Comme
le pauvre laboureur, lorsque le jour décline, quitte le sillon, regagne son
abri et, assis devant la porte, oublie déjà le labeur de la journée, le
regard noyé dans le ciel : ainsi, le soir se faisant dans la vie de Jeanne,
son âme pleine d'espérance semblait faire halte au terme de la route et
oublier les travaux de l'exil dans les visions de l'éternité. A mesure
qu'elle approchait de la dernière heure de sa vie, sa piété prenait un
caractère plus ardent, plus mystique que jamais. Jeanne ne vivait plus de la
vie de ce monde, du pain et du vin matériels. Son confesseur, le P.
Gilbert-Nicolas, et elle, semblaient transportés dans une sorte de sphère
supérieure où l'on oublie tout le reste dans les ravissements de l'extase.
Ils échangeaient une foule de petites notes pleines d'une ardente dévotion ;
Madame Jeanne se bornait à y indiquer rapidement, en abrégé, én deux mots, sa
pensée ; après sa mort ces billets furent recueillis et conservés avec le
plus grand soin par les Sœurs de l'Annonciade et le P. Gilbert se chargea de
les commenter. Comme si elle avait prévu qu'elle dût mourir, Madame Jeanne
échangeait aussi avec son confesseur de pieux engagements qui s'étendaient
jusqu'à l'autre monde[1]. Elle s'engageait notamment, si
la vie du Père n'était pas exempte de reproches, à lui apparaître dans les
dix jours qui suivraient sa mort afin de l'en avertir[2]. D'avance aussi elle lui
léguait ses intentions à l'égard de l'ordre des Annonciades, sous la forme de
dix phrases, brèves comme des formules, que le Père se chargea également de
commenter et d'expliquer aux bonnes Sœurs, lorsque la duchesse ne fut plus
là. Oubliant jusqu'à ce nom de « Jeanne de France » qu'elle avait toujours
porté si haut, et s'abandonnant entièrement au céleste époux auquel elle
engageait sa foi pour toujours et dont elle croyait entendre dans les
profondeurs de son âme l'appel suprême, à la Vierge dont elle n'ambitionnait
plus que d'être l'humble fille et la servante, la duchesse de Berry prend le
nom de « Jehanne Marienne — Marienne Jehanne » ; elle se pare de ce nouveau
titre d'une royauté d'outre-terre, nous la voyons inscrire cette signature
autour et au-dessous d'une croix, indiquant par ce mystique blason quelle
patrie et quelle famille ce cœur blessé a désormais trouvées[3]. Son confesseur imitait ses
élans, tout en cherchant à les tempérer ; lui aussi voulut perdre le nom
qu'il tenait de la nature, il adopta le titre de Gabriel-Maria afin de
rappeler mieux et plus directement le mystère de l'Annonciation : dès lors on
cessa de le connaître sous un autre nom et en 1518, lors du voyage du
cardinal Numa de Forlignio à Bourges[4], le Père fit près de lui tous
ses efforts pour en obtenir une attestation que le pape Léon X avait autorisé
la nouvelle dénomination[5]. Cependant
la construction du couvent de l'Annonciade avançait à grands pas. Le 31
janvier 1504, Jeanne de France avait encore acheté à Louis Séguier,
conseiller au Parlement de Paris, par l'intermédiaire d'un des chanoines de
la Sainte-Chapelle, Étienne du Vergier, la terre de Bailly-Monet (paroisse de
Dun-le-Roy), pour
le prix de 1.483 écus d'or[6] et le roi, au mois de mars de
la même année[7], avait autorisé le couvent à
acquérir pour 800 livres de rente en fiefs nobles, sans amortissement. Les
lettres patentes, contresignées du cardinal d'Amboise, portent que le roi
accorde cette faveur « à la supplication et requeste de rostre dite cousine,
afin qu'elle ne soit frustrée de sa bonne et dévote intention, fondacion et
dotacion, et par espécial à ce que nous et les nostres soyons comprins,
participans et associez es prières, oraisons et biensfaiz et divin service
qui se fait et fera cy apres esdits religion, couvent et monastaire. » La
duchesse de Berry n'y tint pas : affamée de sainteté, d'obéissance, malgré la
promesse qu'elle s'était faite, elle ne résista pas au désir de se soumettre
à la même règle que ses sœurs. Aux environs de la Pentecôte 1504, l'évêque
d'Albi et Mme de Linières vinrent la voir et, comme elle les aimait beaucoup,
elle ne manquait jamais de leur faire visiter les travaux du couvent et de
leur montrer toutes ses filles. La chapelle était déjà presque finie ;
cependant on n'y pouvait pas encore officier, et l'on célébra la fête dans la
salle destinée plus tard au chapitre des Annonciades. La duchesse était
entourée de ses deux invités et de toute sa maison ; le P. Gabriel-Maria
prononça un discours et à l'issue de son sermon la duchesse de Berry sortit
seule et se rendit dans une pièce attenante, où elle le manda. Lorsqu'il
parut, elle se jeta à genoux, le Père voulut s'y mettre également et, les
mains étendues et touchant celles du Père, Jeanne prononça les trois vœux de
religion et le vœu de clôture : ainsi elle s'enchaînait volontairement sous
l'obédience du Père et prenait l'engagement religieux de ne jamais sortir de
Bourges sans sa permission. Le Père, tout ému, lui promit la vie éternelle :
il lui dit que, pour l'époux temporel et mortel qui l'avait laissée, elle,
trouvait à partir de ce jour un immortel époux qui ne l'abandonnerait jamais
et qui lui donnerait éternellement son amour, sa vue, l'entière possession de
lui-même. Il voulut t son tour faire profession dans les mains de la
duchesse. Et puis on rentra dans la salle capitulaire où l'assistance ne se
doutait de rien, mais le Père raconta ensuite ce qui venait de se passer et
que le siècle comptait une princesse de moins, une religieuse de plus[8]. En
effet, depuis ce jour, la duchesse ne fut plus qu'une religieuse couronnée.
Sous ses vêtements ducaux elle portait une haire, une discipline et tous les
vêtements de son ordre. Sa petite armée religieuse grossit ; sous les yeux de
Madame Jeanne se groupe un pieux troupeau de vingt-et-une jeunes filles,
amoureuses, comme leur maîtresse, de cloître et de virginité, et la fin de
l'année 1501 se passe à admettre ces nouvelles recrues, à recevoir les
professions, à revêtir des livrées de leur fidélité volontaire toutes ces
fiancées du Seigneur. Au loin s'étendait la renommée de Madame Jeanne : au-delà
des frontières elle allait répandre jusqu'en Allemagne les récits de l'œuvre
nouvelle. Le cardinal-évêque de Gürk[9], légat du pape dans l'Empire,
qui aspirait alors à jouer un grand rôle, envoya en France, en juillet 1504[10], une énorme collection de
reliques précieuses à distribuer parmi certaines personnes du royaume, et
notamment à la reine Anne, à Mesdames les duchesses de Bourbon, de Berry et
d'Alençon, aux comtesses de Dunois et de Vendôme, à Mme de la Trémoille, à la
Faculté de théologie de Paris, aux quatre nations de l'Université, aux
cathédrales, collégiales, etc. Le cardinal annonçait par une lettre
particulière[11] à Madame Jeanne l'envoi
personnel qu'il lui destinait : « Un chef, prins de la noble compagnie
des XI mille Vierges » de Cologne, « lequel chef sera pour le
couvent de vos sainctes vierges qu'avez fondé, » et pour elle-même des
reliques des saintes Barbe, Catherine, Marguerite et Cécile, de saint
Sébastien, de saint Adrien et autres. Le cardinal lui offrait aussi tous ses
bons offices près du nouveau pape, Jules II : « Ma très noble dame,
disait-il, j'ai plus grande affection à vous pour le temps présent que
jamais n'avoys eu[12]. » Le
moment vint de donner à l'œuvre de Jeanne une vie définitive et le sceau de
la réalité. Les bâtiments étaient habitables, l'église à peu près achevée ;
la duchesse éprouvait une pieuse hâte de tout régler et de contempler le
monument qu'elle avait entrepris à la gloire de Dieu. Il fut convenu avec le
P. Gabriel-Maria, qui maintenant ne quittait plus Bourges, qu'on choisirait
la fête de la Présentation de la Vierge au Temple, le 21 novembre 1504, pour
prononcer et célébrer la clôture définitive des jeunes professes. Il arriva
enfin, ce grand jour qui faisait battre de joie le cœur de la duchesse :
enfin, elle touchait à la réalisation de ses vœux, elle allait goûter un
bonheur que personne n'était là pour lui disputer. Après avoir passé la nuit
en prières, elle se leva entre trois et quatre heures du matin et alla
entendre la messe et chanter l'office jusqu'à huit heures. La
veille, elle avait fait annoncer la cérémonie à son de trompe dans les rues
de Bourges ; le crieur y conviait le peuple et avertissait tous ceux qui
désiraient voir les sœurs de se rendre au couvent avant le lendemain, attendu
que la clôture perpétuelle allait être prononcée. Une grande foule
remplissait donc la nef de la chapelle, le parvis et les abords ; on ne put
introduire dans la chapelle destinée aux Frères de Saint François[13] que M. et Mme d'Aumont et les
principaux seigneurs et dames. Au milieu de cette foule, on vit arriver,
venant en procession de leur petite maison, la suite des filles de
l'Annonciade, marchant deux à deux, les mains jointes, avec une grande
dévotion, sous la conduite du P. Gérard, et montant lentement, au chant du
psaume In exitu Israel, les quinze degrés du sanctuaire, comme la
Vierge Marie plus de quinze cents ans auparavant montait les quinze degrés du
Temple de Salomon, le jour où on l'y présenta. La
duchesse prit alors la parole et déclara publiquement faire don à l'ordre de
l'Annonciade de cette église, du couvent, du jardin, et elle remit à sœur
Catherine Gauvinelle une charte de parchemin préparée d'avance à la date même
du 21 novembre. On lisait sur ce parchemin : « Jehanne, fille et sœur de
roys de France, duchesse de Berry, dame de Ponthoise, de
Chasteauneuf-sur-Loire et de Chastillonsur-Indre, savoir faisons à tous
présens et advenir, nous, continuans nostre intention et persistans en
propoux de dévotion à l'onneur, gloire et louange de Dieu, le créateur de la
glorieuse Vierge Marie, sa mère, des Trois-Boys, de sainct Gabriel archange,
de sainct Jehan l'évangéliste et de tous les saintz et saintes de Paradis, et
en compaignie desque]z nous desirons parvenir, et de l'auetorité, licence et
permission du Saint-Siège apostolic, comme peut apparoir par bulles sur ce
faictes, passées et à nous octroyées, avoir institué et fondé ung couvent et
religion de sœurs en nostre esglise de saincte Marie de l'Annonciade, par
nous construite et édiffiée par de nouvel en nostre ville et cité de Bourges
près nostre hostel du pallays, pour en icelle esglise, par la mère ancolie et
lesdictes-seurs et leurs successeures religieuses, chascun jour et nuyt
perpétuellement servir à Dieu selon l'ordonnance à elle bailléd à nostre
intention. » Jeanne, après ce préambule, déclarait, « en parolle de
fille de Boy, » abandonner au couvent tous les biens qu'elle avait
achetés pour le doter, c'est-à-dire les domaines de Mézières et de
Bailly-Monet, 100 livres tournois de rente sur les biens du seigneur de
Mareuil, et 63 livres sur les biens du sire de Buxy[14]. Ensuite
Te vieil archevêque de Bourges. Guillaume de Cambray, âgé de 80 ans, célébra
la grand'messe, assisté de ses deux neveux, Robert et Guillaume Cambray,
archidiacres, l'un de Buzançais, l'autre. de Sologne. Puis on mit les sœurs
en possession du couvent. Peu de temps après, le baptême de la cloche du
couvent donna lieu à une nouvelle fête. C'était une grande cloche que les
sœurs parèrent de beaux atours et qui fut baptisée, dans la chapelle des
frères, par Guy Juvénal, abbé de Saint-Sulpice : Monseigneur d'Albi et M.
d'Aumont en étaient les parrains, la marraine naturellement Madame Jeanne qui
l'appela Marie. Autour de la cloche on voyait trois images incrustées dans
l'airain : un Crucifix, une Vierge Marie et le grand sceau du couvent qui
représentait une Annonciation, et on lisait l'inscription suivante, en grosse
écriture : « Jeanne de France m'a nommée et à Marie si m'a donnée[15]. » Madame
venait voir souvent ses filles ; elle avait fait fermer l'ancienne porte du
jardin et ouvrir près de la chapelle une petite porte par laquelle elle
pouvait se rendre directement du palais au couvent ; aussi la voyait-on en
toute circonstance et ses enseignements prenaient chaque jour un caractère
plus touchant et plus élevé. Au jour de l'an elle se plut à donner aux sœurs
de petites étrennes. Le jour de l'Épiphanie 1505, qui était un jour de fête
particulièrement béni de Jeanne, elle apportait à ses enfants des présents
symboliques ; dix pièces d'or, qu'elle avait fait frapper en souvenir de la
fondation de l'Annonciade ; et l'or, disait-elle, c'est la charité, l'amour
de Dieu et de ses semblables ; un peu d'encens, signe de piété ; et comme
troisième présent, sa discipline. Le jour
de la fête de saint Vincent, la duchesse se sentit fort souffrante ; elle
éprouvait une sorte de malaise général, mal aux dents, partout : « Mes
filles, dit-elle aux bonnes sœurs, recommandez-moy à saint Vincent, il
guérit du mal de cœur, » car elle avait souvent le cœur malade. Elle
resta peu au couvent et se retira en disant encore aux sœurs : « Mes
filles, priez bien Dieu et la Vierge pour moi, car je me sens fort mal. »
Lorsqu'elle eut passé le seuil de la porte qui conduisait au palais, elle se
retourna et ordonna qu'on la murât. En
rentrant, elle se mit au lit, et, quoique sa maladie ne présentât rien de
grave, elle ne songea plus qu'à se préparer à quitter ce monde. Le 10 janvier[16] elle écrivit son testament ;
tellement, que l'on tient pour certain qu'une vue surnaturelle l'avertissait
des approches de la mort ; elle n’éprouvait rien qu'une vive douleur au cœur
et aux dents et un malaise qui lui ôtait tout repos ; les médecins ne
connaissaient trop sa maladie, car ils annonçaient la convalescence[17]. Mais il paraît que le P. de la
Fontaine, l'ancien gardien des Franciscains d'Amboise, mort dernièrement en
odeur de sainteté, apparut au P. Gabriel Maria pendant sa messe et lui révéla
que Madame Jeanne mourrait dans dix jours. C'était dans toute la communauté
une grande douleur et de vives prières. Seule, Jeanne, ferme dans sa foi et
dans ses espérances, remerciait cordialement celles des sœurs qui venaient
chercher des nouvelles et n'avait devant les yeux que le grand passage à
l'éternité. Elle
remit au P. Gabriel Maria, le confident de toute sa vie, son guide assidu,
son collaborateur intime, ses recommandations dernières, ce qu'on a appelé
depuis son petit testament, témoignage intime des sentiments qui l'animaient,
de cette mélancolie profonde et douce, de cette défiance du monde, de cette
douloureuse expérience qu'elle devait à ses malheurs : « Mon
père, je n'ay fiance qu'en vous de ceux que je laisse sur la terre, et en mes
sœurs. Je les vous recommande et dites à tels personnages pour elles ce que
je vous ay dict. Et pour ce que vous me priez tant qu'avant mourir je vous
die quelque chose de mes intentions, je vous prie que vous fassiez à vostre
pouvoir accomplir mon vouloir et testament que je vous ay baillé, à ma sœur
et à monseigneur d'Alby. « Item,
mon Père, je vous congnois bien ; vous vous donnez tout là où vous vous
donnez. Je vous prie, ne desirez, ne veuillez jamais suivre la Court. Je la
congnois mieux que vous et vous sçavez combien vous avez souffert pour me
consoler et aidier, et comme le tout estoit pris de plusieurs à vostre
désolation. « Item,
je vous prie que jamais ne vous meslez de mariage, tant bonne soit la
personne, car souvent les choses tournent autrement qu'on ne s'attendoit. « Item,
je vous prie que jamais ne vous souciez de faire donner offices ny aussy
bénéfices ; bien en parler, en la sorte qu'avons fait ensemble. « Item,
jamais, mon père, ne vous mettez à faire menées quelzconques en court ou
autre part, si ce n'estoit menées de religion ou de chose spirituelle, pour
le salut des âmes ; et vous sçavez les désolations, paroles et reproches que
pour penser bien faire l'on vous a rendus. « Item,
je vous prie que jamais ne vueillez estre évesque ne prélat en l'Esglise ; et
s'il advenoit qu'on vous en priast, refusez-le à vostre pouvoir, comme vous
avez fait le temps passé. « Item,
mon père, je vous prie, ne vous meslez point des séculiers ni de leurs
affaires et sachez bien à qui vous déclarerez votre cœur ; ne vous fiez point
en tous, excepté les personnes qu'aurez au parfait congnu estre de
l'Annonciade. « Item,
ne croyez point de léger à gens de court ni à autres, quand les paroles sont
contre autruy. Gardez et faites garder à mes sœurs ce que m'avez fait garder,
c'est de toujours excuser ceux contre qui l'on parle mal. « Item,
faites plus diligemment faire le bien aux autres que ne m'avez fait faire,
car j'ay esté trop longue, et m'en repens. « Mon
père, je vous recommande mes sœurs ; ne les abandonnez jamais et ne les
oubliez pas après ma mort. Je vous ay dict tout cecy et vous le donne comme
mon testament, en vous disant adieu et à toutes mes sœurs. Elles ne doivent
point estre tristes de ma mort, mais qu'elles soient bonnes filles de la
Vierge Marie et vraies observatrices de la règle. Aussi la Vierge Marie leur
sera bonne mère et les gardera et défendra et auront des biens assez ; car je
congnois bien que je m'en vais mourir et qu'il me faut rendre compte devant
Dieu ; mais j'espère que la Vierge Marie sera pour moi ; et à son Annonciade
me recommande[18]. » Le Père
lui promit avec larmes de se conformer en tout à ses volontés. Le jour
de la Chandeleur, 2 février, l'état de Madame s'aggrava considérablement et
le 4, au soir, Jeanne de France tomba dans un tel état d'anéantissement qu'il
apparut alors qu'elle touchait au terme de son existence. On fit
sonner la grosse cloche de la cathédrale et, dans cette soirée obscure, les
lugubres accents de ce bourdon étendaient sur la ville de Bourges comme des
vibrations douloureuses. Le peuple voulait espérer encore, lorsque le bruit
se répandit qu'on avait vu apparaître, sur le logis de Madame Jeanne, son étoile
; tout le monde pouvait aller la voir ; dès lors, on sentit bien qu'il n'y
avait plus de remède. Madame
Jeanne, en cette angoisse suprême, se rappela le tumulte de cour et de gens
au milieu duquel était morte sa mère Charlotte de Savoie et tout ce fracas
affairé qui lui avait paru si pénible ; elle, qui avait vécu abandonnée, elle
eut encore la force de vouloir s'ensevelir dans sa solitude. Jetant un regard
sur le•P. Gabriel Maria qui se tenait à son chevet accablé de tristesse, elle
lui fit comprendre qu'elle désirait rester seule un instant. Marie Pot, sa
demoiselle d'honneur, qui la soignait, avait une lumière ; Madame Jeanne lui
dit que cette lumière la gênait et la pria de l'écarter un peu ; Marie Pot
alors passa dans la ruelle du lit, l'oreille attentive et prête à s'avancer
au premier signal, et Madame Jeanne resta ainsi absolument seule, sur son
lit, en tête à tête avec la mort. Il y
avait une heure environ que Marie Pot s'était écartée lorsqu'elle crut
apercevoir comme une clarté qui brillait au-dessus du lit, au milieu des
ténèbres. Elle se précipita et n'entendit rien dans la chambre, pas même le
bruit d'une haleine. Elle prend sa lumière, elle appelle Madame Jeanne ; rien
ne répond, rien ne remue. Madame Jeanne avait rendu son âme à Dieu. C'était
le 4 février 1505, à dix heures du soir. Bientôt
après la grosse cloche de la cathédrale s'ébranlait et répandait sur la cité
de Bourges la lugubre nouvelle. Bien-Aimé Georges courut au couvent
l'annoncer, il ne pouvait parler, mais déjà les sœurs la pressentaient en
entendant les rumeurs du palais. L'émotion fut immense dans la ville ; on
entendait des cris et des lamentations de la perte d'une si bonne princesse
et si aimée ; mais le P. Gabriel Maria, les sœurs de l'Annonciade, le
vénérable archevêque de Bourges étaient surtout plongés dans une vive
douleur. Le reste de la nuit se passa en larmes et en prières et, vers
minuit, plusieurs personnes, regardant vers l'église des sœurs, virent
au-dessus une belle nuée blanche, très brillante et plaisante, qui s'y tint
longuement, ce qui donnait à croire aux âmes pieuses que la bienheureuse
duchesse avait atteint le séjour des élus et que son âme venait revoir et
bénir ses lieux chéris. Dès l'aube, le P. Gabriel Maria vint au couvent ;
mais quand il se trouva au milieu de ce pieux essaim de jeunes filles que le
soin de la bienheureuse duchesse avait assemblées sous son aile, et
maintenant orphelines désolées, son âme défaillit, à peine pouvait-il parler
: « Hé, pauvres filles, disait-il, où est votre mère, que
ferez-vous sans elle ?... Que puis-je faire à ce petit troupeau sans Madame ?...[19] » On ne
s'entretenait que des vertus de la défunte, de son humilité, de sa prudence,
de sa pureté, de tout ce qui brillait dans cette sainte, et l'on disait que
la terre n'était point digne de la porter. Et puis ensuite on célébrait des
vigiles et des grand'messes pendant les trois jours qui suivirent. Madame
Jeanne resta longtemps sans aucun changement, la figure toute naturelle ; on
n'aurait pas dit que son visage fût celui d'une trépassée. Le matin on
habilla son corps et on le déposa sur un lit de parade en le couvrant d'un
drap d'or et d'un drap de velours noir. Pendant la journée tout le monde put
la voir ; sa chambre était pleine de peuple, de moines, de prêtres lisant des
psaumes et des oraisons. C'est le soir seulement qu'on fit sortir la foule ;
on embauma le corps, on le revêtit du premier costume de l'Annonciade,
qu'elle avait fait faire comme modèle, et on le déposa dans la salle basse du
palais, sous un grand catafalque entouré de cierges que surmontait l'effigie
de la bienheureuse pareillement en costume d'Annonciade. Des autels
s'élevèrent tout autour et pendant dix-huit jours ce n'était que prières. Comme
le carême venait de commencer, le P. Gabriel Maria prêchait le peuple, dans
cette même chambre, à côté du corps même de la duchesse tant' aimée, et
c'était pitié de voir sa tristesse. Elle parlait assez d'elle-même. Chaque
jour on servait la table de Jeanne, comme si elle eût vécu. Le P. Gabriel
Maria et Mme de Chaumont prenaient tristement place à cette table dont le
service était distribué aux pauvres. Dès que
la nouvelle de la mort de Madame Jeanne parvint à la cour, le roi exprima par
plusieurs lettres sa volonté qu'on lui fît de pompeuses funérailles. Le 6
février, il adressait à Bourges des ordres dans ce sens ; il écrit aux
habitants : « Tres
chiers et bien amez, nous avons sceu le trespas de feue nostre cousine la
duchesse de Berry, dont sommes très desplaisant, et nous escripvons au sieur
d'Aumont qu'il la fasse ensépulturer au lieu oit elle avoit le plus de
dévotion durant sa vie, et escripvons à nos amez et féaux l'arcevesque de
Bourges, les abbez de Saint-S ulpice et de la Prée, et semblablement à ceux
de la Sainte-Chapelle qu'ils luy fassent, le jour de son obsecque, tout
l'honneur que possible sera. Et vous prions et mandons que de vostre part
vous le vueillez ainsi faire et vous y trouver ledit jour pour luy faire tout
l'honneur et service que vous pourrez. Et vous nous ferez, ce faisant, très
agréable plaisir. Donné à Paris le vi° jour de febvrier[20]. » Comme
on savait que le chapitre de la cathédrale et les chanoines de la
Sainte-Chapelle du palais ne vivaient pas dans une harmonie parfaite, le roi,
par des lettres séparées, les invita en termes formels à s'entendre pour
rendre à la duchesse les honneurs qui lui étaient dus ; démarche heureusement
inutile ; tout le monde se sentait pénétré du désir de rendre honneur à la
bienheureuse duchesse. Le 20 février on transporta le corps avec beaucoup de
solennité à la Sainte-Chapelle où le grand lustre, allumé pour la première
fois depuis son inauguration, resplendissait de lumières et de torches, ce
que nul vivant n'avait vu[21]. Le lendemain qui était un
vendredi, un hérault invita à son de trompe tous les citoyens notables de
Bourges à venir en deuil assister aux obsèques de la duchesse, et pour éviter
à cette religieuse procession un concours de pauvres que l'on craignait
devoir être extrême, on criait en même temps qu'une distribution de pain et
de harengs aurait lieu à une heure aux Cordeliers, de manière à en détourner
quelques-uns. Après
une messe très solennelle à la Sainte-Chapelle, les chanoines portèrent le
cercueil sur une grande litière, pompeusement garnie d'un drap magnifique
semé de fleurs de lys, et sur lequel se trouvait la représentation de la
duchesse avec son chapeau et la couronne ducale. Au-dessus, s'élevait un
magnifique pavillon ou dais, que portaient les quatre plus grands barons du
Berry ; le baron de Linières, qui était maintenant Philibert de Beaujeu ;
Jean de Culant, baron de Châteauneuf ; M. d'Aumont, baron de Châteauroux ;
Messieurs de la ville de Bourges, en chaperons noirs et en longue robe
traînante, représentaient le quatrième baron[22]. Celte litière, précédée de
toutes les processions des églises de la ville et, entourée de la maison de
Jeanne, s'avançait traînée par quatre mules qui portaient un harnachement de deuil
et des garnitures de clochettes au son émouvant. La ville entière suivait, en
grande paix et dans un silence profond, seulement troublé et dominé par le
bruit de toutes les cloches qui joignaient aux plaintes de la cloche de
l'Annonciade leur sourd tintement. Les serviteurs et sergents de la ville
entouraient le cortège, portant des torches aux armes de la duchesse. La rue
était tendue de draps traversés par des bandes de velours noir fleurdelisé ;
un flot de population la remplissait. A
l'entrée de l'église de l'Annonciade, on vit le P. Gabriel Maria, nu-tête et
sanglotant, recevoir le corps de sa bonne duchesse, que portaient les
chanoines du palais. Toutes les sœurs étaient là, attendant l'arrivée de ce «
cher trésor », dont Madame, par son testament, leur avait expressément confié
la garde. Il y eut un moment de grande émotion, et les yeux ne pouvaient
s'empêcher de se porter sur ces murailles non encore achevées, sur cet
édifice dont la bonne duchesse avait souhaité avec tant d'ardeur de voir le
couronnement et qu'elle n'avait pas eu la joie de terminer ; seul, l'édifice
moral de l'Annonciade était complet. A la
suite du corps, entrèrent le duc de Bourbon[23], en grand deuil et vêtu d'une
queue remarquablement longue, puis la maison de la duchesse et la foule.
Après. de nouvelles et longues cérémonies qui eurent lieu avec un apparat
royal, et auxquelles prenaient part l'archevêque de Bourges, l'évêque d'Albi Louis
d'Amboise, François de Rohan, archevêque de Lyon, propre fils du maréchal de
Gié, le cardinal de Bourbon et autres grands prélats, le corps fut descendu
dans le tombeau qu'on lui avait préparé sous le chœur de l'église ; ce caveau
était peint en rouge avec des fleurs de lys d'or ; dans le fond, se détachait
l'écu de France. Quand le cercueil y fut placé, on ferma le treillis de fer
qui formait par devant la clôture ; la clef fut remise à la mère ancelle et
alors tous les serviteurs de la duchesse vinrent successivement devant cette
grille lui dire un éternel adieu, prendre congé de leur bonne maîtresse ;
leur douleur éclatait ; mais surtout l'écuyer Bien-Aimé Georges laissait
paraître tout son désespoir ; de cette clôture, il brisait son bâton de maître
d'hôtel, en jetait les morceaux dans la tombe et s'écriait : « Ha, ma
bonne maistresse, je ne vous servira ? plus ! et je vous supplie ayez mémoire
de vostre humble serviteur. Priez pour moy, s'il vous plaît[24]. » Le
lendemain, les deux chapitres réunis de la cathédrale et du palais,
l'archevêque de Bourges, le cardinal de Bourbon, l'abbé de Saint-Sulpice
voulurent encore officier solennellement ; des autels improvisés
remplissaient la nef de l'église et il s'y disait chaque jour une multitude
de messes. Le
peuple, depuis lors, ne cessa d'affluer clans l'église de l'Annonciade ; il
révérait Jeanne comme une sainte et partout il n'était question que de
miracles, que de faveurs surnaturelles obtenues par son intervention. Un
prêtre chargé de la surveillance des jardins du palais, nommé Mathurin, était
depuis longtemps retenu au lit par une goutte terrible lorsqu'il entendit
passer dans la rue l'enterrement de Jeanne. Il n'y put tenir : « Ma bonne
maîtresse, s'écria-t-il, je ne vous verrai donc plus ! » Il appela un
capitaine qui, accoudé à la fenêtre, regardait passer le funèbre cortège, et
demanda à se traîner, avec son aide, en chemise, jusqu'à la fenêtre ; là, à
genoux, il voyait la procession et priait sa bonne maîtresse de tout son cœur
; et lorsque, ensuite, le capitaine revint pour le prendre, Mathurin refusa
de se faire aider ; il était debout, parfaitement portant ; il s'habilla, se
fit voir, et le lendemain il commanda une grand'messe d'actions de grâces à
l'Annonciade. Mais ce
n'était qu'un premier prodige ; bien (l'autres furent opérés par
l'intercession de fa duchesse, qu'ont rapportés frère Antoine Basset et les
personnes de son temps. La foule des malheureux, des impotents, des
souffrants de tout sexe et de toute condition, venait, de bien loin se
presser en l'église bénie de l'Annonciade, près de ce tombeau devenu une
source de tant de faveurs ; l'église se tapissait d'ex-votos, de béquilles,
de représentations de membres, que tout le monde a vues, et le bruit s'en répandait
si communément par la France entière qu'il n'est pas un chroniqueur qui ne
fasse mention des miracles de Madame Jeanne[25]. Par son
testament écrit tout entier de sa propre main dès le 10 janvier, en présence
de son secrétaire Chardon, et dont elle avait remis un double an P. Gabriel
Maria', Jeanne instituait pour son héri- 462 '
CULTE DE JEANNE DE FRANCE. fière
lee Amie de Bourbon, sa sœur, qu'elle priait instamment d'assurer un revenu
de six cents livres au couvent de l'Annonciade, puisqu'elle mourait avant
d'avoir pu suffisamment le doter ; et elle nommait ses exécuteurs
testamentaires avec Madame Anne, M. d'Aumont et l'évêque d'Albi, priant ce
dernier d'« accomplir la dévotion de feu Mgr d'Alby, son oncle, qui
rn'avoit promis et s'estoit obligé de faire un couvent de la religion de la
Vierge Marie[26] ». Elle réglait son
enterrement, les gages de ses serviteurs et tous ses comptes, elle créait des
bourses pour les étudiants pauvres au collège de Bourges qu'elle avait fondé,
répandait ses modestes ressources en de nombreuses libéralités aux communautés
et aux pauvres, spécialement aux pauvres gens de labeur qui ne mendient pas
mais qui luttent contre la nécessité ou pauvreté, et fondait en un certain
nombre d'églises des messes et des anniversaires. Louis XII n'y était pas
nommé. Mme
Anne de Bourbon exécuta religieusement et avec une grande noblesse toutes les
dispositions dernières et les vœux de sa pieuse sœur[27]. La
renommée de Jeanne avait grandi avec le bruit de ses miracles. Tout ce qui
venait d'elle, tout ce qui rappelait de près ou de loin son souvenir acquit
dès lors, aux yeux des témoins de tant de vertus, une valeur infinie. Mme
d'Aumont remit aux sœurs plusieurs des objets qui lui avaient appartenu ;
Madame Jeanne avait ordonné qu'après sa mort on portât à son cher convent les
objets qui venaient d'elle, mais cela ne se put ; ils étaient en proie à un
pieux pillage ; on se les distribuait, on les gardait comme des reliques. Mme
d'Amont ne put donc donner à l'Annonciade que plusieurs robes de Madame, une
de toile d'or, une de velours violet, une de velours tanné, une de damas
blanc, une de damas noir, pour en faire des chasubles ; elle remit aussi à
l'église du couvent les tapisseries et les ornements de la chapelle de Madame
Jeanne, qui étaient de damas rouge cramoisi semé de tigres. Le P. Gabriel
Maria apporta le calice de sa chapelle et un petit coffre dont elle se
servait habituellement. Vingt-sept
jours seulement après la mort de la duchesse, le roi vint reprendre
possession de Bourges et y fit une entrée solennelle[28], Aime de Bretagne y entra le
lendemain et reçut une harangue de bienvenue prononcée par Jacques de
Treignac, avocat de la ville, l'un des conseillers de Madame Jeanne. On joua
pendant deux jours des mystères, à l'occasion de l'arrivée des
souverains[29]. D'après
les traditions qu'ont recueillies les historiens de Jeanne[30], il paraît qu'une circonstance
bien touchante marqua ce voyage ; Louis XII, en secret, sous un déguisement,
voulut descendre dans le caveau où reposait sa victime et prier sur cette
tombe à peine fermée ; et s'il y versa des larmes sincères, s'il implora d'un
cœur pénétré le pardon de tant d'injustices, il put sortir plus calme de ce
lieu consacré et se réconcilier avec lui-même. A peine
de retour à Blois, il y tomba dangereusement malade. Faut-il croire, dit M.
Raynal, que les remords excités dans son âme par les souvenirs de la bonne
duchesse, par la vue de ce palais, de ce monastère, de cette ville, encore
tout pleins de sa vertu et de sa renommée, y contribuèrent pour quelque chose
? Le 20 avril, il écrivait de Blois aux habitants de Bourges pour leur
annoncer sa convalescence et leur demander des prières : « Chiers
et bien amez, puis huit ou dix jours en ça, nous avons esté malade d'une
fiebvre, laquelle nous a par aucun desdits jours très fort tourmenté.
Toutefois, grâce à Dieu nostre créateur, elle nous a laissez et sommes très
bien maintenant. A ceste cause, et que nous savons véritablement que comme
nos bons, vrais et loyaux subjets et serviteurs, vous aura esté desplaisir et
ennuy grand entendre les nouvelles qui en ont couru par nostre royaume, avons
bien voulu vous en escripre et vous advertir de nostre bonne santé et
convalescence, en vous priant très à certes que vous vueillez par processions
générales et particulières el par prières et oraisons rendre et faire rendre
grâces a nostre dit Créateur de ce qu'il luy a pieu nous restituer en santé
et luy prier et requérir que en icelle il nous vacille longuement conserver
et maintenir, ainsi que pour le bien de vous et de nostre royaume il est bien
requis. En quoy faisant, vous nous ferez plaisir et service très agréable.
Donné à Bloys le XXe jour d'apvril[31]. » Il
semblait que, par ces paroles, le roi en appelât lui-même aux prières et à
l'intervention de la femme qu'il avait tant fait souffrir. Car le culte de
Madame Jeanne de France était devenu le culte de Bourges. Bientôt l'image de
la duchesse apparut sur les autels et elle attirait tous les vœux. Chaque
année, le 1 février, anniversaire du jour de sa mort, la population se
pressait dans les églises[32] ; Bourges fête son souvenir
comme celui d'une des patronnes de la cité[33]. On compose des chants en son
honneur et à partir de 4524, dit-on, vingt ans après la mort de Jeanne, le
suffrage populaire l'élevait au rang des bienheureux en célébrant un office
qui est parvenu jusqu'à nous, malgré les vicissitudes des temps, et que les
âmes pieuses répètent encore. Telle
fut cette vie si remplie de peines et de travaux dans sa naïve et touchante
simplicité. Après les plus rudes épreuves, Madame Jeanne s'est endormie
doucement dans la paix ; pleine de confiance dans le juge suprême des
consciences, bonne, ferme et calme envers la mort comme elle l'avait été
toute sa vie à l'égard de l'adversité, elle vint humblement dormir de son
dernier, de son éternel sommeil au sein de la grande postérité religieuse
qu'elle s'était donnée, sous le pavé du sanctuaire érigé par ses soins, au
milieu du culte et de la vénération de ses sujets qui maintenant voulaient
attribuer à son intercession une efficacité divine. Que ces
nobles cendres reposent dans le calme suprême de l'autre vie ! Qu'elles
goûtent enfin, qu'elles goûtent pour toujours, dans ce tombeau tranquille, la
paix profonde qu'une existence pleine de tribulations a d'avance payée !... Mais il
était écrit qu'aucune trace ne devait rester de la modeste existence de
Jeanne de France ; le tombeau lui-même devait lui être un insuffisant asile
contre les entreprises des passions humaines ; suivant une pittoresque
expression, il fallait qu'elle subît encore un « martyre posthume[34] », l'anéantissement de ses
cendres elles-mêmes, que son corps fût jeté aux vents, qu'on ne respectât
même pas cette sorte de royauté du souvenir qu'elle exerçait sur les cœurs. Lorsqu'en
1506 le vénérable auxiliaire de Jeanne, Guillaume de Cambrai, mourut
lui-même, chargé d'œuvres et de jours, les Berrichons attachés au souvenir de
leur duchesse purent se livrer à de singulières réflexions en voyant élever à
la dignité archiépiscopale de Bourges, sur les sollicitations instantes de
Louis XII, un jeune étudiant de l'Université d'Orléans, à peine figé de
vingt-deux ans, nommé Michel de Bussy, qui était un fils naturel du roi[35], né par conséquent pendant son
mariage avec Jeanne. Quand
ce que croit un peuple est à ce point livré en pâture aux caprices des
princes, quand, dans une ville où le souvenir de la malheureuse Jeanne de
France prenait, aux yeux du peuple, place sur les autels, le prince pouvait
faire élire par le chapitre de la cathédrale un pareil représentant pour
présider au culte, on devait s'attendre à une explosion dans les âmes. Cette
crise se produisit. Bourges fut une des villes que les guerres de religion
atteignirent le plus profondément. Eu 1562, les Huguenots, maîtres de la
ville, mirent à sac tous les établissements religieux et notamment
l'Annonciade. Dans leur fureur de dévastation, quelques soldats descendirent
au caveau respecté où Jeanne de France reposait ; ils ouvrirent cette tombe
et en tirèrent le cercueil qu'elle renfermait. Ils brisèrent le cercueil de
bois, puis le cercueil de plomb... A ce moment apparut, simplement vêtue du
costume des Annonciades-et dépourvue de tout ornement susceptible de tenter
la cupidité des malfaiteurs, la grande figure do Jeanne parfaitement
conservée ; Jeanne avait les mains jointes. Les soldats, si durs qu'ils
fussent, se sentirent glacés à cette vue. Ils voulurent emporter le plomb et
soulevèrent le cercueil pour en faire sortir le corps. Mais on entendit comme
un grand soupir. Ils perdirent la tête et s'enfuirent. Les restes de Jeanne,
objet habituel de tant de respects, de tant de souvenirs reconnaissants,
d'une si sincère vénération, demeurèrent ainsi jetés au hasard comme le plus
vil cadavre, sur le sol de ce sanctuaire tout tapissé d'ex-votos ! C'est
seulement quelque temps après que deux soldats d'une autre compagnie qui ne
trouvaient plus rien à piller enlevèrent le cercueil de plomb et l'emportèrent,
ce beau trophée ! Dans les moments de trouble, la lie des populations, remuée
par de honteux désirs, semble remonter à la surface, on ne voit plus qu'elle,
on n'aperçoit que certaines figures jusque-là inconnues. Il n'y avait
personne à l'Annonciade pour défendre le dernier asile de la duchesse de
Berry, mais, en revanche, c'était un ouvrier de Bourges, cardeur de
profession, qui guidait les soldats. Une femme de Bourges piqua le bras du
cadavre et il en sortit, dit-on, un liquide semblable à du sang[36], Il paraît qu'ensuite le corps
de Jeanne de France fut tiré sur la place et brûlé[37]. Les
soldats huguenots s'étaient mis en tête de convertir à leur religion et au
mariage les Vierges de l'Annonciade ; on peut se faire une idée des discours qu'entendirent
alors ces chastes oreilles[38]. Mais tout passe ; cette
inondation soldatesque passa, sans succès, et, comme Jeanne de son vivant
avait trouvé dans les plus cruelles épreuves sa glorification, ainsi la
suprême injure faite à sa tombe sembla encore consacrer son culte. Son
tombeau, désormais vide, devient plus que jamais le point de ralliement et le
palladium du Berry. On conservait avec dévotion les quelques souvenirs qui
avaient échappé au commun désastre, notamment les deux pierres sur lesquelles
avait reposé pendant soixante ans le cercueil de la duchesse[39]. On plaça sur ces pierres une
statue de la sainte et cette statue attira une énorme affluence. Bientôt on
lui attribua une multitude de miracles et de grâces. Les malades, les
infirmes recouvraient la vie, la santé, en la touchant, en la priant[40]. Et comme ce n'était pas assez
aux pieux pèlerins d'en faire l'objet de leurs voyages, chacun, pour plus de
dévotion, voulut en emporter chez soi une parcelle ; on fit si bien qu'en
1700 il ne restait plus de cette statue que quelques débris tout à fait
informes et qu'il fallut en placer une nouvelle[41]. En même
temps que se dessinait ce courant plus vif que jamais de dévotion envers
Jeanne de France, on songeait à demander à Rome la consécration d'un culte
aussi solennellement reconnu et de l'enthousiasme qu'excitait sa mémoire. En
161.1, en 1617, l'archevêque de Bourges, André Frémiot, frère de Mn° de
Chantal, commença des informations sur la réputation de sainteté, sur les
vertus, les miracles de la bienheureuse. Bientôt des voix puissantes et
nombreuses s'élevèrent. Louis XIII, l'infante Eugénie, gouvernante des
Pays-Bas[42], le prince de Condé, les
Universités de Bourges et de Louvain, le maire et les échevins de Bourges,
les sœurs de l'Annonciade réclamèrent en 1624, en 1625, en 1632, près du pape
Urbain VIII, une instruction régulière sur la sainteté de Jeanne[43]. Mais
Rome ne se montrait guère favorable aux superstitions populaires qui
s'attachent à la mémoire de quelques serviteurs de Dieu et le pape Urbain
VIII venait, en 1625, d'interdire toute sorte de culte qui ne serait pas
spécialement autorisé, à. moins qu'il ne remontât à un siècle au moins en
arrière. Tout l'effort des personnes attachées à glorifier la mémoire de
Jeanne de France allait donc porter vers ce premier but : démontrer qu'un
tribut public de respect était rendu à Jeanne au moins depuis 1524[44] ; le faire constater par le
prélat diocésain, puis par la congrégation des Rites à Rome, et obtenir ainsi
ce qu'on appela dans le langage ecclésiastique une béatification
équipollente. Pour arriver à une déclaration de sainteté ou canonisation, il
fallait ensuite établir la réalité de quatre miracles. La
procédure de béatification équipollente, la seule qui ait été
accomplie pour Jeanne de France, a duré un siècle et demi, de 1632 à 1776 ;
tant un siècle pèse peu clans la balance de l'Église Romaine ! Et cependant
tous les rois de France successivement sollicitaient la cause avec activité[45]. Le 13
janvier 1632, la congrégation des Rites chargea officiellement l'archevêque
de Bourges, les évêques d'Orléans et de Nevers, d'ouvrir une information pour
constater l'ancienneté du culte rendu à Jeanne de France. L'information fut
faite, mais à Rome on n'en tira point parti ; on la jugea très probablement
insuffisante. Louis XIV et Anne d'Autriche, en 1661, écrivirent au
Saint-Siège et au cardinal Barberini pour réclamer la suite de la
canonisation et il en résulta l'ordre d'ouvrir à Bourges en 1661 une nouvelle
enquête, qui n'eut pas lieu[46]. Les papes Alexandre VII,
Innocent XI, Clément XI, dans des brefs de 1656, de 1680, de 1716[47], qualifiaient bien Jeanne de
sainte, mais sans donner suite à la demande de canonisation, soit que
l'argent manquât pour tant de démarches, soit que l'on apportât quelque
tiédeur à les poursuivre. En 1739 pourtant, sur de nouvelles instances[48], Jérôme de Roye de la
Rochefoucauld, archevêque de Bourges, reprit avec activité l'enquête ordonnée
en 1664. On dressa d'énormes procès-verbaux d'enquêtes ; on forma un recueil
complet de toutes les anciennes informations. Louis XV et Marie Leczynska en
même temps recommandaient l'affaire au pape par des lettres personnelles que
l'ambassadeur de France, le duc de Saint-Agnan, eut ordre de remettre dans
les mains de Sa Sainteté[49]. Enfin,
après une longue et compliquée procédure, sur les conclusions de Barthélemy
Clerjault de la Chomelle, procureur de l'Annonciade, l'archevêque de Bourges
prononça le 11 mai 1739 sa sentence définitive : il déclarait la preuve
acquise[50] d'un culte public rendu à
Jeanne de France cent ans et plus avant les décrets d'Urbain VIII, sous les
yeux et avec la tolérance des archevêques, et par suite il constatait
l'existence du cas privilégié admis par ces décrets. Le 17 avril 1742, la
congrégation des Rites à Rome, après de nouvelles et longues informations,
admit la sentence de l'archevêque de Bourges et le Pape la confirma par une
bulle du 18 juin 1742 qu'on publia solennellement et qui fut l'occasion à
Bourges, à Albi, partout où le culte de Jeanne de France florissait,
d'éclatantes réjouissances. Une médaille commémorative en perpétua la
mémoire. Tel est
le culte touchant que les Berrichons ont rendu à Jeanne de France. Divers
brefs du Pape les autorisèrent et les encouragèrent à célébrer le 4 février
la fête de leur duchesse[51]. Louis
XV continua à défendre la gloire de son arrière grand-tante ; il demanda au
Pape d'aller plus loin et d'en faire proclamer la sainteté. Les bonnes
religieuses de l'Annonciade intéressèrent aussi à la cause de leur fondatrice
la pieuse sœur du roi, Mme Louise de France, à laquelle elles firent don de
leur plus précieux trésor, le chapelet de Jeanne[52]. Par une singulière vicissitude
des choses, c'est un archevêque d'Albi, le cardinal de Bernis, qui, comme
ambassadeur se trouvait chargé de réclamer à Rome le dernier jugement en
faveur de celle que jadis un autre évêque d'Albi, au nom du Pontife Romain,
avait frappée d'un verdict peut être immérité. On reprit donc l'œuvre de la
glorification de Jeanne ; la congrégation des Rites exécuta de nouveau une
énorme procédure résumée dans un volume in-folio fort compact, et le 28
février 1775 elle déclara solennellement avoir vérifié que les vertus de
Jeanne de France avaient atteint le degré héroïque. Pour arriver à la
canonisation, il restait à prouver l'existence de quatre miracles[53]. Mais on n'alla pas plus loin.
Par brefs du 20 avril et du 21 juin, le Pape autorisa la célébration de
l'office de Jeanne de France dans tous les États de Sa Majesté Très
Chrétienne. L'époque ne paraissait pas être aux canonisations. L'esprit
sceptique et léger du siècle, les railleries des philosophes semblèrent
peut-être au cardinal de Bernis, lui-même quelque peu philosophe[54], un motif suffisant de laisser
au temps, ce grand inspirateur des décisions romaines, le soin d'élucider
définitivement les détails d'une dévotion plus touchante peut-être
qu'éclairée. Mais ici le temps ne fit pas son office. Quinze ans après, la
Révolution française éclate. L'Annonciade de Bourges est mise aux enchères et
vendue à vil prix. Tous les autres monastères de l'ordre en France subissent
le même sort. Dans cette tempête immense qui balaie le vieux trône de France,
le culte de la fille des rois est lui-même emporté. Tout disparaît. Les
souvenirs de Jeanne de France sont vendus à l'encan en 1793, son couvent
devient une caserne ; il n'y a plus trace de son palais. Il semble que son
nom et sa mémoire sont rayés pour toujours du souvenir des habitants du
Berry. Cependant
à la suite de cette nouvelle tourmente le culte de Jeanne de France prit
définitivement sa place dans la liturgie gallicane et la reine Jeanne n'a pas
cessé de recevoir sur les autels l'état de bienheureuse. «
Bienheureuse ! » En vérité ce mot n'est-il pas une dérision ? Maintenant
que nous avons parcouru le long récit des douleurs qui ont abreuvé la vie de
cette femme infortunée et que nous avons vu des tempêtes la poursuivre jusque
dans son cercueil, arracher son corps de la tombe et le jeter sur la place
publique, s'acharner sur sa mémoire, faire de son œuvre table rase, si nous
nous arrêtons pour jeter un regard en arrière, nous ne voyons que des ruines
! Comment donc s'expliquer qu'aux yeux du peuple un tel sort se soit
tout-à-coup divinisé et que la tradition l'ait toujours célébré comme le plus
digne d'envie ? Née au
sommet de la société française, environnée de tout ce qui assure l'éclat et
la grandeur, fille, sœur et femme de rois, duchesse souveraine, comblée de ce
qui, aux yeux du vulgaire, paraît constituer la félicité, il a fallu pourtant
qu'il ne restât rien de Jeanne de France, pas même une poignée de poussière,
pas même un nom, pour que le vœu public nous ait invité à prononcer, en
parlant d'elle, le mot : « bonheur. » Tel est
le monde... « Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux !
» Strafford
désabusé disait, en mourant, cette parole amère : « N'allez pas vous confier
aux princes, car ce n'est pas en eux qu'on peut trouver l'espérance ni le
salut. » Cette
parole résume la vie de Jeanne et bien d'autres vies encore. Quelle que soit
notre condition, trop souvent les morceaux de notre vie sortent du métier
divin qui les tisse comme des trames serrées d'amertumes et de désillusions.
Heureux s'il s'y est mêlé quelque fil d'or ou de soie !... Mais
notre âme a tellement soif de justice qu'elle ne se lassera pas d'en appeler
k l'éternelle équité. Si c'est un rêve de penser, comme dit le Talmud[55], que la mort est un mystère
aussi bien que l'enfantement, que cette vie n'est pas une vie définitive,
mais que, portés, pour ainsi dire, dans le sein d'une mère périssable, le
jour où les voiles se déchirent enfin et où nous nous sentons poussés à un grand
inconnu, ce jour-là nous entrons dans la lumière, nous entrons dans la vie
véritable, dans une vie belle, noble, délicieuse, au sein de perfections que
nous n'avions même pas pu pressentir..., si c'est un rêve que cette vision de
la justice dont nous avons soif, de la beauté suprême qui nous appelle, ah,
laissez-nous-ce rêve ! Il est la sauvegarde de l'existence. Pour croire,
comme nous le voulons, à la justice, pour goûter la paix, pour aimer, il nous
faut la vie. « Notre Dieu n'est pas le dieu des morts, mais le dieu de
vivants : tous vivent devant lui[56]. » Il est nécessaire de
croire, d'aimer et de vivre. Et
certes, si dans notre temps, qui n'est point le pire, il se trouve tant
d'hommes qui souffrent, et plus vivement peut-être qu'en des époques très
violentes, c'est surtout parce qu'ils ne savent point lever la tête assez
haut. L'amour du gain, il faut le dire, nous obsède et remplit la vie de
presque tous. On va bien loin chercher le bonheur, on s'épuise à le réclamer
sous toutes ses formes et jamais on ne le trouve : car il est en nous. En ce
sens, il n'est pas inexact de dire que Jeanne de France a eu la science du
bonheur. J'admire sa constante fermeté au milieu des douleurs et cette
hauteur d'âme qui l'a fortement soutenue au-dessus des coups du sort ! Jeanne
de France avait en partage la grandeur, la fortune, l'illustration, tout ce
qui rend la vie pompeuse et brillante, et, dans toutes ces splendeurs, son
âme amèrement blessée et défaillante aurait succombé, si elle n'avait su
trouver en elle-même, dans sa ferme croyance, dans ses immortelles
espérances, l'appui suprême, contre lequel rien n'a prévalu. *** NOTE ***
Il n'entre pas dans notre cadre de retracer les développements
ultérieurs de l'œuvre de Jeanne de France : mais il est nécessaire d'indiquer
ici, d'après les documents que nous avons puisés aux Archives du Cher, les
mesures prises par Anne de France pour assurer les fondations de sa sœur et
remplir ses pieuses intentions. Anne, veuve depuis 4503, entra d'abord en possession de
l'héritage de Jeanne, qui ne consistait que dans les biens de la famille
d'Armagnac (Lettres du 17 et du 20 mars 1505, Guillaume de Ponceton,
procureur. Arch. Nat. P. 1359 1, c. 689). Elle prit sous sa direction les
œuvres de sa sœur. Collège de Bourges. Lorsqu'Anne mourut, Charles de
Bourbon, son gendre et son héritier, régla sa situation vis-à-vis du collège
en assignant à cet établissement une rente de 100 livres sur la recette du
Bourbonnais (Lett. pat. du 7 janv. 1522-1523, confirmation royale du.5
avril 1524, enregist. du 20 niai 1524. Copie aux Arch. du Cher, D. 33,
reg. de Jacq. Thihoust). En reconnaissance de sa fondation, le collège de
Bourges en 1763, décida de célébrer tous les ans une messe solennelle en
l'honneur de Jeanne de France (Pallet, Nouvelle Histoire du Berry, t.
V, p. 96 et 115). ANNONCIADE. Organisation matérielle.
Les Sœurs firent certifier par témoins que Madame Jeanne avait en la pensée
de créer un couvent de trente Sœurs avec 1,000 livres de revenu (Certificat
du Il mars 1504-5, Arch. du Cher, le Imprimés de la règle... de
Sainte-Jeanne). Mazières et Bailly-Monet ne rapportaient que 256 liv. 15 s.
Mais comme il n'y avait que vingt-cinq Sœurs, Anne crut suffisant de leur
assurer, selon le vœu de Jeanne, un revenu total de 600 liv., et leur
attribua en conséquence 343 liv. 5 s. de revenu sur les recettes d'Hérisson,
Murat et Montluçon (Lettres des 13 octobre 1505,16 mai 1507, ratification
de 1522-3 et 1524, reg. de J. Thiboust, D. 33). Le 13 octobre 1505, elle
lit régler la juridiction des censitaires de l'Annonciade (Fonds de
l'Annonciade, tit. ter, chap. 5, art. fer). Le 7 février 1505-6, le VI juin,
le 9 septembre, le 8 octobre, etc. 1606, elle arrêta une transaction entre le
chapitre de Montermoyen et l'Annonciade, le chapitre prétendant, en vertu des
réserves de l'acte de vente de 1502, avoir droit de recueillir pour son
compte, comme chapitre paroissial, toutes les aumônes faites an couvent. Amie
recourut au légat et au pape qui, par le bref du 5 niai 1505, prescrivit une
enquête. Le chapitre finalement dut céder son prétendu droit pour le prix de
50 liv. et un supplément de terrain pour le prix de 25 liv. (tit. Ier, c.hap.
3, art. 14,4', et chap. 12-13). Organisation spirituelle. Le 12 des kal. de novembre (17 oct.)
1506, Georges d'Amboise chargea lis Frères mineurs de l'Observance de
Saint-François d'administrer l'Annonciade (Arch. du Cher, faveurs
spirituelles), et la conduite de l'Ordre leur fut maintenue par bref du
pape du 31 mars 1514 et par décision du cardinal Forlignio du 9 août 1518 (ibid.).
En 1508, Anne s'occupa de faire venir à Bourges des religieux dans ce but.
(Mentionné dans un ancien Inventaire des bulles, brefs et lettres touchant le
spirituel, fa 11, Arch. du Cher). Indulgences et règles. Anne obtint pour l'Ordre naissant une
profusion d'indulgences et le P. Gabriel-Maria s'occupa activement jusqu'a la
fin de sa vie de fixer les points obscurs de la règle, de manière à défendre
les Sœurs contre les prétentions de l'ordinaire diocésain et à apaiser
leurs scrupules : « Que etsi nihil imminent de essentia regule, dit sa
déclaration du 10 janvier 1508, tamen pacilicas reddunt sorores circa
ordinarium ipsarum, et circa colores habituum, et circa abstinentias regule
ipsarum, unde volti ut bec presentes littere annecterentur bulle, ut sciret
munis caro salutare Dei nostri et quod auctoritote apostolica predicta farta
fuerunt, sicut et statuta tradita sororibus tocius ordinis beate Marie
\'irginis. volait auteur Sedes Apostolica quod preter supradicta nullus,
quavis auctoritate fungens, presumeret alfa statuta sicut nec alia[m] regulam
sororibus tradere posse. » En janvier 1506, Jules Il accorda à l'Annonciade de Bourges un
grand Pardon de la Passion, c'est-à-dire qu'il concéda des indulgences
considérables à quiconque visiterait, pendant la semaine de la Passion, leur
Calvaire (Arch. du Cher, faveurs spirituelles). Ce Pardon fut confirmé
par bulle du 19 mars 1514 (liasse des Mélanges). Mais les religieuses étant
trop pauvres pour faire publier ce Pardon comme il le fallait pour attirer
les pèlerins, le pape y pourvut en 1515, et on obtint ensuite que l'archevêché
de Bourges s'en chargerait (Mandement du doyen de Bourges, du 5 mars 1524,
et autres, fonds des faveurs spirituelles). Le 22 mai 1506, le cardinal d'Amboise, légat, accorda des
indulgences de 3 ans et de 3 semaines aux pèlerins qui visiteraient
l'Annonciade les jours de grandes fêtes de la Vierge, aux fêtes de saint
Joseph et de la Dédicace, sous certaines conditions (ibid.). Le pape Léon X, monté en 1513 sur le trône, accabla l'Annonciade
de ses faveurs Un bref du 27 décembre 1514 porta de 10 jours à 10 ans
l'indulgence de ceux qui ont reçu les dix insignia Ave-Maria et les
ont dits une fois par jour et de 100 ans à 72.000 jours l'indulgence de ceux
qui ont reçu les 72 insignes en l'honneur des 72 ans de vie de la sainte
Vierge et ont récité 72 Ave-Maria 2 fois par jour (Tit. Ier, chap.
12-13 ; 5 copies authentiques de ce bref adressé à Anne de Bourbon).
Plusieurs brefs de 1515, notamment du 19 juin 1515, accordent encore diverses
indulgences (ibid.). Le 3 mars 1515, le pape reconnut au P.
Gabriel-Maria le pouvoir de conférer les 10 Ave-Maria (ibid., collation de
1551) ; dès le 20 juin 1514, nous voyons le P. Gabriel-Maria (sous son ancien
nom de Gilbert-Nicolas) conférer cette indulgence, solennellement et
authentiquement, par acte contresigné de deux notaires, à Jacques Embrechtz,
abbé des Prémontrés- de Saint-Michel d'Anvers (ibid.). Jules Il, en 1506-7, Léon X, en 1513, approuvèrent la règle de
l'Annonciade (ibid., et Vérification du 17 octobre 1507, à la
requête d'Anne de Bourbon, pardi. cahier de 12 ibid. Gallia Christiana,
t. Il, col. 130. Summarium de 1774, p. 27 et 28). Le 29 mars 1515,
Léon X régla le mode de dire l'office des religieuses (ibid.) ; le 22
mai, il approuva solennellement la règle et fixa la couleur des habits des
religieuses (deux grandes expéditions, orig., ibid. Publiée dans
Labbe, Nov. bibl. manuscript., t. II, p. 395-402). Il y avait eu en effet
quelques difficultés. Le 10 janvier 1508, le P. Gabriel-Maria déclara, par
acte authentique, avoir reçu du Saint-Père le pouvoir de fixer les points
accessoires de la règle (ibid., déclaration signée. « G Maria, manu
propria »), et en effet il corrigea quelques points de la grande
bulle de Léon X qui expose et approuve la dévotion des Dix Vertus (Labbe, Nov.
bibl. manuscr., t. II, p. 402-409). Le Il juin 1517, le pape le commit officiellement pour fondre en
une seule règle « in nuum volumen » les deux règles de la Conception
et de l'Annonciade, « ex duabus regulis sororum sen ancillarum
Annuntiationis et Conceptionis Be Marie Virginis, que diverse erant.... (ibid.). Une bulle du 6 juillet 1517 approuva les trois religions
instituées en l'honneur de la Vierge Marie (orig., et copie authentique
ibid.), et le 25 du même mois la règle de l'Annonciade (ibid.). Cela ne
suffit pas encore. En 1518, le pape envoya à Bourges le cardinal Numa de
Forlignio régler sur place les affaires de l'Annonciade. Le cardinal arrêta,
le 9 août, que les religieuses porteraient un vêtement de couleur grise avec
un petit manteau et une image de N.-D. et que le voile serait noir pour les
professes, blanc pour les novices (Tit. ter, chap. 12-13). Mais en mai 1519
le légat permit encore au Père provincial de changer ou modifier ce qui lui
semblerait expédient des offices ou des constitutions des religieuses
(ibid.). En 1526, le pape approuva la règle de l'Annonciade définitivement
(ibid. ; Cartulaire de Guill. de Cambray, mss. in-4° de 30 f°, relié en cuir
noir, ibid., et liasse des Mémoires et imprimés divers. Le P. Gabriel-Maria
mourut à Bordeaux en 1526, selon les uns, à Rodez en 1532, selon les autres.
Néanmoins en 1548, le pape délégua encore un Frère mineur, Germain Aubert,
pour revoir la règle des Annonciades en ce qu'elle n'a pas de substantiel ou
en ce qui est superflu. (Tit. Ier, chap. 12-13). La règle des Annonciades a
été imprimée à Paris en 1644 et en 1661 (in-12). L'ordre de l'Annonciade prit un rapide essor. Peu de temps après
la mort de Jeanne, le couvent d'Albi fondé par Louis d'Amboise, celui d'Agen
par Vincent Billion, celui de Bordeaux par Jaquette de Laussac, femme
d'Alexandre de Saint-Gelais (Gallia Christiane, t. Il, col.. 846, 929),
attestent sa popularité dans le midi de la France. Le Père Gabriel Maria
présida à la fondation de Bordeaux, il créa les monastères de Bruges et de
Béthune, dans les Pays-Bas, et de Rodez. Le couvent de Paris fut érigé au XVIIIe
siècle (Histoire des Ordres religieux, t. VII, p. 349. -Arch. du Cher,
Fonds de Sainte-Jeanne, tit. ter, chap. 2. — Arch. Nat.). — A. Mire, en 1608,
énumère trente maisons de l'ordre (Acta Sanctorum, 4 febr.) et l'Ordre
a vécu de plus en plus florissant jusqu'à l'époque de la Révolution
française. L'Histoire des Ordres religieux (1718) mentionne plus de
quarante maisons (t. VII, p. 349) Il faut observer toutefois que les auteurs
qui en parlent le confondent souvent avec l'ordre des Annonciades dites
Célestes, qu'une sainte femme, nommée Marie-Victoire l'ornera, fonda en 1604,
à Gênes, et qui eut également en France d'assez nombreuses maisons, notamment
un monastère fondé à Lyon par Mme de Gadague et qui a fait l'objet de
plusieurs publications. On le confond aussi avec les Annonciades de Lombardie
ou religieuses de Saint-Ambroise et de Sainte-Marceline, qui remontent à
1408. Par bref du 5 avril 1819, Pie VII a confirmé les privilèges des
Annonciades. Il en existe actuellement deux couvents, à Boulogne et à Villeneuve-d'Agen,
mais le couvent de Villeneuve est le seul qui conserve l'observance primitive
(Hébrard, Sainte Jeanne de Valois et... l'Annonciade, p. 253, 334, 339
et suiv.). FIN DE L'OUVRAGE
|
[1]
Ces billets sont mentionnés dans l'Extraict dressé en 1647 par Sœur Jebanne
Rougi, mère ancolie, comme il suit : « Vingt-neuf petits billets où sont
escrits les dévotions de la bienheureuse Jeanne de France et les entretiens
spirituels de ladite sainte dame et du Père Gabriel-Maria. » (Arch. du
Cher, reg. pap. 4 ff°.). Ils sont publiés par Pierquin de Gembloux, p. 381 et
suiv., d'après le Manuscrit de l'Annonciade.
[2]
D'après le Manuscrit de l'Annonciade, le Père de la Fontaine, gardien
d'Amboise, avait fait la même promesse au P. Gilbert.
[3]
Orig. Trésor de la cathédrale de Bourges. — On conserve aussi à la cathédrale
de Bourges et au Musée du Louvre de petits dessins sur vélin attribués à Jeanne
; l'un représente une couronne d'épines autour du monogramme de J.-C., un autre
une croix sur le Calvaire, un autre le Sacré-Cœur. Ils sont réappliqués sur une
peau de vélin. Les deux dessins du Louvre ont été acquis en 1853 par le Musée,
de M. Dumoutet, comme les objets de Jeanne que nous avons indiqués plus haut.
Ces dessins sont reproduits dans l'Histoire de Jeanne de Valois, par
Pierquin de Gembloux.
[4]
Le cardinal régla définitivement les affaires de l'Ordre des Annonciades, par
décret du 9 août 1518 (Arch. du Cher).
[5]
Arch. du Cher. La pièce est datée de Bourges, 26 juillet 1518. Il y a un projet
de certificat qui n'a pas été rempli, mais le cardinal a écrit en face sur
l'autre feuillet : « Ita esse fatemur, manu propria, Chr. Cardin., qui supra,
» et apposé son sceau. La signature G. Maria du Père se trouve au bas d'une
attestation de lui en date du 8 janvier (mêmes archives) ; en 1514, il signe Me
Nicolaï (ibid. Procès-verbal de réception d'indulgences). Cf. Vie du
R. P. Gabriel-Maria, par P. honoré Nicquet, Paris, 1655, in-8°.
[6]
Arch. Nat., P. 1359 ¹, cote 613 (Titres de la maison ducale de Bourbon,
n° 7,599).
[7]
« Au moys de marze » 1503, « de notre règne le sixième. » Orig. Arch. du
Cher.
[8]
Le P. Gazet, Mon. de l'Annonciade, Acta Sanctorum. D'après le Summarium
de 1774, p. 56, cette scène se serait passée en 1502 et d'après Dony d'Attichy,
Hilarion de la Coste et autres en 1503.
[9]
Raymond-Bertrand, adversaire d'Alexandre VI qui venait de mourir. Lui-même
mourut en 1505 (Gains, Series episcorum, p. 279. Philippe de Commines,
édit. Dupont, t. II, p. 385).
[10]
Archives du Cher.
[11]
Publiée par Pierquin de Gembloux, p. 399.
[12]
Le cardinal, comme il le rappelle lui-même dans cette lettre, avait servi Louis
XI et avait été envoyé par lui à Sixte IV.
[13]
La cérémonie eut lieu dans cette chapelle, car la chapelle du couvent ne fut
consacrée que plus tard, après la mort de Jeanne, par le cardinal d'Amboise. (Manuscrit
de l'Annonciade).
[14]
Arch. Nat., P. 1359 ¹, cote 614. Vidimus du avril 1505.
[15]
Nous avons emprunté cette citation française et les suivantes à la copie
française du Manuscrit de l'Annonciade, par M. de la Guère.
[16]
Plusieurs auteurs disent à tort le 2 janvier.
[17]
Manuscrit de l'Annonciade.
[18]
Thesaurus novus anecdot., I, c. 854. — Raynal, III, 228. — Manuscrit
de l'Annonciade.
[19]
Même manuscrit.
[20]
Raynal, t. III, p. 231, d'après l'orig. aux Archives de la Mairie de Bourges.
[21]
Journal de Delacroix.
[22]
Le corps de ville régla les obsèques par la délibération suivante :
Pour les obsèques et funérailles de feu madame la
duchesse de Berry en ensuivant la conclusion de la dite ville, a esté admise
par messieurs les maires et eschevins d'icelle ville, appelés avecques aulx,
honorables hommes, maistre Guillaume Tournar,, Thomas Ronsard, Jacques
Arronsard et Pierre Filz-de-Dame, de faire ce qu'il s'en suit :
Premièrement, touchant le deuil de madite dame, a esté
ordonné que mesdits sieurs les maires et eschevins auront chascun cinq aulnes
de dras pour, au pris de quatre livres VI s. VII d. l'aulne, pour faire robhes
et chapperons, lesquelles robbes seront longues et traynans a terre.
Item, aux XXXII conseillers et officiers de ladite
ville, estans en ladite ville, a esté ordonné qu'ils auront chascun quatre
aulnes et demye de drap pour, au priz de cinquante sols, pour faire robbes et
chapperons, lesquelles robbes seront de longueur de troys doiz au-dessus de la
cheville du pié ; à la charge qu'ils et chascun d'aulx seront tenus de vestir
ung homme, qui seront en deuil de drap pour tout neuf à leurs deppens, lesquelz
auront leurs robhes longues de troys doiz au- dessoubs des genoubs.
Item, seront tenus lesdits serviteurs desdits
conseillers et officiers porter chascun une torche, paisant deux livres de cire
chascune torche, ausquelles sera asfiché les armes de madite dame et de ladite
ville, le tout fait aux deppens d'icelle ville.
Semblablement aussi, auront les quatre portiers et
sergens de ladite ville, ensemble les sergens du maire et sergents de la
chambre d'icelle ville, chascun troys aulnes de noir au pris de XXX s., pour
faire robbes et chapperons, lesquelles robbes seron troi dois au-dessoubs des
geuoubs, à la charge d'avoir à leurs dépens chappes et bonnets noirs.
Item, a esté ordonné qu'il se fera quatre Brans
torches, chascune torche paisant cinq livres de cire, et auront chascune torche
un chappiteau pour servir de fleurs de lis aux armes de madite dame, et au
dessoubs desdits chappiteaulx sera fiché sur chascune torche ung escu aux armes
de ladite ville.
Item, jeudy prouchain, se trouveront les hommes dessus
dits, maire, eschevins, conseillers et officiers de ladite ville, avecques
manteaux, en l'ostel de ladite ville, a l'eure qui leur sera ordonnée.
Item, pour mectre ordre au peuple qui se pouroit
trouver ausdis obsèques et funérailles de madite daine, chascun eschevin, en
son quartier, advisera troys personnes que bon luy semblera, lesquelles ils
bailleront par escript a messieurs Daumout et maistre d'ostel, lesquelles
personnes seront habillez de robbes noires.
Item, a esté ordonné que la rue par laquelle l'on
passera le corps de madite dame sera nettoyée le plus diligement que faire se
pourra.
Fait le XIIIe jour de Féverier, l'an mil cinq cens et
quatre, et quatre (sic). — Didault. »
(Arch. de la Mairie de Bourges, BB. 4. La copie est
datée du « XXIIIe jour » de février, mais un renvoi rectifie cette date et la
remplace par « XIIIe ») Comm. par M. de la Guère.
[23]
C'était le gendre d'Anne de Bourbon, le fameux connétable tué au siège de Rome
en 1527. Pierre de Bourbon, son mari, était mort le 8 octobre 1503, à 64 ans.
(Moreri, t. II. p. 144).
[24]
Manuscrit déjà cité.
[25]
« La bonne duchesse de Berry, Jehanne de France, a toute sa vie vescu en
saincteté, et a l'on voulu dire depuis son trespas que Dieu faisoit des
miracles pour l'amour d'elle. » (Le Loyal Serviteur). — « Elle vesquit en si
grant sainteté que après son décès Dieu a fait plusieurs miracles es personnes
d'aucuns malades qui Dont priée et réclamée. » (Jean Bouchet). — « Et elle se
tint en la ville de Bourges en toute saincteté, tellement que (ainsi que on
dit) Dieu à sa requeste et par ses prières a fait plusieurs miracles depuis son
trespas au lieu ofi son corps repose. » (Nicole Gilles). — Brantôme dit la même
chose.
[26]
Nous avons dit précédemment comment ce vœu fut rempli.
[27]
Voir la note en fin de chapitre.
[28]
Manuscrit de l'Annonciade.
[29]
Il paraît qu'il ne voulut pas descendre au palais ducal ; il résida chez un
riche particulier de Bourges, dans la famille Lallemant.
[30]
La Thaumassière.
[31]
Raynal, t. III, p. 245, d'après les Archives de la Mairie de Bourges.
[32]
Par bref de 1517, le pape autorisa à célébrer, le 4 février, une fête des
Dix-Vertus de la Vierge (Raynal).
[33]
Pro beata colitur. Godefroy, Hist. de Charles VIII, p. 257. Mézeray, Hist.
de France, édit. de 1685, f° 886.
[34]
Catherinot, Les Églises de Bourges.
[35]
Labbe, Nov. Bibl. Manusciqpt., t. II, p. 143.
[36]
V. l'enquête de 1614, Summarium de 1742, p. 60.
[37]
Catherinot, Le Siège de Bourges.
[38]
Raynal, t. IV, p. 43. — Summarium de 1774, p. 480 et suiv.
[39]
Summarium de 1742, p. 118.
[40]
Dony d'Attichy et autres. — Miracles surprenants qui se voient chaque
jour... au tombeau de la B. Jeanne de France, en l'église des Annonciades de
Bourges (par Frère Joseph Miricault, secrétaire des mineurs de l'Observance
de Paris), Paris, Jacquin, 1615, in-8°. A. Mire dit qu'on vient en foule au
tombeau de la sainte, on y allume des cierges, on offre des vœux, des miracles
s'opèrent. — Chenu, Antiquités de Bourges, Paris, 1621, p. 54, l'Hortus
Pastorum du Père Jacq. Marchantion, Lyon, 1626, p. 80, disent que beaucoup
de malades de fièvres et autres recouvrent la santé au tombeau de Jeanne. V.
aussi Lemaire, Antiquités de la ville... d'Orléans, p. 134.
Le Summarium de 1774, p. 499-514, indique 158
miracles : d'autres encore p. 58.
[41]
Summarium de 1742, p. 121-122. Cette statue de 1700, seul souvenir qui
reste à Bourges du culte de Jeanne de France, est actuellement conservée en
l'église de N.-D. de Bourges, ainsi qu'une inscription de cuivre placée à la
môme époque au-dessus du tombeau. L'église N.-D. e tenu à honneur de conserver
le dépôt de la mémoire de Jeanne de France. On y a érigé une statue de Jeanne,
par Chanu. — Le culte de Jeanne de France subsiste aussi à Bordeaux dans
l'église Sainte-Eulalie, qui a succédé à l'ancienne Annonciade de cette ville
(M. l'abbé Allen, Revue Catholique, n° du 16 décembre 1881).
[42]
Le culte de Jeanne de France avait pris de bonne heure une grande extension
dans les Pays-Bas. On a vu que Standouk, exilé à la suite du divorce, avait
précisé à Louvain, et nous disons plus loin que le P. Gabriel-Maria conféra à
Anvers les indulgences des. Ave Maria. L'ordre de l'Annonciade passa de bonne
heure en Belgique et y devint particulièrement florissant, notamment à Louvain
et à Anvers. (Corn. a Lapide, Commentaires sur les quatre prophètes,
Paris, 1622, col. 616). Le P. Gabriel-Maria fonda, de son vivant, les couvents
de Bruges et do Béthune (Hist. des Ordres religieux, t. VII, p. 349).
[43]
Raynal, Hist. du Berry, t. III, p. 236. — Summarium de 1774, p.
69.
[44]
Ou depuis 1521 (Summarium de 1742, p. 148). Cela a entraîné quelquefois à
attribuer trop légèrement à la date de 1524 des faits postérieurs ou douteux.
Ainsi le Procès de canonisation indique (et Œttinger le répète) comme de 1524
la publication d'Anvers De vita et miraculis, etc., qui est de 1624. On
trouva plusieurs manuscrits de l'office de Jeanne au couvent de Bourges ; deux
d'entre eux étaient a d'une même écriture, » mais l'un était orné de lettres
rouges et portait la date de 1624 ; l'autre, sans lettres de couleur, ne
portait pas de date, on l'attribua arbitrairement à 1524. Les bibliographes
relèvent eu 1521 une vie de Jeanne de France, par Havisius Textor ; niais cette
vie est celle d'une autre Jeanne que la nôtre. L'histoire de France de Sc. Dupleix
est attribuée à 1528, au lieu de 1628, dans le Procès de canonisation (1742, B.
p. 165).
[45]
La maison de Bourbon a toujours montré un grand zèle pour la mémoire de Jeanne
de France. On a vu ce qu'avaient fait pour l'Annonciade Anne de Bourbon et son
gendre. Dans le même ordre d'idées, Jeanne de Bourbon, femme de Jean de la
Tour, comte d'Auvergne, morte en 1511, offre au couvent des Cordeliers de
Vic-le-Comte un tableau de l'Annonciation où les fondateurs étaient représentés
avec leurs patrons, saint Jean-Baptiste et saint Jean-l'Évangéliste (Baluze, Histoire
généalogique de la maison d'Auvergne, t. Ier, p. 351). Charlotte de Bourbon
donna 250 livres de rente à l'Annonciade de Bourges (Arch. du Cher, Fonds de
Sainte-Jeanne, chap. 2, art. 2). Depuis la fin du XVIe siècle, les rois avaient
l'habitude d'envoyer tous les ans 200 livres an couvent (ibid., tit. Ier, chap.
9). Du reste au culte de Jeanne de France se mêlaient toujours des prières pour
la famille royale et pour le roi (Pallet, Nouv. hist. du Berry, t. V, p.
96 et 115).
[46]
On a même admis que les lettres avaient été perdues (Raynal, t. III, p. 237) :
assertion inexacte, car le programme de l'enquête imprimé sous ce titre : Informations
à prendre en la ville de Bourges en Berry et ailleurs, touchant la cause de la
béatification de... Jeanne de Valois (Bourges, Crista, 1664, in-f'), existe
encore.
[47]
Summarium de 1742, p. 133, 134.
[48]
Histoire des Ordres religieux, t. VII, p. 348.
[49]
Nous résumons cette procédure d'après les recueils publiés en 1624 à Louvain,
en 1742 et en 1775 à Rome, et le mss. lat. 9792 de la Bibi. Nat. V. aussi
Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 326 et suiv., et diverses pièces
publiées par Pierquin de Gembloux, pp. 215-219, 329-416. — François de Paule
fut canonisé à la même époque. (Bibi. Nat., mss. lat. 10856-10860).
[50]
Cette preuve était tirée de la constatation des pèlerinages (partie D. p. 40),
des titres de sainte et bienheureuse (D. 45), des autels et statues de Jeanne
(D. 53), des ex-votos (D. 26 et 53), des reliques conservées avec vénération
(D. 58), des images de Jeanne (1). 61), de sa fête annuelle (D. 64).
[51]
Par suite du culte rendu à Jeanne de France, son portrait a été très souvent
gravé ; mais nous croyons inutile d'énumérer ici ces portraits, tous
symboliques ou de fantaisie (même celui que L. de Bony a inséré en tête de sa
vie comme « tiré sur l'original de Bourges ». La seule représentation de Jeanne
digne de remarque est le tableau de Parrocel (gravé par Billy) qui se trouve au
retable de la 3e chapelle de droite, dans l'église Saint-Louis-des-Français, à
Rome, que fonda Louis XI. Cette œuvre excellente représente eu réalité quatre
Annonciades à genoux, priant la Vierge que des anges enlèvent dans les cieux.
(La chapelle, dite du Sacré-Cœur, consacrée à Jeanne, renferme le monument du
cardinal d'Ossat : à droite le beau tombeau de Mme Guillermin, morte à Rome en
1869 : les tombes de Mgr Castelleni, évêque de Porphyre, de M. L. de Loubens,
capitaine d'artillerie, mort à Rome en 1852, et quelques autres).
Quant à la représentation réelle de Jeanne de France,
on sait qu'il était d'usage, à l'époque où elle mourut, de mouler les traits
des princes et l'on n'y manqua pas pour elle. Après s'être servi de ce moulage
à son enterrement (manuscrit de l'Annonciade), il parait qu'ou le
conserva et qu'on l'exposa tous les ans le 4 février. Les masques de plâtre
conservés à la cathédrale de Bourges, au Musée de Bourges, au Musée du Louvre
seraient des reproductions du masque primitif. Les traits sont conformes aux descriptions
qui nous sont parvenues et offrent une ressemblance notable avec les traits de
Louis XI ; rien, toutefois, n'en démontre avec certitude l'authenticité, sinon
la tradition qui est immémoriale.
[52]
Pierquin de Gembloux, p. 409.
[53]
La procédure de canonisation en avait relevé près de deux cents. Summarium
de 1742, p. 144. Summarium de 1774, p 499-514, p. 58.
[54]
Cependant il fit faire à Albi une information pour constater la réalité de deux
miracles (Bibl. d'Albi, mss. 32).
[55]
Paroles de R. Tabi, dans la période Talmudique, paraphrasant un texte de
Salomon (Proverbes, XXX, 16). Elles sont superbement développées par le
Dr Brecher, médecin de l'hôpital israélite de Prossnitz, dans son livre De
l'Immortalité de l'âme chez les Juifs, p. 82, 84 (traduction Galien).
[56]
Evangile de saint Luc, chap. XXXVIII.