LOUIS XI ET LE SAINT-SIÈGE

1461-1483

 

INTRODUCTION. — LE ROI, L'ÉGLISE, L'ITALIE.

 

 

Charles VII mourut à Mehun-sur-Yèvre le 22 juillet 1461. La nuove della morte del re di Franza fara mutare molte fantasie[1] : La mort du roi de France devait en effet provoquer de nombreux changements. Le dauphin Louis, son successeur, était, ce qu'il sera toute sa vie, un personnage ondoyant et divers. Il n'était guère fait pour rassurer à la fois ses sujets et ses alliés, ses amis et ses ennemis. Aussi n'était-ce pas sans raison que l'ambassadeur à Rome de Louis de Gonzague, Bartolomeo Bonatto, écrivait à son maitre : Qui sono varie opinione di questo novo re di Franza[2]. A Rome, on pouvait avoir des opinions très diverses sur le nouveau souverain, car on ne savait pas encore si Louis serait bien différent comme roi de ce qu'il avait été comme dauphin.

Louis de France, né en 1428, avait eu, en effet, une adolescence orageuse. Il n'eut, dit Michelet[3], ni jeunesse, ni enfance, il était né Louis XI, c'est-à-dire singulièrement inquiet, spirituel et malfaisant. Il reçut en naissant tous les instincts, bons ou mauvais, mais par-dessus tout l'impatience de détruire — et cependant sa vie se passera à recommencer toujours la même trame —, le mépris du passé — et pourtant il ne le détesta pas quand ce fut son intérêt —. C'était un esprit vif, sec, prosaïque, à qui rien n'imposait, si ce n'est, comme nous le verrons, la peur de rencontrer plus fort que lui.

Louis est bien l'universel aragne dont parle Chastelain, s'agitant, s'ingéniant de mille sortes, subtilisant jour et nuit de nouvelles pensées. C'est un véritable Protée, et tel il est apparu à ses contemporains[4], humble, curieux, artificieux, caché, défiant et présomptueux[5], tel il apparaît encore aux historiens modernes[6]. Michelet voudrait l'appeler votre Inquiétude et M. Abel Desjardins prenant cette appellation en mauvaise part serait tenté plutôt de l'appeler votre Activité[7]. En réalité, nous ne savons s'il ne fut pas plus inquiet qu'actif ou plus actif qu'inquiet. L'inquiétude le mot étant pris dans son sens le meilleur nous semble encore être le trait distinctif de sa nature.

Essentiellement différent de Charles VII, par le caractère, Louis XI n'en poursuivit pas moins un but identique à celui de son père. Il voulut, avec d'autres moyens, il est vrai, unifier la France. Son œuvre fut avant tout une œuvre intérieure. Il tendit à tout unifier, tout réglementer, et à établir, en brisant toute opposition, l'absolutisme royal dans le royaume. Mais en même temps — ayant à sa disposition les finances et l'armée créées par son père — poussé par ses besoins dominateurs, par les souvenirs de sa politique delphinale, il intervint à l'extérieur ce que n'avait pu faire Charles VII presque complètement occupé par l'Anglais — et il essaya d'établir — ce à quoi il parvint — la suprématie de la France en Europe. Sa politique extérieure se régla toujours sur les exigences de sa politique intérieure[8] et c'est ce qui explique les perpétuels recommencements de cette politique qu'en aragne patiente Louis XI refaisait chaque jour. Cette politique extérieure se tourna principalement du côté de l'Italie, tout, nous l'allons voir, y poussant Louis XI. Le roi devait donc se trouver forcément amené, non point à entrer en rapports avec le Saint-Siège — c'était chose faite depuis son delphinat —, mais bien en conflit avec lui, et ce, sur un double terrain. A l'intérieur une question domine les rapports du pape et du roi l'état de l'Eglise de France à l'extérieur la question d'influence et de suprématie sur les multiples petits Etats italiens, toujours en querelles et toujours pourtant préoccupés de conserver envers et contre tous leurs libertés. Ces deux questions ecclésiastique et italienne, mettront en contact (parfois très violent) Louis XI et les trois souverains pontifes qui s'assirent durant cette période sur le trône de saint Pierre le Siennois Pie II, le Vénitien Paul II, le Génois Sixte IV[9]. Le problème ecclésiastique n'était pas l'un des moins embarrassants qui se posât à Louis XI en 1161. Le roi se trouvait en présence d'une église presque complètement indépendante du pouvoir royal l'Eglise gallicane.

Cette église dont les libertés étaient devenues traditionnelles, issue du mouvement conciliaire du XVe siècle, s'était constituée de toutes pièces sous Charles VII. Ce qu'on appelait alors libertés de l'Eglise gallicane c'était un ensemble de droits possédés par cette église et contre la papauté et contre la royauté. Ce sont — dit Pithou[10]droits communs et anciens et non privilèges apostoliques, c'est-à-dire non octroyés par les papes. Les rois, par leur serment ancien — qui existe dès Robert II —, jurent à leur couronnement de garder ces libertés à tous les prélats et aux églises de France. Et ailleurs[11] : Ces libertés ne sont ni passe-droits, ni privilèges exorbitans, mais plutôt-franchises naturelles et ingénuités ou droits communs, quibus nulla patram definitione derogatnm est ecclesiœ gallicanœ. Ces libertés reposent essentiellement sur deux maximes à savoir en premier lieu que les papes ne peuvent rien commander ni ordonner, soit en général, soit en particulier, de ce qui concerne les choses temporelles ès-pays et terres de l'obéissance et souveraineté du roi très chrétien et s'ils y commandent ou statuent quelque chose, les sujets du roi, encore qu'ils fussent clercs, ne sont tenus leur obéir pour ce regard. Quoique, en second lieu, le pape soit reconnu pour suzerain ès-choses spirituelles, toutefois, en France, la puissance absolue et infinie n'a point de lieu, mais est bornée par les canons et règles des anciens conciles de l'Eglise reçus en ce royaume. Et in hoc — dit l'Université — maxime consistit libertas ecclesiœ gallicanœ.

Contre la papauté, l'Eglise de France voulut se débarrasser de cette terrible fiscalité inventée par les pontifes d'Avignon. Elle protestait surtout et en cela elle fut appuyée par la royauté[12] contre l'évacuation des pécunes, contre ces légats qui donnaient de merveilleuses évacuations à ce povre royaume et qui en menaient les mulets chargés d'or et d'argent[13].

La constitution républicaine de l'Eglise primitive disparut rapidement. Les laïques, les princes, le clergé lui-même furent peu à peu éliminés du corps électoral et tous leurs pouvoirs passèrent à l'évêque de Rome qui devint ainsi très vite le seul maître de l'église[14].

Les chapitres des cathédrales prirent la place du clergé tout entier. Cette évolution commencée au XIIIe siècle avec le concile de Latran (1215), qui déclare que les chapitres seuls éliront désormais les évêques, était terminée au XVe siècle.

Le rôle du roi était au cours des siècles devenu de plus en plus considérable et son intervention dans les élections constante. Avant l'élection, le chapitre devait demander au seigneur temporel licence de procéder à l'élection. Le roi la confirmait ensuite, recevait le serment de l'élu auquel il donnait les régales — cession de certains droits royaux concédés à titre viager à l'évêque —, souvent même il imposait son candidat. Dans les bénéfices mineurs, il en allait de même. Au début le roi n'avait la garde que des églises de son domaine, mais les légistes lui reconnurent en qualité de protecteur-né de la religion dans le royaume un droit de garde éminent sur toutes les églises, ce qui lui permit d'intervenir dans toutes les élections. Les rois y arrivèrent aussi par la régale qui leur permit de se dire fondateurs et gardiens de telle ou telle église, puis de toutes les églises du royaume. Enfin, sous Philippe le Bel, la papauté permit au roi, en 1297, de donner une prébende dans chaque église cathédrale et collégiale de son royaume. Le roi en profita dès lors pour conférer de nombreux bénéfices[15].

Bientôt à côté et au-dessus du roi se plaça le pape. Par son intervention dans les affaires ecclésiastiques, en combattant pour les droits des électeurs, le pape se substitua à eux. Il fut décidé après le concile de Latran (1215), qu'en cas de contestation et de troubles le métropolitain ou à son défaut le pape choisirait les nouveaux dignitaires ecclésiastiques. Le Saint-Siège obtint de la sorte un privilège considérable, car en multipliant habilement les causes de nullité, il parvint à attirer à lui presque toutes les élections épiscopales. Dès Innocent III les papes disposent ainsi de la plupart des grands bénéfices. Ils cherchèrent en outre à s'emparer des bénéfices inférieurs, politique qui débute sous Adrien IV, le premier pape qui ait demandé, puis ordonné aux ordinaires de conférer des bénéfices à certains clercs[16]. Les collations directes se multiplièrent à partir de Jean Il et dans les bénéfices majeurs — archevêchés, abbayes, évêchés — et dans les bénéfices mineurs — canonicats et prébendes.

C'est sous Adrien IV (1154-59), en effet, que la papauté s'arrogea le droit de conférer directement certains bénéfices. Le même pontife imagina les mandats apostoliques — développés sous Alexandre IV —, par lesquels le pape enjoignait aux collateurs ordinaires de conférer un bénéfice au candidat qu'il désignait. Clément IV réserva au pape, exclusivement à tout autre collateur, la disposition des bénéfices vaquant en cour de Rome, c'est-à-dire ceux dont les titulaires venaient à mourir au lieu de résidence de la cour romaine. Il posa en même temps le principe que le pape devait avoir la pleine disposition de toutes les charges ecclésiastiques.

Boniface VIII étendit la réserve relative aux bénéfices vaquant en cour de Rome à tous les bénéfices venant à vaquer dans un rayon de deux jours de voyage. Jean XXII et Boniface XII l'étendirent à tous les bénéfices que le pape contribuerait à rendre libres soit en déposant ou en déplaçant les titulaires, soit par tout autre moyen. De Boniface VIII date aussi la prévention qui permet au pape de disposer des bénéfices dès qu'il est instruit de leur vacance. La provision qu'il accorde ainsi est supérieure à la collation de l'ordinaire et à la présentation du patron ecclésiastique. La suite naturelle de ces mandats apostoliques furent les grâces expectatives qui conféraient à l'avance et du vivant même du titulaire l'expectative du siège qu'il occupait et qui devait devenir vacant — ad vacatara.

Clément V réclama les revenus des bénéfices pendant leur vacance, fructus medii temparis.

Jean XXII imagina enfin l'ingénieux système des annates qui existait avant lui mais seulement pour les bénéfices vacants en cour de Rome. Il les imposa à la France en 1320. Contrairement à l'usage qui voulait que les bénéfices consistoriaux fussent seuls frappés, tous les bénéfices furent imposés, pour 3 ans seulement il est vrai et à cause de la croisade. Mais Boniface IX rendit perpétuelles ces annates qui obligeaient le bénéficiaire à payer à la chambre apostolique une redevance équivalente à la valeur des revenus d'une année du bénéfice dont il était pourvu avant de recevoir sa bulle d'institution.

Martin V, en 1417, décida que tous les bénéfices ecclésiastiques séculiers et réguliers avec ou sans charge d'âmes, qui deviendraient vacants en quelque lieu que ce fût dans les mois de janvier, février, avril, mai, juillet, août, octobre et novembre, seraient réservés à la disposition du pape. Les ordinaires se trouvèrent ainsi presque complètement dépouillés de leur droit de collation. Ce fut ce que l'on appela le mois du pape. Cette disposition acceptée par le gouvernement anglais de la France, le fut ensuite par Charles VII.

Les papes développèrent aussi le système des commendes qui permettait le dépôt d'un bénéfice entre les mains d'une personne qui ne pouvait le tenir en titre. Ces commendes temporaires ou perpétuelles se multiplièrent tellement qu'Innocent VI dut les abolir, mais elles n'en persistèrent pas moins. Ces innombrables droits permirent aux souverains pontifes d'augmenter considérablement leur trésor, car il fallait payer et toujours payer pour obtenir le plus mince avantage. En outre, les droits des patrons, soit seigneuriaux, soit ecclésiastiques, soit royaux, se trouvaient ainsi foulés aux pieds et le souverain pontife devenait le véritable maitre de l'église universelle.

En même temps la juridiction ecclésiastique se développait extraordinairement. Les officialités ou tribunaux d'église ne jugeaient pas seulement les clercs mais encore tous ceux et ils étaient nombreux qui, ayant fait vœu de partir pour la croisade, s'adressaient à eux. Mais l'Eglise ne conserva pas longtemps la plénitude de sa juridiction. Ses privilèges furent attaqués et par la royauté et par la papauté. La royauté chercha par la distinction du pétitoire et du possessoire à diminuer la juridiction ecclésiastique. Sous prétexte de possessoire, on attira en effet les causes bénéficiales devant les juges laïques et on arriva par là à enlever aux juges ecclésiastiques la connaissance de toute une série de causes. Enfin elle inventa contre la justice d'église les cas privilégiés par lesquels, à propos de crimes graves, elle enleva les clercs aux juges d'église. La royauté ne voulut jamais énumérer limitativement ces cas privilégiés comme elle ne donna jamais aussi, on le sait, la liste des cas royaux. Quanta la papauté, elle parvint de son côté à attirer la plupart des litiges ecclésiastiques devant la cour romaine. Comme on pouvait en appeler de toute sentence en cour de Rome, la juridiction romaine se trouva presque toujours en conflit avec les juridictions ecclésiastiques ordinaires. Cette justice fut d'ailleurs une nouvelle source de profits. Les papes encouragèrent les appels, ils les multiplièrent, et comme tout procès devant la curie était long et coûteux, la papauté en retira de nombreux avantages. L'appel ne fit pas seulement couler des fleuves d'or à Rome, il fut aussi une grande force d'unité pour l'Eglise en amenant à Rome des nations de plaideurs. Ainsi s'organisa l'effroyable fiscalité romaine dont les abus provoquèrent au XVe siècle des tentatives de réforme qui, n'aboutissant pas, conduisirent l'Eglise au mouvement révolutionnaire réformateur du XVIe siècle.

Les grands conciles du XVe siècle se préoccupèrent tous en effet de ces graves questions.

A Constance, on énuméra tous les abus dont souffrait l'église simonie, pluralité des bénéfices, profusion des dispenses, non résidence des prélats, ignorance, mondanité, libertinage des clercs. On y réclama la réduction des réserves, des annates, des expectatives, des causes évoquées à Rome, des appels à la curie, des commendes, de la perception des fruits pendant la vacance, de l'aliénation des biens ecclésiastiques, du nombre des cardinaux.

Une discussion très vive, provoquée par Gerson, eut lieu au sujet des annates. Les clercs français en demandèrent la suppression complète. Ils réclamèrent qu'elles ne fussent plus imposées ni par la chambre apostolique, ni par les cardinaux, et qu'on défendit de les payer. On cita des exemples montrant à quels excès on arrivait. C'est ainsi que dans un an il y eut pour un même bénéfice, trois mutations de titulaires, d'où trois paiements d'annates. Les papes arrivaient de la sorte à percevoir plusieurs fois le revenu entier de l'année et les cardinaux la moitié.

Ces droits amenaient la ruine des églises et des monastères, contredisaient les intentions des fondateurs qui n'avaient pas voulu que les biens donnés par eux à certains ecclésiastiques fussent appliqués soit à d'autres personnages, soit à des usages étrangers. Il en résultait en outre une évacuation considérable de pécunes que l'on évaluait pour la France et pour le droit d'annates seul à 200.000 livres par an.

Le concile de Bâle supprima la plupart de ces droits qui allaient aux papes ou à leurs inférieurs sous prétexte de collation, d'institution, d'investiture en matière de bénéfices, dignités ecclésiastiques ou ordres sacrés.

Telle était donc la situation de l'Eglise de France au moment de la réunion de l'assemblée de Bourges. Elle avait été successivement dépouillée de ses droits électifs, elle voyait sa juridiction disparaître, ses revenus attirés à Rome elle s'indignait de voir des prélats étrangers remplir une foule de fonctions et posséder une grande partie des bénéfices du royaume. Aussi soutint-elle la royauté qui eut en outre pour elle, contre la papauté, la bourgeoisie irritée de voir l'argent du royaume s'écouler vers Rome et la noblesse qui voulait reprendre ses droits de patronage dont elle espérait un accroissement de richesse et d'influence. L'Eglise demande en un mot à se gouverner elle-même sous la direction de la papauté dont l'autorité ne sera plus un despotisme mais une simple tutelle bienveillante. Elle réclame la restauration de ses anciennes libertés et la disparition de la fiscalité pontificale. La Pragmatique essaya de remédier à tous ces maux.

Le mouvement réformateur conciliaire échoua, mais il n'en aboutit pas moins, à la suite du concile de Bâle, à la création d'églises nationales en Allemagne par le concordat de Francfort, en France par la Pragmatique Sanction de Bourges qui devint le palladium de l'Eglise gallicane.

Cette Pragmatique, témoignage éclatant du mouvement conciliaire, perpétuait en Europe ses principes et ses tendances[17]. Par elle la France devenait semi-schismatique. Elle fut une tentative couronnée de succès pour limiter l'autorité du souverain pontife. Cette loi sur tous les accidents de police de l'Eglise, fut un baume souverain à tous les ulcères que l'avarice, le luxe, l'ignorance pouvaient faire en ses membres. Elle ôta au pape une grande partie des profits de sa chancellerie en défendant le paiement des vacances et annates et en réservant seulement le juste salaire de l'expédition des bulles[18]. La papauté s'éleva immédiatement contre ce règlement général touchant la direction des bénéfices. Grâce à elle, dit Pie II, le roi — et en cela le pape se trompait — est devenu tout puissant sur l'Eglise[19].

La Pragmatique de Bourges nous montre les dispositions de l'Eglise de France à l'égard de la réforme de l'Eglise et de la façon dont elle entend cette réforme.

Les circonstances dans lesquelles elle fut adoptée, semblent avoir été assez particulières[20]. Le roi se trouvait alors le débiteur de la noblesse qui l'avait servi pendant la guerre contre l'Anglais et il ne pouvait s'acquitter envers elle qu'aux dépens de l'Eglise, ce qu'il fit d'ailleurs sans aucun scrupule. Il adopta, le juillet 1438, la Pragmatique Sanction sur l'autorité des conciles généraux, les collations de bénéfices, les élections, les appellations, les expectatives, les annates, la célébration de l'office divin et autres matières ecclésiastiques[21].

Le roi, protecteur fidèle de l'Eglise, assista dans la Sainte Chapelle de Bourges, entouré du dauphin Louis, de Charles de Bourbon, de Charles d'Anjou, de Pierre de Bretagne, de Bernard de la Marche, de Louis de Vendôme et de Guillaume de Tancarville, ses parents, à l'assemblée tenue par les nombreux prélats et ecclésiastiques du royaume et du Dauphiné pour adopter les décrets du concile de Bâle[22]. Assistèrent en effet à l'assemblée, les archevêques de Reims, Renaud de Chartres, chancelier de France ; de Tours, Philippe de Coetquis ; de Bourges, Henri d'Avangour ; de Toulouse, Denis du Moulin ; de Crête 25 évêques, plusieurs abbés et une multitude de députés des chapitres et des universités du royaume.

On commença par exposer les nombreux maux dont souffrait l'Eglise. Les bénéfices opulents étaient livrés à des étrangers et à des indignes, ne s'astreignant point à la résidence, ne comprenant pas la langue de leur troupeau, délaissant Je culte, ruinant les édifices, laissant dépérir les études et les droits des églises, se préoccupant fort peu enfin de la diminution de la piété populaire. L'ambition, la cupidité, la fiscalité pontificales amenaient des querelles nombreuses rancores et odia plerumque implacabilia nutriuntur. Les droits des patrons, c'est-à-dire ceux des seigneurs laïques et ecclésiastiques, ceux de la couronne même — mais ils ne sont cités qu'en second lieu —, étaient foulés aux pieds patronum jura enervantur. L'argent était exporté au loin — c'est-à-dire à Rome — thesauri asportantur in extraneas regiones. Aussi le royaume devenait-il de plus en plus faible.

L'assemblée, pour remédier à ce fâcheux état de choses, décida d'adopter les décrets réformateurs de Bâte. Mais cette adoption ne parait pas avoir eu lieu sans pourparlers nombreux, sans longue discussion, sans mûre délibération prœhabita inter eos multimoda duitinaque apertione, discutione et digestione.

En effet, devant l'assemblée qui s'ouvrit à Bourges, le 5 juin 1438, les ambassadeurs pontificaux, l'archevêque de Crète, Pierre de Versailles, évêque de Digne et un docteur, prièrent le roi de ne pas recevoir les décrets de Bâle, mais d'envoyer au contraire ses ambassadeurs au concile de Ferrare, le seul œcuménique. Les ambassadeurs du concile, l'évêque de Saint-Pons-de-Thomières, Gérard de la Bricoigne, l'abbé de Vézelay, le docteur Thomas de Gourcelles, l'archidiacre de Metz, Guillaume Hugues, Jean de Manze, chanoine de Lyon, parlèrent naturellement dans le sens opposé. Après le discours du chancelier, les évoques chargés d'examiner les multiples questions soulevées devant l'assemblée déposèrent leurs rapports.

L'évêque de Castres, Gérard Machet, confesseur du roi, établit la supériorité des conciles généraux sur les papes, l'archevêque de Tours parla sur les abus de la cour romaine. On décida que le roi devait s'offrir comme médiateur et que des ambassadeurs seraient envoyés au pape et au concile. On nomma enfin une commission de six prélats, chargée d'étudier les réformes que l'on devait opérer. C'est de cette commission que sortit l'édit du 7 juillet 1438 ou Pragmatique Sanction[23]. Notre intention n'est point d'entrer ici dans une étude approfondie du texte de la Pragmatique. Nous voulons simplement en mettre en lumière par une brève analyse les points principaux.

L'assemblée adopte (titre I) les décrets de Constance et de Bâle sur les conciles généraux. Elle règle (titre II) les élections qui doivent revenir aux ayants droit (églises, couvents, collèges). Ces élections doivent être dignes, les élus sont tenus d'avoir l'âge canonique (œtas légitima), des mœurs sévères, des connaissances suffisantes, être clercs — ce qui nous prouve l'accusation d'indignité portée contre certains possesseurs de bénéfices installés par la papauté dans un intérêt purement fiscal —. Elle supprime (titre III) les réservations, restreints (titre IV) les droits du souverain pontife en matière de collations de bénéfices, ne lui laissant que la collation d'un bénéfice sur dix et de deux sur vingt cinq. Ces bénéfices devront d'ailleurs en partie être accordés aux gradués — et ici apparaît très nettement l'influence de l'Université qui se montrera plus tard et pour cause si hostile à la suppression de la Pragmatique —. Elle limite non moins considérablement (titre VI) les appels, les interdisant toutes les fois que les plaideurs auront plus de 4 jours de chemin à faire pour aller à Rome et elle les remet aux juges naturels. Les causes majeures et celles des officiers de la cour romaine en sont naturellement exceptées. Elle réduit (titre IX) les annates qui ne s'élèveront désormais pas à plus de 10 livres. Ces annates seront d'ailleurs considérées comme un don gratuit fait au souverain pontife et elles ne seront levées que pendant la vie du présent pape. Elle fixe d'autre part d'une façon très minutieuse la jurisprudence au sujet de la levée de ces taxes. On ne devra pas enfin (titre VII) inquiéter tout possesseur de bénéfice s'il le tient depuis trois ans, ni dans le présent, ni dans l'avenir. Il est pourtant à remarquer que l'assemblée n'osa pas s'attaquer aux commendes, car les prélats réunis à Bourges en profitaient tous, et s'ils voulurent supprimer les droits de la papauté il est à présumer qu'ils ne songèrent pas un instant à s'attaquer à cet abus dont ils tiraient de si larges bénéfices.

Par le titre XXIII, le roi approuva ces décrets et en fit une loi du royaume qui dut être inviolablement observée inviolabiliter faciant — nos officiers — in omnibus et per omnia observari. Le roi et sa suite signèrent cet acte qui fut enregistré au Parlement suivant la forme le 13 juillet 1489.

La Pragmatique n'est que la suite et la confirmation d'une politique à peu près constante suivie par la royauté depuis les débuts du XVe siècle. Nous revenons avec elle à la théorie du roi-prélat si nettement exposée par Juvénal des Ursins devant Charles VII : Vous n'estes pas simplement personne laye mais preslat ecclésiastique, le premier en vostre royaume qui soit après le pape, le bras dextre de l'Eglise, théorie qui permettait au souverain de devenir, sans restriction, véritablement le premier dans son royaume, même avant le pape.

La Pragmatique fut entre les mains du roi une force contre Rome, une arme diplomatique destinée à favoriser avant tout, par l'isolement de l'Eglise de France, l'accroissement du pouvoir royal.

La Pragmatique n'était d'ailleurs pas chose neuve. Les édits de 1406, de 1410, 1418, 1422 et 1431 sont déjà de véritables pragmatiques[24].

La Pragmatique ne fut en somme qu'un exposé officiel et méthodique de la doctrine gallicane. On y retrouve et la défiance du pouvoir royal contre toute autorité religieuse trop prépondérante, et l'empressement de l'Université à obtenir dans l'Eglise une place digne de ses services[25] et le désir des légistes de constituer une église nationale soumise étroitement au pouvoir civil, recevant de lui seul sa direction.

Michelet, dans son Histoire de France, considère la Pragmatique non point comme une victoire de l'autorité royale, mais comme un succès de l'aristocratie. C'est là une opinion très contestable. L'aristocratie féodale a gagné à l'établissement de la Pragmatique c'est là un fait qui ne peut être mis en doute. Les nobles ne se firent point faute d'user de ce droit de patronage qu'on leur rendait pour placer dans les dignités et les bénéfices des personnes qui leur étaient entièrement dévouées[26].

Mais en dehors des grands fiefs ecclésiastiques il y avait une multitude de bénéfices dont la collation venait d'être enlevée au pape or le droit des seigneurs était loin d'être absolu sur ces bénéfices. D'ailleurs, ce que l'aristocratie avait gagné elle ne l'avait pas gagné au détriment du pouvoir royal. Comme possesseur d'un domaine considérable et qui recommençait à s'agrandir, le roi se voyait comme tous les possesseurs de fiefs investi d'un droit fort étendu sur une foule d'églises ; peut-être même pouvait-il à lui seul patronner un plus grand nombre d'élections que tous les autres seigneurs. De plus, il étendit à partir de ce moment la sauvegarde royale sur une multitude d'églises et de chapitres et il s'attribua de la sorte la collation des bénéfices sur les terres mêmes de certains seigneurs. Par la Pragmatique, qui ne fut d'ailleurs pas, semble-t-il, appliquée en Bretagne, en Bourgogne, en Dauphiné, et qui n'empêcha pas les abus et scandales antérieurs de persister, l'Eglise de France en s'affranchissant de la tutelle de Rome ne fit au fond que changer de maître. En devenant plus nationale, elle ne devint pas plus indépendante.

Un tel acte ne fut naturellement pas du goût du Saint-Siège. Rome, nous dit Robert Gaguin, regarda la Pragmatique comme une hérésie pernicieuse. Eugène IV, Nicolas V, Calixte III protestèrent énergiquement, envoyant, mais sans résultats, des légats pour la faire supprimer.

Dès 1440, la papauté s'élève contre cette Pragmatique. Eugène IV surtout insista sur la nécessité de révoquer l'acte de Bourges rédigé au mépris de tout droit divin et humain. Charles VII s'y refusa. En 1442, le pape envoya au roi une ambassade ayant à sa tête l'évêque de Brescia qui était chargé d'obtenir la révocation de la Pragmatique, acte blessant pour les droits du Saint-Siège mais l'évêque, malgré son long séjour en France, n'obtint aucun résultat.

Cependant, dès cette époque, Eugène IV fit dresser un projet de concordat qui fut présenté à Charles VII. Les points principaux en étaient la suppression des grâces expectatives et des réserves, le maintien du système des élections pour les églises métropolitaines et les monastères. Ces élections se feront conformément au droit, elles seront confirmées ou annulées par le pape suivant la justice et les élus prêteront serment. Pour les autres bénéfices, le pape nommera aux charges vacantes pendant les mois impairs, les ordinaires pendant les mois pairs. L'un des six mois pairs sera réservé pour la présentation des suppôts de l'Université. Toutes les causes, sauf celles des prélats, les litiges survenant à propos des élections et autres seront remis aux ordinaires. Les causes civiles ne pourront jamais être portées devant le Saint-Siège qui aura néanmoins la juridiction d'une certaine catégorie de causes[27].

Ces négociations n'aboutirent pas. Charles VII resta jusqu'à la fin de son règne invariablement attaché à la Pragmatique qui fut strictement appliquée dans le royaume. Au concile de Mantoue, en 1459, le pape ayant à nouveau protesté contre la Pragmatique, le procureur général Dauvet non seulement défendit le roi, mais protesta à son tour et en appela au futur concile.

Quant au fougueux Pie II, il exhala ses plaintes d'une façon très amère[28]. Elle est l'œuvre, selon lui, de prêtres sans religion qui poursuivent le Saint-Siège d'une haine aveugle. C'est une tache qui défigure l'Eglise de France, un principe de confusion dans la hiérarchie ecclésiastique. Depuis qu'elle est en vigueur — et ceci nous montre combien profonde était la blessure faite au Saint-Siège — les laïques sont devenus les maîtres. Le pontife romain, malgré la plénitude de juridiction attachée à sa dignité, n'a plus en France de pouvoir que celui qu'il plait au Parlement ce maître si revêche et si dur que, sans s'en douter, s'est donné l'Eglise gallicane de lui laisser[29].

Aussi Pie II n'eut-il pas de cesse qu'il ne fit disparaître cette Pragmatique. Il essaya d'y arriver à Mantoue, mais de nombreuses querelles surgirent entre le pape et les envoyés français[30], non seulement au sujet de la Pragmatique, mais encore au sujet de la question napolitaine. On n'arriva à aucun résultat.

Le pape s'efforçait en même temps d'empêcher la propagation de cette Pragmatique. Ayant appris que l'archevêque de Trèves, frère du marquis de Bade, écoutant les conseils venus de France, cherchait de nombreux sujets de querelle au Saint-Siège, qu'il s'apprêtait à suivre les erreurs de l'Eglise gallicane et à accepter la Pragmatique novis rebus contra apostolicam sedem studere, gallieorum auscultare consilia ; illorum sequi detractiones, ad recipiendam Pragnaaticam tota mente inclinare, bien plus, à inciter les autres prélats de Germanie à l'imiter alios etiam ex Germania prœsales inducere, Pie II écrivit au marquis, lui rappelant qu'il avait approuvé sa politique à Mantoue. Il le priait de ramener son frère dans le devoir, car il ne pouvait souffrir plus longtemps une semblable plaie dans l'Eglise nec pati nostris temporibus possamus hanc plagam addi ecclesiœ[31].

En outre, le pape lançait, le 18 juin 1460, la bulle Execrabilis, qui condamnait les appels au futur concile, abus exécrable, contraire aux saints canons et préjudiciable à la république chrétienne, bulle dirigée surtout contre la France et contre la Pragmatique.

Charles VII riposta vigoureusement. L'ambassadeur de Francesco Sforza à Rome, Otho de Carreto, qui est merveilleusement informe sur les affaires de son temps, rapporte[32] que le pape fut fortement ému par la nouvelle que le roi voulait donner, au nom du concile, la ville d'Avignon au cardinal de Foix. Pie II déclara que si le roi accomplissait son projet et s'il réunissait un concile contre lui, il le déclarerait hérétique. Vers le même temps, au sujet d'un conflit survenu entre eux il, propos d'une nomination de bénéfice — le transfert par le pape de l'évêque de Toul, Guillaume Fillâtre, à l'évêché de Tournay alors que le roi avait proposé pour ce siège le cardinal de Coutances[33] —, Pie II réprimanda très fortement le roi qui lui avait écrit une lettre insolente et lui conseilla très vivement de faire sa soumission en abolissant la Pragmatique Sanction[34]. Cette Pragmatique, qui gênait ainsi si singulièrement la papauté au point de l'amener à un conflit ouvert avec le roi très catholique, qui jadis s'était si heureusement employé à faire cesser le schisme, ne gênait pas moins le nouveau roi de France.

Louis XI, avec ses instincts despotiques, voulait en effet accroître l'influence et le pouvoir de la royauté au détriment des seigneurs, soit spirituels, soit, temporels. La Pragmatique tendait au contraire à augmenter l'influence de ces seigneurs. C'en était assez pour que le roi, qui voyait un grand avantage à pouvoir disposer à sa guise des biens de l'Eglise, en désirât la disparition. Il avait d'ailleurs déjà juré, étant dauphin, de l'abolir le jour où il aurait le pouvoir. Ce serment fut sans doute réclamé cautement au dauphin par Pie II lorsque le futur Louis XI demanda l'assistance du souverain pontife pour se réconcilier avec son père[35].

Aussi se trouvait-il, en 1461, avoir à ce sujet les mêmes désirs que le souverain pontife. Mais si roi et pape veulent tous deux supprimer la Pragmatique, ils n'ont pas le même but. Unis pour détruire, ils vont se diviser aussitôt après, le pape comptant reprendre intégralement tous ses droits, le roi espérant bien tout conserver pour lui. La Pragmatique est donc tout à la fois, en 1461, un sujet de rapprochement et de brouille entre le pape et le roi.

En Italie, les intérêts royaux et pontificaux se trouvaient de même non moins rapprochés. Mais de ce côté, les deux souverains ne pouvaient pas s'accorder, ces intérêts étant complètement opposés, car ils tendaient tous deux à établir solidement leur hégémonie sur la péninsule.

A l'avènement de Louis XI il existait en Italie des Etats importants suffisamment forts déjà pour résister à l'occasion aux tentatives qui pouvaient être faites contre eux par la France.

Au nord se trouvaient deux grandes seigneuries rivales, le duché de Milan et Venise.

A Milan, un condottiere heureux, habile homme de guerre et diplomate subtil, Francesco Sforza, époux d'une fille bâtarde de Philippe-Marie Visconti, Blanche-Marie, avait écarté à la mort de ce dernier, en 1447, son héritier légitime, le duc d'Orléans Charles, qui possédait déjà en Italie le comté d'Asti.

Quant à la république vénitienne, elle étendait sa domination en Lombardie jusqu'au lac de Côme et elle n'était attentive qu'à éloigner tout danger de ses possessions. Elle cherchait par son habile diplomatie à diviser les Etats italiens et étrangers afin de régner sans conteste sur l'Italie.

La maison de Savoie comptait encore peu dans les destinées italiennes, niais par leur situation de portiers des Alpes, les ducs savoyards verront sous Louis XI, au moment du conflit bourguignon, leur alliance fort recherchée par les adversaires en présence.

Dans l'Italie péninsulaire on rencontrait trois grands Etats l'Etat pontifical, bien affaibli par les maux issus du grand schisme mais dont les souverains ont conservé toutes leurs pré tentions à la domination universelle et qui vont bientôt inaugurer la politique envahissante et funeste du népotisme ; Florence, qui partageait avec Sienne la domination de la Toscane et qui, habilement dirigée par les Médicis, pouvait elle aussi prétendre à l'hégémonie et enfin le royaume des Deux-Siciles, le plus grand mais aussi le plus pauvre des Etats italiens, le plus difficile à gouverner. Son chef, le roi d'Aragon, Alphonse le Magnanime, avait fini par évincer le chevaleresque René d'Anjou, en 1442. Le Saint-Siège lui avait donné l'investiture de Naples en attendant de sanctionner la transmission de son héritage à son fils Ferrand.

La royauté française n'avait pas attendu 1461 pour tenter d'implanter son influence dans la péninsule.

C'est à Charles VI qu'il faut remonter pour saisir les origines de la domination française en Italie. A cette époque, la république de Gênes, fatiguée de ses dissensions intestines, demanda à la France de la protéger. Après de multiples négociations, Charles V accepta définitivement la souveraineté de Gênes et de Savone, le 13 mai 1396, et le traité, confirmé par les suffrages populaires génois, fut signé à Gênes à la fin de la même année[36] (oct.-déc. 1396).

L'occupation de Gênes était une étape vers la conquête du royaume d'Adria[37] et un fait capital pour la consolidation des Angevins à Naples. C'est ce qui explique la nécessité pour la France de l'alliance milanaise sous Charles VII et Louis XI et aussi l'animosité que montrèrent toujours Venise, la papauté, les possesseurs aragonais de Naples et quelquefois aussi les ducs de Milan contre le rétablissement dans la péninsule d'un prince français puissant. La situation toutes proportions gardées eût pu être, pour la papauté surtout, la même que sous Frédéric II.

Charles VII essaya en effet d'aider ses proches dans leurs projets italiens. Dans le Milanais, avant même que Philippe-Marie eut rendu le dernier soupir, Regnault de Dresnay vint avec 5oo lances occuper Asti, et après la mort du duc, il envahit le Milanais. Mais il fut battu et pris et Charles d'Orléans lui-même ne parvint pas à chasser Sforza qui s'empara de Milan en 145o.

A Naples, pour aider René, Charles VII sacrifia vingt mille florins qui ne furent pas suffisants pour lui permettre de reconquérir sa couronne.

L'avènement des Sforza modifia les relations des Etats italiens entre eux et leurs rapports avec la France.

Prise de peur, Venise pour détruire les Sforza, se ligua contre eux avec l'Aragon, la Savoie, le Montferrat. Francesco, outre l'alliance de Côme de Médicis, sollicita les secours de Charles VII et ainsi se conclut le traité de Montils-les-Tours (1452). Venise, alarmée par l'arrivée en Italie d'une armée française commandée par René d'Anjou, négocia et une nouvelle ligue se forma entre Milan, Venise, Florence, le Saint-Siège et Naples à Lodi (1454), pour organiser en apparence la croisade, pour arrêter en réalité les progrès de la France.

Cette crainte de la France est nettement visible dans un mémoire de Simonetta adressé en 1457 à Sforza que l'on engage à surveiller très minutieusement les affaires génoises. Si Gênes, qui s'était révoltée sous le gouvernement du maréchal de Boucicaut et qui avait chassé les Français, retombait en leur possession, elle deviendrait fort utile aux Angevins pour leurs expéditions contre Naples et l'équilibre établi par la paix de Lodi serait rompu.

Ces appréhensions étaient fondées, car Charles VII, pour favoriser le développement de sa marine[38], s'empara de nouveau de Gènes, qui, après bien des vicissitudes, se soumit à lui en 1458.

Le traité fat signé à Aix, le 7 février 1458, par le duc de Calabre, lieutenant général du roi, gouverneur de Gênes, et ratifié à Beaugency par Charles VII, le 25 juin 1458.

Le roi de Naples, inquiet pour ses Etats, alarmé par le traité de Montils-les-Tours, s'empressa de venir assiéger cette place d'où les Français pouvaient partir pour reconquérir Naples. Il mourut durant ce siège (27 juin 1408), laissant ses possessions d'Aragon à son frère, mais installant à Naples un de ses bâtards Ferrand.

Côme de Médicis et Sforza craignant alors de voir le roi de France prendre en Italie la place des anciens empereurs, se liguèrent, au mépris du traité de Montils, avec Pie Il et Ferrand, ce qui amena Charles VII à songer à une expédition contre Naples. Mais Gènes, qui devait être le point de départ de cette expédition, se révolta le 9 mai 1461, à l'instigation des princes italiens. Jean de Calabre, qui venait de battre Ferrand à Sarno (juillet 1460), se hâta de venir défendre la place. Malheureusement la flotte du roi René, amenant un secours de 1.000 hommes d'armes, se fit battre le 17 juillet 1461 et cette déroute amena la fin de la domination française à Gênes. Gênes s'était donné un doge Prosper Adorno, auquel succédèrent, lorsque Jean de Calabre eut été forcé d'abandonner la ville, les Campofregoso, ces archipirates qui devaient en rester les maîtres jusqu'au moment où le diable dans la personne de Francesco Sforza les en expulsa.

Tel était, en 1461, l'état politique de la péninsule italienne. Louis XI, avec ses instincts dominateurs, va essayer d'en profiter pour y acquérir une influence prépondérante. La papauté de son côté tentera de s'opposer à cette politique envahissante du nouveau roi. Elle espère, grâce à son habile diplomatie, écarter la France de la péninsule, affaiblir les Etats italiens en les divisant et redevenir comme jadis l'arbitre du pays. Mais le Saint-Siège se trouva en présence d'un adversaire digne de lui.

Louis XI était déjà très au courant de la politique italienne et il s'était trouvé à maintes reprises en relations avec le Saint-Siège.

Nommé, le 28 juillet 1440, au gouvernement du Dauphiné, il n'avait pris réellement en main l'administration de cette province qu'en janvier 1446, alors que, brouillé avec la cour, il s'était, à poste fixe, installé à Grenoble. Là, il avait agi en véritable souverain indépendant et son mariage avec Charlotte de Savoie, contracté sans le consentement paternel, l'avait amené à intervenir dans les affaires de la péninsule.

Lors du schisme, il s'était rendu caution du pape Nicolas V envers Félix V et de Félix envers Nicolas, contribuant ainsi à l'accommodement qui survint entre eux[39]. Ses rapports avec la papauté étaient devenus plus étroits encore lorsque le Saint-Siège, éprouvant le besoin d'avoir au delà des Alpes un protecteur tout dévoué, le nomma, en 1446, gonfalonier de l'Eglise. Cette nomination[40], accompagnée d'un subside de 20.000 florins — à prendre, il est vrai, sur les revenus des églises de France —, fut fort bien accueillie — surtout au point de vue pécuniaire — par le dauphin. Nicolas V, après Eugène IV, confirma, en 1447, cette donation et une nouvelle nomination de grant confaronier fut faite en sa faveur en 14S6, parce que, dit le dauphin, nous avons bien désiré et désirons nous employer au service de Dieu et de ladite Eglise et au bien et deffense de la crestianté[41]. Aussi le dauphin Louis, tout en profitant de cette amitié du Saint-Siège — ses demandes de bénéfices pour ses fidèles sont nombreuses dès cette époque[42] —, fait-il preuve de grande bonne volonté envers le Saint-Père. II fait très strictement exécuter dans son domaine les bulles pontificales, donnant à ce sujet des ordres très sévères à ses gens du conseil du Dauphiné[43]. Nous le voyons s'occuper des conflits surgissant à tout instant entre nos officiers et ceulx de l'Eglise à cause des juridictions et subgez[44]. Il songe, vers 1480, à la cassation et rumpture de la Pragmatique Sanction qui est la chose qui touche grandement nous, vous et tout le bien du pays. — Et pour ce que la matière est de grant poix, il appelle à ses côtés, pour l'éclairer de leurs conseils, l'évêque de Grenoble et les prélats de nostre pays[45].

Par contre, la papauté lui confirme les concessions faites par les papes aux dauphins de France, pour les fiefs comitaux de Valence et de Die, avec rémission des cens qui n'ont pas été payés par le passé[46]. Pie II n'oublie pas, il est vrai, en même temps, de réclamer au dauphin pour lesdits fiefs le serment qui lui est dû[47], serment de fidélité et d'hommage qu'un orateur du dauphin alla prêter au souverain pontife[48].

Enfin Louis se trouva, au sujet du Comtat-Venaissin et d'Avignon, en relations très suivies avec Eugène IV et son légat, Pierre de Foix[49]. Des négociations secrètes, qui furent sur le point d'aboutir, eurent lieu entre la papauté et le dauphin qui put espérer un instant voir les Etats pontificaux de France passer sous sa domination sous couleur de protectorat[50]. Le dauphin n'ayant pu arriver par la diplomatie, essaya de la force. Ses agents envahirent à main armée le Comtat en 1450. Le pape et le cardinal de Foix[51], portèrent leurs doléances au roi dont les rapports avec le dauphin étaient alors très tendus. Charles VII se hâta d'intervenir très énergiquement. Il réunit une grosse armée avec laquelle il s'avança vers le Forez. La crise assez aiguë fut apaisée par le légat, le cardinal d'Estouteville[52], qui vit le dauphin à Vienne et celui-ci lui déclara que désormais il désirait de tout son pouvoir faire toutes choses agréables à notre Saint-Père et à vous — le roi[53].

Cela n'empêcha pas le dauphin de continuer à intriguer. Non seulement il nouait des relations avec le pape, mais il s'alliait en outre avec les princes italiens. Il traitait avec tous, se faisait aider par eux dans sa lutte contre son père[54]. Il était d'ailleurs très décidé à ne pas se laisser duper et il fut rapidement au courant de toutes les finesses de la politique italienne.

Grâce à son habileté, à sa souplesse, à son éloquence souvent insinuante et hypocrite, il en vint très vite à se faire considérer et même accuser — c'est Basin, il est vrai, qui lui fait ce reproche — d'être un véritable Italien et de prendre pour modèles Ferrant et Sforza. Entrainé vers les esprits italiens par les affinités de son esprit, il apprit, par suite d'un contact presque journalier avec les hommes de la péninsule, leur langue, il pénétra toutes les finesses plus ou moins avouables de leur politique, en étudia de près tous les ressorts. Son intelligence devint ainsi presque italienne et nous le verrons plus tard apporter dans ses négociations une prudence politique, une profondeur de vues et une absence de scrupules au moins égales à celles des plus fameux tyrans italiens[55]. Certains Italiens le considérèrent comme un barbare et à certains égards cette opinion pourrait s'admettre[56]. Mais la plupart se reconnurent en lui, le proclamèrent des leurs. Il semble que le roi ait été élevé en Italie, dit un ambassadeur milanais : Pare che questo re sia sempre stato et elevato in Italia[57].

Aussi à son avènement se trouvait-il tout prêt à intervenir dans l'imbroglio italien où il allait pouvoir tout à son aise tendre ses fils. Tout le poussait d'ailleurs de ce côté. Grâce à l'impôt permanent, son trésor était bien garni — et il ne le laissa jamais se vider, en augmentant arbitrairement de plus en plus la taille —. Son armée, dont les cadres étaient formés par les compagnies d'ordonnance, était l'une des meilleures de l'Europe. Dans cette même Europe, personne ne pouvait, semble-t-il, songer à s'opposer à lui.

De quelque côté qu'il se tournât, il ne voyait que chaos, ruines et confusion. L'Espagne commençait à travailler péniblement à la réalisation de son unité et l'Angleterre venait, à la suite de la guerre de Cent Ans, de tomber malade[58]. Quant à l'indolent Frédéric III, il voyait sans inquiétude disparaître l'ancien empire germanique. Il songeait avant tout à sauvegarder les intérêts de sa maison et la formation de la monarchie autrichienne sera le plus grand fait politique de l'histoire de son règne.

L'état de l'Italie était d'ailleurs plus que jamais favorable à une intervention française Gênes venait de se révolter contre Charles VII et avant de la donner au diable, Louis XI va essayer de la replacer sous son autorité.

A Naples, les Angevins tentaient péniblement de reconquérir les Deux-Siciles sur les Aragonais et le roi, pour complaire à son bon oncle, va lui prêter, dès son avènement, l'appui de son autorité morale. Mais Louis XI, n'étant pas un homme de guerre et ne voulant pas de conquêtes inutiles[59], ne songea pas à intervenir militairement. Y eut-il d'ailleurs pensé, que les difficultés qu'il rencontra à l'intérieur de son royaume, dès son accession au pouvoir, l'en auraient comme cela arrivera toujours par la suite empêché.

Dès le début de son règne, Louis XI eut pour but de former avec les Etats italiens une ligue offensive et défensive contre ses ennemis intérieurs et contre la papauté et l'empire, d'obtenir la soumission de Gênes révoltée et grâce aux possessions lombardes de son vieux cousin d'Orléans, d'établir solidement son autorité dans le nord de la péninsule, d'asseoir la maison d'Anjou à Naples, de marier le duc de Calabre à une fille de Francesco Sforza[60], d'endormir, en un mot, par sa politique habile et rusée toutes les défiances pour arriver à obtenir un ascendant moral incontesté et devenir ainsi non seulement l'arbitre, mais encore le maitre de l'Italie[61].

Ainsi donc, en 1461, au moment où Louis XI arrive au trône, il se trouve fatalement amené à entrer en rapports avec le Saint-Siège. Ces relations sont pour ainsi dire forcées.

A l'intérieur, ce sont la question des rapports de l'Eglise et de l'Etat et de l'Eglise gallicane avec la curie romaine à l'extérieur, la question napolitaine et génoise et la question d'influence et d'hégémonie morale et matérielle sur la péninsule qui commandent ces relations — très variées et très diverses — qui vont se continuer pendant tout le règne.

C'est l'histoire des multiples vicissitudes de ces rapports entre Louis XI et le Saint-Siège que nous allons étudier.

 

 

 



[1] Archives de Sienne dans Pastor, Histoire des papes, III, 127.

[2] Archivio Gonzaga, Bartolomeo Bonatto au marquis. Potenze estere : Roma, 9 ottobre 1461.

[3] Michelet, Louis XI.

[4] Commines. Mémoires, I, 10.

[5] Dom Lobineau. Histoire de la ville de Paris. II, 849.

[6] Voir le portrait si vivant qu'en a tracé M. B. de Mandrot, dans un article sur L'autorité historique de Ph. de Commynes. Revue historique. 1900. Juillet-Août, 253-4.

[7] Desjardins. Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, I, 9.

[8] Delaborde. L'expédition de Charles VIII en Italie, 75.

[9] Æneas Silvius Piccolomini, né à Corsignano en Toscane en 1405, évêque de Sienne, cardinal de Saint-Eustache en 1456, succéda à Calixte III en 1458 sous le nom de Pie II et mourut à Ancône en 1464.

Pierre Barbo, né à Venise en 1418, neveu d'Eugène IV, évêque de Cervia, archevêque de Bologne, cardinal de Sainte Marie-la-Neuve, puis de Saint-Marc (1440), succède à Pie II en 1464 sous le nom de Paul II et meurt à Rome en 1471.

François d'Albescola della Rovere, né près de Savone en 1414, religieux de l'ordre de Saint-François, général des Frères mineurs, cardinal de Saint-Pierre-lès-liens (1464), succède à Paul II en 1471 sous le nom de Sixte IV et meurt à Rome en 1484.

[10] Pithou. Traité des libertés de l'Eglise gallicane, 507.

[11] Pithou. Libertés de l'Eglise gallicane. I, 15.

[12] Picot. Histoire des Etats généraux. I, 423.

[13] Delaborde. o, c., 166. (Il rapporte à ce sujet les plaintes des Etats généraux de 1484.)

[14] Voir pour plus amples détails sur la question ecclésiastique Thomassin, Anc. et nouvelle discipline de l'Eglise, et Paul Viollet, Hist. des institutions politiques et administratives de la France, 2 vol. in-8°, qui nous donne sur cette question un résumé très clair et très exact Voir aussi du même auteur Hist. du droit civil français, 2e édition.

[15] Thomassin, oc. III, 77.

[16] Thomassin, oc, III, 30.

[17] Pastor. o, c. III, 122.

[18] Mathieu. Hist. de Louis XI, II, 82.

[19] Pii II. Commentarii, 160.

[20] Michelet. Louis XI.

[21] Ordonnances. XIII, 267.

[22] Guettée. Hist. de l'Eglise de France, VIII (Pièces justificatives), 404-435.

[23] D. de Beaucourt, Hist. de Charles VII, III, 355.

[24] L'ordonnance du 18 février 1406 déclare qu'il sera pourvu aux prélatures et bénéfices suivant les lois canoniques sans avoir égard aux réserves et aux grâces expectatives. (Isambert. oc, VII, 126.)

L'ordonnance de 1410 rétablit les élections canoniques tombées en désuétude. (Ordonnances XII.)

L'ordonnance du 2 avril 1418 défend de transporter hors du royaume, or, argent, joyaux ou autres choses pour annates ou autres expéditions de cour de Rome. (Ordonnances X, 447-9.)

L'ordonnance du 8 février 1422 maintient les libertés de l'Eglise gallicane et rend les élections aux ordinaires.

L'ordonnance de Chinon (10 mars 1431) déclare que nul ne sera reçu à tenir l'administration d'aucune prélature ou d'aucun bénéfice en France s'il n'est natif du royaume et affectionné au roi. (Ordonnances XIII, 177.)

[25] Il ne semble pas que les privilèges accordés à l'Université aient été véritablement observés, car l'Université déclara peu après que la Pragmatique était infructueuse et inutile.

[26] Il suffit de parcourir le Gallia Christiana pour voir que nombre d'évêques furent à partir de 1438 nommés sous l'influence des seigneurs un Armagnac à Auch (1460), un Pardiac à Limoges (1446), un Foix à Tarbes (1441), un Albret à Cahors (1460), un Bourbon au Puy (1446), un Aubusson à Tulle (1444).

[27] D. de Beaucourt, oc. III, 379. Analyse ce projet de concordat que l'on trouve dans Dupuy, vol. 549, f° 54-9, mais sans se prononcer sur la question de savoir s'il y eut réellement des négociations entamées à ce sujet.

[28] Pii II. Commentarii VI, 159.

[29] Michelet. Louis XI.

[30] L'ambassade était ainsi composée l'archevêque de Tours, l'évêque de Paris, Mile d'Iliers, évêque de Chartres, Thomas de Courcelles et le bailli de Rouen.

[31] A. du Vatican. Pii II. Arm. XXXIX, n° 9, f° 230 (sans date).

[32] Milano. Archivio di Stato Potenze estere Roma. Otho au duc (22 fév. 1461) : Ho dato ancora aviso a la Santita de nostro Signore de quello che vostra Excellentia me scrive de le novelle che haveti de la creatione del grande contestabile in Franza et de la deliberatione che se dice essere fatta de deponere la cita de Vignone in mano del Reverendissimo Cardinale de Fuxio a nome del Concilio. Sua beatitudine molto se commosta per tal novella dicendo sel re de Franza li faceva concilio che procederia contra de luy ad privationem regni et publicarlo heretico come de jure poteva fare ; li confortay ad intendersi bene con la potentie de Italia et etiam con altri signori quali fin a qui haveano con sua Santita stretta amicitia. Item attendere con ogni ysforzo a vincere questa impresa del Regno nam con tal fondamenti non potera periclitare la sede apostolica. Volse sua Santita chio gli lassassi quella littera per potere consultare questia materia. Ricommandomy a vostra Excellentia. Roma, XXII february 1461. Servitor Otho de Carreto.

[33] Richard-Olivier de Longeuil, évêque de Coutances en 1453, cardinal du titre de Saint-Eusèbe en 1456, fut ensuite évêque de Porto. Il mourut à Péronne en 1470.

[34] A. du Vatican. Pii II Reg 504, f° 247. Rome, 20 avril 1461.

[35] Basin. oc, IV, 85.

[36] Jarry. Les origines de la domination française à Gênes, passim.

[37] La ville d'Adria, qui a donné son nom à l'Adriatique, est située au sud-ouest de Venise et de Chioggia. D'abord gouvernée par des ducs, Adria fit ensuite partie de l'exarchat de Ravenne. Au début du XIIIe siècle elle entre dans les domaines des marquis d'Este qui la firent gouverner par des vicomtes. Venise s'en empara en 1509. En 1370, le pape Clément VIII, espérant se faire un champion en Italie de Louis d'Anjou, frère du roi de France, créa pour lui un royaume d'Adria qui devait comprendre la plus grande partie du patrimoine pontifical sur l'Adriatique, depuis Ancône jusqu'au Pô, avec les villes de Pérouse, Bologne, Ravenne et Ferrure. Le projet n'eut pas de suite (Cf. Durrieu. Le royaume d'Adria. Revue des questions historiques, 1880.)

[38] Delaborde, oc, 117.

[39] Legrand. Histoire manuscrite de Louis XI, I, 121.

[40] Vœsen. Lettres de Louis XI, I, P J, 213.

[41] Vœsen. Lettres, I, 58.

[42] Lettres, I, passim.

[43] Lettres, I, 151.

[44] Lettres, I, 146.

[45] Lettres, I, 147.

[46] A. du Vatican, Pii II. AA. Invest. lib. 19, p. 2 Arm. 3 (21 mars 1460).

[47] A. du Vatican. Pii II. Arm. XXXV, t. 33, p. 114 (5 oct. 1460).

[48] A. du Vatican. Pii II. AA. Invest. lib. 18, p. 21. Arm. 3.

Les droits de la France sur les comtés de Die et de Valence remontent à Charles VI. Les habitants de ces comtés s'étaient, après 1276 (date de la réunion des deux pays), donnés d'abord au pape. Ils se donnèrent ensuite au dauphin qui, devenu roi sous le nom de Charles VI, ne put faire valoir ses droits. Les comtés devinrent définitivement possession royale sous Charles Vil, époque à laquelle le dernier des comtes les légua à son souverain. Sous le règne de Charles VII. le dauphin Louis, en échange de la province éloignée du Faucigny qu'il céda, le 3 avril 1446 au duc de Savoie, acquit les droits que ce prince avait sur les comtés en vertu d'une disposition testamentaire du comte de Poitiers (Lettres, I, 204-212). Charles VII ratifia, au mois d'avril 1446 ce traité conclu par le Dauphin, qui eut ainsi, grâce à ces pays confinant aux domaines de l'Eglise et auxquels il ajouta, en mai 1447, par le traité de Carpentras, Montélimar, libre accès dans la vallée du Rhône. La papauté, qui exigea du dauphin, en 1455, la prestation d'hommage pour Montélimar, comme elle l'exigea aussi en 1456 pour Romans, la baronnie de Saint-Auban et quatre-vingts autres places, dut aussi le réclamer pour les comtés sur lesquels elle avait un instant régné avant les rois de France et qu'elle dut sans doute comprendre dans le ressort de ce que l'on appelait alors les places adjacentes. (Rey, oc, 85 et suiv.)

[49] Lettres, I, P J ; 241

[50] Rey, oc, p. 77 et sq. Met très bien en lumière (chapitres III et IV) ces négociations et relations entre le dauphin et Eugène IV.

[51] Pierre de Foix, né en 1386 ou 1387, créé cardinal du titre de Saint-Etienne au Mont Cœlius par Benoît XIII en 1409, avait été tour à tour évêque de Lescar, de Comminges, d'Albans, administrateur de l'archevêché de Bordeaux et de l'évêché de Dax, archevêque d'Arles et abbé de Montmajour. Il fut légitimé comme cardinal par Martin IV. en 1418 ou 1419 ; et ce pape l'envoya en ambassade en Espagne auprès d'Alphonse d'Aragon en 1425. Il revint en Espagne en 1426 et 1428 et obtint la démission du pseudo-pape Clément VIII. Eugène IV le nomma légat d'Avignon et cardinal d'Albano en 1432 et il fut installé dans son siège par la force des armes en 1433. Il mourut à Avignon le 13 décembre 1464.

[52] Guillaume d'Estouteville, né avant 1403, mort à Rome en 1483, fut d'abord bénédictin, puis évêque de Maurienne, Digne, Béziers, Ostie, Velletri Pont-Sainte-Rutine, archevêque de Rouen en 1453. Cardinal des titres de Saint-Sylvestre et Martin-des Monts, en 1487 il fut légat de Nicolas V en France en 1451.

[53] Lettres, I, P J ; 240.

[54] Buser, oc, p. 97-100.

[55] Delaborde, oc, 53-4.

[56] Buser, oc, p. 95 100.

[57] Delaborde. oc, p. 74 Cite la lettre de Maletta à Sforza.

[58] Michelet. Louis XI.

[59] Buser. oc, 97 100

[60] Desjardins oc 1 Introduction ; 9.

[61] Perret. oc, passim.