HISTOIRE GRECQUE

TOME QUATRIÈME

LIVRE SIXIÈME. — THÈBES AU RANG DE GRANDE PUISSANCE GRECQUE (379-362 AV. J.-C.).

CHAPITRE PREMIER. — SOULÈVEMENT ET RÉSISTANCE DE THÈBES.

 

 

§ III. — THÈBES SEULE CONTRE SPARTE.

Ce qui ne fait l'objet d'aucun doute, c'est que la tournure des choses fut prévue et amenée par les hommes d'État dirigeants. Agésilas avait accepté toutes les humiliations pour pouvoir à la fin rejeter sur Thèbes la faute de l'avortement de la paix, l'isoler complètement et entreprendre enfin, dans les conditions les plus favorables, la guerre de revanche si longtemps différée. Après les négociations qui avaient eu lieu à Athènes, on pouvait se tenir pour assuré que Thèbes se poserait en capitale de la Béotie. Callistratos et Agésilas étaient d'accord à l'avance pour n'y pas souscrire, et, du moment qu'Athènes et Sparte persistaient à considérer les prétentions thébaines comme contraires aux stipulations fondamentales de la paix, les autres États ne s'avisèrent même pas d'élever une protestation contre le procédé en somme assez arbitraire d'Agésilas.

En outre, la promptitude avec laquelle on tourna à la guerre montre que tout était préparé et calculé en vue de l'incident survenu. Si l'on avait sérieusement songé à exécuter les conditions de la paix, il aurait fallu commencer par désarmer entièrement, par retirer toutes les garnisons, licencier tous les corps, et, ceci fait, se préparer ensuite, si l'on voulait, à une nouvelle guerre, en demandant l'assentiment des alliés. C'est bien ainsi que pensait le parti des modérés à Sparte. Quand Cléombrote, qui restait encore en Phocide avec une armée spartiate pour protéger la contrée contre les attaques de Thèbes, demanda aux éphores quelle conduite il avait à suivre, Prothoos, à la vérité, intervint à Sparte et demanda qu'on agît conformément à la paix jurée et qu'on licenciât immédiatement l'armée : mais il demeura seul de son avis ; il se vit hué comme un fou avec sa politique sentimentale[1], et tout le monde fut d'accord pour utiliser de la meilleure façon le grand avantage qu'on tenait en main, pour expédier à Cléombrote les renforts les plus abondants possibles et le faire avancer sans retard en Béotie, afin de réduire à la soumission cette arrogante Thèbes qui avait osé mettre en question la domination de Sparte dans son propre pays.

Toute la Grèce s'attendait à voir dans un court délai la puissance de Thèbes brisée et la vengeance de Sparte accomplie. Car cette fois, il ne s'agissait pas de quelques contestations de détail qu'on pût accommoder, mais de l'existence même de la ville qui aspirait à se pousser au rang des grands États et à renverser l'ordre existant en Grèce. Aussi la guerre ne pouvait-elle avoir d'autre objectif que l'anéantissement de la ville. Privée de ses murs, morcelée en villages, dépouillée de ses dieux, elle devait être un exemple terrible du sort auquel menait une insolente rébellion contre Sparte.

Dans l'intervalle, les Thébains avaient fait, eux aussi, leurs efforts pour se préparer au jour décisif. Ils allaient montrer que, derrière les fières paroles prononcées à Sparte, il y avait un peuple possédant le courage et la force de faire de ces paroles une vérité ; les chefs du mouvement avaient toujours averti que la jeune Béotie avait encore à recevoir un cruel baptême de sang, et eux-mêmes étaient fermement résolus à succomber plutôt dans la lutte qu'à retourner une seconde fois en exil. Épaminondas était à l'apogée de son influence, qu'il avait conquise lentement mais sûrement. Il avait toujours regardé comme l'objet le plus important de son activité politique l'organisation des forces défensives ; il avait poursuivi sans relâche la fusion des différents contingents en une armée béotienne, et en même temps songé aux moyens qui permettraient de triompher même de forces supérieures.

L'art militaire des Spartiates, en dépit de quelques réformes isolées, avait toujours pour base l'ancienne disposition en lignes ; ils avaient leur ancienne phalange, c'est-à-dire la ligne de bataille rangée en profondeur égale, avec laquelle ils s'avançaient contre l'ennemi. Pour eux, le combat en rase campagne était toujours une sorte de duel, et les armées choisissaient un terrain spacieux pour s'y mesurer. Une ferme résolution et une bravoure uniforme paraissaient suffire pour remporter la victoire, dans une bataille aussi bien que dans une autre. Le plus grand avantage, par conséquent, que les adversaires de Sparte pussent mettre de leur côté, c'était de réussir à opérer des innovations pour lesquelles les Spartiates n'étaient pas préparés, et qui les mettraient hors d'état de mener la lutte avec leur méthode accoutumée.

Épaminondas avait depuis longtemps porté ses réflexions sur cet objet ; il avait attentivement suivi tous les progrès de l'art militaire ; il s'était convaincu qu'il y avait beaucoup à gagner en fractionnant les masses, en augmentant la mobilité des divisions, en adoptant un ordre de marche bien entendu et en tirant parti du terrain. La stratégie, affranchie des entraves de la routine, était devenue un art ; l'organisation de l'armée, le sujet de sérieuses études. Iphicrate et Chabrias avaient montré les résultats que d'ingénieuses innovations pouvaient obtenir contre la vieille école de la tactique lacédémonienne. D'après ces précédents ; Épaminondas, dont l'esprit philosophique était incapable de se contenter de quelques modifications et inventions partielles, chercha à créer un nouveau système de tactique, dont l'introduction allait décider de la marche de la guerre et par là des rapports respectifs des États grecs.

L'idée fondamentale était des plus simples. L'ancienne tactique partait de ce fait que le combat s'ouvrait en même temps et avec une égale intensité sur toute la ligne ; Épaminondas s'écarta de cette règle en ne disposant pas ses troupes en une ligne de bataille d'égale profondeur, mais en donnant une force toute particulière à l'extrémité droite ou gauche. Il y arrivait en formant derrière le- front une colonne d'attaque, destinée, comme un coin dirigé sur un point de la ligne ennemie, à l'enfoncer de tout son poids et à porter la confusion dans les rangs ennemis. Ce système offrait l'avantage qu'il obligeait à prendre l'offensive dans toutes les batailles rangées. On avait aussi cet avantage tout particulier de pouvoir dans l'attaque choisir le point de la ligne ennemie, et se porter sur ce point avec des forces de beaucoup supérieures, qui rendaient le premier succès presque inévitable. Or, dans une armée lacédémonienne, où tout dépendait de la cohésion non entamée des membres, cette manœuvre avait une influence décisive sur toute l'action, tandis qu'une armée plus agile, plus habituée à ouvrir et à serrer les rangs, aurait été en état d'esquiver ces chocs et d'échapper à ce danger.

Les Béotiens étaient naturellement propres et accoutumés aux charges impétueuses. Non content de les dresser pendant ces dernières années par des exercices continus à ces attaques calculées pour rompre et percer, Épaminondas, par son ordre dit oblique ou en biais[2], leur avait mis en main en quelque sorte une arme nouvelle pour la défense de leur pays contre les Lacédémoniens. Pour atteindre ses fins, Épaminondas employa naturellement d'autres expédients encore, que lui offraient les expériences des dernières guerres, Il sut principalement mettre en valeur la force particulière de la région béotienne, la cavalerie ; elle lui rendit d'éminents services en occupant l'ennemi par des attaques hardies et en le détournant du point essentiel ; elle fut d'autant plus efficace, que la cavalerie ennemie se trouvait dans le pire état. Les riches citoyens de Sparte entretenaient les chevaux, et, quand on se mettait en campagne, on les faisait monter par les gens les plus impropres à ce métier[3]. De même, Épaminondas sut acquérir de grands avantages par l'emploi de troupes légères, comme par le mélange des soldats de différentes armes[4].

Après de pareils préparatifs, il attendit l'ennemi avec environ 6.000 hommes au débouché de la vallée du Céphise, par où descendait la large et commode route de Phocide. Car cette fois, il ne s'agissait plus comme auparavant de la défense de la capitale, mais de celle de toute la contrée. Aussi se porta-t-il sur la rive méridionale du lac Copaïs, près de Coronée, et ce n'est pas sans intention qu'il choisit comme champ de bataille cette place où se célébraient les fêtes et les jeux de la Béotie entière[5]. Mais Cléombrote préféra un autre chemin ; il se tourna vers la Phocide méridionale, longea depuis Ambrysos le versant sud de l'Hélicon par Thisbé et Creusis, et, suivant des sentiers de montagnes assez peu praticables, il arriva dans la région plus ouverte, à collines basses, qui s'étend entre les contreforts du Cithéron et ceux de l'Hélicon[6]. Probablement, il fit ce pénible détour pour rallier les troupes auxiliaires envoyées à sa suite du Péloponnèse et pour marcher avec ses forces réunies à la rencontre de l'ennemi. Des troupes spartiates tenaient encore occupées les passes du Cithéron et ne se joignirent que peu de temps avant la bataille à l'armée du roi, qui alors monta presque au double de l'armée thébaine.

C'est ainsi que la dépression entre les deux massifs servit de champ de bataille. Cléombrote dressa son camp près des hauteurs méridionales qui appartiennent encore au Cithéron, à l'ouest de Platée ; les Thébains en face, à la lisière septentrionale de la plaine, près de la petite ville de Leuctres, située dans le territoire de Thespies, à une heure et demie dé Platée. Entre les deux rangées de hauteurs s'allonge de l'est à l'ouest une plaine large d'une vingtaine de minutes, qui offre un sol marécageux en hiver, mais fendillé de crevasses en été.

Quoique les Thébains se fussent déjà battus une fois contre les Spartiates avec bravoure et honneur[7], la vieille crainte de la phalange lacédémonienne n'était cependant pas surmontée encore : il s'y ajoutait la supériorité des forces ennemies et le terrain qui leur permettait un libre déploiement. Rien d'étonnant donc qu'Épaminondas ait eu avant la bataille à soutenir de rudes combats, à vaincre d'abord, comme Miltiade à Marathon, l'irrésolution et la timidité de ses propres collègues. Par bonheur, l'ardent Pélopidas l'assistait. Tous deux partageaient le sentiment que ce n'était pas le moment de trahir sa peur et de se retirer derrière des retranchements. Il ne fallait pas livrer un pouce du territoire béotien, si l'on ne voulait pas voir les villes béotiennes se soulever de nouveau et le courage des Spartiates s'exalter. Ils réussirent ainsi à gagner la majorité des voix des sept généraux[8]. Ensuite, il s'agit de donner aux troupes cette tenue morale dont un capitaine comme Épaminondas faisait tout dépendre. Il fallait que le combat qui allait s'engager pour l'indépendance de la patrie fût une lutte sainte, une lutte volontaire ; aussi somma-t-il tous ceux qui étaient là contre leur gré de quitter publiquement les rangs. Le corps de Thespies obéit à cette invitation et s'éloigna sans être molesté de la ligne de bataille[9]. Les autres se serrèrent d'autant plus solidement ; ils comprenaient quel serait le prix de la victoire, quelle serait la terrible suite d'une défaite pour leur pays. Quant aux présages effrayants que colportaient activement ceux qui désiraient éviter un combat à cette place, Épaminondas sut les affaiblir : comme Thémistocle avant la bataille de Salamine, il se servit des oracles et des prêtres en leur faisant employer leur influence à relever les esprits. Un oracle portait que les Spartiates essuieraient un désastre près du tombeau des vierges[10], et cette prédiction fut appliquée à la sépulture de deux jeunes filles du pays, qui, violées par des Lacédémoniens, s'étaient donné la mort[11]. On orna leur tombe et l'on promit vengeance à leurs mânes. Puis la nouvelle arriva de Thèbes que les portes des temples venaient de s'ouvrir subitement comme pour la solennité imminente du triomphe, et que, dans le temple d'Héraclès, l'armure du héros national venait de disparaître[12]. Il avait donc lui-même pris les armes pour courir, comme les £acides à Salamine, prendre sa part de la lutte.

Le but essentiel était atteint. fies troupes se disposèrent vaillamment pour le combat, dans l'ordre indiqué par leur chef. A l'aile gauche, il forma, sans que l'ennemi s'en aperçût, des colonnes d'attaques profondes de 50 hommes ; l'arrière-garde de ces colonnes se composait de la phalange sacrée, sous le commandement de Pélopidas. Elle devait se réserver pour l'action décisive.

Dans l'armée ennemie, les choses se passaient avec moins de calme et de dignité. Il y manquait l'esprit d'ordre, la volonté résolue. Cléombrote, cette fois encore, n'était pas en humeur de livrer bataille ; il n'avait confiance ni en lui-même ni en sa cause. Mais son entourage le pressait ; on réclamait le combat. Il lui fallait maintenant détruire le soupçon qu'il ne prenait pas au sérieux la lutte contre les Béotiens ; il passerait pour un traître s'il laissait échapper de cette position l'armée ennemie. Après le déjeuner se tint le conseil de guerre décisif ; il dura jusqu'à midi[13]. Échauffés par le vin, les Spartiates menèrent leurs troupes devant le camp établi sur la pente des hauteurs ; ils dispersèrent l'infanterie en une longue ligne, profonde de 12 hommes[14], les ailes poussées en avant des deux côtés. Leur plan consistait sans doute à déborder et à enfermer la ligne de bataille incomparablement plus courte de l'ennemi. Ils rangèrent en avant du front des troupes légères et des cavaliers. C'est ainsi qu'ils s'avancèrent dans la plaine, avec tant d'impétuosité et de précipitation que, dans leur aveugle ardeur, ils repoussèrent une partie des valets qui voulaient encore se séparer de l'armée thébaine, de sorte que ces gens furent ramenés malgré eux dans leur ancienne position[15]. Alors le combat commença.

Épaminondas envoya en avant sa cavalerie, qui rejeta les cavaliers ennemis sur l'infanterie. Cette manœuvre arrêta la marche uniforme des Spartiates et fournit à Épaminondas l'occasion d'effectuer son attaque principale. Il fit avancer l'aile gauche au pas accéléré directement sur l'aile droite de l'ennemi, où se tenait Cléombrote. La colonne s'y enfonça de tout son poids ; mais les files des Lacédémoniens restèrent d'abord compactes, et Cléombrote prit même ses dispositions pour tourner le flanc des Thébains. Dès que Pélopidas s'aperçut de ce mouvement, il se lança subitement de l'arrière-garde avec sa troupe d'élite et repoussa Cléombrote. Au même moment, Épaminondas, se voyant couvert sur sa gauche, pénétra de tout son élan au cœur de la masse ennemie. Les premiers rangs combattaient homme contre homme, les files de derrière poussant les autres, avançant sans relâche et comblant rapidement chaque vide dans le rang antérieur. L'action s'arrêta ; les Thébains se trouvèrent comme devant un mur. Encore un pas, cria Épaminondas aux siens, et la victoire est à nous ![16] Et de nouveau, la colonne d'assaut s'ébranla ; la ligne spartiate fléchit, céda et se rompit. Les Thébains pénétrèrent comme dans une brèche, se tenant indissolublement serrés. Les Spartiates, une fois leurs files rompues, se précipitèrent à droite et à gauche. Le roi fut blessé mortellement ; autour de sa personne s'engagea la plus sanglante mêlée[17] ; Sphodrias et une quantité des meilleurs chefs gisaient sur la place[18] ; l'ordre et la discipline étaient détruits. Dans leur fuite, les masses dispersées se sauvèrent du côté du camp sur la hauteur. Une fois que l'aile droite eut quitté le champ de bataille, l'aile gauche fut entraînée dans la retraite, si bien qu'on ne réussit à remettre l'armée en ligne que derrière le fossé du camp[19].

Les Péloponnésiens possédaient encore à ce moment la supériorité numérique ; leur aile gauche était pour ainsi dire intacte. Il était possible de se rassembler et de rétablir l'action, pour garder au moins le champ de bataille et ensevelir les morts. Mais les alliés n'avaient nulle envie de réparer au prix de leur sang la défaite des Spartiates[20] : Épaminondas avait clairement montré, par la manière dont toute son attaque avait été conduite, qu'il ne combattait pas contre eux. C'est alors seulement que les Spartiates eurent conscience de leurs énormes pertes. Des 700 citoyens que comptait l'armée, 400 étaient restés sur la place, plus 1.000 Lacédémoniens au moins ; leur cavalerie était dispersée et détruite[21]. Les plus fiers perdirent courage. Il fallut avouer la défaite et envoyer un héraut dans le camp ennemi, pour solliciter l'autorisation d'enterrer les morts et un armistice. Épaminondas l'accorda, en stipulant que les alliés d'abord, puis les Spartiates, recueilleraient leurs morts. Les premiers cherchèrent et trouvèrent à peine çà et là quelques corps ; le gros se composait de citoyens et de sujets de Sparte[22]. On vit ainsi, par une preuve palpable, contre qui était dirigée la bataille et de quelle manière la Némésis frappait ceux qui, par leur faute, avaient amené toute cette guerre. Épaminondas retint aussi les boucliers des chefs ennemis pour les suspendre à Thèbes en souvenir de la victoire[23], tandis que sur la place on érigea un trophée en l'honneur des dieux indigènes qui avaient détourné de la Béotie une si cruelle calamité[24].

Telle fut la bataille de Leuctres, qui fut livrée au commencement de juillet, pas tout à fait trois semaines franches après le congrès de Sparte[25]. C'est avec cette rapidité que la réponse d'Épaminondas suivit l'insolent arrêt d'Agésilas, prouvant par le fait le droit de sa patrie à considérer la contrée béotienne comme son territoire, ainsi que Sparte faisait du pays lacédémonien. Ce fut la plus importante de toutes les batailles qui se soient jamais livrées entre Grecs. Cette journée fit de Thèbes une puissance indépendante en Grèce, et rendit impossible pour l'avenir un retour de la tyrannie spartiate[26]. Aussi la journée de Leuctres devait elle être, non seulement pour Thèbes mais pour toute la Grèce, un jour de joie. Car si Cléombrote avait vaincu, la paix récemment jurée aurait été infailliblement rompue, la Béotie de nouveau remplie de garnisons lacédémoniennes, et Athènes menacée à la première occasion. Tant que Sparte conservait le pouvoir de commettre des injustices, on ne pouvait attendre d'elle aucune autre politique ; il n'y avait donc pas d'autre moyen de procurer aux Hellènes une paix effective et une sécurité durable, que de mettre Sparte une fois pour toutes dans l'impuissance d'empiéter par violence hors de ses frontières.

Aussi les Thébains se crurent-ils en droit de considérer leur lutte, non pas, ainsi que la jugeait Agésilas, comme la violation, mais comme le sceau de la paix générale, et, dans cette pensée, ils envoyèrent aussitôt à Athènes un héraut chargé d'y annoncer les événements et de consolider, sur de nouvelles bases, les rapports d'amitié et de bon voisinage qui s'étaient si heureusement manifestés lors de la chute des Trente ainsi que lors de la reprise de la Cadmée. Mais le message ne trouva pas le joyeux écho qu'on avait espéré. Le dépit que l'on ressentait du brillant relèvement de Thèbes l'emporta sur le sentiment de satisfaction causé par l'abaissement de Sparte. On était fâché que Thèbes eût réussi, ce qu'Athènes n'avait même jamais tenté, à repousser une armée spartiate sur la frontière du pays en lui livrant bataille en rase campagne. On était fâché d'avoir contribué., pour beaucoup à ce relèvement de Thèbes et à l'affermissement de sa puissance, et l'on ne se sentait guère envie de reconnaître comme un État de même rang cet État que l'on était toujours accoutumé à regarder avec un certain dédain. La politique de Gallistratos dominait dans Athènes, et l'on ne se gêna point pour laisser paraître cette mauvaise humeur. Au lieu d'une joie sympathique et de compliments, le messager de victoire ne rencontra qu'une froideur blessante ; on oublia jusqu'aux formes et aux égards les plus ordinaires. Le héraut d'État ne se vit même pas invité par le Conseil, et ne reçut même pas de réponse à ses communications[27].

Sur le champ de bataille de Leuctres, le calma régna après l'action et dura de longues semaines ; il semblait que les Thébains, surpris de leur propre fortune, eussent besoin de temps pour se rendre compte des mesures qu'ils devaient prendre ultérieurement. Pourtant ce ne fut pas l'indécision qui amena cette trêve, mais l'esprit tranquille et net d'Épaminondas, qui préservait les siens de toute démarche précipitée. Éloigné de toute présomption, pleinement satisfait du résultat obtenu, il ne songeait pas à poursuivre sa victoire au prix de l'effusion du sang. Une fois la gloire assurée aux Thébains d'avoir seuls tenu tête, comme jadis les Athéniens à Marathon, à l'ennemi de la liberté hellénique, cet exploit devait être reconnu comme une victoire nationale et profitable à tous les Grecs, et les conséquences de la victoire assurées par l'union des États animés des mêmes sentiments. Car si les États du continent septentrional se rapprochaient pour résister à toute restauration de la tyrannie spartiate, on pouvait s'attendre à voir Sparte céder et éviter une effusion de sang inutile.

De là les ambassades qui partirent du champ de bataille pour Athènes et la Thessalie, où Jason de Phères venait de réunir pour la première fois toute la région sous son empire. Jason avait depuis longtemps suivi les événements d'un regard attentif ; il tenait pour opportune toute occasion qui s'offrait à lui d'intervenir dans iles affaires grecques. II accueillit donc avec une vive joie le message que les Athéniens avaient si dédaigneusement reçu, se déclara aussitôt prêt à entrer dans l'alliance proposée, et, en un temps très court, il parut avec une armée sur le champ de bataille, pour prendre la parole encore avant la retraite des Spartiates en qualité de médiateur[28].

Les Spartiates étaient enfermés dans leur camp ; une partie des alliés, auxquels Épaminondas avait accordé la sortie libre, les avaient abandonnés. Dans leur pénible situation, la médiation de Jason leur agréait fort ; Épaminondas, d'autre part, convenait avec lui qu'il n'était pas prudent d'attaquer ce camp fortifié et de pousser l'ennemi à une résistance désespérée. La permission de se retirer, généreusement accordée à l'ennemi vaincu, semblait plus humiliante pour le prestige de Sparte et plus honorable pour Thèbes que la reprise de la lutte. Les troupes étaient trop découragées pour vouloir attendre dans leurs positions les renforts venant du pays, et les chefs ne firent pas difficulté d'accueillir le salut qu'on leur offrait, malgré le manquement dont ils se rendaient coupables envers les règlements militaires de leur pays. Dans le sentiment de leur opprobre et non sans méfiance à l'égard des promesses données, ils décampèrent de nuit et ne choisirent pas la route directe par le Cithéron, mais se retirèrent, par le chemin de traverse par lequel Cléombrote était arrivé dans le pays, sur Mégare. Là ils rencontrèrent les troupes qui s'étaient mises en marche sous Archidamos, fils d'Agésilas, pour débloquer le camp spartiate[29].

Sparte, à la réception de la triste nouvelle, avait montré qu'elle n'avait pas encore complètement perdu son ancienne grandeur. C'était le dernier jour des Gymnopédies, jour où des danses solennelles emplissaient la ville et où la fleur de la jeunesse se présentait devant les dieux. A ce moment survint le messager de Leuctres. Les éphores ne souffrirent pas que la fête s'interrompît. Les femmes reçurent l'ordre sévère de s'abstenir de lamentations publiques. Le lendemain matin, on vit paraître avec un visage joyeux ceux dont les parents étaient restés sur le champ de bataille, tandis que les autres se montraient affligés et honteux, parce qu'ils étaient forcés de s'avouer que les leurs n'avaient échappé à la mort que par la fuite[30]. Puis les autorités proclamèrent la levée en masse. Tous les hommes en état de porter les armes sortirent sous la conduite du fils du roi Agésilas qui, toujours alité, était forcé d'assister aux désastreuses conséquences de sa politique sans pouvoir y remédier. L'armée d'Archidamos n'était nullement destinée à une entreprise sérieuse ; elle fut licenciée dès que le reste des troupes revenant de Béotie se trouva en sûreté[31].

Les Spartiates si cruellement atteints montrèrent encore une attitude digne en ne donnant pas carrière à leur dépit contre Agésilas : malgré l'idée superstitieuse répandue dans le peuple, que tout le malheur de l'État provenait de l'interruption de la succession légitime au trône et du roi boiteux, malheur dont l'oracle n'avait pas averti en vain[32], ils conservèrent leur confiance à Agésilas et remirent entre ses mains la décision d'une affaire des plus pénibles, qui allait faire l'objet de débats. D'après la loi spartiate, en effet, les citoyens qui revenaient étaient passibles d'un sévère châtiment. Ils avaient quitté le champ de bataille pour sauver leur vie ; ils comptaient donc de droit parmi les τρέσαντες, les déserteurs, qui avaient encouru la perte de leurs droits civiques et étaient condamnés à porter toute leur vie sur leur personne les marques de leur déshonneur. L'exécution rigoureuse de cette loi fondamentale était actuellement en quelque sorte impossible. C'eût été une sorte de suicide commis par l'État sur lui-même, et une pareille mesure eût été accompagnée de l'agitation la plus dangereuse. Le roi, qui avait conscience de sa propre faute, pouvait moins que personne se prononcer pour une sévérité sans réserve ; mais, pour ne pas donner par l'abrogation d'anciennes lois d'État un exemple périlleux, il déclara que pour cette fois il fallait laisser dormir les lois[33], et la question fut vidée de la sorte.

Les embarras momentanés n'étaient pas les plus grands, mais bien ceux qui se révélaient successivement, à mesure que l'on se rendait compte de l'état des choses. Il n'y avait pas d'État que des batailles perdues fissent péricliter autant que Sparte. Avec le nombre réduit de ses citoyens, elle ne pouvait supporter de pareilles pertes ; il n'y avait guère en tout plus de deux mille individus qui formaient encore après la bataille le noyau de l'ancienne bourgeoisie. Depuis longtemps la puissance de Sparte était plus grande en apparence qu'en réalité, et les prétentions qu'elle élevait hors de proportion avec ses ressources ; sa plus grande puissance consistait dans le prestige traditionnel dont l'État jouissait, et dans son renom militaire. Si ces bases étaient ébranlées, que restait-il, une fois l'ancien attachement des Hellènes changé en une juste animosité ? A cela s'ajoutait la discorde à l'intérieur et la répugnance des classes sujettes de la population à supporter la domination des citoyens riches et privilégiés. Dans ces circonstances, Sparte ne pouvait être sauvée que par une réforme radicale. Il fallait élargir le cercle restreint de l'oligarchie et former un peuple nouveau ; il fallait élever dans l'État à l'égalité des droits les familles appauvries et les sujets libres, et octroyer spontanément les concessions qu'on avait déjà essayé d'obtenir par la voie de la révolte. Ces mesures auraient rendu possible un nouvel essor.

Mais l'aristocratie étroite et bornée de Sparte était incapable de s'élever à de pareilles idées. Sparte ne fit rien que laisser dormir les lois pour se conserver le reste de ses citoyens propres à la guerre : elle reconnut sans détour par sa conduite qu'elle était hors d'état de venger la défaite de Leuctres, et non moins impuissante à prévenir les nouveaux coups du sort qui la menaçaient. Tandis que Sparte indécise et inactive perdait le temps le plus précieux, régnait dans le camp de ses adversaires une incessante activité qui poursuivait son but avec une netteté de vues parfaite.

Après la retraite de l'armée vaincue, Thespies et Orchomène furent emportées sans résistance. Épaminondas empêcha toute explosion d'indignation contre les Béotiens qui jusqu'au bout avaient fait cause commune avec l'ennemi national[34] : il tenait avant tout à ce que l'honneur de la victoire restât sans souillure. Son second souci consistait à en assurer les avantages et à procurer à sa patrie la situation à laquelle elle s'était acquis, par la lutte et la victoire, les droits les plus légitimes. On aboutit à ce résultat de la même manière que Sparte et Athènes avaient acquis leur prépondérance, c'est-à-dire par des traités fédératifs avec les États voisins, créant une organisation militaire commune.

Les envoyés de Thèbes se rendirent en Phocide, en Locride, en Étolie, en Acarnanie. Partout ils virent le parti laconien découragé, le parti contraire puissant ; aussi se firent-ils écouter avec une faveur manifeste quand ils rappelèrent le devoir commun, qui était d'arrêter par une association compacte toutes les immixtions des Péloponnésiens dans les affaires de la Grèce centrale, et nulle part on ne contesta aux vainqueurs. de Leuctres le droit d'agir en guides et en chefs de la nouvelle ligue armée. L'Eubée accéda, se considérant comme une partie du continent de la Grèce centrale, de même les peuplades de l'Œta, les Maliens et même les citoyens de Héraclée, colonie de Sparte[35], tant l'irritation était générale contre Sparte, tant paraissait opportune et nécessaire une énergique union des États continentaux pour rendre impossible une fois pour toutes le retour des violences des Péloponnésiens. La modération et la dignité que témoignèrent les Thébains pour ainsi dire transformés sous la direction d'Épaminondas leur conquirent la considération et la confiance, et c'est ainsi que se forma, sans contrainte et sans dissension, dans un délai très bref, une nouvelle amphictyonie, un groupe solide d'États homogènes, ayant pour centre Delphes[36].

Il n'est pas douteux qu'on inaugura alors avec Delphes des rapports plus intimes, conformément à la tradition. Ce rapprochement répondait nécessairement aux intérêts du nouvel État souverain ; celui-ci remettait en honneur le centre du monde grec, et se servait pour ses fins de la puissance de Delphes. Aussi Thèbes fonda-t-elle à Delphes avec le butin de la victoire un Trésor spécial[37], et elle confirma son influence récemment acquise dans le cercle des États amphictyoniques en restaurant la compétence du Conseil fédéral pour prononcer en dernière instance dans les affaires communes de la Grèce, et en y déférant Sparte pour infraction à la paix publique. Le crime de Phœbidas tombait d'autant plus dans le ressort du droit sacré, qu'il avait été perpétré en temps de fête. Sparte fut condamnée par les Amphictyons à une amende de 500 talents, amende qui au bout d'un certain délai fut doublée[38]. Épaminondas pouvait prévoir, à la vérité, que cette sentence renouvelée du passé resterait lettre morte, parce que Sparte ne reconnaîtrait jamais les droits surannés de la diète fédérale. Cependant, le rapprochement avec Delphes avait pour lui son importance, parce qu'ainsi éclatait la signification nationale de la lutte où Thèbes s'était engagée, et que la faute inexpiée de Sparte était publiquement proclamée. L'autorité de l'oracle de Delphes était éclipsée, mais non détruite. Aussi y eut-il un certain effet moral produit quand on vit Sparte exclue des fêtes publiques, tandis que Thèbes affermissait son nouvel ascendant en s'associant à une constitution sainte qui datait de la plus haute antiquité, en gagnant la majorité des voix amphictyoniques et le droit d'accomplir ses entreprises ultérieures contre Sparte jusqu'à un certain point avec la sanction de Delphes[39].

A ce moment encore, Épaminondas ne se laissa pas entraîner à des mesures précipitées ; au contraire, il fit preuve encore une fois d'un esprit conciliant et de son aversion pour la guerre intestine. On fit aux Spartiates des propositions pour un accord ; les villes achéennes qui s'étaient tenues à l'écart de ces querelles et qui, à cause de leur situation neutre, semblaient appelées au rôle d'arbitres, furent chargées de rendre une décision dans les contestations pendantes[40]. Mais cette tentative d'accommodement échoua, sans doute par l'opposition de Sparte, qui ne montrait de vigueur et de résolution que dans son orgueil obstiné.

Lorsqu'Épaminondas eut épuisé tous les moyens pacifiques pour rétablir en Grèce un nouvel ordre légal, il passa de la défense de la Béotie à l'attaque contre Sparte, qu'il alla assaillir dans sa position au milieu du Péloponnèse.

 

 

 



[1] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 2. PLUTARQUE, Agesil., 28.

[2] Sur la λοξή φάλαγξ, voyez DIODORE, XV, 55.

[3] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 11.

[4] On mélangeait à la cavalerie des troupes légères (XÉNOPHON, Hellen., VII, 5, 24. 25).

[5] DIODORE, XV, 52.

[6] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 3.

[7] A Coronée.

[8] DIODORE, XV, 52. PAUSAN., IX, 13, 6. Pélopidas assistait au conseil des béotarques comme chef du bataillon sacré (PLUT., Pelopid., 20).

[9] PAUSANIAS, IX, 13, 8. POLYÆN., II, 3, 8.

[10] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 7. Cf. PAUSAN., IX, 13, 5. PLUT., Pelopid., 20.

[11] Les Λευκτρίδες Molpia et Hippo, filles de Scédasos (PLUTARQUE, Pelopid., 20-21. PAUSAN., ibid.). Cf. ULRICHS, Reigen, II, p. 107.

[12] Voyez le détail des prodiges survenus à Thèbes, à Lébadée, à Delphes, à Dodone, dans CICÉRON, De divin., I, 34.

[13] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 8.

[14] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 12.

[15] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 9.

[16] DIODORE, XV, 55.

[17] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 13. DIODORE, ibid.

[18] XÉNOPHON, Hellen., VI. 4, 14. PLUTARQUE, Agesil., 28.

[19] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 14. Diodore (XV, 56) emploie l'expression de παντελής τροπή.

[20] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 15.

[21] Ce sont les chiffres donnés par Xénophon (ibid.) et Pausanias (IX, 13, 12). Denys d'Halicarnasse (Ant. Rom., II, 17) parle de 1700 Spartiates, et Diodore (XV, 56) va jusqu'à 4000.

[22] PAUSANIAS, IX, 13, 12.

[23] PAUSANIAS, IX, 16, 5.

[24] Leuctres était située au sud du Cithéron, sur une hauteur qui domine la pente de Parapungia (VISCHER, Erinnerungen, p. 551.). ULRICHS (Reisen, II, p. 110) crut avoir découvert en 1839 le trophée des Thébains. VISCHER (ibid., p. 552) se rallia à son opinion : mais KEIL (Syllog. Inscr. Bœot., 96) regarde cette ruine, avec plus de vraisemblance, comme un monument funéraire.

[25] PLUTARQUE, Agesil., 28. Camill., 19. Les marbres de Paros donnent la date du 5 Hécatombœon, qui correspond, d'après IDELER, au 8 juillet, et d'après le système de l'octaétéride, au 7 juillet 371. Cf. ASCHERSON, Archäol. Zeitung, 1856, p. 264.

[26] Illa plaga pestifera, qua quum Cleombrotus invidiam timens temere cum Epaminonda conflixisset, Lacedæmoniorum opes corruerunt (CICÉRON, De offic., I, 24).

[27] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 19-20.

[28] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 21-22.

[29] L'armée spartiate se retire par Creusis et joint Archidamos à Ægosthena, en Mégaride (XENOPH., Hellen., VI, 4, 25-26). Il y a ici désaccord entre Xénophon et Diodore (XV, 54). Diodore veut que Cléombrote ait opéré sa jonction avec Archidamos avant la bataille de Leuctres, et qu'il ait commencé le combat au mépris d'un armistice conclu par l'entremise de Jason. Wesseling supposait que ces renseignements ont été puisés dans Callisthène, mais VOLQUARDSEN (op. cit., p. 70) nie que Diodore se soit servi de cet auteur. Cf. NIEBUHR, Vorles. über alte Geschichte, II, p. 286. GROTE (XV, p. 22, 2, trad. Sadous).

[30] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 16.

[31] XÉNOPHON, Hellen., VI, 4, 18.

[32] PLUTARQUE, Agesil., 30.

[33] PLUTARQUE, Agesil., 30.

[34] Les habitants de Thespies furent expulsés (PAUSANIAS, IX, 4, 2). Il y eut amnistie pour Orchomène (DIODORE, XV, 57).

[35] Les Phocidiens et les Héracléotes étaient encore à Leuctres du côté des Spartiates (XÉNOPHON, Hellen., VI. 4,9).

[36] Les traités d'alliance avec les Phocidiens, Étoliens, Locriens furent conclus bientôt après la bataille (DIODORE, XV, 57) ; avec les peuplades de l'Œta et autres régions, les négociations n'aboutirent qu'après la mort de Jason (XÉNOPHON, Hellen., VI, 5, 23).

[37] PAUSANIAS, X, 11, 5.

[38] DIODORE, XVI, 29, cf. 23. JUSTIN, VIII, 1. Cf. GROTE (XV, p. 36, trad. Sadous).

[39] C'est le début d'une nouvelle ère d'influence pour l'oracle de Delphes, influence funeste cette fois à la Grèce.

[40] POLYBE, II, 39 et, d'après Polybe, (STRABON, p. 384). Cette assertion est mise en doute par GROTE (XV, p. 32, 1, trad. Sadous).