LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

VALENCIENNES

 

CHAPITRE VIII. — LA MARLIÈRE.

 

 

La Marlière. Favart. Lavalette, Dufresse et Calandini. Dénonciation de Calandini. La Marlière rabroue le mouchard. Accusations de Dufresse et de Lavalette. Le bataillon des Lombards. Le procureur-syndic Sta. Duhem. Riposte de La Marlière. Nouveaux efforts de Lavalette. Bouchotte destitue La Marlière. Acte de vigueur de Duhem et de Lesage-Senault. Leur arrêté du 22 juillet et leur proclamation du 23. Réponse de la Convention à l'arrêté de Duhem. Discours de Robespierre. Rapport de Jeanbon Saint-André. La Marlière traduit au tribunal révolutionnaire. Son jugement et sa mort.

 

La chute de Custine entraîna celle de La Marlière. Le même jour, 22 juillet, et pour les mêmes motifs, les deux généraux étaient destitués.

Antoine-Nicolas Collier, comte de La Marlière, avait été capitaine dans un régiment d'infanterie et lieutenant de roi. Il tenait étroitement à l'ancien régime et possédait avant la Révolution la charge assez ridicule de capitaine des levrettes de la chambre de Monsieur. Homme d'esprit, ambitieux, enclin à l'intrigue, il ne fut pas des derniers, dit Beugnot, à retourner son habit. Lieutenant-colonel en 1791, colonel et général de brigade en 1792, général de division en 1793, il ne cessa d'affirmer son dévouement à la cause populaire. L'armée prononçait son nom avec estime et jugeait qu'il conduisait la guerre de postes d'une façon intelligente et active. Les représentants louaient ses opérations où il mettait autant de sûreté que de promptitude. Gasparin l'appréciait et avait avec lui commerce de lettres. Mais Courtois le trouvait avec raison un peu présomptueux. La Marlière ne négligeait aucune occasion de se faire valoir ; il mandait à la Convention ses escarmouches les plus légères et le Moniteur enregistrait ses moindres housardailles. Enfin, il cherchait trop ouvertement à se populariser ; comme Custine, il rudoyait et rabrouait l'officier, mais cajolait ne soldat[1].

Ce désir de se mettre en évidence et de gagner la faveur des troupes, le rendit suspect aux agents du pouvoir exécutif. On scruta son passé, on critiqua ses actes, set dès le commencement de mai, Defrenne écrivait à Bouchotte que La Marlière, d'ailleurs dénué de talents militaires et extrêmement étourdi, avait secondé Dumouriez et dit c'est bien fait en apprenant l'arrestation des quatre conventionnels et de Beurnonville[2].

Du reste, La Marlière avait dans son entourage de puissants ennemis. C'étaient le général Favart et trois Jacobins de la meilleure qualité et de la couleur la plus tranchée, trois hommes qui se proclamaient amis de Pache, de Marat et de la vraie et saine Montagne : Lavalette, Calandini et Dufresse.

Favart remplaçait à Lille le vieux Duval que le ministre avait nommé commandant de Béthune. On lui reconnaissait du patriotisme, de l'expérience, de la droiture, et personne ne suspectait ses intentions. Mais il avait 67 ans, et, dit un de nos agents, il ne possédait ni les talents ni l'activité qu'exige une forteresse considérable, et le Comité de défense générale qu'il présidait ne terminait aucune affaire, ne faisait que sauter de branche à branche. Sa circonspection était si grande qu'elle devenait de la timidité, presque de la peur. Lorsque Custine lui prit une quarantaine de pièces d'artillerie, Favart cria que Lille était perdu. Lorsque La Marlière eut permission de tirer trente bouches à feu de l'arsenal pour armer le camp de la Madeleine, Favart déclara que le camp serait forcé, que les canons ne pourraient plus rentrer dans la place. Lorsque La Marlière annonça le projet de fortifier les trois faubourgs de Lille, Favart objecta qu'on affaiblissait la défense par des ouvrages qui seraient à plus de huit cents toises de la ville, qu'il faudrait une armée de quarante mille hommes au moins pour occuper une pareille circonférence, que Lille deviendrait une forteresse fantastique aux besoins effrayants ; allait-on bâtir un château si vaste qu'on ne saurait y mettre tout son monde, et ne devait-on pas proportionner le nombre des appartements aux meubles dont on pouvait les garnir ? Enfin, Favart, subordonné à La Marlière, en voulait au jeune général qui le tenait sous sa dépendance et désirait lui substituer l'Irlandais Keating. Presque chaque jour il se plaignait à Bouchotte de la bigarrure du service, assurait que tout ce qui se faisait dans Lille était contraire à la loi, que la ligne de démarcation n'était pas nettement établie entre les commandants des armées et ceux des villes fortes. La Marlière, disait-il, en usait librement avec lui, et s'arrogeait le droit de diriger la garnison à sa fantaisie et sans restriction ; La Marlière donnait directement des ordres dans la place, sans le requérir ni même l'avertir ; La Marlière écrivait à trente hommes du 13e cavalerie de partir pour Seclin, et l'on ne connaissait ce départ que par l'officier qui demandait l'ouverture des portes en exhibant l'instruction du général ; La Marlière remplaçait le 13e cavalerie par le 21e, et Favart n'apprenait ce changement que par ricochet ; La Marlière transgressait dans tous les points l'arrêté du 11 juin, car, au 13 juillet, la garnison qui devait se composer de quatre mille hommes au moins, n'en comptait que trois mille cinq cents. Favart pouvait-il assumer, en une telle situation, la responsabilité de la défense ? Ne serait-il pas, d'un instant à l'autre, sans troupes suffisantes ou avec des découpures de corps qui lui seraient tout à fait nouveaux[3] ?

Le ci-devant marquis de Lavalette, dont la famille avait émigré, cherchait à faire oublier son origine par le jacobinisme le plus ardent. Il regrettait bruyamment d'appartenir à la caste proscrite et déplorait cette tache, cette tare qui pèserait toute sa vie sur sa tête. On l'accusait d'avoir été membre du club des feuillants ; mais il protestait avec énergie : j'ai combattu Bouillé à Nancy ; j'ai combattu Lafayette à Paris en défendant les quatorze victimes de l'Oratoire, en défendant Santerre après Vincennes, en empêchant ma section de prêter à Lafayette un serment d'aveugle obéissance. Bien qu'incapable de commander une patrouille, il fut élu lieutenant-colonel du bataillon des Lombards au mois de septembre 1792 et prit part à la campagne de l'Argonne. Mais son bataillon se conduisit assez mal : le 15 septembre, il se repliait de Suippes sur Châlons, et le 30, à l'approche des hussards prussiens, il s'enfuyait à toutes jambes en criant qu'on le menait à la boucherie. Pendant l'expédition de Belgique, Lavalette organisa le club bruxellois où il déclamait avec violence contre les bigots encapuchonnés, mitrés, crossés, sandalés, qui embêtaient les peuples, pour les remettre sous leur sainte tyrannie et boire leur sang à longs traits. Il enleva le vote de réunion dans les assemblées électorales de Gand et de Bruxelles ; à Gand, où il assista le commissaire Alexandre Courtois, il prétendit que s'était manifesté le vœu le plus pompeux et le plus général ; à Bruxelles, il engagea les électeurs à faire librement et avec courage leur premier acte de souveraineté. Nommé commandant temporaire de Lille après la retraite de l'armée de Belgique, il déjoua par sa vigueur les tentatives de Dumouriez et de Miaczynski ; il a fait à peu près tout, écrivait un témoin oculaire. Puis, après avoir pourvu, selon ses propres expressions, à la sûreté de Lille, au dedans comme au dehors, et saisi dix mille aunes de ruban blanc préparées par les royalistes, il avait, sur l'ordre du Conseil exécutif, pris durant quelques jours le commandement de Cambrai, pour concentrer les recrues et prêcher l'évangile de la liberté. Il quitta Cambrai en jurant que l'esprit y était très mauvais et qu'après son départ, l'aristocratie y monterait de plusieurs crans. A peine avait-il regagné Lille qu'il était promu général de brigade. C'est, disait Defrenne, le meilleur républicain que je connaisse, et Lavalette se vantait lui-même de n'avoir jamais fléchi devant les tyrans, voire devant les tyrans d'antichambre. Aussi obtint-il aisément que son bataillon des Lombards vînt en garnison à Lille ; ce bataillon était alors à Cassel, mais, assurait Lavalette, il avait donné l'exemple du courage, de la discipline, du civisme, et il saurait, à Lille, sous l'impulsion de son ancien lieutenant-colonel, détourner le mal que causaient des généraux indécis et ennemis de la garde nationale et des républicains. Lavalette, devenu général, fut le second de Favart et son coadjuteur indispensable. Il s'empara de lui, le captiva, le subjugua. Favart jugeait Lavalette absolument nécessaire et ne voyait que par ses yeux, louait sa vigilance, sa surveillance active et éclairée, ses rapports qui méritaient la plus sérieuse attention. Ne souffrez jamais, écrivait-il, qu'on tire de Lille Lavalette ; il servira ici plus efficacement que partout ailleurs, il a de l'esprit, des lumières et le jeu de la chose. Lavalette gouvernait donc Lille sous le nom de Favart et y dictait la loi. De là, sa haine contre la Marlière que Custine avait fait le supérieur de Favart. Après avoir entretenu de bonnes relations avec le général, il ne vit plus en lui qu'un rival, et pour être maître de Lille, et y garder seul influence et pouvoir, il le combattit de toutes ses forces, le calomnia, le noircit en chaque occasion : J'ai plus de droits que La Marlière au commandement de Lille, disait-il, et ma tête tombera, ou la sienne[4].

Les auxiliaires de Lavalette étaient Calandini et Dufresse. Né en Corse, près de Bastia, fixé depuis vingt-huit années sur le continent, marié et domicilié à Arras, Calandini écorchait la langue française et ne savait pas orthographier. Mais il appartenait aux Jacobins de la capitale et promettait de leur servir de sentinelle, de faire de Lille un autre Paris. Il fut l'ami de Robespierre, de Danton qu'il suivit en Belgique, de Hanriot qui voulait l'attacher à son état-major. Lavalette ne pouvait se passer de lui, et déclarait qu'il était bon officier et bon instructeur de troupes, qu'il avait utilement lutté pour la Révolution, qu'il méritait le grade de lieutenant-colonel. Pour l'instant, Calandini exerçait à Lille les fonctions de capitaine adjudant de place[5].

Dufresse était acteur, et ses amis prônaient son talent, affirmaient qu'il avait l'art d'inculquer à ses auditeurs les sublimes maximes de Brutus et de Scévola. Capitaine de la garde nationale et aide-de-camp du général Moreton, il se signala par sa bravoure à la bataille de Jemappes ; il se jeta parmi les volontaires du centre qui fuyaient, leur cria de le suivre, leur chanta Amour sacré de la patrie et les ramena vers le bois de Flénu. Un mois après, il reprenait du service dans la troupe de la citoyenne Montansier qui faisait une tournée en Belgique ; il obtint la direction du théâtre de Bruxelles et monta plusieurs pièces patriotiques, entre autres Charles IX. C'était alors un courtisan de Dumouriez. Je l'ai vu, raconte un Belge, flagornant le général, parlant devant lui et comme lui des représentants du peuple avec un mépris insultant. Il lut sur la scène au public bruxellois la proclamation de Dumouriez contre les clubistes. Quand changea la fortune, Dufresse devint jacobin fervent. Lorsqu'il allait à Paris, il se promenait au Palais Royal, portant à la boutonnière, en forme de décoration, une petite guillotine très joliment ciselée. Il accompagna Lavalette à Gand, à Cambrai, et afficha le civisme le plus exalté. Il a secondé mes travaux, disait Lavalette, avec un zèle et une assiduité dignes d'un vrai républicain, et il priait Bouchotte de ne pas le séparer de Dufresse. Le ministre envoya Dufresse à Lille, lui donna le grade d'adjudant-général, le chargea de se rendre au camp de César pour sonder les esprits et connaître les dispositions du soldat à l'égard de Custine. Fort de la recommandation de Lavalette et de l'appui de Bouchotte, le comédien sollicitait le brevet de général de brigade et de commandant temporaire de Lille à la place de Chevaleau-Boisragon qu'il nommait un être inutile et dangereux, la créature de La Marlière et son satellite dévoué, un furieux qui menaçait de brûler la cervelle à quiconque osait seulement soupçonner son bienfaiteur[6].

Calandini porta les premiers coups à La Marlière. Le 16 juin, il le dénonçait aux jacobins de Paris ; suivant lui, le général recevait perpétuellement des trompettes et des officiers ennemis qui n'étaient que des espions et qu'il accueillait à merveille ; il faisait ouvrir les portes de la ville dix fois chaque nuit ; il appelait au dehors les bons bataillons et laissait à Lille les plus mauvais ; il enlevait à l'arsenal plus de cinquante mille cartouches par jour ; il avait la confiance de Custine comme Berneron et Marassé avaient eu la confiance de Dumouriez ; il tranchait du ministre absolu, affectait tous les pouvoirs, prenait un ton de despote qu'on eût à peine souffert sous l'ancien régime ; il avait toujours le mot de République à la bouche, mais il ne rendait aucun compte aux autorités constituées, n'entretenait aucune relation avec les sociétés politiques, ne fréquentait que des suspects, caressait Champmorin et l'Irlandais Keating ; bref, sa conduite n'était pas très claire ; il compromettait la sûreté de la place, désorganisait la garnison, et dérangeait les plans ; on devait lui défendre d'habiter Lille et lui donner des surveillants incorruptibles qui le ramèneraient à l'ordre.

La Marlière lut cette dénonciation dans un journal. Il fit venir Calandini devant son état-major. Me connaissez-vous, lui dit-il. — Oui, je vous connais, répondit Calandini. Je vous ai vu passer lorsque vous allez au Conseil de guerre. — N'avez-vous pas écrit sur mon compte ?Oui, comme on doit écrire sur le compte d'un homme aussi brave que vous êtes. La Marlière lui montra le journal. Calandini, décontenancé, balbutia qu'il n'avait écrit que sur des ouï-dire et qu'il était étranger. Quand un étranger qui parle et entend aussi mal le français, s'écria le général, signe des dénonciations, il devrait être mieux instruit. Puis, s'échauffant, se jetant dans l'invective : Je vous méprise comme la semelle de mes souliers ; vous êtes un mouchard ; indigne de porter l'épaulette ; j'ai envie de vous faire déshabiller et de vous envoyer tout nu aux Autrichiens ; si je vous livrais à ma division, elle ferait prompte justice d'un être qui n'est même pas Français, d'un Italien ou d'un Espagnol soudoyé par Pitt et Cobourg ! Sortez sur-le-champ et ne paraissez plus devant moi. Je vais demander votre destitution au Comité de salut public. Calandini se hâta de narrer l'incident à Robespierre ; La Marlière, disait-il, l'avait outragé, mais un citoyen qui n'a rien à se reprocher, ne recourt pas aux injures pour se disculper. La Marlière pouvait le calomnier, le dépouiller de sa place et de son titre d'officier ; lui, Calandini, persisterait à jouir des droits sacrés de l'homme, à épier les fonctionnaires et tous ceux que la République salariait pour la servir : La Marlière me redoute ; je le surveillerai davantage.

Et il le surveilla, le dénonça plus âprement que jamais. La Marlière écrivait que la cérémonie du 14 juillet avait été marquée par le patriotisme le plus pur et qu'il régnait à Lille un ensemble d'opinions qui lui faisait le plus grand plaisir. Calandini mandait aux frères et amis qu'il avait cru voir Lafayette au milieu du cortège de la fête civique. Il répétait que les portes de Lille s'ouvraient la nuit continuellement et jusqu'à dix fois, que les trompettes des alliés ne cessaient d'aller et de venir par la ville, qu'on était las de rencontrer ces mascarades à travers les rues. Dans une séance du club, il apostrophait ainsi La Marlière : Tu es le premier soldat, tu dois donc l'obéissance aux autres. Si tu es soldat républicain, tu iras bivouaquer au camp avec ton quartier-général. Si tu n'es pas républicain, tu resteras en ville. Que m'importe à moi que tu m'appelles Italien ou Espagnol ; tout bon républicain est citoyen français ; mais si tu es inquiet de ma naissance, je te le dirai, je suis un fils à Brutus ![7]

Dufresse joignait ses efforts à ceux de Calandini. Il qualifiait La Marlière de scélérat, le représentait comme un potentat entouré d'une cour de jeunes aides-de-camp qui flattaient les passions de leur maître et n'osaient lui dire la vérité, l'accusait de mettre la République en périt par esprit de vengeance, de persécuter les patriotes en toute circonstance et de les dégoûter du service, d'éloigner de Lille les meilleurs jacobins, de reléguer à Béthune le lieutenant-colonel du 13e régiment de chasseurs à cheval, Alexandre Dumas[8].

Lavalette soutenait Dufresse et Calandini dans leur tâche républicaine. Lui aussi accusait La Marlière d'être l'ennemi de la chose publique, de recevoir chaque jour les trompettes des alliés, d'ouvrir chaque nuit les portes de la ville, d'ôter de Lille les hommes armés et instruits pour y laisser les contingents ignorants et sans armes. La Marlière, disait Lavalette, avait fait à Calandini le même accueil que Dumouriez aux députés de la Convention ; il l'avait interpellé d'une voix dictatoriale, l'avait traité comme un esclave et un gueux, comme on ne traiterait pas un brigand, et depuis cette scène atroce, il poursuivait Calandini de sa haine implacable ; on ne parlait dans Lille que de coups de bâton et de pistolet. Encore si La Marlière était resté dans son camp ! Mais il voulait envahir tous les commandements, il levait la crête, il bravait l'opinion, il jouait au demi-dieu et même au dieu, il s'environnait d'adorateurs, il avait une cour de généraux — Champmorin, l'Irlandais Keating et Chevaleau-Boisragon, — homme colère, bête et rampant ; il faisait insérer dans la gazette de Lille de plates flagorneries ; comme Lafayette, il payait, extorquait des adresses à tous les corps, afin d'avoir une armée à lui ; comme Lafayette, il profitait des fêtes pour modérantiser le peuple et lui forger une nouvelle idole, et au 14 juillet, il avait, au milieu d'une suite énorme, caracolé ainsi que Lafayette au Champ-de-Mars ; il saluait avec le même empressement, il affectait la même popularité, il avait le même esprit de domination et de représailles que Lafayette. Son but, c'était le ministère de la guerre. On avait entendu Custine lui offrir la place de Bouchotte. Depuis longtemps, insinuait Lavallette, j'observe que dans la coalition qui m'entoure, on parle toujours de l'incapacité de Bouchotte, et de La Marlière pour ministre. Il se doutait que son rival avait au Comité de salut public un ami chaud et dévoué, Gasparin ; et de Paris, Gasparin, qui croyait aux talents de La Marlière, le réconfortait, l'encourageait, lui disait de mépriser la calomnie et de se venger en battant les Autrichiens. Mais, objectait Lavalette, ne savait-on pas que La Marlière avait adroitement brillanté ses opérations à Gasparin et que, pour plaire au représentant, le général lui faisait hommage de tous ses petits succès d'avant-postes[9] ?

Pourtant, quelle que fût la souplesse de Lavalette et l'activité de sa cabale, il avait contre lui la garnison de Lille, le procureur-syndic du district Sta et les commissaires Duhem et Lesage-Senault. Le bataillon des Lombards s'était désaffectionné de son ancien lieutenant-colonel, et le quartier-maitre trésorier, l'adjudant-major, ui capitaine et quarante officiers et volontaires écrivaient à la Convention que Lavalette transformait Lille en une arène où il faisait combattre les généraux les ans contre les autres pour s'élever sur leurs débris, qu'il était un feuillant déguisé, un dilapidateur de la fortune publique, une créature de Dumouriez, un ignorant, un intrigant. Le procureur-syndic Sta minait sourdement son crédit et s'efforçait de lui nuire en toute circonstance. Duhem déclarait hautement qu'on devait se défier de Lavalette, de Dufresse et surtout de Calandini, qu'il dénonçait à la Société populaire comme un homme suspect. Enfin, La Marlière ripostait en rendant accusation pour accusation. A son tour, il incriminait Lavalette, assurait que Lavalette négligeait l'instruction du militaire, soit par malveillance, soit par ineptie, et ne passait pas les revues de rigueur, que Lavalette changeait très souvent le mot d'ordre de la place et laissait aux prisonniers de guerre une pleine liberté, que Lavalette avait promu son palefrenier Lefèvre au grade d'adjudant-major dans un bataillon belge, que Lavalette avait par trahison ou par paresse retardé de quatre heures l'ouverture des portes dans un moment où la troupe devait quitter Lille pour marcher aux ennemis, que Lavalette n'avait pas adhéré à la Constitution, puisqu'il n'avait pas signé l'adresse envoyée à la Convention par la première division de l'armée du Nord, qu'il avait de sa propre autorité fait sortir de leur cachot des soldats inculpés de délits graves, qu'il permettait à un chef de poste de venir à Lille sans que le général-commandant fût averti.

Mais Lavalette rédigeait lettres sur lettres et mémoires sur mémoires pour ruiner La Marlière. Il affirmait que le bataillon des Lombards, dont il vantait naguère le civisme, avait maintenant un fort mauvais esprit. Il rappelait que le procureur-syndic Sta était marié à une Anglaise, le nommait un homme très dangereux, l'accusait de s'unir à tous les gros messieurs, de voir tous les Anglais de la terre et d'être un ami de la faction anglo-prussienne, d'entretenir des relations suspectes avec la Belgique, d'être vendu à Dumouriez comme il s'était autrefois vendu à Béthune-Charost. Il reprochait aux commissaires de la Convention leur aveuglement et leur partialité. Duhem et Lesage-Senault disaient qu'ils voyaient tout par eux-mêmes ; Lavalette leur répondait que l'œil du peuple est toujours bien plus clair et plus sûr. Il gémissait sur l'égarement de Duhem qui suivait avec véhémence et humeur une marche fausse et voulait perdre une collection de patriotes. Il ameutait le club contre Duhem, et les jacobins se plaignaient que le représentant, quoique né parmi eux, eût oublié sa ville natale pour s'attacher à la coalition des généraux et à des individus comme Custine et La Marlière. Enfin, Lavalette ne cessait d'écrire à Bouchotte, à Vincent, à Dupin, à Brune, et par Brune à Danton et à Robespierre, pour vilipender son ennemi. La Marlière, répétait-il, était un aristocrate puant, fieffé, un partisan de Lafayette, un sujet de Dumouriez, un flatteur de Custine ; il donnerait le coup de grâce aux pauvres sans-culottes de Lille et causerait les plus grands désastres : Je vois dans tout ceci, disait Lavalette, une queue de Dumouriez effrayante ; il faut soutenir Calandini ; s'il est écrasé, les patriotes n'oseront plus parler ; pas de moyens lénitifs ; rien ne peut se plâtrer, et il marquait à Brune : Cher Patagon, point de paresse, le tapis brûle, voyez Danton ! Le 7 juillet, il priait Bouchotte de faire venir Calandini à Paris : 1° Calandini répondrait aux calomnies de La Marlière ; 2° il était demandé par Hanriot ; 3° il n'était plus en sûreté à Lille où La Marlière aiguisait tous les jours des poignards contre lui. Bouchotte suivit le conseil de Lavalette. Le 11 juillet, il ordonnait à Calandini de se rendre sur-le-champ à Paris pour lui fournir des renseignements dont il avait besoin. Mais Lavalette et Dufresse ne discontinuaient pas d'implorer de Bouchotte aide et secours : on devait en finir ; La Marlière régnait à Lille ; il avait à ses ordres spadassins, libellistes, folliculaires ; il ne gardait plus de mesure ; ou Bouchotte le frapperait ou il rappellerait de Lille Lavalette et Dufresse qui n'étaient plus utiles, pour les sauver au moins du couteau maratin[10].

Bouchotte venait d'arracher Custine à l'armée du Nord et il avait l'assentiment du nouveau Comité de salut public. Le 20 juillet, il nommait Dufresse commandant temporaire de Lille à la place de Chevaleau-Boisragon qu'il envoyait à Paillencourt. Le même jour, il sommait La Marlière de coucher au camp de la Madeleine, et de quitter Lille où Favart seul commandait ; le 22, il le destituait et l'appelait à Paris ; le 26, il le dénonçait au Comité et l'accusait de n'avoir exécuté l'arrêté du Conseil en aucun point : Lille devait avoir une garnison de 4.000 hommes au moins, et les états de situation ne portaient que 3.500 hommes ; au lieu de posséder dans ses murs une armée bien organisée, la plus importante forteresse des Flandres n'avait que quelques dépôts[11].

Au même instant, Duhem et son collègue Lesage-Senault faisaient acte de vigueur. Ardent, fougueux, violent, et, comme on disait déjà, radical, Duhem refusait néanmoins de pactiser avec les jacobins et les montagnards qu'il savait intrigants ou coquins, et dans ses lettres au Comité de salut public il exhalait librement sa colère. Tout ce qu'il voyait autour de lui le révoltait : les attaques furibondes de Laveaux, de Hébert et de Marat contre Custine, l'appui que les bureaux prêtaient aux commissaires du pouvoir exécutif Celliez et Defrenne, la protection dont Bouchotte couvrait Lavalette, Dufresse et Calandini, les tripotages et les vols de plusieurs agents que le ministre de la guerre avait envoyés dans le Nord. Dégoûté, écœuré, Duhem demandait son rappel ; il alléguait qu'il était du pays et que douze commissaires de l'Assemblée s'abattaient sur la Flandre ; il invoquait deux décrets, l'un qui fixait à quatre le nombre des représentants du peuple près de chaque armée, l'autre qui défendait à tout conventionnel d'être commissaire dans son département. Par quelle fatalité, écrivait-il au Comité de salut public, avez-vous plus de confiance en quelques aventuriers brouillons, comme Lavalette et le comédien Dufresse que dans ceux de vos collègues qui ont fait leurs preuves depuis longtemps ? Vous êtes circonvenus, citoyens. Les bureaux de la guerre, qui renferment maintenant ce qu'il y a de plus corrompu dans la République, veulent perdre la France ; ils n'accueillent et ne voient que les fripons. Ces fripons savent très bien que la Commission du Nord commence à voir clair dans leurs brigandages. Le fameux Ronsin, actuellement général, Huguenin, Bridel et autres coquins ne nous pardonneront jamais d'avoir saisi pour deux millions d'effets qu'ils ont volés à la République ; ils craignent de rendre compte des sommes qui leur ont été données par le ministre de la guerre et de celles qu'ils ont extorquées en Belgique. Et Duhem demandait, au nom des lois, son rappel qui, d'ailleurs, ajoutait-il, était chose arrêtée dans les bureaux de la guerre[12].

Cependant, avant de partir, Duhem prit, avec Lesage-Senault, une mesure décisive. Les deux représentants, uniquement préoccupés de la défense nationale, avaient résolu d'éloigner à la fois La Marlière et Lavalette, de terminer ainsi la malheureuse querelle où personne ne portait la pensée du bien public, où tous semblaient chercher leur propre profit, et non l'utilité de la patrie.

La Marlière et Lavalette, disaient Duquesnoy et Desacy, se détestent cordialement et tâchent, l'un de supplanter son supérieur qu'il jalouse, l'autre d'écarter ou de perdre un inférieur qui lui déplaît. Duhem et Lesage-Senault étaient du même avis. Croyez-en, mandaient-ils au Comité, l'expérience de deux Lillois qui, depuis quatre ans, ont ici fait la Révolution et savent par quels moyens il faut la soutenir ; il y a clique partout, et il n'en faut pas ici. Ils reconnaissaient que La Marlière avait de légitimes griefs contre Lavalette ; ils rendaient justice à son activité ; mais, remarquaient-ils, le général était d'esprit borné et d'humeur très chatouilleuse ; il se fâchait, s'emportait à propos de bagatelles, et sa conduite ne seyait pas à un républicain ; il aimait à être en scène ; il s'efforçait de gagner les cœurs et de se créer un parti ; il avait une clique, et certaines personnes de la clique La Marlière hantaient trop volontiers les Anglais qui demeuraient à Lille. Quant à Lavalette, les deux commissaires le regardaient comme un agitateur et ne voyaient en lui qu'immoralité, que sourdes pratiques et odieux manèges, que scélératesse. Lavalette, disaient-ils, était dévoré d'ambition. Pendant la retraite de Belgique, il priait l'agent du Conseil exécutif, Gonchon, de lui faire donner, ne fût-ce que pour quinze jours, le commandement de l'armée. Et cet homme portait les cheveux gras et jurait qu'il ne souhaitait rien, qu'il ne tenait à rien f Il voulait perdre tout ensemble La Marlière et Favart ; après avoir chassé de Lille La Marlière, il chasserait, sous un prétexte honnête, le ion Favart. Il avait travaillé les canonniers et la 31e division de gendarmerie : les canonniers demandaient avec l'acharnement et toute l'indécence de gens en insurrection leur sol de grenade ; la gendarmerie sommait insolemment les commissaires de la retirer de ses bivouacs des avant-postes. Évidemment, concluaient Duhem et Lesage-Senault, Lavalette avait l'intention de s'appuyer sur les canonniers et les gendarmes pour se rendre maître de la ville. D'ailleurs, ne s'entourait-il pas de mauvais sujets et de fripons de toute espèce ? N'avait-il pas fondé un club de sans-culottes qui siégeait dans un cabaret ? N'avait-il pas régalé naguère les nouveaux clubistes en leur offrant quatre têtes de veau ? Et lorsqu'on avait dit devant lui que Duhem était salarié par Cobourg, n'avait-il pas répondu, non sans suffisance, que dans huit jours, on mettrait ordre à tout cela ? Ne semait-il pas l'or à pleines mains ? Ne se vantait-il pas d'avoir douze mille livres à dépenser par mois ?

Il fallait donc, écrivaient Duhem et Lesage-Senault au Comité, abattre des têtes dangereuses, faire sauter les généraux, renvoyer tout d'un coup les deux hommes qui étaient à Lille deux pierres d'achoppement : La Marlière partirait ; Lavalette et son acolyte Dufresse partiraient aussi ; jamais nous ne pourrons souffrir qu'un Dufresse commande à Lille.

Le 22 juillet, Duhem et Lesage-Senault prenaient l'arrêté qui débarrasserait Lille de Lavalette et de La Marlière. La République, disaient les deux représentants, ne pouvait être sauvée que par l'ensemble et l'unité d'action ; or, les dénonciations portées contre Lavalette étaient graves et ses démêlés avec La Marlière exaspéraient les esprits, engendraient l'insubordination, entravaient le service et favorisaient les projets de l'ennemi en divisant les citoyens au moment où toutes les affections, toutes les volontés, tous les efforts devaient se diriger contre les tyrans coalisés ; Lavalette était donc suspendu ; Dufresse, dont la conduite paraissait plus que suspecte, serait mis en état d'arrestation ; Chevaleau-Boisragon resterait seul chargé du commandement temporaire de Lille ; La Marlière, remplacé provisoirement par le général Béru, irait sur-le-champ, ainsi que Lavalette, rendre compte de ses actes au Comité de salut public.

Le lendemain, une proclamation affichée sur les murs de Lille et signée par Duhem, Lesage-Senault et Delbrel, faisait connaitre aux habitants la décision des commissaires et les invitait au calme et à l'oubli de toute dissension. Deux hommes, déclaraient les conventionnels, troublaient et déchiraient la cité ; l'un cachait son ambition effrénée sous le masque de la sans-culotterie et tâchait d'arriver à ses fins par la délation, opposant le peuple à ses représentants, les généraux aux généraux, les citoyens aux magistrats et les subalternes aux chefs légitimes, semant la confusion, répandant la calomnie, usant d'intrigues et de manœuvres de toute sorte pour obtenir le commandement de Lille et du camp de la Madeleine ; l'autre, actif, républicain, n'avait pas l'âme assez ferme pour se préserver d'une affectation de popularité qui provoquait les soupçons, donnait prise aux accusations et causait des rixes quotidiennes. Soldats et citoyens se partageaient entre ces deux hommes ; les uns criaient à la trahison, et les autres, à l'anarchie ; on n'exécutait les ordres qu'avec mollesse et méfiance. Forts de leur conscience et de leur amour du bien, pénétrés de cette grande vérité qu'il faut dans une République s'occuper des choses et non des individus, les représentants n'hésitaient pas à c ôter du milieu de la scène des hommes qui devenaient un objet de discorde[13].

La Convention apprit le 24 juillet que ses commissaires Duhem, Lesage-Senault et Delbrel avaient suspendu Lavalette et arrêté Dufresse. Aussitôt Robespierre parut à la tribune. Il appréciait Lavalette et Dufresse ; il voyait en eux des hommes d'épée dont il aurait besoin un jour ; il devait plus tard les attacher à sa personne et les placer tous deux dans la garde nationale parisienne[14]. Il attaqua La Marlière avec violence. Ce La Marlière, disait-il, était l'intime de Custine et conspirait avec le général Moustache ; La Marlière avait employé tous les moyens pour livrer Lille aux ennemis ; La Marlière s'obstinait à rester dans la place malgré les ordres du Conseil exécutif qui lui assignaient un autre poste. Lavalette, au contraire, était un vrai républicain ; il avait pour lui les soldats et le club ; il déjouait les manœuvres de La Marlière et de Custine comme il renversait naguère les desseins de Dumouriez et de Miaczynski qui voulaient ouvrir les portes de Lille aux Autrichiens. Et Lavalette, qui faisait tant d'efforts pour assurer le triomphe de la cause populaire, succomberait au tribunal des commissaires de la Convention ! Non ; le génie de la liberté protégerait encore une fois les patriotes persécutés ; Lavalette viendrait à Paris, mais le Comité de salut public et le Conseil exécutif lui rendraient justice et renverraient à Lille cet officier si nécessaire à la défense de la forteresse ; les trahisons de La Marlière et de Custine seraient mises à découvert, et Robespierre s'engageait à confondre ces généraux perfides.

Bentabole appuya Robespierre et critiqua les représentants qui prenaient des mesures hasardées, dictées par la prévention et par l'esprit de parti ; Duhem lui semblait patriote, mais il s'égarait quelquefois ; il avait fait tout récemment un pompeux éloge de Custine ; il se laissait évidemment tromper par les confidents du général, et la Convention ne pouvait le maintenir plus longtemps à l'armée du Nord.

Robespierre revint à la charge. Il s'écria que Duhem ne rougissait pas d'être l'avocat de Custine et que Duhem commettait un nouvel acte d'incivisme en suspendant Lavalette, que Duhem devait être rappelé sur-le-champ. La Convention, docile, décréta le rappel de Duhem et renvoya au Comité de salut public l'arrêté des commissaires contre Lavalette.

Le rapport fut présenté le 31 juillet. Jeanbon Saint-André l'avait rédigé d'après les notes de Lavalette, de Dufresse et de Calandini. Il déclara que La Marlière était le complice de Custine qui méditait, comme Dumouriez, de livrer aux coalisés l'armée et les forteresses du Nord. Mais, par bonheur, trois officiers d'un patriotisme avéré, Lavalette, Dufresse, Calandini, avaient surveillé La Marlière. Ils avaient reconnu que La Marlière faisait travailler sa division par des intrigants, qu'il retirait de la ville les meilleures troupes et affaiblissait à dessein la garnison, dans le temps où les alliés, fatigués de la résistance de Valenciennes, pouvaient se rabattre sur Lille et l'assiéger, qu'il recevait tous les jours des trompettes ennemis sans précaution et sans nécessité, qu'il ouvrait plusieurs fois durant la nuit les portes de la ville, malgré les murmures du peuple et les plaintes de la municipalité. Pris en flagrant délit de traîtrise, La Marlière avait essayé de gagner l'opinion publique et de calomnier ses dénonciateurs. Le rédacteur de la Gazette lilloise, un folliculaire du nom de Paris, frère de l'assassin de Le Peletier, avait prôné La Marlière comme un héros et un dieu, et qualifié Calandini d'anarchiste, de désorganisateur. Puis, on avait mendié des adresses, des pétitions d'officiers et de soldats ; on avait crié vengeance contre Calandini, et lorsqu'on s'était cru certain de l'impunité, sûr de faire sans danger acte de despotisme, La Marlière avait mandé Calandini au milieu de son état-major, de ses aides-de-camp et de ses adjoints — la cour de Dumouriez ! — il l'avait traité avec hauteur, l'avait menacé, l'avait accablé d'injures révoltantes, l'avait chassé, lui avait défendu de reparaître en sa présence. Et si La Marlière s'en était tenu là 1 Mais, après avoir éloigné Calandini, il cherchait à se débarrasser de Dufresse et de Lavalette ; il dégarnissait Lille et enlevait à la place 76 pièces de canon ; il désirait s'emparer de toute l'autorité, et soumettre à son pouvoir le général Favart qui commandait la ville. Vainement Lavalette restait ferme à son poste et n'écoutait que son devoir ; vainement il encourageait Favart à résister aux prétentions de La Marlière. C'était La Marlière qui donnait le mot d'ordre et à Lille et au camp ; il bravait les décisions du Conseil exécutif ; il en appelait à Custine, à ce Custine qui, comme lui, se moquait des arrêtés du Conseil et des décrets de la Convention, à ce Custine qui ne suivait que sa volonté particulière ou plutôt la volonté de la Prusse et de l'Autriche ; il trompait les représentants du peuple. Oui, ajoutait Jeanbon Saint-André, vos commissaires ont été abusés ; ils ont fait à Lavalette un crime de sa popularité ; ils lui ont reproché de manger avec des citoyens de petite fortune ; ils l'ont blâmé d'avoir servi quatre têtes de veau dans un repas de sans-culottes ; ils lui en voulaient de n'être pas le complice de Custine et de La Marlière, de ne pas fréquenter la bonne compagnie de Lille, la société de Mme Sta et les Anglais qu'elle assemble chez elle. Et voilà pourquoi Dufresse a été mis en prison ! Voilà pourquoi Lavalette a été suspendu, Lavalette qui luttait contre Dumouriez, Lavalette qui sauvait Lille et conservait sa garnison à la République, lorsque Dumouriez s'alliait aux Impériaux, Lavalette qui de son autorité et de sa propre main arrêtait Miaczynski, Lavalette qui s'opposait à des généraux dont la trahison n'était pas douteuse ! Quoi l un émigré, dans une lettre interceptée, disait qu'il était entré dans Lille avec la permission de La Marlière et qu'il espérait y revenir, y acquérir des lumières importantes, et La Marlière se plaignait d'insubordination et de désobéissance ! Désobéir aux ordres d'un pareil homme, n'était-ce pas demeurer fidèle à la République ?

Sur la proposition de Jeanbon Saint-André, la Convention décréta qu'il n'y avait lieu à aucune inculpation contre Lavalette, Dufresse et Calandini[15] et que La Marlière serait traduit au tribunal révolutionnaire comme prévenu de complot contre la sûreté générale de la République.

Le 3 août, Lavalette était rétabli dans ses fonctions, et le lendemain, à la parade, Favart faisait reconnaître l'adjudant-général Dufresse. Heureux et tout fiers de leur réintégration, Lavalette et Dufresse écrivaient au Comité que, de concert avec des représentants du peuple montagnards et décidés, ils allaient fortifier l'esprit public qui avait besoin d'instruction et de développement, étouffer le génie liberticide des malveillants et surtout des corps administratifs[16].

La Marlière se justifia devant le tribunal révolutionnaire avec vigueur et habileté. Dampierre, disait-il, l'avait chargé de couvrir Lille et au besoin de défendre la forteresse ; Lamarche, de protéger les villes environnantes et de porter les bataillons partout où il le jugerait nécessaire ; Custine, de commander la Flandre maritime. Mais lui, La Marlière, s'était contenté du droit de disposer des troupes et de les mettre en branle pour les expéditions qu'il entreprenait sur la frontière ; il laissait Favart et Lavalette régler le service de la place, pourvoir à tous les détails, convoquer le conseil de guerre, donner le mot d'ordre.

Mais n'avait-il pas invité des officiers ennemis à sa table ? — Je n'ai vu les ennemis, assurait-il, qu'à la pointe du sabre, et je n'ai jamais invité de gens stipendiés pour troubler nos principes.

Du moins, il avait reçu des trompettes ? — Cinq trompettes, disait la Marlière, étaient venus, en effet, pour traiter de l'échange des prisonniers ; mais ils étaient accueillis aux avant-postes avec les formalités d'usage ; on ne leur débandait les yeux que dans sa chambre, et durant les dernières semaines il avait prescrit que les parlementaires ne seraient plus admis, qu'une ordonnance porterait leurs lettres au quartier général[17].

Pourquoi ouvrait-il nuitamment les portes de Lille ? — Mais ne devait-il pas recevoir sans délai ni retard les courriers, soit de Custine qui lui donnait des instructions, soit de ses lieutenants qui lui mandaient les mouvements de l'adversaire ?

Pourquoi fortifiait-il les faubourgs de Lille ? — C'était, répliquait La Marlière, pour empêcher les Autrichiens de bombarder la ville.

Pourquoi avait-il désarmé la forteresse ? — Si j'ai pris des canons, répondait-il, c'est sur l'ordre de Custine, pour armer les ouvrages du camp de la Madeleine, et les pièces étaient pourvues chacune de quatre chevaux, qui les auraient sûrement ramenées dans la place si j'avais été forcé d'abandonner les redoutes.

On l'accusa de n'avoir pas fait son devoir dans la Belgique. Il objecta que les représentants du peuple avaient toujours loué sa ferveur républicaine.

Sa belle figure, son extérieur imposant, sa parole vive et ardente émurent le public et produisirent une grande impression. Mais il devait subir le sort de Custine. Vincent affirmait que La Marlière persécutait les patriotes et ne négligeait aucun moyen pour livrer Lille. Favart déclara véritables tous les faits allégués dans l'acte d'accusation ; les uns étaient prouvés par sa propre correspondance, les autres, par son témoignage ou par des rapports uniformes et constants. Le lieutenant-colonel Charbonnier dénonça la brutalité de La Marlière ; l'adjudant-général Merlin, son caractère hautain, ambitieux, plein de charlatanerie et de fausseté ; l'adjudant-général Beauvoisins, sa jactance et sa rudesse. La Marlière, disait Beauvoisins, était l'homme le plus impudent et le plus orgueilleux qu'on pût rencontrer ; il traitait ses subalternes avec une extrême dureté ; il chassait les officiers qui ne lui témoignaient pas assez de respect ; lui-même, Beauvoisins, avait été renvoyé de l'état-major parce que La Marlière craignait son indiscrétion et lui trouvait un air trop effronté !

Le 26 novembre, La Marlière monta sur l'échafaud[18].

 

 

 



[1] Cf. Beugnot, I, 263 ; Dauvers, Observ., 10 ; Foucart et Finot, I, 462 et surtout Charavay, Carnot, II, 77 et 104. La Marlière était né à Crécy (Seine-et-Marne), le 3 décembre 1745. Successivement élève à l'École royale militaire, le 22 juillet 1756, lieutenant au régiment du Perche, ci-devant Dauphin (18 janvier 1762), aide-major (25 août 1773), capitaine en second (11 juin 1776), major du régiment provincial d'artillerie à Grenoble (10 mai 1778), lieutenant de roi à Montpellier (26 septembre 1779) — où il aida, puis remplaça M. d'Olimpies dont il avait épousé la fille —, lieutenant-colonel du 70e (6 novembre 1791), colonel du 14e (5 février 1792), maréchal-de-camp (7 septembre 1792), général de division (5 avril 1793) — mais nommé provisoirement à ce grade par Dampierre — il écrivait à Bouchotte qu'il avait trente-six ans de services, dont seize en qualité d'officier supérieur, et qu'il donnait depuis la Révolution des preuves heureuses de sa grande application à ses devoirs, qu'il serait un général de division actif et travailleur.

[2] Defrenne à Bouchotte, 2 mai (A. G.).

[3] Lettre de Vanquer, 7 avril (A. G.) ; La Marlière à Bouchotte, 16 mai ; Favart à Bouchotte, 6, 13 et 17 juillet (A. G.). Cf. sur Favart une note de Charavay, Carnot, II, 104. Et pourtant ce même Favart dut, à la fin d'août, s'incliner devant la volonté des représentants Levasseur et Bentabole qui, malgré l'arrêté du Conseil et la lettre du Comité, tirèrent de la garnison de Lille autant de troupes qu'il leur plaisait ; nous vous couvrons, répondaient-ils à toutes les objections de Favart.

[4] Jemappes, 217, 246-247 ; Trahison de Dumouriez, 185 ; mémoire de Lavalette (A. N.) ; Lavalette à Bouchotte, 15 avril, 2 et 7 mai ; Favart à Bouchotte, 8 juin, 13 juillet et 3 août, et au Comité, 4 août (A. G.). Louis-Jean-Baptiste Lavalette, né à Paris, avait alors quarante ans. Garde de la marine en 1769, il était sous-lieutenant au régiment de cavalerie Royal-Étranger le 1er juin 1772, mais abandonna deux ans après, en 1774. Chargé avec L. Boutidoux et J.-Jacques Thomas par la municipalité de Paris, de réunir les volontaires de la section des Lombards et de les partager en compagnies, il fut élu le 4 septembre 1792 lieutenant-colonel en premier du bataillon. On le voit ensuite commandant temporaire à Bruxelles ; puis à Gand (11 mars 1793) où Dumouriez, dit-il, l'exilait ; puis à Lille (31 mars) où il est nommé par Duval. Le 8 avril il est envoyé à Cambrai en qualité de commissaire national pour rallier et reformer les troupes de Belgique rentrées dans l'intérieur ; le 16, Dampierre le fait commandant temporaire de Cambrai, en remplacement d'Aubert. Mais le 11, Lavalette était nommé par le Conseil exécutif commandant temporaire de Lille. Son ami Brune l'appuyait très chaudement ; Lavalette, disait-il, avait tenu la meilleure s conduite depuis le commencement de la guerre et déployé des talents, qui, dans un grade plus élevé, seraient d'une grande utilité à la République ; si tu as, écrivait-il le 10 mai à Vincent, quelque influence à l'administration de la guerre dont la formation est toute civique, tu feras bien d'employer Lavalette comme maréchal-de-camp. Le 23 mai, Lavalette était promu général de brigade à l'armée des côtes de Brest commandée par Canclaux ; mais le Conseil exécutif le pria de demeurer à Lille jusqu'à nouvel ordre, pour que Favart fût secondé dans toutes les opérations relatives à la défense de cette place par un officier qui la connaissait déjà, et sur le civisme, l'activité et les talents militaires duquel on pouvait compter. Il ne put rester à Lille, et lui-même souhaitait (lettre à Bouchotte i si 14 nivôse) de ne jamais revoir Lille. Ce général républicain et révolutionnaire au superlatif, dit Macdonald (Mém., 31), était devenu, par sa lâcheté dans une attaque à Menin, la fable et la risée des troupes, même de celles qui partageaient le plus ses opinions. Le 9 décembre 1793, Bourdon de l'Oise l'accusait d'avoir épousé une princesse allemande et dénoncé des patriotes dont le tribunal révolutionnaire proclamait l'innocence ; le 18 décembre, Duhem, son ennemi, l'inculpait de nouveau et obtenait qu'il fût transféré à Paris ; mais depuis le 13, Lavalette était arrêté à Lille par l'ordre des représentants Hentz et Florent Guiot. Grâce à Robespierre, il échappa ; cinq mois après son arrestation, le 23 floréal, il était par ordre du Comité mis en liberté et réintégré dans ses fonctions ; Robespierre et Hanriot, écrivait-il à Lille, paraissent désirer que je ne m'éloigne pas de Paris dans ce moment-ci, et il envoyait aux bureaux un certificat signé de Hanriot qui priait ses concitoyens de laisser passer librement Lavalette. Il demanda à être employé sous Hanriot, et sa requête fut approuvée par Robespierre, Carnot, Barère, Lindet et Collot d'Herbois. Le 10 thermidor, il était mis hors la loi et livré à l'exécuteur. Il avait, dit Macdonald, dénoncé et perdu le pauvre La Marlière ; la justice divine fit qu'il perdit la vie à son tour et par le même supplice.

[5] Lavalette à Bouchotte, 7 mai, 7 juillet, 5 septembre ; Calandini aux jacobins, 13 juillet (A. G.).

[6] Jemappes, 94 et 203 ; Trahison de Dumouriez, 86 ; lettre de Vanquer, 8 avril ; Lavalette à Bouchotte, 22 avril ; Dufresse à Bouchotte, 18 juillet ; note anonyme datée de Lille, 21 juillet (A. G. et A. N.) ; Thiébault, Mém., 1894, II, 405. Un de nos agents jacobins, Charles Duvivier, fait ce portrait de Dufresse dans une lettre à Deforgues (6 nov. A. E.) : C'est un homme d'une haute et belle stature ; il porta une tête guerrière et révolutionnaire ; ses moyens moraux ne sont pas moins brillants : il parle très bien et avec aisance, il improvise avec succès, il a un organe rond et délié. Dufresse (Simon-Camille) était fils de négociant. Il naquit à La Rochelle le 2 mars 1763. Il joua la comédie à Nantes et il avait été, disait-il, comédien au théâtre dit de la Montagne chez la Montansier, maison Egalité, lorsqu'il se jeta dans la Révolution. Juré au tribunal du 17 août, puis capitaine au 2e bataillon des fédérés nationaux (16 septembre 1792), envoyé à Paris pour porter une lettre au ministre Servan et qualifié par le député Bellegarde de sans-culotte plein de courage qui pourrait être employé comme aide-de-camp (lettre de Bellegarde du 15 septembre), adjoint aux adjudants-généraux de l'armée du Nord (18 septembre 1792), adjoint-général chef de bataillon (15 mai 1793), commandant temporaire de Lille (20 juillet 1793), adjudant-général chef de brigade (6 septembre 173), il fut nommé le 4 novembre de la même année général de brigade. Nous avons, écrivaient les membres de la Société révolutionnaire de Lille à Bouchotte, de concert avec Isoré et Châles, élevé au grade de général de l'armée révolutionnaire Dufresse, notre président ; nous te demandons de confirmer notre choix en faisant Dufresse général de brigade ; il ira, la foudre à la main, poursuivre dans tout le département du Nord les amis de Pitt et de Cobourg. Et Audouin répondait que la Société révolutionnaire de Lille ayant conféré à Dufresse le grade de général de brigade, con jointement avec les représentants du peuple, l'intention du Conseil exécutif provisoire est que le brevet lui soit expédié. Mais, le 13 décembre, Dufresse fut arrêté, ainsi que Lavalette : Bourdon de l'Oise le nommait un homme sans mœurs, et un agent de l'infâme Dumouriez ; Hentz et Florent Guiot disaient qu'il osait s'élever contre les jacobins, que son armée révolutionnaire commettait à Bailleul de véritables brigandages. Mis en liberté le 23 floréal an II, il fut désigné pour l'état-major de l'armée des côtes de Brest ; on assurait, écrit Pille dans un rapport du 1er prairial an II, que l'énergie et la chaleur de son éloquence républicaine avaient bien servi la chose publique, et s'il n'avait point de connaissances militaires, il pourrait être employé à des missions civiques qui feraient du bien dans la ci-devant Bretagne. Mais on savait que Robespierre l'avait sauvé, et au 9 thermidor, Billaud-Varenne demanda l'arrestation du général, en même temps que celle de Boulanger et de Dumas. Suspendu le 19 thermidor et arrêté, Dufresse comparut le 2 germinal an III devant le tribunal révolutionnaire ; on lui reprocha d'avoir eu un cachet qui portait une guillotine pour empreinte, d'avoir fait afficher que la terreur et la guillotine étaient à l'ordre du jour, d'avoir tenu des discours ultra-révolutionnaires, mais il déclara que son cœur était pur et que ses mains étaient vierges ; il fut défendu par Réal, justifié par des témoins, entre autres par Duhem, et le 6 germinal, le président du tribunal Agier déclarait que Dufresse avait terrifié les citoyens, mais qu'il avait fait beaucoup de peur et point de mal, qu'il n'avait pas employé dans le Nord de manœuvres tendant à exciter le trouble dans plusieurs communes et à introduire la guerre civile. Acquitté, Dufresse voulait reprendre ses fonctions ; le Comité ajourna sa demande jusqu'après plus ample éclaircissement (Lettre de Pille et réponse du Comité, 29 germinal et 13 floréal an III). Toutefois il fut de nouveau employé : à l'armée des Alpes et d'Italie (25 prairial an III), à l'armée de l'intérieur (3 brumaire an IV), à l'armée de Rhin et Moselle (16 frimaire an IV) où il devait avoir le commandement de Phalsbourg (27 ventôse an IV). Disponible (28 germinal an IV), employé derechef à l'armée des Alpes (7 messidor an IV), à celle d'Italie (pluviôse an V) et de Naples (nivôse an VII), arrêté et traduit à un Conseil de guerre avec Championnet (16 germinal an VII), remis en activité et employé à l'armée de rouesrl7 fructidor an Vil), disponible (1er ventôse an IX), envoyé à la 12e division militaire (3 prairial an IX) et au camp volant de la Vendée (2 vendém. an XIV), attaché une seconde fois à la 12e division militaire (25 mars 1806) et au camp volant de la Vendée (18 janv. 1807), puis au 8e corps de l'armée d'Espagne (9 nov. 1808) et au gouvernement de Valladolid (avril 1809), commandant les Deux-Sèvres (25 juillet 1811), l'île d'Oléron (4 sept. 1811), puis encore les Deux-Sèvres (janvier 1812), mis à la tête de la 8e brigade des gardes nationales (1er juillet 1812), chargé du commandement de Stettin (22 juillet 1812) et bloqué dans cette place qu'il rendit le 5 déc. 1813, rentré de captivité (13 juin 1814), mis en non activité (1er sept. 1814), Dufresse se hâta de servir la Restauration et obtint, par la recommandation de M. de La Rochejacquelein, qu'il connaissait depuis douze ans, le commandement des Deux-Sèvres 130 déc. 1814). Il acclama les Cent Jours et il écrivait le 10 avril 1815 qu'il n'avait cessé d'être dévoué à l'empereur. à la vie à la mort 1 et qu'il le servirait tant qu'il aurait des forces. On le mit à la disposition du duc d'Albufera (21 mai 1815) et l'employa dans le Midi. A la seconde Restauration, il commanda le département de la Loire-Inférieure (1er sept. 1815). Mais un article de la Biographie moderne révéla qu'il avait été comédien à Nantes même et qu'il avait servi la Convention avec zèle. Les députés de la Loire-Inférieure envoyèrent au ministre une copie de cet article et assurèrent que la conduite et les liaisons de Dufresse prouvaient qu'il n'avait pas changé de sentiments (16 oct. 1815). Un rapport fait au ministre le 3 nov. dénonça le général qui avait exercé à Nantes la profession de comédien et participé aux excès de tout genre pendant le règne de la Terreur. Dufresse fut mis en non activité le 2 décembre 1815, et à la retraite le 1er décembre 1824. Il eut beau faire dire une neuvaine de messes pour le repos de l'âme de Louis XVI par le curé de Nantes (lettre du curé Gély, 12 janv. 1816) ; il eut beau demander à l'auguste dynastie que tout Français doit aimer le commandement d'un département ou une lieutenance de roi, se qualifier de vieux militaire qui avait constamment servi les princes légitimes, solliciter une augmentation de pension et le grade de lieutenant-général (lettres du 22 juin 1821, du 26 déc. 1824, du 21 déc. 1825). Admis dans le cadre de réserve le 22 mars 1831, Dufresse mourut à Paris le 27 février 1833. Le terroriste de 1793 était chevalier de Saint-Louis et grand-officier de la Légion d'honneur, et il mourait, dit Thiébault, général de brigade, comme il était fait pour mourir avec ce même grade après cent ans et un jour d'ancienneté.

[7] Calandini à Robespierre, 23 juin ; lettre de l'adjudant-général Merlin, 30 brumaire ; interrogatoire de La Marlière (A. N. W. 297).

[8] Dufresse à un ami, 6 juillet (A. G.). Cet Alexandre Dumas est le futur général, le père du romancier, et le grand-père du dramaturge : Il est, écrivait Favart à Bouchotte, bien touché que son départ pour Béthune le prive des occasions de manifester son zèle pour la République ; à la vérité, il a la réputation d'un très brave homme qui désirerait fort de contribuer à vos succès. (6 juillet, A. N.)

[9] Lavalette à Bouchotte, 20, 29 juin, 7, 17 juillet ; à Brune, 25 juin ; au Comité, 17 juillet (A. G.).

[10] Lavalette à Bouchotte, 20 juin, 7 et 17 juillet ; à Brune, 25 juin ; à Dupin, 27 juin ; Dufresse à Bouchotte, 22 juillet ; Bouchotte à Calandini, 11 juillet ; Déclaration de Vincent contre Custine, 28-29.

[11] Arrêté du Conseil exécutif, 20 juillet, (Dufresse justifiera l'opinion qu'on a conçue de son patriotisme et de ses talents militaires) ; Bouchotte à Kilmaine, Favart et La Marlière, 20 juillet ; à La Marlière, 22 juillet ; au Comité et à Kilmaine, 26 juillet ; Kilmaine à Bouchotte, 24 juillet ; Rec. Aulard, V, 336.

[12] Duhem au Comité, 19 juillet (A. G.).

[13] Duquesnoy et Desacy au Comité, 2 juillet ; Duhem et Lesage-Senault au Comité, 24 juillet ; arrêté du 22 et proclamation du 23 juillet (A. G. et A. N.) ; arrêté du 23 par lequel Duhem, Delbrel et Lesage-Senault requièrent Béru de se concerter avec l'adjudant-général Dupont pour la sûreté et la régularité du service de l'armée commandée par La Marlière et de remplir provisoirement les fonctions de ce dernier. Les trois représentants écrivaient la veille à La Marlière : Les démêlés perpétuels qui existent entre vous et le général Lavalette, les faits graves et relatifs au service allégués par vous contre ce dernier, la nécessité d'entretenir la bonne harmonie dans cette ville et dans le camp et d'en chasser la discorde, tous ces motifs nous ont portés à prendre l'arrêté ci-joint.

[14] Le Cointre, Les crimes de sept membres des asciens Comités, p. 183.

[15] Le 20 août, le Comité de salut publie chargeait Calandini, ainsi que le général de brigade Brune, de se rendre aux armées du Nord et des Ardennes pour prendre connaissance de tout ce qui concerne l'état et les approvisionnements des troupes. Le 6 septembre, Calandini, promu depuis le 5 août adjudant-général chef de brigade et depuis le 9 du même mois, commandant temporaire de Saint-Quentin, était nommé commandant temporaire de Péronne, en remplacement de Baudry.

[16] Les généraux et commandants à Lille, Lavalette et Dufresse, au Comité, 13 août (A. N.). Mais Lavalette avait juré à Bouchotte de se conduire désormais avec toute la prudence possible, et le 4 août il écrivait au ministre qu'il tenait sa parole : J'ai vu Lesage-Senault et je lui ai promis, comme à vous, de ne pas même prononcer le nom de ceux qui n'étaient plus ici ; je m'aperçois que cela fait fort bien.

[17] Cf. une lettre de Desforges-Beaumé, du 10 juillet, qui justifie pareillement La Marlière : Depuis quinze jours le général n'admet plus un trompette dans la ville, et le 9, lorsqu'un parlementaire prussien s'est représenté, il a répondu qu'il ne recevrait plus que des lettres qui passeraient par les avant-postes.

[18] Cf. A. N. w. 297 dossier de La Marlière ; La Marlière à Bouchotte, 8 août (A. G.) ; Wallon, Hist. du trib. révol., II, 102-120 ; l'adjudant-général Merlin dont il est question, était le frère de Merlin de Thionville, et Lavalette disait de lui à Bouchotte (4 août, A. G.) : Robespierre m'ayant ordonné de lui donner des nouvelles de notre position par un homme sûr, je vous ai adressé Merlin ; il montre les plus heureuses dispositions, et il est utile que vous l'avanciez.