HISTOIRE GRECQUE

TOME PREMIER

LIVRE DEUXIÈME. — DE L’INVASION DORIENNE AUX GUERRES MÉDIQUES.

CHAPITRE TROISIÈME. — LES HELLÈNES EN DEHORS DE L’ARCHIPEL.

 

 

§ II. — COLONIES EUBÉENNES.

L’Ionie n’avait pas de rivales plus dangereuses que les villes de l’Eubée : en premier lieu Kyme, assise sur une excellente rade de la côte orientale, en pays de vignobles ; puis, les deux villes sœurs, Chalcis et Érétrie. Ces trois cités se sont livrées à la colonisation en grand. Tandis qu’Érétrie devait principalement sa prospérité à la pêche de la pourpre[1] et à l’industrie, de jour en jour plus développée, des transports maritimes, Chalcis, la ville d’airain, située à portée des deux mers qui se rejoignent dans le détroit béotien, avait pris pour elle et exploitait la plus considérable des richesses de file, c’est-à-dire, le cuivre. Jadis, les Phéniciens avaient été obligés, par l’épuisement des filons du Liban, de chercher de nouvelles mines dans les pays d’outre-mer, et ils avaient ainsi découvert le cuivre de Cypre : les Chalcidiens ont fait comme eux. Chalcis devint le centre de cette industrie dans l’Hellade ; ce fut la Sidon grecque. Après Cypre, il n’y avait pas, dans toute l’étendue de la mer Égée, de dépôts de cuivre plus riches que ceux de l’Eubée. Chalcis posséda les premières fonderies de cuivre et les premières forges qu’ait connues la Grèce d’Europe[2]. C’est sur l’Euripe qu’étaient installés les Cadméens, les inventeurs de la calamine ou cadmie ; c’est de là que s’exportait, par terre et par mer, à l’état brut ou déjà travaillé, le métal indispensable à la fabrication des armes, à l’ornementation architectonique et surtout à la confection du matériel employé par le culte : les établissements métallurgiques qu’on rencontre à Corinthe, à Sparte et en d’autres lieux, ont été fondés par des Chalcidiens.

Ainsi, la petite ville bâtie sur une plage étroite, près de la source d’Aréthuse, était devenue une place maritime populeuse et industrieuse ; mais, n’étant au large ni du côté de la terre, ni du côté de la mer, elle dut songer de bonne heure à. se créer une marine pour assurer la liberté de ses mouvements et pour aller chercher au loin ce que le pays ne fournissait qu’en quantité insuffisante, notamment, du bois et du minerai. Les autres villes de l’Eubée et la population de la Béotie, de l’autre côté du détroit, prirent part à ces voyages, et ainsi Chalcis devint le point de départ d’expéditions qui aboutirent à des découvertes lointaines et à la fondation de nombreuses colonies. On se dirigea tout d’abord vers le nord, dans la mer de Thrace.

En Thrace, la population indigène, apparentée par ses origines aux Phrygiens, était arrivée de bonne heure, grâce aux immigrations venues de la côte d’Asie-Mineure, à un degré assez avancé de civilisation, comme le prouve la vieille renommée des aèdes thraces et l’influence que l’art des Muscs a exercée, principalement dans le voisinage de l’Olympe thessalien, en Piérie, sur la culture nationale des Hellènes. Depuis, des tribus plus grossières étaient descendues des montagnes du nord et s’étaient avancées vers le littoral, des tribus qui méprisaient l’agriculture comme toutes les industries pacifiques, qui vivaient dans la polygamie et s’adonnaient aux excès de la boisson. Ces Thraces barbares dominaient le littoral du nord de l’Archipel. Leur grand nombre, leur humeur belliqueuse et sauvage avait été cause que, à l’époque des grandes migrations provoquées par l’invasion dorienne, les établissements fondés par les Éoliens n’avaient pu prospérer, et que, de toutes les côtes de la mer Égée, ce rivage était resté le plus longtemps à l’état de barbarie, en dépit de ses presqu’îles qui semblaient aller au-devant des Grecs et les attirer dans leurs ports. C’était là, pour une colonisation grecque, le champ d’expériences le plus voisin et le plus vaste.

Les Chalcidiens avaient d’autant plus qualité pour entreprendre cette œuvre que, ce qui distinguait la côte thrace, c’était précisément sa richesse en métaux. On commença par s’assurer du golfe Thermaïque où l’on bâtit, vis-à-vis de la côte de Thrace, la ville de Méthone. Puis, on se risqua à mettre le pied sur la péninsule, pareille à un énorme bloc de rocher adossé au continent, qui s’avance entre le golfe Thermaïque et celui du Strymon et se partage du côté du midi en trois puissantes saillies soutenues par des arêtes montagneuses. C’est un large et haut plateau qui a sa constitution particulière et qui, pour ce motif, est destiné à avoir son histoire à part. Le versant de l’ouest a plus de terres arables ; le côté de l’est plus de filons métalliques. C’est sans doute par la presqu’île du milieu ou sithonienne qu’a commencé la colonisation des Chalcidiens ; ils ne pouvaient trouver d’endroit plus commode pour y asseoir Torone. De ce point, ils ont étendu leurs établissements aux alentours et, de progrès en progrès, ils ont fini par bâtir trente-deux villes[3] qui, toutes, reconnaissaient Chalcis pour leur métropole et furent, en conséquence, désignées toutes ensemble sous le nom collectif de Chalcidique.

Le plateau est parsemé d’anciennes excavations devant lesquelles s’élèvent encore aujourd’hui des monceaux de scories, témoignage visible du zèle avec lequel les colons grecs ont exploité là l’argent et le cuivre[4]. C’est ce qui explique aussi la quantité de petites villes bâties à la côte. Dans la mer orageuse de Thrace, elles servaient de ports de refuge et s’occupaient de l’exportation des produits des mines ainsi que des autres articles de commerce, par exemple, des bois de construction et de la poix. Au cours du VIIIe siècle, les Chalcidiens ont enlevé aux Barbares cette avancée de Thrace, comme l’appelaient les anciens[5], et l’ont couverte de leurs établissements.

Chalcis avait la direction du mouvement ; mais elle accepta le concours des autres villes de l’Eubée, notamment d’Érétrie, qui ne se livra d’abord à la colonisation qu’en société avec sa voisine. Les deux villes étaient étroitement unies par un culte commun d’Artémis ; toutes deux étaient gouvernées par des familles privilégiées et toutes deux ont, comme Corinthe sous les Bacchiades, utilisé leurs colonies pour renverser le régime oligarchique. Plus tard, elles se séparèrent ; et il y a telle localité, comme Méthone, dont Érétrie a fourni presque à elle seule la population. Puis, elles délimitèrent leurs domaines respectifs : Érétrie envoya ses colons dans la presqu’île de Pallène et à l’Athos, Chalcis, plus au nord, dans les montagnes qui constituent la Chalcidique proprement dite[6]. Chalcis eut aussi la collaboration de cités plus éloignées, mais avec qui elle entretenait des relations de commerce, entre autres, Mégare et Corinthe. Ainsi, la colonisation eubéenne s’étendit, animée d’une vitalité croissante, vers l’entrée du Pont, où elle pénétrait dans la sphère d’action du commerce milésien. En 712 (Ol. XVII, 1), les Mégariens fondèrent, dans l’angle de la mer de Marmara, la ville d’Astacos[7]. Là, des froissements et des hostilités étaient inévitables, et il n’y a pas d’autre manière d’expliquer comment la brouille survenue entre Chalcis et Érétrie, une querelle de voisins comme il V en avait à chaque instant dans la Grèce d’alors, put devenir une guerre à laquelle prirent part quantité d’États en deçà et au delà de la mer Égée[8]. La plaine de Lélante laissait les Milésiens fort indifférents, mais les progrès de la puissance maritime des Chalcidiens et de leurs alliés dans le nord les touchaient de très près ; c’est pour cela qu’ils s’allièrent avec les adversaires de Chalcis, tandis que, par contre, Samos, jalouse de Milet sa voisine, se rangea du côté de Chalcis et demanda aux Corinthiens, peut-être justement pour cette guerre, leur constructeur de trirèmes, l’ingénieur Aminoclès (704. Ol. XIX, 1)[9]. Néanmoins, cette guerre, bien que déclarée entre villes maritimes, se fit principalement sur terre, et l’issue en fut décidée par la cavalerie, parce qu’on était encore aux beaux jours de l’aristocratie[10].

Durant la guerre, la colonisation eubéenne subit nécessairement un temps d’arrêt, comme on le constate, en effet, à la fin du huitième siècle (après Ol. XIV). Dans ce même intervalle, au contraire, Milet travaillait avec ardeur à s’assurer de l’Hellespont et de la Propontide en fondant Abydos, Lampsaque et Proconnèse.

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que cette guerre, loin d’épuiser les forces des belligérants, les développa chaque jour davantage. Parmi les États d’Europe, ce furent Corinthe et Mégare qui se mirent en évidence ; car, au VIIIe et au VIIe siècle, en un temps où Athènes n’était encore qu’une ville insignifiante, l’isthme était le centre d’un vaste ensemble de relations maritimes. Corinthe fonda Potidée sur la côte de Thrace, juste entre les circonscriptions coloniales des Érétriens et des Chalcidiens, comme si elle voulait les tenir à distance les uns des autres[11]. Mégare prit en main la colonisation du Pont et installa à la porte du Bosphore Chalcédoine (674. Ol. XXVI, 3), une ville dont les fondateurs furent appelés par l’oracle de Delphes les aveugles[12], parce qu’ils n’avaient pas su voir que tous les avantages de la position appartenaient au rivage d’en face. Les Mégariens réparèrent le temps perdu, et, 17 ans plus tard[13], ils bâtirent Byzance sur la Corne d’or, un bras de mer profond où les bancs de poissons venus du Pont se trouvaient poussés par le courant du détroit, pour la plus grande commodité des pêcheurs. Pendant ce temps, les Milésiens couvraient de leurs établissements le bassin intérieur du Pont. Les Corinthiens firent connaissance, par l’intermédiaire de Milet, avec le pays des Scythes, dont les magnifiques fleuves jouent déjà un rôle dans les poésies d’Eumélos. L’isthme était le rendez-vous de tous les aventuriers des contrées voisines ; quand on cite parmi les fondateurs de Byzance, à côté des Mégariens, d’autres États et d’autres peuples, comme les Corinthiens, les Béotiens et les Arcadiens, on entend par là des immigrations accessoires, les unes simultanées, les autres successives, auxquelles Mégare servit de port d’embarquement.

Nous ne saurions dire jusqu’à quel point, la grande guerre une fois terminée, cette émulation se laissa discipliner par des conventions réciproques, et s’il y eut des traités pour délimiter l’exploitation commerciale des divers intéressés. En ce qui concerne le premier objet de la querelle, c’est-à-dire la plaine de Lélante, les Chalcidiens étaient restés vainqueurs. Sur mer également, ils ne se laissaient point paralyser par la concurrence de jour en jour plus active qu’ils étaient obligés de tolérer. Au contraire, c’est vers 654 (Ol. XXXI, 1) que la colonisation de la Chalcidique fut complétée, avec le concours des Cyclades, notamment de l’île d’Andros, par la fondation d’Acanthos et de Stagire ; et, à peu près à la même époque, les Chalcidiens étaient occupés en Sicile, où ils coopéraient à la fondation d’Himère, à maintenir l’influence qu’ils exerçaient depuis longtemps sur les contrées de l’Occident.

La terre d’Occident ou Hespérie était un monde à part, placé loin des pays habités par les tribus grecques et en dehors de l’Archipel qui leur servait entre elles de lien. La mer qui baigne les rivages de l’occident ne faisait pas partie du monde grec ; on l’appelait, pour montrer qu’elle appartenait à la contrée d’au delà, la mer de Sicile : c’était une vaste nappe d’eau sans îles, et, comparée à la mer Égée, elle faisait l’effet d’un Océan. Le courant, dirigé de l’ouest à l’est, de la mer Tyrrhénienne vers celle de Sicile, y contrariait la marche des vaisseaux grecs ; des contre-courants alternatifs y rendaient la navigation dangereuse, et les vents qui dominaient dans ces parages étaient tout à fait différents de ceux auxquels étaient habitués les Hellènes. Le ciel leur paraissait trouble et incertain ; ils se sentaient mal à l’aise de ce côté, le côté de la nuit, la région où les Phéaciens, les nochers des trépassés, enveloppés dans une brume épaisse[14] suivaient leurs sentiers obscurs. C’est pour cette raison que la navigation s’arrêta si longtemps à la pointe méridionale de la Morée et que, même après qu’on se fut risqué à faire le tour de la, péninsule, les marins anxieux suivaient de si près les côtes helléniques pour arriver dans la mer de Corinthe. C’était là la route suivie jadis par les Crétois, celle par laquelle ils avaient un jour apporté à Delphes le culte d’Apollon. Mais, pour aborder les pays d’Occident, il ne fallait pas compter sur la mer de Sicile, qui ne se prêtait pas à une semblable traversée.

C’est plutôt par les îles semées à l’entrée du golfe de Corinthe qu’ont commencé les rapports avec le continent de l’ouest. De ces îles, les unes, comme les Echinades qui entourent l’embouchure de l’Achéloos, sont des dépendances de la côte ; les autres sont plus grandes et plus loin en mer, comme Zacynthe, Same, Ithaque, Leucade, qui forment devant le golfe une traînée en ligne courbe dirigée du sud au nord, et ont ensemble à peu près la même longueur que l’Eubée. Ce sont là les îles qui portent encore aujourd’hui leur nom traditionnel d’Iles ioniennes[15]. Elles comprennent, outre le groupe principal, une île située à quelque distance au nord et près du littoral, Kerkyra ou Corcyre.

Mais ces îles ne sont, après tout, que des stations intermédiaires, servant d’étapes à un mouvement maritime dont le point de départ se trouve du côté de l’est. Corcyre elle-même se rattache à l’Eubée par de vieilles légendes et des noms de lieux identiques[16] ; l’Eubée, à son tour, est déjà en rapport avec les Phéaciens de l’Odyssée[17] ; et, si nous relevons avec un soin plus minutieux les vestiges des anciennes voies commerciales, nous arrivons à reconnaître que ce sont les hommes des bords de l’Euripe, les plus ardents de tous les Hellènes à recevoir et à propager la civilisation phénicienne, qui, pour s’approvisionner de métaux et de pourpre, ont mis en relation mutuelle les deux mers qui baignent à l’est et à l’ouest les flancs de l’Hellade. Les Chalcidiens, franchissant l’isthme, où les Phéniciens avaient déjà ouvert une voie pour le transport des marchandises, ont pénétré d’abord dans le golfe de Crisa. Au nord du golfe vient déboucher l’Héracléios, ainsi nommé de l’Héraclès tyrien. Là, dans l’anse de Boulis[18], creusée en plein rocher, se trouvait un excellent gisement de coquillages à pourpre qui attira les marins eubéens. Plus loin, sur la côte d’Étolie, s’élevait Chalcis, au pied d’une montagne de même nom riche en minerais. Au delà du golfe, les noms eubéens se répètent encore. Nous trouvons l’Aréthuse chalcidienne Ithaque, ainsi qu’à Élis et en Sicile, et la légende de la nymphe dont les eaux poursuivent leur cours à travers la mer n’est que le gracieux symbole des relations instituées par les Chalcidiens entre des points éloignés ; car ils donnaient le nom de la fontaine de leur pays aux sources qu’ils rencontraient au bord de la mer, où ils sacrifiaient et renouvelaient leurs provisions d’eau[19].

Les Chalcidiens eurent pour émules les Érétriens. Ceux-ci avaient surtout pris pied à Corcyre. Ils en furent expulsés par les Corinthiens, et voilà comment File des Corcyréens a été introduite dans le champ de la navigation hellénique par l’action combinée de l’Eubée et de Corinthe.

Il fut un temps où File était l’avant-poste des Hellènes dans la direction du nord ; et c’est là la raison du rôle considérable qu’elle a joué dans le développement de la marine hellénique. En effet, en raison même de sa position, il fallut la mettre en état de se défendre, et elle arriva ainsi plus tôt que les autres colonies à se rendre indépendante. Elle fut obligée de protéger elle-même ses côtes et elle s’habitua à considérer la mer avoisinante, en remontant à partir de l’entrée du golfe d’Ambracie, comme sa propriété. Elle se créa une marine qui rivalisait avec celle de Corinthe, et son indocile fierté la poussa à se révolter contre sa métropole. Tandis que la guerre de Lélante se décidait encore par des combats de terre, on vit pour la première fois une querelle entre villes grecques tranchée par une bataille navale (665. Ol. XXVIII, 4), la première bataille de ce genre dont on eût souvenir en Grèce[20]. La défection de Corcyre fut une des causes qui amenèrent la chute des Bacchiades[21], et, bien que Périandre ait subjugué l’île à nouveau, les Corinthiens ne vinrent jamais à bout d’y rétablir leur domination sur des bases durables.

Mais Corcyre tient aussi dans l’histoire de la colonisation hellénique une place exceptionnelle. Située sur la limite de la mer Adriatique et de la mer de Sicile, elle était à portée de l’Italie aussi bien que de l’Illyrie ; de là, le double courant de colonisation dont elle a été le point de départ.

L’un de ces courants remonta la côte occidentale du continent grec, lequel était resté totalement étranger aux progrès de la civilisation hellénique et fut, pour cette raison, colonisé comme une terre barbare. C’est vers 650 que le grand mouvement colonisateur commença dans les eaux de l’Adriatique. Là, Corinthe et Corcyre opérèrent en commun, principalement au temps de Périandre, au moment où fut fondée Epidamne, plus tard Dyrrhachion[22]. Corinthe avait la direction de l’entreprise ; mais la majeure partie des colons étaient des Corcyréens. Il en était de même à Apollonie, que l’on avait bâtie au bord de l’Aoos, sur un terrain volcanique extrêmement fertile. Les peuplades illyriennes ne se montrèrent pas inabordables. On leur fournit du vin, de l’huile, et des produits industriels de toute espèce contre des bois, des métaux, du bitume. Les plantes cueillies sur les montagnes illyriennes allèrent à Corinthe alimenter les fabriques de parfums[23] ; on expédia à destination des ports grecs des quantités de bétail à abattre ; on lit la traite des esclaves ; si bien que les places de commerce fondées dans ces régions comptèrent bientôt parmi les marchés les plus fréquentés de l’ancien monde. Or, plus la mer Adriatique effrayait la majorité des marins grecs, plus les Corcyréens s’approprièrent les avantages de ce mouvement commercial. C’est ce qui les mit en état de secouer le joug qu’ils avaient un instant accepté et de tenir tête avec leurs seules forces à leur métropole.

D’autre part, Corcyre était aussi le seuil de l’Italie. Au nord de File, il n’y a, pour séparer les continents, qu’un détroit moins large que la distance qui sépare la Phénicie de Cypre ou Cythère de la Crète ; des montagnes de l’île, on aperçoit les Apennins. Il y a eu là des relations internationales bien avant l’époque de la colonisation chalcidienne.

La partie du continent d’outre-mer qui s’approche le plus près des monts Acrocérauniens est une étroite langue de terre qui fait saillie entre la mer de Tarente et celle d’Ionie et s’avance au loin vers l’est, comme si, en cet endroit, l’Italie voulait tendre la main à la Grèce. C’est la terre des Iapyges ou Messapie. Cette région péninsulaire dut, à cause de sa position géographique, être occupée la première par les peuples qui, de la Crète, de la Lycie et de l’Ionie, lançaient leurs marins dans toutes les directions, ainsi que par les tribus établies sur les côtes de la Grèce occidentale.

Les Messapiens passaient pour des descendants des Crétois. On rapportait à des Arcadiens navigateurs, ce qui veut dire à des tribus crétoises portant ce nom, l’origine des Peucétiens et des Œnotriens ou vignerons qui habitaient la même contrée. On retrouve dans d’autres régions colonisées par les Crétois des noms et groupes de noms absolument identiques, comme Hyria et Messapion. Entre Brentésion et Hydrus, c’est-à-dire, entre les points les plus abordables de la côte italienne, à quelque distance de la plage, se trouvait l’endroit appelé Lupiæ ou Lyciæ, dont le nom indique la part prise par les Lyciens à la fondation de ces établissements[24]. Enfin, ce qui reste de l’écriture et de la langue des Messapiens nous permet d’y reconnaître une certaine analogie avec les vieux dialectes grecs[25]. Nous avons donc de borines raisons pour admettre que les Grækes et les Italiotes, ces peuples frères, après s’être jadis séparés dans les montagnes de l’Illyrie, se sont rejoints par la voie de mer dans le sud de la péninsule italique et ont de nouveau frayé ensemble. C’est par là qu’ont été introduits l’olivier, la vigne, le platane, le cyprès et autres végétaux helléniques, par là qu’ont pénétré, avec une foule de connaissances transmises des Grecs aux Italiotes, quantité de mots grecs qui sont devenus propriété nationale des peuples italiques. Ces termes importés appartiennent généralement à un cercle d’idées qui suppose une civilisation déjà avancée, par exemple, aux procédés techniques de l’architecture, comme calx, machina, thesaurus, ou de l’art nautique, comme gubernare, ancora, prora, aplustre, faselus... etc.[26]

Cette action considérable exercée sur l’Italie par des tribus grecques dans la période préhistorique, au temps où la Crète dominait les mers, se fit sentir principalement sur la côte orientale que Pline appelle avec raison le fronton de l’Italie[27], parce que, comme la côte orientale de la Grèce d’Europe, elle a été la première à recevoir l’excitation féconde apportée par les colons d’outre-mer et qu’elle l’a plus vivement ressentie.

Cependant, le côté de l’occident ne resta point en dehors de cette influence. Comme la mer de l’est ou mer Ionienne, celle de l’ouest ou mer Tyrrhénienne doit son nom à des tribus grecques de l’Asie-Mineure, à ces Tyrrhènes ioniens qui ont découvert le détroit de Sicile, qui ont apporté de la Lydie, leur pays, sur la côte occidentale de l’Italie les premiers germes de civilisation entendue à la manière grecque, et s’y sont établis eux-mêmes en groupes nombreux.

Les relations ouvertes par les marins de l’Asie furent continuées, et avec une ardeur des plus actives, par les insulaires de la Grèce occidentale, c’est-à-dire, par les peuplades lélèges des Céphalléniens, Taphiens et Téléboëns. D’abord, les indigènes établis aux alentours des mines du golfe Thermaïque commencèrent par transporter sur la plage orientale le cuivre, métal très recherché aux temps héroïques ; puis, les matelots contournèrent la pointe la plus méridionale de la péninsule, la partie qui, pour les Grecs, était l’Italie proprement dite, et allèrent chercher le cuivre jusqu’à Témèse, pour l’échanger contre du fer et de l’acier. C’est ainsi que le roi des Taphiens, Mentès, fait le commerce entre la Grèce et l’Italie ; ses vaisseaux vont et viennent en toute sécurité d’un bout à l’autre du détroit, et des captifs grecs sont vendus à haut prix aux Sicules[28]. Ainsi donc, la plus ancienne indication qui nous renseigne sur ce qui se passait dans cette mer, celle que nous ont conservée les chants relatifs à Ulysse et à Télémaque, nous montre les deux rivages en relation, et en relation déjà intime. Ce sont là les plus anciens rapports que puissent attester, entre les côtes de la Grèce et celles de l’Italie, des faits avérés et une tradition dont la souche a porté bien des rameaux. Encore les tribus grecques n’ont-elles fait que continuer des relations remontant à une époque très reculée, quand elles ont pris part au commerce du cuivre mis en train par les Phéniciens. En tout cas, ce commerce entra dans une période nouvelle lorsqu’il ne resta plus abandonné à des peuplades errantes, mais fut dirigé par des villes et suivant Un plan déterminé. L’initiative revient, cette fois encore, aux vigoureux enfants de l’Eubée qui, pour se procurer du cuivre, retrouvèrent, à force d’énergie, les anciennes routes de l’Occident.

Lorsque les Chalcidiens prirent en main le commerce de métaux fait avant eux par les Taphiens et qu’ils firent le tour de, la péninsule italique, ils trouvèrent partout les traces d’établissements grecs datant d’une époque antérieure, et leur tâche de commerçants et de colons en devint singulièrement plus facile. Mais, nulle part ils ne trouvèrent une contrée qui répondit mieux aux besoins de leur négoce que la côte de Campanie, où se trouvent réunis le sol le plus productif et le rivage le plus heureusement conformé. L’île qui se trouve à l’entrée du golfe, du côté du sud, Capri, avait été occupée par des Téléboëns ; sur les îles placées en face dans la direction de l’ouest, les Pithécuses, où les métaux abondent, les marins eubéens fondèrent une ville à laquelle ils donnèrent le nom de l’ancienne capitale de leur île à eux, Kyme [Cume].

Les Pithécuses, Ænaria (Ischia) et Prochyte (Procida), sont des produits de la même force volcanique qui a soulevé du fond de la mer, au nord du golfe, deux montagnes affaissées depuis et dont les cimes ont été remplacées soit par des rades ouvertes, soit par des lacs poissonneux. Il y a un endroit où les bords du cratère septentrional se rejoignent, à une assez grande altitude au-dessus du niveau de la mer, en face des Pithécuses. C’est là l’emplacement que les colons eubéens sont allés chercher pour y recommencer à nouveau frais la fondation de leur ville. De cette hauteur, qui du côté de la terre est d’accès difficile, on domine les magnifiques golfes de Misène et de Puteoli avec les îles environnantes, et, pour une ville qui allait être le centre du commerce du cuivre sur la côte tyrrhénienne, la position était des plus heureuses. Ce lieu devint le rendez-vous d’une foule de marins dispersés qui, en Sardaigne et ailleurs, n’avaient pu arriver à se grouper en cité, et ainsi se forma la Cume de terre ferme qui, la tradition est unanime à l’affirmer, a été la plus ancienne ville grecque assise en pays italique dont les Hellènes aient gardé le souvenir[29].

Sa fondation remonte à une époque où Kyme, celle qui s’élevait sur la côte orientale de l’Eubée, avait encore parmi les villes insulaires une espèce de primauté, par conséquent, à peu près au temps où des bans d’émigrants partirent de l’Eubée pour l’Éolide et on se fonda également sur la côte asiatique une nouvelle Kyme[30]. La métropole eubéenne doit s’être épuisée dans cet effort : elle fut peu à peu éclipsée par les deux villes riveraines de l’Euripe, et si complètement qu’on s’habitua par la suite à considérer la colonie italique comme une fille de Chalcis et d’Érétrie, sans que son nom, le témoignage de sa filiation originelle, ait jamais été changé pour cela.

Des siècles durant, Cume est restée isolée sur sa falaise solitaire, comme une sentinelle avancée de la civilisation grecque dans l’extrême Occident. C’est là que le génie grec a, pour la première fois, pris possession du sol italique et ; y a enfoncé profondément ses attaches. C’est de là que se sont répandus à profusion, sur les plages avoisinantes, les cultes grecs et les légendes héroïques ; c’est de là aussi que probablement Æthalia (Elbe), l’île de cuivre et de fer, a reçu son nom et sa vocation historique. Née au moment mit a commencé l’expansion des tribus helléniques par la voie de mer, Cume se défendit vaillamment depuis lors contre les Barbares des alentours, jusqu’au jour où, la mer étant pacifiée, des renforts arrivèrent de l’Eubée, de Samos et autres lieux et où, sous cette affluence, le double golfe de Naples se convertit en une Grèce florissante.

Sous les champs phlégréens, dont la luxuriante fécondité remplaçait pour les Chalcidiens de Campanie leur plaine de Lélante, est couché, suivant la légende grecque, un géant enchaîné dont le corps s’allonge dans la direction de la Sicile et qui exhale sa rage par le gouffre de l’Etna[31]. Les marins de l’Eubée avaient une prédilection visible pour les régions volcaniques : ils en connaissaient les dangers, mais ils savaient aussi en apprécier et en mettre à profit les avantages. Aussi, la cime de l’Etna était-elle pour eux, dans leurs traversées, un centre d’attraction irrésistible. Avant tout, il leur fallait, peur assurer leur passage dans la mer Tyrrhénienne, un établissement à demeure et un port de refuge sur le détroit de Sicile. On retrouve là une particularité déjà constatée dans le développement de la colonisation milésienne, c’est que les stations intermédiaires sont moins anciennes que les têtes de ligne aboutissant aux rivages d’outre-mer. Les Eubéens bâtirent donc sur l’Euripe de Sicile, où ils retrouvaient le flux et le reflux de leur détroit à eux, une ville forte qu’ils appelèrent Rhégion, c’est-à-dire cassure, à cause de la brèche par laquelle l’irruption des eaux semble avoir détaché l’une de l’autre l’île et la péninsule[32].

Il y a entre cette fondation et le commerce de Cume un rapport étroit ; et ce qui le prouve, c’est que, avant même qu’elle ne fût faite, des bandes grecques venues de Cume s’étaient avancées jusqu’au port sicilien de Zancle[33], — ainsi nommé de la langue de terre en forme de faux qui le protège, — et avaient engagé leur métropole à transformer cet établissement en une colonie définitive destinée à assurer leurs relations avec la mère-patrie. Ainsi, pour dominer le détroit, on créa là deux villes, placées comme Panticapée et Phanagoria sur le Bosphore de l’extrême nord. Ces fondations coïncident avec l’époque de la première guerre de Messénie. Les Chalcidiens profitèrent des désordres du Péloponnèse pour mener dans leurs colonies des familles messéniennes qui fuyaient leur patrie. Par toute son histoire, Rhégion appartient plutôt à la Sicile qu’à l’Italie, et l’on garda jusque fort tard l’habitude de relâcher à Rhégion en faisant route pour la Sicile.

Ce n’était pas là un point d’arrêt. Presque simultanément, la colonisation grecque s’avança d’un pas sûr dans deux directions opposées, vers le nord comme vers le sud. Elle commença par le sud.

En Sicile, les Grecs n’avaient pas les coudées aussi franches que dans le Pont, au nord ; ils étaient limités dans le choix des emplacements. Une partie du sol, et la meilleure, était aux mains des Phéniciens et Elymes ou Troyens[34]. Les Phéniciens, que l’on avait évincés de la mer Égée et des bassins connexes, n’en étaient que plus nombreux et plus solidement installés de ce côté. La fondation de Rhégion dut déjà leur paraître une agression contre la Sicile ; mais, lorsqu’ils virent les Grecs prendre pied sur les deux rives du détroit, ils se préparèrent avec d’autant plus de résolution à défendre leur propriété. Ils n’étaient pas seuls. A côté d’eux, il y avait aussi les Sicules indigènes qui, sous la conduite de chefs belliqueux, disputaient le terrain aux nouveaux colons, bien qu’en somme ils eussent plus de sympathie pour les Grecs que pour les Phéniciens.

Les établissements grecs étaient de deux sortes. D’abord, on chercha à s’emparer des points que l’on jugeait indispensables au commerce. Là, on regardait moins à la qualité du terroir qu’a, la situation. On tenait à être à portée des principales voies maritimes. Zancle était un de ces points. On ne pouvait pas laisser un port comme celui-là en des mains étrangères ; il fallait y être le maître si l’on voulait que la mère-patrie et les colonies eussent leurs communications assurées[35].

Ensuite, on se mit en quête d’endroits réunissant les conditions les plus favorables au développement d’une cité grecque. On eut le choix entre quantité de plaines rangées le long de la côte, des plaines en forme de vallons abondamment arrosés qui s’enfoncent dans le massif de l’intérieur, protégées sur leurs derrières par des montagnes, ouvertes sur la plage et pourvues d’ancrages commodes. Des plaines côtières comme celles-là, d’une fertilité dont nulle terre grecque n’approche, on en trouve tout une rangée sur le rivage oriental de l’île, celui qui, du détroit de Sicile, descend vers le sud[36]. C’est dans cette direction que les Grecs ont dû tout d’abord tourner leurs regards, ces contrées étant à la fois les plus rapprochées d’eux et les plus éloignées des principaux établissements phéniciens. Il y avait longtemps déjà que la cime de l’Etna était pour les pilotes chalcidiens un point de mire : du flanc de la montagne, au nord, jaillit l’Acésine ; c’est à l’embouchure de ce ruisseau que fut fondée en 736 (Ol. XI, 1) la première colonie sicilienne proprement dite, la ville de Naxos.

C’était une colonie chalcidienne ; et pourtant, l’homme qui a joué le principal rôle dans l’histoire de sa fondation était un Athénien, Théoclès. C’est Théoclès qui a découvert l’emplacement favorable, lui qui, dans la mère-patrie, a poussé à l’émigration et recruté pour son entreprise des aventuriers doriens et ioniens : s’il a appareillé de Chalcis, cela prouve qu’à l’époque les hommes les plus entreprenants étaient obligés d’avoir recours aux grands foyers de colonisation et ne trouvaient que là les moyens de mettre leurs projets à exécution. Le nom de la nouvelle cité montre qu’il y eut parmi ses fondateurs quantité de gens des Cyclades. Delphes leur donna sa bénédiction, et l’autel élevé à Apollon sur la plage de Naxos marqua pour toujours l’endroit où les Grecs avaient pris pied pour la première fois sur le sol sicilien[37].

Ce fut un événement dont les conséquences ont retenti au loin dans l’histoire grecque tout entière. A partir de ce moment tribus et villes grecques s’éprennent tout d’un coup et à l’envi d’un beau zèle pour le rivage de Sicile, dont les récits les plus séduisants, colportés dans la mère-patrie, vantent la splendeur. Mais, cette fois encore, l’émulation fut une cause de mésintelligence et de scission. La population, recrutée par Théoclès dans des tribus différentes, ne put rester unie. Les Mégariens se séparèrent et s’avancèrent du côté du sud. Les Bacchiades de Corinthe saisirent avec beaucoup d’habileté le moment favorable ; ils attirèrent à eux les Mégariens et, dès l’année suivante (735. Ol. XI, 2), ils fondèrent une ville à eux sur File d’Ortygie, enlevant ainsi par avance aux Chalcidiens le meilleur port de la côte orientale. Les marchands phéniciens qui étaient installés sur l’île d’Ortygie y restèrent et y vaquèrent tranquillement à leur industrie[38] ; le concours de nationalités différentes ne fit que hâter le rapide épanouissement de Syracuse.

Cette scission consomma la rupture de la concorde patriotique qui avait présidé aux débuts de la colonisation. Avec la langue et la civilisation grecque, les émigrants transportèrent aussi sur le sol de la Grèce nouvelle leurs rivalités de tribus et semèrent ainsi les germes des dissensions qui, plus tard, divisèrent la Sicile grecque en deux camps.

Comme les Chalcidiens continuaient à occuper de plus en plus complètement les flancs de l’Etna et que, dans les cinq années subséquentes, ils fondèrent Catane, ainsi que Léontini, — celle-ci bâtie sur un cours d’eau navigable, le Térias, et réunissant à un degré rare tous les avantages d’une ville agricole et d’une cité maritime, — on fit encore une tentative pour grouper ensemble les tribus. Les Mégariens qui, de par leur origine, étaient à moitié ioniens, à moitié doriens, demeurèrent un instant chez les Léontins. Mais on ne les associa pas à la jouissance des fertiles campagnes qui entouraient la ville. Les Mégariens émigrent de nouveau ; ils cherchent en divers lieux un abri, jusqu’à ce qu’enfin ils trouvent au nord de Syracuse, sur le golfe qui s’ouvre à l’est en avant des montagnes Hybléennes, une patrie définitive. Ils y obtiennent des terres par voie d’accommodement avec un roi sicule, et fondent Mégara-Hyblæa (728. Ol. XIII, 1).

Ainsi, malgré toutes les dissensions, et même en partie à la faveur de ces discordes, toute la côte orientale, du cap Pachynos au cap Péloros, fut hellénisée en un laps de temps incroyablement court[39], et l’on eut, dans le plus beau pays de la Méditerranée, un domaine colonial d’une seule pièce, où chacune des villes intéressées avait trouvé sa place.

Les Mégaréens se trouvaient les moins bien partagés. Sans doute, leur plaine et leur golfe comptaient parmi les meilleurs de la Sicile ; mais, là comme dans la mère-patrie, ils se trouvaient enclavés entre un territoire ionien et un territoire dorien, de sorte qu’ils n’avaient pas la liberté de leurs mouvements. Ils avaient, d’un côté, Léontini ; de l’autre, Syracuse qui, bien que de même sang et placée à peu près dans les mêmes conditions matérielles que Mégara, distança bien vite sa voisine. C’est que Syracuse avait le champ libre derrière elle. Il n’y avait pas trois générations qu’elle existait que déjà elle était en mesure de sortir de son île pour pousser ses conquêtes à l’intérieur et fonder dans la montagne, au-dessus des sources de l’Anapos, la ville d’Acræ (664. Ol. XXIX, 1). C’est aussi vers cette époque que Syracuse doit avoir élevé les fortifications d’Enna, la citadelle de la Sicile[40]. Ce furent là les derniers succès marquants obtenus par la politique coloniale des Bacchiades.

En même temps, l’esprit entreprenant de la race grecque s’était jeté sur le continent italique, notamment sur le littoral du golfe de Tarente qui, en raison des produits du sol et de la mer, surtout à cause de ses coquillages à pourpre, avait déjà attiré les marins phéniciens.

Le courant d’émigration qui se porta de ce côté venait principalement de lamer de Corinthe. Les Chalcidiens en route pour l’Occident embarquaient là des aventuriers désireux de s’expatrier, et c’est ainsi qu’ils mirent ces contrées en relation avec les pays de l’ouest. Voilà comment Tritæa, par exemple, une ville bâtie dans les montagnes de l’Achaïe, se trouvait de longue date en relation avec la Cume italique[41].

L’oracle. de Delphes fit ce qu’il put pour accroître, à Ægion et dans les villes maritimes des environs, la confiance dont jouissaient les Chalcidiens, les plus fidèles serviteurs et les messagers d’Apollon Pythien. Quand le crédit des Chalcidiens fut en baisse, es Corinthiens prirent la direction du mouvement, comme on s’en aperçoit déjà lors de la fondation de Crotone. Mais, nulle part la population en excès ne se montra plus pressée de partir que sur l’étroite bordure de l’ancienne Ægialée, où Ioniens et Achéens habitaient côte à côte dans une rangée de villes serrées les unes contre les autres.

Les Chalcidiens avaient des intérêts commerciaux qui les attiraient tout particulièrement au delà du détroit, dans la mer Tyrrhénienne ; c’est pour cela qu’ils passaient sans s’y arrêter devant les bords du golfe de Tarente. Pourtant, au point de vue de l’agrément du climat et des richesses naturelles, le versant oriental de l’Apennin était bien préférable au versant de l’ouest. La nature n’y avait pas prodigué les ports ; mais, dans une mer abritée comme celle-là, les ancrages et les baies ouvertes suffisaient. Il y avait, le long de la côte, des plaines largement irriguées qui n’avaient pas leurs pareilles pour la culture des céréales ; les hauteurs se prêtaient à merveille à la culture de la vigne et de l’olivier, ainsi qu’à l’élève des bestiaux ; les forêts qui couvraient l’étage supérieur fournissaient aux constructeurs de navires une provision inépuisable de bois et de poix ; si bien qu’on ne pouvait rencontrer nulle part des conditions plus avantageuses au développement d’une prospérité dont tout le monde aurait sa part. Parmi les habitants, les Œnotriens, qui habitaient le flanc des montagnes jusqu’à la mer, et les Chaoniens ou Choniens se distinguaient par l’état plus avancé de leur civilisation. Dans le pays des Choniens existait déjà, de temps immémorial, une ville hellénique, Siris, qui se prétendait d’origine troyenne[42]. Partout l’on rencontre des traces d’une civilisation grecque antérieure. Aussi, la population philhellène s’associa volontiers aux nouveaux foyers de culture intellectuelle ouverts par les Grecs, et le renfort qu’elle fournit contribua à rendre en peu de temps leurs villes grandes et florissantes.

C’est dans ce milieu que furent fondées presqu’en même temps, en face du promontoire Iapygien, sur des points de la côte qui se trouvaient le long de la route suivie par les navires chalcidiens, deux villes voisines l’une de l’autre : d’abord, Sybaris (721. Ol. XIV, 4), placée dans un vallon luxuriant, à l’endroit où les ruisseaux de Crathis et de Sybaris se réunissent pour former une petite rivière ; puis, bientôt après, Crotone, à cinq milles de là, sur une sorte de terrasse plus élevée et plus dégagée que forme au bord de la mer une saillie de l’Apennin. Les colons appartenaient, pour la plupart, à l’ancienne population ionienne de la côte septentrionale du Péloponnèse : il y eut aussi, parmi ceux qui prirent part à la fondation de Sybaris, des gens de Trœzène. Seulement, comme, dans la mère-patrie, les Achéens avaient fini par se rendre maîtres, après de longues luttes, de l’hexapole ionienne, la colonisation se fit aussi sous la conduite de familles achéennes. Myscellos, le fondateur de Crotone, était un Héraclide d’Ægæ ; le fondateur de Sybaris était originaire d’Héliké. L’ancienne hostilité des deux races se réveilla dans les colonies et amena des explosions qui ensanglantèrent l’histoire de Sybaris. Tandis que le génie ionien prit le dessus dans cette ville, Crotone resta plutôt achéenne. Mais, de part et d’autre, ce fut évidemment l’énergie des familles achéennes qui imprima à l’histoire des deux villes une allure moins mesquine. Il y avait chez elles plus de sens politique que chez les négociants chalcidiens, qui se trouvaient satisfaits quand leurs plans de commerçants et d’industriels avaient abouti. Ceux-ci n’avaient en vue que les communications par mer, tandis que les Achéens s’occupèrent d’agriculture, soumirent les indigènes, agrandirent le territoire de la ville et organisèrent des confédérations.

Les deux cités se créèrent chacune un domaine sur la terre ferme. Les Sybarites remontèrent les cours d’eau qui se jettent à la côte, franchirent les hautes crêtes calcaires de l’Apennin de Calabre, et se frayèrent un chemin à, travers les fourrés du bois de Sila jusqu’à l’autre rivage où ils fondèrent une série de villes. La ville de Poséidon (Pœstum) était la plus avancée au nord des vingt-cinq colonies fondées par les bourgeois de Sybaris[43]. Les Crotoniates en firent ‘Autant de leur côté : ils soumirent le haut pays qui s’étage sur une largeur encore plus grande au-dessus de leur plage, et s’approprièrent les anciennes mines de cuivre situées sur le bord du golfe de Térina. Ainsi, les cités achéennes devinrent comme les capitales de petits empires dans lesquels les tribus œnotriennes et osques vivaient sous la suzeraineté de républiques grecques.

A la suite des émigrations péloponnésiennes vinrent des colons partis de l’autre bord du golfe de Corinthe. C’étaient des Louions qui, pour éliminer de leur cité des éléments trop remuants, fondèrent au pied du promontoire Zéphyrien une nouvelle Locres, tout à côté de Rhégion avec qui ils partagèrent la possession de la pointe la plus méridionale de l’Italie.

Enfin, les Hellènes occupèrent aussi la partie la plus enfoncée du golfe, le coin de terre le plus riant que connût le poète apulien, le rivage de ce que l’on appelle aujourd’hui mare piccolo. Il n’y a là, il est vrai, qu’une côte plate ; mais on y trouve pourtant un excellent port, le meilleur de tout le littoral, et un sol bien arrosé qui monte en pente douce à partir de la mer, excellent pour l’élève des bestiaux comme pour la culture du froment. Mais surtout, il n’y avait pas, dans les mers d’Europe, de bassin aussi riche que celui-là en coquillages ; c’était là un avantage qui, sans aucun doute, avait déjà été remarqué par les marins phéniciens. Le rivage de Tarente se trouvait, pour cette raison, depuis fort longtemps en relation avec la plus riche pêcherie de pourpre qu’il y eut dans les eaux grecques, avec le golfe de Laconie, et ce sont des colons laconiens qui, dans un temps où de graves dissensions mettaient en péril l’État spartiate, y ont fondé la ville de Tarente. Le fait est symbolisé, sur les monnaies d’argent frappées à Tarente, par l’image gracieuse d’un jouvenceau qui, porté par un dauphin, glisse sur les vagues et montre de loin au rivage où il va aborder le trépied apollinien. Ce jeune homme, c’est Apollon Delphinios, le dieu qui avait conduit jadis les Crétois à Delphes, qui les avait guidés ensuite jusqu’au rivage italique (car Taras passait, non sans raison, pour un petit-fils de Minos), et qui maintenant, de son temple de Delphes, amenait aussi les Lacaniens pour fonder la nouvelle ville.

Lorsque l’ancienne ville bâtie par les Chaoniens sur les bords de l’Aciris et du Siris eut été fondée à nouveau par des Ioniens de Colophon et fut devenue cette cité dont les chants d’Archiloque vantaient, dès le milieu du vue siècle, la magnifique situation ; lorsqu’enfin, un peu plus à l’est, Métaponte eut été édifiée par des familles achéennes sous la conduite d’un œkiste de Crisa ; alors, tout le demi-cercle du beau golfe se trouva bordé de villes grecques. Ces établissements se trouvent répartis d’une façon si intelligente et séparés par des intervalles si bien mesurés que l’on est forcé d’admettre, ou bien un accord réciproque, ou bien l’effet d’une direction supérieure imposant un plan d’ensemble.

En Italie aussi, les cités d’origine diverse ont commencé par vivre entre elles sur le pied de concorde et par conclure des traités sous la protection desquels elles purent grandir en toute sécurité, chacune tirant parti des avantages de sa situation topographique et s’adonnant, celle-ci plutôt au commerce, celle-là à l’élève du bétail, telle autre à l’agriculture ou à l’industrie. Nous reconnaissons encore les vestiges des institutions amphictyoniques qui les groupaient et qui venaient surtout des Achéens. Comme les villes d’Achaïe, les colonies implantées sur le sol de l’Italie vénéraient en Zeus Homarios ou Homagyrios le patron de leurs institutions politiques communes : sou autel était le foyer des colonies achéo-ioniennes. Le culte de Héra eut, à ce point de vue, une influence plus grande encore. Transplanté de l’Argos achéenne, sa patrie d’élection, il avait trouvé sur le promontoire Lacinien, au sud de Crotone, un terrain éminemment favorable[44]. Ce cap, qui était pour les navigateurs un point de repère et un lieu de débarquement, devint le centre de grandes fêtes placées sous la direction des Crotoniates. Le temple, situé dans une épaisse forêt de pins, était le rendez-vous de toutes les cités d’alentour ; il était relié par des voies sacrées aux villes des Italiotes qui y envoyaient leurs députés, y délibéraient sur les questions d’intérêt commun, et y exposaient les produits les plus achevés de leur art et de leur industrie. Même dans les poids et monnaies, il régnait un accord qui témoigne du génie organisateur des Achéens, et, jusque dans les colonies les plus lointaines des Sybarites, sur les frontières de la Campanie, nous trouvons la tète de Héra Lacinia servant d’écusson fédéral. Au temps de Solon, la frappe des monnaies, réglée d’après le système corinthien, et la fédération politique qu’elle suppose étaient, dans la Grande-Grèce, en pleine activité.

Mais, combien il est rare que l’histoire nous permette de suivre du regard le paisible développement d’un système bien organisé ! Les traditions dont elle dispose ne commencent guère que quand ce système se disloque et que les dissidences se manifestent. Voilà pourquoi nous ne connaissons le sol béni de la Grande-Grèce que comme le théâtre des luttes les plus sanglantes, luttes qui éclatèrent à l’époque où la discorde se mit d’abord entre les villes achéennes et les villes ioniennes, puis, arma les unes contre les autres les cités achéennes elles-mêmes.

Tarente avait, elle aussi, comme l’attestent ses monnaies, subi un moment l’influence achéenne. Mais elle s’en est affranchie de bonne heure, et, livrée à sa propre initiative, elle a éclipsé toutes les villes voisines. A l’étroit du côté du sud, elle trouvait la voie d’autant plus libre au nord et pouvait opérer en grand de ce côté. En fait de colonies, elle n’en a point tiré de son sein dans les premiers temps, à l’exception des places fortifiées qu’elle établit dans les gorges du Samnium pour la défense de son territoire ; un de ces postes avancés portait le nom d’une ancienne bourgade spartiate, Pitane, près du gué de l’Eurotas[45]. Mais l’influence de Tarente s’étendit de préférence sur la côte orientale. Elle était, en effet, un entrepôt placé sur la limite de la mer Adriatique et de lamer de Sicile ; c’est dans ses ports que les navires allant d’Épidamne vers le sud et vice versa renouvelaient leur cargaison. Avant que Brentésion (Brundisium) n’acquît une situation indépendante, Tarente faisait le commerce de transit entre la Grèce et l’Italie[46]. Ses opérations commerciales s’étendaient, par delà l’Illyrie, jusqu’en Istrie[47], et, sans aucun doute, elle était aussi en relation avec les places maritimes du fond de l’Adriatique, notamment avec la très ancienne ville pélasgique d’Hatria, dans le delta du Pô. Hatria était, à son tour, le point de départ des routes qui s’enfonçaient au nord dans les régions transalpines, routes par où l’ambre arrivait aux peuples de la Méditerranée. Les Hellènes se sentaient toujours, en définitive, mal à l’aise dans l’Adriatique, et l’on s’en aperçoit au petit nombre de colonies véritables établies sur ses deux rivages. Pourtant, il y avait dans ces mêmes parages quantité de petites factoreries, comme, par exemple, celle que les Éginètes avaient dans le pays des Ombriens[48]. C’est que le trafic s’y faisait depuis longtemps et sur les articles les plus divers. Il y avait même une grande route continentale menée de l’Adriatique au Pont-Euxin, à travers les Alpes helléniques, avec un marché à moitié chemin où arrivaient, d’un côté, des marchandises expédiées de Lesbos, de Chios et de Thasos, de l’autre, des poteries fabriquées à Corcyre[49].

 

 

 



[1] ARISTOTE, Hist. an., V, 15. ATHÉNÉE, III, p. 88 f.

[2] PLUTARQUE, Defect, orac., 43. BŒCKH, Staatshaushaltung, II, p. 169. Sur Chalcis, voyez DONDORFF, De rebus Chalcidensium, 1855. K. F. HERMANN, Die Kaempfe zwischen Chalkis und Eretria (ap. Gesanun. Abhandl., p. 187 sqq.).

[3] DÉMOSTHÈNE, IX, 126.

[4] LEAKE, Travels in northern Greece, III, p. 160 sqq.

[5] THUCYDIDE, IV, 104.

[6] STRABON, p. 447.

[7] D’après EUSÈBE, ad Ol. CXXIX, 1, Astacos a été fondée 448 ans avant Ol. CXXIX, 1, qui correspond à 264 avant J.-C.

[8] Sur la guerre entre Chalcis et Érétrie, voyez HÉRODOTE, V, 99. La légende du roi Amphidamas appartient à une guerre antérieure.

[9] THUCYDIDE, I, 13. La participation des Cypsélides, que suppose VISCHER (Gœtt. gel. Anzeigen, 1864, p. 1378. Kleine Schriften, I, p. 600. Cf. BERGK, Griech. Literaturgeschichte, p. 950) reste très contestable.

[10] Supériorité de la cavalerie des Érétriens (PLUTARQUE, Erotic., 17. HERMANN, p. 198. Cf. ARISTOTE, Politique, p. 148, 19). Les colonies datent de la domination des Hippobotes (ARISTOTE, ap. STRABON, p. 447. BŒHNECKE, Forschungen auf den Gebiet der attischen Redner, 1843, p. 95 sqq.).

[11] Cf. VISCHER, loc. cit.

[12] STRABON, p. 320.

[13] Byzance a été fondée deux fois : d’abord, dix-sept ans après Chalcédoine (EUSÈBE ap. HIERONYM., ad Ol. XXX, 3. HÉRODOTE, IV, 144), c’est-à-dire en 657 (Ol. XXXVIII, 1) : puis, pour la seconde fois, en 628, d’après Io. LYDUS, Mag. rom., III, p. 280.

[14] HOMÈRE, Odyssée, VIII, 564.

[15] Sur les Iles ioniennes et la mer Ionienne, voyez DONDORFF, p. 8.

[16] Sur Chalcis et Corcyre, voyez W. MUELLER, De Corcyraeorum republica, p. 9. (De part et d’autre, on trouve des noms comme Macris, Eubœa..., etc.).

[17] HOMÈRE, Odyssée, VII, 321.

[18] BURSIAN, Geogr. von Griechenland, I, 185.

[19] PINDER und FRIEDLÆNDER, Beiträge zur ælteren Münzkunde, I, p. 234.

[20] THUCYDIDE, I, 13.

[21] THUCYDIDE, I, 25.

[22] Épidamne est fondée en 625. Ol. XXXVIII, 4 (EUSÈBE, ad ann. 1391. SYNCELL., 213 c.). Sur les colonies des Corcyréens fondées entre Ol. XXXVIII et XLVIII, voyez MUELLER, p. 16.

[23] Sur les fabriques de Corinthe, voyez BARTH, De Corinth. mercat., p. 49.

[24] En ce qui concerne les colonies italiques, les principaux renseignements nous sont fournis par STRABON, p. 252-265, 278-280.

[25] D’après G. CURTIUS, Griech. Etym., p. 116, Messapia équivaut à Μεθύδριον. Sur la Messapie, cf. LEAKE, Num. Hell. Eur., 134.

[26] Influence des Grecs sur la formation de la langue latine, analysée par G. CURTIUS, ap. Verhandl. der Hamburger Philologen – Versammlung. Sur les Iapyges et leurs relations avec les colonies grecques, voyez HELBIG, Hermès, XI, p. 265.

[27] Frons Italiæ (PLINE, Nat. Hist., III, 10, 95).

[28] HOMÈRE, Odyssée, I, 184. Les légendes locales d’origine italique qui ont trouvé place dans le Nostos le plus récent de l’Odyssée conviennent parfaitement aux colonies chalcidiennes. Cf. MUELLENHOFF, D. Alterthumskunde, I, 57.

[29] Cume dans le pays des Opiques (STRABON, p. 243, VELL. PATERCULUS, 4. EUSÈBE, Chron.).

[30] D’après HOLM, Geschichte Siciliens, I, p. 112, Cume a été fondée en 980. Cf. les autres colonies datant de l’époque de la guerre de Troie, dans STRABON, p. 254, 264.

[31] Typhos le géant (PINDARE, Pythiques, I, 16).

[32] PAUSANIAS, IV, 23, 6. STRABON, p. 257. HÉRACLIDE PONT., c. 25.

[33] Ζάγκλη, plus tard Messana [Messine].

[34] THUCYDIDE, VI, 2. Sur les traces d’établissements phéniciens dans les parties occupées plus tard par les Hellènes, voyez HOLM (Gesch. Siciliens, p. 80 sqq.). Sur les établissements qui sont restés phéniciens (ibid., p. 83 sqq.).

[35] Zancle est fondée par Périérès de Cume et Cratæménès de Chalcis (THUCYDIDE, VI, 4). BRUNET DE PRESLES (Recherches sur les établissements des Grecs en Sicile, p. 82) distingue deux fondations ; mais il n’y a pas lieu de contester à Périérès et Cratæménès leur qualité de contemporains. D’après SIEFERT (Zankle-Messana, p. 9), la date de la fondation est comprise entre 735 et 729.

[36] Sur les emplacements choisis par les colons grecs en Sicile, voyez les remarques de SCHUBRING, Umwanderung des megarischen Meerbusens (Zeitschr. f. allgem. Erdkunde, N. F. XVII, p. 434 sqq.).

[37] THUCYDIDE, VI, 3. Sur Naxos, cf. EUSÈBE, HIERONYM., Chron. STRABON, p. 267. Sur Théoclès, voyez BŒRNECKE, p. 111.

[38] Sur les Phéniciens à Orlygie, voyez STARK, ap. Berichte der Sæchs. Gesellschaft d. Wiss., 1856, p. 117.

[39] La chronologie de la colonisation de la côte orientale repose sur le témoignage d’Éphore, de Thucydide et de Scymnos de Chios (EUPHORE ap. STRABON, p. 267. THUCYDIDE, ibid. SCYMN., 273). Mégara Hyblæa a duré en tout 245 ans : elle fut détruite par Gélon aussitôt après Ol. LXXIV, 2 ou 1. Par conséquent la date de la fondation tombe dans la première moitié de Ol. XIII (vers 728). C’est dans les trois années précédentes que se placent les pérégrinations de Lamis, dont on connaissait par le menu les stations et la durée. Cf. POLYEN, Strateg., V, 1, 2. SCHUBRING, op. cit., p. 447 sqq.

[40] Sur les colonies de Syracuse à l’intérieur de la Sicile, cf. SCHUBRING, Akrai-Palazzolo (Jahrbücher für klassische Philologie, Suppl., IV).

[41] PAUSANIAS, VII, 22, 8.

[42] Siris habitée par des Χώνες et des Ίώνες (STRABON, p. 264. TZETZES ad Lycophr., 987. Cf. Res Siritarum dans l’ouvrage de LORENTZ, Tarentinorum res gestæ, 1838, p. 9).

[43] Sur Sybaris, voyez STRABON, p. 263. SCYMNUS CRIUS, 360.

[44] STRABON, p. 261. TITE-LIVE, XXIV, 3.

[45] TH. MOMMSEN, Rœm. Münzwesen, p. 119.

[46] POLYBE, X, 1.

[47] Tarentus, — in ipsis Hadriani maris fancibus positain omnes terras, Histriam, Illyricum, Epirum, etc. vela dimittit (FLORUS, I, 18). Ses relations avec l’Illyrie attestées par PLAUTE, Menæchm., Prol, 32.

[48] STRABON, p. 376.

[49] PS. ARISTOTE, Mirabid. auscult., c. 104.