Il nous
reste à dire comment, dans les dernières années de sa vie, la bonne Mme
Jeanne de France se rapprocha de Dieu plus qu'elle ne l'avait jamais fait
encore et entreprit sa plus grande œuvre, la fondation de l'ordre de
1'Annonciade. Le soin
qu'elle donnait aux affaires temporelles et à l'accomplissement des devoirs
d'une princesse ne l'empêchait pas de vaquer aux prières et oraisons,
au service de Dieu et de ses pauvres, avec tant d'ardeur qu'il eût semblé que
c'était toute son occupation[1]. Elle fut « bien
spirituelle, dit Brantôme, mais si bonne qu'après sa mort on la tenoit comme saincte et quasy faisant miracles. » La bonne
duchesse[2], qui avait tant souffert,
semblait ne plus ressentir que les peines d'autrui. Partout où la douleur
faisait son apparition, on voyait paraître aussi Madame Jeanne, qu'il y eût à
mettre un baume sur quelque plaie ou à consoler une blessure du cœur : le pieux
entourage, qu'elle s'était créé, de femmes
désabusées des choses de 'cette vie, prêtes à consacrer leur existence
entière au service de l'infortune, partageait ses nobles, ses pieux travaux.
La duchesse entretenait dans la ville une police bienfaisante et occulte
d'aucunes bonnes femmes pour connaître les besoins des pauvres : elle avait
organisé au château une pharmacie sous la direction d'un ancien chirurgien de
son père, nommé Mathé, qui était entré dans les ordres ecclésiastiques et
qu'elle avait attaché comme chanoine à sa Sainte-Chapelle : Mathé, préparait
lui-même les onguents, mais on lui a plus d'une fois entendu dire qu'il
désirait toujours les voir bailler par Madame, attendu « qu'il
lui sembloit qu'ils en auroient
plus grande vertu et effect » et « que,
pour l'ordinaire, les malades recouvroient leur
guérison et santé quand ils avoient esté touchés de
ses mains vraiment royales et saintes[3]. » De préférence, Jeanne
se consacrait à la visite des pauvres femmes rongées aux jambes par ces
horribles plaies ou ulcères, d'un aspect repoussant, que produit ou
qu'entretient la misère[4]. Aucun réduit ne l'arrêtait, on
eût dit que les plus affreux l'attiraient : elle y entrait, simplement vêtue
de laine, comme une messagère d'espérance pour les pauvres gens, comme un
rayon du ciel égaré dans ces masures. On n'osait plus dire que les plaies se
guérissaient par le seul effet de ses soins, peut-être par le seul fait de
l'imposition de ses mains, mais le bruit en fut public lorsque, la mort de la
bonne duchesse ayant fait éclater sa sainteté à tous les yeux, les misérables
qu'elle avait guéris se crurent autorisés à parler[5]. Le ciel
envoya de cruels fléaux qui mirent son zèle à l'épreuve. En 1499 la peste
reparut à Bourges et ravagea la ville avec une telle violence que tout ce qui
put s'enfuir alla bien loin. Au mois de septembre les échevins vouèrent
solennellement la ville en offrant, dans le chœur de la cathédrale, une image
de cire, du poids de plus de 466 livres, qui représentait l'enceinte
extérieure des murs avec ses grandes tours. Mais, après avoir décru, la peste
revint encore dans l'été de 1500, et ainsi la Providence ne se laissa fléchir
qu'au bout d'une année[6]. La
ville de Bourges offrait au dévouement de Jeanne un champ d'action plus grand
encore pour la guérison des âmes, car la vertu, dans une cité aussi populeuse
et aussi commerçante, courait de singuliers dangers. La duchesse s'appliquait
à relever les femmes tombées, à défendre les jeunes filles[7]. Son amour comprenait toutes
les misères ; toutes les douleurs, toutes les infirmités trouvaient un asile
dans son cœur. Ainsi,
déchue du rang royal et vouée par sa propre volonté à l'existence la plus
austère, la plus rigide, elle remplissait sa vie du soin des malades, de
l'entretien des pauvres, sans craindre aucun rebut ni aucune contagion ;
apportant aux malheureux la force, par une juste récompense de sa conscience
elle sentait sa propre force grandir dans l'épreuve, et elle en usait pour
s'imposer à elle-même mille rudes sacrifices. Malgré ses habitudes de table
princière et les soins qu'appelait aussi sa frêle santé, elle se mettait à
jeûner plusieurs fois par semaine, elle choisissait ses aliments, elle ne
prenait que du pain et quelque mets frugal accommodé, non au beurre, mais à
l'huile. Autour de la poitrine elle s'était placé un cercle de fer et l'on
dit même que la nuit, si elle ne pouvait pas dormir, elle se flagellait
quelquefois et qu'elle allait jusqu'à frapper avec une pierre son pauvre
corps déjà bien faible, bien débile[8]. De plus, elle portait
habituellement un cilice de crin, fixé autour de sa peau par une corde
noueuse, et sur son cœur une petite croix de bois garnie, au centre et à
chaque extrémité, de cinq clous d'argent saillants, de manière que ces cinq
pointes, en entrant dans ses chairs, lui rappelaient à toute heure la passion
de Jésus-Christ[9]. Elle entretenait, paraît-il,
une correspondance active avec le bonhomme François de Paule, très vieux
maintenant, mais qui vivait encore, toujours aussi saint, dans le parc du Plessis-lès-Tours.
Et pour fixer davantage ses pieuses pensées, Madame Jeanne avait fait élever
en plein air, dans le jardin du Palais, un calvaire qui représentait le
Saint-Sépulcre en grandes statues, telles sans doute qu'on en fit alors,
telles que nous en connaissons dans la crypte de la cathédrale de Bourges ou
dans l'église de Solesmes, et devant cet éternel témoignage des douleurs
divines elle passait en oraison de longues heures[10]. Ainsi,
Madame Jeanne menait la vie d'une religieuse couronnée. Mais cela ne lui
suffisait plus. Elle rêvait d'élever pour la gloire, pour le service de Dieu
un monument nouveau et complet et durable ; depuis longtemps, s'il faut en
croire ses panégyristes, elle nourrissait le projet de créer une religion
nouvelle qui fa tout entière consacrée à la Vierge Marie, uniquement destinée
à en exalter les vertus ; et dès que le divorce lui eut rendu sa liberté,
elle crut l'heure arrivée d'exécuter son projet. Le
culte de la Vierge avait excité au plus haut point l'enthousiasme du moyen
âge. Au temps des croisades, des amours chevaleresques, il était devenu comme
une sorte d'exaltation mystique et touchante, comme une idéalisation de la
femme et de la mère. Dans l'atmosphère corrompue du XVe siècle ce culte
n'avait pas décru ; il inspira le pinceau de Pérugin et de Raphaël ; le père
de Jeanne de France en faisait l'objet de toutes les pratiques religieuses qu'il
mêlait à ses vices. En 1472, Louis XI qui, dans les moments difficiles,
n'omettait rien pour se concilier la faveur ; des Bienheureux, avait prescrit
une grande procession en l'honneur de la Vierge et, en même temps, il
introduisit en France la populaire et poétique coutume de l'Ave Maria,
instituée plus de cent ans auparavant par le pape Jean XXII[11], cette prière que les cloches
chantent trois fois par jour, qui va, dans nos guérets, au bord de nos
falaises, dans le fond des vallées, dans les bois sombres, porter au
laboureur, pliant sous le faix du jour, le souvenir
de la maternité... Louis XI ne manqua jamais de rendre personnellement à l'Angelus
l'honneur qu'il prescrivait à ses sujets ; fût-il à cheval, il descendait au
son de la cloche pour mettre genou en terre[12]. Cette dévotion avait pénétré
la famille royale et s'y transmit fidèlement. Charlotte de Savoie construisit
à Paris pour les religieuses de Sainte-Claire un couvent de l'Ave Maria,
sur les vitraux duquel elle se fit représenter dans l'attitude de la prière,
sous la protection de Notre Dame et des séraphins[13]. Madame Anne, sa fille, en
1497, avait élevé un pareil couvent près de son château de Gien[14]. Ce culte pieux de la maternité
divine, que Jeanne dé France recevait ainsi en héritage, devait chez elle
s'épurer sous les coups du malheur. « Ne reconnaît-on pas, dit Raynal, dans
ce culte fervent pour la Vierge Mère les profonds regrets d'une femme à qui
le Ciel dénia la maternité et que la maternité seule pouvait laisser épouse et reine ? » Que de
prières elle avait dû adresser à la Vierge pour qu'un tel bienfait lui fût
accordé ! elle qui la veille de sa mort croyait encore qu'elle aurait pu être
exaucée et qui faisait inscrire[15] au haut de son testament ces
deux lignes, témoignage touchant de sa douleur et de ses espérances brisées : Filia Francorum regis, soror unaque conjux Et non pulsa loro,
Johanna, ego, mater eram. Fille,
sœur et femme de rois de France, Si
je n'eusse été chassée par mon époux, moi aussi j'étais mère ! Oui,
Jeanne le pensait. Oui, abreuvée de douleurs par son mari, absolument soumise
au jugement qui l'avait frappée, le croira-t-on ? Jeanne gardait sa foi, son
amour, et, seule avec son triste secret, il semblait que son âme se
réchauffât, qu'elle prît une nouvelle force dans la contemplation des
mystiques épousailles de la Vierge ; aux vitraux des fenêtres du palais, aux
tapisseries des murs, on voyait l'image de l'Annonciation, l'ange incliné, la
Vierge radieuse et modeste, la tige de lys symbolique ; le musée de Bourges
possède un bon tableau de l'École Espagnole qui représente une Annonciation
et qui peut avoir appartenu à Jeanne, comme le porte une tradition[16] dont le caractère n'est pas
invraisemblable. Oui, voilà le symbole de son amour, et la pauvre délaissée
le commentait par une prière qu'elle récitait habituellement et qui montre
éloquemment le vide douloureux de son cœur : « Marie,
digne mare de Jésus, faictes-moy vostre digne Ancelle[17] et servante ! et me
[favorisez autant quel de tousjours estre en vostre grdce, et que toute créature que vous aimez, je l'ayme à ce q[u'ellel
vous ajme ; et aussi donnez-moy
vertu que toute personne qui vous ayme, qu'elle m'ayme, ou pour ce que je vous ayme.
Amen[18]. » Jusqu'à
son dernier soupir, Jeanne de France, dans le fond du cœur, n'a pas cessé de
se considérer comme mariée. En créant l'ordre de l'Annonciade, elle ne se
croit pas elle-même autorisée à faire profession ; cet édifice moral qu'elle
élève à la Conception immaculée de la Vierge Marie, au mystère des divines
fiançailles, c'est un appel mystique, un suprême appel qu'elle adresse au
Ciel des jugements de cette terre, mais elle reste personnellement ce qu'elle
est. Bien plus, par acte authentique et exprès du 10 août 1501, elle crut bon
de faire constater de la manière la plus formelle son intention de ne pas
entrer en religion, et, du reste, elle s'exclut elle-même de l'Annonciade en
déclarant l'ordre ouvert seulement à la virginité. Le 10 août, en présence de
l'abbé de Saint-Sulpice Guy Juvénal, du sire d'Aumont, du P. Gilbert Nicolas,
de Georges Pas-serin, son aumônier, convoqués comme témoins, elle fait
rédiger une protestation « de n'avoir jamais dit, proposé ni pensé entrer en
aucun ordre de religion, quel qu'il soit, et même, malgré, dit-elle, les
instances réitérées de plusieurs frères minimes pour l'attirer auprès d'eux,
elle entend ne bâtir aucun couvent de l'ordre des Minimes ; elle veut vivre
et finir ses jours dans le siècle comme elle vit et comme elle a vécu jusqu'à
présent : elle prend acte de sa déclaration[19]. » En
réalité, Jeanne a cru de son devoir de toujours maintenir son droit et elle
l'a fait sans ostentation et sans faiblesse. Les monuments contemporains de
sa mort, peintures, vitraux, tapisseries, nous la représentent
emblématiquement couverte en partie de l'habit religieux, en partie de
l'habit royal : c'est une religieuse ayant en tête la couronne, nous dirions
volontiers une couronne d'épines ! c'est une religieuse soulevée et
transfigurée dans les célestes espaces, au milieu des splendeurs de la gloire
; et à côté d'elle un petit enfant, un petit ange passe dans son doigt un
anneau nuptial[20] ! Car Jeanne ne cessa jamais de
porter un anneau. Et cet anneau, c'était l'anneau même que Louis d'Orléans
avait passé à son doigt un matin de son enfance, au moment de leur mariage,
une petite bague d'or avec un diamant enchâssé ! Jeanne
de France est à la fois une religieuse et une duchesse. Elle conserve la robe
de drap d'or qui avait, dit-on, servi à ses noces, une robe d'un tissu d'or
bouillonné[21]. Elle avait différentes robes
de velours, toutes convenables à sa condition, qu'on trouva après sa mort et
dont on fit des chasubles. Elle inscrivait ses pensées ou ses affaires sur
des tablettes d'ivoire ornées d'un fermoir d'argent et d'élégantes sculptures
religieuses[22]. A sa ceinture pendaient deux
sceaux attachés par une chaîne d'argent, l'un aux armes ducales, le losange
des veuves avec les trois fleurs de lys de France, surmonté de la couronne
ducale ; l'autre portant une Annonciation[23]. Et sur la porte du monastère
de l'Annonciade, et à l'entrée de la future église, Jeanne de France placera,
elle place partout cette même armoirie, ses trois fleurs de lys, qu'elle
accole de deux anges en prières et qu'elle surmonte d'une statue de Notre-Dame.
Ces fleurs de lys, ces anges, ces armoiries de la royauté française entourées
de célestes emblèmes, voilà bien Mme Jeanne de France tout entière, la voilà
dans les dernières années de sa vie lorsque les soins de son principat
terrestre et une sorte de vue du ciel possèdent absolument toute son âme.
Elle ne cesse pas d'être princesse, même dans ce qui touche à sa piété[24], le linge qu'elle porte sur son
cilice est fin, ses mouchoirs sont soigneusement marqués d'un J gothique
brodé en fil violet. Son chapelet[25] se compose de quarante gros
grains d'agathe élégamment taillés en pointes de diamant, terminés par une
croix d'agathe et une médaille de l'Annonciation en vermeil. Un dixain porte un grain d'ambre de la grosseur d'une noix,
taillé en triangle et les trois faces sculptées, d'un côté le Crucifiement,
de l'autre l'Annonciation, sur la troisième le Saint-Sacrement porté par deux
anges[26]. Mais tout ce modeste luxe lui
paraît naturel, il convient à sa naissance et à sa vie, et, à coup sûr, il
n'a rien qui captive ni son cœur ni ses yeux. A
mesure qu'elle avance dans l'existence, que la mort approche, Jeanne de
France, transportée en quelque sorte par je ne sais quel pressentiment
intérieur, paraît de plus en plus détachée de la terre et comme au seuil
d'une royauté céleste dont elle éprouverait les premiers ravissements. Un
nouvel aspect de sa vie se présente ici à nos regards. Jusqu'à ce jour
c'était une princesse vertueuse, modeste, religieuse, dévouée à ses devoirs,
courageuse dans l'adversité, bonne dans la fortune, charitable, bienfaisante.
Il nous reste à peindre maintenant ce que le mysticisme de son époque et de
sa foi a de plus élevé et de plus naïf, de plus touchant et de plus simple.
C'est le mysticisme du XIIIe siècle se survivant à lui-même, atteignant son
apogée, s'enflammant des plus vives ardeurs. Vouée
dès l'enfance[27] à la Vierge Marie et
particulièrement élevée dans le culte et le respect de la pratique de l'Ave
Maria, Jeanne de France y consacrait ses plus intimes pensées. Elle
recueillit dans les Écritures tous les passages où il est question de la
Vierge et elle en fit un faisceau ; elle trouva que les évangélistes ont
relevé, en somme, dix vertus principales de la Vierge Marie, qui sont : la
prudence, la pureté ou chasteté, l'humilité, la vérité, la laudabilité (ou louange de Dieu), l'obéissance, la pauvreté, la
patience, la piété, la lance (c'est-à-dire le glaive de douleur, la douleur). Chaque jour elle saluait la Vierge
au nom de ces dix vertus, elle appelait cette prière le psalterium
decem chordarum, et,
par la suite, de grandes indulgences furent conférées à ceux qui la récitent
et à ceux qui portent dix grains d'Ave-Maria en l'honneur des dix vertus. Jeanne
formulait la contemplation des dix vertus en un certain nombre de pensées ou
intentions qui, retracées par elle dans une forme trop concise pour être
claire, ont été expliquées, commentées par le P. Gilbert et sont devenues la
hase de la règle que Jeanne allait instituer ; car cette règle comprend dix
articles[28], chacun consacré au
développement d'un des bons plaisirs de la Vierge, et c'est pourquoi
l'ordre, qui prit bientôt, à la mode italienne[29], le nom d'Annonciade ou de Nonciade, porta au début le titre de Religion des dix
vertus ou des dix bons plaisirs de Marie. Un jour
que Jeanne était en prières, demandant à la Vierge Marie de lui indiquer ce
qu'elle pouvait faire pour son service, elle crut, comme on disait que cela
lui était déjà arrivé dans son enfance, entendre une voix intérieure, la voix
de la Vierge elle-même, qui répondait à ses supplications. La Vierge lui
révéla ainsi les trois exercices qui lui plaisaient, ses trois plaisirs, placita : 1° Entendre son divin Fils et ses paroles
; 2° penser aux plaies, à la croix, à la passion de Jésus-Christ ; 3° témoigner
au Saint-Sacrement de l'autel et à la messe une piété particulière. Jeanne
lui demanda humblement dans son cœur l'explication de cette révélation et
elle crut entendre la Vierge lui dire qu'elle avait eu trois grandes joies :
pendant la vie, à la mort et après la mort de son Fils. La sainte duchesse
demanda encore des explications. La Vierge lui recommanda de se réveiller
tous les matins avec la pensée qu'elle était sous le regard de Dieu et elle
lui expliqua ainsi la pratique des trois premiers plaisirs dont elle avait
parlé : 1° Paroles ; ne prononcer que des paroles charitables, se faire
l'avocat de tous, ne viser qu'à la paix, ne pas entendre de discours
induisant au mal, ne proférer que des paroles de paix et de salut. Aider ceux
dont on entend dire du mal, les défendre devant les hommes et devant Dieu,
prier pour eux : 2° Les plaies du Sauveur ; y penser dès le matin, et
demander à Dieu des afflictions pour sa journée ; supporter patiemment les
injures, la persécution et s'en réjouir dans son cœur : 3° La Messe
l'entendre chaque jour, accompagner le Saint-Sacrement quand il traverse les
champs, veiller sur l'état matériel des églises. Chaque soir, s'examiner sur
l'accomplissement de ces trois articles. Jeanne communiqua les enseignements
de la Vierge à son entourage et de là naquit une pieuse confrérie, dite des dix
plaisirs, que les papes ont, bientôt après, enrichie d'indulgences
extraordinaires. Jeanne
élevait plus haut encore ses mystiques méditations. Elle s'exerçait à la
contemplation des plaies de Jésus-Christ sur la croix, elle y pensait souvent
et elle disait y trouver son refuge dans l'affliction. Elle voyait dans ces
cinq plaies les sources où les hommes doivent puiser l'eau du salut ; elle
les comparait au ruisseau du Paradis dont parle la Genèse (ch. H.) et d'où
s'écoulaient quatre sources. Dans la plaie de la main droite elle trouvait la
source des saintes pensées, à la main gauche les saintes componctions, au
pied droit les saintes affections, au pied gauche les saintes langueurs, au
cœur les saintes transformations. A la
Vierge, par analogie, elle attribuait aussi cinq grandes douleurs, par suite,
de la parole de Siméon au Temple et de la fuite en Egypte ; 2° de la perte de
son Fils au Temple ; 3° de l'enlèvement de Jésus-Christ au Jardin des Olives
; 4° du crucifiement ; 5° du coup de lance donné à son fils sur la Croix. En
l'honneur de chaque plaie de Jésus-Christ, Jeanne disait un pater, un ave et,
une prière ; puis elle demandait d'être blessée de l'amour divin au point de
ne plus ressentir nul autre sentiment et de ne plaire à aucune créature ;
exercice qu'elle nommait le pressoir, disant que l'âme, ainsi pressée au
souvenir du Fils, rendait du vin rouge, c'est-à-dire du sang, et en l'honneur
de la Mère, du vin blanc, c'est-à-dire des larmes. Et puis
elle se consacrait au rosaire ou couronne de la Vierge, couronne, selon son
langage mystique, de perles ou de roses, au nombre de douze, à cause des
douze apôtres, des douze commandements de Dieu... Jeanne pensait aussi qu'il
devait y avoir dans le Ciel douze cercles, qu'elle répartissait ainsi : 1° la
Sainte Trinité, 2° l'Humanité de Jésus-Christ, 3° les Anges, 4° les
Patriarches, 5° les Prophètes, 6° les Apôtres, 7° les Martyrs, 8° les
Confesseurs, 9° les Religieux et anachorètes, 40° les Vierges, 11° les
Veuves, 12° les Femmes mariées. Les trois derniers cercles, je pense,
comprenaient aussi bien les hommes que les femmes, et l'on remarquera que les
femmes mariées sont encore considérées comme celles qui oui amassé sur cette
terre le moins de mérites[30]. En l'honneur de ce saint
rosaire, Jeanne de France faisait chaque jour douze génuflexions, ou, si elle
était trop malade, douze inclinaisons de tête. Telle
est la genèse mystique de l'Annonciade, selon le récit du P. Gilbert Nicolas
lui-même. Il était nécessaire assurément de faire connaître dans quel ordre
d'idées vivait désormais Madame Jeanne. Nous n'avons plus qu'à raconter
comment et à travers quelles difficultés elle vint à bout de l'œuvre qu'elle
rêvait depuis si longtemps. La
première fois qu'elle s'ouvrit de ses pensées au P. Gilbert Nicolas, celui-ci
ne parut guère les goûter ; non pas qu'il ne partageât la dévotion de la
duchesse au degré le plus ardent, mais il aperçut de suite les difficultés de
l'œuvre qu'on lui proposait, difficultés de toute nature ; d'abord
matérielles, car il fallait recruter des religieuses et surtout les doter,
acheter et construire de toutes pièces un couvent, or Madame Jeanne ne
possédait qu'une pension et, si large que fût cette pension, elle ne pouvait
guère assurer l'avenir : difficultés morales aussi ; dans un temps où tant de
choses dépérissaient et se dissolvaient, il ne paraissait pas fort à propos
de charger de plantes nouvelles le jardin de l'Église, où l'on
avait déjà assez à faire de redresser et de maintenir celles que recommandait
leur antiquité. Par tous ces motifs, le P. Gilbert Nicolas engagea fortement
la duchesse à abandonner son projet et, si elle tenait à faire une œuvre pie,
à simplement ériger quelque couvent de l'Ave Maria, comme sa mère ou sa sœur[31]. Jeanne
ne parla plus de sa pensée ; mais le P. Gilbert, que ses fonctions de gardien
du couvent d'Amboise retenaient hors de Bourges, étant venu la revoir au bout
d'un an, la trouva si changée, si faible, qu'il en fut effrayé[32]. Il s'aperçut que le chagrin
d'abandonner ses pieux projets minait la santé de Madame et dès lors il
n'hésita plus. Il fut entendu qu'il allait s'occuper de recruter quelques
jeunes filles disposées à embrasser la vie religieuse et qu'on les installerait,
à titre d'essai, dans les environs du palais de Bourges pour y faire leur
apprentissage de sainteté sous la direction de deux frères minimes détachés
du couvent d'Amboise, les frères Girard Pasquet et Ambroise Basset. Le P.
Gilbert, dès son retour, manda donc une bonne dame de Tours, Mme La
Pourcelle, qui tenait un petit cénacle de pieuses jeunes filles ; il lui
confia, sous le sceau du secret, les projets de la duchesse de Berry et la
chargea d'en faire part aux jeunes filles qui seraient disposées à entrer
dans ses vues. Dix de ces enfants acceptèrent et, le 21 mai 1500, le bon P.
Gilbert alla passer une sorte de revue de ce petit bataillon fidèle et
s'assurer de ses dispositions. On s'en ouvrit alors aux familles dont
plusieurs opposèrent de grandes difficultés ; les parents consentaient bien
que leurs filles se fissent religieuses, mais Bourges était trop loin d'eux I
et comment ces enfants seraient-elles traitées là-bas ? Il fallut leur bien
promettre qu'une si grande princesse que Mme Jeanne de France ne négligerait
assurément pas les jeunes personnes qu'on lui confierait. Enfin,
le 23 mai, un samedi, les dix jeunes filles, sous la conduite de Mme La
Pourcelle, montèrent dans deux charrettes avec leurs petits paquets ; un
clerc d'office de Jeanne, chargé de payer les dépenses, les accompagnait
ainsi que plusieurs de leurs parents. On coucha près de Tours ; le lendemain
matin, on entendit la messe de bonne heure et l'on partit dans la direction
du Berry. Par malheur, la charrette où se trouvait Mme La Pourcelle avec les
moins âgées des futures novices, vint à verser et la bonne dame se blessa
rudement, au point de s'en ressentir toute sa vie. Elle souffrait cruellement
; il fallut gagner avec beaucoup de peine l'hôtellerie la plus rapprochée.
Les jeunes filles l'y déposèrent ; elles l'entourèrent de mille soins et
elles chantaient force hymnes et versets pour obtenir de Dieu que leur bonne
darne pût guérir et continuer son voyage. Mme La Pour-celle,
dominant sa douleur, les réconfortait de son mieux et voulut absolument se
remettre en route. Enfin, le mercredi matin on atteignit une hôtellerie
voisine de Saint-Sulpice-les-Bourges, où Mn' Jeanne fit dire à la petite
caravane qu'elle allait l'envoyer chercher. C'est vers le déclin du jour que
les jeunes recrues de l'Annonciade vinrent frapper à une porte du palais de
la duchesse ; Madame les attendait en secret dans la salle basse du palais,
assise dans un grand fauteuil, et seulement entourée de Mme d'Aumont et de sa
demoiselle d'honneur, Marie Pot. Cette bonne demoiselle se hâta d'allumer des
torches et aussitôt l'on vit entrer Mme La Pourcelle et ses jeunes filles
faisant de grandes révérences et témoignant tout le respect dû à une
princesse. Madame reçut ses filles avec beaucoup de bonté et les fit conduire
par Mme d'Aumont dans l'installation disposée pour elles, qui se composait
d'un jardin, d'une chambre basse et d'une chambre haute ; cette dernière
chambre servait de dortoir, et l'on y voyait, disposés sur des treillis de
corde, des lits de plume garnis de draps un peu gros ; tellement que les
pauvres jeunes filles, accoutumées à coucher bien à leur aise, et plusieurs
même jeunes et délicates, en furent assez étonnées et ne purent fermer l'œil
de la nuit malgré leur fatigue. Le lendemain, jour de l'Ascension, on les
conduisit dire leurs heures à l'église de Montermoyen. Madame les entretint
longuement et fit soigner par ses chirurgiens Mme La Pourcelle. Nous ne
raconterons pas ici toutes les saintes pratiques par lesquelles à partir de
ce jour le pieux troupeau de Madame Jeanne, enflammé par ses exhortations et
ses exemples, s'efforçait d'entrer dans la carrière de la perfection. Madame
Jeanne prêchait à ses filles la vertu pratique plutôt que les abstinences ou
les austérités excessives. Lorsque au bout de quelque temps., le P. Gilbert
Nicolas vint les voir, il les trouva fort édifiantes et fort édifiées, et
l'on s'occupa alors de poser les premières bases d'un règlement. Mais ce
n'était pas tout de rédiger une règle ; il fallait la soumettre à
l'approbation du Saint-Père. On prit ce grand parti. Madame
et le P. Gilbert Nicolas résolurent de députer à Rome un homme de savoir et
de piété pour mettre aux pieds d'Alexandre VI le projet de règle qu'ils
arrêtèrent et la requête de la duchesse. Un prédicateur bien connu dans ce
temps, le P. Guillaume Morin, accepta avec joie de faire ce voyage, bien que
la route de Rome ne fût pas alors aussi aisée qu'elle l'est aujourd'hui, et
il prit immédiatement le bâton de pèlerin pour se rendre à la Ville Éternelle
par la voie de terre : car par terre on ne craignait que les brigands, par
mer on était fort exposé aux pirates sarrazins et à l'esclavage parmi les
infidèles[33]. Grâce aux prières qui
l'accompagnaient, ce vertueux père arriva néanmoins sans encombre au but de
son voyage et reçut du Pape un bienveillant accueil. Mais lorsqu'il parla
d'un projet de règle nouvelle, il rencontra de la part des cardinaux une
opposition absolument unanime. On lui offrit de seconder les pieuses
intentions de Mme la duchesse de Berry en accordant routes les faveurs
spirituelles possibles, en décorant de grâces particulières les sanctuaires
nouveaux que sa piété lui ferait ériger, mais pour un nouvel ordre religieux,
non, il ne pouvait pas en être question. Le refus était si absolu et si
complet que le P. Morin, tout triste et affligé qu'il frit, ne vit pas autre
chose à faire que de reprendre la route de la France ; pour comble de malheur,
il perdit, pendant son retour, le manuscrit de la règle, de sorte qu'il ne
savait plus comment se représenter à Bourges. Il y
vint, cependant, exposer sa déconvenue ; Madame et le P. Gilbert le
consolèrent de leur mieux et le Père résolut d'aller lui-même à Rome tenter
une nouvelle démarche, se jeter aux pieds du Saint-Père ; il se remit donc à
l'œuvre, écrivit de nouveau la règle, puis il partit, avec une bonne escorte,
couvert des vœux et des bénédictions de la communauté. Son premier soin à
Rome fut de remercier Dieu, la bonne Vierge Marie et les apôtres saint Pierre
et saint Paul d'être arrivé et de leur recommander son affaire. Hélas ! ses
prières étaient vaines. Toutes ses démarches se heurtèrent aux difficultés
dont l'éloquence du P. Morin n'avait pas pu triompher. Les cardinaux se
montrèrent inébranlables dans leur résolution, et, après une entrevue
dernière, le P. Gilbert descendait tout triste les degrés du Vatican pour
partir. Tout-à-coup, il est rejoint par un messager du cardinal dataire qui
le ramène ; il trouve le cardinal tout ému d'un songe qu'il venait d'avoir,
où il avait vu saint François et saint Laurent eux-mêmes entourer le P.
Gilbert et recommander sa requête. Le cardinal dataire se chargea donc de
l'affaire ; il consulta tous les cardinaux ses collègues, qui, cette fois,
émirent un avis unanimement favorable, chose réputée bien miraculeuse, étant
donné leur refus précédent. Et ainsi une affaire si ardue se résolut
d'elle-même. Le Pape accorda même une indulgence de dix mille jours pour
toute personne à qui Madame Jeanne apprendrait à dire ses dix Ave Maria et de
mille à quiconque seulement les porterait. Il paraît pourtant que, malgré un
changement si singulier, il fallut subir encore quelques retards, car
Alexandre VI ne signa la bulle qu'au mois de février, le 12 février 1501[34]. On appela ces indulgences le
Pardon des dix Ave Maria. On
devine si le P. Gilbert partit allègrement, s'il fut bien reçu à Bourges ! Il
traversa pourtant bien des tribulations, mais la Providence lui montrait
partout sa protection[35] : sur la route il rencontra les
os de ses compagnons que des brigands avaient méchamment mis à mort. Aussi
comme on écoutait au retour l'étonnant récit de ses succès, de ses périls !
Madame Jeanne ne cessait d'en remercier Dieu et sa très digne mère. La
duchesse s'empressa de faire faire près du roi les démarches nécessaires pour
la reconnaissance légale de l'ordre nouveau. Louis XII accorda verbalement
l'autorisation sollicitée et la formula officiellement dès que le couvent fut
constitué. En attendant, le cardinal d'Amboise, comme légat, autorisa la duchesse,
le 4 décembre 1501, à construire une église et à réunir trente jeunes filles
en une vie cénobitique[36]. Malheureusement
tous ces pourparlers semblaient longs aux jeunes disciples de Jeanne ; ces
enfants ne se rendaient aucun compte des difficultés et des formalités
qu'entraîne la fondation d'un ordre ; elles crurent que jamais on ne
réussirait, le désarroi le plus complet se mit dans ce troupeau de brebis
fidèles. Trois abandonnèrent la duchesse, l'une pour soigner ses frères et
sœurs orphelins, l'autre pour entrer dans l'ordre de Saint-Benoît, la
troisième par découragement. Il en restait six qui voulurent bien attendre la
future religion, tout en exprimant l'intention d'entrer dans tel ou tel
couvent si cette religion ne se fondait pas. Madame
Jeanne, très probablement, était retardée par des considérations financières,
car c'est aux mois de juillet et d'août 1502 seulement qu'elle put s'occuper
de la fondation matérielle de son œuvre. Le roi n'autorisait la création de
l'ordre qu'à condition « de le doter de revenu convenable pour
substanter les religieuses estans en icelluy en telle manière qu'elles, leurs frères,
serviteurs et officiers nécessaires pour la religion puissent honestement vivre oudit monastaire sans grever ou aucunement oppresser le peuple
par aulmosnes, ne autrement[37]. » Elle réunit ses
conseillers intimes, Guy Juvénal, le P. Gilbert, maître Nicole Bouer, chantre de sa Sainte-Chapelle, et leur « demanda
combien il failhoit de rente pour fonder son
couvent de la Vierge Marie de l'Anonciade, tant
pour la noriture de trente personnes, entretenement du dit couvent, que pour subvenir à toutes
charges des mère ancelle et seurs religieuses et de
leurs successeresses ou temps avenir. Lesquels... firent responce
à ma dicte feue dame que, pour ce faire, à leur advis,
il fauldroit bien mil livres de rente, avant plus
que moins'[38]. » Un
chanoine de Bourges, nommé Jehan Chambertin, venait de mourir, laissant une
terre appelée Mazières, dans la paroisse de Bouy, en Berry, d'un revenu
estimatif de 200 livres[39], qu'il fallait diviser entre
huit héritiers dispersés, subdiviser encore entre certains héritiers mineurs,
et de plus qui donnait lieu à un procès avec un certain sire de Villeneuve[40]. Jeanne profita de cette
occasion pour s'assurer de la propriété de cette terre par des achats
successifs. M. et Mme d'Amont achetèrent d'abord, comme pour eux-mêmes, deux
parts d'héritiers ; Madame Jeanne, pendant deux ans, acheta ou fit acheter
patiemment toutes les autres parts, et, malgré l'étroitesse de ses
ressources, elle constitua ainsi peu à peu la première partie de l'apanage du
nouvel ordre[41]. En même temps qu'elle
commençait ses achats, elle chargeait son écuyer Bien-Aimé Georges de
chercher dans la ville un terrain favorablement disposé pour l'érection du
couvent. De l'avis de Louis d'Amboise[42] et des autres personnages,
Louis jeta les yeux sur un assez vaste emplacement situé en triangle entre
l'église de Montermoyen, le palais ducal et les murailles de Bourges. Ce
terrain, couvert de maisonnettes et de jardins, entourait les dépendances des
chanoines de Montermoyen et leur appartenait ; chose incroyable ! c'était un
repaire de femmes de mauvaise vie et le scandale de la ville. Et cependant le
chapitre refusa de le vendre. Chose plus surprenante encore, il fallut pour
fléchir les chanoines les prières instantes des plus grands personnages de la
ville, l'appât d'un prix considérable, huit cents écus d'or, payés comptant.
Il fallut souscrire à la condition que toutes les offrandes faites au nouveau
monastère appartiendraient entièrement à l'église de Montermoyen comme
paroisse. Enfin le 12 décembre 1502, après cinq mois de pourparlers, le
chapitre ratifia le contrat passé le 27 août[43] et permit aux pieuses aumônes
de remplacer le prix du vice, à l'austérité, à la pureté des vierges
annonciades de fleurir dans les lieux voués jusque-là aux plus abominables
scandales. On se
mit aussitôt à l'ouvre et bientôt Jeanne et ses
conseillers vinrent solennellement, selon l'antique usage, poser la première
pierre de l'édifice. L'écuyer Bien-Aimé Georges, qui avait pris la direction
des travaux, ne fut pas toujours très heureux, mais, par un miracle extraordinaire
qu'il s'est plu à publier partout et dont il a témoigné par écrit, aucun
ouvrier ne fut même blessé. Un éboulement se pro-(fuit pendant qu'on creuse
les fondations et ensevelit plusieurs ouvriers ; pendant qu'on cimente les
premières assises, une charrette de pierre verse d'en haut sur les quatorze
ou quinze travailleurs, entraînant un ouvrier ; au moment où on creuse le
puits, l'échafaudage de l'orifice s'écroule sous le poids d'un énorme bloc de
pierre et tombe au milieu des puisatiers avec fracas ; et, dans tous ces
accidents, pas un homme n'a une égratignure ; chose vraiment merveilleuse[44]. Tant on voyait naturellement
naître des miracles en une si pieuse entreprise, autour d'une femme aussi
sainte que Madame Jeanne ! Pendant
les travaux, la duchesse, avertie par l'expérience, installa ses filles dans
une des maisons qu'elle venait d'acquérir et où il y avait trois pièces dont
on fit provisoirement un dortoir, un réfectoire et une chapelle ; les jeunes
religieuses se trouvaient là à l'abri des bruits du dehors et de la
contagion. Une rue qui menait à la Grosse-Tour et qui, par conséquent,
faisait partie du domaine réservé par la juridiction royale, traversait
pourtant l'enclos, ce qui était gênant et même encore dangereux pour la vertu
des jeunes novices, car « par les passans allaus et venans se client
souventes foys beaucoup de paroles de fames dissolues et deshonnestes,
qui seroit un grant
opprobre et chose scandaleuse si elles estoient
oyes par lesdites religieuses. » A la demande de Jeanne, Louis XII
accorda gracieusement à sa très sainte et très chère cousine, la duchesse
de Berry, l'autorisation de fermer cette rue par une porte, excepté en
temps de guerre, de feu et autres nécessités et imminans
périls[45]. Voilà
comment s'est élevé, sous les yeux de la duchesse de Berry, le monastère de
l'Annonciade de Bourges dont la plupart des bâtiments existent encore. Son
architecture est des plus modestes et montre assez l'économie qui a présidé à
son érection comme aussi l'esprit de religieuse pauvreté qui animait sa
fondatrice ; on entre dans une cour et l'on voit à droite des communs Sort
simples, en face le bâtiment principal qui n'est pas plus orné, à gauche
l'église où l'on pénètre par une petite porte du style gothique flamboyant,
surmontée de l'écu en losange de Madame Jeanne avec la statue de la Vierge,
les anges en prières, les lettres initiales des dix plaisirs. L'église[46] avait autrefois sept fenêtres.
C'était une nef simple et régulière, avec un sanctuaire élevé et un autel de
pierre orné des statues en terre cuite de Saint-Jean-Baptiste et de
Saint-Jean l'Évangéliste : un mur de refend séparait de l'église le chœur des
religieuses[47]. De l'autre côté le jardin des
religieuses confinait au jardin du Palais. Le
palais et le couvent, si proches voisins, en quelque sorte ne faisaient plus
qu'un. Madame Jeanne vivait familièrement avec ses filles, les entretenant de
pieux et beaux discours. Lorsque les novices eurent usé leur garde-robe, la
duchesse leur fit faire des robes de drap bleu garni de blanc, afin de leur
donner les couleurs qu'on attribue d'ordinaire à la Vierge, leur patronne[48] ; elle y joignit un bonnet
blanc. Depuis lors, les jeunes filles, quoique n'ayant pas encore fait
profession, ne sortirent plus du couvent. Madame Jeanne en profita pour leur
donner les dix Ave Maria, conformément au privilège d'Alexandre VI, et
ensuite elle conféra les mêmes indulgences à un grand nombre de personnes en
leur recommandant la chasteté[49]. Le 20
octobre 1502, Jeanne de France donna régulièrement l'habit à cinq novices,
avec un cérémonial touchant, mais fort modeste. Dans la petite chapelle
provisoire, le P. Gilbert célébra une grand'messe ; les novices y
communièrent autour de Madame Jeanne, puis elles vinrent s'agenouiller devant
la duchesse qui les revêtit successivement de l'habit bleu et d'un scapulaire
rouge serré autour de leur taille par une grosse corde à dix nœuds, en
l'honneur des dix vertus de la Vierge ; Madame prit ensuite des ciseaux et
fit tomber toutes ces jeunes chevelures, inutile ornement de visages qui
allaient s'envelopper du symbole de la virginité, du voile blanc. Plus tard
les Annonciades ont toutes porté un anneau de fiançailles qui rappelait en
même temps et la foi engagée par elles à un immatériel époux et les destins
douloureux de leur fondatrice. Ainsi
est né, modeste, simple, pur, dans une toute petite chambre à côté d'un beau
palais et des magnificences de l'art religieux, l'ordre de l'Annonciade. A
l'heure où le luxe, où les splendeurs de l'art, où la richesse et la vie
sensuelle prenaient possession du monde, il vient paraître à Bourges, comme
un produit mystique du moyen âge, comme un fruit de la pauvreté, de la
candeur des temps passés. Ses
premiers débuts avaient été laborieux ; du moins son essor fut assez rapide.
Nul ne montrait plus de dévouement aux intérêts de l'ordre que le vieux Louis
d'Amboise, l'ancien juge de Jeanne, qui maintenant se trouvait près d'elle et
mettait tous ses soins à lui faire oublier le passé. L'ordre naissant ne
tarda pas à recevoir de nouvelles recrues, et parmi elles une bonne dame
habitante d'Amboise qui n'avait jamais été mariée et qu'on connaissait pour
ses bonnes mœurs et ses vertus. Un jour, en se rendant au palais pour
assister à la messe, Louis d'Amboise rencontra cette dame et la reconnut ; il
l'accueillit chaleureusement, il voulut même absolument lui faire une petite
pension pour aider à son installation, quoiqu'elle Mt de bonne maison et
qu'elle n'en mât vraiment pas besoin. Il aurait désiré l'emmener à Albi pour
y fonder un couvent d'Annonciades, comme il déclara à Madame vouloir le
faire. Mais cette bonne demoiselle était trop âgée pour une si lourde
entreprise, et Louis d'Amboise lui-même aussi ; le neveu de Louis, son
successeur à Albi, s'en chargea et ainsi le second couvent de l'ordre des
Annonciades en France naquit bientôt d'une amende honorable d'un des juges du
divorce[50]. Madame
Jeanne s'appliqua dès lors à organiser la communauté dans ses moindres
détails. Lorsqu'elle quittait Bourges pour aller chez sa sœur Mme de Bourbon,
ou chez Mme de Chaumont à Meillant, ou dans ses terres, elle ne manquait
jamais de venir prendre congé de ses sœurs et de les encourager par quelques
bonnes paroles. Le P. Gilbert, devenu provincial de son ordre, retourna à
Rome où il obtint encore de nouvelles faveurs. Madame fit aussi procéder aux
premières élections et le nom de sœur Catherine Gauvinelle sortit de l'urne
comme mère ancelle, celui de sœur Marguerite Blandine comme vice-gérante. Les
soins généraux du couvent n'empêchaient pas Jeanne de descendre, en même
temps, dans les plus intimes détails. On raconte qu'elle allait à la cuisine
s'assurer comment étaient nourries ses filles, voir faire le potage el
distribuer les portions. Elle oubliait son rang, presque royal, pour montrer
à la sœur la manière de couper la viande ou d'arranger les œufs. Et cela
était pour la communauté, comme on peut croire, un rare sujet d'édification. Nous ne saurions raconter tous les témoignages de sa dévotion, sa piété, ses scrupules d'enfant soumise à l'Église, ses dévotes conversations avec son confesseur, ses exhortations à ses filles bien-aimées. Toutes ces pieuses pratiques remplissaient la vie de Jeanne et semblaient, comme le remarque Brantôme, absorber tous ses instants. Le nouvel évêque d'Albi, Louis d'Amboise, venait fort souvent la voir ; il prêchait devant elle ; il prêcha et officia ainsi pendant un carême ; le vendredi saint, ayant à expliquer la Passion de Jésus-Christ, il le fit avec une telle effusion de larmes que l'assistance entière en était troublée ; il fallut que la bonne mère, sœur Gauvinelle, lui fît passer des linges pour s'essuyer le visage. La même émotion pénétrait Madame Jeanne, elle pleurait souvent en entendant la messe, et un jour, notamment, elle répandait une telle abondance de larmes qu'on remarquait qu'elle ne pouvait suffire à les étancher et qu'elle les buvait en quelque sorte.... Jeanne de France avait commencé sa vie au sein de la douleur ; dans le cours de son existence elle avait connu tous les genres de souffrance et jamais elle n'avait, pleuré. Elle pleurait maintenant, elle pleurait abondamment et sans cesse, mais ces larmes la soulageaient, car c'était des larmes de joie et d'amour. |
[1]
Brantôme, Vie de Jeanne de France.
[2]
Chronique du Loyal Serviteur.
[3]
M. l'abbé Moulinet, Vie de la B. Jeanne de Valois, p. 80 et autres.
[4]
Summarium de 1774, p. 77.
[5]
Le bibliophile Jacob (Histoire du XVIe siècle, t. III, p. 53) dit que
l'on nommait Jeanne bienheureuse de son vivant. Nous n'avons pu toutefois
trouver aucune trace de ce fait.
[6]
Raynal, Histoire du Berry. — En même temps le blé fut très-cher et les
vignes gelèrent (Chronique de Jean Batereau).
[7]
P. de Mareuil, p. 100.
[8]
Summarium de 1774, p. 77.
[9]
Le Jeudi-Saint, suivant l'usage de tous les princes, elle lavait
les pieds de douze pauvres.
[10]
Raynal, P. de Mareuil.
[11]
En 1318 et 1327. Raynaldi, t. V, p. 111 et 361.
[12]
Manuscrit de l'Annonciade.
[13]
Hennin, Monuments de l'Histoire de France, t. VIL : Montfaucon, III, pl.
62. — Cf. Bulle de janvier 1484, Arch. Nat. L. 326.
[14]
Marchand, Mémoire sur la ville et les seigneurs de Gien, p. 23, note 2.
Patron, Recherches historiques sur l'Orléanais, t. II, p. 440441. —
Charles VIII, en mars 1489, obtint aussi d'Innocent VIII une bulle pour
l'établissement de couvents de l'Ave-Maria dans le royaume (orig.
Arch. Nat. L. 326).
[15]
C'est une erreur. Ces vers, bien qu'exacts dans leur sens général, sont
postérieurs à Jeanne, comme nous le montrerons plus loin.
[16]
Pierquin de Gembloux.
[17]
Selon les mots : Ecce encula Domini, réponse
de la Vierge dans l'Annonciation.
[18]
Arch. du Cher, reg. D. 33, f° XIII. « S'ensuit l'oraison que disoit feue Madame en son vivant. » Cette oraison doit
se traduire ainsi : « Marie, digne Mère de Jésus, faites-moi votre digne
micelle et servante : donnez-moi d'être toujours eu votre grâce ; faites-moi
aimer qui vous aime, à cause de son amour pour vous ; faites-moi aimer de qui
vous aime, à cause de l'amour que j'ai pour vous. Ainsi soit-il ! »
[19]
Bibl. Nat. mss. de Camps, t. LI. -- Mentionné par
Catherinot, Sanctuaire du Berry, p. 30, et dans l'Inventaire des
titres... etc., de la Thaumassière.
[20]
Vérification de 1738, Summarium de 1742, p. 114 à 117, 127.
[21]
Une parcelle de cette robe est gardée à la cathédrale de Bourges ainsi que des
parcelles d'étoffes de soie, et un soulier de Jeanne, en cuir élégamment frappé
d'or. Un autre soulier pareil est conservé au Musée départemental du Cher. Au
Louvre, on conserve un fragment d'étoffe ayant appartenu à Jeanne ; c'est un beau damas de soie rouge dans le dessin duquel figurent
des couronnes ducales. On y conserve également un petit coffret de bois sculpté
et un grand coffre à reliques, en bois peint, à colonnettes dans les angles ;
les panneaux, autrefois ornés d'arabesques sur fond rouge, portent d'un côté
l'écu losangé de Jeanne, de l'autre le monogramme de J.-C. dans une couronne
d'épines soutenue par deux anges agenouillés, de l'autre le monogramme de Marie
dans une couronne soutenue de même. Ces objets, acquis en 1853, de M. Dumoutet, sculpteur à Bourges, sont maintenant placés dans
le cabinet d'un des conservateurs. (Voir Barbet de Jouy, Notice des
antiquités... composant le Musée des Souverains, p. 76-78. — La preuve de
l'acquisition résulte du registre des entrées et de la correspondance
administrative que M. Saglio, conservateur du Musée,
a bien voulu nous communiquer. M. Dumoutet n'a pas
établi comment il possédait ces objets, mais leur caractère intrinsèque paraît
bien en démontrer l'authenticité).
[22]
Ce triptyque, dessiné dans le livre de Pierquin de Gembloux, était indiqué dans
la correspondance administrative de 1853 comme devant faire partie de l'achat
du Louvre, mais on ne sait ce qu'il est devenu.
[23]
L'Annonciade de Bourges prit pour armoiries : une Annonciation d'or sur champ
d'azur. (Armorial général, mss. de d'Hozier, à
la 1311. Nat., t. V, p. 302).
[24]
Des témoins entendus dans la procédure de 1614 disaient posséder, comme
souvenirs de Jeanne, des vases de pharmacie en verre de Venise, un gobelet
d'argent ciselé représentant saint François
[25]
« Un chapelet disposé en trois croix où dans celle du milieu il y a d'un costé un crucifix et de l'autre une Nostre
Dame de Pitié, le tout d'argent, et contient ledit chapelet vingt-deux grains
de jaspe. Plus un autre chapelet de jaspe contenant quarante-deux grains et de
plus un dizain avec la grosse patenostre de jaspe,
toutes lesquelles choses de dévotion sont conservées. » (Arch. du Cher. Fonds
de sainte Jeanne. Extraict Mémorial des brefs des
papes en laveur de l'Ordre de l'Annonciade, laict le
14 novembre 1647, n° 28 ; reg., pap., de 4 folios, signé : « Sr Jehanne Bengi, humble mère aucelle. »)
[26]
Ces objets et d'autres encore étaient conservés comme reliques à l'Annonciade
de Bourges en 1738. (Summarium de 1742, p. 129, 130, 131.) Toutefois, le
P. Gazet, dit que ces dernières sculptures auraient
été exécutées sur le chapelet de Jeanne après sa mort. (Chronique..., p.
110).
[27]
Ce qui suit est le résumé d'eu traité du P. Gabriel-Maria (Gilbert-Nicolas),
imprimé dans le Summarium de 1774, p. 189 et suiv.
[28]
Summarium de 1774, p. 219-223.
[29]
Le récit des campagnes d'Italie introduisit en France le mot d'Annonciade : «
Le roy alla ouyr la messe à l'Annunciade,
» disait-on de Charles VIII à Naples. (Le Vergier
d'honneur, édition Chuber et Danjum,
p. 350-354).
[30]
En effet, il n'y a point de femmes mariées canonisées ; il n'y a que des
vierges ou des veuves.
[31]
Il y avait déjà à Bourges un couvent de Sainte-Claire, érigé en 1470. (Raynal,
III, 272).
[32]
Nous résumons ce qui suit d'après le Manuscrit de l'Annonciade, Summarium
de 1774, p. 77 à 188.
[33]
Un bref du 9 mai 1480 notamment raconte qu'un frère mineur avait été ainsi
enlevé par des pirates, en se rendant à nome au chapitre général de son ordre (Orig. Arch. Nat. L. 325).
[34]
Publiée par le Summarium de 1774, p. 26, et dans le Summarium de
1742, p. 35. La date de cette bulle contredit le récit du Manuscrit de
l'Annonciade d'après lequel le P. Morin serait parti pour Rome clans le
courant de l'année 1501.
[35]
Il tomba un jour du haut d'une montagne trois fois grande comme la plus haute
cathédrale de France : mais il tenait la règle à la main, il ne se fit aucun
mal.
[36]
Orig. Arch. du Cher, Fonds de Sainte-Jeanne, tit. I,
chap. 12 et 13. — Les lettres-patentes visant la bulle du pape sont datées de
Lyon, décembre 1503, et celles qui approuvent les fondations de Jeanne, de
Lyon, mars 1503 (1504).
[37]
Arch. Nat. P. 1359, n° 615.
[38]
Sœur Catherine Gauvinelle, mère ancelle du couvent, et les sœurs firent
constater ce dire par acte authentique, devant le
prévôt de Bourges, le Il mars 1504 (1505), pour le produire à Anne de Bourbon,
après la mort de Jeanne. Dans cet acte de 1505, le P. Gilbert Nicolas est dit âgé
de quarante ans ou environ. (Orig. Arch. du Cher,
Fonds de l'Annonciade, liasse : Imprimés de la règle des religieuses de
Sainte-Jeanne... etc.).
[39]
Cela résulte de l'évaluation à 25 francs du revenu annuel d'une part de 1/8
(acte du 16 mars 1503-1504, Arch. du Cher).
[40]
Arch. Nat., P. 1359 t, c. 610, achat du 16 mars 1503 (1504).
[41]
1502, 11 juillet. Le sire d'Aumont a lète à Pierre Hémery,
receveur de la seigneurie de Louroux, et à Isabeau Chambetin, sa femme, nièce
du chanoine ; à Ogier Orgeon et à Charlotte Chainbetin, sa femme, également nièce du chanoine, leur
part, soit 2/8 pour 1775 livres. (Arch. du Cher, Annonciade, II, Mazières, tit.
I, chap. I").
23 juillet. Madame d'Aumont, au nom de son mari, achète
à Noble homme Charles de Preigny, écuyer, seigneur de
Villeménart (près Mehun-sur-Yèvre), et à Marie
Chambetin, sa femme, sa part, soit 1/8 pour 887 livres. (Arch. Nat. P. 1359 ¹,
c. 612).
1503, 19 août. Jeanne de France achète à Jacques Sarrebourse, bourgeois et marchand à Orléans, neveu du
chanoine, sa part, soit divers biens spécifiés équivalents à 1/16, pour 437
livres 10 sous (vidimus de 1505, Arch. Nat. P. 1359 I, c. 606). Jeanne lit don
de ces terres à l'Annonciade dès le 15 novembre 1503. (Arch. Nat. P. 1359 ¹, c.
615).
1504, 9 mars 4503. Jeanne achète par l'intermédiaire de
Guichart de Vaubrion, son
maître d'hôtel, et de Jehan Denis, contrôleur de sa dépense, à Jehan Mauhert, marchand à Orléans, époux de Jaquette Sarrebourse, sa part, soit 1/16, pour 437 livres. (Arch.
Nat. P. 1359 ¹, c. 609).
16 mars 1503. Jeanne achète par Guichart
de Vaubrion et Christophe Chardon, son secrétaire, à
Jean Chambetin, procureur au Parlement de Paris, sa part, soit 1/8 ou 2/16,
pour 887 livres 10 sous. (Arch. Nat. P. 1359 ¹, c. 610).
6 juillet. Jeanne de France achète : 10 à Perrette Beaulière, veuve de Pierre Sarrebourse,
jadis licencié en lois, advocat et conseiller en la
cour d'Orléans, au nom de ses enfants mineurs, et à ses enfants majeurs Florent
et Jacques ; 20 à Pierre Guillemet, curé de Tendron, pour lui et ses frères et
sœurs ; 30 à Jean Verret, pour lui et sa femme, fille de Perrette Sarrebourse, leurs parts, soit 3/8 ou 6/16. (Arch. Nat. P.
1359 ¹, c. 608).
Le 28 mai 1504, le sire d'Aumont transporta à la
duchesse de Berry, et pour le montant du prix d'acquisition qu'il reconnaît
avoir soldé « des deniers et argent de maditte dame,
» les parts de l'héritage Chambetin qu'il avait acquises le 11 et le 23 juillet
1502 ; et l'affaire se trouva ainsi entièrement régularisée. (Arch. Nat. P.
1359 ¹, c. 607).
[42]
Neveu du juge de Jeanne.
[43]
L'acte du 27 août est passé devant les notaires Babou et Mayet. Ces deux actes
sont aux Arch. du Cher (tit. Ier, ch. Ier, art. Ier).
[44]
Récit de B. Georges, reproduit par le Manuscrit de l'Annonciade. Ces miracles
sont contestés dans le Procès même de Canonisation, Summarium de 1774,
p. 448.
[45]
Arch. du Cher, Fonds de l'Annone., tit. Ier, chap. I, art. 2.
[46]
Actuellement transformée en magasin militaire.
[47]
Procès-verbal de translation au couvent. Summarium de 1742, p. 411 et
suiv.
[48]
Elle y joignit bientôt le rouge et donna définitivement à l'Annonciade un
vêtement tricolore : Ces couleurs furent changées par la suite.
[49]
Le 3 octobre 1502, l'archevêque de Bourges acquiesça à l'institution de Madame
Jeanne et aux exemptions du Souverain-Pontife relativement à la juridiction
diocésaine. Il donna pouvoir à un prêtre régulier de desservir les religieuses
(Orig. Arch. du Cher. Fonds de Sainte-Jeanne, tit.
1er, chap. 12 et 13).
[50]
Il existait à Albi depuis 1325 un prieuré d'hommes, dit de Fargues, du nom de
son fondateur, l'évêque Bérald de Fargues. Le
cardinal d'Amboise, par lettres de Béziers, 23 février 1506, autorisa sa
transformation en couvent de l'Annonciade et Louis Il d'Amboise, évêque d'Albi,
effectua cette transformation du consentement du prieur par lettres datées du
château de Combéfa le 15 mars 1507. Ou fit venir des
religieuses de Bourges qui furent installées le Il février 1508 par l'évêque de
Montauban, Jean d'Auriol. (Note de M. Jolibois, archiviste du Tarn. — Gallia
Christ., I, c. 34). L'ordinaire entendait conserver le couvent sous sa
juridiction. Le cardinal d'Amboise, comme légat, trancha la question en faveur
des frères mineurs (bulle du 21 octobre 1506 et décision conforme de l'évêque
d'Albi du 5 décembre 1506, Arch. du Cher, Fonds de Sainte-Jeanne, Faveurs
spirituelles).