II. — Géographie politique. Les rapports entre le sol et
l'homme sont empreints, en France, d'un caractère original d'ancienneté, de
continuité. De bonne heure, les établissements humains paraissent y avoir
acquis de la fixité ; l'homme s'y est arrêté parce qu'il a trouvé, avec les
moyens de subsistance, les matériaux de ses constructions et de ses
industries. Telles sont les paroles par lesquelles M. Vidal de On fait remonter à des temps infiniment plus reculés, du
XXe au Le siècle avant notre ère, les habitations lacustres de la région
alpine, et pourtant on y trouve les traces d'une civilisation relative, d'une
industrie et d'une agriculture assez développées, d'un commerce qui
s'étendait de Il y avait donc au moins vingt siècles, lorsque Annibal franchit les Pyrénées, que des hommes défrichaient les clairières de nos forêts et les traversaient en tout sens. Dans un pareil laps de temps, les pistes peuvent devenir des chemins frayés ; les peuples ont eu le loisir de les rectifier, de les tracer au gré de leurs besoins, reliant les habitations et longeant les cultures ; ils ont pu chercher et améliorer les passages les plus faciles et les plus commodes à travers tous les obstacles naturels, montagnes, escarpements, fleuves ou marécages. Si nous nous transportons au temps même d'Annibal ou de la conquête romaine, nous trouvons en Gaule une civilisation très avancée. S'il est vrai que les habitants, Gaulois, Ligures ou autres, n'ont pas d'alphabet et semblent ignorer les sciences et les beaux arts, peut-être sont-ils supérieurs aux Grecs et aux Romains pour l'industrie, pour les côtés pratiques de la civilisation. Cette supériorité, est-ce bien aux Gaulois, ne serait-ce pas plutôt aux peuples indigènes soumis par eux qu'ils la doivent ? N'y avait-il pas alors en Gaule un peuple conquérant, guerrier, à cheveux blonds, de race aryenne, et des populations autochtones ou du moins plus anciennement établies, et adonnées à l'agriculture, aux travaux métallurgiques et industriels de toute sorte ? Quoi qu'il en soit, on trouve dans les textes et dans les découvertes archéologiques la preuve formelle de cette civilisation pratique des habitants anciens de notre pays. Sans doute les trouvailles
archéologiques nous font connaître surtout des armes, des instruments de luxe
; mais d'heureux hasards ont exhumé aussi des témoignages de la vie agricole
que menaient les peuples du nord des Alpes : le blé, l'orge, quelques fruits,
des tissus fabriqués de lin ont été trouvés dans les plus anciennes stations
lacustres. On voit ces populations primitives déjà en possession des principaux
animaux domestiques, bœuf, mouton, chèvre, porc. Plus tard, quand les Romains
firent connaissance avec le nord de On attribue positivement aux
Gaulois l'invention des moulins, de la fabrication du savon (le mot sapo est celtique) et de l'étamage du cuivre[3]. Ils connaissaient aussi l'argenture et arrivaient par
d'autres voies aux résultats qu'on obtient aujourd'hui par le procédé Ruolz[4]. L'emploi qu'ils faisaient de la chaux comme engrais étonnait les Romains[5]. Ils ont inventé les émaux. Les auteurs anciens en attribuaient l'honneur aux Barbares de l'Océan. Ce renseignement a pris une valeur nouvelle et un caractère plus précis depuis les fouilles de Bibracte. Parmi les industries pratiquées dans cette ville, l'art de l'émailleur, intimement lié à celui de l'orfèvre, tenait le premier rang. Bien que les habitations fussent le plus souvent construites en matériaux légers, on a retrouvé à Bibracte (mont Beuvray) deux grandes maisons ornées de mosaïques et très certainement antérieures à la conquête, car les seules monnaies qu'on y ait recueillies sont gauloises[6]. Ils aimaient le luxe, sinon dans
leurs demeures, au moins sur leurs personnes. Leur goût pour la parure était
très vif..... Les pièces essentielles de leur
costume étaient le pantalon (braccæ) collant et très ajusté, la saie (sagum), manteau qui tantôt s'agrafait par-dessus l'épaule,
tantôt se pliait comme un plaid ; la caracalla,
qui avait la forme d'une blouse ; les chaussures à semelles épaisses, avec
une empeigne médiocrement relevée, appelées gauloises (gallicæ). Les étoffes étaient voyantes, brillantes, bariolées. Les
couleurs diverses s'y allongeaient en bandes ou se croisaient en carreaux.
L’or brodé ou appliqué y jetait ces reflets métalliques dont parle Virgile : virgatis lucent sagulis. L'éclat de ce
costume était rehaussé encore par les bijoux, les bracelets, les colliers,
les fibules[7].
Certes, le climat plus doux de La marine gauloise était, elle aussi, très en avance sur celle des Romains et même des Phéniciens, à cause de la lutte qu'il lui fallait soutenir contre l'Océan. Les navires des Vénètes, plus solidement construits que ceux des peuples méditerranéens, avaient des voiles en cuir et des chaînes d'ancre en fer, qui surprirent les Romains[8]. Mais c'est surtout dans la métallurgie que se manifeste la
supériorité des habitants de Nulle part peut-être, sauf en
Espagne, le minerai n'était plus abondant ni mieux exploité. Ainsi s'explique l'habileté des Gaulois à contre-miner les travaux d'approche de César au moyen de galeries souterraines : Ils sont d'autant plus habiles à ce genre de travaux, dit celui-ci, qu'ils ont dans leurs pays des mines de fer considérables, qu'ils connaissent l'art de pratiquer toute espèce de galeries et qu'ils y sont passés maîtres[10]. Ceci est particulièrement intéressant pour nous, car il est bien évident que ces hommes, si experts dans l'art de creuser des galeries, ne sauront pas moins bien entailler le flanc des coteaux et des montagnes pour y faire passer des routes. Ce ne sera pour eux que l'enfance de l'art. Il n'y a donc pas à douter que le récit de Polybe, montrant la colonne carthaginoise engagée sur une route en corniche, au flanc d'un escarpement, ne soit rigoureusement exact. Lorsque le colonel Perrin juge impraticables les vallées de l'Isère et de l'Arc, il oublie que les Gaulois y passaient il y a vingt-deux siècles comme nous y passons aujourd'hui, sur un chemin, et non pas sur le sol naturel, dans le lit du torrent. Ce n'était pas la main-d'œuvre qui pouvait manquer pour des travaux d'utilité publique : les chefs de l'aristocratie gauloise y employaient tout d'un coup la foule de leurs esclaves, et en quelques jours on devait accomplir ainsi des besognes considérables. On en jugera en se rappelant que, d'après César, l'Éduen Orgetorix avait 10.000 clients ou esclaves. C'était là des corvées à rendre jaloux M. de Choiseul ! Tout nous fait supposer que les chemins étaient nombreux
dans L'importance des transactions est
attestée par l'existence d'une monnaie émanant de la monnaie grecque et
s'inspirant de cette dernière. Les reproductions furent au début relativement
exactes, puis elles s'écartèrent de leurs modèles pour en différer presque
complètement. Les monnaies massaliotes furent les premières qui s'imposèrent
à l'imitation des Gaulois[11]. Les copies qu'elles suscitèrent se répandirent sur les
deux versants des Alpes, dans la vallée du Pô et dans la vallée du Rhône. Une autre influence s'exerça sur
le Sud-Ouest, celle de Rhoda. Rhoda était en relations suivies avec Vers le milieu du IVe siècle,
l'exploitation des mines de Les Allobroges, de leur côté,
bien avant l'occupation romaine, avaient leur monnaie. Les numismates
reconnaissent à ceux de Ce qui achève de prouver que la richesse foncière existait déjà en Gaule, et ce qui témoigne définitivement de l'état sédentaire des populations, c'est ce que nous savons des impôts. Les Gaulois avaient un impôt direct (tributum), dont le poids se faisait sentir particulièrement à la plèbe. Ils avaient aussi des impôts indirects, que César appelle portoria et vectigalia. Les portoria sont les droits sur les navires entrés dans les ports. Les peuplades alpestres, quand elles ne détroussaient pas les marchands qui traversaient leurs montagnes, les soumettaient à des taxes très lourdes. Le mot vectigal a un sens plus étendu : il se dit des impôts indirects en général et plus particulièrement de la redevance pour l'exploitation des terres publiques[14]. Il résulte de tout ceci que les habitants de Des voies de commerce très
anciennes s'avancèrent de Il y avait déjà chez ces peuples
quelque chose que les Grecs du Ve siècle av. J.-C. traduisaient par le mot philhellène.
Cela voulait dire des gens accueillants pour les étrangers, aptes à apprécier
les avantages et à se conformer aux habitudes du commerce.... Vers 500 ou 600 av. J.-C., Certes, depuis le XIIe ou au moins le Xe siècle, les
Phéniciens avaient des comptoirs sur les côtes de Lorsque les Phocéens se furent établis solidement à Marseille, ils agrandirent les sentiers qui pouvaient leur être utiles, et ils construisirent aussi de véritables routes qu'ils appelaient όδός. Elles n'avaient que la largeur suffisante pour un chariot, mais de distance en distance, il y avait des espaces un peu plus grands où deux chariots pouvaient passer. Les Marseillais n'ont pas été dans l'usage de paver ces chemins ; ils les réparaient seulement avec des graviers[19]. La première de ces routes, par l'étendue et par
l'importance, était la voie Héraclée, dont le nom semble indiquer une origine
phénicienne, et qui reliait tous les ports de la côte. Le pseudo Aristote des
Anecdotes merveilleuses (Περί
θαυμασίων
άκουσμάτων)
donne sur cette route le curieux renseignement que voici : On dit qu'il y a une certaine route, appelée Héraclée, qui
conduit d'Italie jusqu'en Celtique, et chez les Celtoligures, et chez les
Ibères. Si un Hellène ou un indigène quelconque y voyage, les habitants
riverains veillent à ce qu'il ne lui arrive aucun dommage. Ceux chez qui
surviendrait un accident en supporteraient la peine[20]. Était-elle
pavée ? on ne saurait le dire, mais à coup sûr elle était l'objet d'une attention
toute spéciale. Primum Pæni dicuntur lapidibus vias stravisse, dit Isidore
de Séville[21],
et M. Lenthéric ajoute à ce propos : Il est bien
possible que les voies primitives qui reliaient les comptoirs phéniciens de N'a-t-on pas quelquefois considéré comme voies romaines
des routes plus anciennes dont on retrouvait les vestiges ? En particulier,
la prétendue Via
Salanca qui passe au col de Nous ne pouvons donc pas réfuter, ni démontrer formellement l'existence de routes construites avant la conquête romaine. Personne, dit E. Desjardins, ne peut songer à nier l'existence de chemins gaulois et de communications régulières, actives, suivant même des directions fixes, entre les différents centres de peuples ou de cités, pour employer le terme dont s'est servi César ; mais nous affirmons que ces routes, qui n'étaient pas construites, n'ont pu laisser, en conséquence, aucun vestige appréciable, ni même distinct, quant à leur origine et quant à leur époque[23]. Telle est certainement la vérité en ce qui concerne l'intérieur
de On peut présumer, dit Deluc[24], que les Romains ouvrirent leurs grands chemins dans les Alpes en suivant les routes fréquentées par les anciens habitants du pays. Il n'y a au contraire aucune raison de supposer que les
Romains aient adopté le tracé des chemins gaulois. De nos jours, il est rare
qu'une route nouvelle soit construite sur les chemins existants, surtout aux
colonies. Comme on fait usage de plus grands moyens' on n'est pas arrêté par
autant d'obstacles, et on ne craint pas de construire un ouvrage d'art pour
gagner quelques heures de marche ou adoucir une pente. Les voies romaines,
d'ailleurs, avaient leur objet spécial, très différent de celui auquel
répondaient les chemins gaulois, phéniciens ou marseillais : il s'agissait
d'aller au plus vite dans les différentes provinces, et non de relier tous
les bourgs ou tous les ports de proche en proche. Nous sommes convaincu, en particulier,
que Les Gaulois et les Ligures ne devaient pas reculer devant des travaux de terrassement : ils savaient entailler un talus, un escarpement, franchir un ravin ; ils devaient bâtir des ponts en pierres et en bois, mais de petites dimensions. Les Romains, pour leurs grandes voies stratégiques, multiplièrent les maçonneries. La chaussée elle-même, on le sait, se composait de couches de maçonnerie successives, reposant sur un fond de mortier : un statumen de grosses pierres plates supportait à son tour une épaisse couche de béton, le rudus, sur laquelle on coulait encore le nucleus de ciment, mélangé de brique pilée ou de mâchefer, et enfin on plaçait le pavage ou le macadam (summa crusta). La chaussée (calceum) était ainsi un véritable monument, et il n'était pas indifférent, pour l'abréger, de multiplier les ponts et les tranchées. On peut donc admettre, lorsqu'on voit un obstacle de quelque importance franchi par une voie romaine, que les chemins gaulois plus anciens contournaient l'obstacle au lieu de le franchir. Il ne semble pas que les Ligures et les Gaulois aient connu la maçonnerie ; ils ont presque uniquement construit en pierres sèches ou en bois. C'est là surtout ce qui doit nous empêcher de supposer l'existence de ponts un peu considérables avant la conquête romaine ; il ne devait y avoir que des ponceaux sur les rivières ou torrents qu'on pouvait franchir avec une seule arche. Si les Gaulois ne maçonnaient pas, ils étaient passés maîtres, en revanche, dans les travaux de terrassement et fort en état d'ouvrir toutes les tranchées nécessaires pour passer à flanc de coteau. Leurs moyens de transport étaient nombreux ; ils avaient un matériel roulant très varié (et surtout ils avaient des voitures légères), auquel les Romains n'ont pas dédaigné de faire des emprunts. Ils avaient l'essedum, le carpentum, qui étaient des chars de luxe, sur le modèle du char de guerre ; la benna, qui était un panier d'osier ; la carruca, la reda, le petorritum, qui étaient de vastes chariots à quatre roues. Tout cela ne va pas sans une viabilité développée[25]. Les ponts, les ponceaux étaient-ils en pierre ou en bois ? L'un est-il plus primitif que l'autre ? Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il y avait des ponts, car des villages ne demeurent pas côte à côte pendant vingt siècles et davantage sans qu'on établisse entre eux les communications nécessaires. Osiander avance peut-être un peu légèrement qu'en Maurienne il ne devait y avoir sur l'Arc et ses affluents que des troncs d'arbres jetés en travers et non de véritables ponts[26]. C'est bien mal apprécier l'intelligence et l'activité de nos ancêtres, héritiers sinon descendants des populations lacustres, si expertes en pareille matière. Un des symptômes les plus probants d'une viabilité sérieuse et entretenue avec soin, c'est l'existence d'une mesure itinéraire parfaitement définie et d'un usage si répandu dans tout le pays, que les Romains la prirent comme unité pour le bornage de leurs voies. La lieue (leuga) devait même avoir servi à des mesures exactes, puisque les conquérants conservèrent sa longueur au lieu d'en fixer une dont le mille romain fût une fraction simple. On ne peut, en effet, au moyen des quelques distances que les itinéraires donnent à la fois en lieues et en milles, établir un rapport simple entre les unes et les autres et retrouver aujourd'hui la valeur exacte de la lieue gauloise. Telles sont les observations que peuvent suggérer les données assez rares que nous possédons sur les chemins gaulois en général ; il en est d'autres qui concernent plus particulièrement les chemins de montagne, les cols, et qui sont à considérer avant de discuter l'itinéraire d'Annibal dans les Alpes. C'est ici surtout qu'il faut bien se garder de confondre Est-ce au XLe, au Le, au LXe siècle avant notre ère, ou plus tôt encore, que des peuplades nombreuses cherchèrent pour la première fois un refuge dans les Alpes ? Elles arrivaient de la plaine, cherchaient les grands espaces libres et fertiles, et remontaient peu à peu les vallées, pressées par la marée montante des invasions. Dans les premiers temps, dans les premiers siècles de leur établissement, elles se contentèrent sans doute de passer par les chemins que la nature leur offrait, et la trace de leurs pas suffit à déterminer les pistes. Mais croira-t-on qu'on s'en soit tenu là pendant des milliers d'années ? Que des peuples cultivant la terre, exploitant les mines, pratiquant les échanges, n'aient pas assuré les communications les plus rapides et les plus faciles d'un village, à l'autre, d'une vallée à l'autre ? Imagine-t-on que dans cette Gaule civilisée du IIe siècle avant notre ère, où le trafic était actif, où le sol était exploité de toutes façons, où le fond des vallées et les pentes les plus élevées des montagnes étaient habitées, l'homme ait tardé à entamer l'obstacle qui ralentissait ou incommodait ses voyages d'une bourgade à l'autre ? Croira-t-on réellement, avec le colonel Perrin, que les
habitants du Grésivaudan et de Quant au chemin par lequel on descendait du col en Italie, il était en partie entaillé dans un escarpement ou un éboulis. Ici la question se pose de savoir si les chemins muletiers
qui traversaient les Alpes au temps d'Annibal étaient meilleurs ou plus mauvais
que les nôtres. Bien que la viabilité générale fût moins bonne, et par cela
même qu'elle était moins bonne, les chemins muletiers devaient être
meilleurs. Les chemins de fer font abandonner les routes, et de même les
bonnes routes ont fait abandonner les médiocres. Aujourd'hui qu'une
excellente route traverse le mont Cenis, tous les habitants de Nous estimons en particulier que M. Osiander a exagéré
l'incapacité des montagnards d'autrefois en matière de terrassements,
lorsqu'il a dit : Des ravins, dont le fond était
rempli par le torrent, ou des défilés, où il se pressait contre une des
parois sans qu'on pût passer sur l'autre rive, obligeaient, lors des crues, à
un détour par des sentiers étroits, raboteux et souvent très raides[27]. Le moment venu,
on verra que cette affirmation a pour but de faire remonter Annibal sur un
chemin en corniche, alors que M. Osiander lui-même l'avait amené dans une
gorge profonde. II serait très important pour notre sujet de connaître
exactement la répartition du territoire entre les différents peuples ligures
ou gaulois qui le possédaient, car ce serait là des points de repère très
positifs. Malheureusement les données que nous possédons sont postérieures de
beaucoup à Annibal, et elles sont peu abondantes. Quelques noms relatifs aux
guerres de la conquête, depuis l’an 154 jusqu'à Jules César ; les
inscriptions de Suse et de Le grand peuple des Allobroges nous fournit une première
occasion d'appliquer cette remarque : les cinq diocèses en lesquels s'est
décomposé son territoire sont compris dans les limites suivantes : le lac de
Genève ; le Rhône, de Genève (inclus) à Culoz, puis une ligne conventionnelle
embrassant le pays de Belley ; le Rhône encore depuis Lhuis jusqu'à Lyon (exclus) ; le mont Pilât, la crête des monts
du Vivarais, le cours de L'Oisans paraît avoir été occupé par les Uceni, comme nous le verrons plus loin. A cela près, l'immense domaine que nous venons de définir appartient aux Allobroges, et, chose remarquable, on n'y aperçoit pas de subdivisions ; on ne voit pas de peuplades composant une vaste confédération, mais bien une nation unique et puissante. Une borne trouvée au Prarion, près de Saint-Gervais,
marque la limite entre Beaucoup d'historiens, pour limiter les Allobroges à une ligne géographique bien définie, ont quelque répugnance à admettre qu'ils se soient étendus au sud de l'Isère entre Chamousset et le Vercors. Il est pourtant naturel de penser que le Grésivaudan, rive droite et rive gauche, était habité d'un bout à l'autre par un même peuple. Lorsqu'on remontait l'Isère par la rive gauche, on entrait chez les Allobroges vers Saint-Nazaire-en-Royans, et on en ressortait près de Chamousset. La frontière du diocèse de Grenoble, qui s'étend jusqu'à l'Oisans, nous a apporté déjà une forte présomption en faveur de cette thèse. Un second argument, c'est que Grenoble, autrefois Cularo,
puis Gratianopolis,
était une ville allobroge. Les historiens qui veulent placer La situation de Grenoble au croisement des deux vallées
est aussi une des raisons qui nous empêchent d'admettre que l'antique Cularo
se soit jamais trouvée sur la rive droite de l'Isère. Perchée (à supposer que ce fût possible), sur le roc
de Il fallait, au contraire, un centre important à la croisée des routes du Drac et de l'Isère, sur la rive gauche de cette dernière, et si l'ancienne cité gauloise ne s'était pas trouvée sur le bord même des deux torrents, elle aurait été située non loin de là, sur les hauteurs les plus voisines au Sud-Est ou au Sud-Ouest, commandant militairement et commercialement les deux vallées. Mais nous savons qu'il y avait sur l'Isère une ville appelée Cularo, et nulle autre ne nous a jamais été signalée à proximité. Champollion-Figeac, discutant la même question dans ses Nouveaux éclaircissements sur la ville de Cularo, et dans ses Antiquités de Grenoble, commence par invoquer l'état des lieux, dont la disposition physique est telle, qu'elle n'a pu éprouver aucun changement. Comme nous l'avons déjà montré, les faubourgs de la rive droite sont modernes et ne pouvaient pas exister dans l'antiquité ; à plus forte raison n'y aurait-il pas eu place pour une ville[29]. Plancus date une de ses lettres à Cicéron (X, 23)[30] : Cularone, ex finibus Allobrogum. La plupart des historiens el des latinistes traduisent simplement : De Cularo, du territoire des Allobroges. D'autres, se laissant influencer par l'étymologie du mot Fines comprennent : De Cularo, de la frontière des Allobroges. M. Osiander veut donner au mot fines un sens précis, et il traduit : De Cularo, du (faubourg qui forme le) village-frontière des Allobroges. Il appuie cette interprétation compliquée sur ce fait que l'anonyme de Ravenne indique un Fines (village-frontière) avant Cularo dans son énumération ; mais rien ne donne à supposer que ce Fines soit très voisin de Cularo. En conséquence, M. Osiander fait de Cularo un oppidum sur la rive droite et de Fines un faubourg en tête de pont sur la rive gauche. Cette hypothèse ne nous semble pas prévaloir sur les arguments que nous avons donnés plus haut. Nous connaissons d'ailleurs un Fines sur le Drac, non loin de Vizille[31], qui rend invraisemblable la présence d'une seconde limite dans la banlieue sud de Grenoble. Nous persistons à admettre, avec E. Desjardins et M. Longnon, que le territoire allobroge avait, de ce côté, mêmes limites que le diocèse de Grenoble, et que Cularo occupait remplacement où Grenoble lui a succédé. Gratianopolis fut une colonie romaine, et toutes les colonies romaines ont été établies dans de grandes villes gauloises, jamais dans des villages. Des monuments, des inscriptions de toutes les époques ont été retrouvés dans la ville moderne, et certains portent le nom de Cularo, d'autres celui de Gratianopolis. On peut suivre à travers les âges la transformation de cette ville sur un emplacement unique, et rien ne permet de supposer qu'elle ait jamais changé de rive. En 288 ap. J.-C, Maximien fait rétablir les murs de
Cularo, renversés par les Bagaudes. Il lui laisse deux portes principales,
flanquées chacune de deux tours. Ces mêmes murs, ces
mêmes portes ont été vus dans l'enceinte actuelle, écrit Champollion-Figeac
en 1814 ; plusieurs portions considérables de ces
murs y existent encore ; une des deux portes a été démolie il y a douze ans
tout au plus ; l'inscription qu'on y a lue en même temps était bien celle qu'y
avait fait placer Maximien : Muris
cularonensibus restituta. Lorsque la porte viennoise de Cularo eut été
démolie en 1802, on a trouvé, dans le massif des deux tours romaines qui en
dépendaient, un grand nombre d'inscriptions latines qui toutes étaient par
cela même et nécessairement antérieures à l’an Ainsi Cularo, dès les premières années de la conquête, et avant même que la puissance romaine y fût définitivement établie, se trouvait sur remplacement de la ville moderne. Voilà pour la frontière des Allobroges le long de l'Isère ; examinons les parties riveraines du Rhône. César, ramenant de Ce passage nous montre les Allobroges s'étendant jusqu'au Rhône, tant du côté des Ambarres (Bresse) que des Segusiaves (Forez), peuples de la rive droite. Les Allobroges ont des terres et quelques villages du côté des Ambarres. Enfin les Éduens, les Ambarres, les Allobroges nous apparaissent ici comme des peuples sédentaires et déshabitués de la guerre, en face des Helvètes à demi sauvages. Quant à ces derniers, ils sont en contact avec les Allobroges entre le lac de Genève et le Jura, et c'est le Rhône qui forme la limite : Les Helvètes n'étaient séparés des Allobroges, nation récemment soumise à nos armes, que par le Rhône, et ce fleuve offre plusieurs passages guéables. La dernière ville des Allobroges, et par conséquent celle qui se trouve le plus rapprochée des Helvètes, c'est Genève. Le pont de Genève met les deux pays en communication... Tout ceci est parfaitement d'accord avec les limites attribuées aux Allobroges près du mont Blanc, du Rhône et de l'Isère. Ce que César dit de Genève, et de la limite des Allobroges et des Helvètes devant cette ville, prouve qu'il n'a jamais confondu le Rhône avec l'Arve, car Genève n'a jamais été sur la rive gauche de l'Arve. fin disant du lac de Genève : influit in Rhodanum, il ne prend pas le déversoir du lac pour un affluent, et l'Arve pour le fleuve principal. Personne, dans l'antiquité, n'a accusé César de s'être trompé sur ce points lorsque la région de Genève fut devenue familière à tous ; c'est que influere in signifiait se déverser dans aussi bien que se jeter dans. Comment expliquer, sans cela, que nul écrivain ancien n'ait relevé la bévue de César ? D'ailleurs on savait, depuis les temps les plus reculés, que le Rhône venait du Valais : les montagnards de ce pays l'appelaient Rodden[33]. Près des Allobroges, les Centrons occupaient Les Salasses occupent un vaste
territoire dans une vallée profonde que des montagnes enferment de tous les
côtés ; une partie de ce territoire s'élève jusqu'aux sommets environnants.
En parlant de l'Italie, pour franchir les montagnes, la route suit cette
vallée, puis elle se divise : une route va passer au mont Penninus, mais elle
est impraticable aux charrois dans ses parties les plus élevées ; l'autre,
qui traverse le pays des Centrons, est plus à l'Ouest[34]. La ville d'Augusta Prœtoria fut construite au cœur de la vallée qu'occupaient les Salasses ; Eporedia (Ivrée) en gardait le débouché dans la plaine. Tous ces renseignements fixent bien exactement la position des Salasses dans le val d'Aoste et celle des Centrons en Tarentaise, ceux-ci ayant les mêmes limites que le futur diocèse de Moutiers. Pline, énumérant les peuples des Alpes d'après le Trophée
de Nous ne pouvons dire que peu de mots des autres peuples du versant italien. On sait que les Taurini, peuple ligure, avaient pour capitale une ville qui est devenue Turin, et qu'ils s'étendaient à l'Ouest jusqu'auprès de Suse. Quelles étaient leurs frontières du côté de la plaine ? Nous n'en savons rien. Leur importance même peut être appréciée très diversement. Les Gaulois Insubres, qui occupaient le Milanais, étaient
limitrophes des Taurini à l'Ouest, et possédaient Verceil et Novare[35], ce qui place
leur frontière entre Entre les Insubres, les Salasses et les Taurini, vivaient deux petits peuples ligures, les Laï et Libici[36]. Les Vagienni, grand peuple ligure issu des Caturiges[37], habitaient la
vallée de Les affluents du Pô, dans la région alpine, étaient le Latis (Maira), le Ferus (Vraita), le Cluso (Chisone),
Revenons à Sur les bords du Rhône, entre l'Isère et D'après Ptolémée, les Segallauni sont au-dessous des Allobroges et ont pour ville Valentia (Valence), Les Tricastini sont à l'est des Segallauni et ont pour ville Neomagus (Saint-Paul-Trois-Châteaux). Les Cavari sont au-dessous des Tricastini, ainsi que les Memini. Ils ont pour villes Orange, Avignon, Cavaillon, et aussi Acusiôn (Montélimar) ; les Memini ont Forum Neronis (Carpentras). Pline, dans ses énumérations un peu désordonnées, cite les Cavari et les Segovellauni ; il met peut-être Valence chez les Cavares, mais en déplaçant une virgule, ce serait chez les Allobroges ; il leur attribue à coup sûr Avignon ; il cite Augusta Tricastinorum, Carpentoracte Meminorum, Apta Julia Vulgientium, sans avoir parlé d'ailleurs des Tricastini, des Memini et des Vulgientes. Quant à Strabon, il ne mentionne que les Cavares : tout le pays qui suit (après
le passage de Il résulte de tout ceci que, depuis le règne d'Auguste,
les Cavares eurent une prééminence marquée sur toute la vallée du Rhône entre
l'Isère et Cela posé, il est permis de se demander si la suprématie
des Cavares était reconnue dans toute cette région avant la conquête, car
dans les événements qui se succèdent depuis l'an 218 jusqu'au temps
d'Auguste, leur nom n'est jamais prononcé. Quand les Romains entrent en
Gaule, en l'an 154, puis en 125-121 av. J.-C, dès qu'ils ont franchi Nous sommes donc fondé à penser qu'avant la conquête, les Allobroges avaient dans leur clientèle les Segallauni ; quant aux Cavares, qui ne paraissent pas avoir jamais été un peuple guerrier, mais qui possédaient la partie la plus riche de toute la vallée du Rhône, leur situation politique a crû subitement dès qu'il ne s'est plus agi de guerre, mais d'industrie et de commerce. II est naturel que, sous la domination gréco-romaine, le peuple chez qui se trouvaient Avignon, Cavaillon, Apt, Carpentras, Orange, sans parler de Bédarrides, d'Acusiôn et de la mystérieuse Aeria, ait eu une situation privilégiée en face des montagnards allobroges et voconces. Ces Cavares sont les premiers civilisés et dés lors les plus influents des Gaulois : le nom des Cavares domine, dit Strabon, et déjà l'on appelle ainsi tous les barbares de celte contrée ; je dis barbares, mais ils ne le sont plus : ils se sont modelés sur les Romains presque en tout, langue, mœurs, vie publique même chez quelques-uns. A la suprématie guerrière des Allobroges succéda donc, selon nous, la suprématie pacifique des Cavares dans la vallée du bas Rhône, dès que, par la paix romaine, la nation la plus riche fut devenue la plus puissante. Les Médulles habitaient tout ou partie de Si l'on exclut un membre de phrase malencontreux, établissant
une confusion entre les deux Doires, et qui peut bien être une interpolation,
le reste de la description est parfaitement exact. La montagne où une
dépression contient un lac, c'est le mont Cenis ; il y a bien environ Vitruve achève de nous renseigner sur le pays des Médulles, en nous apprenant qu'il s'y trouve beaucoup de goitreux : Il y a là, dit-il, une espèce d'eau qui donne des gorges énormes (turgidis) à ceux qui en boivent[41]. Le hameau de Miollans, près de Saint-Pierre-d'Albigny,
s'appelait au moyen âge Castrum Medullum
; le plateau du mont Cenis s'appelait la plaine Médulline, d'où on a fait
Madeleine, et les cols de Les Médulles ont porté à un moment donné le nom de Graïoceli, qui signifie : aux débouchés des montagnes[42], et qui s'appliquait sans doute à une confédération formée par eux avec quelques peuples voisins. César, ayant à traverser les Alpes, se heurte aux Centrons, aux Graïoceli et aux Caturiges. On avait beaucoup d'incertitude sur l'identification des Graïoceli, mais M. Osiander nous apprend que l'église de Saint-Jean-de-Maurienne portait encore leur nom au moyen âge[43]. Les Graïoceli de César étaient donc une confédération dans laquelle entraient les Médulles. Nous arrivons aux trois ou quatre peuples les plus difficiles peut-être à délimiter (à part quelques tribus alpines dont remplacement même est inconnu), les Voconces, les Iconii et les Tricorii. Et par malheur, ce sont, après les Allobroges, ceux dont la détermination nous importerait le plus. En ce qui concerne les Voconces, nous savons, par Pline, que c'était une confédération, et parmi les peuples qui en faisaient partie, il faut compter le Vertacomacori (habitants du Vercors). Dans l'ensemble, il n'est pas douteux que les Voconces
occupaient le massif montagneux qui s'étend depuis l'Isère jusqu'au mont
Ventoux, c'est-à-dire le Vercors et les hautes vallées de Cependant, à l'époque de Strabon, le territoire des
Voconces s'étend jusqu'aux portes d'Embrun. Ce géographe, décrivant la route
de Cavaillon à Briançon, dit que du commencement de
la montée des Alpes jusqu'à l'autre frontière des Voconces, vers le pays de
Cottius, il y a 99 milles jusqu'au bourg d'Ebrodunum, et le chiffre
confirme le texte[44]. Nous serions
donc conduit à étendre la domination des Voconces sur tout le diocèse de Gap,
et peut-être celui de Sisteron, mais d'autres documents nous ramènent à notre
première opinion. Il existait encore en 1790, dans les archives ecclésiastiques, les pièces d'un procès soutenu au VI’ siècle par l'évoque de Gap contre celui de Vaison. Il revendiquait, comme successeur et héritier des anciens Tricorii, un canton qui avait appartenu à ceux-ci et à leur Civitas, et que le diocèse de Vaison s'était annexé indûment. Or ce canton se trouve compris entre l'Eygues et l'Ouvèze : c'est le val de Saint-Jalle. Les Tricorii s'étendaient donc jusque-là, et les Voconces proprement dits ne sortaient pas des diocèses de Die et de Vaison. Nous avons la certitude que les Tricorii étaient établis aux sources de l'Eygues ; mais
jusqu'où s'étendait leur domaine vers le Nord-Est ? Ici, il est absolument
impossible de répondre. Il est très probable, sinon certain, que le diocèse
de Gap est plus étendu que ne fut le territoire de ce petit peuple ; le Gapençais,
en particulier, a dû faire partie du domaine des Caturiges, car, ainsi que le
fait observer Il est assez probable qu'il faut voir dans le territoire
ainsi séparé des Caturiges le domaine d'une de leurs tribus, les Avantici, dont le nom se retrouve dans celui de
l'Avançon, affluent de Nous sommes donc conduit à considérer les Tricorii comme un peuple assez important, établi au nord du mont Ventoux et dans la vallée du Buech, et client des Voconces. Ceux-ci habitaient exclusivement le Vercors, le Dévoluy,
et les vallées de Nous avons déjà cité les deux passages où Strabon nomme les Voconces, les Tricorii et les Médulles. Rappelons-en les termes exacts, car en les reproduisant d'une manière approximative, comme l'a fait E. Desjardins (II, p. 2), on est conduit à d’assez grosses erreurs : Les Cavares ont au-dessus d'eux les Voconces, les Tricorii, les Iconii et les Médulles, dit d'abord Strabon (IV, 1), ce qui conduit à placer les Iconii entre les Tricorii et les Médulles, c'est-à-dire dans l'Oisans. On les confond alors avec les Uceni (vallée d'Oz), ou du moins on admet que ces derniers en faisaient partie. C'est une pure hypothèse, mais elle est vraisemblable. Plus loin (IV, 6), Strabon reprend : Après les Voconces se trouvent les Siconii et les Tricorii, que suivent les Médulles. On a admis assez généralement que les Siconii et les Iconii étaient un seul et même peuple. C'est une opinion qu'on ne peut repousser absolument, mais qui paraît difficile à concilier avec l'ordre dans lequel Strabon énumère les quatre peuples. Peut-être vaut-il mieux admettre l'existence d'un peuple appelé Siconii dans la haute vallée de l'Ouvèze et sur le Buech[45]. La disposition des lieux oblige à supposer que les Iconii ou du moins les Uceni étaient dans la dépendance des Allobroges, tandis que les Tricorii (et les Siconii, s'ils ont existé) étaient clients des Voconces. Nous avons encore moins de données certaines pour placer
les peuples qui habitaient le bassin de L'arc de triomphe de Suse nous donne l'énumération des
peuples soumis au chef Cottius. Le Trophée de Les deux listes sont les suivantes : 1° Arc de Suse (peuples du groupe cottien).
2° Trophée de
Nous trouvons d'abord, parmi ces peuples, les Salassi et les Medulli, qui nous sont connus (val d'Aoste et Maurienne). Les Caturiges sont parfaitement déterminés : ils
possédaient les villes de Caturigomagus
(Chorges) et Ebrodunum (Embrun).
Les géographes et les historiens les citent, les itinéraires mentionnent ces
deux villes, etc. On a donc sur ce point une certitude absolue. Ce qui est
moins bien défini, c'est l'étendue de la zone soumise à l'influence des
Caturiges. Si on les restreignait au territoire de Chorges et Embrun, on ne
s'expliquerait pas l'importance que leur attribuaient les écrivains anciens :
il faut donc supposer qu'ils dominaient tout le Briançonnais, hypothèse
rendue très plausible par leur situation sur Il y a longtemps que l'on proposait d'identifier les Brigiani avec les habitants de Briançon (Brigantio) et les Savincates avec ceux de Savines ; on supposait aussi que les Quadiates du groupe cottien étaient les habitants du Queyras. Ces rapprochements peu satisfaisants ont cependant reçu confirmation par la découverte aux Escoyères (vallée de Queyras) d'une inscription nommant les Brigiani, les Quariates et les Savincates[46]. On peut donc placer presque avec certitude, les Brigiani à Briançon, les Savincates à Savine, les Quadiates ou Quariates dans le Queyras, puisqu’ils doivent se trouver tous trois voisins de cette dernière région. Trois peuples sont connus, également, parmi les derniers
cités dans l'inscription de Voilà où se limitent les données certaines dans cette identification des peuples alpins. Quelques-uns, cependant, peuvent encore être placés avec quelque confiance : les Seçusini sont les habitants de Suse (Segusio) ; les Belaci, ceux de la vallée d' Bardonnèche, où le bourg de Beaulard s'appelait autrefois Belac ; les Segovii habitaient entre le mont Genèvre et le col de Sestrières, où le hameau de Chamlas-Seguin a porté le nom de Villa Segovina[47]. On pense également que les Edenates habitaient Seyne, qui s'est appelée Edenat, et les Ectini Saint-Étienne-de-Tinée. Tout le reste est pure hypothèse, mais on peut essayer, au moyen des noms déjà attribués, de limiter le champ où l'on devra caser les peuples inconnus. Les états de Cottius comprennent, d'après ce que nous en
savons déjà, La plupart des géographes veulent placer les Vesubiani sur l'Ubaye. Quoique l'analogie entre les deux noms soit bien faible, on peut l'admettre à la rigueur, et supposer en outre que les Vesubiani de la liste cottienne, et les Esubiani du Trophée sont le même peuple. Cela posé, la liste du Trophée, qui suit la crête des Alpes du Nord au Sud, nous donnerait les emplacements suivants :
Le val de Stura était habité par les Vagienni, et la rive gauche du bas Var par les Vediantii. Comme nous le verrons aussi, les Bodiontici habitaient Digne, et les Sentii Senez. Il s'ensuit que les emplacements disponibles pour les Gallitæ et les Triullati, d'une part ; les Eguituri, les Nematuri et les Oratelli, de l'autre, sont très limités. Le hasard fera peut-être que les Oratelli soient attribués à ce canton d'Utelle, où l'on avait voulu un peu audacieusement retrouver leur nom. L'identification est plus difficile pour le groupe cottien, dont l'énumération ne paraît pas avoir été faite dans un ordre aussi régulier. Nous y trouvons d'abord : Les Segovii, les Segusini, les Belaci,
dans la vallée de Les Caturiges, sur la haute Durance ; Les Medulli, en Maurienne. Où faut-il placer les Tebavii[48] et les Adanates ? Sera-ce près des Medulli, comme le veut Walckenaer, qui prétend
que Modane s'est appelée jadis Adana ?
Sera-ce au contraire plus près des Savincates,
et faut-il penser que les Adanates de
Suse sont identiques aux Edenates de Quant aux Egdinii, Venisani, Iemerii,
ils semblent bien avoir habité les trois vallées italiennes adossées à celles
de l'Ubaye et du Guil, mais c'est là une pure supposition ; elle n'a pour
elle que l'impossibilité où l'on se trouve de placer encore trois peuples
dans le bassin de Peut-être aussi peut-on placer les Iemerii dans la vallée
de Mariaud et des Emmerées, près de Aux peuples indiqués par les deux listes de Suse et de Pline nous signale les Avantici et Bodiontici, qui ont d’abord fait partie des peuples alpins, puis en ont été séparés. Il nous apprend, en outre, que les Bodiontici avaient pour capitale Dinia (Digne). Les Avantici devaient se trouver non loin de là, au sud de Gap, dans la vallée de l'Avançon. Soumis d'abord aux Caturiges, ils ont été annexés ensuite aux Voconces. D'après Ptolémée, Dinia se trouverait chez les Sentii. On croit que ce petit peuple, uni aux Bodiontici, avait sa capitale à Sanitium (Senez), où il forma un diocèse spécial. Dans la région comprise entre Sur l'Argens, entre Fréjus et Il nous reste à placer quelques peuples nommés par Pline, et pour lesquels il est nécessaire de citer le texte même du naturaliste. Après les Bouches du Rhône et les Fosses Mariennes, il nomme : L'étang Mastromela ; l'oppidum Maritima
des Avatici ; au-dessus En repartant de la mer les Tricores, et à l'intérieur les Tricolli, les Voconces et les Segallauni ; un peu plus loin, les Allobroges. Sur le rivage Marseille, ville
des Grecs Phocéens, notre alliée. Le cap Zao, le port de Citharista
(Ceyreste près de Sur le rivage Athenopolis des Marseillais, Forum Julii Octavanonim colonia (Fréjus), qu'on appelle Pacensis et Classica ; le fleuve Argens y passe. La région des Oxybii et des Ligauni, et au-dessus d'eux les Suetri, les Quariates, les Adunicates. Sur le rivage l'oppidum latin Antipolis (Antibes). La région des Deciates, le fleuve Var. L'ordre dans lequel les pays et les villes sont énumérés
est bien net. Il faut remarquer aussi qu'il s'agit là de Les Tricores,
contrairement à l'opinion d'E. Desjardins, doivent se trouver entre Les Tricolli, qui
sont nommés entre les Tricores et les Voconces, devaient habiter la rive droite de Sur la rive droite du Rhône, nous avons les Helvii dans le Vivarais ; les Volcæ Arecomici entre l'Ardèche et l'Hérault (diocèse de Nîmes) et les Volcæ Tectosages jusqu'aux Pyrénées. Ces deux derniers peuples sont établis depuis peu (IVe siècle), et il ne semble pas qu'ils se soient assimilé ou qu'ils aient privé de toute indépendance les peuples ligures et ibéro-ligures de la région narbonnaise : la table de Peutinger porte encore le nom de l'Umbranicia entre l'Aveyron et les Bouches-du-Rhône, ce qui nous prouve la persistance d'un rameau de la race ombrienne. Les Sardones existent encore sur la côte du Roussillon, les Ceretes sur le Tech (Ceret), les Elisyces autour de Narbonne. On vient de passer en revue les différents peuples de Tels sont, à peu près, les peuples de Comme on peut le penser, les historiens qui, depuis deux cents ans, ont écrit sur Annibal, ne se sont pas Tait faute de jeter par-dessus bord les données géographiques qui les gênaient ; Marindin déclare inadmissible que la répartition des territoires gaulois ait été la même en 218 qu'au temps de César ; et il était moins hardi, à coup sûr, de faire émigrer les Allobroges ou les Tricastins que de détourner le Rhône ou l'Isère. Nous avons expliqué dans le chapitre précédent pourquoi nous pensions que le Rhône et l'Isère avaient gardé leurs vallées respectives depuis le IIIe siècle avant notre ère ; il reste à montrer qu'Allobroges et Tricastins ont fait preuve de la même stabilité. Les Phéniciens ont commencé à s'établir sur les côtes de Les marins grecs qui leur succédèrent à la fin du VIIe
siècle, après la décadence de Tyr, reprirent pour leur compte les
établissements phéniciens, et en établirent d'autres, et quand, au VIe
siècle, les Phocéens furent venus se fixer définitivement à Marseille, ils
résolurent de garantir leur existence et leur sécurité en occupant, non
seulement les ports maritimes, mais un territoire d'une certaine étendue
autour de Marseille. Outre les comptoirs qu'ils avaient sur la côte, ils en
établirent sur le Rhône et sur Le territoire de Marseille, c'est-à-dire le pays qui en dépendait au temps de sa splendeur, par conséquent avant l'arrivée des Romains, s'étendait jusqu'aux Alpines et même au delà, puisque Cavaillon et Avignon lui ont été soumises — Artémidore, cité par Etienne de Byzance, qualifie chacune de ces deux villes de πόλις Μασσαλίας —. L'ancien nom de Thèlinè, donné à Arles par Festus Avienus[51], est grec, et nous savons que des Grecs l'habitaient... Enfin, le mot Gretia de la table de Peutinger est comme un souvenir de l'extension du domaine marseillais sur la terre de Provence[52]. Les dépendances de Marseille devaient être : les pays des Segobrigii, des Avatici, des Desuviates, des Samnagenses, des Cœnicenses et partie de celui des autres Salluvii, ce qui correspond à peu près au département des Bouches-du-Rhône. Les cités de Cabulliôn (Cavaillon), de Thèlinè (Arles), d'Aueniôn (Avignon), de Rhodanousia et Heraclea (dans le delta du Rhône). Ces deux dernières villes avaient déjà disparu du temps de Strabon qui disait : Il y a aussi des écrivains qui racontent qu'il y eut une ville appelée Heraclea près de l'embouchure du Rhône[53]. Les colonies marseillaises étaient : Hemeroscopion et Emporion, en Espagne ; Agatha (Agde) ; Tauroentum, etc. Marseille avait aussi des comptoirs à Rhoda (Rosas), à Pyrénè (Banyuls), etc. Il ne faut pas plus d'un siècle à Marseille pour disputer
avec succès l'empire de la mer aux Phéniciens. Sa marine écrase celle de Tyr
et de Sidon, et Thucydide célèbre ses victoires. Ses marins et son illustre
savant Pythéas explorent l'Atlantique et les régions d'où vient l'étain. Le
commerce de Les écrivains grecs du IVe et du IIIe siècle en indiquent
les principales routes. Les campagnes de L'arrivée des Belges, au IVe siècle, clôt définitivement
la [période des grandes invasions gauloises. L'occupation de A partir de ce moment, il ne semble pas que les nations gauloises se soient déplacées, surtout dans la vallée du Rhône. Seules, quelques tribus helvètes ou germaines viendront s'établir en Gaule au Ier siècle, et leurs mouvements seront relatés avec soin. Sous l'influence des Hellènes comme par le développement naturel de leur civilisation propre, les Gaulois s'apaisent et s'enrichissent. L'âge héroïque est terminé pour eux, et Henri Martin déplore leur corruption et leur décadence : Du commencement du IIIe siècle à la fin du second, la physionomie de la grande Gaule change peu à peu, surtout dans les régions du Centre et du Sud. L'agriculture gagne du terrain... la science religieuse et la valeur guerrière ne sont plus les seules forces sociales ; l'opulence se fait place à côté d'elles ; de grandes richesses s'amassent dans quelques familles... le faste déborde chez les Gaëls de Centre et du Sud... Les aventuriers errants deviennent des agriculteurs. C'est alors surtout que se développe cette industrie
gauloise dont nous avons essayé de donner une idée au commencement de ce chapitre,
et c'est du IVe au IIe siècle que l'on peut suivre l'évolution des monnaies
gauloises, monnaies arvernes et allobroges surtout. Celle étude numismatique
nous révèle la présence continue d'un même peuple à Genève, à Vienne, à
Grenoble durant cette longue période. Elle permet de tracer, comme on l'a vu
plus haut, les courants d'influence commerciale et politique à travers Les renseignements deviennent plus précis à partir de
l'expédition d'Annibal. Les Marseillais, alliés fidèles des Romains depuis
plus d'un siècle, surveillent les populations riveraines du Rhône et de Dès l'an 216, Cneius et Publius Cornélius Scipion portent
la guerre en Espagne. Vaincus et tués en 212, ils sont remplacés par G.
Marcius, puis par Claudius Néron, et enfin par le jeune Cornélius Scipion,
qui rentre triompher à Rome en l’an 206. Vainqueur à Zama en 202, il réduit
Carthage à traiter en A partir de l'an L'hostilité des Ligures finit par obliger les Marseillais à réclamer le secours des légions : en 154, une armée consulaire débarque sur la côte de l'Esterel, bat les Oxybii et les Déciates, qui menaçaient Antibes et Nice, et prend leur port Ægitna (Fréjus ?). C'est peut-être en 150 que Polybe, ayant accompagné
Scipion Émilien en Espagne, traverse Peut-on supposer que dans l'espace de soixante ans environ qui sépare le passage d'Annibal et le voyage de son historien, la position des peuples gaulois et ligures se soit modifiée ? Polybe, si attentif à préciser les détails intéressants de cette marche ; Polybe, qui distingue avec soin les Allobroges des autres barbares, qui questionne les habitants sur l'itinéraire des Carthaginois et les localités où ils ont combattu, Polybe manquerait-il de signaler que les populations rencontrées et interrogées par lui ne sont pas les mêmes qu'Annibal a traversées et vaincues ? Il est facile de supposer, à l'appui d'une opinion
quelconque sur l'itinéraire d'Annibal, que les Allobroges sont descendus de A quelques années de là (109),
survient l'invasion des Cimbres et des Teutons. Ils battent une première
armée romaine sur le territoire des Allobroges, qui ne bougent pas, puis ils
ravagent Quarante années s'écoulent, pendant lesquelles commence à
régner la paix romaine, César ayant soumis toute Les Allobroges ravageant Manlius Lentinus se porta sur la ville de Ventia et effraya tellement les habitants que la plupart s'enfuirent et que les autres demandèrent la paix. Ceux qui étaient dans les campagnes s'étant réunis pour l'attaquer subitement, il fut repoussé loin des murs, mais il pilla le pays en toute liberté, jusqu'à ce que .Catugnat, général en chef de toute cette nation, et quelques autres de ceux qui habitaient les bords de l’Isère, vinrent à leur secours. Il n'osa pas, alors, s'opposer à leur passage, à cause du grand nombre de leurs bateaux, et de crainte qu'ils ne se réunissent en voyant les Romains en bataille en face d'eux ; mais le pays devenait boisé à peu de distance de la rivière : il y prépara des embuscades et, surprenant ceux qui s'y étaient engagés, il les écrasa. Par malheur, en poursuivant des fuyards il tomba sur Catugnat en personne, et il aurait succombé si un violent orage n'était venu tout à coup arrêter la poursuite des barbares. Sur ces entrefaites, Catugnat fut appelé loin de là, de sorte que Lentinus se remit à courir le pays et enleva la forteresse devant laquelle il avait échoué : Lucius Marins et Servius Galba avaient passé le Rhône, avaient dévasté les terres des Allobroges, et étaient arrivés enfin devant la ville de Solonum ; ils s'emparèrent d'un poste fortifié placé plus haut, vainquirent ceux qui s'opposaient à eux, et incendièrent quelques quartiers de la ville, qui était en partie construite en bois. Ils ne la prirent pas, cependant, car Catugnat survint alors et les en empêcha. Alors Pomptinus, à cette nouvelle, marcha contre ce dernier avec toute son armée ; il investit tous les ennemis et les prit, à l'exception de Catugnat en personne. Le reste du pays fut alors aisément soumis[55]. On n'a pu identifier ni Solonum, ni Ventia, mais il résulte de la relation de Dion Cassius que Solonum était dans le pays même des Allobroges, au nord de l'Isère et à l'est du Rhône ; Ventia semble bien se trouver au sud de l'Isère, car, après avoir parlé des peuples riverains de l'Isère, Dion dit que Lentinus n'ose pas les attaquer au passage du cours d'eau (πόταμος) ; le seul fait qu'il ne nomme pas ce cours d'eau fait penser qu'il s'agit encore de l'Isère. Certains historiens supposent pourtant que πόταμος désigne ici le Rhône, bien que, quelques lignes plus bas, Dion parlant du fleuve pour la première fois, le désigne par son nom. Pour nous, c'est bien de l'Isère qu'il s'agit, et il en résulte que l'hégémonie des Allobroges s'étendait au sud de cette rivière. Dans l'opinion contraire, Ventia étant sur la rive droite du Rhône, il en résulterait simplement que les Allobroges possédaient des territoires sur cette rive, comme l'indique le tracé des limites du diocèse de Vienne. Il semble bien que les opérations militaires ne s'expliquent raisonnablement que dans la première hypothèse : Pomptinus a envoyé le corps de Lentinus sur l'Isère par la rive gauche, pour appeler de ce côté l'attention de Catugnat ; cette diversion ayant attiré le chef allobroge au sud de l'Isère, le reste des troupes romaines en a profité sans perdre un instant pour passer le Rhône, prendre l'ennemi à revers et se trouver au cœur même du territoire allobroge. Si les trois corps de Lentinus, de Marius et de Galba s'étaient trouvés côte à côte dans le Forez, on ne comprend pas pourquoi ils auraient agi séparément ; Catugnat, vainqueur de Lentinus, n'aurait eu qu'à l'écraser, et se serait trouvé sur la ligne de retraite des deux autres, et près d'eux. Il part au contraire loin de là, d'après la relation, ce qui ne s'explique qu'en supposant son engagement contre Lentinus au sud de l'Isère, et Solonum assez loin au Nord, à mi-chemin de Vienne à Chambéry, par exemple. Nous croyons donc pouvoir conclure de là que les Segallauni étaient alors soumis à l'hégémonie des Allobroges, et que la victoire de Pomptinus a eu pour résultat de les placer sous l’influence civilisatrice des Cavares. En résumé, soixante ans après le passage d'Annibal, Polybe
vient recueillir sur les lieux les témoignages des habitants, les traditions,
et il ne donne pas à supposer que les peuples se soient déplacés dans ce
premier intervalle. Il a dû rencontrer dans chaque vallée la tribu même qui
s'y trouvait au temps de la seconde guerre punique, et il a traversé
paisiblement toute la région. C'est alors que commence la conquête romaine :
les moindres mouvements des Ligures, des Salluvii, des Voconces, des
Allobroges sont observés et suivis sur-le-champ d'une intervention romaine.
Les historiens ne nous ont pas laissé de description géographique de Surviennent les Cimbres et les Teutons : on mentionne les
tribus helvètes qu'ils ont entraînées, mais on ne dit rien d'analogue pour
les Allobroges. Ceux-ci n'ont pas bougé, et jusqu'à César, Il nous semble donc que Prenons quelques exemples, qui feront mieux sentir la vérité qu'une discussion générale. Tite-Live, on le sait, conduit Annibal dans l'Île, et place les Allobroges à proximité, puis dans l'intérieur de l'Île ; non content de cette contradiction, il raconte que la colonne carthaginoise, tournant à gauche au sortir de l'Île, passe chez les Tricastins pour longer ensuite les Voconces et se diriger vers les Tricoriens. C'est un itinéraire absolument incompréhensible si ces différents peuples occupent les territoires que nous leur avons attribués. Les historiens qui veulent suivre Tite-Live sont donc forcés de repousser les Tricastins vers Grenoble, les Voconces et les Tricoriens plus loin encore. Telle est, entre autres, la solution de Larauza : L'histoire des nations barbares, dit-il pour nous y préparer, n'est que l'histoire de leurs migrations et de leurs déplacements continuels depuis leur première apparition, jusqu'à ce que des changements introduits dans leur manière de vivre parviennent à les fixer. Peuples pasteurs ou chasseurs, et partant essentiellement nomades, lorsque le besoin les pousse en avant, Us se jettent sur le premier pays qui leur offre des pâturages et des moyens de subsistance, et lorsqu'ils l'ont épuisé, ou que les productions du sol ne peuvent plus suffire à une population qui tend constamment à s'accroître, on les voit se répandre sur le sol voisin, s'en emparer, s'ils sont les plus forts, et réduire la tribu vaincue à aller elle-même chercher à s'établir ailleurs. Tout cela est vrai en thèse générale, mais ne s'applique
nullement aux Gaulois du IIe siècle avant J.-C. Le trop-plein de la
population, depuis plusieurs centaines d'années, s'échappe régulièrement vers
l'Italie, et non par nations entières, mais par détachements de tribus
diverses. A partir du IVe siècle, époque où les Volsques s'établissent dans Mais Larauza va plus loin, et, sans nécessité absolue pour
la thèse qu'il soutient, il veut que les Allobroges se soient trouvés entre Si l'on néglige Tite-Live, et qu'on veuille simplement
plier le texte de Polybe à l'hypothèse qui place l'Île
au nord de l'Isère, il faut rejeter le premier combat d'Annibal avec les
indigènes jusqu'en Maurienne. Or, ce combat (Polybe
le précise) est livré contre les Allobroges. C'est donc au moment où,
d'après les géographes contemporains de César et d'Auguste, Annibal devrait
pénétrer chez les Médulles, que Polybe le ferait entrer sur le territoire des
Allobroges. Aussi quelques historiens admettent-ils simplement que Polybe
s'est trompé ; les autres veulent qu'au temps d'Annibal, les Allobroges aient
occupé Polybe a parcouru l'itinéraire d'Annibal en l'an 160 ou
150, et les Romains ont rencontré les Allobroges sur l’Eygues en 124-121.
Dans cet espace de trente ans, les Allobroges seraient donc descendus de Dans ce qui suivra, nous supposerons toujours que les divers peuples gaulois : Cavares, Tricastins, Voconces, Allobroges, Tricoriens, occupaient sensiblement en 218 les territoires qui leur sont attribués par Strabon, Pline et Ptolémée. |
[1] Dans l'Histoire de France, publiée sous la direction d'E. LAVISSE, Paris, 1902.
[2]
VIDAL DE
[3] BLOCH, p. 271.
[4] DESJARDINS, I, 429.
[5] Varron, De re Rustica, I, 7. — Pline, XVII, 4.
[6] BLOCH, p. 67.
[7] BLOCH, p. 67.
[8] César, III, 13.
[9] BLOCH, p. 68.
[10] César, VII, 22 et III, 21.
[11]
De la période gréco-barbare de la ville d'Avignon il
n'est resté d'autres souvenirs qu'un nombre assez considérable de médailles et
de monnaies, et quelques inscriptions, monnaies et inscriptions ont une facture
très archaïque et un caractère mixte, moitié grec, moitié gaulois, témoignant ainsi
de la pénétration profonde de la civilisation grecque dans le milieu barbare de
[12] BLOCH, loc. cit.
[13] Ch. LENTHÉRIC, Le Rhône, II, 17.
[14] BLOCH, loc. cit., p. 67.
[15] Strabon, III, 2.
[16] On ne saurait trop insister sur ce point, si bien établi par M. Bérard dans Les Phéniciens et l'Odyssée, et si contraire aux préjugés existants.
[17] César, IV, 5.
[18]
VIDAL DE
[19] Statistique des Bouches-du-Rhône, II, 306.
[20] Περί θαυμασίων άκουσμάτων, chap. LXXXV.
[21] De origin., XIV.
[22] Le Rhône, I, 95.
[23]
Géographie de
[24] Page 9.
[25] BLOCH, loc, cit.
[26] Natürlich keine werthvollen Kunstbrücken, wis Neumann meint, sondern jene noch heute vorkommenden primitiven Stege, die aus mächtigen Tarmenstammen mit unterlegten Steinen bestehen. (P. 26.)
[27] Page 25.
[28] Atlas historique, texte explicatif, p. III, Paris, 1884.
[29] Nouveaux éclaircissements sur la ville de Cularo, aujourd'hui Grenoble, par M. CHAMPOLLION-FIGEAC, bibliothécaire de la ville. Paris, 1814 ; Antiquités de Grenoble, Grenoble, 1807.
[30] Voir aussi X, 15 : Isara, flumen maximum, quod in finibus est Allobrogum.
[31] HIRSCHFELD, Inscript. Galliæ Narb.
[32]
César, I, 10-
D'Ocelum (Avigliana) à la limite des Voconces (
Nous suivons l'excellente traduction de M. J. Bellenger, la seule traduction d'un auteur ancien que l'on puisse citer de confiance (I, 6 et 11).
[33] KIEPERT, Manuel de Géographie ancienne.
[34] Strabon, IV, 7.
[35] Strabon, V, 6.
[36] Tite-Live, XXI, 31.
[37] Pline, III, 7.
[38] Tite-Live, XLII, 7.
[39] Strabon, IV, 11 et 12.
[40]
Voir le chapitre suivant et le croquis de
[41] VIII, 3.
[42]
On trouve au débouché d'un grand nombre de vallées, en Italie et dans
[43] OSIANDER, p. 117.
[44] IV, 3.
[45] Nous avons vu qu'on avait admis de la même façon, et à tort, l'identité de Δουεριων et Λουεριων, parce que ces deux noms figuraient dans un même chapitre.
[46] Inscriptions des Escoyères. TIVOLLIER, Monographie de la vallée du Queyras, p. 31-33, Gap, 1897.
[47] WALCKENAER, t. II, p. 29-32. — DURANDI, Piemonte transpadane, p. 52.
[48] On retrouve peut-être leur nom dans celui du mont Tabor ?
[49] M. Longnon attribue aux Oxybii la cité de Glannativa (Glandève) près de Puget-Théniers. Nous ne pouvons accepter cette solution, contredite par tous les auteurs, lesquels placent les Oxybii sur la côte, et leur attribuent un port, Ægitna. Polybe, XXXIII, 7. — Ptolémée, III, 10. — Tite-Live (Epitomé) XLVII. — Strabon, IV, 1 et 6. — Pline, III, 5 et 7. — P. Mela, II, 5. — Florus. — Quadratus ap. Saint-Byz.
[50] Rien n’est moins certain que l'étymologie Quariates (Caire) ; l'on peut soutenir avec vraisemblance que le mot Caire doit venir de la nature du sol. Mais ne pouvait-on pas en dire autant de Queyras, puisque les mots Queyrières, etc., se trouvent souvent dans les Alpes Cottiennes, et se rapportent à coup sûr à des détails topographiques ? Du reste, ces noms de Quariates ne peuvent-ils pas, comme ceux de Albici, Albiæci, provenir de la nature des roches ?
[51] Ora maritima, 679-681.
[52] E. DESJARDINS, II, p. 162.
[53] Il est superflu de rechercher l'emplacement de ces deux villes, déjà disparues du temps du Strabon, et il semble que leur identification avec Saint-Gilles et surtout avec Beaucaire ne répond nullement aux expressions des écrivains anciens.
[54] IV, 11.
[55] Dion, 47.