LES MÉTÈQUES ATHÉNIENS

LIVRE PREMIER. — CONDITION JURIDIQUE DES MÉTÈQUES ATHÉNIENS.

SECTION II. — LES MÉTÈQUES ATHÉNIENS ET L'ADMINISTRATION DE LA CITÉ.

Texte mis en page par Marc Szwajcer

 

 

CHAPITRE V. — LES MÉTÈQUES ET L'ADMINISTRATION JUDICIAIRE : 2. JUSTICE CRIMINELLE.

§ 1.

Vis-à-vis du droit criminel athénien, la situation de l'étranger n'est pas moins nette que vis-à-vis du droit civil : « La loi sur le meurtre, chez nous, protège également le libre et l'esclave, » dit Euripide, faisant évidemment allusion à Athènes.[1] Et Antiphon : « La sévérité des juges est la même pour le meurtrier d'un esclave que pour le meurtrier d'un homme libre.[2] » Enfin, d'après Athénée, on pouvait intenter à Athènes une γραφ βρεως pour tout attentat commis contre un esclave, aussi bien que pour un attentat commis contre un homme libre.[3] »

Et qu'on n'allègue pas que l'esclave, faisant partie de la famille, fût plus précieux aux yeux de la loi que l'étranger. Dans les textes que nous venons de citer, la distinction est faite non entre l'esclave et le citoyen, mais entre l'esclave et l’homme libre, sans qu'il soit question de citoyens, de métèques ou d'étrangers. Autrement dit, tout attentat à la vie, a la liberté ou à l'honneur de l'étranger ou du métèque pouvait être poursuivi en vertu des mêmes lois que les attentats du même genre commis sur la personne de citoyens.

Les métèques en cela étaient donc, en théorie, assimilés complètement aux citoyens. Voyons comment les choses se passaient dans la pratique, et s'il n'y avait pas dans la procédure certaines formes particulières pour les actions criminelles engagées par des métèques ou contre eux.

§ 2.

On sait qu'en droit athénien la distinction que nous introduisons ici pour plus de commodité entre la justice civile et la justice criminelle n'existe pas à proprement parler. La loi athénienne se fonde, pour distinguer les actions, sur d'autres principes qu'il est inutile d'énumérer ici[4] ; et toutes les actions se partagent en deux grandes catégories : actions publiques et actions privées (δημοσίαι et δίαι), qui ne correspondent pas exactement à nos actions criminelles et civiles. Les actions publiques du droit athénien sont en effet plus compréhensives que notre justice criminelle, et comprennent des affaires qui, chez nous, rentreraient dans la catégorie des actions civiles.[5] Mais toutes nos actions criminelles rentrent dans les actions publiques du droit athénien, notamment toutes les actions relatives à l'homicide, qui nous intéressent particulièrement (φονικα δίκαι).

Or, d'après Aristote, toutes ces actions, étant publiques, échappaient à la compétence du Polémarque, et, à défaut d'autres indications plus précises, nous devrions admettre qu'elles relevaient de celle des magistrats ordinaires, par exemple du Roi, lorsqu'il s'agissait de φονικα δίκαι. Mais plusieurs autres passages d'Aris-lote viennent confirmer cette hypothèse. D'abord, il dit formellement que toutes les actions de meurtre ressortissaient au Roi[6] ; d'autre part, il nous apprend que le meurtre commis sur la personne d'un métèque, comme sur celle d'un esclave ou d'un étranger, était assimilé au meurtre commis involontairement sur la personne d'un citoyen et au complot ayant pour but le meurtre d'un citoyen, et que toutes ces affaires étaient portées devant le tribunal du Palladion.[7] Ailleurs enfin, il nous montre les métèques justiciables de la même autorité que les citoyens pour une affaire publique d'un autre genre : l'accusation de sycophantie.

On pouvait en effet intenter contre les sycophantes une action particulière appelée προβολή, qui était portée non devant un tribunal, mais devant l'Assemblée du Peuple. Or la προβολή était recevable également, nous dit Aristote, contre tous les sycophantes, athéniens ou métèques.[8]

Ces quelques exemples nous suffisent pour affirmer que la juridiction criminelle à Athènes était la même pour les métèques que pour les citoyens.

Il y avait pourtant, dans la juridiction relative aux affaires de meurtre, une différence curieuse, non pas de nature, mais, si l'on peut s'exprimer ainsi, de degré. Tandis que la loi distinguait soigneusement, pour les citoyens, deux espèces de meurtre, le meurtre prémédité (κ προνοίας) et le meurtre involontaire (κοσιος),[9] elle ne faisait pas cette distinction pour les métèques. Tous les meurtres qui pouvaient être commis sur eux étaient classés dans la même catégorie. Et en même temps, la loi n'assimilait pas le meurtre d'un métèque au meurtre prémédité d'un citoyen, mais seulement au meurtre involontaire ou à la tentative de meurtre d'un citoyen. La personne du métèque était donc moins précieuse, aux yeux de la loi, que celle du citoyen, on ne peut le nier. Mais y avait-il là une différence véritable, entraînant des conséquences importantes, ou simplement une différence de forme ?

C'était bien une différence importante, et ce seul fait, qu'un Athénien, meurtrier volontaire d'un métèque, était jugé au Palladion et non à l'Aréopage, est très significatif, et nous fait comprendre au juste quelle était la situation des métèques à Athènes. L'Aréopage, dans les cas de meurtre volontaire, pouvait et devait prononcer la peine de mort[10] : le Palladion ne le pouvait pas ; la peine la plus grave qu'il eût à sa disposition, pour le meurtre commis involontairement sur un citoyen, était l'exil à temps, sans la confiscation des biens.[11]

Or, si les crimes commis sur les métèques étaient tous déférés à ce tribunal, il n'est pas à supposer qu'il disposât pour les réprimer de peines différentes et plus fortes. Et c'était précisément pour éviter que ces crimes fussent frappés de peines plus fortes que la loi les déférait au Palladion. Cette façon de voir s'accorde d'ailleurs parfaitement avec un passage très net d'un lexicographe, que l'on avait contesté à tort[12] : ἐὰν μτοικον τς ποκτείν, φυγς μόνον καταδικάζετο * ἐὰν μντοι στν, θάνατος ζημία. L'exil étant en effet la peine la plus forte dont disposât le tribunal du Palladion, le meurtrier d'un métèque, qu'il fût d'ailleurs citoyen ou métèque, ne pouvait être puni de mort. Seulement, il est probable que l'exil prononcé contre le meurtrier volontaire d'un métèque devait ou pouvait être perpétuel, différant ainsi de l'exil temporaire infligé au meurtrier involontaire d'un citoyen.

Cette disposition, au premier abord, semble contradictoire avec les textes que nous avons cités plus haut, qui proclament la vie du métèque aussi sacrée aux yeux de la loi que celle du citoyen lui-même. Mais en les regardant de près, on voit qu'ils ne s'expriment que d'une façon générale, et ne disent nullement que les peines soient les mêmes ; sans compter qu'il faut faire la part de l'exagération habituelle aux poètes et aux orateurs : qui admettra, par exemple, qu'un citoyen ait été puni de mort pour le meurtre d'un esclave ?

M. Thonissen[13] l'admet pourtant : « Il suffit, » dit-il, « pour réfuter cette opinion (que les peines destinées à réprimer le meurtre d'un étranger étaient moins sévères que celles qui protégeaient la vie d'un citoyen), de rappeler que les Athéniens, par une disposition qui les honore devant la postérité, poursuivaient le meurtre de l'esclave à l'égal de celui de l'homme libre. Il faudrait donc admettre qu'ils eussent placé l'esclave au-dessus des Hellènes des autres cités de la Grèce ! »

Les textes que cite M. Thonissen pour appuyer son affirmation sont ceux que nous connaissons déjà, plus un autre qui, seul, lui donnerait raison si on devait le prendre au pied de la lettre. C'ost un passage du discours de Lycurgue contre Léocrate,[14] où l'orateur s'efforce de démontrer que toutes les infractions commises aux lois de la cité sont de la même gravité et lui portent le même préjudice. El il prend à témoin de son dire les anciens législateurs, τν αρχαίων νομοθετν, qui, à l'entendre, frappaient de la même peine le voleur d'une somme de cent talents et le voleur d'une somme de dix drachmes, le meurtrier d'un esclave et le meurtrier d'un homme libre ; et cette peine, pour tous les délits, même les moindres, était la mort. Mais qui sont ces « anciens législateurs ? » Si de pareilles lois ont jamais réellement existé à Athènes, ce ne peuvent être que les lois de Dracon, qui n'ont plus de valeur pour l'époque classique ; et encore on croira difficilement que le vol ait été réellement puni de mort, quelle que fût la valeur de la somme volée. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à l'époque de Lycurgue il n'en était nullement ainsi, comme le prouvent divers passages des orateurs.[15]

Il en est évidemment de même pour les autres lois, et, à supposer qu'au temps de Dracon la loi ait puni avec une égale sévérité le meurtre de l'homme libre et celui de l'esclave (ce que nous ne croyons pas d'ailleurs), il n'en est plus ainsi au cinquième et au quatrième siècles. Le texte du lexicographe que nous avons cité est trop précis et concorde trop bien avec le passage d'Aristote pour qu'on puisse en douter. Et si on remarque qu'Aristote place sur le même rang l'esclave, l'étranger et le métèque, on sera convaincu qu'il y avait devant la loi doux catégories de meurtres : les meurtres commis sur les citoyens et les meurtres commis sur les non citoyens. Lysias, il est vrai, dans son discours contre Ératosthène, demande la mort de l'assassin de son frère Polémarque, métèque comme lui. Mais les circonstances dans lesquelles ce meurtre a été commis sont trop exceptionnelles pour qu'on en puisse tirer une conclusion générale : Polémarque avait été arrêté et mis à mort sans jugement, et ses biens dilapidés, par ordre des magistrats d'alors, magistrats usurpateurs ; ce n'était plus un simple crime, c'était un vrai crime d'État, ajouté à fous les autres crimes d'Ératosthène et des Trente.

Il y a d'ailleurs des textes d'un autre genre qui conduisent à la même conclusion. Démosthène, dans son discours contre Aristocrates, cite un fragment d'un décret rendu en l'honneur d'étrangers, où il était stipulé que tout attentat contre leur vie serait puni comme un attentat contre la vie d'un citoyen athénien.[16] Un décret de ce genre, retrouvé il y a quelques années sur l'Acropole d'Athènes, montre que Démosthène a reproduit fidèlement la formule officielle ; il est rendu en l'honneur d'un certain Léonidas d'Halicarnasse, et date de la fin du cinquième siècle : Λεονίδεν | άν τις ποκτένει ν τν πόλ | εον Hν Άθεναοι κρατσι, τ | ν τιμορίαν ναι καθάπερ άν | τις Άθεναον ποθάνει.[17] Cette stipulation n'avait évidemment de valeur que si elle constituait pour le personnage honoré une exception ; elle implique cette conséquence, qu'il y avait, pour l'assassin d'un Athénien, une pénalité particulière, non applicable en général à l'assassin d'un étranger ou d'un métèque.

Si maintenant nous passons des δίκαι φονικαί à des actions d'un autre genre, nous trouvons mentionnée par les auteurs l'action relative aux attentats à la pudeur commis avec violence, qui rentre dans la catégorie des actions dites δβρεως. La loi, d'après Démosthène,[18] donnait la même action devant les Thesmothètes, quelle que fût la personne outragée, libre ou esclave ; et Eschine, qui la cite aussi,[19] insiste sur cette disposition qui assimilait les esclaves aux hommes libres et cherche à l'expliquer, d'une façon ingénieuse d'ailleurs : le législateur, dit-il, a voulu, en protégeant contre les outrages les esclaves, qui y sont le plus exposés, habituer les citoyens à respecter même leurs inférieurs, à plus forte raison leurs égaux.

Les métèques sur ce point auraient donc été assimilés complètement aux citoyens, ce qui paraît étrange, puisqu'ils ne l'étaient pas pour un cas plus grave encore. Mais il faut remarquer que, si le coupable, dans ces sortes d'affaires, pouvait être puni de mort, il ne l'était pas forcément, et pouvait s'en tirer avec des dommages-intérêts.[20] On ne peut donc comparer sur ce point la γράφη βρεως aux φονικα δίκαι, et l'égalité de traitement établie entre les citoyens et les étrangers s'explique mieux, puisqu'il y avait une échelle de peines. D'ailleurs, nous avons peine à croire que la peine de mort fût réellement appliquée en pareille matière. Dinarque en cite bien deux exemples, mais il semble précisément par là affirmer la rareté du fait.[21] On peut donc admettre qu'en général les jurés athéniens se montraient plus indulgents pour celui qui avait abusé d'un esclave ou d'un étranger que pour celui qui avait outragé un citoyen. Ce qu'il faut en retenir, c'est que l'action donnée par la loi était la même dans les deux cas, et que le même tribunal, celui des Thesmothètes, était appelé à se prononcer.

Dans tous les cas, on voit que les lois athéniennes assuraient la sécurité aux métèques tout autant qu'aux citoyens. Il ne faudrait pas croire en effet que la peine infligée au meurtrier d'un métèque, l'exil, fût dans les idées des anciens une peine secondaire : elle était regardée au contraire comme presque aussi grave que la mort. Voici comment la définit Antiphon : « L'exilé est exclu de la ville, des temples, des sacrifices, des jeux, c'est-à-dire de tout coque les hommes ont de plus cher et de plus précieux.[22] »

En somme, on peut dire qu'à Athènes la vie, la liberté et l'honneur des métèques étaient protégés tout aussi efficacement que ceux des citoyens mêmes.

En était-il de même hors d'Athènes, et la loi athénienne étendait-elle sa protection sur les métèques, comme elle le faisait pour les citoyens, au-delà des frontières de l'Attique ? On sait qu'il y avait, pour le meurtre d'un citoyen commis à l'étranger, une procédure spéciale, appelée νδροληψία : « Qu'un meurtre soit commis sur la personne d'un Athénien en pays étranger, où la loi athénienne n'a plus d'empire, justice ne peut être faite que par le peuple chez lequel le meurtre a eu lieu. Lui seul, comme souverain sur son territoire, peut juger ou livrer le coupable. C'est donc à lui, et non aux tribunaux athéniens que les parents de la victime devront demander justice. Mais s'il refuse d'accueillir leur demande, les parties n'ont plus d'autre recours que la vengeance privée, et la loi athénienne permet au poursuivant de prendre jusqu'à trois otages de la nation qui n'a pas voulu que la justice eût son cours. C'est ce qu'on appelait νδροληψία.[23] »

L’νδροληψία était-elle accordée au métèque qui demandait justice du meurtre d'un des siens ? Aucun texte n'en parle ; on a voulu cependant l'inférer du passage où Aristote dit que les citoyens ne sont pas seuls à jouir du droit d'intenter et de soutenir une action en justice, ο τν δικαίων μετέχοντες οτως στε κα δίκην πέχειν κα δικάζεσθαι,[24] et que les étrangers qui ont des traités avec Athènes et les métèques peuvent participer à ce droit. Mais le texte d'Aristote est trop compréhensif et trop vague pour qu'on en puisse tirer une conclusion particulière sur un point donné : à ce compte, on pourrait en conclure aussi que les métèques pouvaient intenter aux citoyens des actions publiques, telles que la γραφ παρανόμων. De plus, il faut dire que les lexicographes qui parlent de l’νδροληψία se servent du terme νρ 'Αθηναος pour désigner la victime.[25]

Nous serions pourtant disposés à accepter l'opinion émise par Weber, pour d'autres raisons. Nous verrons qu'en certains cas Athènes a montré une grande sollicitude pour ceux de ces métèques qui allaient s'établir à l'étranger[26] ; il ne serait donc pas impossible qu'elle eût aussi protégé leur vie, même contre un meurtrier réfugié à l'étranger. D'ailleurs la question n'a pas une grande importance, car il ne semble pas qu'à l'époque classique cette loi, dernier reste de l'ancien droit religieux et que Démosthène affecte d'admirer,[27] eût en pratique beaucoup d'applications.

§ 3.

Sur la procédure suivie dans les affaires criminelles où se trouvaient impliqués des métèques, nous avons fort peu de renseignements. Nous savons déjà que les métèques pouvaient être tenus de fournir caution dans toutes les affaires, même privées : cette caution, l'admettait-on dans les affaires criminelles intentées aux métèques ? M. Welsing ne le croit pas, et veut qu'en ce cas les métèques aient toujours subi une détention préalable, ayant pour but de les empêcher de se soustraire par la fuite au châtiment qui les menaçait.[28]

Il y aurait donc eu sur ce point une différence entre les métèques et les citoyens, qui avaient toujours le droit d'éviter, par l'exil volontaire, la peine de mort.[29] Mais un texte d'Antiphon prouve le contraire : dans le discours sur le meurtre d'Hérode, l'étranger accusé de ce meurtre (Euxithéos de Mytilène, d'après Walz)[30] se plaint d'avoir été illégalement jeté on prison, alors qu'il s'apprêtait à fournir trois garants, conformément à la loi, et il ajoute : « Jamais aucun autre étranger qui a voulu fournir caution n'a été emprisonné.[31] » Et en effet, s'il l'a été, c'est qu'il a été arrêté en vertu de l'action παγωγή, et non de l'action pour meurtre, φόνου : or, en cas d’παγωγή, les citoyens eux-mêmes ne pouvaient fournir caution. Et l'accusé se plaint précisément qu'on ne lui ait pas intenté une simple action pour meurtre, où il aurait pu fournir caution. Il va de soi que si les étrangers pouvaient fournir caution dans les affaires criminelles, les métèques le pouvaient aussi.

M. Welsing cite l'exemple des assassins de Phrynicos, deux étrangers, Thrasyboulos de Calydon et Apollodoros, de Mégare, qui furent arrêtés aussitôt après le meurtre et emprisonnés. Mais c'étaient les amis du mort qui les avaient arrêtés et emprisonnés, et le peuple, au contraire, les fit relâcher[32] : on avait donc usé contre eux d'une procédure illégale, sans même leur demander s'ils voulaient fournir caution.

Ainsi le texte d'Antiphon garde toute sa valeur, et les métèques jouissaient du même privilège que les citoyens, naturellement avec les mêmes restrictions.

Une fois une action criminelle engagée contre un métèque, la procédure différait-elle de la procédure usitée contre un citoyen ? Pouvait-on, par exemple, en user vis-à-vis des métèques comme vis-à-vis des esclaves, dont le témoignage était régulièrement obtenu au moyen de la torture ? Böckh l'admet avec quelque hésitation.[33] Pour les citoyens, il n'y a pas de doute : le décret rendu sous Scamandrios l'interdisait formellement, et même lors de l'affaire des Hermocopides, on ne se décida pas à en suspendre l'application.[34] Pour les hommes libres qui ne jouissaient pas du droit de cité, les textes qu'indique Böckh sont aussi très concluants et montrent qu'ils pouvaient être appliqués à la torture : c'est ce que dit Lysias en parlant du jeune Platéen Théodotos et d'Agoratos.[35] Seulement, dans les deux cas, l'orateur s'exprime de la même façon : il dit simplement qu'on aurait pu les soumettre l'un et l'autre à la torture ; mais, en fait, on n'eut pas à recourir à ce moyen. Une autre fois, toujours d'après Lysias, deux métèques ayant été impliqués dans une même accusation, qui entraîna pour tous les deux une condamnation à mort, l'un des deux seulement fut torturé et non l'autre.[36] Et encore faut-il remarquer qu'il s'agit de métèques impliqués dans une conspiration politique, et d'une période de troubles. Enfin Thucydide dit formellement qu'un des complices du meurtre de Phrynicos, un Argien, fut mis à la torture par ordre des Quatre-Cents.[37]

Il faut donc conclure, avec Böckh, que, si on pouvait soumettre à la torture les hommes libres non citoyens, on le faisait beaucoup moins facilement que pour les esclaves.[38]

On peut se demander enfin si, en cas de condamnation à mort, le supplice infligé aux métèques était le même que le supplice infligé aux citoyens.

On sait que le mode d'exécution ordinaire, pour les citoyens, était l'empoisonnement par la ciguë. Dans quelques cas particuliers cependant, le condamné était assommé à coups de bâton. Ce supplice, qu'on appelait ποτυμπανισμός,[39] était appliqué dans les cas de délit contre la République, de meurtre et de vol. Or, dans tous ces cas, on ne faisait nulle acception de personnes, et on l'appliquait aux citoyens aussi bien qu'aux métèques. Les cas que cite Lysias sont douteux, parce qu'on ne sait s'il s'agit de citoyens ou d'étrangers.[40] Mais Démosthène, dans le discours sur l'Ambassade, dit formellement qu'on aurait dû condamner à ce supplice les députés athéniens envoyés près de Philippe.[41] Enfin une anecdote rapportée par Aristote[42] ne laisse aucun doute là-dessus : il s'y agit d'un certain Lysimachos, condamné à mort par le Conseil, qu'un citoyen aurait arraché au bourreau qui allait l'assommer, en soutenant que le Conseil n'avait pas le droit de condamner à mort un citoyen. Si donc le même supplice était infligé dans ces trois cas particuliers aux citoyens et aux métèques, il n'y a pas de raison pour que le supplice ordinaire des citoyens ne fût pas aussi appliqué aux métèques dans les autres cas. Nous connaissons d'ailleurs l'exemple de Polémarque, le frère de Lysias, qui fut condamné par les Trente à boire la ciguë.[43]

§ 4.

Nous avons déjà établi que les tribunaux chargés de juger les affaires criminelles où des métèques se trouvaient impliqués, soit comme accusés, soit comme plaignants, ne différaient point des tribunaux chargés de juger les affaires criminelles où des citoyens seuls étaient en jeu ; avec cette restriction que les actions intentées en vue de punir le meurtre d'un métèque se jugeaient devant le tribunal du Palladion, comme les fictions relatives au meurtre involontaire d'un citoyen.

Ce tribunal du Palladion est, outre l'Aréopage, un des quatre tribunaux où se jugeaient les affaires criminelles. Trois de ces tribunaux, le Palladion, le Delphinion, Phréatto, qui remontent certainement à une haute antiquité, sont liés intimement au nom des Ephètes. Quant au quatrième, le Prytancion, Aristote nous apprend qu'il était constitué par les quatre φυλοβασιλες, sous la présidence du Roi.[44] L'origine des Ephètes est aujourd'hui encore fort obscure.[45] Le nouvel ouvrage d'Aristote ne nous fournit sur eux aucun renseignement : il semble même que leur nom n'y soit pas prononcé. Ce nom figure bien dans l'édition Kenyon,[46] mais c'est une restitution de l'éditeur ; or le mot φται paraît trop court pour la lacune et λιάσται conviendrait mieux.[47] D'ailleurs il y a, pour repousser cette restitution, d'autres raisons : le discours d'Isocrate contre Callimaque nous montre le tribunal du Palladion composé de sept cents juges, qui ne peuvent être que des héliastes. Or ce discours peut être daté de 399[48] : la République des Athéniens d'Aristote étant de 325 environ, on ne peut admettre que les Ephètes soient rentrés en possession du Palladion, alors qu'il est certain qu'ils n'ont plus au quatrième siècle de rôle sérieux, et qu'ils ont même probablement perdu le Delphinion et sont réduits aux causes de pure forme du Prytanée et de Phréatto.

Toutefois, il est certain qu'au cinquième siècle c'étaient les Ephètes qui siégeaient au Palladion, sous la présidence du Roi : ils figurent encore dans la loi de Dracon reproduite par décret du peuple en 409/8.[49] C'étaient donc à cette époque les Ephètes et au quatrième siècle les héliastes qui, toujours sous la présidence du Roi, étaient chargés de punir les meurtres commis sur la personne de métèques.

L'affirmation d'Aristote sur ce point ne laisse place à aucun doute. Elle est confirmée d'ailleurs par tous les exemples que nous connaissons : dans le discours d'Isocrate contre Callimaque, c'est du meurtre d'un esclave qu'est accusé Callimaque ; dans un discours du Pseudo-Démosthène, il est question aussi du meurtre d'un esclave ; dans un autre, de celui d'un affranchi[50] ; et il est dit, en même temps, que toutes ces affaires se sont déroulées devant le tribunal du Palladion.

Reste une dernière affaire : c'est l'action intentée par Lysias contre Ératosthène pour le meurtre de son frère Polémarque, action qui soulève plusieurs questions intéressantes. C'est la seule affaire criminelle intentée par un métèque qui nous soit parvenue, et de plus elle est relative au meurtre d'un autre métèque. Enfin elle a donné lieu au seul discours que Lysias ait prononcé lui-même, ν ατς επε Λυσίας, dit le titre du discours tel qu'il nous est parvenu.

Devant quel tribunal a-t-il été prononcé ? Les auteurs modernes ne sont pas d'accord là-dessus, et se prononcent, les uns pour le tribunal du Palladion, d'autres pour celui du Delphinion, d'autres enfin pour le tribunal d'héliastes présidé par les Logistes, et où les magistrats rendaient leurs comptes.[51]

On sait du moins dans quelles circonstances il fut prononcé : ce fut sous l'archontat d'Euclide, à la fin de l'année 403, après le traité conclu entre les Athéniens du Pirée et ceux de la ville, alors que les Trente étaient encore à Éleusis. L'amnistie était proclamée, sauf pour les Trente et leurs instruments les Onze, et aussi les Dix, qui, sous leurs ordres, avaient administré le Pirée.[52] Et encore avait-on ajouté que ceux-là même qui étaient exclus de l'amnistie pourraient rentrer à Athènes et y rester, à condition de rendre compte des charges qu'ils avaient exercées sous l'oligarchie.

Deux seulement des Trente, Phidon et Ératosthène, voulurent profiter de cette clause : tous deux, anciens partisans de Théramène, étaient restés à Athènes après la chute du parti de Critias. les auteurs anciens ne disent pas expressément devant qui devaient se rendre ces comptes ; mais il n'y a pas de doute que ce fût devant le tribunal ordinaire dont relevaient toutes les affaires en reddition de comptes de magistrats (εθυναι) : c'était un tribunal d'héliastes présidé par les Logistes. Quoique ces magistrats fussent d'ordre purement financier, on n'en pouvait pas moins, devant le tribunal présidé par eux, soulever tout espèce de questions, et demander compte au magistrat sortant de charge de sa gestion tout entière. Et quiconque le voulait pouvait prendre la parole et lui demander compte de tel ou tel acte particulier, surtout d'un acte qui l'avait lésé lui-même.[53]

Telle était précisément la situation de Lysias, qui demanda compte à Ératosthène de la mort de son frère Polémarque. Ou et comment le fit-il ? Polémarque étant métèque, il semble que le tribunal indiqué fût le Palladion ; mais alors Lysias aurait intenté à Ératosthène un procès spécial, indépendant de sa reddition de comptes devant les Logistes, et rien ne nous dit que, d'après le traité d'amnistie, il eût le droit de le faire.[54] De plus, nous avons montré que le Palladion ne pouvait pas prononcer de condamnation capitale ; or c'est la peine que réclame l'orateur contre le meurtrier de son frère.

Quant au Delphinion, l'affaire n'aurait pu y être portée que si l'accusé, reconnaissant le fait d'homicide, avait prétendu avoir agi conformément aux lois, et faire ainsi rentrer le crime dans la catégorie des crimes excusables (δίκαιοι φόνοι).[55] Et encore la chose est-elle douteuse, puisque la loi, nous l'avons vu, ne faisait pas de distinctions de nature pour les meurtres commis sur des métèques. D'ailleurs il ne paraît pas qu'Ératosthène ait usé de ce moyen de défense : d'après ce que dit Lysias lui même, il rejetait simplement la faute sur les Trente ses collègues, à la colère desquels il n'avait pas osé s'exposer eu leur résistant ; ce qui ne pouvait évidemment être admis comme excuse légale.[56]

Reste donc le tribunal d'héliastes présidé par les Logistes. Étant donné que les εθυναι doivent s'entendre dans le sens le plus large du mot (et dans l'espèce il a dû en être ainsi plus que jamais, et la question des comptes financiers a dû être secondaire, si même elle a été soulevée), la mise à mort illégale d'un métèque appartenant à une famille riche et considérée, comme Polémarque, donnait tout naturellement lieu à la déposition d'une plainte.

Seulement on admet d'ordinaire que Lysias était alors isotèle. Et M. Blass s'efforce de prouver que cette qualité d'isotèle ne l'empêchait pas d'agir dans celte circonstance[57] ; mais ses arguments nous semblent peu concluants. En réalité, un procès en reddition de comptes était un procès politique, et il ne nous paraît pas admissible que les métèques aient été autorisés à demander compte à un magistral de ses actes. Rien n'autorise à croire que, même dans ces circonstances exceptionnelles, on ait dérogé à la règle en faveur des métèques en général ou de Lysias en particulier. Si réellement le procès a été intenté à Ératosthène par Lysias métèque (ou isotèle, ce qui est la même chose au point de vue judiciaire), c'est qu'il a été intenté devant le Palladion, et en dehors des εθυναι.

Nous croyons cependant qu'il a bien été intenté devant les Logistes et pendant les εθυναι d'Ératosthène. Ou sait qu'après l'entrée des Piréotes à Athènes, Thrasybule avait fait conférer à Lysias, par décret du peuple, le droit de cité, en récompense des services qu'il avait rendus à la cause populaire. Ce décret fut attaqué plus tard par Archinos comme illégal : Archinos fonda son accusation sur ce que le décret avait été rendu avant le rétablissement de la constitution, ut qu'il n'avait pu être précédé d'un probouleuma, le Conseil à ce moment n'étant pas encore reconstitué. Il est donc évident qu'au moment où Archinos intenta à Thrasybule à cette occasion une γραφ παράνομων, la constitution était rétablie et le Conseil reconstitué. Et jusque-là Lysias avait dû jouir des droits de citoyen. Or nous savons que le discours contre Ératosthène date certainement de l'année 403, et d'avant la mise à mort de ceux des Trente qui furent saisis à Éleusis. Les bannis étaient rentrés le 21 septembre ; la constitution fut aussitôt rétablie, après qu'on eût repoussé la proposition de Phormisios, contre laquelle Lysias composa un discours qui nous est parvenu en partie. Mais il n'y a aucune raison pour admettre, comme on le fait généralement, que la γραφ παράνομων intentée par Archinos à Thrasybule au sujet de Lysias soit antérieure au discours de Lysias contre Ératosthène. Lysias avait été fait citoyen dans les premiers jours qui suivirent la rentrée des bannis, avant le rétablissement de la constitution, mais après avoir composé le discours contre Phormisios, puisque ce discours, il ne le prononça pas lui-même. On peut supposer même que cette apologie de la démocratie, que tout le monde savait être de lui, contribua a lui faire donner par le peuple le litre de citoyen. Puis, une fois la constitution rétablie, l'affaire d'Ératosthène dut s'ouvrir presque aussitôt : Ératosthène avait lui-même intérêt à ne pas rester sous le coup d'une condamnation possible, et à faire régulariser sa situation au plus lot. Il y a donc tout lieu de croire que le discours contre Ératosthène fut prononcé avant qu'Archinos eût déposé sa proposition, et que par conséquent Lysias, lorsqu'il le prononça, était citoyen.[58]

Le discours même confirme cette façon de voir. L'assassinat de Polémarque, loin d'être le seul chef d'accusation intenté par l'orateur à Ératosthène, n'en occupe que le premier tiers ; après quoi, Lysias aborde résolument la question politique et demande compte à l'accusé de toute sa conduite pendant la Révolution. Ce qu'il lui reproche dans tout le reste du discours, c'est d'avoir toujours été un ennemi acharné de la démocratie, τναντία τος βουλομένοις δημοκρατίαν εναι πραττεν.[59] Et il s'exprime de la façon la plus significative : « Je vous supplie de m'écouter, car je parle en mon nom et au nom de la cité, » δέομαι δ'μν κοσαι πρ τ'μαυτο κα τς πόλεως.[60] Il semble que Lysias ait compté beaucoup plus, pour faire condamner son adversaire, sur la haine qu'inspirerait aux Athéniens sa conduite politique, que sur la compassion que pourrait leur inspirer l'assassinat d'un simple métèque. C'est pour cela qu'il élargit ainsi la question et demande vraiment compte à Ératosthène de toute sa conduite.

Mais comment admettre qu'on ait laissé, devant un tribunal d'héliastes, un métèque, voire un isotèle, traiter aussi longuement de questions purement politiques ? et comment admettre que lui-même ait osé affirmer qu'il parlait au nom de la cité ? Cela n'est possible que si Lysias était à ce moment citoyen.

Ainsi s'explique la formule ν ατς επε Λυσίας, que les copistes anciens ont soigneusement conservée en tête du discours. Il peut, à la vérité, paraître étonnant que Lysias n'y fasse aucune allusion à ses droits tout récents de citoyen. Mais il devait savoir que le décret qui les lui avait conférés était illégal, et craindre d'attirer trop l'attention sur cette question. Et peut-être, malgré cette précaution, son discours fut-il pour quelque chose dans sa radiation de la liste des citoyens. Nous connaissons maintenant, d'une façon précise, par Aristote, le rôle joué en ces circonstances par Archi-nos. Il fut l'auteur de toute une série de mesures qui toutes tendaient à un but unique : l'oubli du passé et le rétablissement de la concorde : « Après la conclusion de ce traité, la terreur régna parmi tous ceux qui avaient fait cause commune avec les Trente ; beaucoup d'entre eux, décidés à émigrer, différaient leur inscription (ceux qui voulaient émigrer devaient en faire la déclaration dans le délai de sept jours) jusqu'aux derniers jours, comme il arrive d'ordinaire en pareil cas. Alors Archinos, voyant leur grand nombre et désirant les retenir, et supprimer les derniers jours du délai d'inscription, et obligea ainsi beaucoup de gens à rester, contre leur gré, jusqu'à ce qu'ils eussent repris confiance. Cet acte d'Archinos est d'un homme d'État ; il mérite encore des éloges pour avoir attaqué comme illégal le décret proposé par Thrasybule, accordant en bloc le droit de cité à tous ceux qui revenaient du Pirée, parmi lesquels il y avait des esclaves notoires. Enfin il rendit un troisième service le jour où il traîna devant le Sénat un individu qui avait commencé des poursuites à raison des faits passés, et persuada aux sénateurs de le faire mourir sans autre forme de procès. Le moment était venu, disait-il, de montrer s'ils voulaient vraiment sauver la démocratie et rester fidèles à leurs serments : s'ils relâchaient ce premier coupable, son impunité en encouragerait d'autres ; sa mort, au contraire, servirait de leçon à tous. Cette prédiction se réalisa, car, après cette première exécution, personne n'osa plus remuer le passé.[61] »

Ce passage nous fait mieux comprendre l'attitude que prit Archinos vis-à-vis de Lysias. Il ne s'agissait pas d'une mesure personnelle, mais d'une mesure générale, qui atteignît Lysias avec beaucoup d'autres. Mais de plus, il ne serait pas étonnant qu'Archinos ait su à Lysias mauvais gré d'avoir contribué à raviver les passions en soulevant des questions qu'il voulait au contraire étouffer ; d'autant plus que Lysias demandait le châtiment non seulement d'Ératosthène, mais de tous ses collègues.[62]

On ne peut donc rien conclure, pour ce qui est des droits reconnus aux métèques, du rôle joué par Lysias en cette circonstance. Citoyen depuis quelques jours, il en profita pour essayer de venger son frère, et ce fut le seul acte de sa vie de citoyen.

Pour savoir quels étaient les droits des métèques comme plaignants dans une affaire criminelle, il faut chercher d'autres exemples. Nous savons déjà d'ailleurs que les métèques pouvaient intenter des actions civiles ; on pourrait donc admettre a priori qu'ils avaient le même droit en fait d'actions criminelles, la loi qui protégeait leur fortune ne pouvant faire moins pour leur vie. Mais nous trouvons de plus, dans le discours du Pseudo-Démosthène contre Nééra, un exemple bien défini d'action criminelle intentée par un étranger, Epaenétos d'Andros.[63] Stéphanos, un des amants de Nééra, avait tendu à Epaenétos un piège, pour lui soutirer de l'argent, et l'avait enfermé, l'accusant d'adultère, jusqu'à ce qu'il eût fourni caution. Epaenétos, une fois relâché, le cita devant les Thesmothètes, et lui intenta l'action dite γραφ άδίκως ερχθναι ς μοιχν.

Il n'y a donc pas de doute que les métèques et même les étrangers eussent le droit de saisir les tribunaux compétents de la connaissance des crimes ou délits commis à leur préjudice. Ils différaient des citoyens en ceci, que seuls les citoyens pouvaient, en beaucoup de cas, dénoncer même des crimes qui ne les lésaient pas personnellement : les métèques ne pouvaient agir qu'en leur nom personnel ; les citoyens pouvaient agir au nom de la cité elle-même.[64]

Enfin, il va de soi que, devant le tribunal, le métèque accusateur avait le droit de prendre la parole, comme dans les affaires civiles.

§ 5.

On peut dire, en résumé, que, pour tout ce qui concerne la justice, les métèques étaient traités, à peu de chose près, comme les citoyens eux-mêmes. La seule différence notable est dans la pénalité qui frappait le meurtrier d'un citoyen et celui d'un métèque. Sans en nier l'importance, on peut affirmer que dans la pratique elle ne pouvait avoir de conséquences fâcheuses pour les métèques : la peine terrible du bannissement les protégeait d'une façon tout aussi efficace que la peine de mort même. Cette différence s'explique d'ailleurs : les métèques, comme nous le verrons, font bien partie de la cité, mais ils n'y occupent qu'une place inférieure, et il faut bien que cette différence se retrouve plus ou moins partout. Or, dans l'espèce, le meurtre n'est pas seulement, chez les anciens, un attentat contre les personnes, c'est un attentat contre la cité : le meurtrier d'un métèque ne peut donc léser la cité aussi gravement que le meurtrier d'un citoyen.

Dans les affaires civiles au contraire, cette différence est de pure forme, l'intervention du Polémarque n'entraînant aucune procédure particulière. Dans les affaires commerciales, si importantes pour les métèques, elle n'existe pas. Enfin, dans les affaires de tout genre, l'obligation de fournir caution qui peut être imposée aux métèques est, sans avoir rien de vexatoire d'ailleurs, comme la constatation de leur situation particulière dans la cité, de leur état civil légal.

On ne peut donc dire que les métèques, sur ce point, fussent de par les lois dans un état réel d'infériorité vis-à-vis des citoyens.

Faut-il admettre, avec M. Schenkl, que cette égalité devant la loi n'était guère que théorique, et ; que dans la pratique les métèques, en butte souvent à des accusations injustes de la part de citoyens, étaient condamnés par les héliastes de parti-pris[65] ?

Le passage des Chevaliers d'Aristophane, que cite à ce propos M. Schenkl, ne dit nullement ce qu'il lui fait dire. Dans la querelle entre Cléon et le Charcutier, celui-ci se vante de savoir aussi bien parler que faire des ragoûts, et Cléon lui répond : « Parce que tu auras parlé avec succès dans quelque méchant procès contre un métèque, tu t'en vas bavardant toute la nuit, parlant tout seul dans les rues, buvant de l'eau, te montrant partout, et assommant tes amis, et tu te figures être orateur ! imbécile[66] ! »

Cléon veut simplement rabaisser le talent et abattre l'orgueil de son adversaire, et affecte de croire qu'il ne peut avoir que de méchants procès sans valeur et contre des gens sans importance et sans appui, comme des métèques. Mais cela ne prouve nullement que les tribunaux athéniens fussent habituellement portés à favoriser les citoyens au détriment des métèques. Nous ne voudrions pas exagérer et affirmer que les tribunaux aient toujours fait preuve d'une impartialité absolue ; mais il est certain qu'en général les métèques devaient trouver justice, même contre des citoyens. Il n'est pas besoin pour cela de preuves matérielles : on sait assez qu'une bonne justice est la plus indispensable de toutes les administrations ; étant donnée l'importance qu'on attachait à Athènes à la prospérité de la classe des métèques, il est inadmissible que l'on n'ait pas respecté leurs intérêts matériels. Faire preuve envers eux d'une partialité préméditée aurait été le moyen le plus sûr de les éloigner d'Athènes à jamais.

M. Schenkl cite ensuite un passage d'Hypéride, qui ne prouve pas davantage, ou plutôt qui prouve justement le contraire de ce qu'il avance. Hypéride, défendant Euxénippos, à qui on avait intenté une εσαγγελία, débute ainsi : « Vous devez, juges, être fatigués de ces perpétuelles dénonciations ; » puis il cite à la file cinq citoyens qui ont dû quitter Athènes pour y échapper ; et il ajoute : « Maintenant on en vient à des dénonciations tout à fait ridicules ; ainsi, on cite Diognidès et le métèque Antidoros parce qu'ils louent des joueuses de flûte plus cher que la loi ne le permet, et deux autres citoyens pour des niaiseries de ce genre.[67] » Mais qui ne voit que, pour un métèque accusé injustement que cite Hypéride, il nomme huit citoyens, dont un accusé en même temps que le métèque et pour la même raison ? On ne peut donc nullement en conclure que les sycophantes fussent spécialement à l'affût de tous les mauvais cas où pouvaient se trouver des métèques, puisqu'ils en faisaient tout autant pour les citoyens. Et ce que dit Lysias de ces sycophantes dans le discours pour le métèque Gallias accusé de sacrilège montre bien qu'ils s'attaquaient à tout le monde indistinctement, ce qui est du reste assez connu.[68] M. Schenkl allègue qu'on excitait les esclaves des métèques à déposer contre eux, comme dans cette affaire ; mais les sycophantes en faisaient tout autant pour les esclaves des citoyens : c'est ce qui ressort d'un autre passage de ce même discours.[69] Enfin, que Gallias avait sollicité le secours d'un συνήγορος citoyen, cela ne prouve encore rien : on sait que les accusés, après avoir présenté leur défense, usaient souvent de cette liberté que leur laissait la loi ; et le citoyen qui vint ainsi au secours de Gallias était pour lui un ami de famille.[70] La conclusion que tire M. Schenkl de ce fait, à savoir que c'était chez les métèques une habitude de se faire défendre par des citoyens, parce qu'ils savaient les juges mal disposés pour eux, est évidemment forcée.

Enfin un passage de Dicéarque qu'il allègue encore ne parle nullement des métèques et s'applique au contraire très nettement aux seuls étrangers de passage : Διατρεχουσι δ τίνες ν τ πλει λογογρφοι (?), σεοντες τος παρεπιδημοντας κα επρους τν ξένων * ος ταν δμος λάβ, οκληρας περιβάλλει ζημίαις.[71] L'expression qu'emploie Dicéarque ne peut faire de doute[72] : il s'agit exclusivement des étrangers riches, de passage à Athènes pour leurs affaires ou leurs plaisirs, et à qui les sycophantes cherchaient à susciter quelques mauvaises affaires. On comprend que ce fût pour eux la proie la plus recherchée, puisqu'ils n'avaient pas la situation privilégiée des métèques et qu'on avait beaucoup moins de raisons pour se montrer indulgent ou même impartial à leur égard.

Au contraire, rien dans les textes qui nous sont parvenus, notamment dans les discours des orateurs, ne nous autorise à dire qu'il y eût chez les héliastes parti-pris ou mauvaise volonté vis-à-vis des métèques ; et nous pouvons affirmer que jamais les tribunaux populaires d'Athènes, si accessibles d'ailleurs aux préjugés et aux passions, n'ont fait preuve envers les métèques d'une hostilité systématique.

 

CHAPITRE VI. — LES MÉTÈQUES ET LA RELIGION : 1. LES CULTES ÉTRANGERS.

§ 1.

L'étude de la condition religieuse des métèques athéniens est de toutes les parties de notre sujet celle qui va nous fournir les traits les plus caractéristiques, et qui permettent le mieux de reconnaître leur véritable situation à Athènes.

Elle comporte tout naturellement deux parties : que devenaient à Athènes les cultes étrangers importés du dehors par les métèques ? — Athènes faisait-elle à ces métèques une place dans les cultes de la cité, et laquelle ?

Pour ce qui est des cultes étrangers, il n'entre pas dans notre plan de faire l'histoire détaillée de tous les cultes et de toutes les associations religieuses établis à Athènes : cette histoire a d'ailleurs été faite, et aujourd'hui encore il n'y aurait que bien peu de chose à ajouter au beau livre de M. P. Foucart.[73] Il nous importe seulement de montrer comment et jusqu'à quel point les Athéniens ont laissé aux métèques la liberté de leurs cultes, de rappeler brièvement, et d'après M. Foucart, l'organisation générale des associations religieuses d'étrangers, et enfin d'énumérer les principaux de ces cultes.

La première question est la plus importante, puisqu'il s'agit de savoir quelle a été la politique d'Athènes vis-à-vis des cultes importés par les métèques, ou, pour mieux dire, de savoir si Athènes a eu à cet égard une politique suivie et raisonnée. Elle peut se ramener à une question plus générale, celle de la liberté de conscience, au sujet de laquelle M. Caillemer dit[74] : « Je crois avoir établi qu'aucun des textes allégués contre la liberté de conscience n'est décisif, et… que chaque citoyen, dans son for intérieur et à la condition de ne pas dépasser les limites de la profession et du culte individuels, jouissait d'une liberté complète. »

Réduite à ces conditions, la liberté de conscience, à vrai dire, serait bien peu de chose : ce ne serait pas la liberté des cultes, car qu'est-ce qu'un culte qui ne peut se manifester au dehors ? Et encore, les exemples d'Anaxagore, de Diagoras de Mélos, de Protagoras, de Socrate, de Stilpon, etc.,[75] semblent-ils contredire l'assertion de M. Caillemer. Nous voulons bien, avec lui, que toutes ces accusations aient été motivées par des irrévérences envers les dieux : mais qu'était-ce alors que cette liberté de conscience, tout intérieure, et qui ne permettait pas même d'exprimer des doutes ? et n'aurait-elle pas été quelque peu illusoire ?

Qu'en fait, la plupart du temps, les Athéniens aient été tolérants et n'aient pas inquiété les sceptiques et les incroyants, qu'ils aient même ri volontiers des plaisanteries si hardies d'Aristophane, cela est certain. Mais il n'en est pas moins vrai que les lois autorisaient à poursuivre pour faits d'impiété ou d'irréligion, et que, dans les temps troublés notamment, on n'usa que trop de ces poursuites.[76]

Mais le point essentiel de la question n'est pas là. Il s'agit de savoir si on avait le droit, à Athènes, d'adorer publiquement des dieux autres que ceux de la cité. Sur ce point, M. Foucart a montré de la façon la plus nette quelles étaient les idées et la pratique des Athéniens. L'intolérance dont ils firent preuve envers Anaxagore, Diagoras, etc., se concilie fort bien avec la tolérance, la philoxénie que leur attribue Strabon vis-à-vis des dieux étrangers. Ce qui avait scandalisé chez ces philosophes, c'est qu'ils affectaient de renier et de mépriser les dieux de la cité, et qu'on avait pu les accuser d'athéisme. Mais jamais Athènes, pas plus d'ailleurs que les autres cités antiques, ne songea à nier l'existence des dieux étrangers : « Dans les idées des Athéniens, comme dans celles de tous les anciens, chaque nation avait ses dieux, qui n'étaient pas ceux des autres ; on n'en contestait pas la réalité ou la puissance, mais la république avait le droit de les repousser de son territoire aussi bien que les étrangers.[77] »

En fait, elle se montra pour eux fort accueillante, et, en cela, sa bienveillance naturelle servit admirablement ses intérêts : a Cette bienveillance hospitalière était du reste une nécessité pour une cité commerçante comme Athènes. Pour attirer et retenir au Pirée les marchands étrangers, il fallait bien leur permettre d’y établir le culte de leur patrie.[78] » C'est ainsi que s'explique le mot bien connu de Strabon : 'Αθηναοι δ'οσπερ περ τ λλα φιλοξενοντες διατελοσιν, οτω κα περ τος θεος. Πολλ γρ τν ξενικν ερν παρεδέξαντο.[79]

Néanmoins, la loi mettait à l'introduction de tout culte étranger une condition formelle : elle exigeait qu'on demandât et qu'on obtînt une autorisation en règle, c'est-à-dire un décret du Conseil et du Peuple. C'est pour avoir enfreint cette disposition de la loi, rapportée par Josèphe, que les prêtresses Ninos et Théoris furent condamnées à mort, et que Phryné faillit l'être à son tour. L'authenticité de la loi rapportée par Josèphe, contestée par Schömann et M. Caillemer, nous paraît établie d'une façon définitive par M. Foucart, de même que la façon dont il faut envisager le procès des deux prêtresses et de Phryné, et il suffit de renvoyer à sa démonstration.[80] M. Foucart montre d'ailleurs ensuite comment et pourquoi la loi fut en somme rarement appliquée, et pourquoi elle n'empêcha pas les religions étrangères de se propager dans l'Attique.

Une des principales causes de cette expansion des cultes étrangers fut incontestablement l'autorisation accordée à des étrangers d'élever des temples à leurs divinités. Il est donc nécessaire, bien que nous n'ayons rien de nouveau à apporter sur ce point, de rappeler les principaux textes et la façon dont on procédait en pareille occasion.

Il y a, dans la formation d'une association religieuse étrangère, deux choses distinctes : la question d'association, et la question de culte. Pour l'association pure et simple, nulle difficulté : M. Caillemer a démontré que le droit de société à Athènes était absolu, sans qu'il y eût besoin d'aucune autorisation de l'État. Bien plus, une loi de Solon reconnaissait formellement la validité des engagements pris entre eux par les sociétaires, sous la seule réserve que ces engagements n'eussent rien de contraire aux lois publiques.[81]

Seulement ces sociétés, légitimes comme associations, pouvaient être illégales comme introduisant des cultes étrangers : c'est là qu'intervenait l'autorisation du Conseil et du Peuple. Elle était d'autant plus nécessaire que l'exercice de tout culte nécessitait la construction d'un temple, et par conséquent l'acquisition d'un terrain : or nul étranger ne pouvait posséder ni terre ni maison sans un décret spécial.

C'est grâce à cette autorisation que les métèques athéniens purent former des groupes où ils continuaient à vivre de leur vie nationale, tout en étant soumis aux lois et aux charges que leur imposait leur nouvelle patrie.

Nous connaissons exactement les termes mêmes par lesquels le Conseil et le Peuple accordaient à une société étrangère le droit d'élever un temple et par conséquent de constituer un culte, grâce à l'inscription célèbre publiée pour la première fois par M. Koumanoudis en 1870, et commentée depuis par M. Foucart, dont nous reproduisons la traduction. Ce document est d'autant plus précieux qu'on peut le dater exactement de 333, et que l'orateur Lycurgue a joué dans l'affaire le principal rôle.[82]

« Les dieux. Sous l'archonte Nicocratès, la tribu Ægéide exerçant la première prytanie, Théophilos, du dème de Phégous, un des proèdres, a mis aux voix. Le conseil a décidé, sur la proposition d'Antidotos, fils d'Apollodoros, du dème de Sypalettia : considérant la demande des Kitiens au sujet de la fondation d'un temple en l'honneur d'Aphrodite, le conseil a voté que les proèdres que le sort désignera pour présider la première assemblée, présenteraient les Kitiens, mettraient l'affaire en délibération, et proposeraient au peuple l'avis du conseil : Le conseil décide que le peuple, après avoir entendu les Kitiens au sujet de la fondation du temple et tout autre des Athéniens qui voudra prendre la parole, arrêtera la résolution qui pourra lui sembler la meilleure.

Sous l'archonte Nicocratès, la tribu Pandionide exerçant la deuxième prytanie, Phanostratos, du dème de Philae, un des proèdres, a mis aux voix. Le peuple a décidé, sur la proposition de Lycurgue, fils de Lycophron, du dème de Butae : Considérant que les marchands de Kition ont paru présenter une requête légitime, lorsqu'ils demandent au peuple le droit d'acquérir un terrain pour y fonder un temple d'Aphrodite, le peuple a décidé de donner aux marchands de Kition le droit d'acquérir un terrain pour y fonder le temple d'Aphrodite, de la même manière que les Égyptiens aussi ont fondé le temple d'Isis. »

Les étrangers et métèques originaires de Kition et établie à Athènes et au Pirée ou fréquentant ce port ne furent évidemment pas les seuls à qui le Conseil et le Peuple accordèrent l'autorisation de célébrer leur culte national. Le décret même cite un précédent, l'érection d'un temple à Isis par des Égyptiens. Nous connaissons encore l'exemple des marchands tyriens établis à Délos, qui reçurent l'autorisation d'élever un temple à Baal Marcod,[83] et, au Pirée, celui des Sidoniens, κοινόν τν Σιδωνίων, qui avaient élevé un temple à Baalsidon.[84] Il dut en être de même, comme nous le verrons plus loin, pour beaucoup d’autres sociétés d'étrangers. Quant à celles qui n'avaient pu obtenir l'autorisation nécessaire, on sait qu'elles trouvèrent l'hospitalité pour leur culte dans le sanctuaire d'une autre association.[85] Il semble d'ailleurs que l'on ait consacré à tous ces temples étrangers un emplacement spécial : les débris qui nous en sont parvenus proviennent tous de la péninsule méridionale du Pirée, qui devait ainsi former le centre religieux de la population étrangère de l'Attique.

Les étrangers proprement dits devaient profiter aussi bien que les métèques de ces temples consacrés à leurs dieux nationaux, cela va sans dire. Mais c'est certainement aux métèques, c'est-à-dire à des associations fixes et stables, que le Conseil et le Peuple accordaient le droit d'élever ces temples.

On peut donc dire que les Athéniens ont eu vis-à-vis des religions importées par les colonies étrangères une politique très nette. Elle consistait à assurer à tous les étrangers le libre exercice de leur culte, mais à les obliger à s'en référer à la volonté du Conseil et du Peuple, qui demeuraient toujours libres de refuser l'autorisation nécessaire, pour peu qu'ils y vissent des inconvénients.

Sur ce point donc, comme en ce qui concerne la justice, Athènes s'est montrée fort libérale, par tempérament assurément, mais aussi et surtout par intérêt : rien ne pouvait plus contribuer à attirer et retenir les métèques que cette assurance qu'ils trouveraient à Athènes, entourés de compatriotes, leurs sanctuaires, leurs dieux et leurs rites nationaux.

§ 2.

M. Foucart a étudié en détail, dans son ouvrage sur les Associations religieuses et dans deux articles postérieurs, tous les documents épigraphiques, et en a tiré tous les renseignements possibles sur l'organisation de ces sociétés.[86]

Qu'elles portent le nom d'Orgéons, de Thiases ou d'Eranes,[87] leur organisation est toujours la même, dans ses traits généraux.

D'abord, toutes sont consacrées au culte de divinités étrangères, souvent assimilées plus ou moins à des divinités grecques, comme Astarté, qui prend le nom d'Aphrodite. Le seul exemple que l'ou ait allégué contre cette affirmation de M. Foucart est celui de la société des Asclépiastes d'Athènes, connue par un fragment d'inscription trouvé dans les ruines de l'Asclépieion[88] : M. P. Girard serait tenté d'y voir une société formée pour honorer l'Asclépios athénien. Mais on a depuis trouvé à Délos (dont les associations religieuses offrent tant de ressemblance avec celles d'Athènes) des dédicaces à Asclépios dans les ruines des temples des dieux étrangers. Il y avait donc, outre l'Asclépios grec, un autre Asclépios, identification grecque d'une divinité orientale quelconque, Eschmoun probablement.[89]

Thiases, Eranes et Orgéons sont tous organisés comme de petites républiques régies par leur loi particulière, tenant des assemblées qui rendent des décrets, ayant un trésor commun, et choisissant par l'élection ou par le sort ceux de leurs membres à qui elles confient leurs charges civiles ou religieuses.[90]

Les thiases du Pirée (la plupart de ces sociétés étrangères d'Athènes étaient naturellement au Pirée) ont avec ceux de Délos un caractère commun, qui les distingue nettement des sociétés analogues de Rhodes par exemple, et encore davantage des sociétés de l'Asie Mineure. Celles-ci, d'abord, se consacrent au culte de divinités qui en Grèce sont des divinités étrangères, mais en Asie des divinités nationales : et c'est pour ce motif qu'elles n'admettent que des personnes non seulement libres, mais jouissant du droit de cité.[91]

Quant aux sociétés de Rhodes, qui se rapprochent davantage de celles du Pirée, elles en diffèrent par un point important. Au Pirée, comme à Délos, la communauté de patrie et de religion fut, au moins dans les commencements, le lien commun de ces associations : ce sont des Égyptiens qui forment le thiase d’Isis, des Kitiens celui d'Aphrodite. Ce sont donc vraiment des corporations fermées, tout à fait analogues aux corporations de negotiatores romains ou italiens qui plus tard formeront à Délos par exemple la société des Hermaïstes, adorant Hermès et Maia. Le but principal de chacune de ces sociétés est par conséquent le culte d'un dieu, qui est le dieu national des sociétaires. A Rhodes au contraire, du moins dans certaines sociétés, la majorité se compose bien d'étrangers, mais ceux-ci sont originaires des pays les plus divers, et il ne semble pas que le culte puisse être la cause déterminante qui ait groupé les associés.[92]

Il ne faudrait pourtant pas croire que toutes les sociétés du Pirée ou d'Athènes fussent absolument homogènes. On peut admettre qu'elles l'étaient au moment de leur fondation : il est certain par exemple que les Égyptiens et les Kitiens dont parle le décret de Lycurgue avaient demandé et obtenu pour eux seuls et nommément l'autorisation. Mais ces cultes, fort hospitaliers de leur nature, ne devaient pas tarder à recruter des adhérents, dont les premiers furent sans doute ceux des étrangers qui n'avaient pas de temple à eux. C'est ce qui explique que, dans un décret honorifique d'un thiase de Cybèle au Pirée, l'orateur soit d'Héraclée, tandis que le personnage honoré est de Trézène[93] ; de même, dans un décret des Sabaziastes du Pirée, on voit figurer à la fois parmi les éranistes des Macédoniens et un Milésien,[94] et il serait facile de multiplier ces exemples.

Puis ce furent les citoyens eux-mêmes qui demandèrent à entrer dans les thiases, et qui y furent évidemment bien accueillis. C'est ainsi que dans une association de marchands rendant un culte à Zeus Xénios, que Böckh avait d'abord attribuée à Délos, mais qui paraît bien avoir été au Pirée, on trouve réunis des étrangers et des Athéniens.[95] D'ailleurs d'autres inscriptions, dont la provenance est certaine, ne laissent aucun doute là-dessus : dans un décret des Orgéons d'Aphrodite Syrienne au Pirée, la prêtresse, en l'honneur de qui est rendu le décret, est Corinthienne, et l'orateur Athénien[96] ; de même, parmi les hiéropes du temple d'Artémis au Pirée, on voit figurer à la fois un citoyen athénien, un isotèle, et un étranger de Soloi.[97]

Dans ces sanctuaires élevés à des divinités étrangères, le culte se célébrait naturellement suivant les rites nationaux. C'est ce que dit formellement une inscription commentée par M. Foucart, et relative au thiase d'Aphrodite au Pirée : elle contient trois décrets en l'honneur d'un des membres du thiase, datés des années 302, 301 et 300, c'est-à-dire postérieurs de trente ans seulement à la fondation du sanctuaire et du thiase, qui ne sont autres que ceux pour lesquels l'orateur Lycurgue avait fait accorder l'autorisation nécessaire, en 333.

On y voit que la fête principale du thiase était celle des Adonia : or on sait quelle était l'importance du personnage d'Adonis dans le culte d'Astarté. De plus, il y est dit que cette fête des Adonia est célébrée κατ τ πάτρια : on y observait donc tous les rites du culte tel qu'il se pratiquait à Kition ou en général à Cypre.[98]

Un des caractères les plus intéressants de ces associations religieuses, c'est l'égalité qui régnait entre leurs membres, quelle que fût leur origine. M. Foucart a très bien montré, contre M. Wescher, qu'il ne faut nullement conclure de là à la haute valeur morale de ces sociétés, ni voir là l'indice de principes nouveaux et d'une ère religieuse nouvelle.[99]

L'admission, et l'admission sur le pied de l'égalité, d'étrangers de toute condition, libres ou non, était une condition nécessaire de la prospérité, de la vie même des thiases, de ceux du moins dont le culte s'adressait à quelqu'une des grandes divinités de l'Orient. Il fallait bien qu'ils s'ouvrissent à la foule des métèques et des esclaves d'origine barbare, qui sans cela se seraient trouvés sans dieux et sans cultes. De plus, ces religions orientales, au moins à l'époque dont nous parlons, étaient beaucoup plus larges que les cultes purement municipaux des cités grecques, et, loin de repousser l'étranger, elles faisaient tout pour l'attirer. Elles avaient l'esprit de propagande, et c'est grâce à cet esprit qu'elles se sont peu à peu emparées du monde gréco-romain.

Il n'en est pas moins vrai que par là les religions étrangères établies au Pirée différaient profondément des cultes nationaux, si exclusifs et si jaloux. Et ce ne devait pas être une mince satisfaction pour les métèques de se retrouver dans ces sociétés les égaux des citoyens qui s'y faisaient admettre. Bien plus, dans son thiase, le métèque pouvait se trouver le supérieur du citoyen, puisque les charges du thiase étaient ouvertes à tous les thiasotes indistinctement. C'est ainsi que les trois décrets du thiase d'Aphrodite au Pirée sont rendus en l'honneur d'un certain Stéphanos fils de Mylothros, fabricant de cuirasses, métèque évidemment, car son nom n'est suivi ni d'un démotique ni d'un ethnique, et qui, d'abord épimélète du thiase, en fut ensuite nommé hiérope.[100]

Aussi on peut affirmer que les associations religieuses ont été pour les métèques d'Athènes et du Pirée de la plus haute importance, et pour Athènes, à ce point de vue, de la plus grande utilité. Elles ont formé pour les métèques originaires de chaque pays un centre, où ils se retrouvaient chez eux et entre eux, et où ils pouvaient coudoyer des citoyens devenus pour quelques heures leurs égaux. Quoique les citoyens assurément y fussent de beaucoup les moins nombreux, surtout dans la période qui nous intéresse le plus, cette égalité passagère et cette participation en commun à des cultes qui n'étaient pas ceux de la cité n'ont pas dû peu contribuer à effacer la distance qui séparait l'étranger du citoyen et à rendre plus aisée la situation des métèques athéniens au milieu des citoyens d'Athènes.

§ 3.

Nous allons maintenant énumérer les principaux de ces cultes étrangers, dont chacun avait sans doute donné naissance à une association où les métèques jouaient le principal rôle. Nous suivrons l'ordre chronologique, qui nous montrera comment et à quel moment les religions étrangères se sont introduites en Attique, et quelles sont les influences qui s'y sont exercées le plus anciennement.[101]

Nous savons maintenant, grâce aux inscriptions surtout, de quelle façon se sont répandus en Grèce les cultes étrangers, et notamment les cultes orientaux, les plus importants. M. Am. Hauvette l'a très heureusement résumée en ces termes[102] : « … Les témoignages des auteurs anciens et les textes épigraphiques permettent de reconnaître et de suivre, dans le développement des cultes orientaux en Grèce, une marche à peu près uniforme. Apportés par le commerce, les nouveaux dieux n'ont d'abord été reconnus qu'à titre d'étrangers domiciliés, pour ainsi dire, dans la cité, à la manière des métèques. Plus tard, ils ont été admis dans la religion officielle, mais non pas sans des modifications importantes, qui leur ont fait perdre leur caractère original. C'est alors que, devenus méconnaissables pour les Orientaux nouvellement venus en Grèce, ils ont été ramenés sous leur forme primitive, et de nouveau honorés comme dieux étrangers, jusqu'au jour où la religion grecque les a pour la seconde fois absorbés et transformés suivant ses usages et ses idées. »

C'est en effet bien avant les Ptolémées que s'est faite cette expansion des cultes orientaux, et les associations fondées dans les siècles précédents ont continué à subsister lorsque ces cultes ont été admis dans la religion officielle des cités grecques.

Le plus ancien de tous ces cultes semble, d'après une inscription récemment découverte, être celui de Zeus Milichios. Cette inscription, publiée par M. Koumanoudis, paraît en effet antérieure à l'année d'Euclide[103] ; c'est une borne d'un sanctuaire qui doit avoir été commun à trois divinités : Ίερν Δις Μιλιχίου, (Γ) ς, 'Αθηναίας.

Zeus Milichios est donc, au cinquième siècle déjà, entré dans la religion officielle de la cité. M. Koumanoudis en conclut qu'il n'était pas, comme l'a cru M. Foucart, un dieu d'origine étrangère, et que l'épithète Milichios est une épithète purement grecque, qui a bien le sens que lui donnent les écrivains grecs postérieurs, de doux ou bienveillant.[104]

Qu'au cinquième siècle Zeus Milichios fût un dieu athénien, cela ne fait pas de doute, et le passage de Thucydide que cite M. Koumanoudis, outre l'inscription qu'il publie, le démontre suffisamment. Nous savons même que le prêtre du dieu était pris dans la famille des Phytalides.[105] Mais cela ne prouve nullement qu'il en ait toujours été ainsi. Le fait que toutes les dédicaces à ce dieu trouvées au Pirée émanent d'étrangers,[106] et l'étymologie de l'épithète Milichios montrent bien qu'il était étranger. Nous ne pensons pas en effet que l'on puisse contester sérieusement cette étymologie, donnée par M. Foucart, qui fait de Milichios la transcription grecque de Milik, Melek ou Molok, de même que l'Apollon Άμυκλαος n'est autre que le Resef-Mikal phénicien.[107]

Il faut simplement conclure de l'inscription qu'il y avait au cinquième siècle à Athènes un temple officiel de Zeus Milichios, ce qui n'empêchait pas de subsister au Pirée le temple primitif de Baal-Milik. Sur les neuf dédicaces retrouvées, sept proviennent en effet du Pirée : or ce ne peut être un temple situé au Pirée que Thucydide désigne par ces mots, ξω τς πόλεως. Quant aux deux autres dédicaces, elles ont été trouvées sur la colline des Nymphes : sur l'une d'elles, Milichios est associé à Hélios, dont le culte était certainement très ancien en Attique, et dont cependant les mentions sont très rares.[108] Enfin la borne provient d'un troisième emplacement, du faubourg actuel d'Ampelokipi, au nord-est de la ville ; seulement elle n'a pas été trouvée en place. A ce dernier emplacement s'appliqueraient bien les paroles de Thucydide. Il est vrai que Pausanias parle de « l'autre côté du Céphise ; » mais c'est un simple autel qu'il mentionne dans ce passage, et non un temple.

Il y aurait donc eu un temple de Milichios situé hors de la ville et au nord-est, et des autels isolés, au moins deux, l'un près du Céphise, l'autre sur la colline des Nymphes, à côté probablement d'un autre autel dédié à Hélios ; enfin un temple, le plus ancien de tous ces monuments, antérieur à l'adoption du dieu par la religion athénienne, et situé au Pirée.

Nous avons déjà mentionné une loi de Solon relative aux thiases : on a donc le droit de faire remonter jusqu'au sixième siècle les plus anciennes de ces associations. Par conséquent il n'y a rien d'étonnant à ce que, très peu de temps après la fondation du Pirée, des étrangers et des métèques d'origine phénicienne aient obtenu l'autorisation d'y élever un temple à leur divinité nationale. L'association elle-même devait d'ailleurs remonter beaucoup plus haut encore : quels ont pu être les premiers étrangers établis en Attique, sinon des Phéniciens ? Et ce qui prouve précisément l'ancienneté de ce culte à Athènes, c'est que dès le cinquième siècle il fut admis au nombre des cultes nationaux, c'est-à-dire qu'il avait recruté assez d'adhérents parmi les citoyens et sans doute assez perdu de l'étrangeté de ses rites primitifs pour ne plus choquer les Athéniens.

Le culte de la déesse Bendis, l'Artémis thrace,[109] nous apparaît comme le plus ancien en Attique après le culte phénicien de Zeus Milichios.

Un passage bien connu de Platon, le début de la République, nous apprend que Socrate vit célébrer la première fête en l'honneur de cette déesse[110] ; il s'agit, bien entendu, de la première fête officielle, célébrée au nom de la cité. Cette fête avait lieu au Pirée, où était le temple de la déesse, le 21e jour du mois de thargélion, et comportait une πομπτί d'Athéniens, une autre de Thraces, et une course aux flambeaux à cheval.[111]

Ce culte fut donc admis dans la seconde moitié du cinquième siècle parmi les cultes officiels de la cité. Et à partir de ce moment, il en est fait mention plusieurs fois dans les textes épigraphiques, dont le plus ancien paraît dater de 430 environ.[112] Vient ensuite un règlement de comptes du dermatique, sous l'administration de Lycurgue, où les Bendidéia figurent deux fois[113] ; enfin, un décret rendu par le thiase de Bendis en l'honneur de son trésorier Nicias, et qui paraît dater du commencement du troisième siècle[114] : il y est fait mention du temple de la déesse.[115]

Ce dernier texte montre que, longtemps après l'admission du culte de Bendis parmi les cultes officiels, le thiase primitivement constitué pour honorer cette déesse subsistait, gardant son indépendance vis-à-vis de la cité. Il devait remonter à une assez haute antiquité, puisque l'adoption par Athènes du culte de Bendis vers 440 prouve qu'à ce moment il avait depuis longtemps une grande importance au Pirée.

Une troisième divinité étrangère, la Mère des Dieux de Phrygie, fit encore son apparition au cinquième siècle, vers 430. Cette fois les Athéniens, indignés des pratiques d'un métragyrte qui initiait leurs femmes aux mystères de sa divinité, le mirent à mort. Mais, s'il faut en croire les lexicographes, cela n'aurait fait qu'accélérer l'introduction du culte : la peste aurait ravagé l'Attique, jusqu'à ce que les Athéniens, sur le conseil de l'oracle, eussent apaisé la colère de la Mère des Dieux en lui élevant un temple, le Métrôon.[116]

Cette fois encore, comme toujours, le culte officiel ne supprima nullement le culte national, et les étrangers d'origine phrygienne et sans doute aussi des citoyens continuèrent d'adorer la Mère des Dieux suivant les rites phrygiens, que le culte officiel ne conserva certainement pas. Une anecdote rapportée par Plutarque et très bien expliquée par M. Foucart suffit pour le prouver.[117] De plus, les inscriptions nous révèlent l'existence d'un Orgéon en l'honneur de la déesse, qui a duré plusieurs siècles : les décrets les plus anciens en sont datés du commencement du troisième siècle avant notre ère, mais plusieurs ex-voto appartiennent à l'époque impériale.[118] C'est au Pirée que la société avait son siège, et le Métrôon du Pirée est absolument distinct de celui d'Athènes, où étaient conservées les archives publiques.[119]

Enfin M. Foucart a montré dans le détail que le culte pratiqué dans le Métrôon du Pirée différait profondément du culte pratiqué dans le Métrôon d'Athènes, et que notamment les mystères où Attis jouait le principal rôle ne furent jamais introduits dans le culte public : c'est dans une inscription des Orgéons du Pirée que paraît pour la première fois le mot Attidéia.[120]

Zeus Milichios, Bendis, et la Mère des Dieux sont les seules divinités étrangères que les documents nous montrent non seulement établies, mais acceptées officiellement à Athènes au cinquième siècle. Mais beaucoup d'autres cultes avaient, à la même époque, tenté de s'implanter, avec des succès divers : « Après les guerres médiques, » dit M. Foucart, « il y eut en Attique une invasion de dieux barbares. » Parmi ces cultes nouveaux, que les poètes comiques bafouaient à l'envi, figurait celui d'une autre déesse thrace, Cotytto, dont Eupolis, dans sa pièce des Βαπταί, flétrissait les adeptes.[121] Elle paraît avoir été analogue à la Mère des Dieux phrygienne. Puis c'étaient Sabazios, venu de Phrygie, contre lequel s'éleva Aristophane,[122] et Aphrodite venue de Paphos, c'est-à-dire Astarié, avec son inséparable compagnon Adonis. Nous savons par Plutarque qu'au commencement de l'expédition de Sicile, en 416, les femmes célébrèrent une fête en l'honneur d'Adonis, laquelle n'était nullement, comme a l'air de le croire Plutarque, une fête publique, mais une fête particulière, à laquelle prenaient part seuls les adeptes de ce culte.[123] Ce qui est vrai, c'est que ces fêtes bruyantes ne rencontrèrent nulle opposition de la part des pouvoirs publics, et se déployèrent librement dans les rues d'Athènes. Cette tolérance de la république promettait par avance l'autorisation officielle du culte, qui ne fut donnée cependant que quatre-vingts ans plus tard seulement.

§ 4.

Au quatrième siècle, les religions étrangères et les associations se multiplient à Athènes : plusieurs des cultes que nous avons signalés comme apparaissant au cinquième siècle sont maintenant définitivement établis en Attique, soit avec la tolérance, soit avec l'autorisation formelle de l'État.

Sabazios avait déjà fait son apparition au cinquième siècle, puisqu'Aristophane le raillait dans la pièce perdue aujourd'hui des "Ωραι, dont le scoliaste nous a conservé un vers qui le concerne : τν Φρύγα, τν υλητρα, τν Σαβάζιον.[124] Au quatrième Siècle, il avait certainement pris une grande importance et recruté de nombreux adhérents[125] : c'est ce que prouve un passage bien connu de Démosthène, qui prétend qu'Eschine et sa mère Glaucothéa leur servaient d'initiateurs, vers 365 environ. Théophraste montre aussi que c'était de son temps un culte fort répandu : le Superstitieux, s'il rencontre un serpent à grosses joues, se hâte d'invoquer Sabazios, et l'Homme qui sur le tard veut s'instruire (Οψιμαθίας) se fait initier aux mystères de Sabazios.[126] Il semble bien que ce soit pour avoir célébré ces mystères que les Athéniens aient mis à mort, d'après Josèphe, la prêtresse Ninos[127] : c'est du moins ce qu'on peut conclure d'un passage des scolies de Démosthène ; et ce serait, cette fois encore, sur l'ordre de l'oracle qu'ils auraient cessé de persécuter ce culte, et permis à la mère d'Eschine d'initier.[128]

Malgré l'extension que prit certainement ce culte, il n'y a, à notre connaissance du moins, que deux inscriptions qui le mentionnent ; mais elles suffisent pour nous montrer en activité le thiase, ou plutôt l'érane de Sabazios. Ce sont en effet un décret et une dédicace de l'érane des Sabaziastes, découverts au Pirée et publiés par M. Koumanoudis.[129] La dédicace est le plus ancien des deux monuments, d'après l'éditeur, car il n'en donne pas le texte épigraphique : c'est une base de statuette dédiée aux dieux par quatre hiéropes sous l'archontat de Sosigénès, que M. Koumanoudis pense être l'Archonte de ce nom de 342, et non celui qu'on place entre 268 et 263.

Le décret est d'époque beaucoup plus basse : il est daté de l'archontat de Théoclès, de l'assemblée principale de munychion. Théoclès était inconnu jusqu'à présent ; M. Koumanoudis pense, d'après la forme des lettres, qu'il faut le placer non loin de Médeios, Archonte en 116 avant notre ère, dont le nom figure au commencement d'un décret gravé à la suite du premier, et dont il ne reste qu'une ligne.[130] L'inscription consiste d'ailleurs simplement en une liste des éranistes, gravée par décret des Sabaziastes eux-mêmes, et qui devait être placée dans le temple. On y voit figurer un prêtre, qui est d'Antioche, et un autre personnage, un citoyen athénien, qui remplit à la fois les fonctions de trésorier, de greffier et d'épimélète. Suivent les noms de 51 éranistes, dont 12 sont des étrangers, 1 un δημόσιος, et les autres des citoyens, sauf 3 noms qui ne portent pas d'indication spéciale.

Ces deux monuments nous montrent que le culte de Sabazios a eu, lui aussi, une existence fort longue, et que les citoyens ont tenu dans l'association, au moins à une certaine époque, une place fort importante.

De la même période à peu près paraît dater l'introduction du culte de deux autres dieux d'origine phrygienne, Isodaitès et Mên. Ce sont peut-être ces autres dieux étrangers qu'Aristophane raillait, en même temps que Sabazios, dans sa comédie des "Ωραι ; c'est Cicéron qui nous a conservé ce détail : « Novos vero deos et in his colendis nocturnas pervigilationes sic Aristophanesvexat, ut apud eum Sabazius et quidam alii dei peregrini judicati e civitate ejiciantur.[131] » Tous deux en effet étaient de même origine que Sabazios, et leur culte devait comporter des cérémonies du même genre.

Isodaitès était une des formes du Dionysos phrygien et thrace[132] ; il devait venir en Grèce de la Thrace, car son culte était déjà alors implanté en Béotie, et ce fut une Béotienne, la fameuse Phryné, qui tenta de l'introduire à Athènes. On sait quelles furent les conséquences de cette tentative : accusée par Euthias,[133] elle n'échappa à la peine de mort que grâce à l'ingéniosité de son défenseur Hypéride.[134] Il semble d'ailleurs que cela ait suffi pour couper court au développement du nouveau culte, dont on ne trouve pas d'autres traces.

Quant au culte qu'avait voulu introduire la prêtresse Théorie, que Démosthène fit condamner à mort pour ce fait,[135] nous ne savons quel il était.

Le plus ancien de tous les monuments relatifs au culte de Mên provient du Pirée, tandis que tous les autres, même ceux qui proviennent d'Asie Mineure, sont de l'époque romaine. C'est la dédicace d'un temple ou d'une chapelle élevée à ce dieu par le mari et la femme, deux étrangers, car leur nom n'est suivi ni du patronymique ni du démotique : Διονύσιος κα Βαβυλία τι Μην τ εpν νέθεσαν. D'après M. Köhler, le monument serait du troisième siècle, tandis que M. Foucart le fait remonter jusqu'à la seconde moitié du quatrième[136] ; dans tous les cas, c'est, nous le répétons, le plus ancien de tous. Il y avait donc, au troisième siècle au plus tard, un temple de Mên au Pirée, élevé évidemment avec l'autorisation du Conseil et du Peuple.

Pour ce qui est de la nature de ce dieu, qui porte dans une inscription d'Iconium l'épithète de καταχθόνιος, ce qui paraît l'assimiler à Hadès, nous nous bornons à renvoyer aux références données à l'occasion de cette dernière inscription par MM. Radet et Paris,[137] et au chapitre XIII du livre de M. Foucart : il y montre comment le culte de Mon, peut-être peu florissant à l'époque hellénique, fut introduit de nouveau en Attique au deuxième siècle de notre ère par un affranchi Lycien, Xanthos, qui fonda au Laurion une chapelle et une société en l'honneur de son dieu.[138]

A côté des cultes de l'Asie Mineure, les cultes phéniciens continuèrent aussi à se répandre au quatrième siècle, et deux au moins d'entre eux paraissent avoir été admis dans le courant de ce siècle.

C'est tout d'abord le culte d'Astarté, que fondèrent définitivement en 333, comme nous l'avons déjà dit, des marchands originaires de Kition, avec l'autorisation du Conseil et du Peuple.[139] C'est au thiase et au temple de cette Aphrodite syrienne du Pirée que se rapportent les trois décrets de la fin du quatrième siècle que nous avons déjà mentionnés, où il est question de la fête des Adonia.[140]

Au contraire, deux autres inscriptions du Pirée, quoique relatives à Aphrodite Syria ou Ourania, paraissent provenir d'un autre temple, le temple des Orgéons de la Mère des Dieux. L'une est une dédicace, d'une femme de Kition[141] ; l'autre un décret de ces Orgéons en l'honneur de Nicasis de Corinthe, prêtresse d'Aphrodite, qui avait offert des sacrifices à sa déesse pour les Orgéons.[142] Le fait s'explique d'ailleurs facilement, étant donné le caractère multiple de ces deux divinités dont la légende était très analogue, Attis jouant pour l'une le même rôle qu'Adonis pour l'autre : l'une et l'autre n'étaient que des transformations de la grande divinité féminine, ou pour mieux dire du couple divin dont la patrie primitive est sans doute la Chaldée. On voit en même temps que ces associations religieuses étrangères, d'origine diverse, vivaient fort bien ensemble et fraternisaient à l'occasion, en se rendant de mutuels services.

Une dédicace, que M. Köhler attribue aux premières années du quatrième siècle, mentionne un prêtre et des thiasotes d'Héraclès.[143] Le prêtre, Simon, est un citoyen athénien, et les thiasotes sont sans doute aussi des citoyens, quoique leur nom figure seul, sans patronymique ni démotique. Faut-il en conclure que ce thiase adorait l'Héraclès grec ? Nous ne le pensons pas, et nous croyons qu'il faut voir en lui l'Héraclès des Phéniciens, Melkarth, qui était à Délos le patron des Héracléistes.[144]

C'est au même dieu que se rapporte une inscription postérieure, du milieu du troisième siècle, et qui doit provenir du Pirée[145] : c'est un décret rendu par un érane en l'honneur d'un isotèle, Eschylion (?) fils de Théon, trésorier de l'érane, auquel l'éloge associe le secrétaire, les épimélètes et les hiéropes. Ce n'est pas d'ailleurs à Héraclès seul que cet érane rend un culte, mais à Zeus Sauveur, à Héraclès, et aux Sauveurs. M. Foucart a montré ce qu'il faut entendre par ces noms : ce sont les dieux phéniciens protecteurs de la navigation, Sachoun peut-être, Melkarth et les Patèques, analogues aux Cabires. Ce qui prouve que ce culte avait bien son centre au Pirée, c'est que c'est là, dans la péninsule méridionale (où paraissent avoir été la plupart des temples étrangers) qu'on a découvert en 1866 les substructions d'un édifice et six grands autels, dont trois portent les dédicaces que nous venons de citer.[146]

D'autre part, l'existence d'un thiase en l'honneur d'Héraclès à Athènes au quatrième siècle prouve que l'association du Pirée remonte au moins à ce moment, et probablement beaucoup plus haut, au cinquième siècle sans doute. Voici comment on peut s'expliquer la coexistence des deux sociétés : outre le thiase primitif, ouvert à tous, mais surtout composé d'étrangers, et situé au Pirée, il se sera constitué à Athènes une société en l'honneur de la même divinité, dont le culte s'était répandu au point de devenir populaire ; seulement, dans cette nouvelle société, peut-être les citoyens seuls étaient-ils admis, et probablement aussi les rites du culte s'étaient fort hellénisés.

Les cultes égyptiens tenaient aussi au quatrième siècle une place importante. Nous avons déjà vu que le temple d'Isis au Pirée est le plus ancien dont nous connaissions formellement l'existence par les textes : il constituait le précédent qu'invoqua Lycurgue en faveur de la demande faite par les Phéniciens de Kition. Il existait donc avant l'année 333, et le culte même d'Isis au Pirée remontait sans doute beaucoup plus haut encore.[147]

Une inscription de Délos de découverte récente fournit des renseignements intéressants sur la façon dont s'organisaient en pays étranger ces colonies d'Égyptiens. Non seulement ils restaient attachés à leurs cultes nationaux, mais, à Délos au moins, ils formaient un Synode,[148] célébraient leurs fêtes particulières, et continuaient à se servir du calendrier égyptien : l'inscription mentionne le mois de Méchir. Cette inscription ne remonte guère qu'au deuxième siècle avant notre ère, mais il n'est pas douteux qu'il en ait toujours été ainsi. Et ce qui est vrai de Délos l'est certainement aussi des autres cités grecques où se trouvaient des colonies égyptiennes, comme le prouve la résolution prise par le Synode de Délos d'envoyer copie du décret rendu à un autre κοινόν dont la résidence est malheureusement inconnue, la pierre étant brisée à cet endroit, mais qui pourrait bien être le κοινόν du Pirée.

Néanmoins, les autres documents épigraphiques relatifs au culte d'Isis sont tous d'époque assez basse, c'est-à-dire du temps où les dieux égyptiens ont leur place officielle à Athènes.[149] Ce sont des dédicaces, l'une faite par le Conseil en l'honneur d'une canéphore d'Isis ; une autre faite à Sérapis et à Isis ; une troisième, où Isis est associée à plusieurs autres divinités ; une quatrième enfin, du temps de l'empire romain, où l'on voit que le prêtre de la déesse est un Athénien, et le zacore un Milésien, ce qui montre que l'association avait conservé son caractère primitif, et était toujours demeurée ouverte à tous indistinctement.[150]

Il est intéressant de trouver le nom de l'orateur Lycurgue dans la proposition faite en faveur des Kitiens : « Souvent, nous dit son biographe, il prit la parole au sujet d'affaires religieuses.[151] » Et l'on sait qu'en effet, dans le cours de son administration, il attacha une importance toute particulière à la célébration et à la restauration des divers cultes.

L'inscription nous montre que ce n'est pas seulement aux cultes nationaux que s'étendait sa sollicitude, et qu'il voulait que les étrangers, comme les citoyens, pussent pratiquer ouvertement et publiquement leur religion.[152]

Il semble d'ailleurs que ce fût dans la famille de l'orateur une tradition : un autre Lycurgue, son grand-père paternel, a été à maintes reprises l'objet des railleries des poètes comiques du cinquième siècle ; Aristophane lui donne le surnom d'Ibis,[153] Cratinos le montre s'avançant sur un char et revêtu d'une calasiris, et Phérécratès, dans un fragment corrompu et assez peu clair, fait également allusion à son goût pour les choses de l'Égypte. Aussi le scoliaste d'Aristophane le croit-il égyptien.[154] Or il n'y a nulle apparence que ce noble Etéobontade descendît à aucun degré d'une famille égyptienne. Ce qui a dû donner lieu aux railleries des comiques, c'est probablement qu'il s'était fait le protecteur des étrangers et de leurs cultes, des Égyptiens notamment. Si les sectateurs d'Isis n'ont reçu qu'au quatrième siècle l'autorisation de bâtir un temple à eux, au cinquième siècle déjà ils devaient former une colonie importante, et peut-être Lycurgue l'ancien avait-il contribué à faire tolérer par les Athéniens ce culte avant qu'on le reconnût officiellement. Et peut-être aussi doit-on expliquer de la même façon bien d'autres surnoms : à en croire les poètes comiques et même les orateurs, beaucoup d'autres personnages athéniens, et non des moindres, auraient été en réalité des étrangers ou des demi-étrangers. Ne serait-ce pas qu'ils auraient favorisé le libre exercice de cultes étrangers, ou même qu'ils se seraient ranges au nombre de leurs adhérents ? Un surnom est bien vite donné, et l'épithète de Thrace, d'Égyptien ou de Syrien une fois attachée à un nom, ce nom, l'imagination populaire aidant, devait facilement faire prendre le change et tromper beaucoup même des contemporains.

Il est possible qu'une autre divinité égyptienne, Horos, se soit introduite en Attique en même temps qu'Isis. Un fragment du poète comique Théophilos, un des derniers représentants de la comédie moyenne, nous montre en effet un personnage qui, effrayé de l'énumération que lui fait un athlète de son menu ordinaire, jure coup sur coup par Apollon, Horos et Sabazios. Mais ce texte unique ne suffit pas pour qu'on puisse l'affirmer ; dans tous les cas, c'est dans le temple même d'Isis qu'on devait adorer ce dieu.[155]

Enfin, les inscriptions du quatrième siècle nous font connaître encore, à Athènes et au Pirée à la fois, un dernier culte, étranger assurément, puisqu'un érane s'était formé pour le célébrer. C'est le culte de Zeus Philios.

Les monuments relatifs au culte de ce dieu, des dédicaces, sont au nombre de trois. C'est d'abord une dédicace faite par les éranistes, et trouvée sur la colline des Nymphes ; elle est datée de l'archontat d'Hégésias (324/3), et gravée au-dessus d'un bas-relief.[156] Ce bas-relief, dont il ne subsiste que la partie gauche, représente le dieu assis sur un trône, et tenant, à ce qu'il semble, une coupe de la main droite ; sous le trône est un aigle ; devant Zeus est un autel, et près de l'autel un porc.

Les deux autres dédicaces proviennent du Pirée ; l'une est faite par une femme, Mynnion, sans doute une esclave ou une affranchie. Elle comporte aussi un bas-relief représentant un homme barbu, duquel s'approchent une femme et un enfant[157] ; elle est certainement aussi du quatrième siècle. L'autre, faite par un certain Hermaeos, ne doit pas être de beaucoup postérieure.[158] La mention d'un érane, et aussi ces deux noms sans patronymique ni démotique, qui sont évidemment des noms d'étrangers, peut-être d'esclaves, prouvent qu'à cette époque Zeus Philios et son culte étaient un culte et un dieu étrangers. Plus tard, Zeus Philios nous apparaît comme admis dans le Panthéon officiel, puisque son prêtre avait sa place marquée au théâtre de Dionysos.[159] Quelle était l'origine de cette divinité, et quel nom étranger se cache sous cette dénomination de Zeus Philios ? Nous n'en savons rien. On voit seulement, par cette identification même, qu'il avait quelque analogie avec une des nombreuses formes du Zeus hellénique. Mais il était bien différent de ce dernier : c'est ce que prouve la description que fait Pausanias de la statue de Zeus Philios qu'on voyait dans son temple à Mégalopolis.[160] Cette statue, œuvre de Polyclète, représentait le dieu avec les attributs de Dionysos, des cothurnes, un thyrse et une coupe, plus l'aigle, attribut habituelle Zeus ; et Pausanias lui-même fait remarquer que ce Zeus n'a nullement l'aspect des statues ordinaires de Zeus. De la ressemblance qu'il signale entre cette statue et celles de Dionysos, on pourrait conclure que Zeus Philios était d'origine thrace, et identique au Dionysos primitif.

§ 5.

Avec le troisième siècle, s'ouvre la période de grande expansion dans le [monde grec des cultes orientaux, et surtout des cultes alexandrins, sous la puissante impulsion de Ptolémée Soter et de Ptolémée Philadelphe.[161]

C'est vers 250, trois ans avant la mort de Ptolémée II, que l'on constate pour la première fois la présence à Athènes d'une société de Sarapiastes. Avait-elle son siège à Athènes même ou au Pirée, c'est ce qu'on ne peut déterminer avec certitude, l'inscription qui nous la fait connaître étant de provenance inconnue. Mais, étant donné que tous les autres cultes orientaux ont débuté par le Pirée, il est bien probable qu'il en fut de même pour celui de Sarapis.

On sait ce qu'était ce nouveau dieu : il n'était autre que le dieu égyptien plus connu auparavant sous le nom d'Osiris, mais qui, sous Ptolémée Soter et grâce à lui, devint pour ainsi dire le dieu officiel de l'Égypte hellénisée. Associé à Isis, comme l'était autrefois Osiris, il fut adoré très rapidement dans toute l'Égypte, et presque aussitôt le couple divin fut adopté publiquement par les cités grecques, sous l'influence de Ptolémée, qui voulait fondre les vieux cultes des Pharaons avec leurs cultes nationaux.[162] L'inscription qui nous est parvenue des Sarapiastes athéniens est un décret rendu par l'érane en l'honneur de ses dignitaires, qu'on peut dater, nous l'avons dit, de 250 environ.[163] A ce moment, il y avait déjà longtemps qu'une alliance avait été conclue entre Athènes et Ptolémée, et que le culte de Sarapis avait dû devenir à Athènes un culte public. Pourquoi donc les Sarapiastes continuaient-ils à former, et au Pirée probablement, une société particulière ? M. Foucart suppose que c'est parce que ces thiases « avaient gardé plus fidèlement les rites étrangers.[164] » Cette raison, qui peut être valable pour d'autres cultes, ne peut guère l'être pour celui de Sarapis, tout récent et à demi hellénisé même en Égypte dès sa naissance. La vraie raison du fait a été donnée par M. Lafaye[165] : « Il est plus simple d'admettre que ce culte était toujours aux yeux de l'État dans la même condition, ou plutôt qu'on avait apporté de nouveaux tempéraments à la loi qui le proscrivait de la cité, sans pourtant le mettre sur le même pied que celui de Zeus ou d'Athénée. Il semble, en effet, qu'il y avait entre la situation que l'on faisait aux religions étrangères, dès le jour de leur apparition, et celle qui suivait pour elles leur triomphe définitif, un degré intermédiaire. On fermait les yeux sur leurs progrès ; on laissait les citoyens courir à elles ; on ne déférait plus aux tribunaux les Phryné que l'on voyait entrer dans les sanctuaires des faubourgs. C'était la période de la tolérance. L'opinion du grand nombre finissait par imposer silence aux accusateurs ; il aurait été de mauvais goût de résister à l'envahissement ; et toutefois on aurait peut-être trouvé hardi celui qui aurait proposé de rapporter les lois d'exclusion. C'est, croyons-nous, par cette seconde phase que le culte égyptien passait, au milieu du troisième siècle, chez les Athéniens.[166] » C'est peut-être, en effet, beaucoup plus tard seulement que Sarapis eut à Athènes, au bas de l'Acropole, le temple qu'y vit Pausanias,[167] et dont provient sans doute la dédicace à Sarapis et Isis que nous avons déjà citée.[168] Cette dédicace nous montre le culte d'Isis associé alors à celui de Sarapis, comme il l'était en Égypte même.

Le fragment de décret des Asclépiastes trouvé dans les ruines de l'Asclépieion d'Athènes paraît dater aussi du troisième siècle.[169] Nous avons déjà dit qu'il fallait voir dans ces Asclépiastes des adorateurs, non de l'Asclépios grec, mais d'une divinité cypriote ou phénicienne assimilée par eux au dieu grec, comme l'Asclépios adoré à Délos.

En fait de cultes originaires de l'Asie Mineure, deux apparaissent en Attique au troisième siècle : ceux d'Artémis Nana et de Ζeus Labraundos.

Artémis Nana est une divinité phrygienne qui appartient au cycle de la Mère des Dieux : il est donc possible que son culte se soit introduit en Attique en même temps que le culte de cette dernière, et qu'elle n'eût pas de temple spécial et fût adorée dans celui de la Mère des Dieux. Elle est nommée d'ailleurs dans une seule inscription, trouvée au Pirée[170] : c'est une dédicace faite par deux époux, des étrangers selon toute apparence. Mais d'autres inscriptions, où le nom d'Artémis n'est suivi d'aucune épithète, doivent en être rapprochées.

Ainsi, une dédicace d'hiéropes à Artémis, qui paraît du troisième siècle, provient aussi du Pirée ; ces hiéropes, au nombre de trois, sont, l'un un citoyen, le second un isotèle, et le troisième un étranger, de Soloi.[171] Il est donc certain que le culte dont ils sont les ministres n'est pas un culte public. L'Artémis ραα, à laquelle s'adresse une autre dédicace provenant également du Pirée ne devait pas être différente d'Artémis Nana.[172] Par contre, il est impossible de décider si l'Artémis à laquelle des esclaves (δολοι) et des acolytes (κόλουθοι) ont consacré des gâteaux (μονμφαλα), est la déesse phrygienne,[173] ou Artémis Munychia, ou encore l'Artémis à laquelle Conon avait élevé un temple en souvenir de sa victoire de Cnide.[174]

Pourtant, si on rapproche, comme le fait M. Köhler, cette inscription de l'inscription relative aux mystères d'Éleusis,[175] où figurent aussi des κόλουθοι et des δολοι, qui viennent après les mystes et les époptes, on est amené à penser que le culte de cette Artémis comportait aussi des mystères, ce qui conviendrait bien à une divinité originaire de l'Asie Mineure et apparentée à la Mère des Dieux.

Une troisième dédicace, du commencement du second siècle environ, qui provient de la région du Dipylon, est faite à Artémis par un étranger, Mitrobatès[176] : il est donc possible que le culte de la déesse phrygienne ait à un moment donné pénétré jusque dans la ville. C'est ce que semble prouver une dernière inscription, de l'époque macédonienne également, et trouvée à l'Acropole : et Άρτεμισιαστα Μουσαον Κυρηναον ; ce n'est qu'un fragment, et le décret même, qui rappelait les services rendus par Mousœos et les honneurs qu'on lui conférait, est perdu. Mais le nom même d’Άρτεμισιαστα suffit pour montrer qu'il s'agit bien d'un thiase et d'une divinité étrangère, qui peut être Artémis Nana.

Quant au culte de Zeus Labraundos, c'est un culte exclusivement carien. Les Cariens donnaient aussi à ce dieu les épithètes de Stratios et de Chrysaoreus, et son culte ne se rencontre nulle part en dehors de la Carie. Il y avait cependant à Athènes, au dire d'Hérodote, une famille qui lui rendait un culte particulier : c'était la famille d'Isagoras ; aussi la dit-il d'origine carienne.[177]

Au troisième siècle, on constate au Pirée l'existence d'un thiase en l'honneur de ce dieu. Le monument qui nous le fait connaître est un décret rendu par les thiasoles en l'honneur de leur trésorier Ménis d'Héraclée, sans doute d'Héraclée du Latmos.[178] On y voit que le thiase achevait alors de construire son temple, et que Ménis l'avait décoré à ses frais d'un fronton et d'un portique[179] ; il avait donc reçu alors l'autorisation officielle du Conseil et du Peuple.

A la fin du troisième siècle, le grand mouvement religieux qui a importé en Occident les divinités de l'Orient est à peu près terminé, et on ne voit plus apparaître en Attique que quelques cultes d'importance secondaire, à supposer qu'ils ne datent pas d'une époque plus ancienne.

Une inscription qu'on peut dater de 105 environ mentionne Zeus Xénios comme le patron d'une association de marchands, qui se compose d'Athéniens et d'étrangers. Böckh, il est vrai, attribuait cette inscription à Délos[180] ; mais M. Homolle, si au courant de l'épigraphie délienne, la revendique à juste titre pour le Pirée. M. Foucart fait remarquer, à propos de cette épithète particulière de Zeus, que « les épithètes données aux dieux par les sociétés religieuses n'ont jamais une signification morale ; elles marquent l'origine ou le caractère propre du dieu. » Or il y avait à Cypre, d'après Ovide,[181] un dieu qui portait cette épithète : Zeus Xénios, patron de négociants étrangers, serait donc un dieu cypriote, c'est-à-dire phénicien, et le mot Xénios la traduction d'une épithète locale, probablement mal comprise ou mal traduite.[182]

Enfin, pour le premier siècle, en 96 avant notre ère, une inscription bilingue, grecque et phénicienne, trouvée récemment au Pirée, nous apprend qu'une association de marchands de Sidon avaient élevé un temple en l'honneur de leur dieu Baalsidon.[183] C'est un décret rendu par la société en l'honneur d'un de ses membres. L'inscription grecque est fort brève : τ κοινόν τν Σιδωνίων Διοπείθην Σιδώνιον. Heureusement l'inscription phénicienne est, par extraordinaire, plus explicite : elle nous apprend que Diopeithès, nasi de l'association, avait bâti, à ses frais sans doute, le vestibule du temple. En voici d'ailleurs la traduction donnée par M. Renan ; les mots douteux sont en italiques : « Le 4e jour (du mois) de mirzah, de la 15e année (de l'ère) du peuple de Sidon. Il a plu aux Sidoniens… de couronner Semobaal fils de Magon, qui a été nasi de la communauté pour le temple et pour la construction du vestibule du temple, d'une couronne d'or (du poids) de 20 drachmes légales, parce qu'il a bâti le portique du temple et qu'il a fait tout ce qui était de son office à ce sujet ; d'écrire (les noms des) hommes qui ont été nos nasi pour le temple sur une stèle d'or, qui sera dressée dans le portique du temple… cette stèle, on prendra 20 drachmes légales sur l'argent (du temple) du dieu Baalsidon, pour que les Sidoniens sachent, comme la communauté le sait, par ordre de succession, les (noms des) hommes qui ont rempli des offices devant la communauté.[184] »

Si à tous ces noms de divinités étrangères on ajoute encore celui d'Artémis Phéréa, originaire sans doute de Thessalie, et que nous ne connaissons d'ailleurs que par quelques lignes d'Hesychius et de Pausanias,[185] on aura à peu près tous les cultes d'origine étrangère qui, d'abord tolérés en fait à Athènes, finirent par y être reconnus officiellement, et souvent par avoir droit de cité dans le panthéon athénien.

L'admission de plus en plus libre de ces cultes à Athènes et surtout au Pirée a eu, nous l'avons déjà indiqué, des causes de diverse nature, et tout d'abord la tolérance, la « philoxénie » particulière aux Athéniens. Mais les intérêts commerciaux d'Athènes en ont été la cause prédominante : par cette hospitalité largement ouverte à tous, elle entendait devenir le centre préféré des trafiquants venus de tous les points de la Méditerranée. Elle tenait à offrir toutes les ressources de leur patrie même à ceux qui ne faisaient que débarquer leurs marchandises au Pirée ; mais elle avait en vue, avant tout, les colonies étrangères, de plus en plus nombreuses à partir du cinquième siècle, qui faisaient de l'Attique leur nouvelle patrie, et qui formaient un intermédiaire précieux entre elle et l'étranger, les vieilles cités orientales principalement. Tous ces dieux égyptiens, phéniciens, de l'Asie Mineure ou du Nord sont pour nous les représentants d'autant de colonies de même origine, dont nous retrouverons d'ailleurs les traces sur d'autres terrains.

§ 6.

En dehors et au-dessus des différents cultes étrangers, pratiqués chacun par des métèques d'origine diverse, y avait-il un ou plusieurs cultes particuliers aux métèques, mais pratiqués par tous sans distinction d'origine ?

C'est ce que pourraient faire croire deux passages, l'un d'un lexicographe, l'autre de Pausanias. Dans le premier il est dit, au mot Μετοίκιος Ζες * π τν μετοίκων τιμώμενος.[186] Böckh admet sans discussion l'existence de ce dieu des métèques,[187] et aussi de cérémonies religieuses et de fêtes qui leur auraient été propres. C'est à ce culte de Zeus Metoikios qu'il rattache l'hestiasis des métèques dont parle Ulpien dans son commentaire sur le discours de Démosthène contre Leptine.[188]

Il n'y a aucune raison pour admettre que l'hestiasis des métèques n'eût pas rapport, comme leurs autres liturgies d'ordre religieux, aux cultes de la cité ; c'est un point sur lequel nous reviendrons d'ailleurs. Quant à l'existence même de Zeus Metoikios, il nous paraît impossible de l'admettre sur la foi d'un seul auteur, et d'un auteur de valeur aussi médiocre. Il n'existe, en fait, aucune trace ni de ce dieu ni de son culte. Si l'épithète de Metoikios a été réellement appliquée parfois à Zeus, elle devait avoir un autre sens, et c'est le lexicographe qui aura expliqué ainsi cette épithète dont le sens réel lui échappait, et qui peut-être n'était que la traduction inexacte du nom d'un dieu étranger.

Quant au passage de Pausanias, c'est une anecdote, de date indéterminée, dont l'authenticité est plus que suspecte, et qui, en tout cas, a un caractère purement local. Un métèque, Timagoras, aurait été vivement épris d'un bel éphèbe athénien, Mélès, qui, dédaignant sa passion, lui avait ordonné de se précipiter du haut d'un rocher, ce que le métèque aurait fait aussitôt. Puis Mélès, saisi de remords, se serait précipité à son tour, et dès lors les métèques athéniens avaient adoré Antéros, le vengeur de Timagoras.[189]

Il est naturellement impossible de démêler ce qui a fait le fond de cette légende ; mais, même en admettant que l'autel d'Antéros fût réellement de la part des métèques athéniens l'objet d'une vénération spéciale, cela ne veut pas dire qu'il y ait eu là un culte à proprement parler, qui les réunît tous dans la célébration d'une fête commune.

Et en fait, les métèques athéniens n'avaient nul besoin d'un culte commun qui leur fût spécial. Tous les cultes que nous avons énumérés dans ce chapitre sont les cultes de dieux étrangers à la Grèce, de dieux des religions de l'Orient. Or il s'en faut de beaucoup que tous les métèques d'Athènes fussent originaires des pays barbares : nous verrons que beaucoup au contraire étaient des Hellènes.[190] A ceux-là aussi il fallait des dieux et des cultes, et cependant nous n'avons trouvé aucune trace de cultes propres aux cités grecques qui fournissaient à Athènes beaucoup de métèques, comme Milet, Corinthe ou Sicyone, etc. Qu'en conclure, sinon que ces métèques n'avaient pas besoin d'élever des temples à eux, parce qu'ils étaient admis dans les temples de la cité ?

Or, à cet égard, Athènes n'a fait aucune différence entre tous ses métèques, quelle que fût leur origine : à tous elle a fait une part dans sa religion officielle ; de sorte que les métèques avaient bien des cultes communs, qui n'étaient autres que les cultes mêmes de la cité.

 

CHAPITRE VII. — LES MÉTÈQUES ET LA RELIGION : 2. LES CULTES DE LA CITÉ.

§ 1.

Les étrangers, pour l'exercice de leurs cultes nationaux, profitaient aussi bien que les métèques de la large tolérance d'Athènes. De même, nous avons vu que devant les tribunaux athéniens les étrangers, sans jouir de droits positivement définis comme ceux des métèques, n'étaient point cependant livrés à l'arbitraire des juges. C'est devant la religion de la cité que l'étranger et le métèque différaient complètement, et cette différence est essentielle : c'est la part faite aux métèques par la cité dans les cérémonies de ses cultes officiels qui nous fait le mieux comprendre la véritable situation légale des métèques athéniens.

Fustel de Coulanges a montré comment la religion à elle seule distinguait essentiellement, dans les cités antiques, le citoyen de l'étranger : « Si l'on veut définir le citoyen des temps antiques par son attribut le plus essentiel, il faut dire que c'est l'homme qui possède la religion de la cité. C'est celui qui honore les mêmes dieux qu'elle. C'est celui pour qui l'Archonte ou le Prytane offre le sacrifice de chaque jour, qui a le droit d'approcher des autels, qui peut pénétrer dans l'enceinte sacrée où se tiennent les assemblées, qui assiste aux fêtes, qui suit les processions et se mêle aux panégyries, qui s'assied aux repas sacrés et reçoit sa part des victimes… Voyez les termes de la langue : être admis parmi les citoyens, cela s'exprime en grec par les mots μετεσαι τν ερν, entrer en partage des choses sacrées. L'étranger, au contraire, est celui qui n'a pas accès au culte, celui que les dieux de la cité ne protègent pas et qui n'a pas même le droit de les invoquer. Car ces dieux nationaux ne veulent recevoir de prières et d'offrandes que du citoyen ; ils repoussent l'étranger ; l'entrée de leurs temples lui est interdite et sa présence pendant les cérémonies est un sacrilège.[191] »

Or, ces cérémonies religieuses dont les étrangers étaient exclus, les métèques y participaient, et on peut dire que réellement, sans être pourtant citoyens, μετεσι τν ερν. Non pas qu'ils fussent mis sur le même pied absolument que les citoyens : ceux-ci, au contraire, conservaient certains privilèges. Mais, si les métèques différaient par là des citoyens, ils différaient bien davantage des étrangers, qui n'avaient à ce culte aucune part.

Il ne faudrait pourtant pas prendre absolument au pied de la lettre les dernières phrases du passage que nous venons de citer. Sans doute, en principe, l'entrée des temples était interdite à l'étranger, et il est probable qu'elle l'avait été réellement autrefois. Mais à l'époque classique, on se montrait, à Athènes notamment, plus large dans la pratique, et le Pseudo-Démosthène nous prouve qu'en cela comme en toutes choses, les Athéniens savaient concilier le respect des traditions avec la tolérance : « Nos lois permettent, » dit-il, « à la femme étrangère, à l'esclave même, d'assister aux cérémonies du culte public, soit pour voir, soit pour prier.[192] »

Mais ces étrangers, admis à admirer les temples des dieux et les pompes en leur honneur, n'étaient pas autorisés à leur offrir des sacrifices, pas plus à Athènes qu'à Argos[193] ou à Arcésine par exemple.[194] Ou bien, s'ils l'étaient, il fallait qu'un citoyen leur prêtât son assistance, et les présentât, pour ainsi dire, au dieu.[195] Et à ces cérémonies publiques qu'on leur permettait de contempler, jamais ils ne prenaient aucune part ; ils n'y jouaient aucun rôle.

Nous allons voir qu'il en était tout autrement des métèques. Mais tout d'abord il faut dire que les métèques, comme les étrangers, ne participaient pas à la prérogative la plus importante des citoyens, en fait de religion : ils ne pouvaient exercer le sacerdoce. Et ce n'étaient pas seulement les sacerdoces héréditaires qui leur étaient interdits, mais aussi les sacerdoces tirés au sort, et les sacerdoces particuliers des dèmes comme ceux de la cité.[196] Par là se marque la différence ineffaçable entre le citoyen et le non citoyen : le métèque a le droit d'invoquer pour lui les dieux de la cité, il ne peut les invoquer au nom de la cité et pour elle.

§ 2.

Que les métèques eussent le droit d'offrir des sacrifices particuliers dans les temples des dieux de la cité, c'est ce que ne dit formellement aucun texte, mais c'est ce qui résulte évidemment du droit qu'ils avaient de prendre part aux sacrifices publics.

Or ce dernier droit ne fait plus de doute depuis la découverte du décret relatif à la fête des Héphaestia, qui confirme ou plutôt qui permet de restituer le décret, plus anciennement connu, du dème de Scambonides, relatif aux cultes de ce dème.

On sait qu'il y avait à Athènes deux sortes de fêtes : celles dont les frais étaient supportés par l'État, ορτα δημοτελείς ; — celles dont les frais étaient supportés par les dèmes, ορτα δημοτικα.[197] Ne rentraient pas dans cette dernière catégorie quelques fêtes qui, bien que célébrées dans les sanctuaires de certains dèmes, se faisaient aux frais de la cité, et étaient en effet des fêtes de la cité, par exemple les Dionysies du Pirée.[198] Les deux inscriptions en question prouvent que les métèques prenaient part aux unes et aux autres de ces fêtes.

La plus ancienne est le décret du dème de Scambonides,[199] qui, d'après M. Köhler, est bien antérieur à 455 ; il est malheureusement très mutilé ; M. de Wilamowitz a donné pour le fragment G, qui nous intéresse particulièrement, la restitution la plus complète et qui nous paraît la meilleure.[200] Cette partie de l'inscription contenait des règlements relatifs aux sacrifices, pour chaque fête du dème. Ces fêtes paraissent avoir été au nombre de cinq, dont l'une se célébrait au Pythion : c'était donc une fête en l'honneur d'Apollon. Le démarque et les hiéropes sont chargés d'y faire la distribution des viandes sacrées :

μια : I .

οντν δ[έμαρχον

κ]ατς Η[ιεροποι

ς ; το Λε[ιβοντ (Kirchhoff ; Wilamowitz : δρν τ)

5 ]λεον : λεχ[σινδύο

ὀ]βολόν : Ht[κστοι

Σ]καμβονι[δον κα

τ]ὸς μετοί[κος λαχ

ν : ἐναγορᾶ[ιτει Σ

10 κ]αμβονιδο[ν….

La restitution de M. de Wilamowitz pour les dernières lignes est bien préférable à celle de M. Köhler, qui d'ailleurs n'avait à sa disposition qu'une copie inexacte, avant la publication des Inscriptions du Musée britannique,[201] et on doit l'adopter dans son ensemble. Ainsi, chaque démote et chaque métèque du dème recevront, après le sacrifice en l'honneur du héros Léon,[202] une part de viande de la valeur de deux oboles, dont le démarque et les hiéropes feront la distribution sur l'agora.

Il n'y a pas d'apparence que les métèques du dème de Scambonides fussent plus favorisés que ceux des autres dèmes, et on doit admettre que dans tous les dèmes les métèques étaient admis à participer aux sacrifices et même à la partie la plus importante du sacrifice, c'est-à-dire à la distribution des viandes, et que leur part était égale à celle des citoyens.

Il est possible cependant qu'il y eût à cette règle quelques exceptions, et que les métèques fussent exclus de certains sacrifices plus spécialement réservés aux citoyens ; mais il suffit qu'ils aient pu prendre part à quelques-uns pour qu'on reconnaisse qu'ils avaient, en fait de cultes, des droits nettement définis, que n'ont jamais eus les étrangers.

L'autre inscription, publiée d'abord par M. Koumanoudis en 1883,[203] doit être datée, d'après M. Kirchhoff, d'entre 440 et 430 environ, c'est-à-dire des dernières années qui ont précédé la guerre du Péloponnèse. On y a reconnu le règlement instituant la fête des Héphaestia ou plutôt déterminant les diverses cérémonies de cette fête, telles qu'on devait les célébrer à l'avenir. La participation des métèques y est nettement indiquée, et cette fois la restitution des quelques lettres manquantes est certaine :

Lig. 16 δοναι δ [κα] τοις μετοίκοις τρ[~ς] βος * τούτον τ[ον τριον δ ο Η][204]

ιεροποιο [νε] μόντο[ν α]τος μτκρέα.

« On donnera aux métèques trois bœufs, dont les hiéropes leur distribueront les chairs crues. »

Ainsi les métèques ont leur place officielle dans la nouvelle fête que l'on instituait. On leur donne le droit d'assister aux sacrifices, et même, comme dans le décret de Scambonides, de recevoir une part des viandes. Seulement la distribution se fait ici d'une façon différente : on ne fait pas la part de chacun, on se borne à assigner à l'ensemble des métèques un total de trois bœufs. Il est regrettable que le début de l'inscription ne nous soit pas parvenu : on pourrait comparer la part faite aux métèques à la part faite aux citoyens. Il est probable, en effet, qu'on ne faisait pas non plus pour ces derniers de part personnelle, mais qu'on leur livrait un certain nombre de bœufs : c'est ce qui semble résulter des premières lignes de l'inscription, malheureusement très mutilées, et qu'il est impossible de restituer :

Lig. 4.                     .. ]v τε γορ [ι

5     .. τ]ος δεμότεσιε

6     .. κ]οντα κα Ηεκατόν

Si l'on rapproche ce fragment du passage du décret de Scambonides où il est dit que les hiéropes feront la distribution des viandes sur l'agora, il semble qu'il faille y voir la mention de la distribution des viandes faites sur l'agora aux citoyens, désignés par le nom de démotes par opposition avec les métèques (ou peut-être sur l'agora de chaque dôme) ? Le nombre des bœufs livrés aux citoyens aurait été beaucoup plus considérable, plus de cent, 130 au minimum, 190 au maximum (τρία]κοντα, ou νεν]κοντα). Au premier abord, ce chiffre paraîtrait énorme, si nous ne savions pas que l'on sacrifiait à Artémis Agrotéra, à chaque anniversaire de la bataille de Marathon, 500 chèvres ; qu'une hécatombe à Athéna en 410 coûta 5.114 drachmes ; et qu'enfin le dermatique en 334 rapporta, pour sept mois seulement, la somme de 5.148 drachmes ½.[205] Il faut en conclure simplement que les Héphaestia, quoique étant une fête nouvelle (πίθετος ορτ), furent célébrées avec autant d'éclat que les fêtes traditionnelles (πατρίαι).

Il n'en est pas moins vrai que la disproportion entre la part des métèques et celle des citoyens est considérable. Est-ce à dire que les métèques fussent à Athènes beaucoup moins nombreux que les citoyens, dans la proportion de 3 à 130 ou même davantage ? Il est certain que non, et nous pensons qu'il faut interpréter autrement cette disproportion. Si on livrait aux citoyens plus de 100 bœufs, c'est que tous les citoyens étaient appelés à participer à la distribution ; si on n'en livrait que 3 aux métèques, c'est que tous les métèques ne devaient pas y participer, et qu'une délégation seulement, assez nombreuse d'ailleurs, devait les représenter.

Il y a là une distinction qui a son intérêt : dans tous les sacrifices publics, tous les citoyens athéniens ont droit à une part de viande, tous ceux au moins qui ont assisté au sacrifice, et si le nombre des victimes est si considérable, c'est précisément parce que les citoyens sont toujours très nombreux. Aux métèques au contraire la cité fait leur part, et une part limitée : c'est-à-dire que, ou bien on n'admet à assister au sacrifice qu'une délégation des métèques, ou bien, si on les laisse y assister tous librement, on ne distribue de viandes qu'aux premiers arrivés.[206]

On mettait donc certaines restrictions aux droits qu'on reconnaissait aux métèques. Mais ces restrictions mêmes prouvent la valeur et l'importance des droits qu'on leur conférait : sans elles, il n'y aurait plus eu de différences entre les métèques et les citoyens.

N'y en avait-il pas d'autres ? et cette faveur que la cité faisait aux métèques pour la fête des Héphaestia, la leur faisait-elle pour toutes les autres fêtes ? Nous ne le croyons pas. Il est bien probable que, dans les cérémonies des cultes très anciens, les métèques ne devaient jouer aucun rôle. C'est seulement quand ils ont tenu dans la cité une place considérable qu'elle a dû leur ouvrir certains de ses cultes, et on le fit sans doute bien plus facilement pour les cultes nouveaux que pour les cultes anciens et traditionnels. Et aux Héphaestia plus qu'à tout autre fête peut-être, la participation des métèques aux cérémonies du culte devait paraître toute naturelle. C'est la même fête que l'on appelle quelquefois Chalkeia ou la fête des forgerons,[207] et nous savons que plus tard elle perdit son caractère original de fête publique, où Athéné était associée à Héphaestos, et devint une fête spéciale pour les forgerons et en général les artisans.[208] Mais même à l'origine elle devait avoir déjà ce caractère de fête des travailleurs, des artisans : or nous verrons que les artisans se recrutaient en grande partie parmi les métèques ; il y aurait donc eu une sorte d'injustice à les exclure de la fête et des sacrifices qu'elle comportait.

Au contraire, il est certain qu'à la fête athénienne par excellence, les Panathénées, les métèques, qui jouaient cependant, comme nous le verrons bientôt, un rôle important, ne participaient pas à la distribution des viandes. C'est ce que prouve un décret relatif à cette fête, qui émane probablement de l'administration de l'orateur Lycurgue.[209] Le décret énumère les personnes qui ont droit à la distribution des chairs des victimes, et indique quelle part recevra chacun : il mentionne successivement les prytanes, les archontes, les trésoriers de la déesse, les hiéropes, les stratèges, les taxiarques, tous ceux des Athéniens qui prennent pari à la procession, et les canéphores ; le reste, enfin, sera distribué aux Athéniens. Les expressions employées sont très nettes : πσιν τος πομπεσιν τος 'Αθηναίοις (l. 14) ; τ δ λλα κρέα 'Αθηναίοις μερίζειν (l. 15) ; νεμντων (les hiéropes) τ κρέα τ δήμ τ 'Αθηναίων (l. 24) : donc les citoyens seuls ont droit à ce privilège, et les métèques en sont exclus.

Ce qui est vrai des Panathénées devait l'être aussi d'autres fêtes, et probablement de toutes les fêtes d'origine vraiment ancienne pour les cultes de la cité comme pour ceux des dénies, le droit des métèques ne pouvait être égal à celui des citoyens, et comportait des restrictions que le leur ne connaissait pas.

§ 3.

Par contre, les métèques athéniens ne participaient pas seulement aux sacrifices que la cité offrait à ses dieux, mais aussi aux autres cérémonies du culte, notamment aux plus importantes, avec les sacrifices, c'est-à-dire aux pompes ou processions. C’étaient là en effet deux choses bien distinctes : les diverses cérémonies du culte ne formaient pas un tout indissoluble, et le droit d'assister à l'une n'entraînait pas le droit d'assister aux autres. Ainsi, un décret rendu par les Ægosthénitains en faveur des Siphéens accorde à ceux des Siphéens qui se trouveront à Ægosthènes au moment des sacrifices publics, le droit de jouir des mêmes avantages que les citoyens, par exemple de participer à la distribution des viandes. Mais c'est aux sacrifices seulement qu'ils seront admis à prendre part, et non au culte tout entier : c'était là en effet une faveur beaucoup plus rarement accordée aux étrangers, et très rarement à une cité entière.[210]

Pour Athènes, tous les lexicographes s'accordent à dire que les métèques prenaient part à la procession des Grandes Panathénées. Seulement, vu l'époque où ils écrivaient, ils n'ont pas compris le sens véritable de cet usage, et en ont tiré des conclusions absolument erronées, mais qui n'en.ont pas moins fait loi jusqu'à présent. C'est M. Schenkl qui le premier a reconnu quel était le véritable rôle des métèques dans cette fête : ses observations auraient gagné toutefois à être un peu plus développées.[211]

Quoique ces passages des lexicographes soient bien connus, il est nécessaire de les étudier en détail, parce qu'ils présentent plusieurs difficultés.

D'après Suidas, Harpocration, Photius et Hesychius, les métèques faisaient partie du cortège, et portaient des bassins appelés σκάφαι.[212] L'auteur des Lex. Seguer. ajoute que ces bassins contenaient « des objets pour les sacrifices « (πλήρεις θυσιν).[213] Enfin Photius précise, en disant qu'ils contenaient du miel et des gâteaux (κρια κα ππανα) ; il dit aussi que ces bassins étaient, les uns en bronze, les autres en argent.[214] Les métèques chargés de porter ces bassins étaient dits σκαφηφόροι, et souvent les poètes comiques les appelaient σκαφες.[215] Ailleurs les lexicographes disent que les femmes ou les filles des métèques prenaient aussi part à la pompe, et portaient des parasols et des hydries, d'où le nom de skiadéphores et d'hydriaphores qu'on leur donnait.[216]

D'après les Lex. Seguer., la scaphéphorie était une liturgie, et sans doute aussi l'hydriaphorie et la skiadéphorie.[217] C'est probablement à cela que fait allusion aussi Pollux, lorsqu'il dit qu'on appelait διάτακτοι non seulement les métèques qui ne payaient pas le metoikion, mais ceux τν σκάφην μ φέροντες.[218] Ce n'est pas qu'il faille prendre ce texte à la lettre : il est bien évident qu'un petit nombre de métèques seulement étaient appelés à jouer un rôle dans la procession, et que ce ne pouvait être une obligation générale comme le payement du metoikion. Il montre seulement que la scaphéphorie était une obligation réglée par la loi, ce qui ne veut nullement dire qu'elle fût une charge ou une humiliation.

C'est pourtant ainsi que l'ont compris tous les lexicographes, et avec eux Élien, le seul auteur qui en parle aussi. A vrai dire, Élien est le seul qui l'affirme d'une manière explicite : « Les Athéniens, » dit-il, « ont montré une grande arrogance ; dans la prospérité, ils ne surent pas supporter les succès : ainsi ils forçaient les filles des métèques à porter des parasols pour leurs propres filles et les femmes des métèques pour les leurs, et les hommes à porter des bassins.[219] »

C'est cette unique phrase d'Élien qui a fourni à tous les auteurs modernes l'occasion de déplorer le malheureux sort des métèques athéniens : « Rien ne prêtait davantage, » dit Sainte-Croix, « à de pareils sarcasmes que les fonctions auxquelles, dans les fêtes religieuses, on avait voué ces étrangers.[220] » Pour Böckh, la scaphéphorie, l'hydriaphorie et la skiadéphorie étaient autant de servitudes humiliantes (geringe und ehrenrührige Dienste)[221] ; Hermann emploie une expression analogue (die erniedrigenden Gebraüche)[222] ; enfin M. Curtius dit que, dans les Panathénées, on chargeait les métèques de certains offices inférieurs, qui devaient leur rappeler leur état de sujétion.[223] C'est-à-dire que l'on se figurait les Panathénées à peu près comme un triomphe romain, où les vaincus défilaient à la suite des vainqueurs. Si nous insistons là-dessus, c'est que de là provient presque uniquement l'idée que l'on s'est faite des métèques : ou a pensé, avec raison, que leur condition religieuse était la chose capitale ; seulement on l'a mal comprise, et on en a tiré des conclusions non seulement inexactes, mais qui sont précisément le contraire de la réalité.

En fait, que pouvait-il y avoir d'humiliant pour les métèques à porter des bassins remplis de miel et de gâteaux ? Est-ce que les canéphores ne portaient pas, elles aussi, des corbeilles destinées aux mêmes usages (τ καν …. φ' ος πκειτο τ πρς τν θυσίαν)[224] ? et pourtant n'était-ce pas là une charge réservée aux jeunes filles des meilleures familles d'Athènes ? On sait assez que la cause, réelle ou légendaire, peu importe, de la conspiration d'Harmodios et d'Aristogiton, fut l'injure faite à la sœur du premier : désignée pour être canéphore, elle fut chassée brutalement par Hipparque, ou, suivant Aristote, par le troisième fils de Pisistrate, Thettalos.[225]

Quant à l'hydriaphorie, on ne voit pas non plus en quoi il aurait été plus déshonorant de porter une hydrie qu'une corbeille ou une outre, comme le faisaient dans la procession des Dionysies les citoyens, à qui on donnait pour cette raison le nom d'άσκοφόροι.[226] Pour les parasols enfin, Sainte-Croix a cru que « aux Panathénées, les femmes et les filles des métèques étaient obligées de suivre celles des citoyens avec des parasols pour les garantir de l'ardeur du soleil.[227] » En fait, quoi qu'en dise Élien, les parasols n'étaient nullement destinés à cet usage, pas plus que les gâteaux portés dans les scaphes n'étaient destinés, comme le croit Aug. Mommsen, à la nourriture des citoyens. Nous savons que dans certaines cérémonies, la prêtresse d'Athéna, le prêtre de Poséidon et celui d'Helios s'avançaient sous une ombrelle : or cette ombrelle, les citoyens de la grande famille des Etéoboutades avaient seuls le droit de la porter.[228] Porter le parasol (σκίρον) n'était donc nullement une corvée humiliante ; ce parasol avait sans doute une signification symbolique (l'explication donnée par Harpocration est absurde), et faisait allusion à un mythe quelconque, qui nous échappent.[229] Les parasols, pas plus que les scaphes et les hydries, n'étaient nullement destinés aux citoyens ni à leurs femmes ; tous ces objets avaient rapport à Athéna et à son culte, et les affirmations d'Élien à ce sujet n'ont aucune valeur, vu l'époque où il vivait.

Il y a encore une autre particularité que les lexicographes ont mal comprise et qui a donné lieu de leur part et de celle des modernes à une interprétation tout à fait fantaisiste.

Photius, Suidas, Hesychius, rapportant le proverbe Συστομώτερον σκάφης, qu'on peut traduire par plus muet qu'un bassin (ou qu'un porteur de bassin), disent qu'il s'appliquait aux métèques, auxquels il était défendu de parler pendant qu'ils faisaient partie du cortège : il ne leur aurait pas même été permis, d'après Hesychius, d'ouvrir la bouche (χανεν).[230] Et d'autres lexicographes appliquent le proverbe non seulement aux métèques qui faisaient partie de la procession des Panathénées, mais à tous les métèques et dans toutes les occasions, et en concluent qu'ils n'avaient pas le droit de s'exprimer librement : παρρησίας δ ο μτεσχον ο μέτοικοι[231] ; s'ils le faisaient, disent-ils, on les menaçait de les rendre « plus muets qu'un bassin.[232] »

M. Schenkl a bien vu ce qu'était en réalité ce silence imposé aux métèques : ce n'est pas autre chose que le silence religieux imposé à tous, aux citoyens aussi bien qu'aux métèques, pendant toutes les cérémonies religieuses : c'est le favete linguis des Romains. C'est faute d'avoir compris cet antique usage que les lexicographes sont tombés dans cette méprise, et après eux Sainte-Croix, qui s'exprime ainsi à ce sujet : « Tandis que tout le monde se livrait à la joie la plus bruyante, eux seuls (les métèques) étaient obligés de garder un profond silence. » Or plusieurs passages d'écrivains qui ont une bien autre valeur que les lexicographes montrent qu'à Athènes au contraire les métèques jouissaient de la liberté de parole la plus complète : nous ne faisons que les indiquer ici, nous réservant d'y revenir plus loin.[233]

En somme, non seulement il n'y avait là pour les métèques aucune humiliation, mais c'était au contraire un grand honneur qu'on leur faisait. Les admettre aux Panathénées, c'était reconnaître ouvertement qu'ils faisaient partie de l'ensemble du peuple athénien : c'est là ce qui marque le mieux qu'ils ne sont plus des étrangers, mais qu'ils sont une partie, inférieure assurément, mais une partie intégrante de la cité, το μν ξένου πλέον τι χοντες, το δ πολίτου λαττον.[234]

Un passage curieux d'Hesychius, dont il n'indique malheureusement pas la source, confirme cette façon de voir : « Les métèques, dit-il, portent des bassins aux Panathénées να ς ενοι ριθμνται μετέχοντες τν θυσιν[235] ; » c'est pour gagner la bienveillance des métèques que les Athéniens les font participer à leurs fêtes. M. Schenkl rapproche avec raison de ce passage un mot de Xénophon sur lequel nous aurons à revenir : τος μετοίκουςενουστέρους ποιεσθαι,[236] et suppose avec raison aussi que la source d'Hesychius est un auteur de valeur. Les hommes politiques d'Athènes avaient compris que le meilleur moyen d'attacher les métèques à la cité était de les faire participera ses cultes, et notamment au culte civique par excellence, le culte d'Athéna, fondatrice et protectrice de la cité.

Que les métèques n'aient pas toujours fait partie du cortège sacré, c'est ce qui n'est guère douteux, et on peut indiquer par conjecture le moment où ils y ont été admis, et rattacher cette innovation au nom d'un homme. Si Erichthonios était le fondateur mythique de la fête des Panathénées athéniennes, si Thésée en avait fait la fête générale de l'Attique, si Pisistrate enfin avait créé les Grandes Panathénées, ce ne peut être que Clisthène qui ait donné aux métèques le privilège d'y prendre part. Nous aurons à étudier en détail le rôle joué par Clisthène dans la formation et le développement de la classe des métèques, et nous verrons que cette innovation s'accorde parfaitement avec le reste de ses réformes.

Les métèques prenaient-ils part également aux processions en l'honneur des autres dieux ? Un passage des Lois de Théophraste, conservé par Photius, l'affirme : τος μετοίκους Άθνησιν ν τας δημοτέλεσι πομπας σκάφας φέροντας πομπεύειν.[237] Nous conservons pourtant quelques doutes là-dessus, car les expressions qu'emploie Photius (plutôt que Théophraste) se rapportent précisément au cérémonial usité dans les Panathénées et non, sans doute, dans toutes les autres fêtes. De même, d'après Harpocration, Démétrios de Phalère, dans sa Législation, rapportait une loi qui ordonnait aux métèques de porter des bassins ν τας πομπας [238] ; mais cela semble encore s'appliquer aux seules Panathénées. Enfin c'est à tort que Sainte-Croix a conclu[239] d'un fait rapporté par plusieurs lexicographes que les métèques prenaient part à la pompe des Dionysies : aux Dionysies, disent Suidas et l'auteur des Lex. Seguer.,[240] les citoyens, vêtus comme ils le voulaient, portaient des outres sur leurs épaules, et on les appelait pour cela ascophores. De même, ajoutent-ils, la loi veut que les métèques revêtent des tuniques de pourpre et portent des bassins, d'où leur nom de scaphéphores. Ici encore, c'est aux Panathénées que l'auteur songe évidemment ; la preuve en est que Photius mentionne aussi cette obligation pour les métèques de porter aux Panathénées une tunique de pourpre.[241]

En dehors des Panathénées, il n'y a qu'une fête où les métèques nous apparaissent comme prenant part à la procession : c'est la fête des Bendidies. Il n'est pas douteux en effet qu'il faille voir des métèques dans ces Thraces qui, lors de la première célébration officielle des Bendidies, avaient organisé une procession en l'honneur de leur déesse ; cette procession était distincte de celle des citoyens, et Socrate ne la jugea pas moins belle que la leur.[242] Seulement, ici, il est à remarquer que métèques et citoyens n'étaient pas confondus comme aux Panathénées. Quant à la participation des métèques, elle s'explique d'ailleurs d'elle-même, puisque le nouveau culte était un de leurs cultes nationaux, que la cité avait adopté.

Pour toutes les autres fêtes, on ne peut donc rien affirmer, et il est probable que les métèques n'étaient pas admis aux cérémonies de tous les cultes, de même qu'ils n'étaient pas admis à toutes les cérémonies de chaque culte, puisqu'aux Panathénées mêmes ils ne participaient pas à la distribution des viandes. Mais peu importe : le seul fait de leur présence à la grande procession des Panathénées est suffisamment caractéristique. Ils nous apparaissent là, dans le cortège en l'honneur d'Athéna, comme les serviteurs et les protégés de la déesse, au même titre que les citoyens, quoique à un rang inférieur.

Les métèques n'étaient d'ailleurs pas les seuls, avec les Athéniens proprement dits, à prendre part aux Panathénées, et rien n'éclaire mieux leur situation que de les voir, dans cette fête, rapprochés de ceux qui constituaient avec eux l'empire athénien, c'est-à-dire les clérouques et les alliés.

M. Foucart a montré que les clérouques continuaient à prendre part aux grandes fêtes nationales des Panathénées et des Dionysies, et y envoyaient régulièrement des théores et des victimes.[243]

Il en était de même pour les alliés : chaque cité alliée devait envoyer pour les Panathénées un bœuf et plusieurs moutons, et une députation, qui prenait part non seulement à la procession, mais au repas.[244]

Ainsi les clérouques et les alliés occupaient dans la fête une place supérieure à celle des métèques, puisqu'ils participaient au repas, dont ceux-ci étaient exclus. Cette différence s'explique facilement : pour les clérouques d'abord, ils n'avaient jamais cessé d'être citoyens athéniens ; quant aux alliés, ils étaient, en théorie au moins, citoyens de villes libres. Les uns et les autres devaient donc l'emporter sur les métèques, qui avaient perdu de fait leur ancien droit de cité à l'étranger, et ne jouissaient à Athènes que d'une hospitalité dont les droits et les devoirs étaient nettement définis.

Mais tous, Athéniens, clérouques, alliés et métèques, avaient un point commun : si tous ne faisaient pas partie de la πολιτεία,[245] tous faisaient partie de la πόλις 'Αθηναίων.

§ 4.

Connaissant maintenant la véritable signification de la présence des métèques aux Panathénées, voyons plus en détail quel rôle ils y jouaient précisément. Si tous les savants sont d'accord sur le fait même de la présence des métèques aux Grandes Panathénées, il n'en est pas de même pour ce qui concerne les fonctions qu'ils y remplissaient, et les expressions vagues et souvent contradictoires des lexicographes à ce sujet font qu'il est difficile de s'en rendre un compte exact. »

Pour la scaphéphorie, il n'y a pas de difficulté. Les scaphéphores étaient des hommes qui, vêtus d'un chiton de pourpre, portaient sur leurs épaules de grands bassins contenant des rayons de miel et des gâteaux : sur la frise du Parthénon, trois figures sont en tout conformes à cette description ; ce sont les trois premières qui, sur la frise du côté nord, s'avancent après les victimes destinées au sacrifice[246] ; on est d'accord pour voir dans ces trois figures les représentants des métèques. De ces trois figures, les deux dernières sont imberbes, d'après le dessin de Stuart, car elles n'existent plus aujourd'hui ; quant à la première, qui est au Musée Britannique, elle a la tête brisée. Si le dessin de Stuart est exact, il faut appliquer à ces figures le texte d'Harpocration citant un passage du discours de Dinarque contre Agasiclès. Ce texte nous paraît avoir été mal compris de tous ceux qui l'ont cité, notamment Aug. Mommsen et même M. Schenkl qui en a tiré pourtant la conclusion véritable. Le voici : ο ντ σκαφηφόρων φρηβοι ες τν κρόπολιν ναβσονται, υχ μν χοντες χάριν τς πολιτείας, λλ τ τούτου ργυρί.[247]

Pour le comprendre, il faut se reporter aux autres fragments de ce discours contre Agasiclès, et notamment à l'analyse qu'en a faite Harpocration.[248] Le client de Dinarque avait intenté à un étranger, Agasiclès, une εσαγγελία pour s'être fait inscrire frauduleusement et à prix d'argent sur le ληξιαρχικν γραμματεον du dème d'Halimous. Cela étant, il ne faut traduire, ni avec Aug. Mommsen, « les éphèbes monteront seuls à l'Acropole, les scaphéphores restant en bas,[249] » ni, comme semble le faire M. Schenkl, « les jeunes métèques monteront à l'Acropole en qualité de scaphéphores, » traduction qui d'ailleurs donne à dvd un sens qu'il ne peut avoir. Voici le sens véritable de ce passage : Dinarque y parle des fils d'Agasiclès, et montre que, grâce à l'argent dépensé par leur père pour corrompre les démotes, « ils pourront monter à l'Acropole, non en qualité de scaphéphores (comme ils devraient le faire, puisqu'en réalité ils sont métèques), mais en qualité d'éphèbes (c'est-à-dire de citoyens) ; et cela sans avoir même aucune reconnaissance au peuple qui leur a reconnu le droit de cité, mais seulement à l'argent de leur père (à qui ils doivent en réalité ce droit de cité). »

De cette opposition faite par Dinarque entre les éphèbes et les scaphéphores, il résulte évidemment que ceux-ci aussi étaient choisis parmi les jeunes garçons, et c'est ce que M. Schenkl a reconnu. On peut même admettre la conjecture ingénieuse qu'il fait à ce sujet en proposant une correction à un passage des Lex. Seguer.[250] : α ν τας πομπας σκαφηφορίαι τν κντων μετοίκων ; le mot κντων ne présente aucun sens satisfaisant, tandis que βώντων, par lequel M. Schenkl propose de le remplacer, s'accorde bien avec le fragment de Dinarque.

Pour les hydriaphores, on hésite sur la place à leur assigner dans le cortège. Il convient cependant d'écarter l'hypothèse d'Aug. Mommsen, d'après lequel les hydriaphores n'auraient pas fait partie du cortège même, et auraient été simplement tenus de porter de l'eau à l'Acropole. Il s'appuie sur ce que Harpocration emploie pour désigner les vases qu'ils portaient le mot de δρεα, qui s'appliquait aux seaux à puiser l'eau, et sur ce que dans la frise de Phidias on ne voit aucun accessoire de cette forme. Mais il n'y a pas lieu de s'arrêter à ce détail : Harpocration s'est trompé ; les autres lexicographes et Aristophane[251] emploient non le mot δρεα, mais le mot δρας, qui désigne des vases de forme bien connue, ceux qui servaient, non à puiser, mais à contenir de l'eau ou d'autres liquides. De plus, Démétrios de Phalère dit formellement[252] que les hydriaphores figuraient, comme les scaphéphores, ν τας πομπας.

Michaëlis voit les hydriaphores dans les figures de femmes assez nombreuses qui occupent la face orientale.[253] La plupart en effet portent de petits vases qui ressemblent plutôt à des œnochoés qu'à des hydries, mais c'est évidemment là un détail de peu d'importance. Seulement M. Schenkl fait observer avec raison que plusieurs d'entre elles portent des objets très différents, des coupes et des candélabres : on ne peut donc voir en elles des hydriaphores, et il faudrait réserver ce nom seulement pour les figures 7-11 et 58-59. Mais M. Schenkl n'admet même pas que celles-là soient des hydriaphores ; il veut qu'elles soient, comme les autres, des canéphores, c'est-à-dire des citoyennes, qui porteraient à la main les objets contenus auparavant dans les corbeilles ; et ce serait pour éviter l'aspect monotone de femmes portant toutes des corbeilles que Phidias aurait mis entre les mains de ces canéphores des objets divers. Pour lui, les hydriaphores, ce sont les quatre (et non cinq) jeunes gens qui suivent immédiatement les scaphéphores,[254] et qui portent sur l'épaule une amphore.

Nous ne voyons pas bien pourquoi il faudrait renoncer à la tradition unanime des lexicographes, qui tous font des hydriaphores des femmes et des filles de métèques, et attribuer aux hommes un rôle dont aucun auteur ne parle. Il semble bien plutôt que les hydriaphores soient les porteuses d'œnochoés mélangées aux canéphores ; leur nombre n'a rien qui s'oppose à cette façon de voir, puisqu'elles sont seulement sept, contre vingt-deux canéphores.

Pour que ces recherches de détail pussent aboutir à des résultats certains, il faudrait être sûrs de deux choses, dont nous ne sommes nullement surs. D'abord, que dans la procession on observait toujours absolument le même ordre ; ensuite et surtout, que Phidias a suivi cet ordre pour la disposition de ses figures. Or il est prouvé que Phidias ne s'est nullement astreint à reproduire servilement la procession, et que ce n'est même pas, à proprement parler, la procession qu'il a représentée, mais tout l'ensemble des Panathénées.[255] A plus forte raison ne s'est-il pas astreint à reproduire tous les accessoires : il a choisi librement, n'ayant qu'un but, éviter la monotonie, et faire œuvre d'artiste. Il ne faut donc pas s'étonner si son œuvre et les textes des auteurs ne s'accordent pas dans tous les détails, et ce serait peine perdue que de chercher à les faire concorder à toute force.

On peut donc, pour ce qui est des hydriaphores, désigner de ce nom les sept figures de jeunes filles qui, mêlées aux autres, se distinguent d'elles par l'œnochoé ou l'hydrie qu'elles portent, et voir en elles les femmes, ou plutôt les filles des métèques, associées aux canéphores, ou filles des citoyens, comme les scaphéphores le sont aux éphèbes.

Quant aux porteuses de parasols, les skiadéphores, on s'accorde à reconnaître qu'aucune figure de ce genre n'est représentée sur la frise de Phidias. M. Schenkl refuse de croire à leur présence aux Panathénées, sous prétexte qu'il ne voit pas à quoi les parasols auraient pu y servir. Il a raison de nier qu'ils dussent servir à protéger du soleil les filles des métèques ; mais cela ne prouve pas qu'il n'en figurât pas dans le défilé. Nous avons déjà dit que les Etéoboutades en portaient dans certaines cérémonies, où assistait précisément la prêtresse d'Athéna : il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'on en portât aussi aux Panathénées. La place qu'aurait tenue en bas-relief des objets de cette nature et leur aspect en somme peu élégant suffisent pour expliquer l'absence sur la frise des skiadéphores, et on ne peut se prévaloir de cette absence contre Démétrios de Phalère, dont le témoignage a une grande valeur, vu l'époque où il vivait.

Quoi qu'il en soit d'ailleurs, l'important pour nous, c'est que tout le monde admette que des métèques figurent sur la frise de la cella du Parthénon, et y figurent mêlés aux citoyens et confondus avec eux. Ce seul fait aurait dû empêcher les déclamations sur le sort des métèques à Athènes. N'était-ce pas le plus grand honneur qu'on pût leur faire, que de les représenter, sur !e plus beau monument d'Athènes et dessinés par le plus grand de ses artistes, tenant leur place dans le cortège qui symbolisait la cité tout entière, et défilant sous les yeux de ses dieux, présents à la cérémonie ?

§ 5.

Toute fête religieuse, en Grèce, comprenait, outre le sacrifice et la procession, une partie toute différente à nos yeux, mais qui, pour les Grecs, n'en avait pas moins un caractère essentiellement religieux : c'étaient les jeux, ou concours.[256] Les métèques y avaient-ils leur place marquée, et avaient-ils le droit de concourir, soit entre eux, soit avec les Athéniens ?

Nous n'avons là-dessus aucun renseignement positif. Il semble cependant que l'on puisse se prononcer pour l'affirmative, sinon d'une façon générale, du moins pour certaines fêtes et certains concours.

On sait que les étrangers proprement dits ont été souvent admis à concourir, auquel cas le concours était dit κ πντων.[257] C'est ce qui se passait, par exemple, aux Panathénées, dont les Athéniens avaient voulu faire jusqu'à un certain point une fête hellénique, en l'ouvrant aux citoyens des autres cités, à l'instar des grands jeux panhelléniques. C'est ainsi que, dès le milieu du cinquième siècle, Phrynis de Mytilène y remporta le prix de la cithare, et un autre étranger, Exékestidès, deux fois le même prix[258] : l’γν μουσικός aux Panathénées était donc κ πντων. Il en était de même, à cette fête, de l’γν γυμνικός : sur les catalogues conservés, il y a plus de noms d'étrangers que de noms d'Athéniens ; même l’γν ππικός était ouvert aux étrangers, sauf quelques concours particuliers, réservés aux Athéniens.[259]

Aux Théseia, il y avait également des jeux κ πντων: c'est ainsi qu'un catalogue mentionne comme vainqueur du concours de pugilat pour les enfants Eumène de Cyzique, et comme vainqueur du concours de pugilat pour les hommes, Dionysios de Sidon ; ailleurs, c'est un Smyrniote qui a remporté le prix de la lutte entre enfants.[260]

Sur les catalogues, les noms de tous les étrangers vainqueurs sont suivis de l'ethnique ; aucun n'est suivi de la formule spéciale aux métèques, ικν ν... ; mais, comme nous le verrons plus loin, les Athéniens ne semblent pas avoir eu, pour désigner les métèques, de formule invariable ; les noms de métèques sont généralement suivis de l'ethnique dans les inscriptions honorifiques, auxquelles on peut évidemment rattacher les catalogues de vainqueurs dans les concours. On ne peut donc affirmer qu'aucun de ces noms d'étrangers ne s'applique à un métèque. Par exemple, il semble plus naturel de voir dans le jeune Sidonien vainqueur à la lutte un membre de la colonie sidonienne du Pirée qu'un étranger venu exprès de Sidon pour assister aux Théseia, ou se trouvant à Athènes au moment de la célébration de la fête et se mettant sur les rangs pour un concours qui exigeait une certaine préparation, un entraînement.

D'ailleurs, s'il y a doute pour les concours et les prix individuels, il ne peut guère y en avoir pour les concours et les prix collectifs, par exemple pour les prix d'εανδρία et d'εοπλία qui figurent sur les catalogues des Panathénées et des Théseia. On sait en quoi consistaient ces concours : le prix en était décerné, non à un particulier, mais à la tribu qui avait présenté le groupe composé d'hommes les plus beaux, les mieux faits ou les mieux armés. Le concours d'εταξία rentrait dans la même catégorie. Tous les trois fonctionnaient au moyen de liturgies ; c'est-à-dire que dans chaque tribu un citoyen était chargé de réunir les hommes les plus beaux, de les équiper, et de leur apprendre à manœuvrer, tous les frais étant à sa charge.[261]

Aux Panathénées, nous savons que les étrangers n'étaient pas admis à prendre part au concours d'εανδρία.[262] Aux Théseia au contraire, les étrangers étaient admis à y prendre part ; seulement il semble que ce concours n'ait été introduit dans les fêtes autres que les Panathénées qu'à une époque assez basse : les catalogues des Théseia qui le mentionnent sont du second siècle (εανδρία et εοπλία). On y décernait trois prix : l'un pour les fantassins d'élite, τν πιλκτων εανδρί, et εοπλί ; le second pour les étrangers, τν ν τος θνεσιν εανδρί, et εοπλί; le troisième pour les cavaliers, τν ππων εανδρία, et εοπλί.[263] La façon dont sont réparties ces trois catégories de concurrents montre que les étrangers n'étaient admis à concourir que comme fantassins, le concours des cavaliers étant réservé aux seuls citoyens. « Ces concours, » dit M. Martin,[264] « ont un caractère essentiellement militaire ; les prix sont donnés aux deux armes qui constituaient l'armée athénienne : les fantassins, c'est-à-dire d'abord les hoplites, plus tard les πίλεκτοι, et les cavaliers. Généralement, à côté du nom de la tribu victorieuse, on trouve le nom de l'officier qui la commande : le taxiarque pour les fantassins, le phylarque pour les cavaliers. »

Cela étant, on ne s'explique guère la présence dans ces concours d'étrangers proprement dits. Au contraire, on s'explique fort bien la présence de métèques, qui, destinés à servir dans les rangs de l'armée athénienne, devaient se familiariser avec les différents exercices militaires. Et puis, qui aurait recruté et comment aurait-on recruté ces bataillons d'étrangers ? Puisque ces concours étaient organisés, pour les citoyens, au moyen de liturgies, il est naturel d'admettre qu'il en fût de même pour les métèques. Les métèques riches avaient à supporter, à tour de rôle, une liturgie, qui leur conférait à la fois le devoir et le droit d'équiper à leurs frais une troupe de métèques et de les faire paraître au concours des Théseia. C'est le nom du chef de cette troupe qui figurait seul sur le catalogue des vainqueurs, sous la rubrique suivante : τάγμα νικε το 'Ομίλου. C'est ainsi que dans trois inscriptions figurent les noms d'Homilos et d'Isidoros, vainqueurs dans le concours d'εανδρία, et de Déméas et de Pyrrhos, vainqueurs dans le concours d'εοπλία.[265]

Il est à remarquer qu'aucun de ces noms n'est suivi de l'ethnique ; or nous verrons que, si on applique parfois l'ethnique à des métèques, on le fait en somme assez rarement ; il semble donc bien que ces vainqueurs soient des métèques.

Voici comment on peut se représenter la constitution de ces bataillons de métèques. Les métèques devaient sans doute, comme les métèques d'origine thrace le faisaient pour la procession des Bendidées, se réunir de préférence par nation, et former ainsi des bataillons où les étrangers de passage de même origine pouvaient sans doute entrer, et auxquels s'appliquait ainsi fort bien le titre de ν τος θνεσιν.[266] Il devait y avoir ainsi entre les divers bataillons plus d'émulation, et plus de cohésion entre les hommes de chaque bataillon.

Malheureusement la date assez basse de ces inscriptions ne permet pas d'affirmer qu'il en ait été ainsi au cinquième et au quatrième siècles. Comme on sait que les concours sont toujours allés en se développant, devenant pour ainsi dire chaque année plus nombreux et plus beaux, il est possible que la création des γνες d'εανδρία et d'εοπλία ν θνεσιν ne soit pas antérieure au second siècle. Cependant, si l'on songe que la puissance militaire d'Athènes n'est plus rien au second siècle, tandis qu'elle était à son apogée au cinquième et au quatrième siècles, il paraîtra naturel d'admettre que l'on ait fait alors une place aux métèques dans les concours de ce genre, qui, aux yeux d'un homme de guerre comme Xénophon,[267] avaient la plus grande importance pour le maintien de la bonne tenue et de la discipline dans l'armée athénienne.

§ 6.

Entre tous les concours, les plus importants et les plus brillants étaient naturellement les concours dramatiques.

On sait que dans l'antiquité grecque les représentations dramatiques, tragiques, comiques ou satiriques, avaient une place et une signification tout autres que chez les modernes. Loin d'avoir lieu tous les jours, les représentations à Athènes étaient une des cérémonies en l'honneur de Dionysos et se rattachaient intimement aux fêtes de ce dieu, c'est-à-dire aux Dionysies de la ville et des champs, et aux Lénéennes.[268]

L'art dramatique et tout ce qui s'y rattachait étaient donc choses d'ordre religieux, et la chorégie n'était pas seulement une charge financière : elle revotait le chorège d'une sorte de caractère sacré, ce qui donna le droit à Démosthène, insulté et frappé par Midias dans l'exercice de ses fonctions de chorège, de demander aux juges sa condamnation au nom de l'État et de la religion outragés.

C'est donc ici qu'il nous faut parler de la plus importante des liturgies imposées aux métèques, la Chorégie.

Les textes qui nous la font connaître sont aussi nets que possible, et ne laissent place à aucun doute. Il y avait des métèques chargés d'entretenir à leurs frais des chœurs, et qui par conséquent, pendant toute la durée de ces fonctions, se trouvaient revêtus d'un caractère religieux. Par là, plus encore peut-être que par leur participation à la pompe des Panathénées, les métèques prenaient part aux cultes officiels de la cité.

Les métèques d'ailleurs n'étaient pas admis à remplir les fonctions de chorèges dans toutes les occasions, mais seulement aux fêtes des Lénéennes ; c'est ce que dit le scoliaste d'Aristophane, et ses expressions sont trop précises pour qu'on puisse révoquer son témoignage en doute : οκ ξν δ ξένον χορεύειν ν τ στικ χορ · … ν δ τ Ληναί ξν * πε κα μτοικοι χοργουν.[269] Ulpien, dans son commentaire au discours de Démosthène contre Leptine, s'exprime d'une façon plus vague, et dit simplement, en parlant des métèques : χοργουν.[270] Lysias enfin parle des nombreuses chorégies dont il s'est acquitté, de même que son père et ses frères.[271]

Comment se faisait la désignation des chorèges métèques ? c'est ce que nous ne savons pas, et les détails que nous donne Aristote dans la République des Athéniens ne s'appliquent qu'à la chorégie des citoyens. « C'est l'Archonte, » dit-il, « qui désigne comme chorèges pour le concours tragique trois citoyens, choisis parmi les plus riches de tout le peuple athénien. Autrefois il désignait également les cinq chorèges pour le concours comique,[272] mais maintenant ce sont les tribus qui les nomment. Il reçoit ensuite les chorèges qui lui sont amenés par les tribus : pour les Dionysies, ceux des chœurs d'hommes et d'enfants (dithyrambiques) et ceux des chœurs de comédie ; pour les Thargélies, ceux des chœurs d'hommes et d'enfants. Pour les Dionysies, il y a un chorège par tribu ; pour les Thargélies, un pour deux tribus, chacune le fournissant à son tour.[273] »

Aristote parle bien, un peu plus loin, des Lénéennes, qui étaient placées sous la direction du Roi, et non plus de l'Archonte[274] : mais c'est pour dire simplement qu'elles comportent une procession et un concours, et que le Roi ordonne à lui seul ce concours.

Faute d'autres renseignements, on ne peut faire sur la chorégie des métèques que des hypothèses. Tout d'abord, pourquoi cette chorégie était-elle restreinte aux seules Lénéennes ? M. Schenkl pense que si on les excluait des autres fêtes, c'est que ces fêtes, ayant toutes lieu dans la belle saison, amenaient un grand concours d'étrangers, et qu'il eût été inconvenant que la cité fût représentée devant eux par d'autres étrangers. Les Lénéennes au contraire se célébrant en hiver, il ne devait pas y avoir d'étrangers parmi les spectateurs, et les Athéniens n'avaient plus à sauvegarder leur dignité.[275]

Qu'il y eût moins de spectateurs étrangers aux Lénéennes qu'aux autres fêtes, c'est ce qu'indiquent bien les vers d'Aristophane que cite M. Schenkl à l'appui de son opinion.[276] Mais que c'ait été une raison pour attribuer à cette fête la chorégie des métèques, c'est ce que personne, pensons-nous, n'admettra, sans qu'il soit besoin d'insister là-dessus. Nous devons avouer d'ailleurs que la raison de ce fait nous échappe.

Nous ne savons pas non plus si la chorégie des métèques aux Lénéennes s'étendait à tous les genres de concours, tragiques, comiques, et dithyrambiques, ou si elle ne s'appliquait qu'à l'un d'eux.

Quant à la façon dont on procédait pour le choix des chorèges métèques, on peut admettre qu'elle était la même que pour les citoyens : nous verrons en effet que les métèques étaient aussi groupés dans les dèmes et par conséquent dans les tribus, ou si l'on veut, à la suite des dèmes et des tribus.

Enfin, le chœur dirigé par un chorège métèque était-il composé d'Athéniens, ou de métèques, ou indifféremment d'Athéniens et de métèques ?

Nous savons qu'il y avait des métèques choreutes par le même passage du scoliaste d'Aristophane qui parle de la chorégie des métèques et que nous avons transcrit. Le rôle de ces choreutes se bornait d'ailleurs également à la fête des Lénéennes : il faut donc n'admettre qu'avec cette restriction l'assertion de Plutarque, à savoir qu'il était interdit, sous peine d'une amende de mille drachmes, d'admettre des étrangers parmi les choreutes. D'après lui, l'orateur Démade, qui avait fait paraître sur le théâtre cent choreutes étrangers, dut payer cent mille drachmes d'amende, et les paya sur le champ.[277] Si l'on songe que le chorège était une sorte de magistrat, il paraîtra peu vraisemblable qu'un chorège métèque ait eu sous ses ordres des choreutes citoyens, et on admettra plutôt que le chœur formé par le chorège métèque était exclusivement composé de métèques.[278]

M. Schenkl pensait que l'on pouvait attribuer à des chorèges métèques deux dédicaces où le nom du chorège vainqueur est suivi du patronymique, sans démotique.[279] A ces inscriptions on pourrait aujourd'hui en ajouter d'autres[280] ; mais nous ne croyons pas qu'on en puisse rien conclure. D'abord, elles sont bien nombreuses, relativement au total de celles où il s'agit à coup sûr de citoyens (9 contre 23).[281] Et surtout, nous pouvons constater que, parmi les premières, deux au moins émanent en réalité de citoyens : pour l'une, le numéro 1.248, M. Monceaux a montré que c'est une dédicace faite par un clérouque de Salamine[282] ; pour l'autre, le numéro 1.263, le chorège vainqueur, Ctésippos, est le fils du général Chabrias, qui, d'après une autre inscription, appartenait au dème d'Aixoné.[283] On ne peut donc rien conclure de l'absence du démotique sur ces inscriptions choragiques. Mais assurément les chorèges métèques devaient pouvoir, comme les citoyens, remporter le prix, puisque sans cela il n'y aurait pas eu de concours ; Sainte-Croix a donc tort de dire que « quoiqu'ils ne fussent pas admis à disputer les prix, ils n'en contribuaient pas moins aux frais de chorégie.[284] »

En résumé, malgré l'insuffisance de nos renseignements sur la chorégie des métèques, il ne semble pas qu'elle ait dû être pour eux une charge bien lourde ; réduite à une seule fête, le tour de chacun des métèques en état de la supporter devait revenir fort rarement. De sorte que la chorégie des métèques nous apparaît plutôt comme une charge honorifique, que les plus riches d'entre eux devaient remplir à l'envi, pour être pendant quelques jours parmi les personnages en vue de la ville, et aussi pour s'attirer la faveur du peuple en présentant un chœur aussi bien organisé et aussi richement équipé que possible.

Quant aux choreutes métèques, il n'y a pas de raison pour qu'ils n'aient pas joui des mêmes privilèges que les choreutes citoyens, et on doit admettre que, comme eux, ils étaient exemptés du service militaire.[285]

Pour tout cela, il y avait une différence profonde entre le métèque et l'étranger. Dans toutes les cérémonies ayant trait au culte, l'étranger ne jouait aucun rôle ; le métèque participait, plus ou moins, à toutes, sacrifices, processions, concours et représentations. Inférieurs aux citoyens en ce que leur rôle était plus limité, les métèques apparaissaient cependant aux yeux des autres Grecs comme des membres de cette cité dont ils avaient le droit d'honorer publiquement les dieux.

Remarquons enfin que, pas plus pour la chorégie que pour la triérarchie, le peuple athénien n'a exploité les métèques, et que toutes les fois qu'ils ont été à la peine, ils ont été à l'honneur, puisqu'ils avaient non seulement les charges, mais aussi les bénéfices de toutes les fonctions publiques qu'ils pouvaient être appelés à exercer.

Pour ce qui concerne les autres liturgies de même ordre, nous ne pouvons être aussi affirmatifs que pour la chorégie. M. Thumser a essayé de démontrer[286] que les métèques supportaient, comme les citoyens, toutes ces liturgies : il se fonde sur ce que Démosthène, dans le discours contre Leptine, s'il distingue nettement les liturgies des métèques de celles des citoyens, n'indique entre elles aucune différence. Et si le décret en faveur des Sidoniens ne mentionne formellement que la chorégie, c'est qu'on comprenait souvent sous ce nom plus général les autres liturgies de même nature, relatives à la célébration des fêtes. La seule différence, à ce point de vue, entre les métèques et les citoyens, c'est que les uns et les autres auraient concouru séparément, comme nous avons pu le constater pour les concours d'εὐανδρία et d'εὐοπλία des Théseia.

Cela est en effet très probable, et on ne voit pas pourquoi les métèques, admis, ou, si l'on veut, soumis à la chorégie, auraient été dispensés des autres liturgies de même ordre, qui toutes avaient pour but de rehausser l'éclat des fêtes religieuses.

Seulement nous n'en avons aucune preuve directe, et aucun texte ne signale ni la gymnasiarchie, ni la lampadéphorie des métèques.[287]

Pour l’Hestiasis seule, nous avons un passage d'Ulpien, dans son commentaire au discours de Démosthène contre Leptine. C'est cette hestiasis que Böckh croyait se rapporter au culte de Zeus Metoikios : il se fondait évidemment sur ce que, d'après les expressions mêmes d'Ulpien, cette hestiasis des métèques était différente de celle des citoyens, et que les métèques seuls prenaient part au repas. Mais l'assertion d'Ulpien, et celle d'un scoliaste plus ancien, Alexandre, qu'il développe et commente, nous paraissent, ainsi qu'à M. Schenkl,[288] avoir peu de valeur : et en effet, Ulpien attribue cette hestiasis et la chorégie, non seulement aux métèques, mais aux étrangers, ce qui est certainement inadmissible.[289]

Peut-être cette hestiasis avait-elle lieu lors des fêtes comme les Panathénées et les Lénéennes, c'est-à-dire des fêtes auxquelles les métèques prenaient part ; et peut-être le repas était-il destiné à ceux d'entre eux seulement qui avaient figuré dans la procession des Panathénées ou dans les chœurs des Dionysies. L'hestiasis aurait ainsi remplace pour eux, en quelque sorte, la distribution des viandes à laquelle ils ne semblent pas avoir eu droit dans ces fêtes. Mais c'est là une pure hypothèse, et, faute de renseignements autres que la phrase du scoliaste de Démosthène, il vaut mieux ne rien affirmer sur cette question ; et il ne faut retenir de cette scolie que cette idée générale, à savoir que les étrangers à Athènes participaient dans une certaine mesure aux fêtes de la cité.

Ce qu'il faut constater, enfin, à propos des liturgies, maintenant que nous avons parlé de toutes celles qui pesaient sur les métèques, c'est qu'il ne paraît pas qu'elles aient constitué pour eux une bien lourde charge. Exempts de la triérarchie, rarement appelés à s'acquitter de la chorégie, les riches métèques devaient dépenser pour les services publics beaucoup moins, à fortune égale, que les riches citoyens. Et la tendance qui s'est manifestée au quatrième siècle, à faire de plus en plus supporter toutes ces charges par les riches, au profit des pauvres, ne s'est exercée qu'aux dépens des citoyens, et non à ceux des métèques. Jamais donc les Athéniens n'ont considéré les métèques comme des sujets taillables à merci et n'ont cherché à tirer d'eux d'autres profits que ceux que la cité tirait naturellement de leur travail et de leur industrie.

§ 7.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des cultes athéniens dont le centre et le siège étaient à Athènes même. Mais, en dehors d'Athènes, le culte d'Éleusis avait une importance aussi grande que les cultes de la ville, et l'on doit se demander si l'accès en était ouvert aussi aux métèques.

On sait que l'initiation aux mystères d'Éleusis, à l'origine, constituait un privilège exclusif des citoyens athéniens, tandis que les étrangers en étaient exclus.[290] Plus tard, bien que cette loi d'exclusion fût toujours maintenue en principe, on étendit le droit d'initiation, non plus aux seuls Athéniens, mais a tous les Hellènes. Ce qu'on exigeait seulement des initiés non athéniens, c'est qu'ils fussent présentés par un mystagogue athénien.

Nous ne connaissons pas d'exemple particulier de métèque initié aux mystères ; mais nous savons que, tandis que les esclaves en étaient exclus, les esclaves publics pouvaient être initiés. C'est ce que montre un passage de l'inscription d'Éleusis publiée d'abord partiellement en 1883 par M. Foucart[291] : on y voit que la cité elle-même a payé 30 drachmes pour les frais de l'initiation aux mystères de doux δημόσιοι. Il s'agit, il est vrai, des petits mystères, comme l'indique le terme employé pour initiation, μύησις, ποπτεία désignant l'initiation du second degré.

D'antre part, nous savons par un passage du discours d'Apollodoros contre Nééra, que les isotèles pouvaient non seulement être initiés, mais servir de mystagogues, puisque l'orateur Lysias fit initier lui-même sa maîtresse Métanira.[292] On a le droit de conclure du rapprochement de ces deux faits, que les métèques pouvaient être initiés ; ils différaient des δημόσιοι en ce qu'ils faisaient évidemment eux-mêmes les frais de leur initiation. Et il ne semble pas que leur origine fût un obstacle, même lorsqu'ils n'appartenaient pas à la race hellénique : car la plupart des δημόσιοι étaient certainement des barbares. Peut-être seulement ne pouvaient-ils remplir les fonctions de mystagogue, qui auraient constitué un des privilèges réservés aux citoyens et une des faveurs accordées aux isotèles. Peut-être aussi la grande initiation leur était-elle interdite, et étaient-ils assimilés sur ce point aux δημόσιοι et non aux citoyens. Quoi qu'il en soit, il est certain que le culte des divinités d'Éleusis leur était ouvert, comme les autres cultes de la cité.

Au culte d'Éleusis pouvaient être admis, comme les métèques, tous les étrangers de race hellénique, pourvu qu'ils fussent présentés par un citoyen. Il n'y avait donc pas, à ce point de vue, de différence essentielle entre l'étranger et le métèque ; si ce n'est que peut-être, pour les métèques, ce titre même de métèque effaçait en quelque sorte la tache de l'origine barbare. Il en était tout autrement pour les autres cultes athéniens, pour ceux qui n'avaient pas le caractère général de la religion d'Éleusis : jamais les étrangers n'y prenaient part, pas plus aux cultes particuliers des dèmes qu'aux cultes publics de la cité. Les métèques au contraire, aux Panathénées, aux Dionysies, aux Héphaestia, à certaines fêtes du dème de Scambonides et sans doute des autres dèmes, jouaient, nous l'avons constaté, un rôle officiel. C'est donc qu'ils avaient dans la cité leur place nettement déterminée, et rien ne les distingue plus nettement des étrangers que leur admission à la religion de la cité.

On peut comparer jusqu'à un certain point la situation des métèques dans la cité à celle des esclaves de la famille, en ce sens que les uns et les autres, participant au culte, entraient par là même, les uns dans la famille,[293] les autres dans la cité. Partie inférieure, mais partie intégrante de la communauté, grande ou petite, où ils sont entrés, on ne comprend pas la famille antique en Grèce sans ses esclaves : on ne comprend pas davantage la cité sans ses métèques.

C'est donc la religion qui, mieux que tout, nous révèle la véritable condition des métèques athéniens et nous fait comprendre pourquoi et comment la cité tenait à se les concilier. Si les Athéniens, si jaloux de leurs dieux et de leurs cultes, ont permis à des étrangers de s'associer à eux dans leurs fêtes religieuses, c'est qu'ils ont compris la nécessité de se les attacher par les liens les plus forts, ceux de la religion. Si les métèques ont eu à supporter, comme les citoyens, certaines charges financières et militaires, ce n'est nullement parce qu'ils étaient asservis aux citoyens ; c'est au contraire parce qu'ils participaient, dans une certaine mesure, aux prérogatives les plus essentielles des citoyens, c'est-à-dire qu'ils adoraient les mêmes dieux. C'est de là aussi que dérivaient leurs droits et leurs privilèges, qui n'étaient ni moins importants ni moins positifs que leurs devoirs, et que les écrivains anciens et modernes ont trop laissés dans l'ombre.

En un mot, Athènes, par cela même qu'elle ouvrait ses cultes aux métèques, leur ouvrait les portes mêmes de la cité, tout eu leur imposant des conditions très particulières, qui faisaient d'eux une classe d'hommes à part : très différents des citoyens, ils différaient davantage encore des étrangers ; de sorte qu'en réalité il faut retourner le mot d'Ammonius, et dire que les métèques tenaient plus du citoyen que de l'étranger.

 

CHAPITRE VIII. — DE QUELQUES FONCTIONS PUBLIQUES OUVERTES AUX MÉTÈQUES.

§ 1.

Le titre de citoyen conférait, à Athènes et dans toutes les cités grecques, certains droits dont étaient exclus absolument tous les non citoyens, à quelque catégorie qu'ils appartinssent : ce sont les droits politiques proprement dits. Mais, outre ces droits politiques, les citoyens jouissaient aussi de certains avantages, les uns honorifiques, les autres matériels : il s'agit de savoir si les métèques participaient à ces avantages, et dans quelle mesure.

Pour les fonctions politiques, il n'y a aucun doute possible : les métèques en étaient rigoureusement exclus : « Ni l'étranger ni le métèque, » dit Démosthène, « ne peuvent remplir les magistratures ni tirer au sort les sacerdoces.[294] »

C'est même là ce qui constitue la différence essentielle entre le métèque et le citoyen : Isocrate, vantant l'égalité qui règne entre tous les citoyens athéniens, la définit ainsi : « Nous avons regardé comme injuste que la majorité fût soumise à quelques hommes, et que ceux à qui manquait la fortune, sans avoir d'ailleurs démérité en rien, fussent exclus des magistratures ; que, la patrie étant commune à tous, les uns fussent maîtres, les autres métèques, et que la loi privât du droit de cité ceux que la nature a faits citoyens.[295] » Ce qu'Isocrate entend par πολιτεία, c'est l'ensemble des droits politiques, dont la privation réduit en fait le citoyen à la condition de métèque. Il exagère d'ailleurs, car il ne semble pas que jamais tous les citoyens, y compris les thètes, aient pu aspirer à toutes les charges : d'après un passage d'Aristote que nous avons déjà cité, de son temps même les thètes ne pouvaient, au moins en théorie, remplir aucune magistrature. Dans tous les cas, il est certain qu'au temps de Solon et longtemps encore après lui, les thètes ne pouvaient arriver aux charges : ils ne différaient donc pas sur ce point des métèques.

Ils en différaient en ce qu'ils avaient au moins le droit d'assister aux Assemblées du peuple et d'y émettre un vote, et de faire ainsi fonction de législateurs, d'électeurs et de juges. Les métèques ne jouissaient jamais d'aucun de ces droits. C'est pourquoi dans le dialogue où Lucien met en scène une assemblée des dieux, parodie des assemblées des Athéniens, on voit Héraclès demander humblement à donner son avis « quoique métèque.[296] » Et une des accusations que porte Lysias contre Agoratos, c'est d'avoir, lui simple affranchi, usurpé les droits du citoyen eu s'introduisant dans les assemblées et les tribunaux[297] : or nous verrons qu'il n'y avait, en fait de droit public, aucune différence entre affranchi et métèque.

Les métèques ne comparaissaient devant l'Assemblée du peuple que dans une seule occasion[298] : lorsqu'ils avaient à solliciter du peuple une faveur ; et ils devaient naturellement demander pour cela l'autorisation nécessaire, obtenir la πρόσοδος, devant l'Assemblée, comme devant le Conseil. Ainsi, dans le décret autorisant les Kitiens à élever un temple à Astarté, on voit qu'ils avaient d'abord exposé leur requête devant le Conseil, où avaient sans doute comparu personnellement leurs délégués ; le Conseil décida qu'à la première Assemblée les proèdres présenteraient au peuple les Kitiens, qui furent ainsi admis à développer eux-mêmes leur proposition. C'est évidemment de la même façon que l'on procédait dans toutes les circonstances analogues.

En dehors de ces droits positifs que leur conférait la naissance, les citoyens avaient encore, à l'exclusion des métèques, certaines prérogatives honorifiques : par exemple, l'équipage entier de la trière Paralienne ne pouvait se recruter que parmi eux,[299] et il en était sans doute de même pour les autres vaisseaux du même genre, la Salaminienne et la Délienne. A vrai dire, ce n'était pas un droit purement honorifique, car les matelots qui montaient ces bâtiments touchaient une haute paye de quatre oboles par jour, même en temps de paix et lorsqu'ils étaient à terre.[300] Mais c'est évidemment à cause du caractère sacré de ces navires et de leur rôle particulier en temps de paix qu'on n'y admettait que des citoyens.

Par contre, certaines autres fonctions, d'ordre honorifique aussi, paraissent avoir été accessibles aux métèques.

Il semble bien qu'ils ne fussent point admis aux fonctions de diétètes publics ; c'est peut-être ce que disait la source des lexicographes qui affirment que les étrangers ne pouvaient faire juger leurs procès par eux.[301] En fait, les quatre listes ou fragments de listes de diétètes publics qui nous sont parvenus ne contiennent que des noms de citoyens, et disposés par tribus.[302]

Au contraire, nous savons que les isotèles pouvaient remplir les fonctions de diétète privé ; nous avons un exemple du fait dans le discours contre Phormion,[303] où l'on voit une affaire remise à la décision de l'isotèle Théodotos. M. Caillemer pense qu'il devait en être de même pour les métèques et même pour les étrangers,[304] qui pouvaient, les uns et les autres, offrir, pour le jugement de certains procès, des garanties de savoir et d'aptitude professionnelle qu'on aurait difficilement trouvées parmi les citoyens. Il est certain que le choix d'un arbitre était laissé aux parties intéressées ; néanmoins, comme le jugement prononcé par les arbitres privés était sans appel, il paraît difficile d'admettre que des citoyens aient pu reconnaître un pareil pouvoir à des hommes qui ne faisaient pas partie de la cité, tandis que c'est beaucoup plus admissible pour les métèques.

On s'explique bien d'ailleurs qu'on leur permît d'être arbitres privés et non arbitres publics : les premiers, malgré leur importance réelle, puisqu'ils jugeaient sans appel possible, n'étaient pas revêtus du caractère officiel qu'avaient les diétètes publics.

Il faut encore rappeler, en fait de fonctions confiées à des métèques, l'épimélie remplie par Nicandros et Polyzélos, dont nous avons déjà parlé : ces deux métèques furent chargés, lors de la guerre Lamiaque, de veiller à l'armement de trières, pour lequel ils avaient sans doute contribué ; ils eurent ainsi dans les symmories un rôle officiel, qui dut être comme la récompense de leur dévouement à la chose publique.

Ce n'était là sans doute qu'une exception ; mais il n'en est pas moins vrai que l'on ne craignait pas, à l'occasion, de confier à des métèques des fonctions réservées généralement aux citoyens. Nous en avons d'autres exemples dans les ambassades dont furent quelquefois chargés des métèques.

Lysias, d'après un passage d'un de ses propres discours, eut cet honneur. Il fit partie de l'ambassade envoyée en 393, à l'instigation de Gonon, à Denys de Syracuse, ambassade qui devait tenter de le détacher de l'alliance Spartiate et de lui faire contracter une alliance avec Évagoras de Cypre, l'ami d'Athènes. A vrai dire, il semble qu'elle eût un caractère plus officieux qu'officiel, et qu'elle fut envoyée plutôt par Conon personnellement que par la cité.[305] Mais en tout cas il s'agissait d'affaires importantes, et elle eut des résultats considérables, puisqu'elle obtint que Denys n'expédierait pas au secours des Lacédémoniens la flotte qu'il avait déjà équipée.[306] On s'explique d'ailleurs l'honneur fait à Lysias par cette circonstance, qu'étant originaire de Syracuse, il devait y avoir des relations de nature à faciliter cette délicate négociation. Et puis, ne lui devait-on pas quelque dédommagement, pour l'avoir, quelques années auparavant, si brutalement dépossédé de ce titre de citoyen qu'il avait pourtant bien gagné ?

S'il s'élève quelques doutes sur l'authenticité de l'ambassade de Lysias, il n'y en a aucun relativement à l'ambassade dont fut chargé un autre métèque, le philosophe Xénocrate, le même que l'orateur Lycurgue avait délivré des mains du τελώνης qui allait le faire vendre comme esclave pour n'avoir pas acquitté le metoikion. Il s'agit de la seconde ambassade envoyée par les Athéniens après la bataille de Cranon, en 322, à Antipater, qui se trouvait alors à Thèbes ; elle devait accepter les conditions de paix qu'imposerait le vainqueur. Elle se composait de Phocion, de Démade, et de Xénocrate, le chef de l'Académie, fort âgé à cette époque. C'est évidemment à cause de sa grande réputation qu'on l'avait associé à Phocion et Démade, espérant qu'il produirait quelque impression sur Antipater.[307] D'après Plutarque, ce calcul ne réussit guère, et Antipater aurait souhaité la bienvenue aux autres ambassadeurs, et non au philosophe, et lui aurait ensuite imposé silence. Diogène Laërte au contraire prétend que le vainqueur le reçut avec beaucoup de courtoisie et, sur sa demande, rendit plusieurs prisonniers à la liberté. En tout cas, c'est ce métèque qui trouva le mot de la situation, en qualifiant la paix accordée par la Macédoine de « paix trop douce pour des esclaves, trop dure pour des hommes libres. »

Trente-quatre ans plus tard, en 288, les Athéniens eurent encore recours à lin métèque, un philosophe aussi, Cratès de Thèbes, pour échapper à la vengeance de Démétrios Poliorcète, contre lequel ils s'étaient soulevés. Cratès, plus heureux qu'autrefois Xénocrate, parvint à décider Démétrios à lever le siège d'Athènes : il est vrai que Pyrrhos accourait au secours des Athéniens, ce qui dut donner du poids aux arguments du philosophe.[308]

Sans descendre jusqu'à l'époque romaine, où les exemples de ce genre deviennent bien plus fréquents, on peut dire que les Athéniens ne se firent aucun scrupule d'avoir recours aux bons offices des métèques, lorsqu'ils pensèrent pouvoir en retirer quelque utilité. Cela prouve que les mœurs corrigeaient ce que les lois avaient de trop absolu, et que les Athéniens avaient en politique l'esprit assez souple pour se plier aux nécessités du moment. Mais cela montre aussi que ces métèques, que l'on envoyait ainsi auprès des puissances étrangères représenter la cité athénienne, faisaient bien véritablement partie de cette cité.

§ 2.

Il en était des avantages matériels faits aux citoyens comme des fonctions honorifiques : les métèques ne participaient pas à tous, mais ils participaient à certains.

Un de ces avantages étaient les distributions de blé, ou, d'une façon plus générale, les répartitions de diverses espèces de biens appartenant à l'État, διαδόσεις ou διανομαί,[309] les distributions de blé, σιτοδοσίαι, étant d'ailleurs les plus fréquentes.

Pour y prendre part, il fallait être citoyen. Ainsi en 445/4 un des rois du Delta, Psammétik, ayant donné aux Athéniens trente ou quarante mille médimnes de blé, la répartition de ce blé amena la révision des listes civiques, et eut pour conséquence la radiation de 4.760 individus, le nombre des citoyens dûment reconnus pour tels et participant à la distribution ne se montant plus qu'à 14.240.[310] Cela montre que l'on veillait jalousement à ce que les citoyens seuls profitassent de ces largesses.[311]

Il ne semble pas non plus que les métèques fussent admis à prendre part aux colonies fondées par les Athéniens. Les colons, en général, étaient pris parmi les citoyens pauvres : ainsi le décret relatif à la fondation de Bréa stipule qu'ils seront recrutés exclusivement parmi les zeugites et les thètes.[312] Nous n'avons d'exemple de clérouques pris parmi les non citoyens que pour la fondation de Thurii, qui eut lieu dans des circonstances très particulières. Périclès y admit en effet des citoyens de toutes les parties de la Grèce, voulant faire de la nouvelle ville une fondation nationale, hellénique. Les noms mêmes des dix tribus de la ville montrent nettement cette intention.[313]

C'est ce qui nous explique que quelques métèques athéniens aient été admis au nombre des citoyens de Thurii : ainsi Lysias, le futur orateur, et un ou deux de ses frères, au dire de Suidas et du Pseudo-Plutarque, firent partie des colons[314] ; ce dernier dit formellement que Lysias avait obtenu un κλρος.[315] Mais, étant donnés les liens d'amitié qui unissaient Périclès au père de Lysias, Kephalos, ce droit accordé à ses fils apparaît plutôt comme une véritable faveur, et rien ne dit que d'autres métèques en aient profité[316] : nous ne savons sur quels textes se fonde M. Curtius pour affirmer que les Athéniens qui vinrent en grand nombre s'établir à Thurii « étaient surtout des métèques qui avaient de la fortune et qui se sentaient mal à leur aise chez eux à cause des menées des sycophantes.[317] » Nous croyons au contraire qu'il ne s'agit que d'une exception ; dans tous les cas, ce n'est que pour Thurii que l'on pourrait admettre la participation des métèques à la clérouchie ; pour aucune autre colonie il n'en est question.

Dans Athènes même, il était certaines fonctions qui, sans être des magistratures, conféraient jusqu'à un certain point à ceux qui les géraient un caractère public : par exemple, la charge de héraut du Conseil et du Peuple. Or, dans la première moitié du quatrième siècle, un métèque, Euclès, et son fils Philoclès, ont occupé successivement cette charge.[318] A vrai dire, elle était loin d'être alors ce qu'elle fut à l'époque romaine, où on la voit généralement exercée par les citoyens de la naissance la plus illustre[319] ; il n'en est pas moins vrai qu'on aurait pu la réserver aux citoyens, et aux citoyens pauvres, puisqu'elle était rétribuée.[320] D'autant plus que le titulaire était nommé par le Peuple lui-même, et dans les formes légales, sur la proposition du Conseil.[321]

Il est moins étonnant que l'on ait admis les métèques à concourir pour les fonctions de médecin public : on avait intérêt à retenir à Athènes les médecins célèbres, qu'ils fussent citoyens ou étrangers. Nous connaissons un métèque ayant exercé ces fonctions : c'est Phidias de Rhodes, qui les accepta sans appointements, et à qui le Conseil et le Peuple décernèrent, en 304, des éloges et une couronne de feuillage.[322]

D'autres fonctions du même genre comportaient des avantages pécuniaires plus considérables. A cette catégorie appartenaient les fonctions de τελναι, ou fermiers des impôts. Ils avaient un caractère public qui faisait d'eux de véritables fonctionnaires, puisque nous avons vu que l'un d'eux avait arrêté Xénocrate et s'apprêtait à le faire vendre comme esclave. Mais c'était avant tout un métier, où l'on gagnait de l'argent, et c'est évidemment ce que veulent dire Plutarque et Pollux, lorsqu'ils rangent les τελναι parmi ceux qui exercent des professions déshonorantes[323] : ils appliquent en effet la même épithète aux marchands de comestibles et de salaisons. Il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce qu'on eût réservé cette profession aux seuls citoyens. Or il n'en était rien, et une anecdote rapportée par Plutarque montre que les métèques pouvaient aussi bien que les citoyens remplir les fonctions de τελναι. Un métèque pauvre, sur le conseil d'Alcibiade son ami, qui voulait lui faire faire une bonne affaire, se porta comme enchérisseur à l'adjudication de la ferme des impôts. Les fermiers dont le bail était échu et qui comptaient le renouveler se liguèrent contre lui et exigèrent qu'il fournît caution, pensant qu'il ne le pourrait pas : mais Alcibiade s'offrit de lui-même pour caution. Les fermiers obtinrent alors du métèque, mais moyennant un talent, qu'il se désistât.[324] Il est à remarquer que sa qualité de métèque ne souleva aucune objection. Quant à la caution, on ne voit pas nettement, dans le récit de Plutarque, si elle était de rigueur pour tous les métèques, ou si les anciens fermiers l'exigèrent seulement dans l'espèce parce que la ferme était de plusieurs talents et le métèque pauvre et connu comme tel. Probablement, la règle était que les métèques, pour être fermiers des impôts, fournissent un garant, γγυήτης, et que ce garant fût un citoyen. Nous allons voir en effet que cette condition était exigée pour que les métèques pussent remplir des fonctions très analogues, celles d'entrepreneurs de travaux publics. C'était d'ailleurs la seule différence qu'il y eût entre eux et les citoyens.

On admettait donc à Athènes que les métèques pussent, comme les citoyens eux-mêmes, profiler de cette disposition particulière de l'administration financière, qui, pour la levée des impôts, constituait entre la cité et les contribuables des intermédiaires. Et il n'y a aucune raison pour croire que les fermiers sortant de la classe des métèques ne jouissent pas de toutes les prérogatives attachées à cette fonction, par exemple de l'exemption du service militaire.[325]

Une autre source de gain fut ouverte par l'État aussi largement aux métèques qu'aux citoyens. Dans presque toutes les inscriptions qui contiennent des comptes de travaux publics, on voit figurer des métèques comme entrepreneurs, μισθται, par exemple dans les inscriptions relatives aux constructions d'Éleusis et à celle du temple de Zeus Soter au Pirée.[326] Nous aurons à revenir plus en détail sur le rôle de ces entrepreneurs métèques ; la seule question qui nous intéresse pour le moment, c'est de savoir si ce droit de prendre part aux adjudications de travaux publics était vraiment pour les métèques une faveur, ou s'il leur était commun avec les étrangers. Or nous ne connaissons qu'un exemple d'entrepreneur étranger prenant part à des travaux d'intérêt public en Attique, et c'est certainement une exception. Dans les travaux de fortification du Pirée exécutés en 394/3 figure comme entrepreneur un Béotien du nom de Démosthène ; le fait est d'autant plus surprenant qu'il s'agit de travaux militaires. Mais M. Foucart l'explique très justement par les circonstances particulières dans lesquelles se trouvaient alors les Athéniens : Xénophon et Diodore en effet attestent que les alliés d'Athènes, et en particulier les Béotiens, coopérèrent activement à cette reconstruction, qui importait aux intérêts de la ligue formée contre Sparte.[327] Les entrepreneurs métèques au contraire sont si nombreux qu'il est évident que ce droit ne comportait pour eux aucune restriction. On ne leur imposait en effet qu'une seule condition, que nous avons déjà indiquée à propos des fermiers de l'impôt : tout métèque, pour être adjudicataire d'une entreprise de travaux publics, devait fournir une caution, qui ne pouvait être qu'un citoyen. On voit cet γγυήτης mentionné dans deux inscriptions : dans les comptes de construction de l'Erechthéion, de l'année 408/7, un peintre décorateur métèque, Dionysodoros, figure deux fois, et chaque fois son nom est suivi du nom de son γγυήτης. Héracleidès d'Oa.[328] De même, pour la construction d'un aqueduc attenant à l'Amphiaraion d'Oropos, le nom de l'entrepreneur Phrynos, qui est un métèque, est accompagné de celui de son γγυήτης Télésias du dème d'Euonymon.[329]

On peut se demander pourquoi l'indication de l’γγυήτης ne figure pas toujours dans les inscriptions de cette nature. La raison de ce fait nous échappe, si ce n'est que peut-être on n'exigeait la caution que pour les travaux dont la valeur dépassait une certaine somme, assez considérable sans doute.

Les métèques ont donc pu, comme les citoyens, et à l'exclusion des étrangers, prendre part aux grands travaux du cinquième et du quatrième siècles, et s'y enrichir. Sans eux, Athènes n'aurait certainement pu suffire à la tâche et aurait été obligée de faire comme les cités moins importantes, qui devaient attirer les entrepreneurs étrangers en leur faisant des conditions de faveur. Ainsi à Trézène on leur accordait une indemnité de voyage ; à Délos, la franchise pour tous les objets importés ou exportés par eux.[330] En mettant pour cela les métèques sur le même pied que les citoyens, Athènes s'est rendu service à elle-même autant qu'à eux.

 

CHAPITRE IX. — LES MÉTÈQUES PLACÉS, AU DEDANS ET AU DEHORS D'ATHÈNES, SOUS LA PROTECTION OFFICIELLE DU PEUPLE ATHÉNIEN.

Xénophon propose, dans un passage des Revenus, d'instituer des magistrats qu'il appelle les Métécophylaques[331] ; il ne s'explique pas d'ailleurs nettement sur la nature et les attributions de ces magistrats, mais il s'agit évidemment dans sa pensée de protecteurs officiels donnés par la cité aux métèques, et chargés de les défendre contre toute insulte.

Parmi les étrangers proprement dits, tous ceux qui étaient alliés ou amis de la République étaient placés, au dehors, sous la protection des Stratèges, à Athènes, sous celle des Stratèges et du Conseil.[332] Quant aux métèques, il semble que la proposition de Xénophon à leur égard fût inutile : le Polémarque était tout désigné pour remplir ce rôle ; ou, pour mieux dire, les métèques se trouvaient, dans Athènes, placés d'office sous la protection de tous les magistrats ordinaires de la cité. C'est ce que nous essayerons de démontrer plus loin, en même temps que nous montrerons le sens véritable de la proposition de Xénophon.

Reste la question, plus intéressante encore, et que nous avons déjà soulevée à propos de l’νδροληψία, de la situation des métèques athéniens hors d'Athènes. La protection d'Athènes s'étendait-elle sur eux en dehors des limites de l'Attique ?

« La maison d'un proxène athénien, » dit M. Monceaux, « était ouverte non seulement aux citoyens, mais souvent aussi aux métèques d'Athènes.[333] » Malheureusement le texte dont il tire cette conclusion ne nous paraît nullement la comporter : c'est un décret, de 320 environ, conférant le droit de cité au médecin Evénor d'Argos Amphilochicon, déjà proxène, en récompense des soins qu'il avait donnés aux Athéniens, citoyens et métèques, et aussi d'une epidosis d'un talent qu'il venait de faire.[334] Or rien ne dit que ce fût à Argos qu'Evénor eût donné ses soins à des métèques athéniens ; il est bien plus probable que c'était à Athènes même, où il devait être lui-même établi comme métèque. Que les métèques athéniens fussent reçus à l'étranger par les proxènes d'Athènes, nous sommes porté à le croire, mais en reconnaissant que la preuve du fait manque.

En revanche, nous avons la preuve qu'Athènes veillait, d'une façon générale, sur ses métèques, lorsqu'ils se trouvaient à l'étranger pour leurs affaires. Un des décrets rendus en faveur d'Héracleidès de Salamine, dont nous avons déjà parlé, relate le fait suivant : Héracleidès, sur le point de partir d'Héraclée (pontique) pour le Pirée, avait été maltraité par les Héracléotes, qui l'avaient dépouillé de ses voiles. Le Peuple décida que l'on élirait une ambassade qui irait réclamer auprès de Dionysios, tyran d'Héraclée, les voiles d'Héracleidès, et lui enjoindrait de ne plus molester dorénavant les gens de mer se rendant à Athènes.

Il est même certains cas où la protection dont Athènes couvrait ses métèques au dehors était d'une nature plus positive, et leur assurait dans certaines cités étrangères des droits particuliers.

Deux documents épigraphiques de nature très différente vont nous en fournir la preuve. Le premier est un décret athénien du cinquième siècle, qui a été publié et commenté à plusieurs reprises : c'est, comme l’ont montré MM. Koumanoudis et Foucart, un acte additionnel à la convention imposée par Athènes à Chalcis après la soumission de l'Eubée par Périclès en 446/5.[335]

Dans un passage de l'inscription, malheureusement peu clair par suite d'une erreur du lapicide, il est question d'étrangers dont les uns payeront l'impôt à Chalcis comme les Chalcidiens eux-mêmes, tandis que les autres en seront exempts.[336] Or il ne peut s'agir, comme le veut M. Kohler,[337] de clérouques athéniens, qu'on ne désigne jamais, surtout dans un document officiel, par l'expression ξνοι.[338] D'autre part, ce n'est pas, comme l'a cru M. Foucart, du tribut imposé par Athènes à Chalcis qu'il est question, ce tribut étant toujours appelé φόρος, et jamais τλος. Il s'agit donc bien de métèques domiciliés à Chalcis.[339]

Cette sollicitude d'Athènes pour les métèques de Chalcis ne peut s'expliquer que de la façon suivante : les métèques venus de l'Attique devaient y être beaucoup plus nombreux que tous les autres. Il devait se trouver, parmi eux, des citoyens, mais certainement aussi des métèques athéniens, établis provisoirement ou à demeure eu Eubée pour y trafiquer. Or ces métèques chalcidiens, quelle que fût leur origine, qu'ils fussent auparavant citoyens ou métèques en Attique, Athènes, par cet article du traité, les prenait sous sa protection. Elle stipulait que ceux d'entre eux à qui elle avait pu donner l'atélie en jouiraient à Chalcis ; que les autres, s'ils voulaient continuer à payer l'impôt à Athènes, ne le paieraient pas à Chalcis ; et enfin que ceux même qui le paieraient à Chalcis ne pourraient pas être imposés autrement que les Chalcidiens eux-mêmes, autrement dit, qu'ils seraient isotèles.

En réalité, c'était établir à Chalcis, en dehors des clérouques, toute une colonie athénienne : les citoyens et les métèques qui avaient quitté Athènes pour Chalcis restaient citoyens et métèques d'Athènes, et ne devenaient point métèques de Chalcis.

Assurément c'était par un abus de pouvoir qu'Athènes soustrayait ainsi à la juridiction financière de Chalcis toute une classe de personnes, fort nombreuse peut-être. Aussi ne croyons-nous pas que, comme le veut M. de Wilamowitz,[340] Athènes ait obligé toutes les villes tributaires à traiter de la même manière les citoyens et métèques athéniens qui viendraient s'établir chez elles. Cette condition, elle ne dut l'imposer qu'aux villes vaincues et soumises à la suite d'une révolte.

C'est ce que prouve le document dont il nous reste à parler, une inscription de la cité de Corésia, dans l'île de Céos.[341] Dans ce document, qui paraît être un projet de loi soumis à l'approbation du Conseil ou du Peuple, il est question de fêtes comportant des sacrifices et un repas. Or il est stipulé que seuls prendront part à ce repas les citoyens, les personnes que la cité invitera, et les métèques et affranchis qui payent l'impôt à Corésia, κα τος μετοίκους κα τος πελεύθερους σοι τ τλη φέρουσιν ες Κορησίαν.

Cette dernière condition n'a de sens que si l'on admet qu'il y avait alors à Corésia des métèques et des affranchis soumis aux charges financières de la cité, et d'autres qui y échappaient. Or qui pouvaient être ces derniers, sinon des citoyens ou des métèques athéniens qui, établis à Corésia, continuaient à payer l'impôt à Athènes, et qui en revanche étaient soustraits aux charges de Corésia, cité alliée d'Athènes comme Chalcis ? C'est le décret relatif aux Chalcidiens qui rend intelligible pour nous le passage en question de l'inscription de Corésia.

Or cette inscription est certainement, d'après la forme des lettres et l'orthographe, du commencement de la seconde moitié du quatrième siècle.[342] Et une autre inscription de la même époque, bien connue, nous apprend qu'Athènes s'était alors réservée le monopole du commerce de l'ocre rouge que produisait l'île de Céos.[343] On peut donc admettre qu'à la suite de certaines circonstances les Athéniens avaient imposé aux cités de l'île de Céos l'obligation de conférer l'atélie aux citoyens et métèques athéniens qui viendraient s'y établir et qui voudraient continuer à payer l'impôt à Athènes. Et si elle put le faire, à Céos et à Chalcis, ce fut à la suite d'événements identiques : M. Köhler a montré que l'apparition de la première flotte thébaine commandée par Épaminondas, en 364 ou 363, amena la défection de l'île de Céos, qui fut de nouveau soumise par Chabrias[344] : c'est alors sans doute qu'Athènes se fit concéder et le monopole du minium et des privilèges financiers pour les métèques originaires de l'Attique.

Il y eut donc bien en somme, comme le veut M. de Wilamowitz, toute une politique suivie par Athènes vis-à-vis des cités alliées ; mais elle ne l'appliqua que là ou les circonstances lui permirent de le faire, c'est-à-dire quand elle put, à la suite de tentatives de soulèvement réprimées, imposer ses conditions. Assurer le moyen à tous les Athéniens, citoyens ou métèques, de ne point perdre les droits dont ils jouissaient à Athènes, tout en leur permettant d'aller vivre à l'étranger, et, en même temps, sauvegarder les intérêts du trésor public, tel fut le but de cette politique. On peut donc dire qu'Athènes, quand elle le put, ne renonça pas à considérer comme siens ceux même de ses métèques qui la quittaient pour aller s'établir à l'étranger, et qu'elle continua à veiller sur leurs intérêts, au détriment de la cité même où ils avaient trouvé une nouvelle hospitalité.

Enfin une des inscriptions découvertes à l'Amphiaraion d'Oropos, publiée tout récemment, achève de nous montrer la place qu'occupaient les métèques dans l'ensemble du peuple athénien et dans sa vie générale. C'est un décret de l'année 332/1 rendu par le peuple en l'honneur du héros Amphiaraos : on lui décerne une couronne d'or de la valeur de mille drachmes « pour la santé et le salut du peuple athénien, »

………………………….φ' γιέαι

κασωτηρίαι τοδήμου το 'Αθηνα-

ίων καπαίδων καγυναικν κατ-

ν ν τι χώραι πάντων.[345]

Ces derniers mots ne peuvent désigner que les étrangers fixés dans le pays, c'est-à-dire les métèques. Ne montrent-ils pas mieux que tout la vraie situation des métèques athéniens ? Et le soin que prend le peuple de les mentionner à côté des Athéniens, de leurs femmes et de leurs enfants, et de les recommander au dieu comme eux-mêmes, ne prouve-t-il pas une fois de plus que la cité athénienne se composait de deux éléments, distincts, mais liés indissolublement l'un à l'autre ? La protection qu'Athènes assurait à ses métèques, elle ne la leur assurait pas seulement devant les hommes, mais devant les dieux.

 

 

 



[1] Hécub., 291 :

Νόμος δν μν τος τ'κυθροις

σος καὶ τοσι δολοις αματος κεται περὶ.

[2] V, 48 : « ‘O ψφος σον δύναται τ δολον ἀποκτείναντι καὶ τ ἐλεθερον. »

[3] VI, 92 : « 'Αθηναοι δὲ νομοθτηαανκαὶ ὑπερ δολον γραφς βρεως εναι. »

[4] Meier Schömann, 191 et suiv.

[5] Par exemple l'action μισθώσεως οἴκου ; cf. Meier-Schömann, 360.

[6] Aristote-Kenyon, 57 : « Λαγχάνονται δὲ καὶ αἱ τοῦ φόνου δίκαι πάσι πρὸς τοῦτον. »

[7] Ibid. : « Τῶν δ'ἀκουσίων καὶ βουλεύσεως κἀν οἰκέτην ἀποχτείνῃ τις ή μέτοιχσν ἤ ξένον, ἐν τῷ ἐπὶ παλλαδίῳ. » Cf. scol. d'Eschine, II, 87. — C'est donc à tort que Philippi (Der Areopag und die Epheten, p. 52 et suiv.) avait révoqué en doute le témoignage du scoliaste d'Eschine.

[8] Aristote-Kenyon, 43.

[9] On sait ce qu'il faut entendre par ces expressions de meurtre volontaire et involontaire, ἑκούσιος ou ἐκ προνοίας et κούσιος : le premier comprenait non seulement le meurtre commis avec préméditation, mais encore le simple meurtre commis volontairement. D'autre part, le meurtre involontaire était quelque chose de plus que notre homicide par imprudence : ainsi on rangeait dans cette catégorie les meurtres commis dans un instant d'égarement (Dareste, La législation criminelle des Athéniens, Comptes rendus de l'Acad. des Inscr, 1879).

[10] Cf. Thonissen, Droit pénal, 240.

[11] Démosthène, XXIII, 45, d'où il résulte nettement que la confiscation n'était pas prononcée, contrairement à ce que dit Gilbert, I, 363.

[12] Bekk, Anecd., II, 194, 11.

[13] Op. cit., 243.

[14] § 65.

[15] Démosthène, XXIV, 103 et suiv. ; Andocide, I, 73.

[16] XXIII, 89 : « "Εστω ὑπέρ ατο ατ τιμωρία καθάπερ ν τν Άθηναον ποκτείν. »

[17] Bull. corr. hell., XII, 130 ; cf. le décret en l'honneur d'Arybbas, roi des Molosses, C. I. Α., II, 115.

[18] XXI, 47.

[19] I, 16 ; cf. Démosthène, XXI, 45. 46. Sur la question d'authenticité, cf. Meier-Schömann, 305, notes 5G5 et 566. Thonissen admet, d'après Westermann, que les deux fragments sont complètement apocryphes : on peut toutefois en retenir la teneur générale, on laissant de côté les détails de la procédure.

[20] Cf. Lysias, I, 32, et l'explication donnée par Thonissen, 323, pour faire concorder ce texte avec ceux de Démosthène et d'Eschine.

[21] I, 23. L'un des deux personnages mentionnés, Hiemistios d'Aphidna, s'était rendu coupable de viol sur la personne d'une Rhodienne joueuse de cithare ; mais le fait s'était passé aux fêtes d'Éleusis, ce qui avait dû l'aggraver singulièrement ; et peut-être lui avait-on intenté une action, non βρεως, mais σεβείας. — Cette loi, rapportée par Dinarque, est d'ailleurs en contradiction formelle avec la loi attribuée par Plutarque à Solon (Solon, 23), d'après laquelle le ravisseur d'une femme libre, même lorsqu'il lui avait fait violence, n'encourait qu'une amende de cent drachmes. M. Thonissen admet qu'au temps des orateurs la loi de Solon avait cessé d'être en vigueur et remplacée par une loi beaucoup plus sévère (Droit pénal, 322).

[22] Antiphon, VI, 4 : « Εργεσθαι πόλεως, ερν, θυσιν, γώνων, περ μέγιστα καὶ παλαιότατα τοῖς νθρώποις ; cf. Fustel de Coulanges, Cité antique, 231 et suiv.

[23] Dareste, Législation criminelle des Athéniens (Comptes rendus de l'Acad. des sciences mor. et pol. 1879, I, p. 286).

[24] Pol., III, 13 ; cf. Weber, Demosthenis oratio in Aristocratem, 298 (Iéna, 1845).

[25] Pollux, VIII, 41. 50 ; Harpocration, s. v. etc.

[26] Cf. plus loin, liv. I, sect. ii, ch. ix.

[27] XXIII, 82.

[28] Op. cit., 44 et suiv.

[29] Démosthène, XXIII, 69.

[30] Rhetores graeci, IV, 316.

[31] V, 17.

[32] Lyc. c. Léocr., 112.

[33] Op. cit., I, 227.

[34] Andoc., I, 43.

[35] Lysias, III, 33 ; XIII, 25. 27.

[36] Lysias, XIII, 54.

[37] Thucydide, VIII, 92.

[38] Guggenheim (Bedeutung der Folterung) arrive à peu près aux mêmes conclusions (p. 21 et suiv.).

[39] Daremberg-Saglio, s. v.

[40] Lysias, XIII, 56. 67. 68.

[41] Démosthène, XIX, 137.

[42] Aristote-Kenyon, 45.

[43] Lysias. XII, 17.

[44] Aristote-Kenyon, 57 ; le nom même du Prytancion manque dans le texte, niais il faut évidemment l'y rétablir.

[45] Cf. le travail le plus récent sur cette question : Lécrivain, in Daremberg-Saglio, Ephetai. M. Lécrivain admet l'authenticité du § 4 d'Aristote-Kenyon, qui nous paraît, comme à M. Th. Reinach, inadmissible.

[46] § 57, p. 145.

[47] Herwerden-Leeuwen restituent ίιχασταί.

[48] Isocrate, XVIII, 52-54 ; Blass, II, 196.

[49] C. Ι. Α., Ι, 61.

[50] Isocrate, XVIII, 52 ; — Pseudo-Démosthène, XLVII, 59. 67. 70 ; LIX, 9. — Il est vrai, comme le fait remarquer M. Welsing (p. 49), que, dans ces trois cas il s'agit, non d'assassinat, mais de blessures ayant occasionné la mort, crime qui rentrait dans la catégorie des φόνοι ἀκούσιοι. Mais comme Aristote, à propos du Palladion, parle des métèques d'une manière générale et sans faire les distinctions usitées pour les citoyens, il faut en conclure que ce n'est pas la nature de la cause qui dans ces trois cas a détermine la juridiction compétente, mais bien l'état civil de la victime.

[51] Cf. Welsing, op. cit., 50, n. 2.

[52] Xénophon, Hell., II, 4, 38.

[53] C'est ce qui résulte de deux passages de Lysias, XX, 10, et surtout X, 16.

[54] Le passage de la Rép. des Ath. d'Aristote que nous citons un peu plus loin semble même prouver qu'il n'on avait pas le droit (Aristote-Kenyon, 40).

[55] Aristote-Kenyon, 57.

[56] Lysias, XII, 25.

[57] Op. cit., I, 541.

[58] Cette opinion a été déjà soutenue par Grosser, Die Amnestie des Jahres 403 (Minden, 1868) ; nous ne savons sur quels arguments il l'appuie, n'ayant pu nous procurer cet ouvrage.

[59] § 42.

[60] § 62.

[61] Aristote-Kenyon, 40, traduction Th. Reinach.

[62] II, 79, 88.

[63] Pseudo-Démosthène, LIX, 64 et suiv. ; Epaenétos n'était pas un métèque, mais un étranger ; à plus forte raison les métèques devaient-ils jouir du même droit.

[64] Cf. Thonissen, p. 83.

[65] Op. cit., 217.

[66] Aristophane, Chev., 347 et suiv. :

E που δικίδιον επας ε κατ ξένου μετοίκου

τν νύκτα θρυλν καὶ λαλν ν τας δος σεαυτ,

δωρ τε πίνων, καπιδεικνς τος φίλους τ'νιν,

ου δυνατς εναι λέγειν. ’ω μρε τς νοίας.

Il n'y a pas lieu, comme le reconnaît M. Schenkl, de modifier la leçon κατ ξένου μετοίκου, qui n'est nullement une expression inusitée, et d'écrire κατ'προξένου μετοίκου, comme le veut Müller-Strübing (Aristophanes, 612), dont les arguments ne sont nullement convaincants.

[67] Orat. att., II, 375.

[68] Lysias, V, 2.

[69] Ibid., 5.

[70] Ibid., 1.

[71] Fragm. hist. graec, II, 255.

[72] Cf., pour la différence entre les παρεπι&ημοΟντες ξένοι et les métèques, Hist. var., XIII, 6 ; Dittenberger, 246, l. 29, etc.

[73] Des associations religieuses chez les Grecs.

[74] La liberté de conscience à Athènes (Rev. de législat., 1870-1871, p. 341 et suiv.).

[75] Voir les textes réunis dans Meier-Schömann, 370 et suiv. ; — cf. Thonissen, 180 et suiv., et Schömann-Galuski, II, 2, Appendice, 674 et suiv.

[76] C'est ce que dit au fond, avec quelque inexactitude de forme et quelque exagération, E. Renan, Les Apôtres, p. 314.

[77] Foucart, op. cit., 128 ; cf. Maury, Histoire des religions, III, 70 et suiv.

[78] Foucart, op. cit., 131.

[79] X, 3, 18.

[80] Op. cit., 131 et suiv.

[81] Caillemer, Le droit de société à Athènes, p. 11 et suiv.

[82] C. I. Α., II, 168 ; — Foucart, 187 et 128.

[83] Foucart, 130 et suiv.

[84] Renan, Inscription phénicienne et grecque découverte au Pirée (Rev. archéol., 1888, I, 5 et suiv.).

[85] Foucart, 87. — M. G. Lafaye (Histoire du culte des divinités d'Alexandrie, p. 14) pense que jusqu'au quatrième siècle l'autorisation préalable n'était accordée qu'avec une certaine mesure, et que si, dans le décret relatif aux Kitiens, on rappelle l'autorisation accordée aux Égyptiens, c'est que l'orateur a eu besoin d'invoquer un précédent de fraîche date, et peut-être unique. — Il est probable en effet qu'on n'accordait l'autorisation qu'aux groupes importants par leur nombre et leur richesse ; mais nous ne pensons pas qu'il faille attacher autant d'importance à la mention qui est faite du temple d'Isis : elle vient tout à fait à la fin du décret, et ne forme pas un considérant ; c'est sans doute parce qu'elle était la dernière· autorisation accordée qu'on la rappelle.

[86] Voir aussi Cari Schaefer, Die Privatcultgenossenschaften im Peiraieus (Neue Jahrb., CXXI (1880), p. 417-427) ; la plupart des objections qu'il fait à M. Foucart sont d'ailleurs sans valeur.

[87] On sait que ce dernier nom d'Erane s'applique à plusieurs genres de société : on désigne parfois ainsi des associations purement financières, des banques de crédit ou de prêt. Cf. Barrilleau, Inscription de Mykonos sur les constitutions de dot (Bull. corr. hell., VI, 597 et suiv.).

[88] C. I. Α., II, 1, add., 617 b ; — cf. P. Girard, L'Asclépieion d'Athènes, 87 et suiv.

[89] Cf. Hauvette, Bull. corr. hell., VI, 498, et S. Reinach, ibid., VII, 366.

[90] P. Foucart, Décrets d'un thiase d'Aphrodite (Bull. corr. hell., VIII, 515 et suiv.).

[91] Foucart, Associations, 113.

[92] Foucart, Inscriptions de Rhodes (Bull. corr. hell., X, 207 et suiv.) ; cf. Köhler, Hermes, V, 352.

[93] C. I. Α., II, 614.

[94] Eφημ. ρχ., 1883, 244.

[95] Homolle, Les Romains à Délos (Bull. corr. hell., VIII, 112).

[96] C. I. Α., II, 627 ; cf. encore C. Ζ. Α., II, 624.

[97] C. I. Α., II, 3, 1333.

[98] Foucart, Décrets d'un thiase d'Aphrodite (Bull. corr. hell., III, 510 et suiv.).

[99] Foucart, Associations, 148 ; cf. Wescher (Revue archéologique, 1865, II, 226).

[100] Foucart, Bull. corr. hell., III, 510.

[101] Pour ce paragraphe, nous renvoyons une fois pour toutes aux chapitres IX, X, XI, et XIII de Foucart (Associations), auxquels nous ne ferons qu'ajouter quelques traits nouveaux, sans d'ailleurs entrer dans le même détail.

[102] Am. Hauvette, Fouilles de Délos (Bull. corr. hell., VI, 470).

[103] Έφημ. ἀρχ., 1889, 51 = C. Ι. A., IV, p. 190, n· 5281 ; M. Kirchhoff admet, malgré l'emploi de H comme voyelle, à la mode ionienne, que l'inscription est antérieure à Euclide, à cause de la forme constante du sigma.

[104] Pausanias, XX, 1.

[105] Thucydide, I, 126 ; cf. Xénophon, Anab., VII, 8, 4 ; Pausanias, I, 37, 4 ; Plutarque, Thés., 23 ; C. Ι. Α., Ι, 4.

[106] C. Ι. Α., II, 3, 1578 à 1585, et add. 1579 b.

[107] P. Foucart (Bull. corr. hell., VII, 513) ; l'étymologie a été contestée cependant par plusieurs savants allemands, en dernier lieu par Wachsmuth, Die Stadt Athen, II, 146, n. 3.

[108] Harpocration, Σκιρόν ; scol. Aristophane, Plut., 1654.

[109] Cette identification est donnée par le scoliaste de Platon, Rép., I, p. 3.

[110] Platon, Rép., 327 a.

[111] Voir, pour cette partie de la fête, Wecklein, Der Fackelwettlauf (Hermes, XVII, 437 et suiv.).

[112] C. Ι. Α., Ι, 210 k (comptes des trésoriers des dieux autres qu'Athéna).

[113] C. Ι. Α., II, 2, 741 a, 1. 22, et b, 1. 16.

[114] C. Ι. Α., II, 620 ; Fourmont indique comme provenance Salamine, mais le monument vient certainement du Pirée.

[115] C'est sans doute à Bendis qu'il faut rapporter cette dédicace, trouvée, il est vrai, à Athènes, mais d'après Fourmont, dont les renseignements sont si sujets à caution : Βενδιδώρα Ζήνωνος θυγάτηρ εξαμένη νέθηκε τ θε (C. /. Α., II, 3, 1601) ; le nom de Bendidora suffit pour faire reconnaître l'origine thrace de celle qui a fait la dédicace ; cf. ibid., 3145, l'inscription funéraire de Βενδιδώρα Βηρεισάδου.

[116] Suidas, Photius, s. ν. Μετραγρτης.

[117] Plutarque, Nicias, 13.

[118] C. I. Α., II, 3, 1337 ; III, 1, 134 à 137.

[119] Il est probable, du reste, que ce Métrôon du Pirée a dû être élevé à peu près en même temps que celui de la ville ; dans une des inscriptions que nous venons de mentionner, on voit qu'il n'est pas encore achevé ; l'inscription est donc antérieure aux autres de ce groupe, ce qui permet de la dater de la seconde moitié du quatrième siècle (C. I. Α., II, 610). On constate au contraire dans deux décrets datés de 280 environ, que le temple existe alors (C. I. Α., II, 614). Ces décrets d'ailleurs ne sont pas rendus par les Orgéons, mais par un autre thiase, qui consacre à la Mère des Dieux le produit des amendes que ses membres ont à payer. Il s'agit évidemment d'un thiase d'une divinité inconnue, mais plus ou moins analogue à la Mère des Dieux, qui n'avait pu obtenir l'autorisation nécessaire pour se bâtir un temple particulier, et qui avait trouvé asile dans le Métrôon.

[120] C. Ι. Α., II, 622 ; décret en l'honneur de la prêtresse Crateia.

[121] Scol. Juvénal, Sat., II, 92.

[122] Aristophane, frag. 478 ; cf. Cicéron, De leg., II, 15.

[123] Plutarque, Alcib., 18 ; cf. scol. Aristophane, Lysist, 389.

[124] Scol. Aristophane, Ois., 874.

[125] Démosthène, XVIII, 259. 260. — Voir Fr. Lenormant, Sabasius, un des principaux dieux de la religion phrygienne, Paris, 1875.

[126] Théophraste, Caract., XVI, 44 ; XXVII, 48.

[127] Josèphe, Contre Apion, II, 37.

[128] Scol. Démosthène, p. 431, 25.

[129] Έφημ. αρχ., 1883, 244 ; cf. C. /. Α., H, 3, 1326.

[130] Cf. Fougères (Bull. corr. hell., XV, 202), qui confirme cette conjecture d'après une inscription de Délos

[131] Cicéron, De leg., II, 15, 37.

[132] Plutarque, Mor., p. 474, 48 ; Harpocration, Suidas, s. v.

[133] Fragm. orat. graec, II, 426.

[134] Pseudo-Plutarque, Vies des 10 orat. : Hypéride.

[135] Philoch. ap. Harpocration, s. v. Θεωρίς. — Dans tous les cas, il ne faut pas voir là, comme le fait M. Curtius (V, 408), un épisode d'une lutte de Démosthène contre « le parti sacerdotal. »

[136] C. I. Α., II, 3, 1587 ; Bull. corr. hell., IV, 129.

[137] Bull. corr. hell., X, 504.

[138] C. I. A., III, 73.

[139] C. I. Α., II, 168.

[140] Bull. corr. hell., III, 510. — Cette fête doit être rayée de la liste des cultes athéniens, où M. J. Martha avait cru devoir la faire figurer (Les sacerdoces athéniens, 146) ; d'aucun des textes qu'il cite il ne résulte que ce fût une fête athénienne. Le passage de la Paix est une plaisanterie : Trygée promet de célébrer dorénavant, en l'honneur du seul Hermès, s'il l'aide à délivrer la Paix, toutes les fêtes de tous les autres dieux, et il mêle à dessein avec les Panathénées, les Dipolies et les Mystères, une fête barbare. Et de tous les autres textes (Plutarque, Alcib., 18 ; Platon, Phédr., 276 6 ; Aristophane, Lysist., 389), le caractère étranger, non officiel de la fête, ressort nettement.

[141] C. I. Α., II, 3, 1588.

[142] C. I. Α., II, 627.

[143] C. Ι. Α., II. 2, add., 986 b ; comme il n'y a pas d'indication de provenance, nous pensons que la pierre vient d'Athènes, et non du Pirée.

[144] C. I. G., 2271.

[145] C. I. Α., II, 616.

[146] C. Ι. Α., II, 3, 1549 ; la copie la plus ancienne, celle de Pervanoglu, porte διὶ Σωτῆρι ; sur la copie de M. Hirschfeld, Διί a disparu, et M. Köhler propose de restituer Έρμῇ, d'après doux autres dédicaces (I. G. Α., 349 ; C. I. S., 118) qui ont été trouvées au même endroit. Peu importe d'ailleurs, l'Hermès pélasgique étant associé, dans les mystères de Samothrace, aux Cabires, et ayant le même caractère de dieu protecteur de la navigation.

[147] D'après Meineko, il faudrait attribuer au poète comique Ophélion le fragment généralement attribué à Philémon, où un personnage jure par Isis (Frag. poet. com., 517 ; cf. Aristophane Didot, p. 131) ; or Ophélion vivait au commencement du quatrième siècle.

[148] L'inscription est un décret honorifique voté par ce synode en faveur de deux de ses bienfaiteurs ; G. Fougères, Fouilles de Délos (Bull. corr. hell., XIII, 240).

[149] Cf. Lafaye, p. 35.

[150] C. I. Α., II, 3, 1355 ; 1612 ; 1671 ; III, 203.

[151] Pseudo-Plutarque, Vie de Lyc., 33 : « Εἴπε δὲ καὶ περὶ ερν πολλακίς. » Cf. Kuhler, Hermès, V, 352.

[152] Cf. plus loin, liv. II, sect. i, ch. v, § 1.

[153] Ois., 1295. M. Duruy (Hist. des Grecs, III, 174) applique à tort ce passage à l'orateur, et croit qu'il fut surnomme « l’Ibis, ou le destructeur des reptiles, pour la guerre sans merci qu'il fit aux concussionnaires. » !

[154] Frag. poet. com. : Cratinos, 22 ; Phérécr., 9 ; — scol. Aristophane, Ois., 1200.

[155] C'est par une inadvertance assez singulière que M. Lafaye (p. 14, n. 2) a cru lire le nom d'Horos sur une inscription du quatrième siècle provenant du Laurion, et qui n'est autre qu'une borne hypothécaire, βρος εργαστηρίου, etc. (Rhein. Mus., 1869, 476 = C. I. Α., Π, 2, 1122).

[156] C. I. Α., II, 3, 1330.

[157] C. Ι. Α., II, 3, 1572.

[158] C. Ι. Α., II, 3, add., 1572 b.

[159] C. I. Α., III, 285.

[160] Pausanias, VIII, 31. 4.

[161] Voir l'excellent chapitre que consacre à cette question M. Lafaye, 24 et suiv.

[162] Sur la nature et l'importance du culte de Sarapis, cf. Lafaye, 15 et suiv.

[163] C. I. Α., II, 617.

[164] Foucart, Associations, 102.

[165] Op. cit., 34.

[166] Il faut remarquer que tous les noms des éranistes sont bien des noms grecs, mais qu'aucun ne comporte de patronymique ni de démotique ; et encore verrons-nous plus loin (cf. liv. III, sect. i, ch. π) que très souvent les étrangers d'origine barbare traduisaient leurs noms en grec. Il semble donc qu'on soit en présence de métèques plutôt que de citoyens. Ce serait une preuve de plus que le culte était encore pratiqué presque exclusivement par des étrangers.

[167] I, 18, 4.

[168] C. I. Α., II, 3, 1612 ; elle a été trouvée en effet « in ecclesia ad radices arcis septentrionales olim sita ; » cf. Wachsmuth, Die Stadt Athen, I, 223-224.

[169] C. I. Α., II, add. 617 b.

[170] C. Ι. Α., II, 3, 1613.

[171] C. I. Α., II, 3, 1333.

[172] C. Ι. Α., II, 3, add., 1571 c = Έφημ. αρχ., 1884, 69, οίι Η. Mélétopoulos l'attribue à Artémis Munychia.

[173] C. I. Α., II, 3, 1661.

[174] Pausanias, I, 1, 3.

[175] C. I. Α., Ι, 1 b.

[176] C. I. Α.. II, 3, 1610.

[177] Hérodote, V, 66.

[178] C. I. Α., II, 613.

[179] Ce temple offrait donc l'aspect ordinaire des temples grecs ; il est τ rai qu'il ne semble pas qu'il y ait eu, en dehors de l'architecture militaire, d'architecture nationale carienne (Perrot-Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, V, 316 et suiv.). On aimerait à savoir comment étaient construit* les temples d'Isis et d'Astarté ; s'ils n'étaient pas de pur style égyptien et phénicien, du moins ils devaient se rapprocher du type national plus que les temples des divinités orientales en Italie, l'Isium de Pompéi par exemple, que décrit Lafaye, 173 et suiv. — Mais nous laissons de côté à dessein ces questions, de même que les questions topographiques, qui seraient mieux à leur place dans une étude sur le Pirée : nous nous bornerons à renvoyer au volume récent de Curt Wachsmuth (Die Stadt Athen, II, p. 126 et suiv.), oh l'abondance et la sûreté de l'érudition font d'autant plus regretter l'insuffisance de la mise en œuvre.

[180] C. I. G., 124 ; cf. Bull. corr. hell., VIII, 112.

[181] Métam., X, 224.

[182] Il faut dire cependant que, d'après Pausanias (III, 11, 11), Zeus Xénios était adoré à Sparte, en compagnie d'Athéna Xénia, ce qui ne s'accorde guère avec l'hypothèse de l'origine étrangère de ce dieu. Mais il est possible qu'on ait assimilé à ce Zeus Xénios hellénique une divinité étrangère, dont la nature ou même simplement le nom prêtaient à cette confusion.

[183] E. Renan, Inscription bilingue du Pirée (Rev. arch., 1888, I, 5 et suiv.).

[184] Il est intéressant de voir comment, au contact des Athéniens, les scribes sidoniens ont pris les tournures habituelles de leur style épigraphique (et qu'il a fait tout ce qui était de son office à ce sujet…, pour que les Sidoniens sachent, etc.), qui contrastent si fortement avec la sécheresse et la pauvreté ordinaire des inscriptions phéniciennes.

[185] Hesychius, s. v. Φερα ; Pausanias, II, 23, 5. — Quant au θεὸς ξενικός qui figure parmi les divinités auxquelles la cité a fait un emprunt en 423/2 (C. I. Α., I, 273, frag. f, lig. 18), comme c'est la seule mention qui nous soit parvenue de lui, il est impossible d'en rien conclure. Peut-être est-il le même que Zeus Xénios, dont le culte en ce cas remonterait beaucoup plus haut que le second siècle, où nous l'avons constate, et aurait continué à être célébré par un thiase particulier, même après avoir été admis au nombre des cultes de la cité.

[186] Bekker, Anecd., I, 51, 24.

[187] I, 624.

[188] Scol. Dém., c. Lept., 462, 13.

[189] Pausanias, I, 30, 1. Suidas, s. ν. Μέλιτος, raconte l'histoire beaucoup plus longuement et en intervertissant les noms des personnages, mais sans faire mention d'aucun métèque ; il ne parle pas non plus d'un autel, mais simplement d'une statue qui représentait le jeune Timagoras se précipitant.

[190] Cf. plus loin, liv. III, sect. i, ch. ii.

[191] Cité antique, 227 et suiv.

[192] LIX, 85 ; cf. la phrase de Thucydide (II, 39, 1) qui sert d'épigraphe à cet ouvrage.

[193] Hérodote, VI, 81.

[194] Dittenberger, 358.

[195] Dittenberger, 323 ; 376 ; cf. encore Le Bas-Waddington, Asie Mineure, 339 ; Foucart, Inscr. inéd. de l'île de Rhodes, n°60 ; Rayet, Rev. arch., 1874, II, p. 106.

[196] Démosthène, LVII, 48 : « O γὰρ ν δήπου τόν γε ξένον καὶ μέτοικον, οτεοθ' ερωσύνην κληροσθαι. »

[197] Thucydide, II, 15 ; Harpocration, Δημοτελ καὶ δημοτικὰ ερά.

[198] C. I. A., II, 164 ; — Π, 2, 741 ; — Dittenberger, 337.

[199] C. I. Α., IV, 1, p. 4 = C. I. Α.. Ι, 2 ; l'inscription est gravée στοιχήδον.

[200] Op. cit., 254.

[201] Newton-Hicks, 1, 1 ; M. Köhler lisait : « Μ [εναιν Σ] | καμβονι [δν τοσ | ιν] μετοι[κοσι θύ | ει]ν ν γορ[ τ Σκ] | αμβονιδν ; » comment aurait-on pu sacrifier sur l'agora ?

[202] Böckh (C. I. G., 70) a reconnu qu'il s'agit du héros éponyme de la tribu Léontide, dont faisait partie le dème de Scambonides.

[203] Έφημ. αρχ., 1883, 167= C. 1. Α., IV, 2, 35 b ; l'inscription est gravée στοιχήδον ; elle a été commentée par Schöll, Acad. Bavière, 1887, p. 1 et suiv. (Athenische Fest-Commissionen).

[204] Schöll : « Τούτων τ[ν βον, καὶ οἱ], » etc.

[205] Böckh, I, 268 ; C. Ι. Α., Ι, 188 ; II, 2, 741.

[206] C'est ainsi que les choses se passaient pour le triobole de l'Assemblée du peuple, où les retardataires risquaient de ne rien recevoir, une fois que l'on avait épuisé la somme consacrée à ce service (Aristophane, Ass. des femm., 185 et suiv., et 380 et suiv. ; cf. aussi le passage, que nous citons plus loin, du décret relatif aux Panathénées, C. I. Α., II, 163).

[207] Harpocration, Suidas, s. v. Χαλκεα.

[208] Schömann, II, 551. 601. 624.

[209] C. I. Α., II, 163.

[210] Le Bas-Foucart, Mégaride, 1 : « Όπόττοι κα παραγινυ | ώνθη Σιφείων ν τς κοινς θυσίας, ς δαίζοι π | λις, παρχέμεν ατοῖς καθάπερ κῆ τοῖς πολ | ίτης. »

[211] Voir tout le chapitre intitulé De rebus sacris, p. 204 et suiv.

[212] Suidas, Harpocration, Photius, s. ν. Μετοίχιον ; Hesychius, s. v. Σκαφηφόροι.

[213] Bekker, Anecd., I, 304, 27.

[214] Photius, s. v. Σκάφας ; cf. Ammonius, s. v. Ίσοτελής καὶ μέτοικος.

[215] Pollux, III, 55 ; Suidas, Harpocration, Photius, loc. cit. ; pour les poètes comiques, la plaisanterie consistait probablement en ce que le sens ordinaire du mot σκαφεύς était fossoyeur.

[216] Harpocration, Suidas, s. v. Σκαφηφόροι.

[217] Bekker, Anecd., I. 304, 27 : « Σκαφηφορενατη γὰρ ν τν μετοίκων λειτουργία ; » et Ι, 280, 1 : « Μετοίκων λειτουργίαι · α ν τας πομπας σκαφηφορίαι. » etc.

[218] Pollux, III, 57.

[219] Var. hist., VI, 1 : « 'Αθηναοι δὲ βρισαν καὶ ἐκείνην τν βριν * ετυχίας γὰρ λαβόμενοι τν επραγίαν σωφόνως οὐκ νεγχαν. Τς γον παρθένου ; τν μετοίκων σκιαδηφορεν ν τας πομπας νάγκαζον τας αυτν κόραις, τὰς δὲ γυναῖκας τας γυναιξί, τος δὲ νδρας σκαφηφορεν. »

[220] Op. cit., 182.

[221] Ι, 024.

[222] Handbuch, Ι5, § 115.

[223] II, 646. — Aug. Mommsen va plus loin (Heortologie, 180. 196) ; il prétend que dans les repas des dûmes les métèques servaient les citoyens, et que « le peuple souverain s'asseyait à table et se faisait servir pain et gâteaux par les métèques ! »

[224] Harpocration, Suidas, s. v. Κανηφόροι.

[225] Aristote-Kenyon, 18.

[226] Suidas, Άσκοφορεν.

[227] Loc. cit. ; de même Schömann, II, 549.

[228] Harpocration, σκίρον.

[229] C'est ce qu'avait déjà compris Paciaudi, De umbellae gestatione, p. viii (Rome, 1752).

[230] Hesychius, Συστομώτερον σκάφης.

[231] Zenob., V, 95.

[232] Suidas, Συστομώτερον σκάφης.

[233] (Xénophon), Rép. des Athéniens, I, 12 ; — Thucydide, VII, 63, 3 ; — Démosthène, IX, 3.

[234] Ammonius, Ίσοτελς καὶ μέτοικος.

[235] Hesychius, Σκαφηφόροι.

[236] Xénophon, Rev., II, 5.

[237] Photius, Συστομώτερον ακάφης.

[238] Harpocration, Σκαφηφόροι.

[239] Op. cit., 183.

[240] Suidas, Άσκοφορεν ; Bekker, Anecd., I, 214, 3.

[241] Photius, Σκάφας, d'après Ménandre.

[242] Platon, Rép., I, 1.

[243] Foucart, Mémoire sur les colonies athéniennes, p. 382. Cf. C. I. Α., Ι, 31, l. 12-14.

[244] C. I. A., I, 9, pour Erythrées : chaque député aura droit à une part de viande de la valeur d'une drachme ; — et I, 37, l. 44 et suiv. : « Όποσ[ησι πό]λεσι φόρος [τάχθη ἐπὶ τ]ῆς [βουλῆςβο[ν καὶπάγειν ἐς Παναθ]ήναια τὰ με[γάλα] πάσας · πεμπόντων δ[ ν] τ πομτ »

[245] Cf. plus loin, liv. I, sect. ii, ch. viii, § 1.

[246] Michaëlis, Der Parthénon, pi. XII, fig. 13-15.

[247] Harpocration, Σκαφηφόροι = Dinarque, fr. 58.

[248] Harpocration, αγασιχλς ; cf. Hypéride, pr. Euxenipp., 3 ; d'après Hypéride, Agasiclès aurait été réellement citoyen, et n'aurait eu que le tort, étant du dème du Pirée, de se faire inscrire dans celui d'Halimous.

[249] Heortologie, p. 181, note.

[250] Bekker, Anecd., I, 281, 1 ; Schenkl, 208, note 114.

[251] Ass. des femm., 738.

[252] Harpocration, Σκαφηφόροι.

[253] Pl. XIV, fig. 2-15, et 156-163.

[254] Pl. XII, fig. 16-19. On ne peut rien conclure du passage d'Aristophane (Ass, des femm., 730-745) que cite M. Schenkl, et qu'il n'accepte d'ailleurs pas entièrement lui-même.

[255] Beulé, L'Acropole d'Athènes, II, 140 et suiv.

[256] Sur l'Agonistique en général, voir Martin, Cavaliers, 159 et suiv. ; et Daremberg-Saglio, Certamina.

[257] Martin, 218, a montré que cette expression a parfois un sens différent et s'applique à tous les Athéniens, par opposition aux concours où seuls ont droit de prendre part les Cavaliers.

[258] Scol. Aristophane, Nuées, 971 ; Oiseaux, 11.

[259] Martin, 239.

[260] C. I. Α., II, 448 ; 450.

[261] Voir, pour le détail et les textes, Martin, 191.

[262] Bekker, Anecd., I, 257, 13.

[263] C. I. Α., II, 444-448.

[264] Op. cit., 194.

[265] C. I. Α., II, 444-446.

[266] Les noms de vainqueurs conserves ne permettent pas de rien conclure sur leur origine ; mais cela ne prouve rien, vu l'habitude si fréquente chez les métèques barbares de traduire leur nom en grec.

[267] Martin, 292.

[268] La quatrième des fêtes en l'honneur de Dionysos, les Anthestéries, ne comportait pas de concours dramatiques : Hermann-Müller, Bühnenalt, 309.

[269] Scol. Aristophane, Plut., 953 ; les objections que fait à ce sujet Hemsterhuis (p. 594, Didot) n'ont aucune valeur. A Délos, qui a copié Athènes sur tant de points, les métèques participent à la chorégie aux fêtes de Dionysos, et en sont exclus à celles d'Apollon : Bull. corr. hell., VII, 104 et suiv.

[270] 462, 13.

[271] Lysias, XII, 20.

[272] On sait qu'au cinquième siècle il n'y avait que trois chorèges pour la comédie, comme pour la tragédie. C'est à la transformation de la comédie au début du quatrième siècle qu'est due l'augmentation du nombre des chorèges ; cf. J. Girard (Daremberg-Saglio, Dionysia, p. 243).

[273] Aristote-Kenyon, 56 ; cf. Démosthène, XXI, 13.

[274] Ibid., 57.

[275] Op. cit., 191.

[276] Acharn., 504 et suiv.

[277] Plutarque, Phoc, 30. Ce nombre tout à fait inusité de choreutes rend d'ailleurs l'anecdote des plus suspectes.

[278] C'est aussi l'avis de M. Thumser, Untersuchungen, 59, note 53.

[279] C. I. A., II, 3, 1250. 1280.

[280] C. I. A., II, 3, 1254. 1257. 1260. 1263. 1281-1283.

[281] C. I. A., II, 3, 1235-1247. 1249. 1251-1253. 1255-1256. 1258. 1259. 1267. 1268.

[282] Bull. corr. hell., VI, 521.

[283] C. I. A., II, 2, 804 a, 1. 72-81.

[284] Op. cit., 183.

[285] Démosthène, XXI, 15.

[286] Untersuchungen, 57 et suiv.

[287] Sur la liste de lampadéphores publiée dans l’Έφημ. ρχ., 1891, 59, ne figurent que des noms de citoyens.

[288] Op. cit., 190.

[289] Scol. Démosthène, p. 462, 13 : « 'Αλέξανδρος μὲν ξηγομενς φησιν τι ἔδει πανηγυριζοσης τς πόλεως μήτε τος ξένους μήτε τος μετοίκους πορρωτατ τν πολαύσεων καθεστάναι * χορήγουν τοίνυν καὶ ατοί δηλονότι καὶ εστίων λλήλους, να μηδες μοιρος κατὰ τν πόλιν τς μετουσίας τν ορτν. »

[290] Voir les textes dans Fr. Lenormant et E. Pottier (Daremberg-Saglio, Eleusinia, p. 556).

[291] P. Foucart, Le culte de Pluton dans la religion Eleusinienne (Bull. corr. Hell., VII, 387 et suiv ; C. I. Α., Π, 2, add., 834 b, col. B, l. 71).

[292] Pseudo-Démosthène, LIX, 21.

[293] Fustel de Coulanges, Cité antique, 127.

[294] Démosthène, LVII, 48 : « Ο γὰρ ἄν δήπου τος γε ξένον καὶ μέτοιχονοτ' ρχς ρχειν οθ' ερωσύνην κληροσθαι. »

[295] IV, 105 : « Δεινν γούμενοι τος πολλος πό τος λίγοις εναι, καὶ τρς τας οσίαις νδεεστέρους, τ δ'λλα μηδν χείρους ντας, πελανεσθαι τν ρχν, τι δ κοινς τς πατρίδος οσης τος μν τυραννεν, τος δὲ μετοικεν, καὶ φύσει πολίτας ντας νμ τς πολιτείας ποστερεσθαι. »

[296] Lucien, XLIV, 32.

[297] Lysias, XIII, 73. 76 : « Οὐκ ν 'Αθηναος καὶ ἐδίκαζε καὶ ξεχλησίαζε. »

[298] Il est à peine besoin de relever l'erreur de Sainte-Croix, qui admettait que les métèques avaient dans les Assemblées voix consultative (p. 196 ; cf. 193). Ni Lysias, ni Dinarque, dont il cite l'exemple, n'ont jamais prononcé eux-mêmes devant une Assemblée les discours politiques qu'ils ont composés.

[299] Thucydide, VIII, 73 : « Tοῦς Παρλους, νδρας 'Αθηναίους τε καὶ λευθέρους πάντας ἐν τ νη πλέοντας. »

[300] Harpocration, s. v. Πάραλος.

[301] Cf. p. 86.

[302] C. I. Α., II, 2, 941-944. Cf. Hubert, De arbitris atticis et privatis et publicis, p. 31.

[303] Pseudo-Démosthène, XXXIV, 18.

[304] Daremberg-Saglio, Diaitétai, p. 129 ; — cf. Hubert, p. 9.

[305] C'est ce qui résulte, comme le remarque Frohberger, des expressions mêmes de Lysias : « Κόνωνος βουλομένου πέμπειν τιν εἰς Σικελίαν. »

[306] Lysias, XIX, 19 et suiv. : « Βουλομένου, κτλ., χετο (Aristocrates) ποστς μετ Ενμου καὶ Λυσίου, φίλου ντος καὶ ξένου, τ πλθος τ μέτερον πλείστα γαθ πεποιηκτος, ς γ ἀκήκοα τν ἐν Πειραε τν παραγενομένων. — Depuis Sauppe, on fait en général à ce texte, qui est en effet corrompu, une correction qui a pour résultat d'en faire disparaître le nom de Lysias : on le remplace par celui de Denys (μετ Ενμου, Διονυσίου φίλου ντος καὶ ξένου) qui semble en effet indispensable, car on ne voit pas à quoi pourrait se rapporter φίλου et ξένου. Seulement, il nous paraît absolument arbitraire de supprimer ainsi le nom de Lysias et d'appliquer à Eunomos, dont nous connaissons si peu le rôle (Isocrate, XV, 93), le membre de phrase suivant. Au contraire, cet éloge de Lysias, placé par l'orateur lui-même dans la bouche d'Aristocrates, s'explique fort bien : mal récompensé des services qu'il avait rendus à la démocratie, il avait la faiblesse bien excusable de saisir toutes les occasions de les rappeler aux Athéniens. Et puis, n'est-il pas plus naturel d'attribuer ces relations d'hospitalité avec Denys à Lysias, dont le père était Syracusain, qu'à Eunomos ? Il est vrai que, quelques années plus tard, l'orateur attaqua furieusement, dans son discours Olympique, cet« ami. » Mais c'est que précisément il avait pu constater, pendant son séjour à Syracuse, le triste état de son ancienne patrie, qui avait dû blesser profondément ses sentiments démocratiques. — Il y a un moyen bien simple de rendre le texte plus correct et plus intelligible : c'est d'ajouter Διονυσί immédiatement après le nom de Lysias (καὶ Λυσίου, Διονυσί φίλου ντος καὶ ξένου). C'est d'ailleurs la correction qu'a déjà proposée Kayser.

[307] Plutarque, Phoc, 27 ; — Diogène Laërce, IV, 2, 8. 9.

[308] Plutarque, Démétr., 46 ; cf. Droysen, II, 587.

[309] Cf. Caillemer, in Daremberg-Saglio, Diadoseis.

[310] Scol. Aristophane, Guêpes, 718.

[311] Sainte-Croix admettait, d'après un passage de Lucien, que les métèques participaient aux distributions faites aux Athéniens, chacun d’eux recevant la moitié de la part d'un citoyen (Op. cit., 184 ; Lucien, Vœu, ou Navire, 24). Mais, outre qu'il est plus que douteux qu'il existât encore des métèques au temps de Lucien, le contexte montre que l'assertion de l'écrivain ne repose sur aucun fondement historique : un des personnages du dialogue, Adimantos, parle seulement des largesses qu'il ferait s'il était riche.

[312] C. I. A., I, 31 b ; cf. Foucart, Mémoire sur les colonies athéniennes, 335.

[313] Diodore. XII, 1.

[314] Suidas, s. ν. Λυσίας : « Λυσίας… ς θούριους χετο σν δελφος δύο, κοινωνήσων τῆς ποικίας. »

[315] Pseudo-Plutarque, Vie de Lys., 3 : « Κακε διέμεινε… κτησάμενος τ’οἰκίαν καὶ κλήρου λακὼν πολιτεύσατο. »

[316] Ajoutons que Kephalos et ses fils étaient très probablement isotèles.

[317] Curtius, III, 251.

[318] C. I. Α., II, 73.

[319] C. Ι. Α., III, 10. 648, etc.

[320] C. I. A, II, 73, I. 10 : « Τν δὲ μισθοφορίαν εναι ατι… »

[321] Ibid., l. 20 et suiv. : « Πρυτάνεσι… γνώμην ξυμβάλλεσθαι τς βολς εἰς τὸν δμον, τι δοκε τι βολι, εναι τγ κηρυκείαν Φιλοκλε. »

[322] On sait que cette charge de médecin public était une véritable charge officielle, puisque ces médecins étaient choisis par une Assemblée spéciale : cf. P. Girard (Asclépieion, 83 et suiv.), qui donne la bibliographie antérieure. — Pour Phidias, C. I. Α., II, 1, add. nov., 250 h.

[323] Plutarque, Mor., I, 291 ; Pollux, IX, 32.

[324] Plutarque, Alcib., 5 ; les erreurs de détail commises par Plutarque ne doivent pas faire rejeter le récit même (cf. Aristote-Kenyon, 47, qui montre que la scène devait se passer au local du Conseil et non sur l'agora, devant les polètes et non devant les archontes).

[325] Scol. Démosthène, c. Mid., 568, 7 ; cf. Pseudo-Démosthène, LIX, 27.

[326] C. Ι. Α., II, 2, 834 ; add. 834 b, pass. Pour la façon dont se faisaient les adjudications de travaux publics, cf. Böckh, I, 258.

[327] P. Foucart, Les fortifications du Pirée (Bull. corr. hell., II, 129 et suiv.). — Quant aux μισθωτοί Mégariens qui figurent dans les comptes de construction du portique de Philon à Éleusis (C. I. Α., II, 2, 834 c, l. 28. 45. 46. 59) nous ne croyons pas qu'il faille voir en eux des entrepreneurs, μισθωτός, travailleur loué à la journée, ayant un sens différent de celui de μισθτης.

[328] C. Ι. Α., I, 324 a, col. 1, l. 47-48 ; c, col. 2, l. 18-19.

[329] Έφημ. ρχ., 1891, 71. — Oropos dépend à ce moment d'Athènes : l'inscription date probablement de la fin du quatrième siècle.

[330] Le Bas-Foucart, Mégaride, 157 ; — C. I. G., 226G, l. 18.

[331] Rev., II, 7.

[332] Hauvette, Les stratèges athéniens, 128.

[333] Proxénies grecques, 107.

[334] C. I. Α., II, 187 ; cf. 186. Le décret qui lui confère la proxénie ne mentionne pas, il est vrai, l'invitation ordinaire au Prytanée ; mais Evénor pouvait être absent en ce moment. S'il avait réellement habité Argos, on ne voit pas bien comment il y aurait eu tant d'occasions de soigner des citoyens et des métèques athéniens. Enfin, dans ce cas, un des considérants du premier décret (παντα σα προσέταξεν ατ δμος 'Αθηναίων καὶ διά καὶ κοινεῖ ἐπιμλεται) ne s'expliquerait pas.

[335] C. Ι. Α., IV, 27 a ; — Koumanoudis, Άβηναΐον, V, 76 ; — P. Foucart, Mélanges d'épigraphie grecque, 5.

[336] Nous admettons la restitution de MM. Köhler et Kirchhoff : « Τος δὲ ξένους τος ἐν Χαλκίδι οἰκοντας, σοι μν τελοσιν Άθήναζε καὶ ἐὶ τῷ δέδοται ὑπὸ το δήμου το 'Αθηναίων ατέλεια [άτελες εναι, ou plutôt, comme le propose M. Schenkl, μ τελεν], τος δὲ λλους τελεν ς Χαλκίδα καθάπερ οἱ λλοι Χαλκίδες. »

[337] Mittheil., Ι, 192 ; de même Kirchhoff, C. I. Α., loc. cit., et Dittenberger, 10, n. 15.

[338] Foucart, Mémoire sur les colonies athéniennes, 363.

[339] M. Schenkl (p. 194 et suiv.) l'a reconnu, mais en restreignant trop le sens et la portée de cette clause.

[340] Philolog. Unters., I, Aus Kydathen, p. 36. 87.

[341] Dittenberger, 348.

[342] Voir le texte épigraphique dans Rhangabé, 821.

[343] C. I. Α., II, 546.

[344] Mittheil., II, 142.

[345] Έφημ. ρχ., 1891, 82.