Nous pourrions terminer ici l'exposition du gouvernement de Charles VII, puisque nous avons passé en revue tous ses travaux législatifs. Mais l'importance de ce gouvernement n'apparaîtrait peut-être pas tout entière si nous ne disions quelque chose de ses relations extérieures. Ici encore il y a lieu de signaler des innovations remarquables, et l'on peut même reconnaître un progrès manifeste vers cet ordre de choses qui s'est appelé depuis le seizième siècle l'équilibre européen[1]. Un caractère distinctif des gouvernements féodaux, c'était comme on le sait, l'esprit d'exclusion et d'isolement. Concentrés en eux-mêmes, vivant tous dans une défiance réciproque, ils n'entrevoyaient guère leurs voisins que pour les braver et les combattre. Si quelques liens se formaient entre eux, ces alliances étaient toutes locales ; du moins, n'y a-t-il que bien peu d'exemples de relations établies entre des États de race et de langues différentes. Nous n'entendons pas parler, sans doute, de ces rapports que la religion avait créés et qu'elle entretenait ; ce fut le propre du moyen âge de connaître à la fois le morcellement politique le plus complet, et l'unité religieuse la plus absolue. Les relations politiques entre les différents États de l'Europe étaient donc extrêmement rares, et il n'y a guère que la France que son caractère expansif ait portée à regarder quelquefois par-dessus ses frontières, pour s'entendre avec ses voisins et les appeler à une alliance. C'est ainsi que, sous Philippe-le-Bel, des traités avaient été conclus avec Jean Bailleul, roi d'Écosse[2], avec Éric VIII, roi de Norvège[3], avec Albert, duc d'Autriche[4], et Henri VII, roi des Romains[5]. Ces relations, à l'exception de celle qui avait été commencée avec la Norvège, s'étaient continuées sous les premiers Valois. Elles avaient pour but de défendre la France contre l'Angleterre ; malheureusement elles restèrent à peu près stériles sous des rois aussi inhabiles que Philippe VI, Jean-le-Bon et Charles VI, et servirent tout au plus au goût d'ostentation de ces princes et à l'éclat du trône. Les attaques répétées que l'Écosse dirige à cette époque contre l'Angleterre, ne peuvent guère être considérées, en effet, comme des diversions en faveur de la France, et les alliances qu'on entretenait avec l'Empire et avec la Castille étaient conçues de telle sorte qu'elles ne pouvaient inspirer une crainte sérieuse à l'Angleterre. Le peu d'avantages qu'on retire de ces alliances, la mollesse avec laquelle elles sont entretenues, ne permettent donc pas d'apercevoir dans les rapports des premiers Valois et de l'étranger l'ébauche vigoureuse d'une politique nouvelle. Ce progrès était-il réservé au règne de Charles VII ? Le nombre et l'importance des actes diplomatiques qu'on y rencontre nous portent à penser qu'en effet les combinaisons de la politique moderne commencent véritablement à cette époque. Nous remarquons aussi que ces actes indiquent la pensée bien arrêtée d'établir un système d'alliances destiné à maintenir l'intégrité de l'État, en promettant en échange une semblable garantie aux États alliés. Nous verrions donc apparaître ici une nouvelle politique, ayant pour but la balance des forces et l'établissement d'une sorte d'équilibre entre les différents États. C'est en reprenant les alliances déjà tentées sous ses prédécesseurs, en leur donnant un but bien déterminé, en les appuyant sur des conventions réciproques parfaitement nettes et définies ; c'est en signant de nouveaux traités avec des nations que la France n'avait pas encore eues pour alliées, et en confiant le soin de tous ces intérêts à une diplomatie discrète, active, intelligente, que le gouvernement de Charles VII aurait inauguré cette nouvelle politique. Si cette opinion était fondée, il s'ensuivrait qu'en faisant commencer au règne de François Ier ce qu'on est convenu d'appeler la politique d'équilibre, on aurait commis un anachronisme d'un siècle ! Entrons dans quelques détails sur ces relations extérieures. Nous savons déjà que Charles VII avait deux adversaires, le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne. Unis contre la France, ces deux princes étaient fort à redouter, et ils l'étaient encore isolément, car ils disposaient l'un et l'autre de forces considérables. Pour neutraliser ces forces, Charles VII crut devoir recourir à l'alliance des nations étrangères. On le vit ouvrir des relations diplomatiques avec presque tous les États de l'Europe, avec l'Espagne, l'Écosse, la Flandre, la Bohême, la Hongrie, les princes de l'Allemagne, l'empereur, le Danemark, avec plusieurs États de l'Italie, comme Venise et la Savoie. Servi par des hommes intelligents et dévoués, comme Dunois, Cousinot, Thomas de Courcelles, Jean de Chambes, Gabriel de Bernetier, Étienne Chevalier, Jacques Cœur, etc., il eut assez d'habileté pour faire entrer et pour retenir toutes ces puissances dans ses intérêts. Pour lutter avec l'Angleterre, Charles VII avait rencontré dès le début de son règne un allié fort actif dans le roi d'Écosse, Robert III. Nous avons déjà remarqué, du reste, que cette union de l'Écosse et de la France contre l'Angleterre était de tradition entre les deux pays. Charles VII était à peine roi que l'Écosse lui envoyait des auxiliaires, et même, chose curieuse, ces soldats formèrent à eux seuls presque toute l'armée royale pendant assez longtemps[6]. A vrai dire, la bataille de Verneuil, livrée en 1424, ne fut guère qu'une lutte privée entre les Écossais et les Anglais, ce qui ne la rendit que plus acharnée. Ces auxiliaires écossais y périrent même presque tous, à la grande joie de Thomas Basin, qui les regardait comme de véritables barbares et ne parle de leur conduite qu'avec horreur[7]. Il ne paraît pas que Charles VII ait éprouvé le même plaisir à les voir disparaître ; du moins le vit-on fortifier son alliance avec l'Écosse, en 1428, en stipulant le mariage de son fils avec Marguerite d'Écosse[8]. Quelques années après, quand il voulut se passer des compagnies d'aventures et avoir une armée nationale, il fit une exception en faveur des Écossais, et ce qui ne laisse pas d'être assez singulier, la première des quinze compagnies d'ordonnance fut composée exclusivement de ces soldats[9]. L'amitié de l'Écosse et de la France persista jusqu'à la fin du règne de Charles VII. Cette bonne intelligence nous est attestée par plusieurs actes diplomatiques. En 1448, à l'occasion des fiançailles de Sigismond, duc d'Autriche, et d'Éléonore, fille du roi d'Écosse le roi de France écrit au prince allemand une lettre de félicitations remplie des termes les plus flatteurs pour la maison d'Écosse, son ancienne et sincère alliée[10]. Embarrassé quelques années après dans une guerre avec la noblesse de ses États, commandée par les Douglas, et avec l'Angleterre, Jacques d'Écosse ne croit pouvoir mieux faire que de s'adresser à Charles VII[11]. Il lui écrit une lettre fort longue, pleine de déférence, et presque du ton d'un vassal envers son suzerain, pour le conjurer de lui prêter son appui. De nouvelles lettres furent échangées en 1457, à l'occasion de démêlés entre l'Écosse et le Danemark[12], et Charles VII promit en même temps aux deux rois, qui étaient tous les deux ses alliés, de s'interposer pour faire cesser leurs différends. La haine de l'Angleterre qui avait fait naître cette sympathie entre l'Écosse et la France, avait dû naturellement la faire durer. L'alliance de la France et de la Castille, alliance déjà fort ancienne puisqu'elle datait du règne de Charles V, fut aussi renouvelée par Charles VII à l'époque du traité d'Arras. Le roi de Castille, disait le traité qui fut alors signé, ne s'unira avec aucun prince hostile au roi de France, et ils s'aideront mutuellement contre tous leurs ennemis. La Castille fournira à la France des galères et d'autres vaisseaux, ainsi que des soldats que Charles VII soudoiera ; de plus, les vassaux et les sujets de Jean II pourront à leur gré venir servir en France, et le roi de Castille 's'engage à remettre au roi de France toutes les places et forteresses qu'il reprendra sur les Anglais, ainsi que la personne même du roi d'Angleterre s'il tombe entre ses mains[13]. Ce traité et l'amitié qu'elle sanctionnait étaient une menace habilement dirigée contre les possessions que les Anglais avaient encore en grand nombre le long des Pyrénées à l'époque du traité d'Arras. Les guerres civiles qui agitèrent vers ce temps-là la Castille empêchèrent Charles VII de tirer de cette union tout le profit qu'il en espérait, mais elle lui fournit du moins l'occasion de resserrer les relations commerciales des deux pays. Le roi de France ne perdit jamais le souvenir de ces bons rapports, et vers la fin de son règne essaya de les réveiller. En 1454, l'archevêque de Tours et le sénéchal de Rouergue furent envoyés en Espagne pour confirmer les vieux traités et pour en conclure de nouveaux[14]. La France sut aussi gagner l'Empire à sa cause pendant ses luttes avec l'Angleterre. Dès l'année 1430, Frédéric, duc d'Autriche, depuis empereur sous le nom de Frédéric III, s'unissait à Charles VII contre l'Angleterre et la Bourgogne, alliance toute spontanée de la part du duc, comme on le voit dans le préambule du traité. De lui-même il offrait au roi de France ses biens, sa personne et toutes ses ressources, et il s'engageait à n'avoir d'autres alliés ni d'autres ennemis que les siens[15]. Cette alliance que le caractère et la détresse de Frédéric rendirent d'ailleurs fort peu efficace, se prolongea assez longtemps, car ce fut au nom de la vieille amitié qui l'unissait à Charles VII que Frédéric III lui demanda vers 1441 ses Armagnacs pour s'en servir contre les Suisses[16]. Le roi les lui envoya avec un grand empressement, mais presque aussitôt il donnait à son allié de graves sujets d'inquiétude, en allant attaquer Metz, Épinai et Toul, dans le but de remettre entre ses mains diverses seigneuries, cités ou villes étant en deçà du Rhin, qui d'ancienneté appartenaient à la France[17]. Cette agression audacieuse refroidit les deux princes l'un pour l'autre, sans déterminer cependant Frédéric III à passer du côté de l'Angleterre. A plusieurs reprises il envoya même des lettres pleines de déférence à Charles VII, soit à l'occasion du schisme, soit pour le prier de réunir ses troupes à celles de l'Empire contre les Turcs[18]. Ces bonnes dispositions de Frédéric III ne servirent pas, sans doute, bien efficacement à la France dans sa lutte avec l'Angleterre ; cependant c'était quelque chose que cette neutralité bienveillante, car il est clair qu'une guerre avec l'Empire eût divisé d'une façon bien fâcheuse les forces de Charles VI. Une alliance plus intéressante est celle qui fut conclue, en 1456, avec Christian Ier, roi du Danemark[19]. Il était d'une habile politique d'aller chercher contre les Anglais, déjà puissants sur mer, un auxiliaire dont la force était surtout maritime. Voici les principaux articles de ce traité. En cas de guerre entre la France et l'Angleterre, le roi de Danemark devait fournir au roi de France de 40 à 50 vaisseaux, et 6 ou 7.000 hommes que la France s'engageait à solder. Si on conquérait quelque chose sur l'Angleterre à l'aide de ces secours, on le partagerait avec le roi de Danemark. A partir de la déclaration de guerre, les Anglais ne pourraient commercer ni jouir d'aucune franchise dans aucun des deux pays. Le roi de France proposait sa médiation pour faciliter un arrangement entre le roi d'Écosse et le roi de Danemark, et s'engageait à prendre parti pour le Danemark si l'arrangement ne pouvait avoir lieu. Enfin il promettait d'appuyer Christian Ier contre le roi de Suède et les villes de la Hanse qui pourraient devenir ses ennemis. Les clauses de ce traité attestent la puissance croissante de la royauté, l'opinion qu'elle donnait aux autres et qu'elle avait de ses propres forces. Il lui fallait, en effet, une grande confiance en elle-même pour qu'elle osât s'engager à intervenir dans une guerre aux extrémités de l'Europe. Ces négociations témoignent en même temps de l'activité de ce gouvernement, qui allait chercher et qui trouvait des auxiliaires dans des directions si différentes. Pour faire contrepoids au duc de Bourgogne, il eut aussi l'habileté de lui susciter des ennemis au cœur et sur tous les flancs de ses vastes états. Nous savons qu'un des principaux griefs du duc de Bourgogne contre le roi pendant les dernières années du règne, était l'alliance de Charles VII avec le roi de Hongrie, l'empereur et les princes de l'Empire, les pays de Danemark, de Liège et de Berne[20]. Les envoyés du roi de France avaient, en effet, sourdement excité l'Empire et plusieurs autres pays contre le duc de Bourgogne. Le roi de Hongrie, Ladislas, petit-fils de l'empereur Sigismond, revendiquait le Luxembourg dont Philippe-le-Bon s'était emparé ; on lui fit si bien comprendre qu'il pouvait compter sur la France, qu'il envoya une ambassade chargée de conclure une alliance et de demander pour lui-même une fille de Charles VII. En apprenant cette nouvelle, Philippe-le-Bon, fort inquiet, s'empresse de mander au roi que Ladislas étant son ennemi, il ne pourrait voir ce mariage qu'avec une peine extrême. Ce fut une raison pour. Charles VII d'en presser la conclusion ; et nous savons, en effet, par quelques documents fort curieux et dont l'histoire ne s'est pas servie jusqu'ici[21], qu'il mit un empressement extrême à hâter cette union qui devait contrarier si vivement son adversaire. La demande de Ladislas fut donc immédiatement accueillie. Son ambassadeur prononça dans cette occasion un discours qui doit être remarqué, parce qu'il donne une idée de la puissance d'opinion que le gouvernement de Charles VII acquérait tous les jours au dehors comme au dedans du royaume. Quand paix et amour sera entre toi et mon souverain seigneur, dit l'envoyé de Ladislas à Charles VII, qui seraient au monde ceux qui vous pourraient nuire ? Tu es la colonne de la chrétienté et mon souverain seigneur est l'écu ; tu es la chrétienne maison, et mon souverain seigneur est la muraille[22].... La mort subite de Ladislas vint dissiper malheureusement tous ces projets d'union. Le duc de Bourgogne n'en fut cependant pas quitte pour l'inquiétude qu'il avait ressentie. A la nouvelle de la mort de leur maître, les ambassadeurs de Ladislas prièrent Charles VII de prendre sous sa sauvegarde la ville de Thionville et la seigneurie de Rodemat, que Ladislas possédait dans le Luxembourg. Le roi se hâta de le faire, en considération, dit-il, de ses anciennes relations avec les rois de Hongrie et de Bohême, et de son amitié pour Ladislas qui avait été sur le point d'épouser sa fille[23]. Rien ne pouvait mécontenter davantage le duc de Bourgogne, qui fit entendre, en effet, les plaintes les plus vives en voyant son ennemi s'installer de la sorte au cœur même de ses états. Avant qu'il fut question de ces affaires du Luxembourg, le gouvernement de Charles VII avait déjà suscité en Allemagne des ennemis au duc de Bourgogne. Nous avons mentionné plus haut l'alliance du roi et du duc d'Autriche, et nous avons fait remarquer que cette alliance était dirigée à la fois contre la Bourgogne et contre les Anglais. A peu près inutile contre l'Angleterre, elle ne pouvait être beaucoup plus efficace contre Philippe-le-Bon, parce que Frédéric n'avait comme empereur qu'un titre nominal, et que l'autorité appartenait tout entière en Allemagne aux princes et aux électeurs. Au surplus, la diplomatie de Charles ne s'y trompa pas ; elle s'adressa à ces grands feudataires, et en 1444 intervint un traité avec plusieurs des plus puissants de ces princes, Frédéric, électeur de Saxe, Guillaume, duc de Saxe, le landgrave de Thuringe, le marquis de Misnie et les burgraves d'Oldenbourg et de Magdebourg[24]. C'était le temps des trêves avec l'Angleterre : il était stipulé que de part ni d'autre on n'attaquerait les Anglais, ce qui voulait dire implicitement que le traité était dirigé contre le duc de Bourgogne, qui pourtant, n'était pas spécialement désigné. Il semble du reste que le roi de France ait exercé pendant la seconde moitié de son règne une sorte de protectorat sur la plupart des petits princes allemands ses voisins. En 1438, il intervient à plusieurs reprises et dans des termes fort vifs auprès de Frédéric, roi des Romains, pour faire rendre à la liberté les ducs d'Autriche et de Bavière, ses prisonniers[25]. En 1455, il est instamment prié par l'archevêque de. Mayence, les comtes de Brandebourg, de Bade et de Wurtemberg de venir à leur aide contre des soulèvements populaires qui menaçaient d'abolir les privilèges de la noblesse et de l'église[26]. Vers la même époque, Charles VII faisait écrire au duc de Clèves qu'il venait de prendre l'archevêque de Cologne sous sa protection ; en conséquence, il le menaçait de ses armes s'il voulait l'attaquer, et il faisait offrir en même temps à son allié un corps de 400 hommes d'armes et de 1.200 archers[27]. Le roi de France devint également l'allié du duc d'Autriche Sigismond ; il entretint avec lui des relations fort suivies, et après la mort de Ladislas, il s'efforça de l'engager dans sa politique contre le duc de Bourgogne. A cet effet, il lui envoya en 1458 une ambassade avec des instructions dont voici la teneur[28]. Les ambassadeurs commenceront par témoigner au duc Sigismond et à la duchesse d'Autriche son épouse, toute l'amitié que le roi de France ressent pour eux. Ils l'engageront ensuite en son nom à ne se laisser enlever aucune portion de l'héritage de Ladislas. Si donc on doit assigner à Sigismond les domaines de la maison de Luxembourg situés en Alsace, dans le Sundgau, le Brisgau, le comté de Ferrette et autres lieux placés le long du Rhin, qu'il n'hésite pas à les accepter : le roi l'aidera à les' conserver intacts, en employant s'il le faut son argent et ses soldats. Les ambassadeurs ajouteront qu'il a fait écrire à ses alliés, les habitants de Schwitz, Berne, Soleure, Zurich, Bâle et Lucerne ; de ne pas attaquer les possessions que le duc d'Autriche parait devoir obtenir dans leur voisinage par suite de la mort de Ladislas. Ils feront enfin savoir à Sigismond que le roi emploiera tous ses soins à l'unir de bonne amitié avec son neveu le duc de Calabre et Lorraine, ainsi qu'avec les princes et seigneurs voisins. Le nom du duc de Bourgogne n'était pas prononcé dans ces instructions, mais il est bien clair qu'elles n'avaient que lui pour objet. Ajoutons que les conseils du roi de France furent suivis de point en point par Sigismond. L'alliance du Danemark, conclue spécialement contre l'Angleterre, avait été aussi insensiblement détournée contre la Bourgogne, comme l'attestent à la fois les plaintes du duc dans le message dont nous avons déjà parlé, et le témoignage de Thomas Basin[29]. Le duc se plaignait aussi des intrigues du roi auprès de la république de Berne[30]. Une alliance s'était formée, en effet, depuis quelques années entre la France et les républiques suisses. La bataille de la Birse avait appris à estimer ces populations courageuses et à désirer leur amitié ; aussi le Dauphin Louis, qui avait conduit cette expédition contre les Suisses, s'était-il empressé de signer avec eux un traité de paix et d'amitié pour son propre compte[31]. Quelques années après, en 1452, Charles VII conclut aussi une alliance avec neuf cantons, ceux de Zurich, de Berne, de Soleure, de Lucerne, d'Uri, de Schwitz, d'Unterwalden, de Zug et de Glaris. C'était un traité offensif et défensif[32]. Pour éviter, disaient les députés des neuf cantons dans une déclaration placée en tête du traité, pour éviter à l'avenir beaucoup d'attaques et de guerres semblables à celles que plusieurs nations nous ont déjà faites à notre très-grand préjudice, et pour mettre notre pays en paix et sûreté, nous avons supplié très-humblement S. M. T. C. Charles, roi de France, notre très-haut et très-puissant seigneur, de vouloir bien conclure avec nous une alliance et nous accorder sa bonne amitié, afin d'avoir toute sûreté pour nous et notre pays. Le roi, prince très-juste, et défenseur de la chrétienté, a octroyé à nos instantes prières cette grâce en termes formels, ce qui fait que nous nous sommes engagés pour toujours avec nos successeurs à la dite majesté. Le traité portait en substance que le roi ne serait jamais contraire aux neuf cantons, qu'il ne fournirait de secours à personne pour les attaquer, qu'il laisserait les habitants de ces petites républiques circuler et commercer librement par tout le royaume et même le traverser en armes, pourvu qu'il n'en résultât aucun dommage pour les sujets du roi. Il n'est guère douteux que ce traité n'ait été spécialement négocié à cause du voisinage de la Franche-Comté, d'où Philippe-le-Bon pouvait si facilement inquiéter la petite confédération helvétique. Grâce à l'habileté de la diplomatie française, la maison de Bourgogne se voyait donc à la fois menacée, sur tous ses flancs. L'étendue de. ses États, disséminés en tant de lieux différents, ne faisait que multiplier ses parties faibles, et si j'ose dire, ses côtés douloureux. On s'en aperçut bien à l'acrimonie des plaintes qui lui échappèrent à plusieurs reprises. Il paraît que dans son inquiétude le duc Philippe alla jusqu'à se persuader que la diplomatie de Charles VII était parvenue à tourner contre lui le roi 'd'Angleterre, à l'époque où le mariage de Marguerite d'Anjou et de Henri VI parut rapprocher la France de son ancienne ennemie. D'après les renseignements transmis à Philippe-le-Bon, les deux rois étaient même tombés d'accord pour démembrer ses États. L'Angleterre, en dédommagement de la Normandie, qu'elle consentait à ne plus revendiquer, devait obtenir les provinces de Hollande et de Zélande, et Charles VII les pays placés directement dans la mouvance de la couronne, tels que l'Artois et la Flandre. Le reste des États du duc de Bourgogne devait être partagé par moitié entre les deux puissances. Ce traité fut-il réellement signé ? Le roi de France le nia formellement[33] en réponse aux réclamations que le duc de Bourgogne lui avait transmises à ce sujet, mais nonobstant ce démenti, il ne serait pas impossible que la diplomatie française et médité quelque combinaison de cette nature pour saper la maison de Bourgogne. Nous l'avons déjà vue, nous la verrons encore se charger de négociations tout aussi délicates, et qui attestent que son activité ne reculait devant aucun obstacle. N'était-ce pas, par exemple, une singulière audace d'aller offrir dans les États mêmes du duc la protection de la France aux villes qui résistaient à la maison de Bourgogne ? C'est pourtant ce que firent les Conseillers de Charles VII à l'égard de Liège et de quelques villes voisines. Au commencement de 1460, le roi de France prit sous sa protection les bourgeois des bonnes villes du pays de Liège et de Loz, ayant en mémoire le bon et grand vouloir qu'ils ont eu de tout temps et ont encore à la couronne de France, et il chargea les baillis de Vermandois et de Vitry de les protéger dans leurs franchises et privilèges[34]. C'était déclarer que l'autorité du roi devait remplacer, celle du duc dans un des États de la maison de Bourgogne. Philippe-le-Bon se contenta de réclamer par un message, sans essayer de repousser cette nouvelle provocation par la force. Eu face de la puissance toujours croissante de la maison de France, il se disait sans doute que si sa dignité l'obligeait à protester contre de tels empiétements, il devait aussi à sa sécurité de ne pas relever tous les défis de son adversaire. La diplomatie de Charles VII ne borna pas son action aux affaires d'Angleterre et de Bourgogne. Elle déploya encore de divers côtés, et particulièrement en Italie, une activité vraiment prodigieuse pour multiplier les alliés de la France. Dès les premiers jours du règne, un traité avait déjà été conclu entre Charles VII et Philippe-Marie, duc de Milan. On stipulait dans ce traité que les deux princes auraient les mêmes amis et les mêmes ennemis, et que de deux parts on pourrait lever des hommes d'armes sur le territoire de son allié : ce qui permit au roi. de Bourges de grossir sa petite armée d'un certain nombre d'auxiliaires milanais. A partir de cette époque le gouvernement de Charles VII ne cessa d'avoir les yeux sur l'Italie pour y découvrir des auxiliaires. D'habiles négociations attirèrent d'abord le duc de Savoie dans le parti de la France, en ménageant le mariage du dauphin Louis avec Charlotte de Savoie[35], et si quelques nuages s'élevèrent de temps à autre entre les deux pays, cette alliance fut pourtant maintenue[36]. La république de Venise fut aussi gagnée à la France dans un moment où le pape, l'empereur et le duc de Bourgogne concertaient un projet de croisade que le roi et son Conseil voulaient empêcher à tout prix. Constantinople venait de tomber aux mains de Mahomet II, ce qui jetait un grand trouble dans l'Europe entière. Nicolas V et son successeur Calixte III supplièrent instamment tous les princes d'oublier leurs dissentiments pour marcher contre les infidèles et les refouler en Asie. Philippe-le-Bon et Frédéric III se prêtèrent avec empressement à ce projet, mais il n'en fut pas de même de Charles VII. Ses répugnances s'expliquent facilement. D'abord il n'avait jamais eu le pût des expéditions chevaleresques, et il n'était même plus dans l'âge de ces entreprises. Il sentait en outre que si cette expédition avait lieu, l'honneur en reviendrait entièrement à la maison de Bourgogne qui verrait accourir sous ses drapeaux toute la noblesse de l'Europe. Les fêtes, les tournois et les vœux qui se renouvelaient tous les jours à la cour de Philippe-le-Bon, montraient, à n'en pas douter, qu'il était toujours considéré comme le chef de toute chevalerie, et cette manifestation de puissance militaire était capable à elle seule d'inquiéter fort vivement un rival aussi ombrageux que Charles VII. Il faut reconnaître d'ailleurs que les rapports du nouveau pape Pie II[37], et du duc de Bourgogne n'étaient rien moins que rassurants pour la France. Il paraît certain que Pie II était allé jusqu'à offrir à Philippe-le-Bon l'érection de ses états en royaume, s'il consentait à se mettre à la' tète de l'expédition. Comment n'avait-il pas craint d'irriter Charles VII ? Mais bien loin d'en être préoccupé, il cherchait toutes les occasions de mortifier le roi, en haine de la Pragmatique de Bourges, dont il ne cessait de se plaindre. Pie II était cependant l'ancien secrétaire de ce concile de Bâle où la Pragmatique de Bourges avait été en quelque sorte élaborée, mais ses opinions avaient changé avec ses dignités, et comme souverain pontife il ne voulait plus tolérer cette indépendance des églises nationales qu'il avait défendue autrefois avec tant d'ardeur. Naturellement toutes ces causes détournaient Charles VII de répondre à l'appel que le Saint-Siège adressait aux nations chrétiennes, et d'un autre côté il avait pris des engagements avec plusieurs Etats au sujet de cette guerre religieuse. Quand les progrès des Turcs étaient devenus assez menaçants pour faire craindre la prise de Constantinople, on s'était adressé de tous les côtés à la France, et Charles VII avait d'autant moins ménagé les promesses qu'il croyait que sa guerre avec l'Angleterre le dispenserait pendant longtemps de les tenir. A des lettres suppliantes que Nicène, cardinal de l'Église grecque, lui avait adressées en 1447, pour le conjurer au nom des chrétiens d'Orient de faire la guerre aux Turcs, il avait répondu qu'il n'attendait que la paix pour voler au secours de la Grèce, cette mère commune de toutes les nations civilisées[38]. Il fit la même promesse à Jean Huniade, vaïvode de Transylvanie, et capitaine-général des armées de Hongrie, ainsi qu'aux envoyés de la noblesse hongroise et transylvanienne[39]. Aux instances de la cour de Rome il répondit encore par les mêmes engagements[40]. Mais voilà que la guerre de cent ans se termine à l'improviste par la défaite et l'expulsion des Anglais, au moment même où Constantinople succombe. Que va faire le gouvernement de Charles VII ? L'opinion ne peut se contenter de la permission qu'il a donnée de lever dans son royaume une décime pour la guerre sainte[41] ; on attend un bien autre témoignage de piété du prince qui siège sur le trône de Saint-Louis. C'est ici que nous allons voir se déployer toute l'habileté de la diplomatie de Charles VII. Pie II ayant convoqué à la diète de Mantoue les ambassadeurs de toutes les nations catholiques pour arrêter définitivement le plan et les moyens de la croisade, Charles VII qui ne voulait pas encourir dans la chrétienté le reproche d'indifférence, voulut s'y faire représenter, et il choisit comme ambassadeurs l'archevêque de Tours, l'évêque de Paris, et-Thomas de Courcelles, docteur en théologie[42]. Pour instructions on leur prescrivit de ne faire que des réponses évasives sur la question de la croisade, et d'aller au-devant des récriminations du pape Pie II, en l'accusant de combattre en Italie les intérêts de la maison d'Anjou que soutenait le roi de France. Les ambassadeurs s'acquittèrent hardiment de leur mission, et comme les envoyés du roi de Sicile, de la république de Venise, de Gênes et du duc d'Autriche s'associèrent à leurs plaintes, il paraîtrait qu'ils ne laissèrent pas de mettre le pape dans un grand embarras. Il lui fallut entendre des paroles fort dures, particulièrement des Vénitiens qui ne lui cachèrent point que sans le roi de France il n'y avait pas de croisade possible. Tu es homme né en pauvreté, lui dirent-ils, et ne sais que c'est de telles besognes que de vouloir faire bataille au Turc en la manière que tu le prends, mais il est besoin d'attendre la délibération du grand roi et autres sans lesquels rien ne se peut faire. Bref, ajoute la lettre où nous trouvons ce récit, le triomphe est réservé à la maison de France.... notre Saint-Père connaît la force et puissance du roi[43]. On ne peut douter ; en effet, que cette démonstration des ambassadeurs de France n'ait tout particulièrement contribué à faire manquer ce projet de croisade, projet plus que chimérique dans l'état où se trouvait l'Europe. Le pape ne chercha guère, du reste, à dissimuler son dépit, et dans la réponse qu'il fit quelques jours après aux ambassadeurs du roi, il exhala tout son mauvais vouloir pour Charles VII[44]. On vit alors fort clairement que le Saint-Siège ne lui pardonnerait jamais la Pragmatique de Bourges. En même temps que le roi de France envoyait à la diète de Mantoue une ambassade solennelle, il dépêchait secrètement à Venise un ambassadeur chargé d'exciter le gouvernement de cette république contre les projets de Pie II[45]. On ne pouvait faire aucune expédition maritime de quelque importance sans le concours des Vénitiens, et Venise répugnait d'elle-même à une nouvelle croisade, dans la crainte de s'attirer les représailles des Turcs, dont la flotte dominait toute la Méditerranée. Le doge, qui venait d'envoyer à Mantoue une ambassade chargée d'appuyer toutes les demandes du roi de France, mit naturellement un grand empressement à accueillir ces communications, et se montra fort disposé à se prêter à la diversion que Charles VII projetait de faire en Italie avec l'épée de Jean de Calabre, pour dérouter les plans du Saint-Siège. On manda le duc de Tarente qui vint secrètement s'aboucher avec l'envoyé du roi de France et le doge de la part des barons angevins du royaume de Naples, et tout fut convenu pour la campagne de Jean de Calabre. Son invasion, soit dit en passant, n'eut aucun succès à cause d'un soulèvement imprévu de la ville de Gènes. Mais cet échec était' tout à fait indépendant de la diplomatie française qui avait réussi dans son œuvre, et prouvé une fois de plus qu'il n'y avait pas d'affaire si délicate et si difficile que son habileté ne pût conduire à bonne fin. Les affaires de Gênes méritent aussi d'être signalées comme une nouvelle preuve de son activité et de sa persévérance. Dès avant l'expulsion des Anglais, Charles VII s'était senti assez puissant pour essayer d'étendre au dehors l'influence de la couronne, et il avait entamé des négociations avec Gênes dans le but de placer cette république turbulente, toujours lasse des autres et d'elle-même, sous la protection de la France. On sait que sous Charles VI Gènes avait renoncé un moment à son indépendance en faveur du roi, mais elle l'avait ressaisie presque aussitôt. Charles VII espéra qu'il serait plus heureux que son père, et en 1444, pendant que les factions des Adorno et des Campofregoso divisaient la République, il traita avec les Campofregoso pour introduire ses troupes dans la ville. Ce traité resta inexécuté jusqu'en 1446 ; à cette époque les partisans du roi s'étant unis aux Doria qui désiraient fort vivement aussi la protection de la France, envoyèrent à Marseille une députation chargée de rappeler à Charles VII l'arrangement qui avait été conclu[46]. Le Conseil décide aussitôt d'envoyer quelques-uns des négociateurs les plus habiles à Gênes, et il charge l'archevêque de Reims, le prévôt de Paris Tanneguy-Duchâtel, Saint-Vallier et Jacques Cœur, de prendre la mer au plus vite avec quelques troupes. La mauvaise foi des Campofregoso empêcha le succès de cette démarche ; après s'être rendu maitre de Gênes avec l'appui des troupes françaises, leur parti refusa de s'en dessaisir. C'était à la fois un échec et une mortification pour le gouvernement de Charles VIL Il ne se tint pas néanmoins pour battu, et sa diplomatie travailla si bien les années suivantes qu'en 1458, la commune de Gênes se donna de nouveau au roi de France[47], qui obtint le titre de seigneur de Gênes et le droit de mettre un gouverneur français à la place du doge. Les Génois ne mirent qu'une seule réserve à leur soumission ; ils demandèrent de pouvoir commercer en toute liberté. Il est vrai qu'un nouvel accès d'indocilité et de turbulence leur fit, déchirer presque immédiatement cette convention. Elle méritait cependant d'être mentionnée ici, ne fût-ce qu'à cause du témoignage qu'elle contient sur la puissance d'opinion dont le gouvernement de Charles VII jouissait à cette époque. Dans le traité conclu avec Gênes, la France est en effet représentée comme la nation prépondérante de l'Europe, et son roi comme le prince le plus puissant et le plus respecté[48]. Il faut remarquer, d'ailleurs, qu'à la fin du règne ces hommages de déférence éclataient de toutes parts. C'est le roi des rois, disait le doge de Venise en parlant de Charles VII, et nul ne peut sans lui... Quand il venait à parler du roi, ajoute l'ambassadeur Jean de Chambes, il en parlait plus honorablement que tout le surplus du monde. Pie II, son implacable adversaire, est subjugué lui-même par tant d'habileté et de bonheur ; et il rend à Charles VII le même témoignage, exaltant le roi et le royaume tant que plus il pouvait[49]. Dans une lettre écrite au roi de France par Christian Ier de Danemark, à l'occasion de ses démêlés avec l'Écosse, le respect est presque de la soumission : c'est un humble vassal bien plus qu'un allié que vous croiriez entendre[50]. On s'était donc accoutumé dans tout l'Occident à considérer la France comme une monarchie prépondérante, et comme la régulatrice de toutes les grandes questions politiques ou religieuses. Cette réputation de la couronne allait même bien au delà de l'Europe, comme le prouve ce concours d'ambassades que la prise de Constantinople fit affluer en France de toutes les parties de l'Orient. Le chroniqueur Duclerc rapporte que l'on vit presque en même temps à la cour du roi de France le patriarche d'Antioche, un ambassadeur de l'empereur de Trébizonde, un envoyé du roi de Perse, un autre du roi de Mésopotamie, un autre du petit Turc, un autre du roi d'Arménie[51], etc. Ils dirent au roi qu'ils voulaient combattre le grand Turc, et ne demandaient pas d'argent, car ils disaient avoir argent assez, et ne demandaient rien fors l'aide du roi de France, qu'ils nommaient aussi roi des rois, et avec ce disaient que l'enseigne du roi de France et un capitaine en son nom avec vaudraient plus de cent mille hommes. Sans doute, il y avait dans cette opinion un ressouvenir de ces croisades où la France avait rempli un rôle si glorieux ; mais n'est- il pas vrai que vingt années plus tôt on ne fût pas venu trouver de si loin Charles VII, et qu'on n'eût pas tenu de semblables discours au roi de Bourges ? Ce qui montre qu'à la fin du règne l'autorité de la couronne n'était pas moins honorée au dehors qu'au dedans du royaume. |
[1] C'est l'opinion de M. de Flassan, dans son Histoire de la diplomatie : Le règne de Charles VII, dit-il, offre de grands faits, et en particulier le commencement d'un nouvel ordre de choses, non-seulement pour la France, mais pour l'Europe (Hist. de la diplomatie, t. Ier, p. 200). Cet aspect si intéressant du règne de Charles parait avoir échappé presque entièrement à ses historiens.
[2] En 1295. (Flassan, Hist. de la diplomatie, t. Ier, p. 456.)
[3] Même année. (Flassan, Hist. de la diplomatie, t. Ier, p. 456.)
[4] En 1295. (Flassan, Hist. de la diplomatie, t. Ier, p. 457.)
[5] En 1310. (Flassan, Hist. de la diplomatie, t. Ier, p. 461.)
[6] Th. Basin, l. II, c. 3.
[7] Th. Basin, l. II, c. 4. Il leur prête le projet d'avoir voulu massacrer la noblesse de l'Anjou, de la Touraine et de Berry, pour s'emparer de leurs châteaux et de leurs femmes.
[8] Dumont, Corps diplomat. univ., année 1428, t. III. Amsterd. 1726. — Ce mariage eut lieu en 1435. (Voyez J. Chartier, p. 92.)
[9] Henri Baude, p. 5.
[10] Voyez Leibnitz, Code diplomatique, édit. de 1693, p.379.
[11] En 1456. (Voyez le Spicilegium, t. III, p. 801.)
[12] Voyez Dumont, Corps diplomat., III, 239.
[13] Leibnitz, Code diplomat., p. 354.
[14] En 1454, le très-révérend père en Dieu, M. Jean Bernard, archevêque de Tours, et messire Guillaume Descan, chevalier, sénéchal de Rouergue, partirent pour aller en ambassade de par le roy devant le roi de Castille afin de confirmer les alliances des rois de France et de Castille. J. Chartier, p. 283.
[15] Leibnitz, Code diplomat., p. 351.
[16] Épist. d'Æneas Sylvius Piccoloraini, secrétaire de Fréderic III, puis pape sous le nom de Pie II. (Ép. 87.)
[17] Ordonnances, XIII, 530, 408, 413. — J. Chartier dit de son côté que le roi ne revendiquait Metz qu'au nom du roi de Sicile, lequel prétendait des droits sur elle. (J. Chartier, p. 126.)
[18] Voyez le Spicilegium, t. III, p. 775 et 795.
[19] Dumont, III, p. 289, et le Spicilegium, III, 803.
[20] Math. de Coucy, p. 725.
[21] Ce sont deux lettres que nous avons trouvées dans le Fontes rerum Austriacarum, collection d'actes diplomatiques publiée à Vienne en 1850. La première est adressée au duc Sigismond d'Autriche, et la seconde au chevalier Jacob Trapp par le prieur d'Ysenheim, que Charles VII avait employé dans cette négociation. Voyez la collection, Seculo XV, p. 300.
[22] Mémoires de Duclerc, l. III, c. 30. Chronique de Monstrelet.
[23] Ordonnances, XIV, 445.
[24] Leibnitz, Code diplomat., p. 366.
[25] Leibnitz, Code diplomat., p. 366.
[26] Leibnitz, Code diplomat., p. 411, et Spicilegium, p, 796.
[27] Leibnitz, Code diplomat., p. 413, et Spicilegium, p. 786.
[28]
Nous avons trouvé ces instructions dans la collection dont nous avons parlé
plus haut. Voyez Fontes
rerum Austriacarum, seculo XV, p. 302.
[29] Th. Basin, l. V, c. 15.
[30] Th. Basin, l. V, c. 15.
[31] Signé à Ensisheim, en Alsace. Il est cité par M. de Flassan dans l'Histoire de la diplomatie française, t. I, p. 203. Dans son Index des traités, il renvoie à Léonard pour les preuves de ce traité ; mais nous l'avons vainement cherché dans cet auteur. Par contre, il se trouve dans le Corps diplomatique de Dumont, III, 142.
[32] Voyez Dumont, p. 193.
[33] Voici la réponse du roi à ce sujet dans la longue liste de doléances et de récriminations qui fut échangée entre les deux princes, en 1460 :
Au regard des advertissements que le duc dit avoir eu que par le moyen d'icelui mariage on devait récompenser les Anglais des pays de Hollande, et de Zélande pour le pays de Normandie, et les terres et seigneuries mouvant de la couronne devaient demeurer au roi, et que le surplus des terres et seigneuries du dit duc de Bourgogne se devaient conquérir par la main commune du roi et des Anglais, et contendait-on par ce moyen à détruire entièrement le dit seigneur de Bourgogne. Il est bien vrai qu'en traitant le susdit mariage il ne fut oncques parlé des choses dessus dites, dont le dit seigneur de Bourgogne dit avoir été averti, et s'émerveille fort le roi comment le dit seigneur de Bourgogne a si longtemps ajouté foi, et si longuement persévéré en telles choses controuvées contre vérité, et s'il en eut fait encore doute, il dut avoir envoyé devers le roi, pour être informé de la vérité... (Math. de Coucy, p. 728.)
[34] Ordonnances, XIV, 492.
[35] Voyez Dumont, p. 182.
[36] Au dit an 1452, le roi partit de Tours au mois de mai et s'en alla à Mehun-sur-Yèvre, près de Bourges, d'où il envoya défier le duc de Savoie, pour certaines grandes extorsions qu'il avait faites à son préjudice et de la couronne de France, en terres de ses seigneuries et de ses sujets. Donc au mois d'août il partit avec son ost, où il y avait belle et noble compagnie des seigneurs, et autres gens de guerre. Or, il s'avança tant qu'il vint jusques au pays de Forest, pour de là entrer dans le pays de Savoie. Le susdit cardinal d'Estouteville étant averti de ces nouvelles ainsi qu'il s'en allait à Rome, il pressa son retour hâtivement, et mu de charité s'en retourna devers le duc de Savoie, puis de là après revint devers le roi : et ensuite qu'il eut su la vraie cause de ce débat et de cette dissension, il fit tant que le duc de Savoie promit au roi de tout réparer sous le bon plaisir du roi, ce en quoi il l'avait offensé, de quoi le roi resta content et fut la paix faite entre eux à Fuers en Forest. J. Chartier, 260.
[37] Il avait été élu en 1458, à la mort de Calixte III.
[38] Quis non Grœciœ faveat genti clarissimœ quæ omni genre excellents, tanta humano generi peperit ornamenta ? Ce sont déjà les idées et le langage de la renaissance. (Spicilegium, p. 773.)
[39] Spicilegium, p. 787.
[40] Spicilegium, p. 797.
[41] Spicilegium, p. 800.
[42] Math. de Coucy, nomme l'évêque de Chartres à la place de l'archevêque de Tours, mais il est contredit par deux autorités fort graves : 1° la relation de Jean de Chambes dont nous parlerons plus bas ; 2° la lettre de Nicolas Petit sur ce qui s'est passé au concile de Mantoue, adressée à Guillaume Juvénal des Ursins, chancelier de France. (Spicilegium, p. 806.)
[43] Lettres de Nicolas Petit. (Spicilegium, p. 806.)
[44] Voyez les deux pièces du Spicilegium aux pages 811 et 822. Cette affaire de la croisade si singulièrement mêlée à une querelle italienne mériterait de longs détails, car elle est fort intéressante et n'a presque pas attiré l'attention des historiens de Charles VII. Nous pourrions en dire autant du reste de la plupart des autres affaires de politique extérieure sur lesquelles nos histoires nationales contiennent si peu de chose. Malheureusement le cadre de ce travail ne comporterait pas ces développements.
[45] Cette ambassade n'a été mentionnée par aucun historien. Elle n'a été connue que tout récemment, après la découverte de deux lettres du chef de cette ambassade, Jean de Chambes. Cette découverte, faite aux archives par M. Eugène de Stadler, est consignée au t. III de la Bibliothèque de l'école des Chartes, p. 183-195. Les deux lettres ont été écrites en octobre et novembre 1459, la première de Venise, la seconde de Mantoue. Elles ne forment pas du reste une relation officielle, mais on y devine facilement l'objet des négociations. On y voit le doge condamner implicitement le projet de la croisade en disant de Charles VII que c'est le roi des rois, et que nul ne peut sans lui.... et plus loin : quand il venait à parler du roi, il en parlait plus honorablement que tout le surplus du monde. Le chef de la république est encore représenté comme prenant le plus vif intérêt au succès de l'expédition de Jean de Calabre : Et aussi me a mandé, dit l'ambassadeur, que Naples et tout le pays étaient en murmure, et près de se mettre en armes pour la venue de Mgr de Calabre. En effet, comme nous l'avons dit plus haut, Charles VII et la maison d'Anjou avaient imaginé de jeter le trouble en Italie par l'invasion du royaume de Naples. Une foule de barons napolitains étaient pour eux, et l'un de ces seigneurs, le duc de Tarente, était venu s'entendre avec le doge et se trouvait à Venise en même temps que Jean de Chambes.
La seconde lettre qu'il écrivit, est datée de Mantoue. On voit qu'il y avait rencontré la grande ambassade envoyée par Charles VII, et qui se composait de l'archevêque de Tours, de l'évêque de Paris et de Thomas de Courcelles, doyen du chapitre de Paris. Jean de Chambes rapporte qu'ils firent visite au Pape Pie II et qu'il les reçut bien. Et après Mgr de Tours lui bailla les lettres du roi, qu'il fit lire publiquement, et après Mgr de Paris fit la proposition bien et honorablement. (Probablement il s'agit de l'excuse que proposait le roi au sujet de la croisade.) Et après Mot de Marseille parla pour le roi de Sicile, disant que du tout en adhérait au roi, en tout ce qui avait été dit et proposé, et pareillement firent les Génois comme sujets du roi de France. Et ce fait, parla un docteur pour le duc d'Autriche, qui là était, en disant en la fin que du tout à son maitre adhérait, et ferait tout ce qu'il plairait an roi lui mander et faire souvenir. Notre Saint-Père répondit bien et honorablement, en exaltant le roi et le royaume tant que plus il pouvait...
Ces lettres sont fort curieuses pour deux raisons. Elles nous démontrent un fait à peine connu, celui d'une diversion diplomatique et militaire, tentée en Italie par Charles VII pour empêcher la croisade, et elles nous font voir à quel point le gouvernement de la France était alors honoré et considéré en Europe.
[46] Voyez la chronique de Berry dans Godefroid, p. 429. — Voyez aussi dans le Spicilegium une lettre de Benoit Doria, capitaine de la flotte de France, aux chefs de la république de Gênes, pour les engager à se soumettre au roi (p. 766).
[47] Voyez dans Dumont la pièce intitulée : Capitulata inter Carolum VII, Franciæ regem christianissimum per commissarios, et excelsum Commune Januœ, quibus deditio prima et translatio dominii dicti Communis, cum juribus omnibus suis in Carolum sextum Franciæ regem olim jacta atque nuper cum Domino Duce Calabriœ tanquam præfati Caroli VII regis moderni procuratore innovata et confirmata, de novo innovatur et confirmatur, necnon in parte atiqua reformatur et explicatur. (Dumont, III, 245.)
[48] Dumont, id., et le Recueil des anciennes lois françaises, IX, 332.
[49] Voyez plus haut la note sur l'ambassade de Jean de Chambes.
[50] Il s'excuse en commençant de lui parler de choses fastidieuses pour un si grand prince : Quanquam anhelantius optari libet vestram regiam celsitudinent jucundis blandiri potius et demulcere novitatibus vestrœ serenitatis arbitrio nos subegimus. — Il ajoute qu'il est tout prêt, pour faire plaisir au roi, à accepter la Pragmatique dans ses États : Affectamus nobis per vestram celsitudinem pragmaticœ sanctionis sub sigillo regio copiam transmitti, quod per regnum vestrum servari didicimus, cum copiis approbationis sacri concilii et apostolicœ sedis : in quo habebimus complacentiam singularem. (Leibnitz, Code diplomat., p. 414.)
[51] Duclerc, l. IV, c. 27.