Angers. Châteauneuf, froissé, offrit sa démission. Anne d'Autriche l'accepta. Le cardinal demeura sans conteste chef du Conseil ; et le 3 février 1652[7], la Cour quitta Poitiers et se dirigea vers la capitale de l'Anjou.

C'est à Saumur que Louis XIV et sa mère vinrent fixer, pour quelques semaines, le siège de leur gouvernement. Le choix de cette ville, dû sans doute à Mazarin, était assez heureux. Saumur, en effet, était assez près d'Angers pour que la Cour pût à toute heure apprendre les moindres incidents du siège, s'entendre avec d'Hocquincourt, lui envoyer des renforts. Puis cette ville commandait un des passages les plus importants de la Loire. Par elle on surveillait une partie du fleuve, on restait en communication avec le Midi et on tendait la main à Turenne. Enfin la place n'avait rien à redouter d'un coup de main. La personne du roi y était en sûreté ; le château de Saumur était considéré comme très-fort ; et les habitants de la ville, qui avaient montré en -1650 tant de fidélité[8], devaient être fiers de posséder le gouvernement et désireux de le défendre.

Les Saumurois furent en effet flattés de la préférence qui leur avait été accordée. Ils virent avec plaisir au milieu d'eux une reine généreuse, encore belle, et dont l'infortune faisait oublier toutes les fautes. Anne d'Autriche, par gratitude autant que par calcul, se montra douce et accessible à ce bon peuple. Très-fière de ses enfants, et surtout de l'aîné, elle aimait à faire admirer la grâce et les royales manières du jeune Louis XIV. Elle le conduisit un jour au couvent de la Fidélité — si fort éprouvé pendant les troubles de 1650 —, voulut qu'il y entendît la messe, et, après l'office, le fit approcher de la grille du chœur, disant aux religieuses qu'elle l'avait engagé à venir, afin qu'en le voyant, elles fussent animées à prier pour lui[9].

Cette reine ne vit pas seulement les Saumurois s'unir cordialement à ses prières. Elle eut aussi la joie de rencontrer parmi eux le noble évêque d'Angers, qui, au premier bruit de son voyage, était venu lui offrir son concours. Henri Arnauld trouva en elle une confiance et une faveur dont il ne profita plus tard que pour protéger contre la royauté victorieuse les rebelles désarmés. Mais si le digne prélat ne devait avoir pour les vaincus que sollicitude et pitié, il ne cessa, tant que la révolte dura, de protester contre elle. Le mandement qu'il donna à Notre-Dame-des-Ardilliers, près Saumur, le 7 février 1652, nous le montre fort affligé d'un soulèvement qu'il jugeait criminel et qui allait attirer de nouveaux malheurs sur la province d'Anjou. Il n'omet rien de ce qui peut détacher les Angevins du parti des princes, les ramener à la soumission. Comme le dessein de Sa Majesté, dit-il, n'est pas d'éteindre ce feu par le sang de ses sujets, entre lesquels nous sommes obligez de lui rendre ce témoignage, que le plus grand nombre est toujours demeuré ferme dans la fidélité qui luy est dette, les autres, par une facilité digne de compassion, s'étant laissé ébranler par les impostures dont on s'est servy pour les surprendre : Nous devons sans doute coopérer à ses intentions par nos prières... Suivent des prescriptions à tous les prêtres du diocèse, auxquels l'évêque enjoint d'exciter fortement les peuples à se conformer à nos sentimens et à nos intentions, leur déclarans que comme la justice de Sa Majesté punira sévèrement ceux qui luy seront rebelles, ils doivent croire aussy que s'ils n'écoutent la voix de l'Église, ils nous forceront d'en tirer le glaive et de leur faire sentir le poids de ses censures[10].

Mais les armes spirituelles ne suffisaient pas pour ramener à l'obéissance une population révoltée, qui croyait avoir le droit de son côté. Les Angevins s'étaient trop avancés dans la rébellion pour reculer sans combattre. Du reste, les foudres épiscopales les effrayaient peu ; car dans leur ville une bonne partie du clergé faisait cause commune avec le parti populaire. La Cour dut donc, sans dédaigner l'assistance morale d'Henri Arnauld, se mettre en mesure de réduire par la force la ville révoltée. Dès les premiers jours de février, les ministres adoptèrent un plan de campagne dont l'efficacité leur parut devoir être très-prompte. Ils résolurent de faire converger toutes les forces dont ils pouvaient disposer dans la province vers Angers, qui en occupait le centre. Ils voulaient former autour de Rohan-Chabot un cercle de fer qui, se resserrant peu à peu et l'isolant du reste de la France, le réduisît à périr ou à se rendre. Le maréchal d'Hocquincourt, avec le gros de ses troupes, devait descendre la Loire et déboucher devant Angers par les grandes plaines de Sorges et de Trélazé. Ses deux lieutenants eurent pour mission d'opérer sur ses ailes. Navailles, appuyant sur la droite, fut chargé d'éclairer la partie de l'Anjou qui avoisine le Bas-Maine, sans doute pour surveiller Beaufort, dont l'arrivée était imminente ; s'il ne rencontrait pas de résistance sur sa route, il devait se rabattre par Baugé sur Angers, qu'il bloquerait au nord-est, pendant que son chef la tiendrait assiégée au sud-est. A gauche, le comte de Broglio mènerait quelques régiments jusqu'à Chalonnes, ville située sur la Loire à quelques lieues au-dessous des Ponts-de-Cé[11]. Il y attendrait un convoi de poudre et d'artillerie que le maréchal de la Meilleraye, gouverneur de Bretagne, devait lui envoyer par eau. Les canons, qui manquaient à l'armée royale, étaient nécessaires pour battre la place au cas où sa résistance menacerait de se prolonger. Dès que la flottille serait arrivée, Broglio l'escorterait jusqu'à la Pointe, lieu où la Maine tombe dans la Loire, et s'emparerait de cette position. Les bateaux pourraient alors remonter jusqu'aux portes d'Angers. Les pièces seraient mises en batterie des deux côtés de la rivière et Broglio commencerait à investir la Doutre, c'est-à-dire la partie occidentale de la ville, située sur la rive droite de la Maine. La Meilleraye avait ordre d'occuper dans le même temps les places du Bas-Anjou et de couper les communications de Rohan avec la Bretagne. Enfin, dans le nord de la province, quelques seigneurs dévoués à la cause royale, les La Varenne, les du Bellay, les Chambellay, devaient réunir tous leurs amis, descendre par les vallées de l'Oudon, de la Mayenne, de la Sarthe et du Loir, et venir compléter la ligne d'investissement[12].

Si tous ces mouvements s'exécutaient sans retard et avec ensemble, les Angevins paraissaient perdus. Les opérations furent, il faut le dire, poussées au début avec une promptitude et une énergie de mauvais augure pour les rebelles. Les bandes polonaises et allemandes de d'Hocquincourt, pillant et dévastant tout sur leur passage, se montrèrent, dès le 8 février, à Sainte-Gemmes, Sorges, Trélazé, Saint-Léonard, c'est-à-dire à moins d'une lieue d'Angers[13]. Les habitants de ces villages s'enfuirent éperdus, emportant le peu qu'ils pouvaient sauver de leurs meubles et de leurs effets. Dans le même temps, Navailles balayait tout le territoire compris entre Saumur et la Flèche. Maîtres de Baugé, ses soldats s'y comportèrent avec si peu de modération que l'un d'eux fut tué par les habitants. La ville fut aussitôt menacée d'une exécution militaire. L'incendie, le pillage, le viol, le meurtre allaient être déchaînés. Une simple religieuse préserva Baugé de toutes ces horreurs. On l'appelait sœur de la Haie. Elle était venue peu auparavant fonder dans cette ville un hôpital ; elle y était restée pour soigner les malades. Dissimulant avec soin son origine, elle avait voulu jusqu'alors vivre humble et cachée, faire le bien sans éclat. Les habitants de Baugé n'apprirent que par l'heureuse démarche qu'elle fit en leur faveur la haute naissance de Mlle de Melun[14]. Grâce à cette sainte fille, les troupes de Navailles continuèrent leur route sans commettre trop de violences. Elles arrivèrent en vue d'Angers fort peu de temps après celles du maréchal. A ce moment, Broglio se dirigeait vers Chalonnes[15], et les seigneurs du parti royal commençaient à se grouper au Lion-d'Angers[16].

Les préparatifs d'attaque et les premières opérations de Mazarin n'eurent pas pour effet d'intimider la ville rebelle. Encouragés par leur gouverneur, qui faisait bonne contenance et leur promettait un prompt secours de Beaufort, les Angevins se disposaient à soutenir vigoureusement le siège. L'assiette assez forte de leur place et le défaut de canons dans l'armée royale leur donnaient l'espoir de résister victorieusement à tous les assauts. La Maine, qui traverse Angers du Nord au Sud, était barrée en amont et en aval par des chaînes et des estacades. La ville proprement dite, située sur la rive gauche do ce cours d'eau, était entourée d'une muraille continue, dont l'emplacement est aujourd'hui indiqué par la ligne des boulevards. Ce rempart, protégé par un large fossé, et, du reste, assez fort pour ne pas redouter d'escalade, était percé de trois portes — Saint-Michel-du-Tertre, Saint-Aubin et Toussaint —, que des ouvrages avancés mettaient à l'abri de toute surprise. La portion méridionale de la muraille se reliait au château, vaste et importante construction féodale, qui constituait à elle seule une place forte capable de résister indépendamment de la ville. Cette vieille forteresse, encore solide, dominait, de ses dix-sept grosses tours, la cité, la rivière et la campagne. De l'autre côté de la Maine s'étendait la foutre, portion d'Angers plus petite que la première, entourée comme elle d'un rempart et communiquant avec le dehors par les deux portes Saint-Nicolas et Lyonnaise. H faut ajouter à ces moyens de défense de vastes faubourgs — Reculée, l'Esvière, Saint-Laud, Bressigny, Saint-Samson, Saint-Michel, sur la rive gauche de la Gauvain, Saint-Lazare, Saint-Jacques sur la rive droite —, qui, bien barricadés, pouvaient arrêter quelque temps l'ennemi, et un certain nombre d'établissements religieux, comme les abbayes de Saint-Nicolas et de Saint-Serge, qui couvraient les approches de la ville. On ne peut donc s'étonner que les Angevins, ignorant le plan militaire de la Cour, aient cru pouvoir défier les efforts d'une armée qu'ils savaient, au début, dépourvue d'artillerie[17].

Les murailles, d'ailleurs, ne constituaient pas la seule force d'Angers. Il ne manquait pas de soldats pour les défendre. Dès le 4 février, les compagnies bourgeoises, équipées, armées en guerre, passées en revue par Rohan-Chabot, avaient été mises au complet[18]. En temps ordinaire, elles formaient un effectif de 2.000 à 2.500 hommes[19]. Ce n'est pas exagérer que d'évaluer à 4.000 le nombre des combattants qu'elles durent fournir dans ce moment de crise. La population d'Angers était alors — suivant l'historien Roger — d'environ 50.000 âmes, et l'on ne doit pas oublier qu'elle s'était déclarée presque tout entière pour la rébellion. Le duc de Rohan venait, du reste, de lever pour son compte, soit dans la ville, soit aux environs, un régiment d'infanterie et un de cavalerie, qui ne se confondirent jamais avec la milice municipale. Bientôt, les écoliers bretons de l'Université, poussés sans doute par le docteur Voisin, et des jeunes gens appartenant aux meilleures familles d'Angers s'équipèrent à leurs frais et formèrent un beau corps de 600 volontaires à cheval[20]. C'était une troupe d'élite, pleine d'ardeur, fort propre à opérer des sorties et à harceler l'ennemi. L'armée rebelle comptait donc, dès le commencement de février, 6 à 7.000 hommes, c'est-à-dire autant que le corps principal du maréchal d'Hocquincourt. Elle en compta peu après bien davantage, par les renforts que lui amenèrent les seigneurs angevins du parti de M. le Prince. Ces gentilshommes avaient levé le ban et l'arrière-ban de leurs amis et de leurs vassaux ; chacun d'eux, après avoir bien garni son château[21], conduisit à Angers une petite troupe d'hommes résolus et habitués en général au métier des armes. Quelques-uns, comme La Barre, amenèrent leurs canons[22]. Ce personnage, qui avait déjà tenu une place importante dans la Fronde angevine de 1649[23], se retrouve encore au premier rang dans l'armée de Rohan. Derrière lui se pressaient : son coreligionnaire, le protestant Soucelles, le chevalier de Jarzé — frère du célèbre marquis —, le comte de Goëllo — de la maison de Vertus et Avaugour, alliée aux Montbazon —, les marquis de Guibourg et de Clérambault, le vicomte de Challain, les sieurs de Landemont, de Montmusson, de Voisin, du Bois de La Ferté, de Langardière, de la Grandière, de Montjouffroy, de Bonchamp, etc.[24]. D'autres encore étaient attendus. Les provinces voisines de l'Anjou envoyaient elles-mêmes à Rohan leur contingent nobiliaire. En Bretagne, par exemple, le comte de Rieux[25] et le marquis de Tonquedec faisaient des levées pour le compte de ce gouverneur. Le dernier promettait d'amener à lui seul un régiment[26].

Les munitions et les armes ne manquaient pas plus que les soldats à la ville rebelle. L'artillerie surtout était formidable. Seize pièces de gros calibre avaient été extraites de l'hôtel de ville et mises en batterie sur les murailles, où s'en trouvaient déjà un grand nombre de plus petites[27]. D'autres avaient été amenées du dehors. Le château était abondamment pourvu de poudre et de canons. Les Angevins pouvaient ouvrir le feu de toutes parts et l'entretenir nuit et jour. Ils ne s'en firent faute.

Leur confiance et leur bonne humeur étaient encore augmentées par l'extension que la rébellion semblait avoir prise dans toute la province. Plusieurs châteaux, situés sur divers points de l'Anjou, tenaient pour M. le Prince. Champtocé, sur les confins de la Bretagne, pouvait gêner les communications de Broglio avec la Meilleraye[28]. Les seigneurs du parti royal s'assemblaient, il est vrai, au Lion-d'Angers. Mais Rohan dépêcha vers cette ville un corps de cavalerie assez fort pour les mettre en déroute[29]. D'autre part, le gouverneur d'Angers gardait sur la Loire l'importante position des Ponts-de-Cé. Il en avait confié la défense à 500 soldats d'élite et à un chef énergique, nommé le capitaine Alexandre[30]. Ce dernier disait que le feu du ciel pourrait seul lui faire abandonner son poste. Enfin Rohan-Chabot avait fait établir quelques retranchements en avant d'Angers, du côté de Sorges et de Trélazé ; et, pour prévenir toute attaque par la Maine, il songeait à barrer la Loire et à fortifier le village de la Pointe[31].

Tous ces moyens de défense n'empêchaient pas le gouverneur d'avoir au fond un peu moins de confiance qu'il n'en témoignait extérieurement. Le sol sur lequel il avait à combattre était miné sous ses pieds. Si l'énorme majorité des habitants était prête à soutenir un siège et à se sacrifier pour la cause de M. le Prince, il n'en restait pas moins dans la ville une minorité fort agissante pour le gouvernement. Si quelques magistrats, cornu le les frères Lemarié, Princé, Martineau, Goupilleau, Breslay[32], s'étaient déclarés en faveur de Rohan, le Corps judiciaire presque tout entier avait hautement protesté contre l'attentat du 27 janvier. Presque tous les officiers royaux étaient allés rejoindre la Cour. Mais beaucoup d'entre eux étaient revenus, sans doute d'après un mot d'ordre de Mazarin. Nous en trouvons la preuve dans ce fait que, le 7 février, le parti oligarchique de la ville chargea Lanier de Saint-Lambert, président du Présidial, et trois ou quatre autres magistrats de se rendre à Saumur, pour faire les submissions de la ville au Roy. Cette tentative pouvait ébranler le Peuple d'Angers, tout au moins le faire réfléchir sur la légitimité de sa révolte. Le gouverneur envoya arrêter les députés à Sorges, et les fit conduire au château (8 février). Le même jour, quelques ecclésiastiques, qui se disaient chargés d'aller faire les submissions pour le clergé... furent conseillez par personnes qui avoient de l'accez en la maison du dit seigneur duc, de ne se hazarder à recevoir quelque desplaisir[33]. Les Mazarins d'Angers ne se tinrent pour battus ; car, dans la nuit suivante, ils essayèrent d'introduire l'armée royale dans la place. Une des portes devait être livrée à d'Hocquincourt, dont la cavalerie rôdait aux environs. Mais le complot fut déjoué ; l'alarme étant donnée, toute la ville fut soubz les armes et y demeura jusques au matin de suivant. Instruit par cette leçon, Rohan fit partout doubler les postes, ordonna de creuser des tranchées entre les portes Saint-Aubin et Toussaint, et enjoignit, par avis imprimé, à tous ceux qui avoient quelque attache au Mazarin de vider la ville dans vingt et quatre heures. Il est vrai qu'il se relâcha bientôt de cette sévérité (8-10 février)[34].

Pendant qu'il luttait ainsi contre les conspirateurs, le maréchal d'Hocquincourt prenait ses quartiers autour de la place et commençait résolument le siège. Bien que les canons lui fissent encore défaut, le chef de l'armée royale ne doutait pas que les Angevins, intimidés par sa ferme contenance, ne se rendissent à la première sommation. Après avoir emporté, le 10 février, les postes avancés de Sainte-Gemmes, Sorgos et Trélazé, il parut, le 11, devant les barrières du faubourg Bressigny. Plusieurs escadrons de cavalerie, conduits par un Angevin, le maître des requêtes Lanier, et par M. d'Amenay — gentilhomme récemment chassé par Rohan —, essayèrent d'emporter cette longue rue, qui menait droit à la porte Saint-Aubin. Refoulés par les rebelles, ils tournèrent l'obstacle, et passant entre le faubourg et les Lices, arrivèrent jusqu'au poste de la porte Saint-Aubin. Vivent le Roi et M. le Prince et point de Mazarin ! crièrent les Frondeurs en les apercevant. Vivent le Roi et Mazarin ! repartirent les royaux. Alors commença une petite escarmouche où il resta huit à dix personnes de part et d'autre[35]. L'avantage demeura aux Angevins. Mais la nuit suivante (11-12 février), d'Hocquincourt effraya si fort les habitants du faubourg Bressigny, que presque tous s'enfuirent, emportant ce qu'ils pouvaient de leurs meubles, effets et provisions. Les Mazarins n'eurent pas de peine à occuper le quartier abandonné. Ils s'établirent même dans quelques rues avoisinantes et au couvent de la Fidélité, se livrèrent à un pillage effréné et commencèrent à démolir les maisons pour se barricader. Les Angevins, les voyant si près de leurs murailles, ouvrirent, à partir du 12 février, un feu terrible sur le faubourg. La canonnade et la mousqueterie ne cessèrent plus jusqu'à la fin du siège. Un boulet emporta, dès le premier jour, le fils du maréchal. Rohan-Chabot, courtois comme toujours, envoya faire ses compliments de condoléance à d'Hocquincourt et offrit même de célébrer dans la ville les funérailles de ce malheureux jeune homme. Le maréchal répondit que son fils était déjà enterré et ne parut préoccupé que de le venger (12-13 février)[36].

L'occupation du faubourg Bressigny causa un certain émoi dans la place. Le peuple, furieux contre ceux des Angevins qui avaient servi de guides à l'armée royale, se rua sur leurs maisons et voulut les piller. Le duc préserva pour un temps ces immeubles, mais les déclara responsables des désordres qui se feroient en Brécigné[37]. Les premiers engagements, loin d'abattre le courage des rebelles, l'avaient, au contraire surexcité. Les Angevins montraient en général beaucoup d'ardeur et souhaitaient hautement l'insuccès de l'armée royale. Le clergé de la ville, peu docile à la voix de son évêque, s'associait en partie à la rébellion. Les frères Martineau, archidiacre et chanoine de la cathédrale, Bonchamp, chanoine, Blanchard, chapelain de Saint-Michel, Fromentière, prêtre de Saint-Maurille, Jousselin, curé dé Sainte-Croix, se montraient ouvertement favorables à Rohan[38]. Le dernier nous apprend, dans son journal, que le mardy 13, se firent des processions... par la prière de Mgr le duc...[39] Le peuple d'Angers, si attaché au culte catholique, voyait avec plaisir l'Eglise appeler le ciel au secours de M. le Prince. Le courage des assiégés était doublé par ces manifestations religieuses[40]. On se consola bien vite dans la ville d'avoir perdu le faubourg. Les cavaliers volontaires, sortant, à toute heure, par les portes Saint-Michel, Saint-Aubin et Toussaint, allaient escarmoucher avec succès jusque dans les cantonnements royaux et ramenaient chaque fois des prisonniers. Ils parlaient d'aller enlever les chefs mazarins au milieu de leurs soldats[41]. D'autre part, des renforts arrivaient journellement dans la ville. Si le marquis de Tonquedec oubliait sa promesse[42], le comte de Rieux tenait la sienne et entrait dans la place avec une troupe de cavaliers bretons (13 février)[43]. D'excellentes nouvelles arrivaient du dehors. Le duc de Beaufort approchait avec une armée de secours ; il était déjà dans le Maine[44]. La troupe envoyée par Rohan-Chabot avait battu au Lion-d'Angers les volontaires royaux. La Varenne et du Bellay avaient dit rétrograder[45]. Les Angevins pouvaient donc oublier l'échec qui leur avait tout d'abord été si sensible. Ils ne tardèrent pas, du reste, à en prendre une éclatante revanche. Le 17 février, 400 hommes, envoyés par le gouverneur, arrêtèrent à la Pointe un premier convoi d'artillerie expédié par La Meilleraye. Une chaloupe chargée de poudre, balles et boulets et d'un perrier tomba en leur pouvoir. A partir de ce moment, et en prévision de l'arrivée prochaine des canons, Rohan-Chabot activa les travaux de défense qu'il avait ordonnés à la Pointe, maintint dans ce lieu une forte garnison et fit établir en travers de la Loire une solide estacade[46].

Les assiégés ne se possédaient plus de joie. Ils s'imaginaient presque avoir exterminé l'armée royale. Ils firent grand bruit par toute la France de leur prétendu triomphe. A Paris, où le peuple souhaitait cordialement la défaite de Mazarin, on les crut volontiers vainqueurs. On lut dans tout le royaume un pamphlet intitulé : La relation véritable de ce qui s'est passé entre les habitants de la ville d'Angers et les troupes du cardinal Mazarin conduites par le maréchal d'Hocquincourt, d'Angers les 14 et 17 février 1652[47]. Ce récit présentait sous le jour le plus favorable aux Frondeurs les premières opérations du siège. Une brochure satirique, qui parut à la même époque dans la capitale, montre, par son seul titre, combien la résistance d'Angers avait inspiré de forfanterie au parti des princes. L'auteur avait imaginé de toutes pièces la prise du bagage, meubles et cabinet de Mazarin par les habitants de la ville d'Angers avec la liste de tout ce qui s'y est trouvé[48]. Dans l'énumération des ouvrages qui, selon lui, faisaient les délices du cardinal, se trouvaient au premier rang des livres obscènes et des traités politiques d'une morale douteuse. L'Arétin avait une place distinguée dans cette bibliothèque, et le Prince, de Machiavel, y tenait véritablement un rang de prince.

Sans tenir compte des exagérations et des fictions, un fait était manifeste, c'est que la ville d'Angers résistait avec succès à l'armée royale. Sur la foi de quelques magistrats trop intéressés à croire la victoire facile, la cour avait jugé que la place ne demandait qu'à se rendre. Or les Angevins n'avaient pas seulement répondu aux sommations par des coups de canon, mais ils tenaient en échec depuis plusieurs jours un maréchal de France. La durée imprévue du siège était plus qu'une humiliation pour le gouvernement ; c'était un danger sérieux. D'Hocquincourt ne pouvait tenter l'assaut sans avoir battu les murailles et pratiqué une brèche. Les canons lui manquaient. L'artillerie qu'on lui amenait par la Loire pouvait être indéfiniment arrêtée à la Pointe. Si, avant qu'il l'eût reçue, le duc de Beaufort faisait sa jonction avec Rohan-Chabot, il lui fallait lever le siège. Le temps pressait. L'armée de secours envoyée vers Angers par le duc d'Orléans était déjà dans le Maine. La Cour, sans interrompre les opérations militaires, résolut de négocier avec les rebelles, ou plutôt avec leur chef. Mazarin, connaissant de longue date la flexibilité de Rohan, ne désespérait pas de l'amener, à force de promesses, à abandonner ses amis et à traiter séparément.

Le gouverneur était sans doute disposé à entrer en accommodement, s'il le trouvait conforme à ses intérêts propres. Mais le parti populaire d'Angers le surveillait de très-près ; et, d'autre part, Rohan ne pouvait croire sincères les promesses de la reine-mère et du cardinal, qu'il avait mortellement offensés. Aussi ne faut-il pas s'étonner de l'accueil un peu rude qu'il fit aux premières propositions du ministère. Un officier de l'armée royale, le comte de Quincé, envoyé pour parlementer, lui fit demander une entrevue dès le 15 février. Le duc la lui accorda sur-le-champ, mais après en avoir communiqué aux habitants. Le comte de Rieux l'accompagna, du reste, et assista à l'entretien qu'il eut avec le représentant de la Cour. Celui-ci, après avoir fait offre de ses services à monseigneur, lui déclara qu'on estoit resolu de luy laisser le Pont-de-Cé, et que le roy désiroit venir en ville avec sa cour, mesme le Mazarin. Rohan protesta bien haut de sa fidélité et de celle des Angevins au service du souverain, repoussa la proposition qui lui était faite, et renvoya Quincé, non sans lui avoir fait admirer l'affluence des habitans mis en un instant sous les armes et... leur résolution. Le lendemain, 16, un tambour étant venu de la part de ce gentilhomme porter encore quelques paroles au gouverneur, ce dernier le renvoya fort rudement et voulut à peine l'entendre. Il voulut bien cependant écrire qu'estant engagé avec M. d'Orléans et MM. du Parlement, il ne pouvoit rien faire sans leur en avoir conféré[49]. Cette réponse dut plaire aux bourgeois d'Angers qui formaient son conseil ordinaire. Le gouverneur avait fort à faire pour conserver la confiance de ce peuple ombrageux, qui suspectait ses moindres démarches. Il lui fallait chaque jour donner de nouveaux gages à la rébellion. Les Mazarins demeurés dans la ville lui étaient dénoncés à toute heure ; et sous peine de perdre sa popularité, il devait les faire rechercher et mettre en prison.

Audouin de Damnes, ancien échevin, fut, par ses ordres, enfermé au château (15 février) ; le lendemain, ce fut le tour du président Eveillard et du conseiller Chevrolier, que les gardes du duc allèrent prendre jusque dans l'abbaye de Saint-Serge. Le sieur Mézille, officier de chez le roy, deux religieux bénédictins et le sieur de la Fontaine-Cuillé, greffier des eaux-et-forêts et capitaine du faubourg Saint-Michel, furent également arrêtés (16-18 février). C'étaient autant d'agents royaux de moins. Mais il en restait encore suffisamment dans la ville pour troubler la sécurité des rebelles[50].

Le cardinal Mazarin ne se contentait pas de négocier ostensiblement avec Rohan-Chabot. Il cherchait aussi secrètement à soulever contre lui les habitants. Les intelligences qu'il avait dans la place lui faisaient espérer qu'il serait facile d'y introduire quelques troupes par surprise. Dans la nuit du 18 au 19 février, le corps de Na vailles, qui venait de prendre position devant la ville, occupa le faubourg Saint-Michel. Ce quartier dominait la porte du même nom, située en contre-bas d'une petite éminence nommée la Butte-du-Pélican. Pour protéger leurs murailles de ce côté, les Angevins avaient dû établir deux postes en dehors des remparts, au sommet même de ce tertre. Les troupes royales, débouchant (lu faubourg, n'y trouvèrent que quelques soldats ivres. La négligence avec laquelle avait été gardée une position si importante était pour les assiégés un symptôme de trahison. La nuit suivante (19-20 février), peu s'en fallut que la place ne fût entièrement livrée à Navailles. Un savetier, nommé Lerouet, enseigna à ceux de dehors le moyen de descendre dans les fossez de la porte Saint-Michel. Dix hommes résolus s'y glissèrent sans bruit, puis tentèrent l'escalade du boulevard qui couvrait immédiatement la porte. C'en était fait peut-être de la ville, si un orfèvre, nommé Lelièvre, qui commandait ce poste, n'eût pris une hallebarde, tué du premier coup le chef de l'escouade royale et appelé ses soldats à son secours. Les volontaires de Na vailles furent rejetés dans le fossé, l'alarme fut donnée partout, et la surprise tentée par les assiégeants échoua complètement. Le canon des Angevins délogea même Navailles des positions qu'il avait conquises près des murailles. Cet officier, ne pouvant tenir sans doute dans le faubourg Saint-Michel, se porta plus bas, vers la rivière, et se dédommagea de son échec en s'emparant de l'abbaye de Saint-Serge (21 février)[51].

Le siée se prolongeait, comme on voit, sans apporter aucun découragement aux Angevins, sans donner aucun avantage sérieux aux troupes royales. Les canons de Bretagne n'arrivaient pas. Mais, en revanche, le duc de Beaufort approchait chaque jour. Pour ébranler les assiégés et se donner en même temps une raison de renouer ses négociations, Mazarin fit intervenir Henri Arnauld entre la Cour et les rebelles. L'évêque, dont le dernier mandement, si paternel et si sage, n'avait eu aucun effet, tint, dans celui qu'il écrivit le 20 février, un langage sévère et menaçant. Son âme loyale se révoltait contre les distinctions au moyen desquelles les Frondeurs prétendaient rester fidèles au roi, tout en combattant son gouvernement. Nous ordonnons, disait-il, à tous ceux qui prêchent la parole de Dieu dans l'étendue de notre diocèse... de parler dans leurs sermons avec toute la force, le courage et la vigueur qui leur sera possible, du devoir des sujets envers leur Roy... et de faire connoître à ceux qui ont été assez malheureux pour s'en séparer, que l'Eglise ne peut les reconnoître pour ses enfants, pendant qu'ils n'obeissent pas à celuy que Dieu leur a donné comme sa vive image pour leur commander et les gouverner, et que ce sont les véritables maximes de l'Evangile, contre lesquelles on ne peut alléguer que de faux raisonnemens, des équivoques artificieux... puisque sans s'arrêter à tant de subtilitez dont on se sert pour empoisonner l'esprit des peuples, il faut s'attacher fortement à la personne du roy qui est toujours accompagné des marques de l'autorité royale, et croire qu'un party dans lequel on ne la trouve point, ne peut passer que pour une faction funeste à la gloire et au bonheur de l'Etat, laquelle tous les véritables François doivent avoir en horreur. Si la théorie du droit divin des rois n'est pas soutenable, Henri Arnauld avait au moins le mérite de la défendre franchement et sans arrière-pensée. Rien d'étonnant à ce qu'ayant de pareilles idées il crût légitime l'emploi des armes spirituelles dans une lutte toute politique. Nous défendons, ajoutait-il, à tous les confesseurs... de donner l'absolution à aucun de ceux qui, sous quelque prétexte que ce puisse estre, portent les armes contre le roy, ou les conseillent, y adhèrent ou y consentent... Que si, par une désobéissance à l'Eglise et par un endurcissement de cœur — que nous ne voulons pas presuposer —, ils persistent dans leur rebellion, nous serons forcez, quoyqu'avec beaucoup de douleur, d'avoir recours aux remedes extremes que l'Eglise nous met entre les mains, en les declarant excommuniez, et ordonnant que les peines qui suivent l'excommunication seront execntees contre eux, et de mettre la ville et les faux-bourgs d'Angers sous l'interdit, en defendant à tous ecclésiastiques d'y faire aucun exercice public de religion.

Cet abus de l'autorité spirituelle était plutôt fait pour exaspérer que pour intimider les Angevins. Henri Arnauld était mieux inspiré lorsqu'il représentait aux rebelles la ruine presque inévitable à laquelle ils vouaient, comme de gaîté de cœur, non-seulement leur ville, mais toute la province d'Anjou. Nous les conjurons, disait-il avec grand sens, de faire une sérieuse réflexion sur l'état déplorable auquel est aujourd'huy réduite la province d'Anjou, et de considérer qu'elle auroit évité sa ruine et sa désolation, si celuy qui est la seule cause des maux qu'elle souffre eût trouvé les esprits de ceux qui l'assistent dans sa rébellion affermis dans la résolution de périr plutôt que de se départir jamais de ce que la Loy de Dieu les oblige de rendre à leur Roy : De sorte qu'il ne s'agit pas seulement en cecy de la conservation de l'autorité royale, mais encore de l'établissement de la tranquillité publique, et du repos et du soulagement des peuples, lesquels enfin se repentent toujours de s'estre laissez séduire et corrompre par des personnes, qui, après s'estre servis d'eux pour leurs interests particuliers de fortune, d'ambition ou de vengeance, les laissent dans la misère, dont la justice de Dieu châtie presque toujours la revolte et la rebellion[52].

Ce langage était de nature à toucher un peuple naturellement doux, soucieux du repos et du bien-être, comme les Angevins. La Cour, qui comptait beaucoup sur l'effet du mandement, chargea l'archidiacre Garande, prêtre de la cathédrale, d'aller dans la ville en assurer l'exécution par de nouvelles propositions de paix. Un officier des gardes du roi, M. de Lortic, fut adjoint à cet ecclésiastique, pour traiter spécialement avec le duc de Rohan. Les deux négociateurs vinrent, le 22 février, promettre, assurer aux habitants et au gouverneur une amnistie complète ; mais ils demandaient en même temps que le roi fût reçu à Angers avec le cardinal Mazarin et autant de troupes que bon luy sembleroit, pour y vivre pendant trois jours à discrétion, et après qu'il adviseroit à ce qu'il feroit pour le gouvernement et pour la ville. Il y avait dans ce langage des contradictions et des menaces qui ne pouvaient échapper aux assiégés. Qu'était-ce qu'un pardon précédé de trois jours de pillage et d'exécutions ? Qu'était-ce qu'une amnistie qui coûterait probablement à la ville ses libertés municipales ? Les habitants, qui eurent connaissance de ces propositions dérisoires, dirent qu'ils aymoient autant mourir à une brèche, que de se soubmettre à cette discrétion de l'ennemy de l'Estat, et n'estre point asseurez de leur vie. M. de Lortic partit sur cette fière réponse et déclara qu'il allait prendre les ordres de la Cour (23 février)[53].

Il faut croire cependant que le mandement d'Henri Arnauld avait fait quelque impression sur une partie des assiégés. Car, tout en refusant de se rendre à discrétion, le peuple angevin commençait à incliner vers un accommodement. Le 23, après le départ de Lortic, beaucoup de bons bourgeois s'assemblèrent au convent des Jacobins et allèrent prier Rohan d'accepter l'amnistie. Le gouverneur ne leur donna que de belles paroles. Sept à huit cents femmes de la ville le vinrent aussi supplier. Mais il leur en dit tout autant, et ajouta que si elles avoient peur, Mme de Rohan les recevroit au château, où elles seroient en sûreté avec elle[54]. Le lendemain, Lortic, qui avait feint d'aller à Saumur, lui apporta des propositions fort acceptables : le cardinal ne parlait plus d'entrer dans la ville ; une amnistie générale, et sans réserves, était promise aux habitants ; enfin le duc de Rohan conserverait son gouvernement, à condition de s'absenter de l'Anjou pendant deux années. Si la Cour eût été sincère, le chef des rebelles eût commis un crime en repoussant de pareilles offres. Mais Chabot connaissait trop bien Mazarin pour s'aventurer sur la foi de promesses que le cardinal — nous le verrons bientôt — était fort résolu à ne pas tenir. Il venait d'apprendre, d'ailleurs, que M. de Beaufort était arrivé à La Flèche. Aussi ne répondit-il aux propositions royales que par des faux-fuyants. Il ne pouvait traiter, disait-il, qu'après le temps nécessaire à l'approche dudit sieur duc de Beaufort. Il demanda donc quatre ou cinq jours de délai. C'était plus qu'il n'en fallait à l'armée de secours pour atteindre Angers, à supposer que rien ne l'embarrassât dans sa marche (24 février)[55].

Ainsi, ni les attaques de vive force, ni les tentatives de corruption, ni les négociations n'avaient fait brèche à la Fronde angevine. Le ministère était aux abois, et le parti des princes s'attendait à la levée du siège. Le dénouement approchait pourtant et ne devait pas être tel que l'espéraient les rebelles. Le parti de la paix, qui dès le 23 février, priait Rohan-Chabot de signer une capitulation honorable, semblait pressentir le danger sérieux qui approchait de la ville. Peut-être aussi doutait-il que les seigneurs fussent disposés à se sacrifier pour le peuple qu'ils avaient appelé à la révolte. Ses craintes ne furent que trop justifiées par l'événement.

Le comte de Broglio, chargé d'aller à Chalonnes au devant du convoi de Bretagne, avait accompli sa mission. Plusieurs galiotes et frégates, chargées de canons, et envoyées par le maréchal de la Meilleraye, étaient arrivées en même temps que lui au rendez-vous (23 février). Il s'agissait de les protéger pendant qu'elles remonteraient la Loire, et surtout de leur faciliter l'accès de la Maine, c'est-à-dire le chemin d'Angers. Donc, pendant que ses éclaireurs allaient escarmoucher jusqu'aux portes de la Boutre, Broglio se dirigea résolument vers la Pointe, où, depuis plusieurs jours, Rohan-Chabot avait accumulé les mesures de défense. Emporter ce village et forcer l'estacade de la Loire, tel était le double but qu'il se proposait. L'entreprise ne semblait pas facile. Car, outre qu'il fallait escalader le tertre de la Pointe sous le feu plongeant des rebelles, il était nécessaire d'enlever plusieurs galiotes, qui protégeaient l'estacade et que Rohan-Chabot avait abondamment pourvues de canons et de braves hommes. Mais Broglio avait quatre ou cinq mille soldats résolus. Il savait que le succès du siège dépendait de son énergie et de son courage. Aussi n'épargna-t-il rien pour communiquer à ses troupes l'ardeur dont il était animé[56]. Le 25 février, il vint brusquement avec toutes ses forces attaquer les retranchements du village, pendant que la flottille de Bretagne essayait de se frayer un passage à travers la palissade de la Loire. Comment les frondeurs soutinrent-ils le premier assaut des régiments royaux ? Jousselin, curé de Sainte-Croix[57], prétend, dans son Journal, que ces derniers, après s'être emparés d'un corps de garde, furent par après repoussez. Cette assertion est corroborée par une brochure qui parut, sans doute le jour même ou le lendemain de l'action, dans la ville d'Angers, et qui est intitulée : Relation véritable contenant la défaite des forces que le maréchal de la Meilleraye envoyoit contre Angers, par M. le duc de Rohan[58]. Mais c'étaient là des mensonges, qui ne pouvaient pas faire illusion plus de quelques heures aux plus naïfs des frondeurs. S'il est un fait incontestable, c'est que le soir du 25 février, Broglio était entièrement maître de la Pointe et avait fait entrer la flottille dans la Maine. Le combat avait été, à la vérité, assez vif. MM. de la Grandière et Montjouffroy, le chevalier de la Viollaye, capitaine des gardes de Rohan, cinquante ou soixante de leurs soldats et plusieurs habitants d'Angers avaient été tués. Le chevalier de Jarzé, qui commandait en chef le poste de la Pointe, n'avait pas péri, mais avait été fait prisonnier[59]. Il fut, peu après, relâché par la Cour, bien que son nom fût fort peu sympathique à la reine-mère. Aussi crut-on plus tard dans le public qu'il n'avait opposé à Broglio que une feinte résistance[60]. Le gouverneur, averti de ce qui se passait, avait envoyé en toute hâte vers la position menacée le comte de lieux, avec un corps de cavalerie et quelque peu d'infanterie. Mais ce gentilhomme n'était arrivé à Bouchemaine, près de la Pointe, qu'après la déroute. Il avait dû rétrograder ; seulement, il avait fait, avant de rentrer dans la ville, quelques prisonniers. C'est cette capture qui permit au duc de Rohan de déguiser sa défaite en victoire aux yeux des assiégés[61].

Mais ce gouverneur ne pouvait dissimuler plus d'un jour une vérité qui allait tonner aux oreilles de tous les Angevins. Entrée dans la Maine à la suite de la bataille, la flottille royale était allée le jour même débarquer ses canons à Bouchemaine. Vingt-quatre heures suffisaient amplement pour les distribuer des deux côtés de la rivière, les mettre en batterie sur les hauteurs et menacer la ville d'une entière destruction. Les quatre mille hommes de Broglio, animés par la victoire, allaient venir assaillir la Boutre. De mauvaises nouvelles arrivaient dans le même temps de l'extérieur. La Varenne, La Courbe-du-Bellay, Chambellay et leurs amis, chassés du Lion-d'Angers, avaient reformé leurs bandes à La Flèche, Château-Gontier, Segré. Puis, faisant un détour par Gaude, sans doute pour rallier quelques contingents bretons, ils avaient repris leur marche vers Angers. A ce moment même (25-26 février), leur cavalerie débouchait devant la place par la route du Louroux[62]. La ville allait être, non-seulement canonnée à outrance, mais bloquée de toutes parts. L'armée de Beaufort, harassée par des marches excessives, n'avait pas encore dépassé La Flèche[63]. Plusieurs jours de repos lui étaient encore nécessaires[64]. Mais quelque rapidité qu'elle mît à franchir sa dernière étape, elle ne pouvait plus empêcher le maréchal d'Hocquincourt de démolir la ville à coups de canon.

Rohan-Chabot et les Angevins se virent donc, le 26 février, enfermés dans un cercle de fer, qui devait les étouffer, s'ils ne cédaient de bonne grâce à la mauvaise fortune. Le gouverneur, qui, deux jours auparavant, repoussait ou éludait si cavalièrement les propositions royales, se montra tout à coup disposé à tenir un autre langage. Après avoir promis vingt fois aux Angevins de mourir pour eux, il ne songea plus qu'à dégager adroitement sa cause de la leur. Que sa personne et ses biens fussent en sûreté, il n'en demandait pas davantage. Peu lui importait que le gouvernement pardonnât aux Angevins, ou fît retomber sur eux tout le poids de sa vengeance. Penser d'abord à soi, telle était à cette époque la devise des princes et des seigneurs rebelles. C'était apparemment celle du chevalier de Jarzé, qui s'était laissé prendre à la Pointe. N'était-ce pas aussi celle du marquis de la Barre ? On peut le croire, car une gazette secrète du temps dit positivement que dans les derniers jours du siège ce fougueux frondeur sollicitait les Angevins de se rendre[65]. Nous savons d'autre part qu'il fut fort bien traité dans la capitulation ; la Cour lui permit d'emmener ses canons[66]. Eût-elle eu pour lui de tels ménagements, s'il ne les eût achetés par quelque complaisance ? Rohan-Chabot avait vu tomber plusieurs de ses amis. Les autres étaient ébranlés dans leur fidélité et pourvoyaient à leurs intérêts. Le gouverneur de l'Anjou n'avait point l'âme d'un héros. Il crut devoir faire ce qu'avaient fait avec profit les Gondi, les Beaufort, les Condé, à d'autres époques de la Fronde. Les nouvelles qui lui arrivèrent de Paris, sans doute à ce moment même, achevèrent de le dégoûter du rôle actif et apparent qu'il avait pris dans la guerre civile. Le Parlement avait blâmé sa conduite et semblait sur le point de prendre contre lui des mesures de rigueur. Cette haute Cour avait bien porté des arrêts contre Mazarin ; mais, par un scrupule qui l'honore, elle n'avait pas entendu que les princes fissent appel à l'étranger pour les exécuter. Indignée que le duc d'Orléans eût fait entrer en France des régiments espagnols, elle était allée jusqu'à interdire à qui que ce fût, sans exception, de lever des troupes sans commission du Roi (8 février)[67]. D'autre part, bien qu'elle fût loin de s'entendre avec tous les corps judiciaires du royaume, elle était prête à défendre, en tout état de cause, l'inamovibilité et l'inviolabilité des juges, garanties par l'édit de Saint-Germain. Elle avait donc accueilli favorablement la requête des magistrats Angevins emprisonnés ou chassés par le duc de Rohan. La Tournelle avait même donné arrêt contre ce gouverneur. Dans l'assemblée générale des Chambres, le 15 février, le duc d'Orléans avait dû lui-même prendre la défense de Chabot[68], lire la lettre justificative qu'il avait écrite d'Angers après l'arrestation de Boylesve[69]. Les jours suivants, le débat avait été renouvelé par l'avocat-général Orner Talon. Gaston couvrait pour le moment le gouverneur d'Anjou de sa protection. Mais combien de temps s'interposerait-il ainsi entre la Cour souveraine et Rohan ? Ce dernier connaissait trop bien le prince pour ne pas craindre d'être abandonné de lui. Il tenait d'ailleurs pardessus tout à rester en bons termes avec le Parlement, qui n'avait pas encore enregistré ses lettres de duc et pair. L'irriter n'était pas le moyen d'obtenir qu'il remplît enfin cette formalité.

Ces réflexions et les événements qui venaient de s'accomplir décidèrent le gouverneur à négocier sérieusement avec la Cour. Dès le 26 février, il demanda une trêve de quatre heures. La duchesse, sa femme, alla conférer avec le maréchal d'Hocquincourt, et revint, apportant de grandes espérances d'accommodement[70]. Cependant beaucoup d'habitants refusaient encore de se rendre, si la Cour n'accordait à la ville des conditions nettes et honorables. Mais le canon les rendit plus traitables. Le 27 au matin, l'artillerie royale, mise en batterie sur toutes les hauteurs qui dominaient la place, commença à tonner. Tous les couvents des environs d'Angers, l'Évière, Saint-Nicolas, Saint-Serge, le Perray, étaient occupés par les soldats royaux, dont le nombre grossissait à toute heure[71]. Il ne restait plus un seul habitant dans les faubourgs, transformés en postes avancés, d'où les assiégeants tiraient presque à couvert sur les remparts[72]. L'effroyable canonnade dura toute la journée du 27 et une grande partie de celle du 28. Une grosse tour, qui protégeait la ville entre les portes Toussaint et Saint-Aubin, fut abattue par l'artillerie du maréchal. Le peuple, éperdu, ne comptant plus sur aucun secours extérieur, demanda bientôt la paix à grands cris. Une foule éplorée se porta au logis Barrault. Aux supplications des Angevins, le duc et la duchesse répondirent qu'ils étaient demeurés d'accord avec M. le maréchal d'Hocquincourt de luy livrer le chasteau sur sa parole, pourveu que la ville fut jouissante d'amnistie, exempte de pillage, contributions et logements de gents de guerre, sauf du régiment des gardes pour passage seulement, et que cela se devoit résoudre le suivant (27 février)[73].

Le lendemain, en effet, sans que le feu fût interrompu de part ni d'autre, la négociation continua. Par les soins de M. de Lortic, une entrevue fut ménagée entre le maréchal et le duc de Rohan. Elle eut lieu au château. La discussion fut longue. Commencée à quatre heures du soir, elle ne se termina qu'à dix heures, par la signature de la capitulation. Le duc de Rohan, les seigneurs de sa suite, les habitants d'Angers stipulèrent les uns après les autres pour leurs intérêts et leur sûreté. La Cour renonça, tacitement, au projet qu'elle avait eu de faire son entrée dans la ville avec le cardinal Mazarin. Le nom du premier ministre ne fut pas prononcé dans la convention ; et, plutôt que de venir à Angers sans lui, la reine-mère préféra rester à Saumur. Du reste, le maréchal d'Hocquincourt se montra aux assiégés beaucoup plus accommodant que ceux-ci ne l'avaient espéré. Dans la situation critique où elle se trouvait, la ville pouvait s'attendre à être traitée en place conquise. Aussi fut-elle agréablement surprise lorsqu'elle apprit que le gouvernement lui accordait tous les honneurs de la guerre et s'engageait à la respecter dans ses biens, ses libertés et ses privilèges[74].

La Cour semblait en effet faire la part bien belle à la rébellion vaincue. La capitulation du 28 février paraissait presque un succès pour les Angevins. Pour qu'on puisse en juger, nous donnons cette pièce en entier, d'après le Journal de Jousselin.

Articles accordez entre M. le mareschal d'Hocquincourt, général de l'armée du Roy servant près la personne de Sa Majesté et employé présentement au siège d'Angers, et M. le duc de Rohan :

Que la ville et chasteau d'Angers seront remis présentement de bonne foy, avec toutes les pièces, armes et munitions de guerre qui sont dedans, suivant les inventaires faits par les officiers de Sa Majesté, pour estre mis dans ledit chasteau telle garnison, que ledit sieur mareschal jugera nécessaire, reservé cinq pièces de fonte qu'il sera permis à M. le marquis de la Barre de faire retirer en sa maison ;

Que les maires, eschevins, officiers du Roy et généralement tous les habitants de ladite ville d'Angers et tous ceux qui se sont trouvez ou gagez avec ledit sieur duc de Rohan, jouiront de l'amnistie générale que Sa Majesté leur accorde, à condition qu'ils renonceront à toutes ligues, associations, et intelligences contre le service du Roy ;

Que M. le duc de Rohan se pourra retirer avec sa famille et ses amis, équipages et meubles, en tel lieu du royaume qu'il lui plaira, à la réserve du Pont-de-Cé ; lesquels meubles il lui sera loisible de laisser en son logis, si bon luy semble. Ceux des amis dudit sieur duc, qui sont avec luy et qui se voudroient retirer chez eux, pouront le faire avec toute seureté et liberté ;

Au cas que ledit sieur mareschal d'Hocquincourt trouve à propos pour l'autorité de Sa Majesté, de faire entrer quelques compagnies des gardes de Sa Majesté, promet qu'il ne sera fait aucun désordre ny imposition nouvelle dans la ville ;

Que les choses demeureront en l'estat où elles sont présentement pour la police de la ville, et que pas un des bourgeois ne sera maltraité, ny en sa personne, ny en ses biens ;

Que les prisonniers de part et d'autre seront renduz sans rançon ;

Que Madame de Rohan pourra demeurer dans la ville d'Angers huit ou dix jours pour ses affaires domestiques, sans desloger du logis Barault, et aura pareille seureté de se retirer que ledit sieur duc ;

Que ledit sieur duc de Rohan ne recevra aulcuns secours.

En foy de quoy a esté signé par ledit sieur mareschal d'Hocquincourt et ledit sieur de Rohan, le XXVIIIe jour de feubvrier 1652. Signé : d'Hocquincourt, et le duc de Rohan[75].

La suite de ce récit montrera que cette convention n'était qu'un leurre et que les Angevins s'étaient grossièrement trompés en comptant sur l'exécution des promesses royales. Le gouvernement avait hâte d'en finir avec une ville qui, depuis un mois, retenait le maréchal d'Hocquincourt et pouvait, en prolongeant sa résistance, compromettre l'armée de Turenne. Bien que la place fût étroitement bloquée, Mazarin redoutait l'arrivée imminente de Beaufort. Il fallait au plus tôt, d'après lui, s'assurer d'Angers, se retourner vers la Loire, vers Orléans, vers Paris. Le ministre avait donc jugé bon de faire quelques sacrifices apparents pour obtenir la reddition de la ville. Il lui en coûtait peu de promettre aux assiégés une amnistie complète. Tenir sa parole, c'était autre chose. L'indulgence royale ne devait en somme profiter qu'à l'homme le plus compromis dans l'insurrection et certainement le moins digne d'intérêt. Le duc de Rohan se tira avec sa souplesse et son bonheur habituels du mauvais pas où il avait eu l'imprudence de s'engager. S'il ne demanda point de garanties matérielles du traité en faveur des Angevins, il eut grand soin d'en exiger pour lui-même. Ayant quelque sujet de craindre qu'on ne l'empêchât de partir, malgré les termes de la capitulation, il se fit livrer par le maréchal d'Hocquincourt un otage, qui fut le comte de Quincé[76]. Mais le gouvernement n'avait point l'intention de le retenir. Mazarin, loin de vouloir priver Rohan-Chabot de sa liberté, songeait à se servir de lui pour diviser et affaiblir les Frondeurs. Mlle de Montpensier dit en propres termes dans ses Mémoires[77] : Plusieurs croient qu'il s'engagea dès ce moment à M. le cardinal Mazarin et qu'il ne vint à Paris que pour l'y servir. Cette accusation est peut-être exagérée. Quoi qu'il en soit, l'étrange revirement qui s'était opéré, du jour au lendemain, dans son attitude politique, la précipitation avec laquelle il avait conclu en deux jours un arrangement qu'il avait précédemment repoussé pendant plusieurs semaines, et enfin l'indulgence inouïe dont il était l'objet, firent croire, dans le-parti des Princes, qu'il avait bien pu se laisser corrompre par le ministère. La vérité, croyons-nous, est qu'il devint à juste titre suspect aux Frondeurs, mais qu'il ne cessa d'être odieux à la Cour. A force de vouloir ruser avec les deux partis, il était arrivé à perdre la confiance et la sympathie de l'un et de l'autre.

La capitulation fut exécutée dès le 29 février en ce qui concernait l'occupation d'Angers. Le maréchal d'Hocquincourt s'empara des portes et fit entrer dans la ville sept compagnies des gardes, dont deux prirent possession du château[78]. Le lendemain, 1er mars, le duc de Rohan partit tranquillement avec sa femme, sa compagnie d'ordonnance et ses amis. On remarquait parmi ces derniers plusieurs bourgeois d'Angers, qui se fiaient peu apparemment aux promesses royales, François Tartaret, René Bienvenu et le docteur Voisin[79]. La foule, qui prenait encore au sérieux les protestations de dévouement du gouverneur, se pressait sur son passage et le saluait avec respect. Le duc sortit par la porte Toussaint, faisant espérer aux habitants qu'il les verroit bientôt. La cavalerie royale l'escorta jusqu'à quelques lieues d'Angers ; et l'Anjou ne le revit plus[80].

Le maréchal d'Hocquincourt, demeuré maître de la ville, reçut, le 1er mars, les hommages du Corps municipal, de la magistrature, du clergé, de toutes les communautés urbaines. Il renouvela aux Angevins l'assurance qu'ils ne seraient point maltraités. De fait, il s'efforça, du moins ce jour-là de contenir ses soldats dans une exacte discipline[81]. Les habitants se félicitaient déjà d'avoir affaire à un vainqueur si humain, si accommodant. Au fond, le ministère était disposé à leur faire payer chèrement leur rébellion. Mais il voulait auparavant les réduire à l'impuissance absolue de lui nuire. Or le succès qu'il venait de remporter manquait d'un complément nécessaire. L'occupation d'Angers ne pouvait être sûre et durable, si les Ponts-de-Cé restaient au pouvoir des rebelles. Cette petite ville, si importante, à cause du passage de la Loire qu'elle commandait, n'était pas fortifiée régulièrement. Mais elle était dominée par un château, dans lequel le capitaine Alexandre et cinq cents hommes d'élite, placés par le duc de Rohan, avaient juré de tenir jusqu'à la dernière extrémité.

La capitulation d'Angers, loin d'intimider cette petite garnison, n'avait fait que surexciter son dévouement au parti des princes. Alexandre, fier d'avoir repoussé[82] quelques attaques sans importance, se croyait capable de résister à toute l'armée royale. La défection de Rohan semble l'avoir exaspéré, car le comte de Rieux ayant voulu se jeter dans le château des Ponts-de-Cé, il lui en refusa l'entrée, sans doute parce qu'il craignait que cet ami du gouverneur ne le livrât aux troupes royales[83]. L'instant approchait cependant où la Fronde angevine allait être forcée dans ses derniers retranchements. Le maréchal d'Hocquincourt résolut d'emporter, à quelque prix que ce fût, une bicoque dont la résistance était non-seulement un embarras, mais un outrage. Il envoya donc, le 2 mars au matin, dix-huit pièces de canon, avec ses Polonais et sept ou huit régiments français, pour battre lés Ponts-de-Cé et les emporter d'assaut. L'artillerie seule aurait suffi pour réduire la place. Pendant qu'elle tonnait, les troupes royales s'élancèrent à l'attaque du château. Une partie de cette puissante colonne tenta l'escalade des murailles d'un côté où, n'étant pas protégées par les eaux, elles offraient un accès relativement facile. Le reste se jeta dans des bateaux et vint, comme une armée navale, assaillir la portion des remparts baignée par la Loire et les canaux de dérivation. Malgré l'imminence du péril, Alexandre et ses soldats firent bonne contenance. Mais rien ne put résister à l'ardeur des assaillants. Les Polonais et le régiment de Navailles surtout firent merveille. Les défenseurs du château furent presque tous noyés dans les fossés ou passés au fil de l'épée. Leur chef, après s'être vaillamment comporté, fut fait prisonnier et envoyé à Saumur, où la Cour lui fit grâce, sans doute par égard pour sa bravoure[84].

La prise des Ponts-de-Cé compléta la victoire du gouvernement (2 mars). Après cet événement, le cardinal Mazarin put considérer l'Anjou comme complètement soumis. Il lui suffisait dès lors d'y laisser quelques centaines de soldats pour tenir en respect toute la province. Le corps du maréchal d'Hocquincourt était presque tout entier disponible et pouvait aller renforcer l'armée de Turenne. La Cour, rassurée, était libre de marcher vers Paris ; la guerre civile ne pouvait plus s'étendre sur la France occidentale, comme on l'avait craint au mois de janvier. Le prince de Condé était isolé dans la Guyenne, Beaufort et Nemours l'étaient dans le Maine et l'Orléanais. La campagne d'Angers avait sauvé le ministère en coupant définitivement en deux le parti des rebelles.

 

 

 



[1] Sur la levée de cette armée, voir Lettres du cardinal Mazarin à la Reine, etc., écrites pendant sa retraite hors de France en 1651-52, et publiées par M. Ravenel (1836). — Mém. de Mme de Motteville. — Mém. de la duchesse de Nemours.

[2] V. Saint-Evremond, Conversation du P. Canaye et du maréchal d'Hocquincourt, citée par M. Eugène Berger, dans sa rapide, mais intéressante étude sur la Fronde en Anjou (Revue d'Anjou, t. III, année 1853, p. 519, 520).

[3] Mém. du cardinal de Retz. — Mém. de Guy Joly. — Mém. de Mme de Motteville, etc.

[4] Le soir, après souper, le cardinal, accompagné du roi, de sou frère le duc d'Anjon et de plusieurs seigneurs portant chacun une feuille de laurier, alla saluer la reine, 'lui le reçut avec beaucoup de joie. — Voir Mss. Denesde, cité par Thibaudeau dans son Histoire du Poitou.

[5] Mém. de Larochefoucauld, collect. Petitot, 9e série, t. LII, p. 114. — Mém. du cardinal de Retz (Amsterdam, 1718), t. III, p. 23, 21, etc.

[6] Journal de Jousselin, 461-463.

[7] Mém. de Montglat, coll. Petitot, 2e série, t. L, p. 323. — Mme de Motteville (Mém., coll. Petitot, 2e série, t. XXXIX, p. 309) dit que la Cour ne quitta Poitiers que le 6 février. Mais, outre qu'on ne s'expliquerait guère qu'elle fût restée neuf jours dans cette ville après l'arrivée de Mazarin, on aurait peine à comprendre, si l'on admettait cette date, que les troupes royales eussent franchi du 6 au 8 février l'espace compris entre Poitiers et Angers. Or, elles étaient, le 8, devant cette dernière place, comme le Journal de Jousselin, p. 460, 461, permet de le constater. On voit aussi dans ce document que, dès le 7, on avait eu avis de l'arrivée du Roi à Saumur (p. 460).

[8] V. plus haut, chapitre VI.

[9] Bodin, Recherches sur l'Anjou, t. II, p. 341-343.

[10] Mandement sur l'obéissance qui est due au Roy par ses sujets, dans le recueil des Mandemens de messire Henry Arnauld (Angers, 1683), p. 3-6.

[11] Mém. de Montglat, coll. Petitot, 2e série, t. L, p. 323.

[12] Ce plan n'est formulé nulle part, mais il ressort des événements eux-mêmes et des indications de détail que nous trouvons dans les documents contemporains du siège.

[13] Journal de Jousselin, 460, 461. — Barthélemy Roger, Histoire d'Anjou, p. 518.

[14] V. l'histoire touchante de Mlle de Melun dans Bodin, Recherches sur l'Anjou, t. II, p. 325-340. — Sa Vie a été écrite par Joseph Grandet, prêtre d'Angers (1687), et, plus récemment, par le vicomte de Melun (1854).

[15] Barthélemy Roger, Histoire d'Anjou, 519.

[16] Journal de Jacques Valuche, marguillier de Candé, imprimé dans la Revue d'Anjou, année 1870. — Tous les nobles de l'Anjou furent requis d'assister le Roi contre les rebelles. M. Godard-Faultrier cité, dans l'Anjou et ses Monuments, t. II, p. 473, la lettre adressée par Louis XIV à René Quatrebarbes, seigneur de la Rongère, pour réclamer ses services. C'est une espèce de circulaire, conçue en ces termes : M. de la Rongère, encores que je ne doubte pas de vostre fidélité et affection à mon service, que j'y prenne une entière confiance et que j'espère que vous m'en donnerez des preuves à l'occasion des occurances présentes ; je vous ay néanmoins bien voulu écrire cette lettre pour vous exhorter et vous dire que vous ferez chose qui me sera très-agréable de vous employer avec vos amys pour restablir dans mon pays d'Anjou la tranquillité et réduire mes subjectz rebelz à leur devoir et à mon obéissance, vous assurant que les services que vous me rendrez me seront en particulière recommandation et que j'en conserverai la mémoire pour vous en recognoistre par les effetz de ma bienveillance quand il s'en offrira suject. Et pendant, je prieray Dieu qu'il vous aye, mons. de la Rongère, en sa sainte garde.

Escrit à Saulmur, le XIIe jour de febvrier 1652.

Signé : LOUIS.

[17] V. la curieuse Description de la ville d'Angers, par Péan de la Tuilerie (1778), nouvelle édition par Célestin Port (Angers, 1869), et le plan qui y est annexé.

[18] Ordonnance de Rohan (3 février) : Il est ordonné très-expressément aux habitants d'Angers de se trouver demain, à 1 heure précise après midi, dans la place des Halles, avec leurs armes, et de se ranger chacun en sa compagnie, son capitaine, auquel il est enjoint de les conduire pour faire la revue, sous peine à chacun des contrevenants de 100 livres d'amende. — Il est enjoint aux compagnies qui feront la garde de jour eu cette ville, de la faire aussi de nuit, à commencer d'aujourd'hui et jusqu'à nouvel ordre. Eugène Berger, la Fronde en Anjou, dans la Revue d'Anjou, t. III (année 1853), p. 517, 518.

[19] V. Journal de Louvel, passim. — Arch. anc. de la Mairie, série BB, passim.

[20] Barthélemy Roger, Histoire d'Anjou, 518. — Eugène Berger, ubi supra.

[21] V. le Journal de Valuche (Revue d'Anjou, année 1870).

[22] Journal de Jousselin, 467.

[23] V. plus haut, chap. IV.

[24] Barthélemy Roger, Histoire d'Anjou, 521, 522. — Rapport de Charles Colbert sur l'Anjou, en 1665, dans les Archives d'Anjou, de Marchegay, t. I, p. 128-131.

[25] Barthélemy Roger, 518. — Jousselin, 462.

[26] Mém. de Conrart, coll. Petitot, 2e série, t. XLVIII, p. 89.

[27] Eugène Berger, ubi supra.

[28] Journal de Valuche, cité plus haut.

[29] Journal de Valuche.

[30] Mss. 874 de la bibliothèque d'Angers (extraits d'une gazette secrète manuscrite de Paris, relativement au siège d'Angers en 1652), pièce 3. — Archives de Maine-et-Loire, G (série ecclésiastique), 924 (Registre capitulaire de Saint-Laud), fol. 174.

[31] Barthélemy Roger, 517, etc.

[32] Journal de Jousselin, 475, 476.

[33] Journal de Jousselin, 460.

[34] Journal de Jousselin, 460, 461.

[35] Barthélemy Roger, 511. — Journal de Jousselin, 461. — Eugène Berger, ubi supra.

[36] Barthélemy Roger, 517, 518. — Jousselin, 461, 462. — Journal de Valuche, ubi supra.

[37] Jousselin, 462.

[38] Jousselin, 476.

[39] Jousselin, 462.

[40] Elles se renouvelèrent plusieurs fois, et jusque dans les derniers jours du siège. Le 26 février, une neuvaine est ordonnée attendu les guerres s'augmentent de plus en plus, la ville estant investie de tous côtés, assiégée et près d'estre battue de 15 pièces de canon par l'armée du Roi. Registre capitulaire de Saint-Laud, ubi supra.

[41] Barthélemy Roger, 518. — Jousselin, 462.

[42] Mém. de Conrart, coll. Petitot, 2e série, t. XLVIII, p. 89.

[43] Barthélemy Roger, 518. — Jousselin, 462.

[44] Jousselin, 462.

[45] Journal de Valuche : M. de Rohan y envoya bien 600 cavaliers, qui empêchèrent ladite assemblée et les mirent en desroute et rompirent les ponts du Lion.

[46] Jousselin, 463. — Barthélemy Roger, 519.

[47] Paris, veuve J. Guillemot, 1652, 8 pages, n° 3947 de la Bibliographie des Mazarinades.

[48] Paris, Ant. du Hamel, 1652, 8 pages. La bibliothèque d'Angers en possède un exemplaire (section d'Histoire, n° 2063).

[49] Jousselin, 462, 463. — Barthélemy Roger, 518.

[50] Jousselin, 462-464. — Barthélemy Roger, 518.

[51] Jousselin, 464. — Barthélemy Roger, 518, 519.

[52] Mandemens de messire Henry Arnauld (Angers, 1683), p. 6-9.

[53] Jousselin, 464, 465. — Barthélemy Roger, 519.

[54] Barthélemy Roger, 519.

[55] Jousselin, 465.

[56] Barthélemy Roger, 519.

[57] Jousselin, 465.

[58] Angers, J. Martin, 1652, 8 pages, n° 3182 de la Bibliographie des Mazarinades.

[59] Barthélemy Roger, 519, 520. — Jousselin, 465.

[60] Mss. 874 de la bibliothèque d'Angers, pièce 3 (extraits d'une gazette manuscrite de Paris). — La Pointe a esté prinse par trahison, dit de son côté Jacques Valuche.

[61] Barthélemy Roger, 520. — Jousselin, 465.

[62] Journal de Valuche, ubi supra.

[63] Jousselin, 465, 466.

[64] ... Il (le duc de Rohan) ruinoit les troupes par les grandes marches qu'il leur faisoit faire ; ce qui les fatiguoit beaucoup inutilement. Mém. de Mlle de Montpensier, coll. Petitot, 2e série, t. XLI, p. 161.

[65] Mss. 874 de la bibliothèque d'Angers, pièce 3.

[66] Jousselin, 467.

[67] Mém. du cardinal de Rets (Amsterdam, 1718), t. III, p. 25.

[68] V. ce curieux débat dans les Mém. d'Orner Talon, coll. Petitot, 2e série, t. LXII, p. 320-330.

[69] Lettre de Mgr le duc de Rohan à S. A. R. sur les entreprises du cardinal de Mazarin contre la ville d'Angers (Paris, La Caille, 1652, 8 pages). N° 2004 de la Bibliographie des Mazarinades. La bibliothèque d'Angers en possède un exemplaire (section d'Histoire, n° 2063).

[70] Barthélemy Roger, 520.

[71] Barthélemy Roger, 520. — Jousselin, 464-467. — Histoire du prieuré de l'Évière, imprimée dans la Revue d'Anjou, t. III (année 1853), p. 338-340.

[72] Arch. anc. de la Mairie, série BB, reg. 84.

[73] Jousselin, 466. — Barthélemy Roger, 520.

[74] Jousselin, 466-477. — Barthélemy Roger, 520. — Journal de Valuche, ubi supra. — Mss. 874 de la bibliothèque d'Angers, pièce 3.

[75] Jousselin, 467, 468.

[76] Barthélemy Roger, 520.

[77] Coll. Petitot, 2e série, t. XLI, p. 161. — Cette princesse prétend que Rohan se rendit deux jours avant le terme qu'il avait marqué, quoiqu'il sût l'armée (de Beaufort) proche et qu'elle devoit arriver le jour qu'il l'avoit demandée. — Guy Joly (Mém., t. I, p. 220, 221) dit que Rohan, qui de tout temps avait été attaché aux intérêts du cardinal, fut blâmé des deux partis : Celui de la Cour l'accusant d'ingratitude et d'infidélité, et celui de M. le Prince de e lâcheté pour avoir rendu une place dont le secours était assuré. — Le cardinal de Retz (édit. d'Amsterdam, 1718, t. III, p. 24) ; Montglat (Mém., coll. Petitot, 2, série, t. L, p. 324) ; Larochefoucauld (Mém., coll. Petitot, 2e série, t. LII, p. 114, 115) et d'autres encore doutent également que le duc de Rohan ait fait tout ce qu'il pouvait pour la défense d'Angers.

[78] Jousselin, 467. — Barthélemy Roger, 521.

[79] Jousselin, 476.

[80] Jousselin, 467. — Barthélemy Roger, 521.

[81] Jousselin, 467. — Barthélemy Roger, 521.

[82] Notamment le 25 février. Ceux de dehors avoient eu desseing sur le Pont de Cé, et à cet effect s'estoient emparez du fauxbourg de Saint-Aubin dudit lieu ; mais le sieur Alexandre, qui y commande, les fit attaquer par les derrières ; et sur le pont levis avoit fait mettre deux fauconneaux, dont il les recent, et en tua trente ou quarante. Jousselin, 466.

[83] Mss. 874 de la bibliothèque d'Angers, pièce 3.

[84] Registre capitulaire de Saint-Land, déjà cité, fol. 174. Barthélemy Roger, 521. — Mss. 874 de la bibliothèque d'Angers, pièce 3. — Journal de Valuche. — Jousselin, 468. — Arch. anc. de la Mairie, série GG, 220 (Actes des baptêmes de la paroisse de la Trinité), fol. 191.