HISTOIRE DU GOUVERNEMENT DE LA FRANCE PENDANT LE RÈGNE DE CHARLES VII

 

CHAPITRE PREMIER. — DU POUVOIR DÉLIBÉRANT SOUS CHARLES VII.

 

 

Nous avons fait remarquer que la royauté avait été puissamment aidée dans ses tentatives de réformes par des membres de la noblesse et de la bourgeoisie qui composaient le Conseil de France. Ce Conseil a donc été investi sous Charles VII d'un véritable pouvoir législatif. Aussi croyons-nous devoir étudier attentivement ses attributions, sa composition et sa part d'influence avant d'entrer dans l'analyse des travaux législatifs du règne. Cette étude nous conduira naturellement à dire quelque chose des états généraux et provinciaux, qui participèrent, eux aussi, dans une certaine mesure, à ces réformes administratives. Le caractère et la nécessité des institutions nouvelles apparaîtront d'autant mieux que nous connaîtrons la composition et la nature des assemblées qui les ont élaborées.

L'origine de ce Grand-Conseil, dont le rôle paraît avoir été si considérable sous Charles VII, était fort ancienne ; ce corps était même un débris d'une vieille institution germanique. On sait que les peuples barbares qui conquirent la Gaule avaient coutume de faire discuter toutes les affaires politiques un peu importantes dans une assemblée générale des hommes libres. Pendant les deux premières races, ce partage du pouvoir législatif entre le roi et les hommes libres fut maintenu ; on en voit encore des traces manifestes sous Charlemagne lui-même, qui prenait assez régulièrement l'avis de ces assemblées. Mais à cette époque, les hommes libres ne venaient déjà plus en aussi grand nombre qu'auparavant dans ces réunions, et ils finirent par être entièrement remplacés par les évêques, les principaux officiers et les magistrats royaux, qui formèrent seuls le Conseil du prince.

Sous les premiers Capétiens, nous retrouvons auprès du roi ce Conseil composé des principaux vassaux et des grands officiers. Il porte indistinctement le nom de Conseil du roi, de Parlement ou de Cour Plénière, et règle avec le souverain toutes les affaires d'administration, de justice et de finances. Cet état de choses subsista du onzième au quatorzième siècle. Cependant le nombre des affaires soumises au Conseil s'augmentait sans cesse avec les progrès mêmes de la royauté ; Philippe-le-Bel voulut donc en modifier l'organisation, et il imagina de le partager en trois sections : celle des finances, qui forma la chambre des comptes ; celle de la justice, qui devint le parlement, et celle des affaires d'administration et de politique. Cette section conserva seule le nom de Conseil, et, pendant que les deux autres cours se fixaient à Paris, elle resta auprès du roi pour l'accompagner dans ses guerres et dans ses voyages[1].

Le caractère et les attributions du Conseil le rendent donc fort distinct des autres corps qui composaient avec lui la cour primitive du roi. Attaché à la personne du prince, il le suit dans ses migrations à travers le royaume, et il s'occupe exclusivement des affaires politiques ou administratives. Il ne semble pas, du reste, que des attributions aussi relevées lui aient assigné tout d'abord quelque suprématie sur les deux autres corps souverains. En homme dévoué aux intérêts et même aux passions du corps judiciaire, Pasquier a fait à ce sujet de minutieuses recherches, et il déclare formellement qu'en prenant possession de leurs charges, les membres du Conseil prêtaient serment à la cour en même temps qu'au roi[2]. A l'appui de cette assertion, il cite plusieurs faits qui se rapportent au règne de Charles VI et aux premières années de Charles VII. Ces preuves, invoquées par Pasquier, ont sans doute leur valeur ; d'un autre côté, on voit le Conseil reculer les limites de ses attributions, et empiéter sur les autres cours souveraines pendant le règne même de Charles VI. Dans le principe, il ne devait s'occuper que des affaires d'administration générale, ou, comme dit Pasquier, de la police générale de France, concernant le fait des guerres ou l'institution des édits ; mais à la faveur des troubles qui remplissent presque tout le règne de Charles VI, il ne se fait pas faute de sortir de ces limites, et d'évoquer une foule d'affaires contentieuses ou judiciaires. Il s'approprie, par exemple, l'expédition des grâces et des requêtes, ainsi que le jugement de certaines causes que le roi s'était réservées[3]. Le parlement réclame, mais en vain, et le Conseil tient même si peu de compte de ses plaintes, qu'il lui enlève en 1412 l'élection de son procureur général.

Mais c'était sous le règne de Charles VII que les attributions du Conseil devaient surtout se développer. On le voit alors s'approprier sans scrupule le jugement d'une foule de causes qui sont de la compétence des tribunaux ordinaires ; il s'enfle, comme dit Pasquier, en nombre effréné et excessif de procès ; il fait les lois, il administre, il a, à proprement parler, l'exercice même de l'autorité royale. C'est dans son sein que se discutent toutes les ordonnances un peu importantes, et telle est son autorité, qu'il n'y a pas une partie de l'administration ou du gouvernement à laquelle il n'ait été mêlé d'une manière souveraine.

C'est le Grand-Conseil qui discute et décide toutes les questions de finance. L'ordonnance qui proroge pour dix ans l'exemption d'impôts aux marchands castillans qui trafiquent dans le royaume[4] ; celle qui dispense des aides et subsides les habitants d'Orléans[5], celle qui accorde à la compagnie des artillers de Paris un privilège analogue, ces lois et toutes celles de même nature[6], sont délibérées dans son sein. Il en est de même des ordonnances concernant les questions de péage, celle des monnaies et des affranchissements[7]. Nous voyons aussi le Conseil discuter toutes les ordonnances destinées à régler l'assiette et la levée de l'impôt, et organiser le personnel chargé de la perception et de la juridiction[8]. On peut remarquer à ce propos que la chambre des comptes, quoique cour souveraine, avait dû laisser prendre au Grand-Conseil plusieurs de ses attributions les plus naturelles.

Les questions concernant la constitution des corps judiciaires rentraient aussi dans ses attributions. Ce sont des ordonnances délibérées en Conseil qui réunissent, en 1428, le parlement du Languedoc à celui de Paris[9], qui ferment les chambres du parlement de Paris à la rentrée du roi dans sa capitale[10], qui réforment la justice et qui reconstituent le parlement de Paris[11]. Le Conseil limite en même temps l'autorité que cette compagnie réclamait sur la chambre des comptes, et lui fait sentir de la sorte qu'il est aussi souverain à son égard[12].

Nous voyons le Conseil s'approprier de même le règlement de toutes les affaires ecclésiastiques. Il discute les affaires du schisme, le maintien ou l'extension des libertés gallicanes, les rapports de l'État et du Saint-Siège, les questions de régale et d'appel. En 1440, une assemblée du clergé s'étant réunie à Bourges, au sujet de l'obédience réclamée par le pape Eugène IV, le Grand-Conseil vient y siéger avec les députés du concile de Bâle et du Saint-Siège, ceux des chapitres et des universités[13]. Quelques années après, les bulles d'élection du pape Nicolas V furent soumises au Conseil, et l'historiographe Jean Chartier constate que le roi ne les approuva qu'après délibération de ses Conseillers[14]. La pragmatique de Bourges avait été signée aussi en Grand-Conseil, et c'est encore dans cette assemblée qu'une ordonnance célèbre subordonna l'université au parlement.

Tous ces exemples nous montrent, du reste, qu'entre le Conseil d'État moderne et le Conseil royal du quinzième siècle il y a plus d'un trait de ressemblance. Le Conseil d'État de nos jours est investi, lui aussi, d'une juridiction contentieuse ; il règle une foule de questions de l'ordre financier ; il tranche les conflits d'attributions ; il décide toutes les difficultés administratives, et il a même certaines affaires ecclésiastiques dans sa compétence, car plusieurs des questions qui concernent les rapports de l'État et du Saint-Siège lui sont soumises. Il y a cependant quelques attributions qu'il a de moins que le Conseil du quinzième siècle, et, en particulier, les attributions militaires.

Le Grand-Conseil avait attiré, en effet, dans sa compétence jusqu'aux questions qui concernent la guerre. L'histoire de Jean Chartier nous fournit à ce sujet des détails fort curieux : on voit qu'à l'occasion cette assemblée de nobles et de bourgeois se constituait en commission militaire. Ainsi, c'est une délibération du Conseil qui décide que Jeanne d'Arc peut tenter de ravitailler Orléans[15]. Les Conseillers règlent dans cette même guerre toutes les opérations de l'armée[16]. Ils agissent de même en 1450, quand la lutte recommence avec les Anglais : tous les détails du plan de campagne sont discutés et arrêtés par eux avant d'être transmis aux chefs de corps[17]. Il ne faut donc pas s'étonner s'ils donnent aussi leur avis sur les déclarations de guerre[18]. Ils ne se contentent pas, d'ailleurs, d'organiser les opérations militaires, ils y prennent part vaillamment. Les gens du Conseil se trouvaient, par exemple, en 1449, à l'assaut de Rouen, et la ville prise ils lui accordèrent une capitulation, comme les représentants les plus élevés de l'autorité royale[19]. C'étaient eux, du reste, qui avaient donné à la France l'armée permanente qui mena si vivement les Anglais hors du royaume : les mémorables ordonnances qui l'ont constituée, avaient été délibérées toutes au sein du Conseil[20].

Avons-nous épuisé la liste de ses attributions ? Nous le voyons intervenir encore dans les rapports si compliqués du roi et de la noblesse. Il discute la réponse de Charles VII aux doléances des nobles réunis à Nevers ; il débat et tranche la question des privilèges du duc de Bretagne ; il règle la manière dont la noblesse doit faire le service militaire[21]. Il surveille aussi l'action des états provinciaux. Des commissaires tirés de son sein président chaque année ceux du Languedoc[22]. Quant aux États-Généraux, nous aurons occasion de montrer que leurs délibérations n'avaient force de loi qu'après avoir été soumises à sa décision.

On voit par tous ces faits que le roi ne prenait aucune mesure tant soit peu importante sans l'avis du Conseil qui s'était identifié complètement avec le souverain. Les ordonnances l'attestent presque à chaque page, et les chroniqueurs sont tous d'accord avec les ordonnances. En tête de la collection des historiens de Charles.VII, publiée en 1661, par Denis Godefroid, se trouve une chronique anonyme que d'ingénieuses recherches ont fait restituer tout récemment à un contemporain de Charles VII, à Henri Baude, poète et prosateur du quinzième siècle[23]. Cette chronique renferme de précieux témoignages sur l'influence prépondérante du Conseil à l'époque qui nous occupe. Ce qui était délibéré en Conseil, était exécuté sans aucune dissimulation, ni variation.... Le roi ne faisait rien sans Les lettres que le roi écrivait étaient juridiques, et toutes les faisait voir et mettre au Conseil, autrement ne les eût signées.... De toutes requêtes, dit encore le chroniqueur, il ordonnait par Conseil[24].... Et cette déférence de Charles VII envers ses Conseillers ne se manifesta pas seulement tout le temps que la fortune lui fut sévère ; elle persista jusqu'au dernier jour du règne. Quelques-uns des Conseillers les plus dévoués et les plus habiles, furent cruellement sacrifiés, il est vrai, aux défiances et à l'ingratitude du roi, mais le Conseil fut maintenu, et même on peut dire qu'il ne cessa de voir son influence s'agrandir jusqu'à l'avènement de Louis XI.

Ce qui prouve que l'autorité laissée par Charles VII à ses Conseillers fut, en effet, presque illimitée, c'est qu'on les vit à plusieurs reprises se substituer en quelque sorte à la personne du roi, au point de discuter et de rendre même des ordonnances hors de sa présence. C'est ainsi qu'au moment de la rentrée du roi à Paris, plusieurs des Conseillers l'ayant précédé dans la capitale, portèrent avec les Généraux-Maîtres des monnaies un édit réglant la fabrication et la valeur d'espèces d'or et d'argent, et la levée d'une aide nouvelle[25]. A quelque temps de là, le roi ayant quitté sa capitale pour combattre, les Conseillers réglèrent seuls plusieurs questions relatives au domaine, et ils nommèrent le Prévôt de Paris juge et réformateur général sur les malfaiteurs du royaume[26]. En 1443, pendant que Charles VII est occupé en Guyenne contre les Anglais, le Conseil, de son autorité privée, réduit le nombre des Généraux-Maîtres des monnaies, rend une longue ordonnance sur les finances, et constitue définitivement le parlement de Toulouse[27]. Nous voyons aussi dans la chronique de Mathieu de Coucy, à propos de l'ordonnance sur la gendarmerie, que le roi de France fit plusieurs fois assembler, les gens de son Conseil, en grand nombre, tant en sa présence comme ailleurs....[28] C'est une nouvelle preuve que ce corps avait une action directe, indépendante même, sur les affaires de l'État. Il y a plus, son autorité s'étendit jusqu'à limiter l'autorité du monarque au profit de la loi. Il n'est pas rare de voir écrite dans les ordonnances l'injonction formelle de la part du roi d'obéir à la loi qu'il décrète, nonobstant toutes lettres ou ordres contraires qu'on pourrait obtenir de lui par importunité ou autrement. Les ordonnances concernant la répression des gens de guerre, et la réformation de la justice nous en fourniront des exemples. Henri Baude atteste d'ailleurs le même fait de la manière la plus explicite. Quelques lettres, dit-il, que le roi écrivit par importunité de requérants ou autrement, il n'entendait pas déroger à justice ou aux ordonnances anciennes et les faisait réparer. Au-dessus de la personne royale, trop souvent faible et capricieuse, le Conseil apercevait cette autre personne toute de raison et toute idéale, la royauté, véritable loi vivante de la nation, à laquelle le roi lui-même devait se subordonner et obéir.

Tel fut le rôle du Grand-Conseil sous Charles VII.

Comment était-il composé ? Pasquier dit que ses membres étaient pris parmi les princes, les grands seigneurs et les membres du parlement, ce qui l'amène à comparer le parlement au sénat de Rome, et le Grand-Conseil au conseil privé établi par Adrien, et dans lequel cet empereur admettait des sénateurs ainsi que d'autres personnes de marque[29]. Cette comparaison serait assez juste, si elle n'exagérait l'autorité politique du parlement pour réduire l'importance et la qualité du Conseil[30]. Quant à la manière dont on le recrutait, un grand nombre de membres étaient pris, en effet, dans la noblesse et le parlement ; d'autres l'étaient dans l'Église, et plusieurs sortaient du tiers état.

On trouve au bas des lettres du roi les noms de la plupart des membres qui ont assisté à la discussion et à la rédaction de l'ordonnance. En relevant la liste de ces noms, on est étonné de voir qu'elle en comprend plus de deux cents, bien que plusieurs membres du parlement et du tiers état aient été certainement omis, d'après l'habitude des ordonnances de ne mentionner que les principaux Conseillers présents. On voit figurer dans cette liste plusieurs princes du sang, le Dauphin, les ducs d'Alençon et de Bourbon, le comte du Maine, Charles d'Anjou, et la belle-mère du roi elle-même, Yolande, reine de Sicile, dont l'expérience fut bien utile, et qui ne cessa d'appuyer les meilleures mesures ; une foule de pairs et de grands seigneurs, les grands officiers de la couronne, plusieurs archevêques et évêques, et d'autres dignitaires de l'Église[31]. Parmi les membres de la noblesse, le comte de Dunois, bâtard d'Orléans, ne laissa pas d'apporter au Conseil des qualités qui n'étaient guère celles des gens de son état. C'était, dit l'historien Jean Chartier[32], un des beaux parleurs en françois qui fut de la langue de France. Aussi remarquable dans les discussions que dans l'action, il éclaira plus d'une fois les Conseillers par de sages avis, et mérita d'être employé au dehors dans les affaires si délicates de la pragmatique[33]. Mais l'influence du connétable de Richemont fut sans doute plus efficace encore. C'était mieux qu'un homme de guerre fort habile, c'était un administrateur intelligent et énergique. Il prit la plus grande part à la création de l'armée permanente et à la répression des désordres des aventuriers[34], il servit fort habilement le roi dans des ambassades, et fut certainement un des meilleurs instruments de la délivrance et de la pacification du royaume.

La petite noblesse fournit aussi à Charles VII quelques Conseillers fort habiles. Tels furent, par exemple, le sire Jamet du Tillet, et surtout Pierre de Brézé, qui prit la plus grande part à la réforme militaire et à plusieurs actes administratifs du règne, et dont M. Michelet a dit, avec un peu d'exagération peut-être, qu'il lui paraît être l'homme le plus complet de l'époque. Mais c'est surtout le tiers état qui a la gloire d'avoir donné à Charles VII les hommes éminents qui élaborèrent les belles réformes dont son règne s'honore. Sans parler des membres du parlement qu'on voit souvent appelés dans le Conseil pour y discuter les questions de leur compétence, on trouve fréquemment au bas des ordonnances des noms sortis de la roture, ceux d'Alexandre le Boursier, de Guillaume Toreau, de Jean Rabuteau, de Guillaume Juvénal des Ursins, de Guillaume Cousinot, d'Étienne Chevalier, de Jean et Gaspard Bureau, de Martin Gouge, de Jean Boutillier, de Jacques Cœur[35], etc. Esprits actifs, infatigables, nourris dans les fortes études des légistes, ou dans les habitudes d'ordre et de travail du commerce, ils ne cessent d'apporter au Conseil des idées sensées et fécondes sur les matières les plus diverses de l'administration. Rien n'est au-dessus de leur dévouement et de leur intelligence. Guillaume Cousinot est 'chargé à plusieurs reprises des fonctions les plus diverses et les plus difficiles ; tour à tour maître des requêtes, ambassadeur en Angleterre et bailli de la ville de Rouen, il rend dans toutes ces charges des services signalés. On peut faire le même éloge d'Étienne Chevalier, qui fut secrétaire du roi, maître des comptes, trésorier de France, et ambassadeur en même temps que membre du Conseil. D'abord maître des requêtes et officier de finances, Jean Bureau laisse un jour ces fonctions pour s'occuper d'art militaire, et dans ces fonctions improvisées, il déploie un véritable génie. Et quand la guerre est achevée, Charles VII n'a qu'un signe à faire pour qu'il porte le même dévouement dans des fonctions toutes différentes ; il le sert comme prévôt des marchands de Paris, et plus tard comme maire de Bordeaux. Guillaume Juvénal des Ursins est également propre à la robe et à l'épée. Nous le voyons tour à tour Conseiller au parlement, capitaine d'une compagnie d'ordonnance, membre du Conseil, lieutenant-général du Dauphiné, bailli de Sens, et enfin chancelier du -royaume. Quant à Jacques Cœur, le plus célèbre de ces serviteurs loyaux et dévoués de Charles VII, il était sorti d'un comptoir pour aider le roi dans ses réformes administratives, et il ne cessa de lui suggérer d'excellentes idées en matière d'administration militaire et de finances, tout en le servant avec un zèle admirable dans les missions diplomatiques les plus difficiles. On voit par cette multiplicité de fonctions, remplies toutes avec tant d'éclat, combien le roi trouvait d'aptitudes dans ces hommes de la bourgeoisie. A vrai dire, ce sont principalement ces hommes d'élite qui ont élaboré et rédigé les grandes réformes du règne[36].

Il ne faudrait pas croire d'ailleurs que le Conseil se composât constamment de tous les membres qui portèrent le titre de Conseillers. Il était ambulatoire et suivait partout la personne royale, redevenue nomade à peu près comme au temps des Mérovingiens ; à ce titre il ne pouvait être composé d'un grand nombre de membres. Le nom de Conseil Étroit qu'on lui donne quelquefois, semble encore le prouver. Pasquier dit, il est vrai, que les noms de Conseil Étroit, de Conseil Privé et de Grand-Conseil, étaient synonymes ; mais il est bien plus naturel de penser que le nom de Conseil Étroit désignait les réunions qui ne comptaient que quelques membres, et que le Grand-Conseil était l'assemblée garnie de tous les membres qui avaient droit d'y siéger, ce qui n'arrivait que dans les occasions les plus solennelles. Dans les doléances que l'assemblée de la noblesse adresse au roi en 1444, les nobles se plaignent vivement que le roi n'admette pas un plus grand nombre de membres dans son Conseil, et surtout des personnes prises dans la haute noblesse[37], ce qui prouve encore que le Conseil n'était souvent composé que d'un nombre de membres fort restreint. Où donc étaient alors les autres Conseillers ? Ils étaient à leurs fonctions ordinaires, car le titre de Conseiller n'était donné fort souvent que pour un temps limité, et à des personnes qui étaient en même temps de l'Église, du parlement, de l'armée, de la cour des aides et des monnaies, etc. Ces fonctions étant déléguées à titre de commission, et restant compatibles avec toutes les autres fonctions publiques, le roi pouvait mander tour à tour au sein du Conseil les hommes les plus habiles dans chacun des services de l'administration. C'est ce qui fait qu'au bas des ordonnances sur les monnaies figurent les noms des Généraux-Maîtres des monnaies[38], et que ceux des présidents des parlements de Paris et de Toulouse se trouvent particulièrement au-dessous des ordonnances qui réforment l'administration judiciaire[39]. Quelques Conseillers étaient néanmoins nommés à vie, ce qui fait dire à l'historien de Jean Bureau, qu'étant chambellan ordinaire du roi, il eut le privilège d'être toujours du Conseil Étroit du prince[40]. Quant aux autres Conseillers, ils n'y venaient évidemment que sur convocation expresse. Nous le voyons par l'exemple de Thomas Basin, que Charles VII avait nommé son Conseiller[41], et qu'on ne mandait de son diocèse Que dans les cas où l'on avait particulièrement besoin de ses lumières[42].

L'historien Mathieu de Coucy nous a laissé le récit fort intéressant d'une séance de ce Conseil à propos des réformes militaires. Il y avait plusieurs princes du sang et de la haute noblesse, les Conseillers ordinaires, et des capitaines de grande autorité. Chacun à son tour, quand il en était requis et qu'il lui en était demandé, répondait suivant son avis et entendement.... Tous ces débats et remontrances qu'un chacun d'eux faisait ainsi à son tour, le roi les oyait volontiers, et les avait bien pour agréables, et de lui-même il y répondait aucunes fois, en déclarant aucunes raisons pour ôter les difficultés et doutes ci-dessus déclarés ; car il avait cette besogne fort à cœur dès il y avait longtemps. Et se trouvaient fort souvent avec lui auxdits Conseils son fils le Dauphin, le roi de Sicile, le duc de Calabre, son fils, messire Charles d'Anjou, le comte de Richemont, connétable de France, les comtes de Clermont, de Foix, de Saint-Pol, de Tancarville, de Dunois, et avec eux encore grand nombre de Conseillers tant ecclésiastiques comme séculiers[43]. Mathieu de Coucy dit encore plus bas : Cette matière, qui était de grand poids, fut de rechef mise en avant dans le Conseil, et fut comme autrefois débattue assez longuement : finalement, par mesure et grande délibération, ils conclurent tous ensemble avec le roi de lui aider et de s'employer à mettre cette besogne à exécution. Alors il fut ordonné tant par le roi que par les dessus dits du Conseil, qu'il y aurait quinze capitaines, etc., lesquels furent par le roi et les seigneurs dudit Conseil élus et dénommés.... Cette page de Coucy est d'un grand intérêt. Elle nous fait voir fort clairement toute l'importance du Conseil ; elle atteste que la royauté ne faisait rien sans le consulter, et qu'il intervenait dans la discussion et la confection des lois avec une entière indépendance.

L'étendue et l'importance de ces attributions furent cause que Charles VII crut devoir créer au sein du Conseil un certain nombre de sections particulières, où chaque affaire dût être débattue par les hommes les plus entendus et les plus compétents. C'est du moins ce qu'en l'absence d'un texte plus précis, nous croyons pouvoir inférer d'un passage de Henri Baude. Le roi, dit-il, avait départi le temps pour entendre aux affaires lie son royaume, et tellement, qu'il n'y avait pas de confusion ; car, le lundi, le mardi et le jeudi, il besognait avec le chancelier, et expédiait ce qui était à expédier touchant la justice ; le mercredi, il entendait au fait de la guerre avec les maréchaux, les capitaines et autres gens de guerre ; ledit mercredi, vendredi et samedi aux finances[44]. La division du Conseil en trois sections, celle de la justice, celle de la guerre et celle des finances, attribuée d'ordinaire à Louis XI, avait donc été établie dès le règne de son prédécesseur.

S'agissait-il de préparer une ordonnance ou de discuter une mesure importante, ces diverses commissions se réunissaient sans nul doute en une seule assemblée, dans laquelle étaient appelés en même temps des membres de l'Église, de l'armée et du parlement. Quant aux questions qui, par leur nature, voulaient être traitées dans le secret, on doit croire qu'elles n'étaient discutées que devant fort peu de personnes, et qu'à part quelques seigneurs dont le dévouement était assuré, le Conseil ne se composait plus que de ces hommes de petit état, que nous avons déjà nommés. C'était du reste un des griefs de la haute noblesse contre Charles VII. Dans les interrogatoires qu'on fit subir au dm ; d'Alençon pendant son procès, il déclare : qu'il ne voulait pas être Anglais, mais que moult lui déplaisait des manières que le roi tenait contre lui et ceux de son sang, car, quand ils venaient vers lui, ils étaient des quatre ou six jours sans qu'ils pussent avoir audience, et ne tenait le roi autour de lui qu'un nombre de méchantes gens et de méchant état, issus de petite lignée, qui à présent le gouvernaient. Ce qu'il y a de plaisant, c'est que le Dauphin Louis, le futur compère d'Olivier le Daim et de Tristan l'Ermite, .in-voguait les mêmes griefs contre le gouvernement de son père !

Il serait inutile d'entrer dans de plus longs détails pour établir que les ordonnances les plus importantes du règne de Charles VII, ont été élaborées dans un Conseil composé de nobles et surtout de bourgeois. Ce Conseil ne fut pas du reste le seul pouvoir délibérant pendant le règne de Charles VII. Plusieurs ordonnances ont été dues, sinon à l'initiative, du moins aux délibérations des états généraux, qui furent convoqués plusieurs fois pendant les vingt premières années du règne. Durant cette période, les états généraux de la Langue d'Oïl ont même été réunis presque annuellement[45]. De 1423 à 1439 nous trouvons dix convocations d'états, et il est fort probable qu'ils furent assemblés encore plus souvent. Dans la détresse affreuse où il était réduit, le pouvoir royal sentait naturellement le besoin de se rapprocher constamment des représentants du pays, d'échanger avec eux ses espérances ou ses regrets, et d'accepter leurs conseils pour prix des sacrifices incessants 'qu'il leur demandait. Le vote de l'impôt était le droit formel de ces états. Ils pouvaient aussi présenter des doléances sur telle ou telle partie de l'administration, et ils en usèrent fréquemment pendant les premières années de Charles VII. Subsides et doléances se tenaient par la main aussi bien en France qu'en Angleterre. Toutefois on remarque que ces états aimèrent mieux aider le pouvoir royal que de contrôler aigrement tous ses actes et de réduire son autorité, comme avaient fait les états généraux sous le règne de Jean. On rencontre même dans leurs procès-verbaux des preuves multipliées d'un dévouement absolu à la cause et à la personne du roi[46].

Cette sorte de droit d'enquête laissé aux états, pouvait s'exercer sur les parties les plus diverses de l'administration et du gouvernement. Les états tenus à Chinon, en 1428, demandent, entre autres choses, la réunion des parlements de Béziers et de Poitiers[47]. Aux états de Tours, en 1433[48], le gouvernement lui-même conjure les députés de mettre provision au fait très-douloureux et piteux du royaume, notoirement détruit et gâté, par faute de bonne police et de bon gouvernement ; on ne pouvait les inviter plus formellement à s'approprier une part du pouvoir exécutif. En 1435[49], une nouvelle assemblée réunie à Tours engage le roi à faire la paix avec le duc de Bourgogne, et discute les conditions de cette paix. Les états réunis à Orléans, deux années plus tard[50], sont consultés sur la guerre avec l'Angleterre. Ceux de 1439 demandent instamment la répression du désordre des gens de guerre et une police plus énergique. Si l'on voulait considérer l'assemblée de Bourges comme une sorte d'états généraux mixtes, on verrait les états s'occuper encore des matières religieuses les plus délicates. Au commencement du règne, tout ce qui touchait aux intérêts généraux du pays était donc soumis, dans les circonstances solennelles, à leurs délibérations[51].

Mais nous devons ajouter que ces délibérations ne leur étaient demandées qu'à titre de renseignement, et qu'elles n'imposaient aucune obligation formelle au pouvoir royal. D'abord, les questions sur lesquelles ils devaient être consultés étaient fixées d'avance, et le pouvoir éloignait de leurs yeux et de leurs discussions toutes les matières qu'il ne voulait pas voir examiner. Ainsi, dans les états tenus à Tours, en 1435, le chancelier eut soin de préciser d'abord par un discours l'objet de la réunion des états, et la question de la paix avec la Bourgogne leur fut seule soumise[52]. Il en fut de même en 1439, à l'occasion de la paix avec l'Angleterre. Il est assez intéressant à ce sujet de voir de quelle manière les délibérations de l'assemblée avaient lieu. Le chancelier commença par faire remettre à chaque membre des états l'exposé des prétentions et des demandes des deux partis[53], après quoi l'on prescrivit à chaque député d'apporter individuellement et séparément son avis devant une commission du Conseil royal : On entendit ainsi en huit jours l'avis de tous les membres sur les avantages et les inconvénients de la paix projetée, puis l'on chargea huit commissaires de défendre, les uns le parti de la guerre, les autres celui de la paix. L'assemblée fut ensuite dissoute, le Conseil se réservant de choisir dans ses délibérations et ses vœux ce qu'il croirait utile à l'État. C'était un avis qu'on avait demandé, et rien de plus. Ainsi, à côté même des états généraux, le Grand-Conseil restait toujours le véritable pouvoir législatif.

Exercée dans de pareilles limites et dans des temps réguliers, l'autorité des états n'était guère redoutable au pouvoir ; et cependant on les vit disparaître tout à coup vers 1440. La raison qu'on a généralement donnée de cette suppression des états, c'est qu'ils s'étaient d'eux-mêmes reconnus et déclarés inutiles, en votant l'établissement d'un impôt permanent pour l'entretien d'une armée permanente. Ainsi l'établissement de la première armée régulière et monarchique aurait entraîné la ruine de l'institution qui était le plus sûr abri des. libertés politiques I Mais cette opinion est-elle bien fondée ? Que l'armée permanente ait été constituée vers cette époque, et que vers cette époque aussi les états généraux aient subitement disparu, cela est parfaitement vrai ; mais il ne s'ensuit pas que le premier de ces faits ait été la cause de l'autre. Et, d'abord, les états de 1439, les derniers du règne de Charles VII, ont-ils décrété l'établissement d'une armée permanente et la création d'un impôt permanent[54] ? L'ordonnance du 2 novembre, rendue d'après l'avis et la délibération des états, n'en dit pas un seul mot[55]. Elle contient des prescriptions fort nombreuses et fort énergiques sur les devoirs des gens de guerre et sur la répression des désordres ; elle impose aux chefs de corps des règlements fort sévères, mais elle n'établit, en aucune façon, les forces militaires sur une base nouvelle. Elle défend aux seigneurs de lever des tailles sur les terres sans le congé du roi ; mais elle ne prescrit pas la levée d'une taille royale spécialement destinée à l'armée, et, à plus forte raison, elle ne crée pas la permanence de la taille. Ce ne sera que plusieurs années plus tard, en 1445, que l'armée recevra son organisation nouvelle par la distribution de la gendarmerie royale en quinze compagnies d'ordonnance, et ce ne sera même que quelque temps après cette réorganisation qu'on lèvera une taille destinée à payer les troupes permanentes. Les états n'ont donc eu aucune part ni à l'établissement de l'armée monarchique, ni à la création de l'impôt permanent, sans quoi Comines, qui connaissait à fond toutes ces questions, n'eût pas dit que Charles VII fut le premier roi qui imposa des tailles à son plaisir, sans le consentement des états de son royaume[56]. C'est, du reste, ce qu'a déclaré tout aussi nettement Charles VII lui-même. Dans la liste d'observations rédigée en Conseil pour répondre aux doléances de l'assemblée de Nevers, qui lui avait reproché de lever les impôts sans le concours de la nation, le roi ne songe pas à se couvrir d'une autorisation des états. Il se contente de dire qu'il a agi en vertu de son autorité royale, preuve évidente que les états de 1439 n'avaient pas abdiqué entre les mains du roi le vote des subsides par l'établissement de l'impôt permanent[57].

Mais il reste à expliquer pour quelles causes on vit si subitement disparaître ce corps délibérant des états généraux. Ces causes furent, à notre avis, l'attitude factieuse de la noblesse et la défiance du Conseil. L'ordonnance d'Orléans sur la répression des gens de guerre, avait profondément mécontenté la noblesse en la rendant responsable du désordre public, en la signalant aux haines des populations, en lui enlevant l'indépendance turbulente dont elle jouissait depuis longtemps à la tête de ses bandes armées. La plupart des grands seigneurs qui avaient assisté aux états de 1439, se séparèrent même violemment du roi, pour essayer d'empêcher par la force l'effet des nouvelles mesures. Après une campagne malheureuse, ils convoquèrent à Nevers, en 1441, une assemblée de la noblesse de France[58], et là fut rédigé un cahier rempli des doléances les plus violentes contre les abus du gouvernement. On incriminait directement toutes les intentions et tous les actes du pouvoir, en même temps que l'on accusait, dans les termes les plus injurieux, les Conseillers qui le servaient. C'était comme une ligue anticipée du Bien public. On y mêlait à des réclamations plus ou moins sincères sur l'excès des contributions, sur les désordres des gens de guerre, sur les abus de l'administration et de la justice, sur la nécessité de venir au soulagement du pauvre peuple, des diatribes contre la composition du Grand-Conseil, qui n'avait pas assez de pairs et de grands seigneurs, et contre la suppression des états, sans lesquels le roi levait les impôts. Le pouvoir royal n'avait rien entendu de plus violent dans les états de 1356 ou de 1357. Le roi, dit Monstrelet[59], n'était pas bien content ni joyeux des assemblées que les seigneurs faisaient en son absence ; car de jour en jour y avait des plus grands de son hôtel et de ceux de son privé Conseil qui lui disaient et rapportaient que lesdites assemblées n'étaient pas pour son bien, et que lesdits seigneurs s'efforçaient d'attirer à leur parti les nobles hommes de son royaume, avec les gens d'Église et le commun peuple, pour faire tous ensemble nouvelle, ordonnance, et bailler gouvernement en icelui royaume de par les trois états, ce qui serait et pourrait être à son grand préjudice.... A quoi le roi répondit, que, s'il pouvait être certainement averti qu'ils voulussent faire aucune chose contre lui et sa majesté, il laisserait toutes autres besognes pour leur courir sus. Il voulut néanmoins répondre aux récriminations des états, et le Conseil dressa, article par article, une réponse à chacune de ces doléances. Sur la question du Conseil[60], le roi fit déclarer vaguement qu'il ne voulait traiter aucune matière élevée sans le concours des pairs et des princes du sang, et qu'il avait eu et aurait toujours soin de composer son Conseil des hommes les plus compétents. Sur la question des états[61], il fut dit : Que le roi, de son autorité royale, vu les grandes affaires du royaume, peut mettre des tailles, et qu'il n'est nul besoin d'assembler sur ce le tiers état, car ce n'est que charge et dépense au pauvre peuple, qui a à payer les frais de ceux qui y viennent : et ont requis plusieurs notables seigneurs qu'on cessât de telles convocations faire, et pour cette cause sont contents qu'on envoie la commission aux élus, selon le bon plaisir du roi[62]. Les causes de la suppression des états ne sont-elles pas suffisamment expliquées par ces sentiments de défiance et de haine que se renvoyaient le pouvoir royal et les pouvoirs féodaux ?

Les états généraux abolis, il est vrai de dire qu'à plusieurs reprises des assemblées composées d'un certain nombre de personnes choisies dans les trois ordres furent convoquées pour éclairer le pouvoir sur les besoins et les vœux de la nation. En 1449, le roi assemble à Chinon plusieurs grands seigneurs pour avoir leur avis sur la guerre qu'il allait reprendre avec l'Angleterre[63]. En 1453, quand il s'agit de la réformation de la justice, on composa une réunion de plusieurs seigneurs du sang, de prélats, barons et gens du Grand-Conseil, de présidents et Conseillers du parlement, de juges et prud'hommes du royaume, pour délibérer sur les mesures à prendre[64]. D'autres réunions du même caractère eurent encore lieu. C'était la politique de Charles V, qui, en éludant la puissance des états généraux n'avait pas entendu se passer de conseils, et qui leur avait substitué les assemblées de notables. La couronne trouvait à ce changement un grand avantage, et le pays y perdait beaucoup moins qu'on pourrait le croire ; le principe de l'intervention de la nation dans ses affaires semblait toujours survivre, et si le tiers état ne pouvait plus faire entendre une voix aussi libre, ses propositions de réformes ne risquaient plus d'être contredites et annulées par l'opposition d'une noblesse aussi contraire à ses intérêts qu'à ceux de la royauté.

Ajoutons que si les états généraux furent suspendus, la liberté politique conserva des asiles dans les états provinciaux, qu'on doit aussi considérer comme des pouvoirs délibérants investis d'attributions assez importantes. Ces états continuaient dans plusieurs provinces les anciens Conseils de gouvernement de chaque grand seigneur. On a voulu quelquefois les comparer à nos Conseils généraux actuels, mais ils avaient des attributions financières et politiques que la centralisation monarchique a fait perdre aux Conseils modernes. Comme exemple de ces assemblées, nous citerons sous Charles VII les états d'Auvergne, qui pendant la Praguerie donnèrent au roi une preuve touchante de leur dévouement, en déclarant qu'ils étaient siens de corps et d'âme, et voulaient obéir de tout à sa volonté ; ceux de Normandie, qui furent réunis plusieurs fois, et dont les privilèges furent solennellement confirmés à la fin du règne ; ceux du Dauphiné, dont la réunion est mentionnée en 1434 et en 1438, et qui défendirent énergiquement leurs prérogatives un moment menacées[65] ; enfin, ceux de la Guyenne et du Languedoc. Comme les états généraux, les états de province pouvaient, en principe, voter des subsides, émettre des observations et des vœux, et provoquer certaines lois dans l'intérêt du ressort qu'ils représentaient. Mais il faut remarquer que ces droits étaient bien limités dans la pratique. C'étaient les baillis et les officiers royaux qui convoquaient les états ; en second lieu, on les faisait présider par des commissaires du roi[66], et quand le pouvoir croyait y remarquer un trop violent esprit de résistance, il n'hésitait pas à l'étouffer en supprimant l'assemblée elle-même. C'est ce qui survint en particulier aux états de Guyenne, en 1453. Après la conquête de cette province, le roi les avait solennellement garantis avec tous leurs privilèges. Mais la province se révolta, et le roi crut, non sans motif, apercevoir la main des états dans ce soulèvement. Aussitôt il les abolit, pour confier l'administration locale à un magistrat royal.

Cependant les états du Languedoc ne furent pas inquiétés sous Charles VII. Ce n'est pas que leurs attributions aient été insignifiantes ou leur soumission absolue. Véritables états généraux du midi de la France, ces assemblées avaient insensiblement accoutumé le pouvoir royal à considérer leurs privilèges comme une tradition inviolable, et à entendre une voix respectueusement indépendante[67]. Ils avaient habitude de se réunir tous les ans pour discuter l'impôt, et s'occuper des intérêts de la province. Une des sessions les plus remarquables fut celle de 1456[68], qui peut donner une idée de l'esprit ordinaire de ces états. Le roi les avait convoqués pour obtenir un subside de 130.000 livres. Les états se gardèrent bien de voter immédiatement ; ils se firent d'abord communiquer un état de la situation du royaume[69], et ils engagèrent ensuite de longues discussions sur les abus de l'administration et sur les réformes à opérer, au moins dans les pays de leur ressort. Ils n'accordèrent qu'un subside de 116.000 livres au lieu de 130.000, et pour un an seulement ; encore ce don était accompagné d'un cahier dé doléances qui énumérait tous les vices de l'administration et demandait énergiquement qu'on les redressât. Les états voulaient régler le mode de perception de l'impôt ; ils réclamaient ensuite le maintien du droit écrit, la liberté de la chasse et de là pèche, la suppression des abus du privilège universitaire ; la réduction : des impôts sur les marchandises, celle des droits de navigation et de péage, enfin ils se plaignaient fort vivement de la charge des gens de guerre, des usurpations sur la juridiction ecclésiastique et seigneuriale, de la limitation des privilèges de la province, etc. Ces délibérations soumises au Conseil amenèrent une ordonnance qui satisfaisait Sur presque tons les points aux demandes des états[70]. C'est une chose surprenante que ce maintien et cette consécration de libertés politiques, à une époque où l'autorité et la défiance du pouvoir devenaient si grandes. Mais ce n'étaient là que des privilèges locaux, dont la violation aurait d'ailleurs entraîné des soulèvements : de plus, la composition de ces assemblées était plus rassurante que celle des états généraux du nord. Les états du Languedoc étaient surtout des assemblées de bourgeoisie[71] qui, d'après l'énumération de leurs plaintes, se préoccupaient bien plus des intérêts du commerce, de l'industrie, de la navigation[72] et d'une bonne administration civile que de la nature et des droits du pouvoir royal. Leurs plaintes pouvaient froisser quelquefois la couronne, elles ne pouvaient pas l'alarmer. Elles n'attaquaient en aucune façon l'existence et la suprématie du pouvoir, ni ces lois constitutives que le Grand-Conseil s'efforçait de donner à l'État, pour le dégager de plus en plus des pouvoirs féodaux.

Il résulte de ce que nous venons de dire que sous Charles VII il y a eu plusieurs corps délibérants, les états généraux, les états provinciaux et le Conseil du roi. Mais la véritable puissance législative ne résidait pas dans les états, qui n'ont inspiré en effet que bien peu des ordonnances de Charles VII en dehors des mesures d'un intérêt purement local. Cette puissance n'a véritablement appartenu qu'au Grand-Conseil, et c'est dans le sein de ce comité, qu'ont été élaborées presque toutes les réformes du règne.

Maintenant que nous connaissons les législateurs, nous pouvons passer à l'examen de leurs réformes et de leurs lois.

 

 

 



[1] Voyez Pasquier, Recherches de la France, l. 2, c. 6, p. 132, édit. 1667.

[2] Voyez Pasquier, Recherches de la France, l. 2, c. 6, p. 135.

[3] Auquel temps toutes les choses de la France se trouvèrent grandement brouillées et en très-grand désarroy, et ceux qui avaient la force et puissance par devers eux pour gouverner toutes choses à leur appétit, faisaient évoquer les négoces qu'il leur plaisait par devers le Conseil du roi, et par cette voie frustraient ceux de la cour du Parlement des causes qui leur étaient affectées. (Pasquier, Recherches de la France, l. 2, c. 6, p. 134.)

[4] Ordonnances, XIII, 44.

[5] Ordonnances, XIII, 144.

[6] Ordonnances, XIII, 245, 348, 356.

[7] Ordonnances, XIII, 32, 221, 405, 522 ; XIV, 7, 357.

[8] Ordonnances, XIII, 326, 372 ; XIV, 238, 484.

[9] Ordonnances, XIII, 149.

[10] Ordonnances, XIII, 229.

[11] Voyez les ordonnances du 26 oct. 1446 (XIII, 471), 12 avr. 1452 (XIV, 202), 15 avr. 1453 (XIV, 276), 14 nov. 1454 (XIV, 352).

[12] Voyez l'ordonnance de 1460, déclarant que l'autorité de la chambre des comptes n'est sujette à aucun appel, au parlement ou ailleurs. (XIV, 510.)

[13] Ordonnances, XIII, 321.

[14] Jean Chartier, p. 130.

[15] J. Chartier, p. 19.

[16] J. Chartier, p. 27.

[17] J. Chartier, p. 218.

[18] En 1449, le roi déclare la guerre à l'Angleterre par l'advis et mûre délibération du Conseil. (J. Chartier, p. 142.)

[19] J. Chartier, p. 174. Il en fut de même aux sièges de Bordeaux et de Bayeux ; voyez p. 235 et 202.

[20] Voyez aux Ordonnances, XIV, 1, la lettre du Conseil instituant les francs-archers, et M. de Coucy, p. 406.

[21] Ordonnances, XIII, 468 ; XIV, 454.

[22] En 1456, trois Conseillers du roi, Jean d'Oloy, sénéchal de Beaucaire, Jean d'Anet, procureur général, et Otto Castellan, argentier du roi, s'y trouvaient en qualité de commissaires royaux. Quelques années auparavant, Jacques Cœur avait rempli le même office. (Ordonnances, XIV, 387.)

[23] Voyez l'Étude critique sur les historiens originaux de Charles VII, par M. Vallet de Viriville.

[24] Voyez cette chronique aux pages II, IV et V.

[25] Ordonnances, XIII, 221, 227.

[26] Ordonnances, 258, 260.

[27] Ordonnances, 369, 372, 384.

[28] Mathieu de Coucy, ap. Godefroid, 544.

[29] Pasquier, t. II, c. 6, p. 133.

[30] On peut encore remarquer ici combien Pasquier est préoccupé de mettre le corps judiciaire au-dessus de tous les autres corps de l'État. Cet esprit de défiance et de jalousie à l'égard du Conseil était d'ailleurs fort ancien. Nous en trouvons un exemple sous Charles VII, à l'occasion de l'enregistrement de Lettres du Conseil portant ratification des provisions d'offices octroyées par le duc de Bretagne quand il avait soumis cette province au roi. Le parlement n'avait enregistré qu'en réservant à aucuns leurs oppositions. Des Lettres sévères ordonnent aussitôt d'enregistrer plénièrement et absolument. (XIV, 262.)

[31] Le sire d'Albret, les ducs d'Alençon, de Bourbon, d'Anjou, de Bavière, de Calabre, les comtes d'Aumale, d'Eu, de Clermont, d'Harcourt, de la Marche, de Polignac, de Saint-Pol, de Tancarville, de Vendôme, de la Trémoille, le sire de Xaintrailles, etc.

L'amiral, le maitre des arbalétriers, le bouteiller de France, le chancelier, le connétable, les maréchaux, le grand-maître d'hôtel, les généraux-maîtres des monnaies, etc.

Les archevêques de Reims, de Sens, de Toulouse, de Tours, de Vienne,

Les évêques de Carcassonne, de Castres, de Clermont, de Laon, de Lisieux, de Maguelonne, de Maillezais, d'Orléans, de Paris, de Poitiers, de Séez, de Valence,

L'abbé de Saint-Corneille, etc.,

Les présidents et plusieurs membres des parlements de Paris et de Toulouse, etc.

[32] Il s'agit du siège de Vernon en 1449, et d'un discours tenu aux habitants par Dunois. Alors, dit le chroniqueur, le comte de Dunois, très-froid et attrempé seigneur, représentant la personne du roi, leur commença à dire et à exposer en beaux et hauts termes, comme un des beaux parleurs en françois, qui fut de la Langue de France, etc. (J. Chartier, p. 154.)

[33] Dans Godefroid, on voit qu'en 1448 il fut employé en effet dans les affaires du schisme comme ambassadeur en Italie, et qu'en 1455 il alla encore en ambassade auprès du duc de Savoie (Hist. de Charles VII, p. 130, 432, 789.)

[34] Voyez l'histoire de Richemont, dans Godefroid, p. 773 et 791.

[35] Ordonnances, XIII, 35, 219, 293, 303, 425, 427. — Godefroid, 859, 866, 870, 878.

[36] Du long et pénible travail de la délivrance nationale sortit un règne dont les principaux conseillers furent des bourgeois.... (Augustin Thierry, Essai sur le tiers état, p. 91.)

[37] Art. 12 des Doléances : qu'il plaise au roi élire les Conseillers en nombre compétent, et non plus commettre la somme ou conduite des grandes affaires à deux ou trois, comme il a été fait par devant. (Recueil des anciennes lois françaises, IX, p. 109.)

[38] Ordonnances, XIII, 229, etc.

[39] Ordonnances, XIV, 284, etc.

[40] Voyez la notice biographique sur Jean Bureau dans Godefroid, p. 870.

[41] Aux appointements de mille livres, dit-il lui-même. Voyez la vie de Basin, en tête du premier volume de ses œuvres, p. XXVII.

[42] C'est ce qui eut lieu, par exempte, en 1454, ou Basin fut appelé à Paris avec Pierre de Brézé, grand sénéchal de Normandie, pour donner son avis sur la réforme judiciaire. Voyez la vie de Th. Basin en tête du premier volume de ses œuvres, éd. Quicherat, p. XXVII.

[43] Mathieu de Coucy, ap. Godefroid, p. 544 et 545.

[44] Pour entendre le texte de Henri Baude d'une autre manière, c'est-à-dire pour croire qu'il s'agissait de commissions de guerre et de finances fonctionnant en dehors du Conseil, il faudrait nier ce qui est attesté par une multitude de faits, je veux dire que toutes les questions un peu importantes aboutissaient au Conseil et y étaient débattues. Dans son Histoire de l'Administration, M. Dareste rapporte, il est vrai, la division en sections au règne de Louis XI. Mais il ne cite aucun document à l'appui de cette assertion, et nous en avons vainement cherché la preuve dans les ordonnances de ce prince. M. Dareste parait d'ailleurs n'avoir donné qu'une attention assez distraite à cette question du Conseil, dont il épuise toute l'histoire en quatre ou cinq pages, tandis que les autres institutions administratives ont été l'objet d'études fort approfondies dans son savant ouvrage.

[45] En 1423, ils le sont à Bourges. (Ordonnances, XIII, 14.)

En 1426, à Mehun. (Recueil des états généraux, IX, 145.)

En 1427, à Poitiers. (Ordonnances, XIII, 217.)

En 1428, à Chinon. (Isambert, d'après la préface du t. XII des Ordonnances de Villavault.)

En 1433, à Tours. (Recueil des états généraux, IX, 134.)

En 1434, à Vienne, avec ceux de la Langue d'Oc et du Dauphiné. (Hist. du Languedoc, LXXXIV.)

En 1435, à Tours. (Recueil, IX, 156.)

En 1437, à Orléans. (Recueil, VIII, 862.)

En 1438, à Bourges, où ils eurent aussi le caractère d'une assemblée religieuse, à l'occasion de la pragmatique.

En 1439, à Orléans. (Recueil, IX, 57.)

[46] Ainsi, aux états de Mehun, en 1426, après de longues délibérations sur la guerre, Messieurs du sang, Messieurs les nobles, Messieurs d'Église et gens de cités et bonnes villes offrent pour eux et tous les autres habitants de ce royaume leurs corps, leurs biens, et tout ce qu'ils pourront finer (financer), et de le servir et obéir envers tous et contre tous, sans nul excepter, jusqu'à la mort inclusivement. (Recueil, IX, 145.)

[47] Ordonnances, XIII, 140.

[48] Ordonnances, XIII, 134.

[49] Recueil des états généraux, IX, 156.

[50] Ordonnances, XIII, 306. Voyez aussi Jacques le Bouvier, dans Godefroid, p. 404.

[51] On voit encore, d'après l'art. 30 du traité d'Arras, qu'il devait être scellé des sceaux de tous les princes du sang, prélats, barons et bonnes villes du royaume, lesquels s'en rendraient tous garants.

[52] Ainsi, en 1439 (v. Godefroid, 404), le chancelier, dans son discours, précise l'objet de la réunion avant tout débat.

[53] Recueil des anciennes lois françaises, VIII, 798, et aussi le Recueil des états généraux, IX, 184, ainsi que Jean Chartier, p. 109.

[54] Jacques le Bouvier, dit Berry, auteur d'une chronique de Charles VII, qui seul a parlé avec quelques détails des états de 1439, ne dit pas un seul mot de ces deux décrets. V. Berry, dans Godefroid, p, 404.

[55] M. Henri Martin, fort scrupuleux d'ordinaire à ne rien affirmer sans preuve, affirme gratuitement ces deux faits dans les passages suivants :

Le Conseil répondit (aux vœux des états) par un plan complet d'organisation des finances et de l'armée : les revenus du domaine devaient suffire désormais à l'entretien du roi, de sa famille et de sa maison, et les aides et gabelles aux diverses dépenses administratives ; la taille, attribuée exclusivement à la solde de l'armée, serait fixée à 1.200.000 livres par an pour tout le royaume ; on aurait ainsi le moyen d'entretenir en permanence un nombre déterminé de troupes.... la majorité des états, dominée par une préoccupation unique, reçut ce grand projet avec acclamation. On ne sait dans quelle forme on discuta, on ne sait ce qui fut dit de la part du Conseil ou de l'assemblée. Mais l'événement fait voir que les états consentirent au moins tacitement à ce que les 1.200.000 livres fussent considérées comme accordées une fois pour toutes.... Nous répétons que ces détails ne peuvent se rapporter à l'ahnée 1439, ni aux états d'Orléans. Thomas Basin, qui a longuement insisté sur la création de l'armée permanente, ne dit pas même un mot de ces états ; il ne parle de la réorganisation militaire qu'à la date de 1445, et il dit fort clairement que les soldats des compagnies d'ordonnance furent d'abord payés en nature par les villes où ils furent établis, et que ce ne fut que plus tard qu'on leva une taille destinée à les solder en argent. (Th. Basin, c. 3. p. 168.)

[56] Comines, l. VI, c. 6.

[57] Voyez le Recueil général des anciennes lois françaises, t. IX, p.108.

[58] Recueil des anciennes lois françaises, t. IX, p. 99.

[59] Monstrelet, c. VII, p. 193, éd. Buchon.

[60] Recueil des anciennes lois françaises, t. IX, p. 99.

[61] Recueil des anciennes lois françaises, t. IX, p. 108 et 109.

[62] Recueil des anciennes lois françaises, t. IX, p. 108.

[63] Le roi, dit Coucy, à la date de 1449, fit convoquer plusieurs grands seigneurs, tant de son sang comme d'autres, avec ceux de son principal Conseil, auxquels en sa présence fut dit et déclaré bien longuement par son chancelier toutes les entreprises des Anglais durant les trêves, et pour ce requérait-il instamment aux seigneurs et conseillers des susdits, qu'un chacun dit son opinion de ce qu'il y avait à faire... M. de Coucy, dans Godefroid, p. 578.

[64] Voyez Ordonnances, XIV, 284.

[65] Dans une ordonnance rendue en 1438 sur des plaintes portées par les états du Dauphiné touchant les levées illégales d'impôts, il est dit : Le roi, considérant que, à cette occasion les gens des trois états se pourraient refroidir de nous octroyer les biens en subsides qu'ils ont accoutumé de nous faire libéralement, défend, etc. (Ordonnances, XIII, 252.)

[66] Les détails contenus dans le savant ouvrage de M. de Tocqueville, L'Ancien régime et la Révolution, nous montrent que les états du Languedoc avaient encore en 1789 la même organisation et les mêmes privilèges. Cette persistance d'une assemblée représentative au milieu de tant de causes de dissolution et en présence de tant de défiances et de soupçons, est un fait remarquable, et qui est tout à fait à l'honneur de nos populations méridionales. Nous remarquerons à ce sujet combien on a tort de tout attribuer à l'influence des races en matière d'organisation politique. M. de Tocqueville dit, par exemple, que les libertés politiques et les assemblées d'états étaient particulièrement propres aux parties de l'Europe où les mœurs et les idées germaniques avaient pénétré. (p. 348.) Or, il n'y a pas eu de province plus attachée que le Languedoc aux assemblées des états, et il n'y eut pas de contrée en France où la population primitive ait été moins entamée par l'élément germanique.

[67] En 1427, ils réclament fort vivement contre une aide imposée sans leur participation, disant que c'était de tout temps qu'ils étaient en telle liberté et franchise, que aucune aide ni taille ne devait de par le roi être sur eux imposée, à quelque cause que ce soit, sans premièrement appeler et faire assembler les députés des trois états. (Ordonnances, XIII, 133.)

[68] Voyez l'ordonnance rendue pour les doléances des états du Languedoc. (Ordonnances, XIV, 387.)

[69] Vous remercient très-humblement les gens des trois états de ce que de votre très-bonne grâce vous a plu leur faire communiquer l'état des affaires de vous et de votre royaume... (Ordonnances, XIV, 387.)

[70] C'est l'ordonnance mentionnée plus haut, XIV, 387.

[71] Tel était encore leur caractère au moment de la révolution. On peut dire que pendant tout le dernier siècle, le Languedoc a été administré par des bourgeois, que contrôlaient des nobles et qu'aidaient des évêques. Cette remarque si juste de M. de Tocqueville (p. 362) pourrait, on le voit, convenir aux 4 derniers siècles.

[72] En effet, ils y insistent bien plus longuement que sur tout autre sujet de plainte.