HISTOIRE GRECQUE

TOME PREMIER

LIVRE DEUXIÈME. — DE L’INVASION DORIENNE AUX GUERRES MÉDIQUES.

CHAPITRE PREMIER. — HISTOIRE DU PÉLOPONNÈSE.

 

 

§ VII. — HISTOIRE DE SICYONE.

Le mouvement populaire, auquel Phidon avait donné le premier une impulsion énergique, ne pouvait trouver, en dehors de l’Argolide, un terrain mieux préparé que l’isthme qui rattache Pile de Pélops au continent. Là, se trouvait fixée, de temps immémorial, une population mêlée de Phéniciens et d’Ioniens ; là, entre deux golfes qui, semblables à de larges routes militaires, conduisent vers l’est et vers l’ouest, le goût de la navigation et du commerce dut s’éveiller de bonne heure et se raidir contre le régime de compression inhérent au système politique des Doriens. C’est surtout dans les villes situées au bord du golfe de l’ouest ou de Crisa que se manifestait la tendance anti-dorienne. Ce sont elles qui ont inauguré le commerce avec l’Occident, comme Phidon l’avait fait avec l’Orient. Toute l’Achaïe était restée, quant an fonds de sa population, une terre ionienne, et c’est là que, vu le développement précoce du commerce et de la navigation, les institutions doriennes se sont le moins profondément enracinées.

Comme les Ioniens avaient partout l’habitude de s’établir à l’embouchure des fleuves, où ils jouissaient de tous les avantages attachés à la proximité de la mer tout en étant à même d’exploiter les produits de l’intérieur, ils ont fondé Sicyone sur le cours inférieur de l’Asopos, dont les sources jaillissent des montagnes argiennes et forment, en se réunissant, un ruisseau qui arrose la vallée haute de Phlionte, puis traverse une longue gorge sinueuse, pour déboucher enfin dans les plaines du littoral au pied du large plateau de Sicyone.

Sicyone était le foyer de la civilisation ionienne qui a imprégné toute la vallée de l’Asopos ; la longue liste des rois sicyoniens atteste l’antiquité qu’on attribuait à la ville. Elle fut, à une certaine époque, la capitale de toute l’Asopie et du littoral adjacent ; puis, l’invasion dorienne brisa le lien politique qui unissait les villes de l’Asopos : Sicyone elle-même dut accueillir dans son sein des familles doriennes.

On n’eut pas besoin pour cela de recourir à des mesures de rigueur ; une ancienne dynastie, de la race des Héraclides, resta debout à côté des Héraclides intronisés par l’invasion. Cependant, la prépondérance passa du côté des Doriens ; leurs trois tribus prirent possession des meilleures terres ; ils formèrent la caste guerrière, l’élite de la société, seule apte aux emplois et dignités. Ils habitaient sur la hauteur qui domine la plage, à portée des fourrés giboyeux de la montagne ; les anciens Ioniens, mêlés au fonds pélasgique de la population, vivaient au bas, exclusivement voués à la pêche et à la navigation dans les eaux du golfe. On les appelait, pour cette raison, par opposition aux familles doriennes, les gens de la plage ou Ægialéens.

C’est probablement à l’occasion de guerres engagées avec les peuples voisins que les privilégiés songèrent pour la première fois à mettre les Ægialéens à contribution pour le service de l’État ; ils durent faire l’office d’écuyers, et, en cas de besoin, soutenir, à titre de troupe légère, la phalange des hoplites. Mais ces devoirs nouveaux leur inspirèrent des prétentions nouvelles ; ils ne voulurent pas rester exclus, comme des étrangers, de l’État qu’ils aidaient à défendre. Les Ægialéens furent adjoints, à titre de quatrième tribu, aux trois tribus doriennes ; nous devons donc admettre que, là aussi, on a tenté de réunir les races par voie législative. Sicyone a donc possédé une constitution avant l’avènement de la tyrannie ; car Aristote rapporte que les tyrans de cette ville ont gouverné d’après les lois du pays, comme les Pisistratides d’après les lois de Solon, autant que la légalité était compatible avec le maintien de leur usurpation[1].

Mais à Sicyone, pas plus qu’à Athènes, ces lois ne pouvaient assurer à l’État un avenir tranquille. Le réveil du commerce qui, depuis le huitième siècle, mettait de nouveau en communication les rivages de l’Archipel, éveilla aussi chez les Ægialéens une vie nouvelle ; le progrès des lumières et du bien-être leur donna le sentiment de leur valeur et ils exigèrent la pleine jouissance de leurs droits civiques. De leur sein s’éleva une famille qui, à la tête du parti populaire, renversa l’État dorien, une famille qui conserva le pouvoir plus longtemps qu’aucune autre dynastie de tyrans, c’est-à-dire, un siècle entier[2], et qui a humilié l’aristocratie plus profondément qu’elle ne l’a jamais été ailleurs.

L’origine de la famille est obscure. Cependant, si celui qui la mit en renom est qualifié de « cuisinier, » il ne faut voir là qu’un sobriquet inventé par le parti adverse. Le premier potentat de cette maison s’appelait Andréas, et c’est lui qui paraît avoir pris le nom officiel d’Orthagoras qui parle avec droiture, pour se donner comme un homme qui, au rebours de ses adversaires, voulait sincèrement le bien du peuple. En conséquence, on appela tous les dynastes de Sicyone les Orthagorides[3].

Ils avaient à opposer, aux propriétaires fonciers et aux chefs militaires de race dorienne, la richesse, les connaissances et l’esprit entreprenant qu’ils devaient à de vastes relations commerciales. Ils surent tirer parti de leur opulence pour arriver au pouvoir. Ils l’étalèrent fièrement et l’employèrent surtout à monter de superbes haras, dans le but d’étendre au loin leur réputation et de gagner des couronnes dans les jeux nationaux. C’était là un luxe qui n’était ni dans les goûts ni à la portée des Doriens, car il fallait être immensément riche pour pouvoir entretenir, pendant des années, des attelages de chevaux et de mulets et les dresser en vue du concours. Ainsi, c’était déjà un triomphe de la réaction anti-dorienne dans le Péloponnèse que d’avoir introduit aussi à Olympie, depuis la XXVe olympiade (680), la course des chars.

A partir de cette époque, les éleveurs de chevaux et les vainqueurs dans les courses de chars formèrent également dans la péninsule une nouvelle chevalerie, qui fit revivre en quelque sorte la magnificence des anaktes achéens, une noblesse d’origine ionienne, libérale, remuante, et aussi aimée du peuple, auquel elle donnait beaucoup à gagner par son luxe et qu’elle régalait, à l’occasion de ses victoires, de spectacles splendides et de festins plantureux, que la caste dorienne, raide et parcimonieuse, l’était peu.

Les tyrans favorisèrent ce goût de toutes leurs forces ; c’était un des appuis de leur pouvoir, car il leur donnait en même temps l’occasion de se mettre en relation avec les cultes nationaux de l’Hellade. Vingt ans après l’olympiade de Phidon l’Orthagoride Myron remporta, dans la course des chars, à Olympie, une victoire qui donna à l’ambitieuse maison une gloire nouvelle. Il sentit alors son élévation sanctionnée par l’autorité du dieu protecteur de la fédération péloponnésienne, et l’on voit combien Myron tenait à. se rapprocher du sanctuaire olympique, par les riches présents dont il le combla et la construction du trésor destiné à conserver toutes les offrandes consacrées au dieu par sa maison[4].

Cet édifice devait être non seulement un monument durable des victoires et de la piété des Orthagorides, mais encore une preuve des ressources nouvelles, des talents artistiques et des inventions techniques dont disposait un prince de Sicyone. Il fit exécuter par ses architectes une construction à deux compartiments, dont les murs, comme ceux des palais héroïques, étaient recouverts de plaques d’airain. L’airain venait de Tartessos, probablement par l’entremise des villes de l’Italie méridionale, parmi lesquelles Siris et Sybaris étaient en relation étroite avec Sicyone. Mais ce n’étaient pas seulement les vieilles formes architecturales que ce monument devait reproduire dans toute leur splendeur ; on y employa encore le style nouveau, avec colonnes et architraves, qui s’était développé surtout dans les villes récemment fondées en Italie et en Ionie, sous deux formes concurremment adoptées, l’ordre nu et sévère que l’on appelait l’ordre dorique, et le genre plus libre particulier aux Ioniens. Ces deux formes de l’architecture nationale furent ici associées pour la première fois, à notre connaissance ; preuve éclatante de, l’essor nouveau et des connaissances variées que Sicyone devait à ses relations avec l’Occident et l’Orient.

Ces relations, qui ne furent pas sans influence sur l’amélioration de la race chevaline à Sicyone, s’étendirent jusqu’à la Libye. C’est de là que Clisthène serait revenu dans sa patrie et se serait ‘emparé du trône après Aristonymos, le fils de Myron. Mais, tout ce que nous savons sur ces événements, c’est que ce fut seulement à la suite de nombreuses luttes politiques, par conséquent après une réaction dorienne, que Clisthène réussit à restaurer la dynastie des Orthagorides.

Tous les actes du nouveau tyran révèlent un esprit de parti exalté, une énergie décidée à trancher dans le vif. Il fallait rompre définitivement avec l’ancien temps et rendre un retour au passé impossible. C’est dans ce but que furent brisés les liens qui unissaient encore Sicyone à sa métropole dorienne, Argos. La personnification mythique de cette union était Adrastos, dont la fête était célébrée de part et d’autre avec pompe, en mémoire de l’antique fraternité d’armes que les deux villes avaient contractée dans la guerre contre Thèbes. Adrastos fut supplanté par un héros du camp ennemi, par Mélanippos, de Thèbes ; des familles thébaines furent introduites à Sicyone avec le nouveau culte, et les familles qui avaient été jusque-là les dépositaires du culte d’Adrastos émigrèrent. Le nom du héros royal cessa de retentir ; les sacrifices qui lui étaient offerts chaque année passèrent à Mélanippos, et ces chœurs qui, naguère, sur la place publique de Sicyone, se rangeaient autour de l’autel d’Adrastos pour chanter ses exploits et ses douleurs, furent désormais consacrés au dieu des paysans, à Dionysos[5].

C’est à ce même esprit d’opposition contre Argos, où s’était sans doute produite, vers cette époque, après la chute de Phidon, une réaction dorienne, qu’il faut attribuer la mesure prise M’égard des poèmes homériques, dont la récitation publique fut défendue[6] ; en effet, si l’on voulait faire disparaître tout sentiment de piété filiale envers la métropole dorienne, il fallait aussi écarter le poète qui avait toujours sur les lèvres l’éloge d’Argos et dont Lycurgue avait fait choix pour soutenir le trône des Héraclides.

Mais le lien le plus puissant qui rattachait Argos et Sparte à Sicyone, c’était la parenté des tribus et leur division identique, division consacrée par une longue habitude. Clisthène fut assez hardi pour abolir cette organisation. Il fit des Ægialéens, désormais appelés Archélaoi les premiers du peuple[7], la classe privilégiée ; les trois autres tribus, qui jadis formaient à elles seules le corps des citoyens jouissant du plein droit de cité, mais que l’émigration, l’extinction des familles, la diminution des fortunes avaient fait déchoir, furent réduites à une condition dépendante. Leurs anciens noms honorifiques furent supprimés, et on leur en donna trois autres empruntés, non pas à des héros, mais à des animaux : Hyates, Onéates, Chœréates[8] La raillerie qui a imaginé ces noms s’explique peut- être par la différence de goûts qui régnait entre les deux parties de la population, relativement au mode de nourriture. Dans les banquets des Doriens, les viandes jouaient un grand rôle, tandis que, chez les Ioniens, les plats recherchés des riches, comme les mets simples des classes pauvres, consistaient en poisson. Aussi, on peut supposer que la malice populaire emprunta aux animaux qui répugnaient le plus aux Ioniens, pour les appliquer aux tribus aristocratiques, ces sobriquets que l’on pourrait traduire à peu près par Marcassinards, Ânonnards, Cochonnards.

A l’exemple de Myron, qui avait tenu à témoigner, par la libéralité de ses offrandes, son respect pour le Zeus olympique, et à se mettre par là en crédit auprès des instituts religieux qui formaient le centre de la vie hellénique, Clisthène chercha à consolider sa dynastie par le même moyen. Là, comme ailleurs, il agit avec audace et énergie, et sut tirer habilement parti des circonstances, même hors de la péninsule.

Or, de toutes les contrées de la Grèce moyenne, il n’en était pas de plus rapprochée des Sicyoniens que le rivage de la Phocide. De chez eux, ils pouvaient contempler chaque jour le Parnasse, dont la masse grandiose, placée juste en face d’eux, formait le fond du paysage, et, au premier plan, la baie profonde et hospitalière, séparée de la hase rocheuse de la montagne par une heure et demie de marche à travers une plaine fertile.

C’est an fond de cette baie qu’avaient abordé jadis des marins crétois : ils avaient élevé sur la plage le premier autel d’Apollon, et, plus loin vers l’intérieur, sur une hauteur qui domine la plaine, à l’issue d’une gorge qui livre passage aux eaux du Pleistos, tout à fait à la pointe de la saillie projetée par le massif montagneux, ils avaient fondé la ville de Crisa, qui devint le centre d’un petit État et une ville de commerce si importante qu’elle donna son nom au golfe tout entier. Crisa, à son tour, bâtit sur la plage le port de Cirrha et, dans la montagne, près de la source de Cassotis, le temple de Pytho ou de Delphes ; mais, toute la côte avec ses sanctuaires apolliniens dépendait de la Crète. C’étaient des hymnes crétois que l’on y chantait ; les rites expiatoires que l’on y employait étaient ceux de la Crète ; la source de Castalie elle-même portait le nom d’un Crétois.

Les conditions dans lesquelles se trouvait la colonie crétoise changèrent lorsque la tribu des Doriens se fut installée à demeure au pied du Parnasse. Le corps sacerdotal de Delphes fit alliance avec les nouveaux venus ; par leur moyen, il étendit de toutes parts son influence ; avec leur secours, il s’affranchit même de la suprématie de Crisa ; les droits qu’avait cette ville à titre de métropole furent restreints ; Delphes devint une république indépendante, et son culte passa pour avoir été importé directement de la Crète. C’est de cette époque que date l’hymne homérique à Apollon Pythien, qui passe Crisa sous silence et montre le dieu crétois s’élançant directement de la plage sur les hauteurs de Delphes pour y marquer le lieu où il voulait être honoré.

Depuis cette époque, la mésintelligence régnait entre Delphes et Crisa. La prospérité croissante de Delphes dépendait essentiellement de la sécurité des voies de terre et de mer par lesquelles affluaient les pèlerins ; et un des plus importants privilèges était que les routes devaient rester exemptes de tout péage vis-à-vis des gouvernements dont elles traversaient le territoire. Ces privilèges étaient placés sous la sauvegarde des confédérés ou Amphictyons, dont le conseil était le gardien des droits du temple.

Or, plus Delphes prospérait, plus les caravanes de pèlerins chargées de trésors se pressaient sur la montée qui conduisait à son temple, plus aussi croissait la jalousie des villes environnantes, qui ne pouvaient voir sans colère Delphes comblée de richesses et choyée à l’envi ; plus elles étaient tentées de créer toutes sortes de difficultés et d’imposer des tributs aux troupes de pèlerins qui traversaient leur domaine. C’est ce que fit, entre autres, Grisa qui, par sa position, était le seuil du Parnasse et commandait l’accès de la montagne, en même temps qu’elle tenait dans ses mains, à Cirrha, le point où abordaient les pèlerins d’outre-mer. Les Criséens commencèrent donc à prélever, sous toute espèce de prétextes, des droits sur les ports et les routes, et à rançonner les pèlerins pour profiter, eux aussi, de la prospérité de leur ancienne succursale[9].

Les circonstances leur étaient favorables. La confédération amphictyonique se trouvait considérablement agrandie à. l’extérieur par les conquêtes doriennes, mais désagrégée au-dedans. La race dorienne s’était dispersée dans une foule d’États ; dans chacun de ces États, elle avait ses occupations et ses visées à part, de sorte qu’il lui était impossible de conserver, du moins dans son ensemble, ses anciennes relations avec sa première patrie. Sparte, il est vrai, avait, au moment où elle régularisait sa situation intérieure, renoué ses relations avec Delphes ; mais les distances l’empêchaient de rétablir l’ancien protectorat. A cet obstacle s’ajoutèrent les embarras qui surgirent sur son propre territoire, les dangers qui l’assaillirent au dedans et au dehors, le peu de mobilité du mécanisme politique inauguré par Lycurgue, enfin, le caractère particulier de la race dorienne, qui se confinait volontiers dans une sphère étroite et qui ne pouvait guère attacher longtemps ses regards sur des objets éloignés. Le plus vaste horizon que Sparte pût embrasser comprenait les affaires du Péloponnèse, et, pour celles-là, le sanctuaire de Pisa formait un centre nouveau, qui reléguait au second plan les relations avec Delphes.

Comme, d’un autre côté, les Doriens qui étaient restés dans les montagnes voisines, les habitants de la Tétrapole, étaient trop faibles pour prendre en main, an nom de la confédération, le patronage de Delphes, le clergé du lieu dut se chercher d’autres auxiliaires, et ses regards se portèrent alors sur les États ioniens, qui, du reste, appartenaient aussi à l’ancienne amphictyonie, sur Athènes et sur la puissante cité qui avait grandi dans le voisinage, juste en face du Parnasse, en pays ionien, Sicyone, la résidence des Orthagorides.

Il est vrai que la constitution de Sicyone, telle qu’elle était à l’époque, était en contradiction flagrante avec les institutions recommandées et sanctionnées par Delphes, et, pour rester fidèle à ses vieux principes, Delphes ne devait avoir rien de commun avec un usurpateur et un révolutionnaire comme Clisthène, qui avait rompu violemment avec la tradition politique et religieuse. Mais la nécessité pressait ; les relations avec Sparte s’étaient refroidies depuis l’abaissement des Héraclides, car ce coup avait en même temps dépouillé les Pythiens de leur influence, tandis que la puissance sans cesse croissante des Éphores était, en quelque sorte, anti-delphique ; on sait qu’ils avaient même un oracle à eux, indépendant de celui de Delphes.

Il n’est donc pas étonnant qu’à Delphes on ait surmonté les répugnances qu’inspirait la tyrannie. On s’y résigna d’autant plus facilement, qu’une alliance avec un prince aussi riche et aussi libéral était fort tentante et promettait de rehausser singulièrement l’éclat de l’oracle. D’autre part, rien ne pouvait être plus agréable à un homme comme Clisthène qu’une brume occasion d’arracher aux mains négligentes des Doriens le patronage de Delphes. Il oublia donc volontiers le refus assez sec qui avait été fait à ses envoyés, un jour qu’il demandait à l’oracle de confirmer ses innovations religieuses, et mit Sur pied une armée respectable pour assurer à la demeure d’Apollon la protection dont elle avait alors besoin. C’était une guerre sainte[10], parce qu’elle était faite en vertu du droit amphictyonique, pour venger la violation de la trêve de Dieu ; c’était une entreprise nationale aux yeux des Hellènes et qui, en même temps, servait les plus chers intérêts de Sicyone. En effet, la prospérité de celle-ci dépendait essentiellement de la sécurité du golfe, et il était pour elle de la plus haute importance que ses correspondants d’Italie, de Sicile et de Libye pussent communiquer sans danger avec elle par cette voie ; elle devait tenir à commander également sur le rivage opposé et à faire taire, pour toujours, les prétentions de Crisa qui avait jadis régné sans partage sur le golfe.

Clisthène n’était pas seul. Athènes, alors dirigée par Solon, se joignit à lui avec empressement. Tous deux sentaient qu’il ne pouvait se présenter de moment plus favorable pour introduire avec honneur leurs gouvernements dans le maniement des affaires helléniques. Au moyen d’une alliance avec les Scopades, on réussit à s’assurer le concours des forces de la Thessalie, et ainsi se forma une nouvelle puissance amphictyonique qui, suppléant à la caducité de l’ancienne Ligue, déploya une activité efficace et durable.

La lutte, en effet, était sérieuse, et il est à supposer que, outre les Criséens, plusieurs des tribus et villes environnantes avaient pris les armes contre Delphes. Grisa fut détruite, et, après une résistance plus prolongée, la ville maritime de Cirrha eut le même sort. Même après la chute de ces places, des bandes dispersées se maintinrent dans les gorges sauvages du Cirphis, et il fallut encore six ans de combats avant que tout rentrât dans le repos et se soumit au nouvel ordre de choses. L’emplacement de Grisa demeura désert : son nom disparut de la liste des villes helléniques ; ses champs .furent consacrés au dieu de Delphes, dont le domaine s’étendit alors jusqu’à la mer de Cirrha, de sorte que les pèlerins d’outre-mer n’avaient plus à traverser de territoire étranger. L’État sacerdotal de Delphes, avait intérêt à ne pas laisser subsister de lieu fortifié entre lui et la mer. Les Amphictyons y veillèrent avec autant de sévérité qu’Élis et Sparte en montraient par rapport à Olympie.

La victoire fut célébrée de diverses manières. On éleva sur la place de Sicyone, comme monument commémoratif, un portique de marbre qui entourait l’espace affecté aux solennités du culte d’Apollon, et, sur le théâtre même de la guerre, les alliés, pour perpétuer le souvenir de leur victoire, rétablirent, en l’environnant d’une splendeur nouvelle, l’ancienne fête du dieu de Delphes. C’est grâce à ces institutions que le souvenir de la guerre sacrée est resté dans la mémoire des Hellènes ; la fête dont elle devint le point de départ comprenait une triple solennité.

La première fête (Ol. XLVII, 3 : 590 av. J.-C.), avait pour but de célébrer la victoire remportée sur Cirrha[11] ; les prix y furent prélevés sur le butin. Cette fête pythique appartenait encore à l’ancien cycle, d’après lequel le dieu de Pytho devait être honoré tous les huit ans par des concours musicaux et poétiques. On résolut ensuite de célébrer cette fête tous les quatre ans et d’ajouter, au concours de musique, des exercices gymnastiques et équestres. On inaugura ainsi une nouvelle série de Pythiades[12] qui furent désormais célébrées, à titre de fête nationale, aux mêmes intervalles que les Olympiades. Enfin, à la deuxième de ces nouvelles Pythiades, la guerre de montagne étant également terminée[13], les jeux furent l’objet d’une autre réforme importante ; les prix d’une valeur intrinsèque réelle, qui, jusque-là, avaient été fournis par la guerre, furent remplacés par des prix d’une valeur idéale, c’est-à-dire des couronnes de laurier sacré, distribuées aux vainqueurs sous la présidence des amphictyons[14]. Ce sont là des faits bien constatés. Ce qui l’est moins, c’est le rapport chronologique qui existe entre ces fêtes et la guerre. Si la première coïncide réellement avec la prise de Cirrha, nous devons placer la guerre criséenne, qui se serait terminée la dixième année par la conquête de Cirrha, à la date de 600 à 590.

A la deuxième fête pythique, Clisthène remporta lui-même la victoire à la course des chars ; vers le même temps, il était également vainqueur à Olympie. Il était à l’apogée de sa gloire : ses alliances au-dehors étaient honorables et s’étendaient au loin ; son crédit dépassait les limites de l’État, dont il avait d’ailleurs agrandi le territoire du côté de la terre ; les voies commerciales jouissaient d’une sécurité nouvelle ; toutes les sources de la prospérité étaient ouvertes. Le contentement régnait à l’intérieur, car, après avoir pris de force le pouvoir, Clisthène se montra pour ses sujets un prince clément : sa cour hospitalière était le rendez-vous des talents les plus remarquables, le théâtre des fêtes religieuses les plus magnifiques.

Il ne lui manquait qu’une seule chose : il n’avait point d’héritier de sa couronne. Il attachait d’autant plus d’importance au mariage de sa fille Agariste, alors dans la fleur de sa jeunesse : aussi fit-il proclamer à Olympie, en sa qualité de vainqueur olympique[15] que celui des Hellènes qui se croyait digne de devenir le gendre de Clisthène se rendit dans soixante jours à Sicyone ; les noces devaient y être célébrées au bout d’un an ; des courses et des luttes furent ordonnées pour le moment de la fête. Alors, dit Hérodote, tous les Hellènes qui avaient une haute opinion de leur personne et de leur nom accoururent dans le palais hospitalier du prince, pour briguer la main de sa fille. Il nous semble retrouver dans ces descriptions le ton d’un poème qui célèbre la splendeur de la cour sicyonienne, il ne manquait sans doute pas à Sicyone de poètes de cour, qui ont chanté l’imposant cortége des hôtes conviés à cette solennité et fourni aux historiens la matière de leur narration romantique.

La liste des prétendants nous permet de passer en revue les villes grecques qui se trouvaient alors en relations de commerce et d’amitié avec Sicyone.

Sybaris était alors la ville grecque la plus florissante de l’Italie méridionale. Achéens et Ioniens avaient pris part à sa fondation, car, comment les familles achéennes qui, chassées du sud étaient venues s’y établir, auraient-elles pu déployer, en fait de trafic maritime, une telle activité, si la vieille population ionienne n’avait donné la première impulsion et fourni les navires et les équipages ? Ainsi, ces villes soi-disant achéennes avaient, elles aussi, un caractère essentiellement ionien et étaient très disposées à nouer des relations d’affaires avec la dynastie sicyonienne. Aucune cité grecque du septième siècle n’égalait les Sybarites en opulence, et, si le luxe des habits et le chiffre des dépenses avait décidé la question, tous les prétendants auraient dû se retirer lorsque Smindyride, fils d’Hippocrate, franchit avec sa suite les portes de Sicyone.

Après le Sybarite arriva Damasos, le fils d’Amyris de Siris, où son père avait mérité le nom dû Sage. C’étaient là les deux représentants de l’Italie hellénique. Du rivage de la mer Ionienne vint l’Épidamnien Amphimnestos ; de l’Étolie, Malès, le frère de ce Titormos qui l’emportait sur tous les Hellènes en force corporelle, mais qui, en proie à une humeur sombre, fuyait les villes comme étant des foyers de mollesse et de volupté, et menait sur les frontières de l’Étolie une vie de barbare conforme à ses goûts.

Parmi les princes péloponnésiens, on vit arriver Léocède, le Téménide d’Argos : l’Arcadie envoya Amiantos de Trapézonte et Laphanès, fils d’Euphorion, de la ville de Pæos[16]. Une charmante légende racontait qu’un jour Castor et Pollux s’étaient égarés et avaient trouvé l’hospitalité chez Euphorion sans se faire connaître. Depuis lors, la maison d’Euphorion était comblée de prospérités : les Dioscures étaient devenus ses dieux domestiques et la porte hospitalière s’ouvrait en leur nom à tout étranger. Onomastos, fils d’Agæos, venu d’Élide, fermait la liste des Péloponnésiens qui avaient assez d’ambition et de fortune pour prétendre à la main de la princesse. La maison des Scopades à Crannon était représentée par Diactoridas ; la maison régnante des Molosses en Épire, par Alcon. Il manquait encore à ce concours les deux principaux foyers de la civilisation ionienne, l’Eubée et l’Attique. La ville de commerce la plus florissante sur les bords de l’Euripe était Érétrie, doit vint Lysanias ; d’Athènes arrivèrent deux hommes à qui leur richesse et leurs qualités personnelles semblaient donner plus qu’à personne le droit de prétendre au succès ; c’étaient le fils de Tisandros, Hippoclide[17], un parent des Cypsélides, et Mégaclès, le fils d’Alcméon, de l’homme le plus riche qui fût dans la Grèce européenne.

Ce ne peut être un effet du hasard qu’il y ait eu précisément douze villes rassemblées, dans la personne de leurs représentants, autour du trône de Clisthène. Ce nombre doit d’autant moins surprendre que presque toutes ces villes étaient, à n’en pas douter, dévouées aux intérêts de la race ionienne engagée, depuis le temps de Phidon, dans une lutte incessante contre les Doriens, et que Clisthène, en réunissant autour de lui les représentants de ces douze villes, avait certainement en vue autre chose qu’un festin de noces, quoi qu’en dise le récit gracieux d’Hérodote, évidemment emprunté à quelque source poétique. Le poète, lui, pouvait se permettre de placer au centre du tableau la belle princesse, et de transformer toute la galerie en une réunion de prétendants, bien qu’il s’y trouvât des gens âgés, qui ne pouvaient plus se poser en prétendants, au moins pour leur propre compte[18]. Les questions d’âge n’avaient aucune importance, s’il s’agissait d’esquisser un tableau poétique représentant le tyran de Sicyone an milieu du vaste ensemble de ses relations, dans une réunion où il était question de tout autre chose que d’une noce.

Si l’on songe à l’effervescence qui agitait alors tout le Péloponnèse, à la nécessité d’opposer i Sparte un faisceau de forces unies, à l’état de désorganisation dans lequel la guerre sacrée avait laissé l’ancienne amphictyonie, on comprend qu’un homme d’un esprit aussi élevé que Clisthène ne pouvait se proposer une plus belle tâche que celle de créer de nouvelles associations helléniques. Ce n’était pas uniquement pour satisfaire ses propres convoitises qu’il avait pris le pouvoir ; il tenait d’autant plus à ce que ses plans ne fussent pas ensevelis avec lui. L’époux ou le fils d’Agariste devait continuer son œuvre. Aussi voulait-il choisir dans un cercle d’élite, composé des représentants des plus nobles familles, un homme capable, qu’il aurait éprouvé à la faveur d’une intimité prolongée, et faire prendre aux autres des engagements favorables aux intérêts de sa maison. Nous pouvons, en effet, supposer qu’ils s’obligèrent à reconnaître et à soutenir dans ses droits le gendre et successeur dont il ferait choix.

Durant le séjour que firent chez lui ses hôtes, Clisthène se convainquit bientôt de la supériorité des Athéniens. Il sentit en eux cet essor élevé de l’intelligence, qui seul sait tirer de tous les trésors de la terre une utilité réelle ; il devina l’avenir réservé à leur patrie qui se préparait en silence à son rôle futur. Des cieux Athéniens, ce fut surtout Hippoclide qui, par sa richesse, sa beauté et l’adresse chevaleresque dont il donna d’éclatantes preuves dans les joutes des prétendants, gagna la faveur du père. Eu outre, la parenté d’Hippoclide avec les Cypsélides de Corinthe lui donnait, aux yeux de Clisthène., une valeur particulière.

Cependant le jour décisif approchait. Les bœufs destinés à de grandioses hécatombes s’acheminaient vers la ville ; tous les Sicyoniens furent invités au festin et campèrent autour du palais : c’était la journée la plus splendide qu’on eût vue à Sicyone. Hippoclide, sûr de son bonheur, se livrait dans l’excès de sa joie à toute espèce de tours de force et finit par s’oublier si bien, dans l’ivresse de son triomphe, qu’il amusa la société par des sauts et des danses inconvenantes. Alors Clisthène indigné s’écria : Fils de Tisandros, tu viens en dansant de piétiner sur ton mariage ! et il donna à Mégaclès, qui avait montré plus de sérieux, la main de la belle Agariste. Le rival déçu se remit promptement et répliqua : Hippoclide n’en a souci ! Cette réponse, passée depuis en proverbe, caractérise à merveille l’audace de l’Ionien qui, en présence d’un échec, rit de sa mésaventure et, sans s’inquiéter davantage, pose ses espérances sur un autre, numéro.

Clisthène avait réussi à faire entrer sa fille dans la famille la plus considérable de cette cité dans laquelle il devinait la future métropole de la race ionienne. Son attente parut bien près d’être remplie lorsqu’Agariste mit au monde un enfant qui reçut le nom de son grand-père. Mais, ni son gendre ni son petit-fils ne devaient lui succéder sur le trône : la fortune des Orthagorides sombra, et, avec elle, tous les grands projets de politique ionienne. Clisthène lui-même ne paraît pas avoir assisté à cette révolution, puisque les noms imposés par lui aux tribus restèrent encore en usage nombre d’années après sa mort. Nous en sommes réduits à supposer que les Spartiates, aussitôt qu’ils eurent la liberté de leurs mouvements, c’est-à-dire, après la défaite des tyrans de Pisa, durent s’empresser de marcher sur Sicyone, où le nom dorien avait été le plus ouvertement déshonoré[19]. Vers la même époque eut lieu l’institution des jeux Néméens (Ol. LI, 4. 573), qui furent rapportés à Héraclès, patron des Doriens, et firent revivre la mémoire de ce même Adrastos que Clisthène avait dépouillé de ses honneurs. Parmi les prétendants à la présidence des jeux figurent les Cléonéens ; ils avaient dû, par conséquent, secouer le joug de Sicyone[20]. Ainsi, à cette époque, la puissance des tyrans de Sicyone était sur son déclin ; après avoir subsisté une centaine d’années (de 670 à 570 environ), le trône des Orthagorides s’écroula avant que le jeune Clisthène fût parvenu à l’âge d’homme. Cet enfant était destiné à succéder à son grand-père, mais sur un autre terrain.

 

 

 



[1] Sur les origines de Sicyone, voyez E. CURTIUS, Peloponnesos, II, p. 484. Constitution avant la tyrannie (ARISTOTE, Polit., p. 229, 26).

[2] ARISTOTE, Polit., p. 229, 26.

[3] Généalogie des Orthagorides (HÉRODOTE, VI, 126) : Andreas (= Orthagoras) — Myron — Aristonymos — Clisthène.) Au contraire, selon Nicolas de Damas, fr. 61 (Fr. Hist. Græc., III, 395) Myron, Isodémos et Clisthène sont frères : le premier est assassiné par Isodémos, à l’instigation de Clisthène, et Isodémos expulsé ensuite par Clisthène. URLICHS (Skopas, p. 221) fait remarquer combien est suspecte cette source d’informations. Il essaie de démontrer, par la fondation des jeux Néméens en 573 (Ol. LI, 4), que Clisthène a dû mourir un peu plus tôt ; mais son argumentation n’est pas convaincante. Nous n’avons pour points de repère chronologiques que la victoire de Myron en 648 (Ol. XXXIII, 1) et la victoire de Clisthène aux jeux pythiques en 582 (Ol. XLIX, 3). PETER place la mort de Clisthène en 570, DUNCKER (IV, 47) en 565. Orthagoras le cuisinier, fils de Copreus [l’ordurier] (PLASS, Tyr., I, p. 138). ARISTOTE, Polit., 231, 17.

[4] PAUSANIAS, VI, 19, 1.

[5] Réforme du culte héroïque (HÉRODOTE, V, 67).

[6] HÉRODOTE, V, 67.

[7] Archélaos, éponyme de la première tribu (GUTSCHMIDT, Jahrbb. f. kl. Philol., 1861, p. 26).

[8] HÉRODOTE, V, 68.

[9] Sur la première guerre sacrée et les sources de son histoire, voyez ULRICHS (Abhandl. der K. Bayr. Akad. der Wiss. Philos.-Histor. Klasse, III, 1, 1840. Reisen und Forschungen, I, p. 7-34) : PRELLER (Delphica, dans les Berichte der K. Sæchs. Gesell. der Wiss. 1854. Gesamen. Aufsætze, p. 224) : MŒLLER (Der Krisæische Krieg ap. Progr. der Danziger Realschule, 1866).

[10] Occasion qui fait éclater la guerre sacrée (STRABON, p. 418). Sur les rapports de Clisthène avec Delphes, voyez PLASS, Tyrannis, p. 112.

[11] Points de repère chronologiques dans les annales des jeux helléniques. En 590 (Ol. XLVII, 3), première Pythiade célébrée, suivant les marbres de Paros, à cause de la prise de Cirrha, sous l’archontat de Simon à Athènes et de Gylidas à Delphes. Or, suivant Callisthène, Cirrha fut prise la dixième année de la guerre. Par conséquent, d’après les calculs de Westermann et de Mueller, la guerre se place entre 600 et 590. Cf. A. SCHŒNE, Untersuch. über das Leben der Sappho (Svmbola Bonn., p. 745).

[12] En 586 (Ol. XLVIII, 3), première Pythiade, selon Pausanias (X, 7, 3). L’agon est augmenté des concours gymniques et équestres.

[13] Les combats se prolongent dans la montagne pendant six ans après la chute de Cirrha. En 582 (Ol. XLIX, 3), deuxième Pythiade, sous l’archontat de Damasias à Athènes et de Diodoros à Delphes.

[14] HESYCHIUS, s. v. στεφανίτης. La réforme coïncide avec la victoire de Clisthène. Preller confond les Pythiades.

[15] Clisthène vainqueur aux jeux olympiques (HÉRODOTE, VI, 126), en 584 (Ol. XLIX, 1) selon O. MUELLER (Dorien, II, p. 474. 486). SCHULZ (Apparatus, p. 7) rapproche la date jusqu’en 576 (Ol. LI, 1). On ne saurait descendre plus bas (HEYNE admet l’Ol. L ; LARCHER, la LIIe), attendu que Mégaclès, gendre de Clisthène, avait une fille nubile en 558. Voyez WEISSENBORN, Hellenika, p. 26.

[16] Pæos, Pampolis (E. CURTIUS, Peloponnesos, I, 380. 398).

[17] Sur Hippoclide, voyez VISCHER, Kimon, p. 39.

[18] Les difficultés chronologiques concernant Léocède (difficultés soulevées pour la première fois par SCHNEIDERWIRTH, Argos, II, p. 41), ne sont pas, à mon avis, de nature à trancher le débat qui roule sur l’époque à laquelle il faut placer la vie de Phidon. Schneiderwirth lit Meltas au lieu de Léocède. Il y avait parmi les prétendants, à côté de fils de princes, comme Léocède, des personnages appartenant à une minorité opposante, comme Onomastos.

[19] On ne voit pas bien si le tyran Æschine, qui, suivant Plutarque (De malign. Herod., 41), a été chassé de Sicyone par les Spartiates, était un parent ou le successeur de Clisthène. Nicolas de Damas accorde à Clisthène 31 ans de règne. Sa mort, d’après Hérodote, précède de 60 ans le rétablissement complet du régime aristocratique, qui a dit avoir lieu lorsque les Spartiates marchèrent sur Athènes en 506 : par conséquent, la mort de Clisthène est survenue, au plus tard, en 566.

[20] Relativement aux jeux Néméens, voyez DUNCKER, IV, p. 428. URLICHS, Skopas, p. 223 ; sur leur rapport avec la chute des tyrans, HERMANN, Staatsalterth, § 65, 4. La première Néméade, dans le compte des Argiens, tombe, d’après Eusèbe, en 573 (Ol. LI, 4).