HISTOIRE GRECQUE

TOME QUATRIÈME

LIVRE CINQUIÈME. — LA DOMINATION DE SPARTE EN GRÈCE (DE 404 A 379 AV. J.-C.).

CHAPITRE CINQUIÈME. — LES CONSÉQUENCES DE LA PAIX D'ANTALCIDAS.

 

 

Les huit années qui suivent dans l'histoire grecque ne sont que l'histoire de la politique lacédémonienne. Tous les autres États sont paralysés ; Sparte seule agit, mettant la paix à exécution suivant ses intérêts, relevant sa toute-puissance, et cherchant à courber l'un après l'autre les États où se rencontre encore quelque force de résistance.

A Sparte même, à vrai dire, l'union ne régnait pas. Il s'y trouvait un parti d'hommes réfléchis qui s'opposaient à l'abus de la paix et de la prépondérance actuelle, qui, au nom du sens moral et de l'intelligence politique, réclamaient le respect des droits des nations helléniques, qui prévoyaient qu'une nouvelle politique de violence préparait de nouveaux dangers à l'État. Le représentant de ces principes était Agésipolis, qui avait sur les affaires de la Grèce les idées de son père Pausanias. C'est avec modestie et déférence que le jeune roi se conduisit envers son collègue, lequel tâchait de l'attirer à lui par une familiarité de camarade. Pourtant Agésipolis ne tarda pas à prendre une attitude toute personnelle. Il était animé d'un esprit généreux et patriotique, digne d'un descendant de Léonidas et des plus nobles membres de la maison des Agiades. Il avait un jugement sain et un sentiment délicat du véritable honneur de sa patrie. Il lui était impossible de se sentir purement Spartiate en face des autres nations ; il regardait la politique hellénique, telle que l'avaient comprise Brasidas et Callicratidas, comme la seule salutaire ; il dirigeait le parti qui restait fidèle aux liens et aux devoirs fédéraux[1]. Ce n'est donc pas par une jalousie héréditaire ou par amour-propre, mais par l'effet d'une conviction raisonnée, qu'il se posa en adversaire d'Agésilas. Il blâma dès le début le traité par lequel on se subordonnait à l'ennemi national pour dominer des compatriotes ; tout au moins, maintenant qu'il était conclu, ce traité ne devait servir que comme garantie contre toute extension dangereuse de la puissance attique ou béotienne, et non comme le manteau d'une illégitime ambition.

Agésilas, au contraire, avait depuis longtemps renoncé au rôle de généralissime des Grecs, qu'il avait joué quelque temps ; dans les dernières années de la guerre, il s'était révélé partisan du laconisme le plus étroit, et n'avait d'autre pensée que d'exploiter la paix dans ce sens. Une pacification durable de la Grèce ne lui paraissait possible que si l'on étouffait en germe tout soulèvement contre Sparte : et même le dessein ne fut pas appliqué avec une sévère impartialité, légalement et ouvertement, comme il convient à un État qui se sent appelé à dominer les autres, mais c'est par des procédés mesquins qu'on chercha à se venger des injures subies et à faire expier aux villes sans défense leur conduite passée.

Ce genre de politique faisait justement l'affaire d'Agésilas. Ce n'était ni son pays, ni sa ville natale dont l'honneur lui tenait le plus immédiatement à cœur, mais sa propre personne ; la vanité personnelle, qui prend souvent une énergie singulière chez les individus disgraciés de la nature, fut le mobile de ses combinaisons, et, quand ses grands projets eurent échoué, il n'eut pas d'autre ambition que de faire sentir sa puissance à ceux qui l'avaient traité avec dédain. Depuis les scènes d'Aulis jusqu'à celles d'Arcadie, où il avait dû s'esquiver de nuit pour échapper aux sarcasmes des Mantinéens, il n'avait oublié aucune raillerie, aucun affront, et, dans sa fureur sauvage, il ne cherchait que l'occasion d'en tirer vengeance.

Ainsi reparut clans toute son intensité le vieil antagonisme des deux maisons régnantes[2] : mais dès le principe Agésilas eut décidément l'avantage. Il l'emportait de beaucoup en expérience et en renommée guerrière ; il savait maintenir sa popularité ; il continuait, après comme avant, à jouer au représentant du vrai tempérament spartiate ; il savait gagner les autorités à sa cause par une adroite condescendance. En effet, tandis que les rois attachaient le plus grand prix à défendre leurs prérogatives et à n'abandonner rien de leur dignité héréditaire, Agésilas ne faisait pas scrupule de reconnaître les éphores comme un e magistrature supérieure, à laquelle il devait une obéissance absolue. Il abdiqua même dans la forme l'indépendance de la royauté, en se levant le premier du trône quand passaient les éphores[3]. Il les flattait de toutes manières, pour diriger par leur intermédiaire les mesures publiques. En outre, il profitait naturellement des tendances des Lacédémoniens, qui cherchaient querelle aux petits États et qui, dans les villes étrangères, voulaient prendre des airs de maîtres pour acquérir du butin et de l'argent. Les sentiments hostiles qui animaient Agésilas étaient en effet répandus chez tous ceux qui l'avaient suivi en campagne ; de plus, l'influence de son ambitieux frère l'appuyait, et il n'est pas étonnant qu'Agésipolis, avec ses principes pacifiques et équitables, trouvât peu d'écho, et que son rival déterminât dans ses traits essentiels la conduite de Sparte.

D'ailleurs Sparte ne laissa pas aussitôt percer ses intentions ; elle se contenta d'abord d'avoir atteint son but contre Argos et Thèbes, et attendit l'effet que la paix produirait dans les pays environnants.

L'époque d'une soumission sans réserve au bon plaisir de Sparte était depuis longtemps passée, même dans la Péninsule. Les membres de la Ligue se sentaient froissés qu'une paix d'une importance si générale eût été conclue sans leur concours, et les plus hardis d'entre eux n'étaient pas résignés à laisser ainsi disposer d'eux sans plus de façons. Cette même autonomie qu'on voyait rendre aux Corinthiens, aux Orchoméniens et aux Platéens dans l'intérêt de Sparte, on pouvait y prétendre aussi bien contre Sparte, et il est hors de doute que des voix s'élevèrent dans la Péninsule qui en appelèrent dans ce sens au traité et revendiquèrent pour leurs cités l'autonomie complète.

Xénophon, à la vérité, ne fait aucune mention de ces mouvements du parti libéral, parce que, adhérent zélé d'Agésilas, il a l'habitude en général de taire-ce qui lui déplaît. Mais il est prouvé de bonne source que différentes villes pratiquèrent un sérieux essai d'autonomie, et profitèrent du droit qu'on leur avait octroyé de se gouverner d'après leurs propres lois pour demander compte de leur gestion aux fonctionnaires qui jusqu'alors avaient géré le pouvoir chez eux sous l'autorité de Sparte[4]. On commença des enquêtes sévères ; les meneurs du parti lacédémonien se dérobèrent par la fuite au jugement populaire et cherchèrent asile à Sparte.

Ces soulèvements de cités isolées ne pouvaient avoir de succès durable : les Spartiates réussirent sans grande peine à ramener leurs partisans et à convaincre, par la force des armes, les pays confédérés qu'ils s'étaient mépris sur le sens des paragraphes concernant l'autonomie. Mais ils se servaient de ces mouvements comme d'un prétexte commode pour surveiller désormais avec une plus grande rigueur les affaires du Péloponnèse, et, de même que jadis, après la défaite des Messéniens, le parti messénien s'était vu persécuter dans toute la Péninsule, le parti argien subit alors le même sort. Car c'est d'Argos qu'était partie la plus audacieuse attaque contre la souveraineté de Sparte. Non seulement Argos avait formé une nouvelle ligue séparatiste, mais elle avait fait la tentative de fondre les pays alliés dissidents en un grand et puissant État au nord de la Péninsule. C'était le plus dangereux attentat qui jamais se fût commis contre Sparte ; aussi les villes qui s'y étaient associées, directement ou indirectement, et qui gardaient dans leurs murs des partisans d'Argos, devaient-elles être le premier objectif des armes spartiates ; et à ce titre, aucune ville n'était plus suspecte que Mantinée.

Mantinée était la seule cité d'Arcadie qui eût osé poursuivre une politique indépendante. C'est seulement après les guerres médiques que cette république de cinq villages s'était concentrée en une ville forte, et cela, à l'instigation d'Argos, qui travaillait dès cette date à se créer des alliés dans son voisinage. Mantinée avait cherché à étendre par la conquête son territoire, et, après la paix. de Nicias, elle était entrée en lutte ouverte contre Sparte. Après la malheureuse issue de la guerre engagée par la première ligue séparatiste, elle s'était, il est vrai, de nouveau soumise aux Spartiates, mais elle était restée démocratique, et la vieille aversion contre Sparte subsistait ; on n'y dissimula pas sa joie de la victoire d'Iphicrate, et, si la ville ne s'était pas vue liée par une paix conclue pour trente ans avec Sparte après la bataille de l'année 418, elle aurait sans doute tiré parti des événements propices de la dernière guerre pour reprendre son ancienne politique. Il n'est guère douteux qu'à Argos on ait compté sur l'accession de la brave et belliqueuse Mantinée ; et quelle dangereuse tournure la guerre corinthienne n'aurait-elle pas pu prendre pour Sparte, si les trois pays contigus d'Argos, de Mantinée et de Corinthe, s'étaient fondus en un seul État ennemi ! C'étaient là des motifs suffisants pour haïr Mantinée plus que toute autre cité péloponnésienne, et pour la châtier en premier lieu.

La deuxième année après la paix[5], on se mit à l'œuvre. La trêve de trente ans était expirée. On ne voulait plus présentement de conventions nouvelles, mais l'absolue soumission de cette ville, de ce foyer de la démocratie, qui troublait l'heureuse paix et faisait obstacle à la docilité tant désirée des gouvernements cantonaux de l'Arcadie. Il fallait supprimer cette anomalie, la chose était claire ; aussi fit-on peu de façons. Les envoyés de Sparte apportèrent une série de griefs ; les citoyens, à les entendre, s'étaient soustraits au service militaire sous des prétextes sans valeur ; ils avaient montré des tendances hostiles (ceci se rapportait au passage d'Agésilas), ils avaient aidé les Argiens en leur fournissant des vivres. Cet exposé des griefs se terminait par une sommation à la ville d'avoir à abattre son mur d'enceinte, et comme les citoyens, toujours menés par le parti argien, eurent le courage, bien qu'ils n'eussent d'assistance à attendre d'aucun côté, de repousser, cette prétention, les éphores résolurent sans retard la guerre.

Agésilas se déroba au commandement en alléguant les rapports d'amitié que son père Archidamos avait entretenus avec les Mantinéens[6]. En réalité, il avait peu d'honneur à attendre de cette campagne ; les alliés étaient récalcitrants, et la guerre de siège n'était point son affaire. Mais probablement le principal motif fut son désir de profiter de l'occasion pour mortifier son collègue et pour lui nuire. L'on conçoit, en effet, qu'Agésipolis ne se chargea de cette mission qu'à contrecœur, non seulement à cause de ses principes politiques, mais aussi parce que plusieurs des chefs actuels de Mantinée étaient en relations amicales avec lui à cause de son père[7]. Pourtant Agésipolis ne s'y refusa point et mena l'expédition plus promptement et plus heureusement que son malveillant collègue ne l'avait espéré. Une fois qu'il eut enfermé les ennemis dans leur ville, il utilisa avec une grande habileté la nature du terrain pour forcer les assiégés à se rendre sans effusion de sang. Il fit barrer en aval de la ville le ruisseau de l'Ophis qui la traversait et dont les eaux dans cette saison avancée étaient gonflées, si bien que, ne pouvant plus couler, il inonda les rues de la ville et monta le long du mur d'enceinte. Or les murailles étaient construites en briques crues ; elles se ramollirent à la base, se lézardèrent, et l'on perdit son temps à les étayer avec des poutres et des planches[8]. C'est ainsi que Mantinée fut désarmée sans combat ; d'acropole, où l'on pût se retirer, il n'en existait pas ; toute résistance était impossible.

Quand les négociations s'entamèrent, le père d'Agésipolis, qui vivait en exil à Tégée, sut faire valoir son influence. Peut-être était-ce lui qui avait conseillé le barrage du ruisseau, car sa longue connaissance de la région ne lui laissait pas ignorer que, dans les querelles survenues entre les Tégéates et leurs voisins les Mantinéens, l'Ophis avait souvent servi de machine de guerre. Son intérêt voulait que son fils remportât une prompte victoire, et que la victoire, autant que possible, ne coûtât pas de sang aux deux parties. Après l'écroulement des murailles, il s'employa auprès de son fils, et obtint pour soixante citoyens appartenant au parti argien et que leurs ennemis du dedans et du dehors désignaient déjà comme victimes à immoler, le droit de se retirer librement[9]. Ce fut un exemple de noble générosité et un contraste avec le système de son collègue, quand Agésipolis rangea ses guerriers les armes à la main devant la porte, des deux côtés de la voie militaire, pour protéger les émigrants contre la rancune de leurs propres concitoyens. Sur l'ordre des éphores, la cité fut alors démembrée ; les citoyens durent démolir leurs propres maisons et se disperser de nouveau dans leurs anciens villages[10]. Chacun de ces derniers forma désormais une commune distincte, fournit son contingent à part, et obéit docilement à tous les ordres de Sparte. Telle était l'autonomie promise aux républiques grecques ! Et cette violence, on tenait à la faire accepter comme un bienfait, comme la délivrance des misères de la vie des citadins, comme un retour au bonheur patriarcal de la vie rustique ! Xénophon assure en effet que les Mantinéens, quel que fût au début leur chagrin d'abattre leurs maisons de ville, étaient bientôt revenus à des idées plus raisonnables et qu'ils avaient goûté avec reconnaissance les avantages de la proximité de leurs terres et ce calme de la vie champêtre que ne troublait aucun orateur populaire[11]. Assurément, les aristocrates étaient heureux de se retrouver en possession des emplois publics, et ils n'auront pas manqué d'envoyer à Sparte les rapports les plus favorables sur les suites de cette émigration forcée.

L'expédition de Mantinée marquait le triomphe de la politique d' Agésilas : c'était l'ancienne politique de Lysandre, avec moins de scrupules encore et plus d'effronterie. On ne jugeait plus nécessaire de tirer du traité de paix une apparence de légitimité ; on exerçait la violence et l'arbitraire pour faire prédominer enfin l'influence absolue de Sparte, et, pour cette besogne, on réclamait le concours des troupes alliées comme s'il s'agissait d'une, affaire nationale. C'était la suite logique de la guerre d'Élide : le service militaire exigible sans condition et à tout propos suivant le bon plaisir de Sparte, tel était le but : il fallait que l'armée péloponnésienne devînt lacédémonienne.

L'heureux résultat que le parti lacédémonien de Mantinée venait d'obtenir fut l'occasion de tentatives que ce même parti entreprit en d'autres lieux pour rétablir de la même manière sa puissance, et tout d'abord à Phlionte.

La ville de Phlionte, bâtie dans le haut du bassin de l'Asopos, est une des républiques grecques qui, sur un petit territoire, au milieu d'États voisins bien supérieurs en force, se sont maintenues dès les temps les plus reculés avec une vitalité merveilleuse dans leur indépendance et leur originalité. Les Phliasiens vivaient dans leur belle et haute vallée, à l'écart des grandes luttes qui agitaient le monde, dans une heureuse aisance. En même temps, ils étaient braves et belliqueux, avaient une bonne cavalerie, et avaient fait preuve de patriotisme dans les guerres médiques : plus tard, ils s'attachèrent à Sparte en alliés fidèles, gouvernés par des familles qui favorisaient cette attitude ; et comme la ville, éloignée de la mer, vivait d'agriculture, de l'élève des bestiaux et de la culture de la vigne, cet état de choses se conserva sans altération pendant longtemps. Mais il s'y déclara aussi des mouvements politiques. Il se forma un parti démocratique, et les anciens chefs de la république furent chassés. Ces faits s'étaient produits au moment où la guerre de Corinthe était venue bouleverser au milieu de son calme la paisible vallée de l'Asopos, et où les-bandes d'Iphicrate, rayonnant autour de l'isthme, dévastaient la région environnante. Phlionte était tout à fait isolée.

Les citoyens tenaient encore trop aux antiques traditions pour s'allier à la ligue séparatiste, et néanmoins ils s'étaient également séparés de Sparte. Ils voulaient se tirer d'affaire avec leurs propres forces ; mais Iphicrate leur infligea de grandes pertes, et ils se virent forcés d'invoquer la protection de Sparte et de recevoir chez eux des troupes spartiates. Les Spartiates se comportèrent avec une habile modération ; ils n'exigèrent pas, comme on l'avait appréhendé, le retour des bannis, et ceux-ci, déçus dans leurs espérances, durent attendre d'autres temps[12].

Après la chute de Mantinée, les bannis conçurent un nouvel espoir. Ils voyaient l'État suzerain passer successivement en revue avec la dernière sévérité tous les pays alliés, au point de vue de leur loyalisme fédéral : ils dénoncèrent leur patrie comme un État dissident (384 : Ol. XCII, 4). Tant qu'ils l'avaient gouvernée, elle s'était montrée, suivant eux, une des plus fidèles alliées de Sparte, mais, depuis la victoire des démagogues, elle était, comme Mantinée, négligente dans le service militaire, insoumise et hostile. A Sparte on ne pouvait méconnaître l'importance de la place pour la domination des contrées voisines de l'isthme. Si l'on s'était obligé, tant que la ligue séparatiste restait en armes, à ménager Phlionte, pour ne pas la rejeter dans le camp ennemi, on ne voyait plus aujourd'hui de motif pour écarter une occasion d'affermir l'hégémonie du chef-lieu. On accueillit les plaintes des Phliasiens bannis ; on déclara les raisons de leur expulsion insuffisantes, et l'on réclama leur rentrée.

Quand cet ordre arriva à Phlionte, le gouvernement alors en fonctions se vit hors d'état de faire résistance ; les dispositions du peuple étaient peu sûres, les proscrits comptaient encore de nombreux adhérents dans la ville. On résolut donc de les recevoir, et de les réintégrer dans leurs biens ; ceux qui dans l'intervalle avaient acheté leurs terres devaient être indemnisés aux frais de l'État, toutes les contestations à intervenir réglées par voie juridique[13]. Mais la question n'était pas vidée : on le comprenait sans peine. Cependant Sparte avait pleinement atteint son objet immédiat, et déjà elle formait d'autres plans plus vastes, pour lesquels elle allait exiger les contingents prévus par les récentes conventions.

Au printemps 383 arriva à Sparte une ambassade qui attira tout à coup les regards des éphores sur les lointaines régions du nord de la mer Égée. C'étaient des envoyés des villes chalcidiennes d'Apollonie et d'Acanthos, conduits par l'Acanthien Cligène et appuyés par le roi de Macédoine ; ils demandaient assistance contre Olynthe, qui agrandissait sans relâche son territoire, soumettait une foule de républiques indépendantes et formait au bord de la mer de Thrace un empire dont l'existence était de tout point en contradiction avec les dispositions du traité de paix.

Cette proposition inattendue mit aux prises les deux partis à Sparte. Agésipolis était l'adversaire de toutes les entreprises dirigées contre des États helléniques ; il voyait d'avance qu'elles mèneraient infailliblement à de nouvelles injustices et tourneraient au détriment de Sparte. Mais les éphores, ainsi qu'Agésilas et ses partisans, étaient décidés à ne pas repousser les ambassadeurs ; ils regardaient leur proposition comme une heureuse occasion de rétablir, dans des circonstances tout à fait favorables, la puissance de Sparte dans des contrées d'une incomparable importance pour la domination de tout l'Archipel ; ils pensaient aussi par la même occasion pouvoir restaurer leur souveraineté dans la Grèce centrale et septentrionale, et tenaient une grande guerre pour le meilleur moyen d'habituer les contingents helléniques au commandement de Sparte. Ils conduisirent en conséquence les ambassadeurs devant l'assemblée du peuple et les délégués des villes confédérées[14], qui probablement se trouvaient à Sparte pour la discussion et le règlement des affaires fédérales. Là Cligène prononça un discours où il exposa l'état des choses.

Il se passe en Grèce, dit-il, de graves événements dont vous n'avez, à ce qu'il me semble, aucune connaissance. Vous avez bien tous entendu parler d'Olynthe, la plus grande de toutes les villes de la presqu'île de Thrace. Cette ville vient de s'annexer quelques-unes des petites républiques environnantes, pour former avec elles un État commun ; puis elle a dans le voisinage pris de force plusieurs villes plus grandes ; puis enlevé à l'obéissance du roi de Macédoine une série de places, y compris Pella, la plus grande de ses villes ; et les choses prennent une tournure telle qu'Amyntas se voit contraint peu à peu d'évacuer tout son royaume devant les Olynthiens. Dernièrement, ils ont aussi envoyé un message à nos villes et nous ont fait dire d'avoir à réunir nos forces aux leurs, sinon ils entreraient en lutte avec nous. Or nous n'avons d'autre désir que de vivre selon nos lois et de rester des citoyens libres ; mais sans secours étranger nous ne le pouvons pas, car Olynthe possède une force de 8.000 hoplites et des troupes légères plus nombreuses encore, et sa cavalerie, si nous nous associons à elle, montera à plus de mille hommes. Mais il faut que vous sachiez que les Olynthiens poursuivent de tout autres desseins. Nous avons vu chez eux des députés d'Athènes et de Thèbes, et l'on nous a dit que de leur côté ils songeaient à envoyer des ambassadeurs dans ces villes pour conclure une alliance. Si elle aboutit, réfléchissez s'il vous sera possible d'y résister. Or beaucoup d'autres villes pensent comme nous et haïssent également ces insolents Olynthiens, mais elles n'ont pas osé se joindre à notre ambassade. Si vous vous préoccupez de la Béotie et si vous ne voulez pas permettre qu'elle se concentre en un groupe unique, réfléchissez qu'il se forme ici une puissance incomparablement plus dangereuse, puissance continentale et maritime à la fois. Car les Olynthiens ont toutes les ressources nécessaires, des forêts pour la construction des vais« seaux, de riches revenus qu'ils tirent de leurs ports et places de commerce, et une population nombreuse à cause de la fertilité du sol. En outre, ils ont pour voisins les tribus libres de la Thrace, qui à présent déjà sont prêtes à les servir et qui, complètement soumises, constitueront un notable accroissement de leur puissance, surtout parce que probablement les Olynthiens entreront en possession des mines d'or de la région. Ce sont là des plans guenons n'imaginons pas, mais qui sont journellement discutés chez les Olynthiens. Tel est l'état des choses ; à vous de décider s'il est digne de votre attention. Jusqu'ici la puissance que nous vous avons décrite n'est pas encore difficile à combattre, car ceux qui contre leur gré ont accédé à cette confédération nouvelle s'en retireront aussitôt qu'ils verront se lever une puissance adverse. Mais si, comme on en a l'intention, on arrive à les fusionner chaque jour plus intimement par la communication réciproque du droit de cité, et s'ils trouvent leur propre avantage à s'associer à un plus puissant (comme c'est le cas pour les Arcadiens par rapport à Sparte), cette ligue d'États ne sera plus facile à dissoudre[15].

Cette harangue, dont l'auteur avait été stylé par les éphores, était fort habilement calculée pour présenter aux Spartiates l'expédition de Thrace comme une nécessité politique. La politique d'intervention était présentée pour ainsi dire comme une politique préventive, la guerre offensive comme une guerre défensive. Le côté dangereux qu'offrait le discours de l'ambassade fut de même adroitement tourné. Ce qui était dangereux, c'était de laisser représenter cet état de subordination appliqué dans le Péloponnèse avec plus de rigueur que jamais comme intolérable sur la côte de Thrace, et de demander aux Péloponnésiens de défendre Acanthos et Apollonie contre l'ambition d'Olynthe, tandis que dans leur péninsule toute aspiration à l'indépendance était punie comme une révolte. Les Spartiates ne pouvaient faire ici qu'Une différence de temps. A leurs yeux, l'établissement d'une confédération nouvelle, portant préjudice à l'indépendance des villes grecques, constituait une violation du droit et une révolution. Mais c'en était une aussi que la destruction d'une domination consacrée par les siècles sur des États voisins, et c'est sur cette différence qu'insiste avec précision le discours donné par Xénophon ; on accorde que si on laisse les Olynthiens mener à bout leurs velléités d'hégémonie, il pourrait en sortir un groupe réellement solide, historiquement homogène, et que dans la suite les Acanthiens y pourraient bien trouver leur compte, de même qu'actuellement, dans des circonstances analogues, les communes arcadiennes se trouvaient avoir une situation singulièrement favorable, en jouissant des commodités de leur existence cantonale et en partageant en même temps les profits que seul un grand État est capable de procurer à ses membres.

Malgré tout, c'est uniquement la peur de Sparte qui rendit les alliés dociles ; après une exécution comme celle qui avait frappé Mantinée pour sa négligence à fournir le contingent, tout le monde était intimidé et empressé. Cette situation fut exploitée avec insistance par les ambassadeurs comme par les autorités de la ville, et l'on ne peut dénier au parti de la guerre dominant à Sparte le mérite d'avoir montré une grande énergie. On avait secoué la lenteur pesante d'autrefois et surmonté toute inquiétude. Après des marches comme on en avait exécuté sous Agésilas, les distances avaient perdu leur importance : quant à la possibilité d'une résistance sérieuse sur la route qui mène de l'Isthme en Thrace, on n'y songea même pas, bien qu'on ne se dissimulât pas le moins du monde les mauvaises dispositions de la Béotie. Agésilas, qui était l'âme du parti de la guerre, mit son honneur à montrer les progrès que Sparte avait accomplis depuis le temps de Brasidas, alors que pour la première fois des sollicitations de la Thrace et de la Macédoine étaient parvenues à Sparte. On décréta une levée de dix mille hommes, et les préparatifs furent poussés avec la plus grande activité. Dans la confection des rôles fédéraux, on appliqua, pour la première fois à notre connaissance, un principe nouveau. On décida en effet de laisser les alliés libres de remplacer les hommes qu'ils devaient fournir par une contribution en argent, et à cette fin on compta, pour un homme complètement équipé ou hoplite, trois oboles d'Égine par jour ; pour le cavalier, le quadruple ou un statère[16]. Deux peltastes furent comptés comme équivalant à un hoplite[17] On peut supposer aussi avec certitude qu'Agésilas ne manqua pas de faire profiter sa patrie des sérieuses réformes apportées à l'infanterie légère et à son emploi tactique. Enfin l'on décréta que, si une ville ne remplissait pas ses engagements, Sparte était autorisée à exiger, pour tout homme manquant, un statère à titre d'amende.

Ces dispositions, qui réglèrent le système militaire de la confédération, reposaient sur un habile mélange de sévérité et de complaisance. En effet, tandis qu'on veillait à ce qu'aucun homme ne manquât en campagne, on allégeait en même temps le devoir militaire par l'octroi du rachat en argent, qu'avec intention on ne fixa pas plus haut que ne montaient en guerre la solde et les frais d'entretien. Les communes aisées jouirent de la faculté de se soustraire au service personnel, et Sparte en retira cet avantage, que les Péloponnésiens qui préféraient s'acquitter en argent se déshabituèrent du service des armes et devinrent impropres à la guerre à mesure que Sparte croissait en force. Elle entrait ainsi tout à fait dans la politique des Athéniens, qui n'avaient réalisé leur hégémonie absolue sur mer qu'en accordant aux petites communes insulaires l'exemption moyennant finance, et en les désarmant de cette façon peu à peu. Sparte pouvait instruire bien autrement les troupes qu'elle recrutait elle-même et en disposer de toute autre façon que cela n'était possible pour les contingent fournis par les alliés, et c'est ainsi que toute la réforme aboutit à une augmentation bien marquée de la force de Sparte. On utilisa d'ailleurs très habilement la première grande guerre résolue en commun pour mettre en jeu cette organisation ; une fois qu'on l'aurait pratiquée dans le Péloponnèse, il serait loisible d'appliquer le même système aux armées dans le reste de la Grèce ; car c'était là, sans doute aucun, le but visé par le parti d'Agésilas.

Au printemps 383, une agitation guerrière régna dans toute la Péninsule, et les capitaines lacédémoniens parcoururent tous les cantons pour réunir des hommes ou de l'argent. Mais on n'attendit pas l'achèvement des préparatifs, car les ambassadeurs insistaient avec raison pour qu'on marchât promptement ; tout dépendait de la présence des troupes péloponnésiennes, sur les lieux avant qu'Olynthe n'eût contraint à l'accession les villes encore indécises ou résistantes. On résolut en conséquence de mettre aussitôt sur pied un corps de 2.000 hommes, commandés par les frères Eudamidas et Phœbidas. Avec une division, Eudamidas s'ébranla sur le champ et se dirigea à marches forcées sur la Thrace ; l'autre général suivit dans le milieu de l'été[18].

Phœbidas était un adepte passionné du parti de la guerre. Il était tout à fait emporté par la fiévreuse excitation qui remplissait une partie des citoyens, et par l'illusion qui leur montrait comme immédiatement réalisable le but final de l'ambition spartiate : il brûlait du désir de contribuer de son côté, par quelque action d'éclat, à étendre aussi promptement que possible la domination de sa patrie sur la Grèce. Il arriva en Béotie et dressa son camp devant Thèbes, où les deux partis étaient à l'état de conflit aigu : le parti démocratique avait réussi à faire élire membre du collège des polémarques son chef Isménias, l'autre parti avait fait passer Léontiade[19]. Les deux factions se contrebalançaient encore, mais les oligarques sentaient le déclin de leur puissance et le besoin d'un appui étranger pour se maintenir. On ne pouvait trouver pour cela une meilleure occasion qu'à cette heure. Tandis qu'Isménias se tenait fièrement à l'écart et ne parut même pas au camp, son rival noua à la dérobée des intelligences avec le général spartiate et lui proposa d'occuper la citadelle de la ville, qu'il offrait de remettre entre ses mains sans combat ni péril.

Qu'on pèse la situation ! En dépit de relations pacifiques en apparence, on était à Sparte plein de rancune contre Thèbes, le principal foyer de la dernière guerre. On savait avec quelle répugnance elle s'était prêtée à l'exécution de la paix ordonnée par Sparte, et les rapports actuels entre les deux villes étaient trop équivoques pour durer plus longtemps. Thèbes avait encore fourni son contingent contre Mantinée ; mais cette fois, sous l'influence d'Isménias, on avait notifié la défense pour tout citoyen de se joindre à l'expédition de Thrace. Car toute entreprise de Sparte au delà de l'isthme causait le plus vif déplaisir aux États de la Grèce centrale ; ils voyaient d'avance où cela devait aboutir. D'après les avis des ambassadeurs, les Spartiates ne pouvaient pas douter qu'une alliance ne fût en train de se machiner entre les États de la Grèce centrale et septentrionale, les seuls qui possédassent encore quelque force de résistance et dont l'union formerait une puissance extrêmement dangereuse. Sparte n'avait pas de flotte. Pour réussir dans les campagnes de Thrace, la condition essentielle était donc qu'on fût assuré de la route de terre. Or, cette route était longue, et, dans l'état présent des choses, il fallait s'attendre qu'au premier revers éprouvé par les armes spartiates les Thébains prendraient ouvertement parti contre Sparte et opposeraient les plus grandes difficultés aux troupes qui marcheraient ensuite. La Cadmée était la clef de la route militaire.

Comment, dans ces circonstances, un général ambitieux comme Phœbidas pouvait-il longtemps hésiter, lorsqu'on lui proposait d'occuper la Cadmée et qu'il était possible d'obtenir par un hardi coup de main, sans effusion de sang, un résultat auquel il faudrait bien arriver tôt ou tard si Sparte prétendait mener à terme sa politique, et auquel on n'arriverait alors, selon toute probabilité, qu'au prix d'une guerre sanglante et pleine de périls ?

Léontiade avait choisi le jour et l'heure avec la plus grande adresse. Il y avait en effet à Thèbes une grande fête dont le centre était l'antique temple de Déméter dans la Cadmée[20]. C'était une fête que les femmes célébraient à part ; elles se trouvaient seules dans la citadelle, les portes fermées ; les clefs étaient ce jour là entre les mains de Léontiade. Le Conseil se tenait assemblé dans une salle près du marché ; la distance de la porte sud de la ville à la citadelle était fort courte, et le chemin ne passait par aucune des places de la ville ; les citoyens d'ailleurs étaient tout à la fête et sans la moindre défiance. Personne ne songeait aux Spartiates ; on savait seulement que, vers midi, ils avaient reçu l'ordre de partir dans la direction du nord. Quand Léontiade se fut assuré que la chaleur de midi avait chassé tout le monde des rues, il sauta à cheval comme pour escorter encore le général à son départ ; mais, au lieu de ce faire, il l'introduisit à la dérobée avec ses troupes, et c'est ainsi que la citadelle, y compris les femmes, tombèrent aux mains des Spartiates avant que le Conseil et les citoyens ne fussent même avisés du danger[21]. Léontiade lui-même fut le premier à faire part du fait accompli au Conseil et à déclarer toute résistance impossible. Son parti se rangea aussitôt de son côté, et, comme les adversaires étaient sous le coup de la surprise, les oligarques firent accepter tout ce qu'ils voulurent, notamment l'arrestation d'Isménias[22], et son remplacement dans sa charge de polémarque par un de leurs partisans ; les chefs des démocrates se sauvèrent à Athènes[23]. La trahison avait parfaitement réussi en quelques heures, et Léontiade n'eut plus qu'à courir à Sparte pour y être, là aussi, le premier à annoncer le grand événement.

Qu'un événement dont tous les détails s'engrènent avec tant de précision ait abouti tout à fait par hasard et par occasion, après une entente conclue en un délai si court, c'est ce qui est invraisemblable au plus haut point. Il est incroyable aussi que le chef du parti laconien à Thèbes, lui qui dans tous les cas avait préparé son plan longtemps à l'avance, ne se soit pas préalablement renseigné pour savoir s'il pouvait compter et dans quelle mesure il pouvait compter sur un accueil empressé de la part des Spartiates. On est donc en droit d'admettre que, suivant toutes les vraisemblances, Phœbidas avait emporté de chez lui des instructions lui enjoignant de dresser son camp près de Thèbes au jour fixé, de s'y mettre en rapport avec Léontiade et de voir ce qui pouvait se faire. Mais ces instructions n'ont pas dû être officielles, car c'est ainsi seulement que s'explique l'effet produit à Sparte par l'arrivée de Léontiade et la nouvelle de la prise de la Cadmée[24]

Agésipolis avec ses adhérents s'était naturellement emporté en toute sincérité contre la violation de la paix : il réclamait le châtiment du général ainsi que la restitution de la Cadmée. Pourtant, l'agitation fut trop vive pour que nous puissions l'expliquer par une indignation de moraliste contre le caractère déshonorant et illégal de l'action. Il a dû y avoir d'autres motifs pour lesquels beaucoup de Spartiates, qui n'appartenaient pas au parti d'Agésipolis, condamnèrent le fait ; et assurément la raison principale du mécontentement était la supposition à laquelle on était amené d'une entente secrète entre Agésilas et Phœbidas, conduite que l'on regardait comme un empiètement inconstitutionnel sur les droits des autorités. On connaissait en effet la haine personnelle du roi contre Thèbes ; on savait que, dès le début, il avait considéré la paix comme une verge destinée à frapper Thèbes ; on voyait en lui le véritable instigateur d'une violence que Phœbidas n'aurait jamais risquée sans avoir derrière lui un tel appui. Par conséquent, l'agitation était dirigée contre Agésilas, alors à l'apogée de son ascendant, et qui, mené par son ambition, visait à exercer à Sparte un gouvernement personnel et à diriger en maître la politique étrangère de l'État.

Agésilas dut par conséquent employer toute son influence pour protéger Phœbidas, et la manière dont il y arriva donne une mesure exacte des sentiments alors régnants à Sparte. L'acte incriminé était en lui-même du goût de la grande majorité des citoyens, mais il n'y avait pas moyen d'approuver le mode d'exécution sans donner un exemple dangereux pour l'avenir. Aussi Phœbidas fut-il appelé à rendre compte de son procédé arbitraire ; on lui enleva le commandement de l'armée[25] et on le condamna à une amende. Cet arrêt donnait satisfaction aux éphores pour l'atteinte portée à leur crédit, et comportait aussi une humiliation pour Agésilas. Mais, quant au fond de l'affaire elle-même, ce dernier atteignit pleinement son but et sans difficulté. Car lorsqu'il déclara ouvertement que, pour juger un acte quelconque d'un général lacédémonien, il fallait toujours se demander s'il était ou non utile à l'État[26], c'était là au fond un principe si ancien de la politique spartiate que bien peu de gens pouvaient y contredire sérieusement. Or, du moment que l'on regardait l'occupation de Thèbes comme le plus grand avantage qui fût échu à Sparte depuis la bataille d'Ægospotamoi, et que l'évacuation de la Cadmée dans les circonstances actuelles était la démarche la plus périlleuse que Sparte pût commettre, la conduite du gouvernement ne pouvait être douteuse. Les troupes reçurent l'ordre de garder la place, et trois harmostes y furent envoyés pour en prendre le commandement[27].

Si le coup de main de Phœbidas a fait particulièrement scandale dans les temps anciens et modernes, cette impression n'est justifiée qu'en ce sens que l'acte fut une surprise et une témérité comme on en voit peu, et qu'il s'attaquait à une des villes les plus considérables de la Grèce : pour le reste, il rentre si bien dans le caractère de la politique lacédémonienne, qu'il est impossible d'y rien découvrir d'extraordinaire.

Il suffit de se rappeler que, par principe, Sparte ne voulut jamais consentir à reconnaître les autres villes comme des égales, et à se lier par les règles de droit adoptées entre États du même rang. En outre, il existait dans toutes les villes un parti qui partageait les idées de Sparte, et les hommes de cette opinion, on ne les regardait pas comme un parti à côté d'autres partis, mais comme les seuls citoyens légitimes, comme les Hellènes loyaux, et leurs adversaires, les démocrates, comme le parti de la Révolution, un parti qui se rendait coupable d'attentat non seulement contre Sparte, mais contre la patrie commune. En se plaçant à ce point de vue, Sparte était en droit de considérer son intervention en faveur de ses adhérents comme une sorte de devoir attaché à sa qualité de chef-lieu, et, pour donner davantage encore à cette immixtion violente dans les affaires des autres cités une apparence de légitimité, on ne manquait pas de se représenter l'état des villes gouvernées par la démocratie comme le règne du terrorisme révolutionnaire, comme l'oppression des citoyens modérés par une poignée d'agitateurs, si bien que Sparte semblait obligée à y exercer une discipline salutaire et à rétablir l'ordre légal.

Or, à Thèbes, le procédé de Sparte se justifiait en apparence mieux encore qu'ailleurs, parce que, chez les Thébains, la démocratie était une innovation des dernières années. A Thèbes, ce fut l'un des deux magistrats suprêmes de l'État qui, de son propre mouvement, livra aux Spartiates les clefs de la citadelle que le peuple lui avait confiées. En outre, les Thébains venaient de refuser le contingent, alors que dans les dernières années ils l'avaient reconnu comme obligatoire, et cela, avec des formes très blessantes ; ce refus ne pouvait être interprété que comme une preuve de l'alliance secrète déjà conclue avec Olynthe contre Sparte ; par conséquent, la ville se trouvait déjà par le fait en état de guerre avec Sparte, et l'importance de la Cadmée dans une guerre contre Olynthe saute aux yeux. Enfin, l'on pouvait invoquer l'exemple des Thébains eux-mêmes, qui avaient procédé d'une façon bien plus brutale vis-à-vis de Platée, et cela sous le même prétexte, à savoir, que la démocratie y constituait une violation de la tradition et une intolérable révolte.

En ce qui concerne le reproche le plus grave, c'est-à-dire l'infraction manifeste au traité récemment proclamé par Sparte elle-même, on avait déjà pu comprendre assez clairement que Sparte n'admettait pas d'autre autonomie que celle qui consistait dans la soumission volontaire des autres États à son hégémonie.

L'importance que les Spartiates attachaient à donner à l'occupation de la Cadmée l'apparence d'un acte accompli au nom et dans l'intérêt de la nation toute entière, ils la révélèrent dans la procédure suivie contre Isménias, qui leur avait été livré. Ils instituèrent, en effet, une sorte de tribunal amphictyonique, pour lequel ils convoquèrent des assesseurs dans toutes les villes alliées. On imputa à l'accusé d'avoir amené la guerre de Corinthe et noué des relations secrètes avec le roi de Perse. Il n'eut pas de peine à se défendre sur ces divers points. Mais comment pouvait-il contester qu'il était dévoué à la démocratie et qu'il s'était élevé contre les prétentions de Sparte ? Or, ce grief était suffisant pour sa condamnation, et son exécution valut aux Spartiates non seulement l'avantage de satisfaire leur rancune sur cet adversaire détesté et d'intimider ses adhérents, mais encore celui d'entendre qualifier de haute trahison par un tribunal hellénique les tendances démocratiques et l'hostilité contre Sparte, et de faire reconnaître du même coup toute la conduite tenue par les Spartiates à Thèbes comme conforme au droit[28].

Ces événements s'éclairent d'une lumière encore plus vive par les incidents qui les suivirent de près à Phlionte.

Phlionte, depuis la réception forcée des bannis, s'était comportée envers Sparte avec une loyauté absolue. Agésipolis, qui avait toujours à cœur d'écarter tout sujet de violences nouvelles, avait sans doute fait son possible pour gagner les Phliasiens par la bienveillance, et ce qui lui causa une satisfaction particulière, c'est que, malgré les difficultés de leur situation intérieure, les Phliasiens exécutèrent avec empressement leurs engagements fédéraux et lui donnèrent même l'occasion de les louer avant tous les autres alliés pour la promptitude et l'abondance de leurs contributions en numéraire. Le fait eut lieu lorsqu'Agésipolis marcha sur Olynthe avec la grande armée[29] ; les Phliasiens ont dû par conséquent être du nombre des alliés qui profitèrent de la nouvelle organisation militaire pour se dispenser totalement ou partiellement du service moyennant finance, ce qui fut certainement le cas dans beaucoup de localités prospères, en présence d'une campagne à faire si loin en pays étranger. Il est aussi fort probable que, vu les rapports tendus des deux partis dans les villes, aucun des deux ne tenait à s'affaiblir par une expédition au dehors.

Lorsqu'Agésipolis fut en route, au printemps 381, et ne put plus exercer son influence conciliante, de nouvelles dissensions éclatèrent à Phlionte. L'apuration des comptes relatifs à la propriété foncière n'aboutissait pas ; il était impossible de s'entendre sur un règlement des questions en litige qui convînt aux deux partis. Les démocrates ne voulaient pas reconnaître d'autre compétence que celle des tribunaux indigènes : or ceux-ci se composaient de citoyens dévoués, comme la grande majorité de la population urbaine, au régime populaire. Les anciens bannis, qui n'étaient toujours pas rentrés dans la pleine possession de leurs terres, crièrent à la partialité de ces tribunaux. Ils refusèrent de leur confier la décision de causes marquées d'un caractère essentiellement politique, et réclamèrent qu'on portât celles-ci devant une juridiction étrangère. Cette demande s'accordait si bien avec les intentions d'Agésilas qu'il nous est bien permis de supposer qu'elle avait été provoquée par lui-même, par lui qui mettait à susciter l'esprit malfaisant de discorde autant de zèle que son noble collègue en mettait à l'étouffer en tous lieux.

Lorsque les bannis se tournèrent vers Sparte et lui soumirent leurs griefs en se plaignant d'un déni de justice impartiale[30], le peuple de Phlionte leur infligea une amende, parce que, comme de juste, une cité indépendante ne pouvait souffrir que quelques-uns de ses citoyens portassent leurs griefs devant un État étranger. Mais les éphores n'avaient garde de laisser échapper l'occasion d'une intervention nouvelle. Aussi agirent-ils de tout point suivant l'esprit d'Agésilas, qui voulait faire regarder la démocratie comme une folie dangereuse pour tout le monde et saisir de toutes les questions soulevées une commission hellénique, c'est-à-dire l'autorité arbitrale de l'État suzerain. Dans cette circonstance encore, on considéra les oligarques, qui chez leurs propres concitoyens passaient pour des traîtres et avaient été régulièrement condamnés, comme les véritables patriotes et le vrai peuple qu'il fallait protéger contre les injures d'une petite faction, bien que, dans le cas présent, la contradiction avec la réalité des choses éclatât avec plus de force et d'évidence que par rapport à Thèbes. Pour imputer encore aux Phliasiens un dessein odieux, on représenta la chose comme s'ils n'avaient fait qu'attendre l'éloignement d'Agésipolis pour lancer un défi à Sparte, dans l'opinion que l'autre roi quitterait difficilement la capitale et qu'ils étaient garantis contre une intervention armée. Il n'est guère Possible, cependant, de supposer chez les Phliasiens une appréciation aussi naïve de la situation.

La marche des événements se déroula dans sa logique. Agésilas, personnellement lié avec les chefs des bannis, Podanémos et autres, par des relations d'hospitalité, poursuivit leur affaire de toute son énergie. Il déclara leurs demandes parfaitement légitimes, leur condamnation nulle, et partit sur-le-champ avec une armée. Les Phliasiens voulurent le prévenir et promirent de se soumettre aux décisions de Sparte, mais il était trop tard ; la ville, leur dit-on, s'était montrée trop suspecte ; une garnison spartiate seule était capable de donner une caution suffisante de sa fidélité. Sur cette réponse, les citoyens se résolurent à défendre virilement leur liberté, bien qu'ils n'eussent pas eu le temps de se préparer à la guerre et n'eussent d'autres espérances que celles que pouvaient leur inspirer leur confiance en leur bon droit, la forte position de leur ville et le mécontentement des alliés contre l'arrogance de Sparte.

La ville de Phlionte s'étageait sur trois terrasses entre les sources de l'Asopos ; sur le plan inférieur s'étendait le marché avec ses dépendances, sur celui du milieu le temple d'Asclépios, en haut la citadelle. Le terre-plein de la citadelle était très fort comme position et si spacieux qu'il contenait des bouquets de bois et des champs de blé, circonstance qui peut-être contribua à rendre possible une plus longue résistance[31]. Le démagogue Delphion dirigea la résistance, et cela, avec une intrépidité et une constance qui força l'admiration de ses adversaires eux-mêmes[32]. Il était entouré d'une troupe d'élite de trois cents jeunes citoyens, avec lesquels il protégeait tous les points menacés au moment voulu et incommodait les assiégeants par des sorties. Dans l'armée assiégeante régnait un vif dépit ; les Péloponnésiens montraient leur peu de penchant à servir de recors aux Spartiates pour les aider à châtier tout pays qui leur déplaisait ; le siège traînait en longueur[33] ; le service était des plus pénibles, et l'iniquité de toute cette conduite apparaissait clairement aux yeux de tous les alliés, lorsqu'ils considéraient la petite troupe des bannis qu'ils étaient chargés de ramener par la force. Le roi chercha sans doute à propager aussi cette idée, que les démocrates exerçaient un régime de terreur dans la ville, que Delphion était un tyran qui comprimait avec sa garde les véritables sentiments de la population. Delphion y répondit en rassemblant les citoyens sur une terrasse ouverte et visible de loin, afin que les assiégeants pussent se convaincre par leurs propres yeux qu'aucune terreur ne régnait dans la ville, et qu'une population de 5.000 hommes était unanime contre les traîtres du camp lacédémonien.

Agésilas ne se laissa pas détourner des intrigues de son hypocrite politique. La disette dut à la fin se faire sentir à Phlionte, quand la place eut tenu le double du temps que les bannis ne l'avaient déclaré possible. Les citoyens les moins sûrs commencèrent à s'esquiver hors des fortifications : alors Agésilas invita les proscrits à utiliser toutes leurs relations pour attirer leurs concitoyens. On les reçut à bras ouverts ; on prit soin d'eux, on les arma, et c'est ainsi que, par toutes sortes d'artifices, le nombre des Phliasiens présents au camp monta jusqu'au delà de mille, et ce groupe, Agésilas put dès lors le désigner comme l'élite de la population qu'il s'agissait de réintégrer dans ses droits.

Enfin la force de résistance de la vaillante cité touchait à sa fin. Elle demanda un sauf-conduit pour une députation qu'on voulait envoyer aux autorités de Sparte ; mais l e roi, profondément froissé de se voir personnellement mis de côté, exigea des éphores qu'on lui remît entièrement la décision de l'affaire. Sur cette réponse, les envoyés s'en retournèrent, et il ne resta plus à la malheureuse cité qu'à se rendre à merci à son pire ennemi. Exaspéré par ce long siège, qui avait duré plus d'un an et demi[34], et en dernier lieu par l'évasion de Delphion, Agésilas déploya toutes ses rigueurs. Il institua une commission de cent membres, dont une moitié se composait de bannis, l'autre de citoyens agréés par eux. Elle était chargée de décider qui dans la ville aurait la vie sauve et qui avait mérité la mort. La même commission devait aussi, sous la protection des armes spartiates, rédiger une constitution[35].

Vers le même temps arriva la nouvelle de la reddition d'Olynthe. Après bien des vicissitudes, après une guerre où le brave Téleutias, le général envoyé au secours d'Eudamidas, était tombé sous les murs de la ville ennemie[36], et où Agésipolis après lui avait été emporté dans la fleur de l'âge par une fièvre[37], Polybiade avait fini, grâce à un complet investissement, par forcer la fière cité et par mettre un terme à la dangereuse ligue qu'elle avait formée[38].

Ce fut l'apogée de la puissance exercée dans l'Hellade par Sparte en vertu de la paix d'Antalcidas[39]. La Béotie était un État vassal, et dans toute la Péninsule tout était arrangé au gré des Spartiates. Les aspirations révolutionnaires qui s'y étaient manifestées depuis la paix de Nicias étaient refoulées ; la partie septentrionale, que son éloignement de Sparte et ses velléités de ligue rendait la plus dangereuse, on la tenait aujourd'hui d'une main sûre ; aux frontières de l'Argolide, on possédait dans Mantinée, Phlionte et Corinthe, une série de provinces. Corinthe, devenue oligarchique, était forcée, dans l'intérêt de sa propre sûreté, de garder l'isthme pour le compte de Sparte. Argos était ainsi cernée, et le seul État qui avec Argos restât encore en démocratie, Athènes, était épuisé par la guerre de Corinthe, d'ailleurs complètement isolé et menacé sur ses derrières par l'occupation de la Cadmée. La plus menaçante de toutes les alliances, la ligue projetée entre Thèbes, Athènes et Olynthe, avait été écrasée en germe. La ville la plus puissante qui fût au nord de la mer Égée obéissait au commandement de Sparte. Le service militaire avait reçu une organisation nouvelle et raisonnée ; Sparte pouvait-espérer de faire toujours davantage de son armée la seule puissance militaire capable de commander et de transformer peu à peu son hégémonie en une souveraineté absolue. On avait rajeuni avec succès toutes sortes de traditions amphictyoniques pour prêter à la nouvelle domination de Sparte une apparence de droit. L'ancienne lutte contre les tyrans s'était changée, par un revirement opportun, en une persécution dirigée contre le gouvernement populaire, et l'heureux succès avec lequel on avait détruit quelques foyers de démocratie semblait légitimer l'espoir que l'on viendrait à bout de comprimer tout à fait et de déraciner cette tendance chez le peuple hellénique.

Sparte était le seul État en Grèce qui poursuivît une politique ferme, le seul ayant la conscience claire de son but et absolument libre de scrupules dans le choix des moyens. De là une activité comme Sparte n'en avait jamais montré. L'ancienne division entre la royauté et les éphores avait disparu. Agésilas, par une adroite condescendance, avait gagné les autorités, écarté l'influence modératrice de son collègue en royauté, et il régnait à présent avec une pleine indépendance, comme jamais peut-être un Héraclide ne l'avait fait avant lui. Aussi l'unité de vues et l'énergie se firent sentir dans la direction des affaires publiques. Amis comme ennemis savaient ce qu'ils avaient à attendre de Sparte. C'était une domination dans le sens de Lysandre. Agésilas renouvela sa politique de parti, imita ses institutions ; mais il avait l'avantage d'occuper dans son propre pays une position solide qui manquait à Lysandre. Celui-ci luttait contre la Révolution et se trouvait être lui-même un révolutionnaire, au lieu qu'Agésilas, en qualité de représentant universellement reconnu de l'esprit spartiate, parvint sans faire scandale au gouvernement personnel dans son propre pays. Agésilas se montra aussi plus habile que son maître en politique, en commençant par se restreindre à la terre ferme, en dirigeant les forces propres que Sparte possédait encore à établir un empire continental solide et à le maintenir par un réseau de garnisons bien distribuées.

Si l'on ajoute que la domination de Sparte ne reposait pas simplement sur la puissance des armes, mais sur un parti répandu dans toutes les villes ; qu'en dehors de l'Hellade elle avait au loin des relations avantageuses et importantes, d'abord avec le Grand-Roi, qui, heureux de la paisible possession de ses eûtes, se montrait toujours prêt à donner son appui pour maintenir la paix d'Antalcidas dans le sens de Sparte, puis avec le tyran de Syracuse et le roi de Macédoine[40] ; qu'enfin elle fit en Épire une apparition victorieuse et arrêta les incursions des illyriens attirés, dit-on, par les trésors de Delphes (384 : Ol. XCVIII, 4)[41], l'on comprendra avec quelle satisfaction Agésilas et ses amis considéraient leur œuvre et combien les bases leur en semblaient solides. Bien qu'elle fût inachevée encore, pourquoi, l'occasion aidant, l'occupation du peu qui restait encore de places indépendantes, notamment de l'acropole d'Athènes qu'on avait abandonnée dans une heure de faiblesse, ne réussirait-elle pas aussi bien que l'occupation de la Cadmée ?

Mais justement l'exploit consommé à Thèbes, qui devait être la pierre angulaire sur laquelle reposerait désormais la domination spartiate, devint la pierre d'achoppement contre laquelle elle était destinée à se briser avec éclat.

La puissance de Sparte, malgré ses apparences brillantes, chancelait sur sa base, parce que Sparte méconnaissait et méprisait les forces morales et l'esprit de liberté qui régnaient encore dans les cités grecques. On croyait détruite une résistance dont l'effort n'était que momentanément comprimé, et l'on pensait, dans un orgueilleux aveuglement, avoir tout terminé par un coup de main. Sparte, sans vie intellectuelle elle-même, n'avait aucune idée des puissances morales et était hors d'état d'unifier et de diriger véritablement la Grèce. Elle ne savait que prendre et n'avait rien à donner ; elle ne s'entendait qu'à opprimer des pays libres avec une violence brutale et à y introduire des gouvernements oligarchiques. Ce procédé provoqua la force de résistance, et la conduite de Phœbidas, même au point de vue de la politique utilitaire d'Agésilas, fut, l'expérience le prouva, absolument maladroite. Elle mit en effervescence une race énergique, celle dont les forces étaient le moins épuisées ; et le nouveau soulèvement contre l'arrogance de Sparte fut d'autant plus dangereux, qu'il ne sortit pas d'une ligue dont les membres ne marchaient pas d'accord, mais d'une seule ville qui entre en lutte avec Sparte, d'abord pour sa liberté, puis pour la domination dans l'Hellade.

 

 

 



[1] POLYBE, IX, 23.

[2] Sur le conflit entre Agésilas et Agésipolis, voyez PLUTARQUE, Agésilas, 20. XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 20. DIODORE, XV, 19.

[3] PLUTARQUE, Agésilas, 4. Cf. MANSO, Sparta, III, 1, p. 215.

[4] DIODORE, XV, 5.

[5] Diodore met le début de la querelle avec Mantinée en 386/5 (Ol. XCVIII, 3) et la suite en 385/4 (Ol. XCVIII, 4). Diodore (XV, 5) et Xénophon (Hellen., V, 2, 2) sont contradictoires. Or, d'après Thucydide (V, 81), le traité a été conclu dès 418. Il faut donc ou bien admettre, contre Xénophon, un intervalle de deux ans entre l'expiration du traité et le début de la guerre, ou bien, en dépit de l'assertion de Thucydide, placer la conclusion du traité quelques années après la bataille de l'année 418. Cf. HERTZBERG, op. cit., p. 313 sqq.

[6] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 3.

[7] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 3.

[8] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 4-5. DIODORE, XV, 12. Cf. E. CURTIUS, Peloponnesos, I, p. 239.

[9] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 6.

[10] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 7. D'après Diodore (XV, 5) et Éphore (ap. STRAB., p. 337), il y avait πέντε κώμαι ; c'est-à-dire que ces auteurs comprennent dans le total la commune restée sur le sol de la ville. Cf. E. CURTIUS, Peloponnesos, I, p. 268.

[11] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 7.

[12] XÉNOPHON, Hellen., IV, 4, 15. Xénophon fait ressortir comme une preuve singulière de magnanimité la discrétion des Spartiates, qui n'exigèrent point la réintégration des émigrés.

[13] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 8-40.

[14] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 11.

[15] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 12-19.

[16] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 22. 3 oboles d'Égine valaient un peu plus de 4 oboles attiques (4 1/5), les poids des monnaies respectives étant dans le rapport de 7 : 5. La solde de l'hoplite était donc a peu près de 0,67 c. par jour, et celle du cavalier de 2 fr. 70 (1 statère ou didrachme 12 oboles).

[17] DIODORE, XV, 31). Cf. GROTE (XIV, p. 195, trad. Sadous). BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 379.

[18] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 24. Diodore (XV, 20) commet une inexactitude en faisant partir Phœbidas le premier.

[19] XÉNOPHON, V, 2, 25.

[20] Un passage d'Aristide (Πυθίων όντων, I, p. 419 Dind.) est la seule raison pour laquelle Clinton place la prise de la Cadmée en 382 (Ol. XCIX, 2). Xénophon est plus précis : Léontiadès choisit le moment où le Conseil tenait séance sous le portique de l'agora, vu que les femmes célébraient les Thesmophories dans la Cadmée (Hellen., V, 2, 29). Plutarque (Pelopid., 5) en dit autant. D'après BÖCKH (Mondcyclen, p. 83), les Thesmophories, célébrées dans le mois Damatrios, tombaient probablement vers le milieu de septembre. D'autres pensent qu'il s'agit de quelque autre fête de Déméter : SIEVERS (op. cit., p. 159) opine pour les Thalysia, et, le mois Theiluthios correspondant à Thargélion, l'affaire se serait passée en mai.

[21] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 26-29.

[22] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 30. PLUTARQUE, Pelopid., 5.

[23] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 31.

[24] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 32.

[25] PLUTARQUE, De genio Socrat., 1.

[26] XÉNOPHON, Hellen., V, 2, 32. PLUTARQUE, Agésilas, 23.

[27] Ces trois harmostes furent Lysanoridas, Hérippidas, Arcissos (PLUTARQUE, De genio Socrat., 3. Pelopid., 13).

[28] XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 10.

[29] Isménias fut exécuté à Thèbes, suivant Xénophon (Hellen., V, 2, 35), à Sparte, suivant Plutarque (Pelopid., 5).

[30] XÉNOPHON, Hellen.,V, 3, 11 sqq.

[31] Sur la configuration des lieux, voyez E. CURTIUS, Peloponnesos, II, p. 471 sqq.

[32] XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 22.

[33] Sur le siège de Phlionte, voyez XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 16-24.

[34] Le siège avait duré 20 mois (XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 25) : la reddition de Phlionte eut lieu à la fin de l'été 379. Cf. SIEVERS, Gesch. Griechenlands, p. 390.

[35] XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 25.

[36] Téleutias, parti pour rejoindre Eudamidas, succombe au printemps 381 devant Olynthe (XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 6. DIODORE, XV, 21).

[37] Agésipolis meurt devant Olynthe en 380 (XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 19. DIODORE, XV, 23), après un règne de 14 ans, dans la quatrième année de la guerre d'Olynthe.

[38] XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 26. DIODORE, XV, 23.

[39] XÉNOPHON, Hellen., V, 3, 27. DIODORE, XV, 23.

[40] Sur l'alliance de la Macédoine avec Sparte, voyez DIODORE, XV, 19. ÆSCHINE, De falsa leg., § 26. Sparte courtisée par le Grand-Roi et par Denys de Syracuse (DIOD., XV, 23).

[41] Denys de Syracuse soutenant les Illyriens, Sparte fait alliance avec les Molosses (DIODORE, XV, 13. Cf. SIEVERS, op. cit., p. 164).