JACQUES CŒUR ET CHARLES VII - OU LA FRANCE AU XVe SIÈCLE

TOME PREMIER

 

CHAPITRE V.

 

 

Jacques Cœur est nommé argentier du roi. — Il est anobli par lettres du mois d'avril 1440. — Sa participation à la révision des statuts de la draperie de Bourges ; son commerce. — Jean de Village, son neveu, est envoyé en ambassade dans le Levant. — Réponse du soudan d'Égypte à Charles VII. — Fondation de l'influence française en Orient. — L'importation des dindons en France est attribuée à Jacques Cœur. — Il exploite des mines d'argent, de cuivre et de plomb dans le Lyonnais. — Erreur des historiens au sujet des avantages qu'il en aurait retirés. Population de la France au quatorzième et au quinzième siècle. — La peste de 1348. — Celle de 1428 en Provence. — Beaucoup de villes étaient plus peuplées à cette époque qu'aujourd'hui. — Projet de budget des recettes et des dépenses du royaume attribué à Jacques Cœur. — Description géographique de la France au quinzième siècle par un auteur contemporain. — Jacques Cœur est chargé de l'installation du nouveau parlement du Languedoc. — Tous les ans, de 1444 à 1450, il est nommé commissaire du roi aux États de cette province. — Les États lui allouent des indemnités considérables. — Il fait partie, en 1446, d'une ambassade ayant pour objet de réclamer l'annexion de Gènes à la France. — Motifs qui s'opposent à cc résultat. — Lettre de Janus de Campofregoso à Jacques Cœur. — Il est nommé ambassadeur auprès du duc de Savoie dans le but de faire cesser le schisme qui divisait l'Église. — Détails relatifs aux affaires de l'Église sous Charles VII. — La pragmatique sanction. — Instructions remises à l'ambassade dont Jacques Cœur fait partie. — Il est envoyé en ambassade auprès du pape. — Entrée solennelle dans Rome. — Les ambassadeurs déterminent le pape à un accommodement qui met fin à toutes les difficultés concernant les affaires de l'Église. — Heureuse influence et habileté de Charles VII dans ces négociations.

 

Pendant que, grâce l'administration réparatrice de Charles VII, la France se relevait peu à peu de ses ruines, Jacques Cœur, chargé tout à la fois de la fabrication des monnaies à Paris et à Bourges, et entretenant avec les ports du Levant, de l'Italie, de la Catalogne et de l'Angleterre, des relations dont chaque année voyait sans doute s'accroître l'importance, posait les hases d'une immense fortune. D'un autre côté, lorsque la perception des impôts fin enfin redevenue régulière et que le roi put appliquer aux dépenses de sa maison une partie des revenus du Domaine si longtemps absorbés et au delà par les frais de la guerre, il rétablit la charge  d'argentier et en confia les fonctions à Jacques Cœur, qui y trouva sans doute la source de nouveaux profits. Ces fonctions ne conféraient pas, d'ailleurs, comme l'ont pensé quelques historiens, la direction des finances publiques. Les attributions de l'argentier consistaient à recevoir tous les ans des trésoriers généraux une certaine somme affectée aux dépenses de la maison royale et dont il devait faire connaître l'emploi à la chambre des comptes. Un des prédécesseurs de Jacques Cœur dans ces fonctions touchait, au quatorzième siècle, quatre cents livres pour ses gages[1]. Mais, indépendamment d'autres avantages qui y étaient peut-être attachés, la charge d'argentier procurait à Jacques Cœur celui de vivre à la cour et le mettait sans doute à même d'obtenir, pour son commerce avec le Levant, des facilités, des privilèges dont il ne manquait pas de tirer profit. Il est à croire en outre que Charles VII avait quelquefois recours aux richesses de son argentier pour faire face à des dépenses urgentes. Reconnaissant des services qu'il en avait reçus, « tant en sa charge d'argentier qu'autrement, et en considération de ses mérites », il lui accorda, au mois d'avril 1440, des lettres d'anoblissement, ainsi qu'à Marie de Léodepart, sa femme, et à leurs enfants[2].

De leur côté, les compatriotes de Jacques Cœur s'adressaient à lui pour faire sanctionner par le gouvernement les mesures qu'ils croyaient utiles à leur contrée. On a vu que la fabrication de la draperie avait été fort eu honneur à Bourges antérieurement au quinzième siècle. Plus tard, les fabricants de Rouen surpassèrent ceux du Berry. Pour combattre cette rivalité redoutable, les fabricants de Bourges crurent qu'il suffirait de soumettre leurs statuts à une révision rigoureuse. Au mois de juillet 1443, Charles VII chargea quelques personnes, au nombre desquelles figuraient l'archevêque de Vienne et Jacques Cœur, de préparer de nouveaux statuts pour la draperie de Bourges. Le roi espérait ainsi accroître en biens temporels sa ville de Bourges, qui est située et assise loing de port de mer, et de grosse rivière ou fleuve portant grand navire, et qui, à l'occasion des guerres, était dépeuplée et désolée. La commission se rendit à Bourges, entendit les maîtres drapiers, et rédigea des statuts où toutes les parties de la fabrication étaient réglées, les méthodes de teinture déterminées, et qui semblent avoir servi de modèle aux statuts analogues du dix-septième siècle[3]. Mais on ne supplée pas par des règlements au désavantage des lieux, et, bien que les statuts nouveaux portassent défense de vendre dans le Berry les draperies de la Normandie, la draperie de Bourges ne se releva pas de son infériorité.

On a déjà vu le portrait qu'un contemporain de Jacques Cœur a laissé de lui : C'était, dit-il, un homme sans littérature, mais d'un esprit infini, et très ouvert, très industrieux pour tout ce qui concernait les affaires[4]. — Le premier en France, dans le quinzième siècle, dit le même historien[5], il fit construire et équipa des navires qui transportèrent en Afrique et en Orient des draps et autres marchandises du royaume. A leur retour, ses navires rapportaient de l'Égypte et du Levant diverses étoffes de soie et toutes sortes d'épices. Arrivés en France, quelques-uns de ces navires remontaient le Rhône, tandis que d'autres allaient approvisionner la Catalogne et les provinces voisines, disputant par ce moyen aux Vénitiens, aux Génois et aux Catalans une branche de trafic qu'ils avaient seuls exploitée jusqu'alors. C'est ainsi qu'il acquit, par son industrie et par ses opérations maritimes, des richesses prodigieuses.

Pour suivre et surveiller ces opérations, Jacques Cœur avait des représentants dans diverses villes de l'intérieur et dans toutes celles où abordaient ses navires. Suivant un contemporain, il ne comptait pas moins de trois cents facteurs ou employés. Les principaux étaient Jean de Village, qui avait épousé Perrette Cœur, nièce de l'argentier, et Guillaume de Varye[6]. Jean de Village représentait Jacques Cœur à Marseille, où celui-ci avait acheté une belle maison, ainsi que des droits de bourgeoisie et des franchises qui lui permettaient de faire, avec exemption de taxes auxquelles étaient soumis les étrangers, des expéditions importantes[7].

Cependant, Charles VII avilit accordé à Jacques Cœur pour son commerce, tant en France qu'à l'extérieur, des facilités et des privilèges qui provoquaient à juste titre la jalousie des autres marchands. Ceux-ci se plaignaient de ne pouvoir rien gagner à cause d'icelui Jacquet. D'après un écrivain de l'époque, il faisait vendre à l'hostel du Roy toutes sortes de marchandises de quoy corps d'homme pouvoit s'imaginer[8]. Ces marchandises étaient principalement des draps de soie, du velours, des fourrures, des armes. Un fragment de l'inventaire de ses papiers fournit, à ce sujet, des renseignements authentiques. Diverses obligations dont cet inventaire donne le détail constatèrent qu'il lui était dû, en 1451 :

Par le sieur de Chabannes, le prix non spécifié d'une brigandine de velours sur velours ;

Par un varlet de fourrure du roi, le prix de 30 aunes de chanevay, pour faire trois paillasses ;

Par le roi, pour présent fait à messire Hugues de Villefranche, chevalier, le prix de 12 aunes de velours plein noir ;

Par le roi, le prix de deux harnois complets à armes, dont il avait fait présent à Guillaume Gouppil et à Jean Debroc, écuyers[9].

Outre son commerce- à l'intérieur, Jacques Cœur faisait aussi vendre certaines marchandises clans les pays étrangers. Un document officiel fournit la preuve que, pendant les trêves avec l'Angleterre, c'est-à-dire de 1444 à 1448, Guillaume de Varye y avait, envoyé quelqu'un, pour les besongnes de Jacques Cuer avec certaines martres, draps d'or et autres choses, pour les vendre audit pays[10].

Jusqu'à cette époque, la France n'avait entretenu avec le Levant que des relations sans importance. Grâce à Jacques Cœur, elle allait enfin être appelée à disputer désormais aux Génois, aux Vénitiens, aux Marseillais et aux Catalans une partie des bénéfices que procurait ce commerce. A la vérité, grâce à l'avidité des agents du soudan et des préjugés de son gouvernement contre les Francs, ces relations se trouvaient alors soumises à des vicissitudes sans cesse renaissantes, et elles étaient fréquemment interrompues par les exigences des autorités musulmanes. Les Vénitiens eux-mêmes furent, en 1442, les victimes de cette intolérance. On ne sait sous quel prétexte le soudan les chassa de ses États et confisqua leurs biens. Quelque temps après, il est vrai, l'interdit qui les avait frappés fut levé par l'intervention des facteurs de Jacques Cœur[11]. Dans le but sans doute d'épargner pour l'avenir de semblables avanies à la France, Jacques Cœur profita de son influence sur Charles VII pour le décider à envoyer au soudan d'Égypte un ambassadeur muni de quelques présents, et il obtint que cette mission fut confiée à son neveu, Jean de Village. Un chroniqueur contemporain a reproduit la lettre suivante, que celui-ci, de retour de sa mission, remit au roi de la part du soudan :

Ton ambassadeur, homme d'honneur, gentilhomme, lequel tu nommes Jehan Villaige, est venu à la mienne Porte-Saincte et m'a présenté tes lettres avec le présent que tu m'as mandé, et je l'ay receu, et ce que tu m'as escript que tu veulx de moy je l'ay faict. Et sy ay faict une paix à tous tes marchands pour tous mes pays et ports de la marine, ainsy que ton ambassadeur m'a sceu demander... et sy mande à tous les seigneurs de mes terres, et par spécial au seigneur d'Alexandrie, qu'il fasse bonne compaignie à tous les marchands de ta terre, et sur tous les aultres ayant liberté en mon pays, et qu'il leur soit faict honneur et plaisir, et quand sera venu le consul de ton pays, il sera à la faveur des aultres consaux bien haut... Sy te mande par ledit ambassadeur un présent, c'est à sçavoir du baume fin de nostre saincte vigne, un bel liépart, trois escuelles de porcelaine de Sinan, deux grands plats ouvrés de porcelaine, deux bouquets de porcelaine, un lavoir-ès-mains et un garde-à-manger de porcelaine ouvré ; une jatte de fin gingembre vert, une jatte de noyaulx d'amandes[12], une jatte de poivre vert, des amandes et cinquante livres de nostre fin bamouguet[13] ; un quintal de sucre fin. Dieu te mène à bon sauvement, Charles, Roy de France[14].

La mission de Jean de Village avait donc été couronnée d'un succès complet, car il avait obtenu notamment, et c'était alors un point important, que les consuls français seraient désormais traités dans les États du soudan sur le pied de ceux des nations les plus favorisées. Ainsi, Jacques Cœur fonda par cette mission, décidée sans aucun doute sur sa demande, l'influence française clans le Levant. Si cette influence fut d'abord particulièrement utile à ses intérêts ; si, par la suite, elle fut souvent attaquée, elle n'en a pas moins toujours été, depuis cette époque, un des titres d'honneur de la France, et, pour le commerce, une occasion continuelle de bénéfices. En même temps, les agents qu'il entretenait dans le Levant se rendaient utiles aux chevaliers de Rhodes, pour lesquels ils négocièrent en 1445 un traité avec le soudan d'Égypte. Grâce aux sauf-conduits qu'il avait pour le commerce de son maître, un de ces agents transporta à Alexandrie un représentant de l'Ordre. Plus tard enfin, le 8 février 1446, le grand-maître de l'Ordre enjoignait par une bulle à deux de ses receveurs en Provence, de payer à Jacques Cœur les frais qui lui étaient dus pour ce voyage et pour le transport d'un grand nombre d'esclaves chrétiens et.de prisonniers qu'il avait ramenés d'Alexandrie[15].

Indépendamment du commerce qu'il faisait avec le Levant, des étoffes, des armures et des denrées -étrangères de toutes sortes dont il fournissait le roi, la Cour, et dont il avait des entrepôts à Marseille, à Montpellier, à Tours, à Bourges et dans les principales villes du royaume, Jacques Cœur avait été amené, en sa qualité de maître des Monnaies de Paris et de Bourges, à exploiter diverses mines d'argent, de plomb et de cuivre, situées aux envi-Tons de Tarare et de Lyon. Une ordonnance de 1415, renouvelée en 1437, portait que la dixième partie du produit net des mines appartenait au roi, à l'exclusion des seigneurs qui avaient voulu se l'attribuer. Les mines dont Jacques Cœur avait entrepris l'exploitation étaient : 1° celles de Saint-Pierre-la-Pallu, dans le territoire du bourg de Saint-Bel, à trois lieues de Lyon et à une demi-lieue de la grande route du Bourbonnais ; elles contenaient un peu d'argent, du fer, du kis et beaucoup de pyrites ; 2° celles de Cheissy, à très-peu de distance de Saint-Bel, contenant du cuivre ; 3° enfin, celles de Jos-sur-Tarare, à cinq lieues de Lyon, clans lesquelles l'on trouvait un peu d'argent, et principalement du plomb. On croyait que ces mines avaient été autrefois exploitées par les Romains ; celles de Jos-sur-Tarare avaient même, disait-on, donné de l'or, mais d'un titre assez bas et d'une extraction difficile, ce qui les avait fait abandonner[16]. Les contemporains de Jacques Cœur ont supposé que l'exploitation de ces diverses' mines avait été l'origine de ses grands biens. On ajoutait que, sans le bail de la Monnaie, il n'en oust tiré si grand prouffit. Des pièces authentiques permettent aujourd'hui de réduire à leur juste valeur ces appréciations. Après la condamnation de Jacques Cœur, le roi s'empara des mines de son argentier et les mit en régie. Or, les comptes officiels qui ont été conservés de cette gestion depuis le 1er février 1454 jusqu'au dernier jour de février 1455 constatent que, pendant ces treize mois, la recette, tant de l'argent, du plomb et du cuivre que de diverses dépendances des mines, s'était élevée à 16.563 livres, sans compter environ 2.000 quintaux de plomb, et que les dépenses d'exploitation et de réparations avaient excédé les recettes de près de 2.200 livres. Enfin, l'exploitation de ces mines ayant été, après cet essai, confiée à un entrepreneur, dans l'espoir sans doute que l'on arriverait à de plus heureux résultats, celui-ci renonça bientôt après à son bail et l'on fut obligé de pourvoir à son remplacement[17].

Ce n'est donc point aux mines du Lyonnais que Jacques Cœur fut redevable de sa fortune. Tout porte à croire, au contraire, que s'il ne les avait pas abandonnées lui-même, c'est à cause de l'espèce de prestige qui s'attachait à cette exploitation. Peut-être se flattait-il de l'espoir, ordinaire en pareil cas, d'arriver avec le temps à des résultats plus fructueux. D'un autre côté, l'ordre qui se raffermissait de jour en jour, la prospérité renaissante des campagnes, l'augmentation de la richesse et celle de la population qui en étaient la suite, permettaient sans doute à Jacques Cœur d'étendre chaque année ses spéculations, et, dans l'immense mouvement de ses affaires, la perte que lui occasionnaient probablement les mines du Lyonnais était un fait sans conséquence.

Relativement à la population de la France au quinzième siècle, aucun document contemporain ne permet d'en faire l'évaluation, même approximative. Une étude approfondie' sur le chiffre qu'elle avait d ô atteindre pendant le siècle précédent. a, il est vrai, donné des résultats inattendus. D'après un manuscrit du temps[18], on comptait en France, en 1328, dans les seules terres dépendantes de la couronne et sujettes à l'impôt des aides, 2.564.837 feux. Comme ces terres représentaient à peine le tiers de l'étendue de la France actuelle[19], le nombre de feux qui pouvaient exister à cette époque dans la partie de territoire dont elle se compose a été évalué à 7.694.511. Or, même en ne comptant en moyenne que quatre personnes et demie par feu ou famille, bien que la moyenne généralement adoptée soit de cinq personnes, on a trouvé que ce territoire devait renfermer une population de plus de trente-cinq millions d'habitants.

Il faut ajouter à ce nombre, dit un savant académicien, les vilains qui possédaient au-dessous de dix livres parisis et les serfs qui ne furent point comptés. Et l'on sait qu'alors, malgré l'affranchissement des communes, il y avait encore  beaucoup de -familles qui n'avaient pas acquis la liberté. On doit en outre y joindre un clergé composé d'une multitude immense d'ecclésiastiques et de personnes religieuses des deux sexes, les universités, le corps entier de la noblesse, tous exempts de subsides, et certes, ou sera stupéfait de l'énorme population de la France à cette époque et de la diminution de l'espèce humaine depuis environ cinq siècles... Il est hors de doute que les cent seize années de guerre d'extermination que se firent les Français et les Anglais depuis 1336 jusqu'en 1452, plus l'interruption de la culture causée par ces guerres et les ravages des compagnies de brigands armés qui occupèrent le pays pendant un siècle tout entier enlevèrent une grande partie de la population française. Nous pensons qu'elle se releva dans la dernière moitié du quinzième siècle et les soixante-dix premières années du seizième ; qu'elle s'affaiblit de nouveau dans les guerres de religion, sous le règne de Louis XIV par la révocation de l'édit de Nantes et la guerre de succession, et qu'enfin c'est depuis la régence jusqu'à nos jours que la population est dans un état de progression constante....[20]

Aux causes de dépopulation qui viennent d'être signalées, il faut ajouter une peste terrible qui dévasta l'Europe en 1348. Un auteur contemporain, Symon de Covino, a décrit dans un poème latin les effets de cette épidémie, à l'occasion de laquelle les populations se soulevèrent une fois de plus contre les juifs, et qui donna naissance à la secte des flagellants. Quelque éloignés que soient les souvenirs gardés par les vieux livres, dit Symon de Covino, jamais l'espèce humaine n'a souffert pareille ruine ; jamais peste aussi formidable n'a été répandue en tant de lieux, n'a régné durant tant d'années. Pendant qu'elle ravageait les peuples du Midi et de l'Orient, les nations occidentales et les froides contrées du Nord se confiaient vainement dans la grande pureté de leur atmosphère... Le nombre des personnes ensevelies fut plus grand que le nombre même des vivants. Les villes sont dépeuplées ; mille maisons sont fermées à clef ; mille ont leurs portes ouvertes, vides d'habitants, et sont remplies de pourriture. D'autres auteurs contemporains ont estimé que la peste de 1348 avait emporté un quart de la population de l'Europe[21].

Quatre-vingts ans plus tard, en 1428, une nouvelle peste désolait la Provence. A cette occasion, le Conseil de ville de Draguignan constata que déjà neuf mille habitants avaient émigré[22]. Cependant, la population de Draguignan n'excède pas aujourd'hui ce nombre. Quel en était clone le chiffre à une époque où la crainte de la peste en chassait neuf mille habitants ?

Enfin, au commencement du quinzième siècle, la population de Rouen fut évaluée à deux cent cinquante mille habitants par quelques historiens, et à quatre cent vingt mille par d'autres. Dans tous les cas, cette population devait être considérable, car, d'après un chroniqueur contemporain[23], une famine y enleva, vers cette époque, cinquante mille âmes. Elle est actuellement de près de cent mille habitants. Environ cent ans plus tard, la ville de Dieppe dont la prospérité, arrivée à sou apogée, commençait pourtant à décliner, passait pour avoir soixante mille habitants[24]. On a vu plus haut que la population de Bourges devait être, au quinzième siècle, d'environ soixante mille habitants. Or, cette ville n'en compte pas vingt-cinq mille aujourd'hui.

Sans doute, lorsque les compagnies franches et les Anglais désolaient le pays, les campagnes étaient abandonnées et la population s'entassait dans les villes ; mais cet état de choses, bien qu'il n'ait duré que trop longtemps, était exceptionnel. On en a la preuve clans un dénombrement sommaire des lieux imposables pendant le règne de Charles VII, dénombrement qu'un écrivain du commencement du seizième siècle attribue à Jacques Cœur.

On dict que Jacques Cueur, trésorier du roy Charles septième — qui très bien le servit en ses très grans affaires et nécessités, dont son exil fut la récompense —, trouva par la soigneuse reserche qu'il fist de l'estat des finances du Roy qu'au royaulme de France y avoit 1.700.000 closchiers, presnant chacune ville pour ung closchier, dont il en rescindoit pour païs gasté et aultrement 700.000 et par ainsy demouroit ung million de closchiers. Et à prendre sur chacun clochier, le fort portant le feuble, vingt livres tournois par an pour toutes aydes, tailles, imposicions et huytiesmes se monte en somme par chacun an à vingt millions qui sattisferont à ce qui s'ensuyt :

Pour la despence de l'hostel du Roy, par chacun jour, mil livres tournois qui fout par an, 366.000 livres tournois. Autant pour la despence de la Reyne et de ses darnes, et autant pour la despence des enfans du Roy, s'il en y a.

Pour entretenir en estat les villes, forteresses et chasteaux du royaulme, par chacun an, ung million ;

Pour les gaiges de 20.000 hommes d'armes tant yver que esté, pour chacun homme d'armes, l'ung portant l'aultre, 30 livres par mois, qui se monte par an, six millions deux cens trois mille livres tournois ;

Pour les gaiges des officiers, ung million par an ;

Pour donner aux chevalliers, escuyers et aultres pour leurs mérites et récompenses, ung million par an ;

Pour donner aux estrangiers, comme ambassadeurs et plusieurs autres gens alliez, ung million par an ;

Pour les engins de guerre, troys cens mil livres par an ;

Pour entretenir gens sur mer, deux millions par chacun an ;

Qui est, en tout, quinze millions quatre cens mil livres tournois.

Et par ainsy demouroit encore au Roy à mettre en épargne ou pour augmenter le nombre de ses gens de guerre quatre millions cinq cens soixante quatorze mil livres par an, sans son domaine[25].

L'écrit attribué à Jacques Cœur donnait-il l'indication exacte des revenus du royaume sous Charles VII et de l'emploi qui en était fait ? Était-ce plutôt un projet d'augmentation des impôts et de réforme que son argentier lui soumettait ? Cette dernière opinion paraît plus vraisemblable, car, d'après les écrivains contemporains, les revenus du royaume n'auraient pas excédé 2.300.000 livres pendant. le règne de Charles VII. Quoi qu'il en soit, vers le même temps, un clerc du roi adoptait, en ce qui concerne le nombre des clochers on agglomérations, le chiffre de l'écrit qu'on vient de lire.

Au royaume de France a dix sept cens mille villes à closchier, et pour ce que le royaume de France a esté bien dommagié pour les guerres, si n'en prendrons que dix cens mille villes à closchier[26].

Mais si aucun document authentique ne permet d'évaluer avec quelque certitude la population de la France au quinzième siècle, un auteur contemporain nous a du moins laissé une description intéressante des provinces et des principales villes du royaume, ainsi que de leurs ressources, de leur industrie et du caractère des habitants. La relation qu'on va lire contient à ce sujet des détails nouveaux par leur ancienneté même[27]. Elle est attribuée à Gilles Bouvier, dit Berry, premier héraut d'armes de Charles VII.

Iceluy royaume est très fertil de blez, de vins, de bestail, de plon, de cuivre, de laines, de fruicts. Aucuns païs y a où ne croist point de vin... mais assez en croist ès païs voisins, parquoy ils en ont assez et à bon marché... Ce Royaume est en manière de losange, car il n'est ne long, ne carré, et passe le fleuve de Loire formant par le milieu du Royaume. Or, veux-je conter des païs qui sont d'un des costes de ladite rivière de Loire, depuis où elle commence jusques là où elle tombe en mer et jusques ès royaume d'Aragon et de Valence.

Ladite rivière part du païs de Velay, qui est païs de grandes montagnes, et y a une cité nommée le Puy où y a grant pélérinage de Nostre-Dame.

Ce païs est fort peuplé et y a grant foison de bestial, beufs, vaches, chevaux, laicts, fromages et foison chasteaux forts sur roche... Et sont les gens de cedit païs rudes gens ; vestus de gros bureaulx, comme sont gens de toutes montagnes.

Puis y est le païs d'Auvergne devers le couchant, qui est païs de montagnes, où a bains chaulx nommés les bains de Chaudesaigues, de telle condition que les païs dessus diets. Et y a plein païs en aucuns lieux, spécialement en la Loumaigue, qui est un bon païs et fertil de blez, de vins, de bestial... Et y a très bon vin et très bel vinoble.

Et après y est le païs de Bourbonnois, le païs de Berry et le païs de Combrailles où y a bains d'aulx nommés les bains de Bourbone, de Vichy et de Néris... Et les pays de Bourbounois el de Berry sont bons païs et fenils de blez, de vins, de bestial blanc et rouge et grant foison d'estans, belles forest et petites rivières, et y a une bonne cité nommée Bourges. Les gens de ce païs sont bonnes gens et simples et bien obéissans à leur seigneur, et ne sont pas gens de grans bobans[28] en habillemens ne en vestures.

Puis y est le païs de Souloingne, qui est maigre païs, et est pays de sablons et de bruyères, et y a grant foison d'estans, petites rivierettes ; bois, bestial, volailles et venaisons.

Puis y est le païs de Touraine qui est un très bon païs et fenil de vins, de blez, de bestial, de venaisons, volailles et de poissons d'estans, de rivières et belles forests comrne la forest de Loches, de Beaumont, de Montrichard et d'autres moult belles. Aussi y a-t-il de beaux chasteaux et très forts.

Puis y est le païs de Poictou qui est très bon païs de blez, de vins, de chairs, de poissons de nier et d'eau douce, et y a de beaux chasteaux et villes et foison noblesse.

Puis y est la duchié de Guyenne qui est grand païs et bon, et en est Saintonge, Angoulesme, Piegort, La Marche, Limosin, Cressy, Agenès, Rouerghe, Armignac, Bierne et toutes les montagnes jusques à Navarre et en Aragon. Et est tout cedit païs un des fenils païs du monde s'il estoit en paix. Et sont les gens d'icelui païs courageuses gens et legiers de teste et bonnes gens d'armes.... Ses menus gens sont tous arbalestiers, mal vêtus, et portent solles (souliers) de bois ou de cuir à tout le poil par poureté, et sont gens joueurs de dez ou de quartes : et y a bons vins partout et grand foison de vins de pommes. Les femmes y sont fortes et habiles, et font le labour, et vivent de pain de millet et boivent le vin de pommes dont ils ont grant foison, et vendent les blez et le vin.

Puis y est le païs de Languedoc, qui est un très bon païs et riche d'or et d'argent, de blé, de vins, d'huiles d'olives, de dates et d'amandes. Et y croist gram foison de ghedes et graille d'escarlate dont l'on taint les draps...

Puis y est, delà Loire, le païs de Lionnois et de Beaujolois. Là sont les mines d'argent, de cuivre et de plon...

Puis y est la duchié de Bourgogne et la comté de Charolois, qui est moult bon païs et plain et abondant de tous biens. Sur la rivière de Loire, en ce païs de Charolois, a bains chaula. Et est ce païs de Bourgogne et de Charolois très fenil de blez, de vins, les meilleurs du Royaume et aussi de bestial et de poissons. Et y a en icelle duchié et sur ladite rivière jusques à Lyon, la cité de Lyon qui est archevesché, la cité de Mascon, la cité de Chilon. Et la principale est nommée Dijon.

Puis y est le païs de Morvant en icelle duchié, qui est païs de montagnes pleines de neige l'hiver : et entre la ville de Dijon et icelles montagnes est la cité d'Autun. Ce païs est poure païs, et est païs de sablons, et y a assez bestial rouge et grant foison de bois. Et sont les gens dudit païs rudes comme ils sont en païs de montagnes, et aussi sont mesme rudes ceux de la duchié de Bourgogne.

Puis y est le comté de Champagne, qui est beau païs et bon et plein païs et y a peu bois, et assez blez et vins, bestial blanc, et labourent à chevaux, et y a assez vaches et petites rivières et y a bonnes toilles. Le peuple de ces païs sont bonnes gens et gens de bonne foy.

Puis y est la duchié de Bar, qui est très bon païs de blez, de vins, de bestial et de poissons...

Puis y est la comté de Rotel, le païs de Launois, et la comté de Guise, et le païs Vermandois qui sont très bon païs et plains sans montagnes et y a grant foison blez, vins et bestial et rivières, et sont bonnes gens, et se tiennent honnestement de vestures et de pannes, et y a gratis seigneurs et barons.

Puis y est le païs d'Artois qui est plain païs et peu bois, et y a grant foison blez, bestial et petites rivières, et n'y croist point de vin, et boivent cervoises les gens d'iceluy païs, et sont sobres gens et se tiennent bien vestus et sont légiers à coursier et très nettes gens.

Puis y est le païs de Tournesis, Douai, Lisle, Orcies, qui suai tels païs et de telle condition les gens comme ceux d'Artois. Et y est la cité de Tournay qui est une moult belle cité et forte, et y fait-on moult mercerie et de harnois de guerre, et est cette cité nuement au Roy. Et passe par icelle cité la rivière de l'Escaut qui départ le Royaume et l'Empire. Et en tous iceux païs ne croist point de vin, mais le peuple et pouces gens boivent cervoise.

Puis y est la comté de Flandres[29] qui joint à icelui païs, qui est riche païs de marchandise qui vient par mer, de tous les Royaumes chrestiens, et est ce païs fort peuplé, et y fait-on moult de draps de laines, et y a deux moult bonnes villes, c'est à savoir Gant et Bruges. Le païs de soy est poure païs et peu de labour, pour ce qu'il est en en effiles et sablons. Les gens de ces païs sont honnestes gens et bien vestus de fins draps, et de fines pannes, sont puis mangeurs de chairs, de poissons, de laict et de beurres : et sont gens périlleux à course et souvent rebellent contre leur comte ou leur souverain : est n'est ce païs riche que des grans marchandies qui descendent en iceluy païs.

Puis y est le païs d'Amiennois ; de Beauvoisis, de Soissonnois et de Vesquesin le François, qui est très bon païs de blez, de vins, de bestial et de bois, et sont les peuples de ces païs très bonnes gens et très honnestes de vestures et de vivres...

Puis y est le païs de Normandie qui est bonne e duchié, puissant et riche : et est très bon païs de blé et de bestial blanc et rouge, et foison de belles forests et petites rivières, et grant foison de pommes et poires, dont l'on fait le cidre et le poiré, dont le peuple boit, pour ce qu'il n'y boist point de vin, combien qu'il en vient assez par mer et par la rivière de Seine. En ce païs se font de moult bons draps en grant foison, et est ce païs de grant revenu au prince... En ce païs a grata noblesse et de grans seigneurs et barons, et y a grant foison de bons marchans par mer et par terre : et sont les populaires de grant peine et fort laboureux hommes et femmes : et sont honnestes gens de vesture et de mesnaige ; et sont gratis benveurs en leurs festimcns, et grans chières se font par boire.

Puis y est la duché de Bretaigne, qui est bon païs, espécialement Bretaigne Galo du costé de la Normandie et d'Anjou, et là parlent françois. Et en Bretaigne bretonnant, parlent un langage que nul qu'eux n'entand, s'il ne l'apprand. En ce païs ne croist point de vin, ce n'est autour de Nantes : mais ils en ont assez de Poictou, et d'ailleurs par mer. Le plus de ces gens ne boivent qu'eaue sinon aux festes : et font moult de beurre qu'ils vendent aux estranges païs, et en mangent en caresme par faute d'huile... En ce païs a grata foison de bons ports de mer, grant foison de bœufs et vaches et bons petits chevaux, grans landes et forests et petites rivières, et plain païs sans montaignes, et gratis seigneurs, barons et grant gentillesse, et de forts chanteaux et fortes gens et bons lucteurs, et les menues gens sont vestues de bureaux, et sont bonnes gens de mer. Et ces gens sont rudes gens et grans plaideux.

Puis y est le païs de la (lucilie d'Anjou et la comté du Maine qui est bon païs et fenil de blez, de bois, de vins, de bestial blanc et rouge, et de poissons, et y a belle noblesse, bonnes gens d'armes et vaillans, et y a très bon peuple et fout leur labour à bœufs, comme en Bretaigne.

Puis y est la comté du Perche et la comté de Vendosme, qui est très bon païs de la condition d'Anjou et du Maisne.

Puis y est la duchié d'Orléans, le païs de Chartres, celuy de Beauce, la comté de Blois et de Dunois, qui sont moult bons païs de blez, de vins. Et y a assez bois en aucuns lieux, et y a bon peuple et grans laboureurs. Ces païs ont esté moult fouliez de la guerre. Il y a deux bonnes citez, c'est-à-sçavoir, Orléans et Chartres, et en ces païs labourent à chevaux.

Puis y est la comté de Dreux, la cité de Montfort, le païs de Nurepois, le païs de Caslinois, la comté de Meulan, l'lsle-de-France, le païs de Brie, la comté de Gien qui sont moult bons païs et fertils de blez, de vins, de bestial, de bois et de rivières. Et y a moult bon peuple et honnêtes gens et bons catholiques. Et est à parler proprement le meilleur païs de tout, le royaume : Et y sont les cités de Paris qui est la maistresse cité du royaume et la plus grant, et y est le palais du Roy assis au milieu de la ville, et passe la rivière de Seine autour dudit palais : et est iceluy palais le mieux composé et édifié, et le plus grant qui soit en nuls des royaumes des chrestiens : et là est assis la grant chapelle collégial du Roy, et la aussi sont ses grans salles où quotidiennement se tient le grant parlement, où on fait la justice de tout le Royaume[30]. Puis y est les cités de Senlis, de Meaux, de Soissons. Et y sont, les païs d'Auxerrois et de Nivernois, et y a deux cités Auxerre et Nevers. Ainsy ai nommé tous les païs de ce royaume.

En ce royaume y a XIV duchez sans les éveschez et archeveschez, dont il y a quatre-vingt et quatorze citez comprins dix archeveschez qui sont audit royaume. Et y a moult de comtes et de barons et moult grande noblesse plus qu'eu deux autres royaumes chrétiens. Le peuple de ce royaume sont simples gens, et ne sont point gens de guerre, comme autres gens. Car leurs seigneurs ne les mènent point à la guerre qu'ils puissent. Ils sont gens de grant peine, de mestier et grans laboureurs, et paisibles gens et de bonne foy. Et est cedit Royaume bien fourny de notables clercs et de gens d'Église. Et y a des plus belles églises du monde, et des plus beaux ponts de pierre sur les grosses rivières que en nuls autres royaumes.

Cependant, la faveur dont jouissait l'argentier de Charles VII allait toujours en augmentant, et, chaque année, on le voyait intervenir davantage dans la direction des diverses branches de l'administration publique. On possède la copie d'une ordonnance de payement de la somme de cent livres tournois à un inspecteur chargé par le commandement de Jacques Cueur, conseiller et argentier du Roy, de faire les visitations et estimations des sels qui estoient tant ès salins que ès boutiques du Languedoc et atteindre les faultes, abus et larrecins qu'on disoit estre sur lesdits greniers, affin d'y donner ordre et provision[31]. Déjà, au mois de juin 1444, Charles VII le chargeait, conjointement avec Pierre du Moulin, archevêque de Toulouse, et Jean d'Etampes, trésorier et maître des requêtes, de procéder à l'installation du nouveau parlement du Languedoc[32]. La même année, au mois de septembre, Jacques Cœur figurait avec Tanneguy-Duchâtel au nombre des commissaires chargés de présider, au nom du roi, les États généraux de cette province. Les commissaires demandaient aux États un aide ou don gratuit de 200.000 livres. Les députés des États alléguèrent la misère du pays, misère causée tant par la sécheresse que par les ravages des gens d'armes du bâtard d'Armagnac, et ils parvinrent à faire accepter 160.000 livres[33]. Une fois l'imposition votée, Jacques Cœur fut chargé d'en faire la répartition dans le diocèse de Maguelonne. D'après un acte autographe que l'on a conservé, les États lui allouèrent pour ce travail une indemnité de 300 livres[34]. Depuis cette époque jusqu'au jour de sa disgrâce, Jacques Cœur fit chaque année partie des commissaires du roi près les États du Languedoc. En 1445, il était en outre désigné avec l'archevêque de Reims, le président du parlement de  Toulouse et plusieurs autres pour juger un différend que le comte Mathieu de Foix avait avec la noblesse et les peuples du Cominges. L'année suivante, les États généraux du Languedoc, réunis à Montpellier, votèrent un don gratuit de 170.000 livres, non sans protester, suivant, l'usage, en se fondant sur la détresse du pays. Les États faisaient observer qu'ils avaient payé au roi depuis six ans, pour les tailles ou fogaiges, 1.250.000 livres, sans compter l'impôt de l'équivalent et du grenier à sel[35]. Le don gratuit de l'année 1448 fut fixé à 150.000 livres, tant pour la descharge du logement des 500 lances et des francs-archers que la province estait obligée d'entretenir que pour les autres besoins de l'État. L'année d'après, les États accordèrent une somme égale, plus 7.000 livres aux gens du Grand Conseil, pour avoir aidé à obtenir l'abolition gérérale que naguère le roi avait accordée au Languedoc ; 4.000 livres à Jacques Cuer, argentier du roy, pour les dépenses par lui faites pour entretenir le fait de la marchandise, par le moyen des galères, navires et autres fustes... Au mois de janvier 1450, les États renouvelèrent l'aide de 170.000 livres pour le roi, l'indemnité de 6.000 livres pour les gens du Grand-Conseil et celle de 4.000 livres pour Jacques Cœur, pour le dédommager des dépenses qu'il avait faites à l'armée pour la conquête de la Normandie. Enfin, en 1451, les États votèrent 120.000 livres pour le roi, 1.000 livres pour Jean d'Étampes, évêque de Carcassonne, général ordonné par le roy au gouvernement de toutes ses finances, tant en Languedoc comme en Languedoil, 400 livres à l'archevêque de Toulouse, pour avoir présidé l'assemblée, et 4.000 livres à Jacques Cœur[36].

De son côté, Charles VII n'oubliait pas son commissaire près les États du Languedoc, Dans une répartition d'un fonds de six mille écus d'or, répartition par laquelle Charles VII retint trois mille écus pour lui, Jacques Cœur figuré pour une somme de six cents écus, tandis que le parlement n'y est porté que pour deux cents écus. Un seul de tous ceux qui y participèrent eut six cents écus comme Jacques Cœur ; ce fut l'évêque de Carcassonne, son ami le plus dévoué[37].

Ainsi tous les honneurs arrivaient alors, comme à l'envi, à Jacques Cœur. A toutes les époques, lors, qu'un homme est parvenu à une certaine élévation au-dessus de ses contemporains, tout conspire pour le faire croire partout indispensable et pour l'écraser en quelque sorte sous sa fortune. On a vu que Jacques Cœur faisait, tant à l'intérieur qu'à l'étranger, un commerce immense qui occupait trois cents commis ; ses navires sillonnaient la Méditerranée ; les mines d'argent, de plomb et de cuivre qu'il possédait dans le Lyonnais réclamaient ses soins ; il avait fait établir une papeterie[38] ; il était maître des monnaies à Bourges et à Paris, argentier et conseiller du roi. Chaque année enfin, celui-ci le nommait un de ses commissaires aux Etats du Languedoc. En 1446, Charles VII le désigna en outre pour faire partie, avec l'archevêque de Reims, Saint-Vallier et Tanneguy-Duchâtel, prévôt de Paris et sénéchal de Provence, d'une ambassade chargée de se rendre à Cènes et d'opérer l'annexion de cette ville à la France[39].

La république de Gènes était alors et depuis longtemps travaillée par des guerres intestines, et, plusieurs fois déjà, les partis qui s'y disputaient le pouvoir avaient fait appel à la France. En 1444, les Adorno d'un côté, les Campofregoso de l'autre, étaient les factions dominantes. Craignant de ne pouvoir l'emporter avec leurs seules ressources, ces derniers-signèrent un traité par lequel ils s'engageaient à livrer Gênes à Charles VII. Deux ans après, ils s'unirent aux Doria, armèrent cinq vaisseaux et vinrent. à Marseille réclamer l'exécution du traité. L'ambassade dont Jacques Cœur faisait partie avait pour mission d'aider Janus de Campofregoso à chasser les Adorno de Gênes et d'opérer ensuite la réunion des deux pays. Mais à peine Campofregoso se fut-il emparé de la ville avec l'appui des troupes françaises, qu'il déclara, dit un chroniqueur, que le pays et la ville il avoit conquestés à l'espée, et à l'espée les garderoit contre tous. Vainement les ambassadeurs se rendirent à Nice, et de Nice devant Gènes même, pour le sommer de tenir sa parole. N'ayant rien pu en obtenir, ils revinrent à Marseille, et de là à Bourges où se trouvait Charles VII[40]. Cependant Jacques Cœur était entré et continua de rester en relations avec Janus de Campofregoso. On en a la preuve par une lettre que celui-ci lui écrivit de Gênes le 25 septembre 1447, et par laquelle, répondant à une dépêche qu'il avait reçue 6 l'argentier, il le remerciait des longs détails qu'elle contenait. sur les affaires du moment. Cette réponse constate que Jacques Cœur avait. eu pour but, en écrivant à' Campofregoso, de l'amener à livrer Gênes à la' France, conformément aux engagements pris en 1444. Mais tout en protestant de son dévouement absolu à Charles VII, Campofregoso s'abstint de traiter cette question. Il terminait en priant Jacques Cœur de lui écrire fréquemment et longuement[41].

Une mission plus délicate fut, en 1447, confiée à Jacques Cœur. Un schisme profond divisait alors l'Église. Deux papes avaient été nommés. L'un d'eux était cet Amédée, ancien duc de Savoie, qui, ayant abdiqué en faveur de ses fils, s'était retiré, avec six seigneurs de sa cour, sur les bords du lac de Genève, à Ripaille, où ils formèrent comme une communauté d'ermites. Cette résolution donna lieu, on le sait, à beaucoup de commentaires vraisemblablement mal fondés[42]. Cinq ans après, Amédée fut élu pape par le concile de Bâle, malgré la désapprobation de la France qui tenait pour Eugène IV. Cependant, tout en lui conservant son appui et en continuant d'employer tous ses efforts pour faire cesser les difficultés qui s'étaient élevées dans les affaires de l'Église, Charles VII poursuivait avec une habileté profonde la réalisation d'un projet qu'il avait formé depuis longtemps. Au mois de mai 1438, une assemblée à laquelle assistèrent, indépendamment des membres-ordinaires du Conseil du roi tant ecclésiastiques que laïques, cinq archevêques, vingt-cinq évêques, des jurisconsultes, des députés des universités et des chapitres, et qui fut présidée par Charles VII lui-même, avait eu lieu à Bourges. Cette assemblée où le concile de Bâle, depuis longtemps en hostilité ouverte avec Eugène IV, envoya, de même que ce pape, plusieurs députés, adopta, après deux moi s de délibérations, diverses résolutions d'une grande importance qui furent consacrées dans l'édit célèbre du 7 juillet 1438, connu sous le nom de pragmatique sanction. Le but de cet édit était de réformera plusieurs abus qui s'étaient introduits dans l'Église, d'empêcher que les papes ne pussent nommer aux' bénéfices des étrangers ennemis du roi, comme cela, avait eu lieu plusieurs fois, d'abolir ce qu'on appelait les expectatives, les annales et les appels au pape, medio omisso. L'abolition des expectatives enlevait au pape le droit d'accorder des bénéfices avant qu'ils ne fussent vacants. On sait que les annates consistaient, dans le payement au Saint-Siège, d'une aimée du revenu des bénéfices, à chaque mutation du titulaire. Leur suppression devait naturellement être aussi préjudiciable au pape qu'utile à la France. D'un autre côté, les appelants, media Omisse, se dérobaient à la juridiction des tribunaux subalternes français, c'est-à-dire de l'évêque, du métropolitain et du primat, ce qui était une atteinte réelle à la souveraineté du roi. L'édit stipulait d'ailleurs, à ce sujet, que lorsque des Français iraient, par appel, jusqu'au pape, il devrait nommer des juges français, habitant le royaume. Enfin, la pragmatique sanction contenait une disposition très-grave concernant les 'élections ecclésiastiques. Dès l'origine de la monarchie au douzième siècle, les rois avaient, malgré l'opposition des papes, nommé eux-mêmes aux évêchés et prélatures. Vers le douzième siècle, l'usage s'était établi de laisser faire les élections des évêques et des prélats par le clergé, lequel ne pouvait au surplus s'assembler, à cet effet, sans la permission du roi qui confirmait les nominations, pour le maintien dé son droit. Depuis, les papes ayant porté atteinte à ce droit d'élection, Charles VII le rétablit formellement par l'édit de la pragmatique sanction[43].

C'est à la suite de cet édit que le concile de Bâle, persuadé qu'il pouvait compter désormais sur l'appui absolu de la France, avait élu pape Amédée de Savoie qui prit le nom de Félix V ; mais le concile ne tarda pas à avoir la preuve qu'il s'était complètement abusé. L'Assemblée de Bourges existait encore. Charles VII y déclara solennellement qu'il avait vu avec beaucoup de douleur les différends survenus entre le pape et le concile ; que c'était contrairement à ses pressantes instances que celui-ci s'était laissé entraîner jusqu'à déposer le pape ; que, tout bien considéré, il ne renonçait pas à l'obédience d'Eugène ; qu'il le prierait d'assembler l'aimée suivante, en France, un concile œcuménique pour éteindre tin schisme si pernicieux à l'Eglise ; qu'il conseillait aux pères de }Mile et à monsieur de Savoie de songer sérieusement à faire cesser les troubles de l'Eglise, et, pour cela, de s'abstenir de nouvelles excommunications ; que le duc de Savoie étant son parent, il était disposé à en bien user envers lui, mais qu'il comptait sur sa prudence pour le rétablissement de la paix[44].

Quoi qu'il en soit, cette paix se fit attendre longtemps encore. En 1447, le schisme durait depuis sept ans. Craignant que le mal ne devînt irrémédiable s'il se prolongeait davantage, Charles VII envoya l'archevêque de Reims, l'évêque de, Carcassonne, messire Robert Thibault, maître en théologie, et Jacques Cœur, tous membres de son Conseil, en ambassade auprès de messieurs de Savoie pour les exhorter, disent les instructions données aux ambassadeurs français, à se désister et départir du chemin qu'ils tenaient touchant le fait du papal et à quérir moyens convenables pour eulx mettre en bonne voye et obéissance envers Dieu et l'Église... Un mémoire qui fut remis aux ambassadeurs portait que Charles-VII adhérerait volontiers à la réunion d'un concile général dont il reconnaissait la nécessité tant pour la réformation de l'Église que pour faire ôter le scrupule de fous ceux qui avoient diverses imaginations en ces matières ; que l'Église gallicane étoit très fort oppressée pour les grandes extorsions et indues exactions des Italiens et de la cour de Rome à l'encontre d'iceulx de ladite Église gallicane et aussi pour le mépris qu'ils faisoient du Roy et de son autorité royale[45]. Les ambassadeurs de Charles VII avaient pour mission de soumettre a la maison de Savoie les propositions suivantes : 1° Toutes les procédures faites par les deux partis l'un contre l'autre seraient considérées comme non avenues ; 2° Eugène IV serait reconnu comme le vrai pape ; 3° en cédant le pontificat, Amédée obtiendrait le plus haut rang qu'on pourrait lui accorder clans l'Église, et ceux qui avaient embrassé son parti auraient part à l'accommodement par les dignités et les honneurs qui leur seraient conférés[46].

L'ambassade dont Jacques Cœur faisait pallie remplit heureusement l'objet de sa mission. A dater de cette époque, Amédée parut disposé à abandonner ses prétentions à la tiare. Mais, sur ces entrefaites, Eugène 1V était mort et avait été remplacé par Nicolas V. Voulant tout d'abord frapper un grand coup celui-ci s'empressa de déclarer Amédée et ses adhérents déchus de leurs États et. de les donner à la France qui n'eut garde de les accepter. Prévoyant, à ce début, que les difficultés viendraient désormais du nouveau pape, Charles VII lui envoya une ambassade composée de Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, d'Élie de Pompadour, évêque d'Alet, de Gui Bernard, archidiacre de Tours, de Thomas de Courcelles, docteur en théologie, de Tanneguy-Duchâtel et de Jacques Cœur.

Les ambassadeurs se mirent en route au mois d'avril 1448, à l'exception de Tanneguy-Duchâtel et de Jacques Cœur qui les rejoignirent au mois de juillet suivant. Ceux-ci partirent de Marseille avec onze barques ou navires chargés de vivres, et ravitaillèrent, chemin faisant, la ville et le château de Final qui tenaient toujours pour le roi. Charles VII espérait encore que le traité de 1444 concernant l'annexion de Gênes à la France finirait par recevoir son exécution, et il attachait, par suite, le plus grand prix à la conservation de Final. Tanneguy-Duchâtel et Jacques Cœur se dirigèrent ensuite, avec trois navires seulement, sur Civita-Vecchia. L'ambassade fit sen entrée à Rome d'une manière solennelle et avec le plus grand éclat. Plus de trois cents chevaux richement caparaçonnés et harnachés figuraient dans le cortège, Il n'y avoit pour lord homme vivant, a dit un chroniqueur[47], qui ontiques eust vu entrer à Rome si honorable ambassade, ny en si grande magnificence, ny qui eust ouy parler de pareille compagnie, ce qui tournoit au grand honneur du roi et de son royaume. La chronique rimée du règne de Charles VII parle comme il suit de cette cérémonie :

L'en ne vict entrée si ponpeuse

Des François comme ceste-là,

Ne despence si oultrageuse

Comme l'en list çà et delà[48].

Enfin Nicolas V écrivit lui-même, le 5 août 1848, à Charles VII que ceux-là mêmes qui habitaient Rome depuis soixante ans ne se souvenaient pas d'avoir jamais vu une ambassade aussi nombreuse et composée d'hommes aussi illustres[49]. Peu de jours après son arrivée à Rome, Jacques Cœur avait été atteint de la fièvre. Aussitôt, Nicolas V le fit transporter dans son palais de Saint-Pierre et donna des ordres pour qu'il y fût l'objet des soins les plus attentifs[50]. Il lui accorda en outre, comme l'avait déjà fait Eugène IV, l'autorisation dé faire le commerce avec les infidèles.

Des ambassadeurs du roi d'Angleterre avaient précédé ceux de Charles VII à Rome. Ayant échoué dans leurs démarches auprès de Nicolas V, ils s'étaient retirés à Viterbe pour y attendre le résultat des tentatives de l'ambassade française. La mission de celle-ci était d'ailleurs difficile. En effet, Félix V mettait à sa renonciation au pontificat des conditions exorbitantes. Il voulait préalablement faire trois huiles qui auraient pour objet, la première, de rétablir tous les ecclésiastiques qu'Eugène IV et Nicolas V avaient déposés ou Privés de leurs biens à l'occasion du schisme ; la deuxième, de lever toutes les excommunications qu'il avait lui-même publiées contre les personnes, communautés et villes qui avaient fait acte d'obédience envers Eugène et Nicolas ; la troisième, de confirmer tout ce qu'il avait fait pendant son pontificat. Il devait ensuite se déposer volontairement entre les mains d'un concile général qui élirait Nicolas V. Une fois déposé, Amédée serait cardinal, évêque, légat et vicaire perpétuel du Saint-Siège clans toutes les terres du duc de Savoie ; il aurait, dans l'Église romaine, la première place après le pape ; si jamais il paraissait devant Sa Sainteté, elle se lèverait de son siège pour le recevoir et le baiserait à la bouche, sans exiger de lui d'autres marques de respect et de soumission ; enfin, il conserverait l'habit et les ornements du pontificat, excepté l'anneau du pêcheur, le dais et la croix sur sa chaussure.

Quelques-unes de ces conditions n'avaient pas obtenu l'assentiment de Charles VII. Nicolas V, de son côté, refusa d'abord d'y adhérer. Néanmoins, les ambassadeurs français l'y décidèrent. L'année suivante, au mois d'avril, Félix transféra le concile de Bâle, qui l'avait élu, à Lausanne, et s'y déposa solennellement, suivant ce qui avait été arrêté. Dès ce moment, Nicolas V fut reconnu pape par toute la chrétienté, et le schisme cessa, après avoir duré neuf ans[51]. En annonçant à la Chambre des comptes, par une lettre de Lausanne du 20 avril 1449, la conclusion de cette grande affaire, Jacques Juvénal des Ursins, évêque de Poitiers, exprimait l'avis qu'il conviendrait de rendre grâce à Dieu de l'entière pacification de l'Église. Cela eut lieu peu de temps après. Le jeudy au soir, 15e jour de may 1449, dit à ce sujet un chroniqueur, par l'ordonnance des Prévost des marchands et eschevins de la ville de Paris, furent faites réjouissances et festes par tous les carrefours, et autres plusieurs lieux en la ville de Paris. Et le lendemain, furent faites processions générales à Nostre-Dame, et d'illec allèrent à Saint-Victor remercier Dieu[52].

Les historiens sont unanimes pour rendre hommage à la prudence et à l'habileté consommées dont le gouvernement de Charles VII fit preuve dans cette grave question. Un prélat contemporain, ordinairement sévère pour ce prince, a constaté son heureuse influence dans les longues négociations que suscitèrent, sous son règne, les affaires de religion[53]. Un autre historien du temps a pleinement confirmé ce témoignage. Pour laquelle paix conduire et mener à bonne fin, dit-il à ce sujet, le très chrestien Roy de France et les siens travaillèrent grandement. Et à ce faire, pour y parvenir, il employa grandes finances ; partant, il en est digue de très grande louange et récompense[54].

Ainsi se trouvait heureusement accomplie l'œuvre importante à laquelle Jacques Cœur avait été appelé à coopérer.

 

FIN DU PREMIER VOLUME

 

 

 



[1] Argentarius. — Ejusmodi munus fuit argentarii Regis in aula Regum nostrorum, penes quam Thesauris Regii ex fisco quotannis certam pecuniæ summam deponebant ad domus regiæ impensas, de qua rationes inibat in camera computorum : is autem an. 1351. 400 lib. pro vadiis percipiebati ut docemur ex computo Stephani de la Fontaine, argentier du Roy, quod in ea camera asservatur. — Du Cange, Glossarium ad scriptores mediæ et infirmæ latinitatis, t. I.

Voici, en outre, comment Olivier de La Marche définit les fonctions de l'argentier des ducs de Bourgogne. Là sied l'argentier auquel sont baillez les appointements pour payer les dons des ambassades et voyages, le faict des habillements et garderobbe, et autres choses extraordinaires. Estat de la maison de Charles le Hardi. — Des finances. Collection Michaud et Poujoulat, t. III, p. 581.

On voit clairement par là que les fonctions d'argentier n'étaient pas, comme on l'a cru généralement, l'équivalent de celles de surintendant des finances ou de contrôleur général.

[2] Bibl. Nat. Mss. Dupuy, vol. 755, fol. 108, verso. — Nobilitatio Jacobi Cordis, argentarii dui Regis, per litteras datas Landuni, mense aprili 1440. — M. Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 60. — Ces lettres d'anoblissement eussent été précieuses à consulter, attendu qu'il devait certainement y être fait mention des titres de Jacques Cœur à cette faveur ; mais la collection Dupuy n'en donne que le titre. — M. Raynal n'en cite que les mots que j'ai mis entre guillemets.

[3] Ordonnances des rois de France, t. XIII.

[4] Amelgard, de Rebus, etc., lib. V, cap. XXIII. Pièces justificatives, n° 1, extrait G.

[5] Amelgard, de Rebus, etc, lib. IV, cap. XXVI. Pièces justificatives, n° 1, extrait E.

[6] La Thaumassière, Histoire du Berry, l. I, p. 91.

[7] Archives nationales, Regist. E. 328. Mss. Vente des biens de Jacques Cœur. Pièces justificatives, n° 3 ; extrait L.

[8] Mathieu de Coucy, dans Godefroy, p. 691. — J'ai reproduit ce passage de Mathieu de Coucy dans la préface.

[9] Bibl. Nat. Mss. Inventaire des papiers de Jacques Cœur. Fragment, en très-mauvais état, et que je crois original, de ce précieux document. Par malheur, le fragment qui reste se réduit à fort peu de chose. C'est un simple cahier, dont les pages ont été déchirées vers le milieu. Ce manuscrit fait partie d'une liasse de documents désignée sous le titre de Portefeuille de Jacques Cœur (Voir pièces justificatives, n° 4).

[10] Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 3e série, t. I, p. 309 ; Lettres de rémission en faveur d'Etienne de Manné, qui avait donné à vendre en Angleterre une pièce de fourrure, déposée chez Jacques Cœur, laquelle avait appartenu à Agnès Sorel ; article de M. Vallet de Viriville sur Agnès Sorel.

[11] M. Pardessus, loc. cit. Introduction, 3e partie, p. LXXVIII.

[12] L'envoi de ces noyaux d'amandes semble indiquer que l'amandier n'était pas encore connu en France. C'est donc au facteur de Jacques Cœur, à Jean de Village, que l'on devrait l'importation de cet arbre dont les produits sont une source de richesse pour plusieurs de nos départements méridionaux.

[13] D'après M. Depping, Histoire du commerce du Levant, t. II, p. 304, les soudans de l'Égypte récoltaient à l'entrée du désert, sur la route de Syrie, un baume alors très-renommé. — C'est sans doute de ce baume qu'il est ici question. — Miss Costello examine, dans une dissertation de plusieurs pages, ce que pouvait être ce bamouguet dont il s'agit ; mais elle est loin de conclure d'une manière positive. — Jacques Cœur, etc., p. 347 et suivantes.

[14] Mémoires de Mathieu de Coucy, année 1447. — C'est probablement vers cette époque qu'eut lieu, en France, l'importation des dindons. D'après Delamarre, Jacques Cœur, rappelé de son exil par le roi, aurait rapporté entr'autres raretez, des poules de Turquie, gallinas turcicas, lesquelles n'auraient été appelées poules d'Inde qu'un siècle plus tard. (Traité de la police, t. II, p, 728). Comme Jacques Cœur ne revint jamais en France, après sa condamnation, il y a tout lieu de croire que les dindons furent apportés soit par Jean de Village, avec les autres présents dont le soudan l'avait chargé, soit, dans tout autre occasion, par un des navires de l'argentier. A la vérité, d'après Bouche, historien de Provence, c'est le roi René qui aurait introduit les dindons en France. Enfin, Legrand d'Aussy se fonde sur ce passage d'un traité de 1560, De re cibaria, par Champier, venere in Gallias, annos abhinc paucos, aves quædam externæ quas gallinas Indicas appellant, pour conclure que cette importation ne remonte guère que vers le milieu du seizième siècle (Histoire de la vie privée des Français, t. I, p, 350). Malgré cette diversité d'opinions, celle de Delamarre, ordinairement très-bien informé pour tout ce qui regarde les sujets spéciaux qui font l'objet de son travail, paraît assez vraisemblable.

[15] Histoire de l'ordre de Malte, par Vertot, liv. VI.

[16] De la fonte des mines, des fonderies, etc., par Hellot, t. I, p. 30 et 31, — Les anciens minéralogistes du royaume de France, par Gobet, Paris, 1779, 2 vol. in-8°. — C'est une collection très-curieuse et très-intéressante, sous le rapport historique, de toutes les brochures concernant l'exploitation des mines en France, qui ont été publiées de 1579 à 1625. — Les deux publications où il est question des mines ayant appartenu à Jacques Cœur, sont : 1° De la police des mines en France, par F. Garrault, 1579 ; dans Gobet, t. I, p. 38 ; 2° De l'exploitation des mines, par Jars fils, 1765 ; dans Gobet, t. II, p, 618.

[17] Archives nationales ; Compte des mines de Jacques Cœur, K. 329. — Voir pièces justificatives, n° 6.

[18] C'est la manière comme le subside fut faict pour l'ost de Flandre, en 328 (1328) ; ancien fonds, n° 9,475 ; cité par M. Dureau du la Malle, dans un curieux Mémoire sur la population de la France au quatorzième siècle, t. XIV, 2e partie, des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

[19] La France, en effet, ne comprenait pas les provinces possédées alors par les rois d'Angleterre et de Navarre, les comtés de Fois et d'Armagnac, Bayonne et ses dépendances, le Roussillon, la Bourgogne, la Franche-Comté, la Flandre, le Hainaut, le Cambrésis, l'Artois, la Bretagne, la Lorraine, le Barrois, l'Alsace, le Dauphiné, la Bresse, le Bugey, le comtat Venaissin et la Provence.

[20] M. Dureau de la Malle, ubi supra. — Le témoignage de M. Bureau de la Malle est confirmé dans les termes suivants par M. Léopold Delisle, dans ses Etudes sur la condition de la classe agricole et l'état de l'agriculture en Normandie au moyen âge : M. Dureau de la Malle, dit M. Delisle, p. 174, prétend qu'au quatorzième siècle la population de la France était au moins aussi considérable que de nos jours. Nous sommes assez porté à adopter cette opinion. En parcourant les censiers et autres registres du quatorzième siècle, on est frappé de la multitude des personnes qui y sont nommées dans chaque paroisse. On y remarque que chaque famille renferme beaucoup d'enfants. D'un autre côté, les églises bâties au moyen âge sont presque toujours en rapport avec la population moderne, et il est assez naturel de penser que, comme les cimetières des villes, ces édifices étaient proportionnés au nombre des fidèles qu'ils devaient contenir. Enfin, au treizième siècle, nous voyons de tous côtés s'établir de nouveaux villages ; de vastes terrains sont dépouillés de bois et mis en culture. La réunion de toutes ces circonstances nous porte à croire qu'au moyen âge nos campagnes étaient bien peuplées, trop peuplées même pour les ressources alimentaires que l'agriculture pouvait alors fournir. Aussi, soyons-nous les famines et les pestes revenir périodiquement ramener la population à un chiffre en rapport avec la production agricole. Malheureusement, ces terribles avertissements n'étaient guère écoutés. — Il s'en faut, d'ailleurs, que les avis soient unanimes sur la question. Un économiste italien, M. Louis Cibrario, a fait des recherches approfondies à ce sujet, et il arrive, du moins en ce qui concerne la Savoie et le Piémont, à des conclusions contraires à celles de MM. Dureau de la Malle et Léopold Delisle, par rapport à la France. M. Cibrario reconnaît bien que la population de plusieurs grandes villes d'Italie s'est beaucoup amoindrie depuis quatre siècles. Ainsi, Florence comptait, en 1396, environ cent quarante mille habitants ; cette ville n'en a plus aujourd'hui que quatre-vingt mille ; Sienne est descendue de cent mille à vingt mille ; il y a des raisons de croire que la population de Milan a été, vers 1492, de deux cent quatre-vingt-douze mille habitants ; il n'y en a plus que cent quarante mille. Suivant M. Cibrario, ce sont là des faits exceptionnels, et le seul pays de l'Europe où la population a dû, suivant lui, diminuer, c'est en Espagne, à raison de l'expulsion des Juifs et des Mores. M. Cibrario conclut de la population présumée de certaines villes d'après le nombre de feux indiqués dans les rôles d'impositions et de la quantité d'habitants que ces villes comptent actuellement, que la population, au moyen âge, était inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui (Della economia politica del medio evo ; Turin, 1839, cap. IV ; Della popolazione ; p. 406 et s.). Je crois, pour mon compte, cette conclusion trop absolue. Il est très-possible, en effet, que le mouvement de la population n'ait pas été égal en France et dans toutes les parties de l'Italie pendant plusieurs siècles. Rien, au surplus, dans le travail de M. Cibrario n'infirme les évaluations de M. Bureau de la Malle, dont le Mémoire explique, en outre, parfaitement, les causes qui, du milieu du quatorzième siècle à 1720, ont dû exercer, en France, une dépression puissante sur le chiffre de la population. C'est là, dans tous les cas, une question historique neuve en quelque sorte, et sur laquelle il ne sera possible de se prononcer avec certitude que lorsqu'on aura pu établir le chiffre de la population d'un certain nombre de communes ou provinces sur divers points de la France, à plusieurs époques du moyen âge.

[21] M. Littré a publié pour la première fois, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1re série, t. II, p. 201, le poème de Symon de Covino.

[22] ..... Considerans quod novem, mille jam migrantes in præsenti villa, ex peste, ideo est Deus magis dignetur placari et misereri populo præsentis villæ, auctoritate dicti domini judicis, ordinavit qua fiat tres processiones solemnes et cura majori devotione qua fieri potuit, per tres dies continuos et discontinuos, pro ut consolent viri religiosi præsenti villæ, et in processione celebretur solemnem missam quæ dicitur in galli canto nativitatis, dicentes in secundam illam que celebratur in aurora dicta festivitatis, et in tertiam, illam quæ cantatur in magna missa ipsius festivitatis. (Délibération du 29 novembre 1428.) Par une délibération du 31 décembre suivant, le Conseil de ville défendit de sonner les glatz, qui étaient incessants à cause du nombre des morts. Ob pestem nulli pulsentur clari. — Extraits inédits des registres du conseil de ville de Draguignan. — Je dois la communication de ces extraits à l'obligeance de M. Anglès, qui a fait, avec la patience d'un bénédictin, un dépouillement complet et des plus curieux des anciens registres municipaux de notre ville natale.

[23] Monstrelet.

[24] Histoire de Dieppe, par M. Vitet, 2e édition, p. 53. — M. Vitet ajoute que Dieppe n'a aujourd'hui que seize à dix-sept mille habitants. On objectera que le Havre n'existait pas alors ; mais ce ne serait, dans tous les cas, qu'un déplacement, et cela n'infirmerait en rien le système de M. Dureau de la Malle.

[25] Le panégyric du chevalier Sans-Reproche (Loys de la Trémoille), par Jehan Bouchet, procureur ès-cours royalles de Poitiers. — Poitiers, 1527, folio CX. — Jehan Bouchet termine sa citation par ces mots : Tu pourras t'enquérir si ce dire est véritable. — Cette pièce, reproduite dans les Mss. de Béthune, vol. 8,623, fol. 103 R°, porte en marge ce mot : Faux. Mais cette qualification ne parait concerner que le titre où l'on indique, comme étant unis à la couronne, divers duchés qui n'y ont été annexés que postérieurement à Charles VII.

D'après Godefroy, Histoire de Charles VII, p. 866, Jacques Cœur aurait écrit plusieurs autres Mémoires et instructions pour policer l'estat et la maison du Roy, ensemble tout le royaume de France. Godefroy ajoute que ces écrits ne sont pas encore imprimés. Le savant historien a tout simplement répété, à ce sujet, une assertion de Lacroix du Maine, dans sa Bibliothèque des auteurs français (Paris, 1584). — On ne connaît dans les bibliothèques publiques de Paris aucun écrit, manuscrit ou imprimé, qui puisse être attribué à Jacques Cœur. Le Père Lelong et le catalogne des manuscrits des bibliothèques de province, peu 'lainier, ne mentionnent pas davantage le travail dont Lacroix du Maine a donné le titre et qui s'est peut-être perdu.

[26] Monnale Petri Amari, clerici regis. Mss. cité par M. Monteil, Histoire des Français des divers états, t. IV, p. 424 et 426. — La Revue anglo-française a publié, t. III, p. 123, l'extrait d'un manuscrit du quinzième siècle qu'elle indique comme appartenant à la ville de Poitiers, et fini contient des indications analogues.

[27] Cette relation est extraite de l'Abrégé royal de l'alliance chronologique de l'histoire sacrée et profane, par le R. P. Philippe Labbe, 2 vol. in-4°, Paris, 1651, t. I, p. 696 et suivantes.

[28] Boban, orgueil, somptuosité. Glossaire de Roquefort.

[29] La description de Gilles de Bouvier est intitulée : Explication du royaume de France et des provinces voisines.

[30] L'auteur ne donne pas, malheureusement, le chiffre de la population de Paris. M. Dureau de la Malle l'évalue à 303.490 individus, pour l'année 1328, à raison de 61.098 feux (Document statistique inédit, publié dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, Ire série, t. II, p. 160.). Je trouve dans une Etude sur Gilles Corrozet, Parisien, et sur deux manuscrits relatifs à la ville de Paris au quinzième siècle, par M. Bonnardot (brochure in-8°, Paris, 1848), qu'en 1434, le nombre des mendiants de Paris était évalué à quarante mille, et que l'on y comptait, à la même époque, quatre mille tavernes ou cabarets.

[31] Bibl. Nat. Mss. Portefeuilles Fontanieu, n° 119-120.

[32] Histoire du Languedoc, par un religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur (Dom Vaisselle), t. V, p. 3.

[33] Histoire du Languedoc, etc., t. V, p. 5.

[34] Catalogue des livres imprimés de M. Leber, I. 3, art. 5,698. La signature de Jacques Cœur, dit M. Leber, est d'une élégance et d'une netteté qui prouvent que cet homme célèbre, le plus riche marchand et le premier financier de son siècle, était encore un excellent calligraphe. Voir le fac-simile de celle signature dans le chapitre suivant.

[35] Histoire du Languedoc, etc., t. V, p. 9. — L'équivalent était un droit que Charles VII avait, en 1444, autorisé les États du Languedoc à mettre sur la chair fraiche et salée, sur le poisson de mer, et sur la vente du vin au détail. Il y remplaçait les aides. (Mémoires sur les impositions, par Moreau de Beaumont, t. II, p. 196.). On sait ce qu'étaient les droits du grenier à sel.

[36] Histoire du Languedoc, etc., t. V, p. 12, 13 et 14.

[37] Bibl. Nat., Mss. Fonds Saint-Germain, n° 572 ; Procès de Jacques Cœur, p. 927.

[38] M. Raynal dit, loc. cit., p. 89, note, qu'il a vu des registres du chapitre de Bourges, du quinzième siècle, composés d'un papier excellent, portant dans la pâte d'écusson de Jacques Cœur. M. Raynal en conclut naturellement que celui-ci avait une papeterie, et qu'il améliora la fabrication du papier.

[39] Histoire chronologique du roi Charles VII, par Berry, premier héraut d'armes ; dans Godefroy, p. 429. — D'après Legrand, Histoire de Louis XI, Mss., t. V, Pièces justificatives, l'ambassade aurait été composée, outre Jacques Cœur, de Charles de Poitiers, chevalier, de Saint-Vallier, chambellan, et de Jean de Jambes, premier maitre d'hôtel.

[40] Histoire chronologique, etc., loc. cit., p. 429.

[41] Remque nobis gratissimam efficietis, si sepe litteras, et quid prolixas, ad nos dederitis. Bibl. Nat. Mss. France. N° 5,414, A, p. 78. — Cette lettre, qui se trouve au milieu d'un certain nombre de pièces reproduites dans le Spicilegium de dom Luc d'Achery, ne fait pas partie de cette précieuse collection et paraît être inédite. Voir aux pièces justificatives, n° 7.

[42] Le P. Daniel, Histoire de France. — La version de Monstrelet est, à la vérité, toute différente. Et se faisoient, dit-il, lui et ses gens, servir, au lieu de racines et d'eau de fontaine, du meilleur vin et des meilleures viandes qu'on pouvoir rencontrer.

[43] La pragmatique subsista dans son entier jusqu'au concordat de François Ier et de Léon X. La principale disposition de ce concordat fut de supprimer le droit d'élection, à cause des graves abus auxquels il donnait lieu, el de déléguer de nouveau au roi les nominations aux évêchés et prélatures (Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XIII. Préface, p. XLII).

[44] Le P. Daniel, Histoire de France, t. VII.

[45] Legrand, Histoire de Louis XI, Mss., t. VII. Pièces justificatives.

[46] Le P. Daniel, Histoire de France, t. VII.

[47] Jean Chartier, dans Godefroy, p. 131.

[48] Les Vigilles de Charles VII, par Martial d'Auvergne, année 1448.

[49] Misit quippe ad nos Celsitudo tua legationem prælatorum ac aliorum insignium et nobilium virorum omni ex parte præstantium, cum adeo insigni et prœclaro comitatu, ut qui sexaginta annorum in Romana curia retinebant, nunquam meminerint tam prœclaram, tam insignem, tam numerosam legationem adventasse... (Voir la lettre aux pièces justificatives, n° 7.)

[50] Sanctitas sua eundem argentarium diligebat in tantum quantum tune temporis fuisset aliquali infirmitate febrium alteratus, sua Sanctitas volait cura tenere infirmait in palatio suo Sancti Petri ut majorent curam de eo haberem medici suæ Sanctitatis quibus mandavit ut non minus curarent de sanitate ejus quam de persona sua ; sanctitatis si infirmata fuisset, quia casa arripuerat cum febris ipso stante in camera parlamenti..... etc. Dépositions en faveur de Jacques Cœur, envoyées, en 1462, à la cour de France par celle de Rome. Bibl. Nat. Mss. Fonds Saint-Germain, n° 572 ; Procès de Jacques Cœur, p. 708.

[51] Le P. Daniel, Histoire de France, t. VII. — Toute cette partie est traitée par le P. Daniel avec beaucoup de talent.

[52] Dom Luc d'Achery, Spicilegium, etc., t. III, p. 784.

[53] Amelgard (Thomas Bazin, évêque de Lisieux). Ad extinguendum schismatum, tanquam catholicus et christianissimus princeps laborabat, etc. (Voir pièces justificatives, n° 1, extrait H.)

[54] Jean Chartier ; dans Godefroy, p. 434.