LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

VALENCIENNES

 

CHAPITRE III. — RAISMES.

 

 

I. Plan de Cobourg et de Mack. Stratégie de l'époque. — II. La frontière franchie. Premiers échecs des Français. Dampierre à Famars. Ses craintes et ses incertitudes. Lettres au ministre. Conseils de guerre. Défiances et mécontentement des commissaires. — III. Les Prussiens à Saint-Amand. Bataille du 1er mai. — IV. Nouvelles angoisses de Dampierre. Ordres contradictoires. Intervention de Briez et de Du Bois du Bais. Attaque du 8 mai. La Marlière. L'abbaye de Vicoigne. Échec des Anglo-Prussiens. Wenkheim et Lamarche. Blessure et mort de Dampierre. Retraite de l'armée. Funérailles du général. Décrets de la Convention.

 

I. Toujours circonspect, méthodique, perdant comme à plaisir un temps précieux, Cobourg avait résolu de n'agir sérieusement et de ne commencer de vastes opérations qu'après l'arrivée de ses renforts et de son train d'artillerie, soit au milieu du mois de mai, soit dans les premiers jours de juin.

Il fallait d'abord prendre une forteresse de premier ordre. Notre position militaire, écrivait Mercy, restera embarrassée et pénible jusqu'à ce que nous soyons parvenus à nous emparer d'une place. Mais quelle ville devait-on assiéger, Lille ou Valenciennes ?

Lille semblait un bien gros morceau. C'était, disaient Cobourg et Mack, le principal boulevard de la France et le chef-d'œuvre de Vauban ; la place avait en 1792 supporté sans faiblir le bombardement que dirigeait contre elle le duc de Saxe-Teschen ; elle résisterait au moins quatre mois et ne capitulerait au plus tôt que vers la fin de septembre. Pour assiéger Lille, ajoutaient les deux stratégistes, il fallait mettre sur pied 130.000 hommes : 50.000 investiraient la forteresse ; 50.000 autres formeraient le corps d'observation ; 30.000 couvriraient Mons et tiendraient Valenciennes et Maubeuge en respect.

Il valait donc mieux, suivant Cobourg et Mack, assiéger Valenciennes qui succomberait au bout de deux mois. Pendant ce temps, 8.000 Impériaux bloqueraient Condé ; 8.000 autres camperaient à Bavay et en face de Maubeuge ; 10.000 Hollandais resteraient en réserve à Tournay ; les 8.000 Prussiens de Knobelsdorf s'établiraient à Saint-Amand, non loin de Valenciennes, pour prêter leur secours où besoin serait. 67.000 hommes qui composeraient l'armée principale ou grande armée, auraient la tâche de chasser les Français de leurs camps d'Anzin et de Famars, d'investir Valenciennes, de jeter des ponts de communication sur l'Escaut et la Rhonelle, d'élever des retranchements et des digues. Un corps d'observation de 40.000 hommes serait chargé de repousser tous les efforts que tenterait l'armée républicaine refoulée sous les murs de Bouchain. Une fois Valenciennes en son pouvoir — dans les derniers jours de juillet — Cobourg attaquerait le Quesnoy et Dunkerque. Maîtres de ces deux places, les coalisés se réuniraient devant Lille, soit pour bloquer la forteresse durant l'hiver, soit pour l'emporter à force de bombes et de boulets rouges. Valenciennes, le Quesnoy, Dunkerque, Lille, telles étaient les conquêtes que les alliés se proposaient de faire dans la campagne de 1793. On ne doit pas, disait Mercy, se dissimuler les obstacles ; cependant nous n'avons pas d'autre expectative heureuse que celle d'occuper les places frontières ; si nous manquions cet objet, on ne pourrait plus calculer les suites de la guerre, ni le terme auquel elle nous conduirait[1].

Cobourg aurait mieux fait de culbuter aussitôt l'armée française qui demeurait éperdue entre les mains de Dampierre, puis sans se soucier des forteresses, de pousser droit sur la capitale. Mais les souvenirs de la retraite des Prussiens hantaient encore les esprits. On croyait qu'un envahisseur devait n'avancer que lentement, posément et pas à pas, après avoir soumis les places qui lui fermaient le passage et qui lui serviraient de point d'appui. Personne n'imaginait qu'on pût dans une seule campagne battre l'armée française et gagner les rives de la Seine. Ni le quartier-général du roi de Prusse, ni Mack et les officiers de l'état-major autrichien, ni le Conseil aulique de la guerre n'avaient l'idée que Paris fût prenable au bout de quelques marches. Cobourg ne disait-il pas à Chérin qu'il ne ferait pas la sottise d'imiter Brunswick et qu'il ne pensait qu'à se saisir des barrières de la Belgique ? Le duc de Brunswick ne voulait-il pas, au mois d'août 1792, rester sur les bords de la Meuse, s'emparer simplement de Thionville, de Verdun, de Montmédy, de Sedan, de Mézières, peut-être de Givet, établir ses troupes. dans leurs cantonnements d'hiver et ne menacer Paris qu'en 1793, après avoir conquis une base solide d'opérations et pris à revers les places de la Sambre ? C'était l'époque des plans timides et conçus sans hardiesse, de la guerre sans passion et sans activité, de la guerre de routine, de cette guerre de cordons qui, pour défendre un pays, mettait des soldats dans chaque village. Avec quelle inquiète sollicitude on enjoint aux bataillons de se donner la main les uns aux autres ! Avec quelles précautions scrupuleuses, minutieuses on tend la chaîne des avant-postes ! Avec quelle anxiété Cobourg recommande à ses lieutenants de ne pas s'éloigner, de ne pas trop s'engager, de ne marcher que par un mouvement successif qui fixe l'attention des ennemis, empêche leurs entreprises et garantisse l'armée alliée des suites désastreuses d'une communication interrompue ! Avec quel soin Dohna, l'aide-de-camp de Knobelsdorf, rappelle que la Flandre est coupée de haies élevées, de grandes allées d'arbres, de larges fossés ; que chaque propriétaire a coutume d'enclore son domaine ; que les fermes sont tellement éparses qu'on peut à peine distinguer où commence un hameau et où il finit ! Le rude et vigoureux Blücher, alors colonel des hussards de Goltz, ne cachait pas sa mauvaise humeur et s'indignait à tout moment contre cette façon si craintive et si traînante de guerroyer ; lorsqu'il voulait charger, fondre sur les derrières d'un parti de cavalerie française, lui couper la retraite, il recevait l'ordre de s'arrêter, et il se retirait, grinçant des dents, maugréant le général qui lui défendait de saisir l'occasion[2].

 

II. Le 9 avril, dès que les Prussiens de Knobelsdorf furent arrivés à Tournay, les Impériaux franchirent la frontière française. Clerfayt entra dans Saint-Amand, et à Odomez, à Fresnes, aux camps de Maulde et de Bruille. Cobourg mit son quartier-général à Quiévrain, et Otto chassa des villages de Thivencelles, d'Escaupont, de Vicq et d'Onnaing les patrouilles françaises. Clerfayt et Cobourg coupaient ainsi les communications de Condé avec Valenciennes, l'un sur la rive gauche, l'autre sur la rive droite de l'Escaut. Le prince de Wurtemberg bloqua la forteresse : on savait qu'elle n'était pas suffisamment pourvue de vivres et l'on comptait la réduire sous deux mois par la famine. Latour, qui s'établissait à Bettignies, observa le camp retranché de Maubeuge[3].

Dampierre était encore à Bouchain. Il se doutait bien que les alliés se présenteraient devant Condé ; mais l'entreprise lui semblait une chose étonnante : pouvait-on s'engager dans une guerre de sièges et attaquer successivement des places qui étaient les unes derrière les autres ? Toutefois, dès qu'il serait sûr de la position des ennemis, il jurait de les assaillir sans compromettre l'honneur des armées de la République[4].

Les desseins des coalisés furent bientôt manifestes. Condé était cerné. Le 13 avril, Otto s'emparait de Saint-Saulve, de Curgies, de Saultain, d'Estreux, et le gros de l'armée autrichienne se portait entre Onnaing et Rombies pour mieux couvrir le blocus de Condé. Le même jour, le 40e bataillon d'infanterie légère, ci-devant chasseurs de Gévaudan, se laissait surprendre dans les bois par Clerfayt qui se saisissait de l'abbaye de Vicoigne et du village de Raismes. Le général La Roque arrêta l'agresseur à Bruay ; mais il fut tourné sur sa gauche et obligé de se replier vers Anzin. Dampierre louait le courage des soldats et l'intelligence qu'avaient déployée La Roque, Hédouville et Chérin ; il affirmait qu'on n'avait cédé qu'à la trahison et à la supériorité du nombre ; mais l'avant-garde française était rejetée sur le glacis de Valenciennes. Les petits échecs se succédaient. L'ennemi ne cessait de prendre pied sur le sol de la Flandre et gagnait de proche en proche. Il repoussait une sortie de la garnison de Valenciennes ; il refoulait les attaques de la division de Maubeuge et s'installait à Bavay ; il entrait à Roubaix, à Tourcoing. Si les troupes, écrivait La Marlière, continuent à ne point tenir à leur poste, il faudra se borner à les raffermir sous le canon des places[5].

Sur les instances de Briez et de Du Bois du Bais qui le pressaient de rétablir la communication de Valenciennes et de Condé, Dampierre mit ses bataillons en mouvement. Le 15 avril, assez hardiment, dit-il lui-même, il marchait sur Valenciennes et reprenait sans être inquiété la position de Famars. Il fit réparer les redoutes du camp et construire de nouveaux ouvrages, soit par les ingénieurs belges que Dumouriez avait attachés à l'armée et qui s'acquittèrent très mal de leur besogne, soit par les ingénieurs français qui surent en peu de temps et avec adresse exécuter leurs travaux. Il chargea Ransonnet de garder les bords de la Scarpe et de défendre Hasnon, Orchies et Marchiennes. Il plaça ses flanqueurs de droite qui furent commandés d'abord par Murnan, puis par La Roque, à Préseau, à Wargnies, à Villerspol, sur les rives de la Rhonelle, jusqu'aux environs du Quesnoy. Il envoya quelques détachements à la lisière de la forêt de Mormal. L'avant-garde, conduite par Kilmaine, se retrancha sur les hauteurs d'Anzin, et jusqu'à la fin du mois, ses tirailleurs firent le coup de feu dans les bois d'alentour contre les patrouilles de Clerfayt. Mais ces escarmouches insignifiantes n'alarmaient personne. Il y avait entre les deux armées une sorte de trêve ; elles se touchent, disait-on, et semblent à mille lieues l'une de l'autre. Chacun, rapporte un des combattants, ramassait ses forces pour les chaudes journées qu'on pouvait pressentir et considérer comme inévitables, sans avoir le don de prophétie[6].

Mais Dampierre ne pensait qu'aux désavantages de sa situation ; il se jugeait dénué de ressources, ne parlait que de l'indiscipline de ses troupes et de l'infériorité de leur nombre ; si vous voulez que nous combattions, écrivait-il au ministre, donnez-nous des hommes, et lorsqu'il recevait de nouveaux bataillons, il se plaignait de leur esprit d'insubordination et de leur ignorance absolue des manœuvres. Il suppliait Bouchotte de l'aider, de l'assister, et demandait que l'armée de la Moselle vînt opérer sur son flanc droit, s'il éprouvait des revers. Cobourg, tourmenté, éploré, pressait au même instant les Anglo-Hanovriens de le seconder, assurait que Clerfayt se trouvait dans le plus grand danger et ne communiquait avec le reste des Impériaux que par le pont d'Onnaing, qu'on devait au plus tôt lui porter secours, que lui-même ne disposait que de 11 bataillons et de 20 escadrons, que le blocus de Condé dépendait entièrement de la prompte arrivée du prince d'Orange et du duc d'York. Dampierre, plus effrayé que Cobourg, Dampierre qui pouvait à ce moment assaillir Clerfayt avec des chances sérieuses, Dampierre n'attendait aucun succès de ses futures entreprises et n'envisageait que la défaite. Il avait devant lui, disait-il, ce Cobourg qui n'avait jamais été vaincu et qui passait pour le plus grand général de l'époque, l'armée autrichienne approvisionnée de toutes choses et secondée par l'armée de la Prusse, la puissance la plus militaire de l'Europe, une foule d'émigrés qui servaient d'artilleurs et d'ingénieurs à la coalition, et parmi eux Dumouriez malheureusement aussi instruit que perfide et son lieutenant Thouvenot, tous deux remplis de finesse, connaissant très bien la frontière et menant les alliés comme par la main. Parfois il regrettait de ne pouvoir être aussi offensif qu'il le désirait — ce qui est bien le véritable genre des Français. — Mais ne fallait-il pas rester sur la défensive et se garder de toute bataille ? Les suites d'un échec ne seraient-elles pas incalculables ? Dans son découragement, il conseillait derechef et insinuait au ministre de nouer des négociations. Il affirmait que la désunion régnait parmi les alliés, que l'ancienne antipathie se réveillait entre les Autrichiens et les Prussiens, que Knobelsdorf avait refusé d'attaquer Anzin, que Frédéric-Guillaume allait se retirer de la coalition et se retourner même contre l'empereur François. Les conjonctures n'étaient-elles pas favorables ? La Belgique ne pourrait-elle être une des conditions de la paix ? Pourquoi ne pas mettre le duc d'York sur le siège ducal de Brabant ? Appuyer les prétentions de ce prince, c'était peut-être terminer la guerre. L'Angleterre, la Hollande, la Prusse seraient satisfaites. Elles entraîneraient l'Autriche. Allons, vite, citoyen ministre, car l'armée de la République a besoin de relâche : les campagnes d'hiver détruisent et perdent les armées, et la nôtre est dans ce cas[7].

Ce n'était plus le brillant soldat de Jemappes, de Waroux et de Neerwinden. Sa responsabilité l'épouvantait, l'écrasait, et il sollicitait tantôt les avis des représentants, tantôt les instructions de Bouchotte, tantôt une résolution de ses officiers généraux. Mais les commissaires lui déclarèrent nettement qu'ils ne se mêlaient pas des opérations militaires, que la conduite de la guerre était uniquement confiée à sa sagesse et qu'il ne devait consulter que lui seul. Il écrivit à Bouchotte et lui demanda l'ordre positif d'attaquer. Pouvait-il prendre de lui-même un aussi important parti et, de son propre chef, risquer, avec une bataille, l'existence précieuse de ses concitoyens ? Il attendait donc les décisions du Comité de salut public et du Conseil exécutif provisoire ; vous êtes au centre de la force, disait-il au ministre, portez la vie et l'énergie aux extrémités. Mais Bouchotte lui répondait très justement qu'un général d'armée doit oser : Dampierre était sur les lieux, il n'avait qu'à tenter tous les mouvements qui lui paraîtraient praticables, on se fiait à lui et ne prétendait rien lui défendre, rien lui prescrire.

Dampierre se rabattit sur ses lieutenants. Deux fois, le 16 et le 26 avril, il tint conseil de guerre. Le 16, tous les membres du Conseil déclarèrent que les ennemis étaient en nombre supérieur et qu'il fallait conserver la défensive, renforcer l'armée, la pourvoir d'armes, de munitions et d'habits. Le 26, les avis furent partagés. La Palière disait que c'était au Conseil exécutif à donner l'ordre formel d'attaquer. Sabrevois pensait qu'on ne pouvait ravitailler Condé sans en venir aux mains, mais il craignait le sort d'une bataille. Beauregard, La Roque, Kermorvan opinaient qu'on ferait bien d'assaillir le flanc droit des alliés. Lafitte soutenait qu'il valait mieux aborder leur flanc gauche. Colomb, La Colombe, Ward proposaient de manœuvrer pour avoir l'air de tourner l'ennemi ; Gobert, de le harceler sans risquer une affaire générale ; Desroques, Des Bruslys, Romanet, Rosières, Diettmann, D'Hangest, Lamarche, de ne pas bouger tant que l'armée serait si peu nombreuse, et D'Hangest ajoutait qu'on ne pouvait, sans péril, s'éloigner des forteresses et notamment de Douai qui renfermait une artillerie considérable. Dampierre parla le dernier. Il croyait qu'on devait se battre, se porter sur le flanc droit des Autrichiens pour avoir un succès décisif et regagner le camp de Bruille : des troupes sorties de Cassel et de Lille et grossies des renforts qu'elles recevraient sur leur route à Orchies, à Marchiennes, à Hasnon, se jetteraient sur Saint-Amand ; d'autres, destinées à ravitailler Condé, tenteraient d'enlever Raismes et Vicoigne, et de pousser les alliés sur l'Escaut. Mais après avoir exprimé son opinion, Dampierre jugea que la majorité des officiers généraux s'opposait à toute bataille, et de nouveau il demanda au Comité de salut public et au Conseil exécutif l'ordre précis d'attaquer. De nouveau, Bouchotte lui répondit que le Conseil exécutif lui laissait toute la latitude nécessaire ; l'avis des ministres n'était nullement impératif et ne contenait qu'une exposition de sentiments ; Dampierre saurait à la fois user de circonspection et saisir l'occasion qui se présenterait, pourvu qu'elle fût belle et avantageuse à la République. Et Bouchotte lui transmettait les résultats d'une conférence où le Conseil exécutif avait appelé La Bourdonnaye, Dillon, Du Chastellet et Grimoard. On avait dit dans cette réunion qu'il serait imprudent de hasarder une action générale pour sauver Condé qui n'était pas, après tout, une place de grande importance, que l'adversaire masquait ses véritables projets et que pour les déjouer, Dampierre devait ramasser autant de troupes que possible, essayer des diversions, réoccuper le camp de Maulde, diriger un mouvement contre Tournay. Mais, avait-on ajouté, Dampierre ne devrait jamais s'écarter de certaines places ; il devrait défendre les chemins de Valenciennes à Cambrai, garder la trouée de Cateau-Cambrésis, conserver ses communications avec Douai — le seul établissement d'artillerie qu'on eût dans le Nord —, empêcher les alliés de s'avancer entre Arras et Douai tout en assiégeant Lille. Bref, on ne pouvait tracer à Dampierre un plan de conduite ; ses opérations dépendaient de circonstances qu'il était difficile de prévoir ; on se bornait à lui donner des indications et l'on s'en rapportait à sa sagacité ; il prendrait les dispositions qui lui paraîtraient les plus utiles au salut du pays[8].

Toutefois le ministre se lassait des irrésolutions de Dampierre et ne faisait pas mystère de son mécontentement. Il blâmait le général de ne lui envoyer que des dépêches laconiques et des renseignements incomplets, de ne lui rien marquer sur les autres parties de la frontière soumises à son commandement, sur ses moyens de subsistances, sur son artillerie, sur ses desseins ultérieurs en cas de succès ou de revers ; pas de détails, aucun tableau des forces réciproques, aucun état de situation, aucun plan figuratif : vos lettres laissent beaucoup à désirer sur la connaissance de la position des ennemis et de la vôtre. Mais le pauvre Dampierre n'était pas un Dumouriez, un de ces esprits ardents, puissants, infatigables qui savent suivre par la pensée les choses et les hommes, leur imprimer le mouvement, prendre avec une aimable humeur et comme en se jouant une foule de soins, renouveler sans cesse des combinaisons et mener le tout haut la main. Il n'embrassait du regard que le terrain qu'il avait devant lui ; il ne voyait que les Impériaux de Cobourg, et d'une plume lourde et pénible, il écrivait à Bouchotte qu'il était surchargé, accablé, que le ministre devait le soulager et veiller, au lieu de lui, à la sûreté de tout ce qui n'était ni Valenciennes, ni Condé, ni Lille : Je vous prie de porter votre sollicitude sur les côtes de la Manche. D'après les lettres du brave général Carie, Boulogne ne me parait pas bien approvisionné. Il serait très urgent que vous portiez vos yeux sur cette côte et sur la frontière du côté de Sedan. Je reporte votre attention sur tous ces points parce qu'il m'est impossible de m'en occuper. Chef des deux armées des Ardennes et du Nord, il avait la direction spéciale de cette dernière ; mais il se plaignait, se lamentait, proposait par deux fois de donner à La Marlière le commandement particulier de l'armée du Nord, offrait même de partager avec La Marlière ses appointements pour éviter au trésor une augmentation de dépense[9].

Les représentants et les agents du Conseil exécutif l'avaient d'abord jugé favorablement. Gadolle attestait que son patriotisme avait la teinte romaine et que les racines de sa langue tenaient à son cœur ; Defrenne, qu'il était dans les bons principes et qu'il unissait au courage le désintéressement, la loyauté, le désir d'être utile à sa patrie ; Du Bois du Bais et Briez, que son civisme semblait bien prononcé. Mais on commençait à se douter qu'il succombait à la lâche. Il y a, remarquait Defrenne, une furieuse différence entre un brave officier et un général qui connaît son métier ; tel qui fait un excellent colonel, peut faire un très mauvais général ; tel qui commande bien une colonne, peut ne pas avoir le talent de conduire une armée. L'adjudant-général Tardy lui disait franchement que le fardeau était trop pesant pour lui. Les commissaires de la Convention le trouvaient enclin à la méfiance et à la crainte, dénonçaient sa lenteur, sa mollesse et même son incapacité. Il faut le talonner, s'écriaient-ils un jour, et lui donner des adjoints vigoureux ! Déjà se dressait secrètement son acte d'accusation. Pourquoi pensait-il seulement aux ennemis qu'il avait sous les yeux ? Pourquoi ne formait-il pas un plan général d'opérations ? Pourquoi n'organisait-il pas la défense de toute la frontière du Nord ? Pourquoi n'avait-il que des vues extrêmement resserrées ? Pourquoi lui manquait-il un certain ton d'audace qu'il pût communiquer à son armée ? Evidemment il s'endormait ; heureux et tout fier d'avoir rompu les desseins de Dumouriez et, comme disaient les émigrés, débauché les gardes nationales, enorgueilli du service qu'il avait rendu dans la première semaine d'avril à la République, il ne songeait qu'à placer ses amis et ses connaissances ; il avait une cour et se laissait, ainsi que les généraux de la monarchie, aduler par les officiers supérieurs des troupes de ligne ; il traitait les volontaires avec une défaveur manifeste ; il n'approuvait pas l'amalgame. Sans doute, il avait bien établi son camp et le tenait en ordre ; mais, de même que ses chefs de corps, il ne le visitait qu'à de rares intervalles ; il ne prononçait guère le mot de République. Aussi l'armée parlait-elle de la paix comme d'une chose possible et désirable ; elle souhaitait relâche et repos ; des soldats allaient boire, jaser familièrement avec les sentinelles autrichiennes[10].

 

II. Cependant les alliés s'ébranlaient de nouveau. Leurs renforts arrivaient. Sept bataillons anglais, commandés par le duc d'York, atteignaient Tournay. Les Hollandais étaient à Furnes, à Ypres et à Menin. Le 23 avril, les Prussiens de Knobelsdorf venaient occuper Saint-Amand, le camp de Maulde, le village de Lecelles, et relever les Autrichiens de Clerfayt qui s'établissaient à Raismes et à Vicoigne. C'était une belle journée de printemps. Après avoir longtemps cantonné, les Prussiens s'installaient en plein air. Toutes les mains, dit un de leurs officiers, étaient actives et empressées. L'un marquait l'emplacement de la tente ; deux autres dressaient les perches ; un quatrième plantait des piquets en terre ; quelques-uns allaient chercher dans le voisinage du bois, de la paille, de l'eau. Plusieurs avaient déjà creusé le foyer et apporté les fourneaux de cuisine. Un pré vert, un champ labouré, tout à l'heure désert, se transformait soudain en une ville bruyante de soldats : la fumée qui montait, annonçait des estomacs affamés, et le repas, c'était une soupe d'eau et de pain de munition ou un poulet qu'on prétendait avoir trouvé. L'abbaye de Saint-Amand devenait un magasin de fourrages, et à la vue des voitures chargées de foin, de paille et d'avoine qui pénétraient dans ces vastes espaces, au bruit des chevaux qui piétinaient sur le marbre et des mots de commandement qui résonnaient sous les voûtes, des officiers prussiens se livraient à des considérations philosophiques. D'autres criaient au vandalisme en apercevant les saints renversés dans leurs niches, les autels mutilés et souillés d'immondices, les murs criblés de coups de fusil[11].

De toutes parts on s'étonnait de l'inertie des républicains. De toutes parts on demandait que Dampierre fit un sérieux effort pour débloquer Condé. Vainement, quelques hommes sages conseillaient d'attendre, remontraient qu'il serait dangereux de se hasarder dans la plaine, de trop s'écarter des places, d'en venir aux mains avant qu'on eût opéré l'amalgame, complété les bataillons, réorganisé l'armée. Il fallait donner un coup de collier, dégager la frontière, rétablir les communications, se jeter sur les Impériaux pendant qu'ils se morfondaient devant les murs de Condé et auprès de ses marais. Nous n'avons qu'un moyen de délivrer Condé, s'écriait Gobert, c'est de nous battre. Qu'on laisse les Autrichiens s'emparer de Condé, disaient Briez et Du Bois du Bais, ils y mettront leurs magasins, ils auront une forteresse qui leur servira de point d'appui et qui, s'ils sont vaincus, les abritera, les préservera des conséquences d'une déroute totale ; ils seront maîtres des eaux et de la navigation : ne doit-on pas tout remuer pour leur ravir de pareils avantages ? Bouchotte écrivait que le Conseil exécutif ne voyait pas volontiers l'inaction absolue de l'armée et qu'elle pouvait par un système de mouvements dirigés vers le flanc droit de l'ennemi se ressaisir du camp de Maulde. Le Comité de salut public arrêtait que Dampierre était autorisé à requérir les gardes nationales des départements voisins et à tenter, sinon une affaire décisive, du moins quelques fausses attaques pour ravitailler Condé. Le général ne veillait-il pas à la sûreté des frontières du Nord et ne devait-il pas emporter le plus tôt possible ces camps de Maulde et de Bruille dont la possession permettait aux alliés de le harceler, de couper ses communications et d'assaillir avec succès les forteresses de la Flandre ? Ne devait-il pas empêcher ses adversaires de prendre une place, faire tout ce qui dépendait de lui pour éviter ce premier échec qui découragerait les troupes et provoquerait des murmures, des inquiétudes et même des troubles funestes à la liberté[12] ?

A son corps défendant, Dampierre livra bataille. Il avait remarqué que Cobourg et Clerfayt auraient de la difficulté à s'entre-secourir, parce qu'ils étaient séparés par l'Escaut et par les inondations de Valenciennes et de Condé. Ne pouvait-il tomber à l'improviste avec toutes ses forces sur l'un ou l'autre et grâce à la supériorité du nombre arracher la victoire ? Il résolut d'attaquer Cobourg sur la rive droite de l'Escaut et de le rejeter sur Quiévrain[13].

La bataille eut lieu le 1er mai. Un officier prussien qui, de la tour de l'abbaye de Saint-Amand, assistait à l'action, décrit d'une façon assez vive et dramatique ce grand spectacle : L'espoir et la crainte, dit-il, luttaient sans cesse en moi, selon que je voyais tantôt les Français, tantôt les coalisés marcher en avant et que j'entendais leurs batteries devenir plus actives, plus agissantes. Le vacarme continuel des pièces d'artillerie, les innombrables coups de fusil, le bruit sourd de l'écho qui répétait et multipliait ce fracas dans la forêt, la fumée épaisse qui tourbillonnait dans les airs et se mêlait aux nuages, la flamme des villages que les deux partis incendiaient tour à tour et sacrifiaient à leurs desseins, le tonnerre qui grondait dans le ciel et les éclairs qui brillaient au dessus des combattants, comme si la nature voulait annoncer hautement sa colère à ces hommes altérés de sang, tout cela me troubla, me fit frissonner d'horreur, au point que je me pris à maudire cette malheureuse guerre et ceux qui l'ont sur la conscience[14].

La Marlière devait faire un mouvement oblique qui n'était qu'une simple démonstration. Il attaqua les abords de Saint-Amand et s'empara de Lecelles pendant que Ransonnet repoussait les détachements autrichiens épars aux environs de Hasnon ; il porta sur Saméon et Rumegies une tête de colonne pour menacer le camp de Mau.de ; mais il n'avait ni artillerie de gros calibre ni cavalerie pour s'engager plus avant, et, au soir, il reçut l'ordre de rentrer dans son camp[15].

Dampierre s'était réservé le rôle essentiel. Ses colonnes qui devaient paraître à quatre heures du matin sur le champ de bataille, n'arrivèrent qu'à six et ne tirèrent qu'à sept leur premier coup de canon. Pourtant, les Autrichiens furent surpris et ils sortirent de leurs tentes, à moitié déshabillés, pour se mettre en défense. Otto, qui les commandait, plia sous le choc. De tous cotés ses avant-postes reculaient. Les patriotes criaient victoire. Les bataillons que dirigeait Dampierre, enlevaient le village de Saint-Saulve ; ceux que conduisait Lamarche, s'emparaient de Curgies et de Saultain.

Mais le colonel Mack était là et, dit Langeron, arrêta l'adversaire par un mouvement habile et audacieux. Ferraris vint d'Onnaing avec la première ligne des Impériaux au secours de l'avant-garde et reprit possession de Saint-Saulve. Colloredo, à la tête de la seconde ligne, marcha résolument au devant des républicains et les assaillit à la fois sur leur flanc gauche entre Estreux et Sebourg, et sur leur flanc droit à Curgies et à Saultain. Son artillerie jeta le désordre dans les colonnes françaises ; son infanterie les chargea la baïonnette au bout du fusil ; sa cavalerie n'eut qu'à paraître pour mettre en fuite les escadrons qui se présentaient à elle. Dampierre, la rage au cœur, voyait ses troupes lâcher pied à leur tour ; il voyait les flanqueurs du général Murnan se sauver à toute bride ; il voyait la compagnie d'artillerie légère qui devait soutenir les flanqueurs, rebrousser chemin parce qu'elle manquait de munitions. Après avoir consulté Lamarche, il ordonna que l'armée rentrerait dans ses quartiers. Les Français abandonnèrent les villages qu'ils avaient conquis et les livrèrent aux flammes pour couvrir leur retraite vers les hauteurs de Préseau. Colloredo les poursuivit, les refoula sur l'autre bord de la Rhonelle et s'établit en face du camp de Famars.

Restait Kilmaine avec l'avant-garde. L'intrépide Irlandais attaquait Raismes et la forêt de Vicoigne. Mais durant toute la journée, Clerfayt se défendit avec acharnement, et son obstination, sa vaillance personnelle, l'action qu'il exerçait sur ses soldats décidèrent du succès. Il s'est couvert de gloire, dit Langeron, et Mercy mandait à la cour que Clerfayt se battait avec un courage digne des plus grands éloges et qu'il savait se soutenir dans une position désavantageuse. Pourtant, à 3 heures de l'après-midi, la chance parut tourner contre les Impériaux. La masse des tirailleurs français poussait sans cesse en avant et gagnait peu à peu du terrain. Clerfayt dut appeler à son secours deux bataillons prussiens de Knobelsdorf pour appuyer son aile droite. Vainement et à plusieurs reprises les républicains revinrent impétueusement à la charge. Les Prussiens, fermes, inébranlables, occupaient le bois et faisaient un feu violent et ininterrompu d'artillerie et de mousqueterie. Kilmaine avait deux chevaux tués sous lui ; Gobert était démonté ; une balle perçait à la jambe l'adjudant-général Tardy qui menait les troupes, l'épée au poing, à l'assaut des redoutes ; un boulet emportait la cuisse au lieutenant-colonel de Chamborant. Les bataillons belges, la compagnie des Quatre Nations, le 1er et le 19e d'infanterie, le 14e bataillon de chasseurs, les volontaires de 1791 déployaient la plus belle bravoure. Mais les recrues qui allaient à la guerre pour la première fois, se débandaient, et les officiers du bataillon de Vervins donnaient à leurs hommes l'exemple de la fuite. Dampierre accourut ; son aide-de-camp Vinot et l'adjudant-général Brancas furent blessés à ses côtés par un projectile qui frappa la corne de son chapeau. Il donna l'ordre à l'avant-garde de reculer sur Anzin[16].

Telle fut l'affaire du 1er mai. On avait lutté, dit Gobert, avec valeur ; mais beaucoup de gens avaient des reproches à se faire ; on avait trop tôt lâché prise ; on avait inconsidérément dissipé les munitions ; on était vaincu partout, et l'armée rentrait dans son camp sans avoir rien obtenu, sinon que les ennemis devinrent plus présomptueux et travaillèrent avec une activité plus grande à leurs retranchements[17].

Les commissaires de la Convention, Du Bois du Bais et Briez, assistaient au combat dans les rangs de l'avant-garde. Du Bois du Bais avait mis le feu à un canon ; il donnait ainsi, écrivait Briez, le spectacle d'un représentant d'un peuple libre, lançant de sa main la foudre sur les satellites des despotes, et le lendemain les artilleurs lui portèrent un bouquet pour le féliciter. Toutefois, les deux conventionnels ne dissimulaient pas leur désappointement et leur chagrin. Nous devions, mandaient-ils, espérer des succès. Les commencements avaient été brillants, puisque nous avions enlevé plusieurs postes ; mais la cavalerie de l'ennemi ayant inquiété et ébranlé la colonne de droite, Dampierre a cru qu'il était prudent de se retirer et de remettre la partie à un autre jour.

Defrenne, l'agent de Bouchotte, n'était pas moins mécontent. Il disait au ministre que le plan de Dampierre était mal cousu, que le général n'avait pas été bien renseigné, qu'il perdait quelques cantonnements, qu'il ne possédait pas les talents militaires qu'on lui présumait : il est mal, très mal entouré, ajoutait Defrenne, et il a nommé à différentes places des êtres très suspects qui exigent la surveillance la plus active.

Les plus irrités étaient Gasparin, Duhem et Lesage-Senault. Gasparin avait suivi La Marlière à la fausse attaque de Saint-Amand. Il avait admiré le courage des troupes, leur attitude, la précision de leurs mouvements, et il ne pardonnait pas à Dampierre d'avoir arrêté leur marche. Il imputait au général l'échec du 1er mai. Dampierre, disait-il avec une sensible aigreur, avait craint, comme toujours, de se compromettre ; il n'avait attaqué l'ennemi que faiblement ; il avait contrarié les excellentes dispositions du soldat ; il avait enjoint à La Marlière de se replier, et La Marlière, soumis aux combinaisons de Dampierre, n'avait pu s'emparer de Saint-Amand et du camp de Maulde.

Le représentant Deville, que ses collègues envoyaient de Sedan à Valenciennes, portait un jugement semblable : Dampierre, avec son civisme, ne lui paraissait pas suffisant. Mais il appréciait mieux la situation. Il louait la bravoure des individus, et l'adversaire lui-même avouait que les carmagnoles montraient une vaillance extraordinaire ; on les avait vus marcher sous la grêle des balles ; des artilleurs, environnés par des cavaliers autrichiens, tiraient encore ; un canonnier avait le poing coupé par un dragon dans le moment qu'il mettait la grappe de raisin dans sa pièce. Nous nous sommes, disait l'aide-de-camp du général Davaine, battus comme des Césars. Mais Deville déclarait franchement que l'indiscipline des armées les rendait nulles, que personne n'était à son poste, que les soldats, les officiers allaient et venaient sans permission, que plusieurs généraux n'assistaient pas à l'action du 4er mai, qu'il n'y avait à Valenciennes ni ordre ni police, que les espions y entraient librement et savaient mieux que nous ce qui se passait dans le camp et dans la ville.

Les troupes mêmes dont Gasparin vantait la subordination et la bonne tenue, celles de La Marlière, étaient revenues de leur expédition dans le plus grand désarroi. Des officiers, prétextant la fatigue, montaient sur les voitures des charrois, au lieu de marcher avec leurs compagnies[18].

 

IV. Dampierre était de plus en plus assombri. Il tâchait d'atténuer son léger échec et prétendait que tous les militaires approuvaient les mesures qu'il avait prises. Mais ses lettres se rembrunissaient. Il se plaignait, non sans raison, de sa cavalerie. Il demandait avec instance de la poudre, des balles, des boulets. Il demandait des armes : dix mille hommes étaient sans fusils, et, à l'attaque du 1er mai, quinze cents avaient marché les bras ballants, dans l'espoir de ramasser sur le champ de bataille les armes de leurs camarades qui seraient tués ou blessés. Il demandait des recrues : au lieu de 50.000, il en recevait 40.000, et le Comité lui ordonnait d'envoyer dans la Vendée la légion de Westermann et quinze à vingt bataillons qu'on formerait en tirant six hommes de chaque compagnie des bataillons de ligne et d'infanterie légère et des volontaires de 1791. Enfin, il faisait ombrage aux jacobins et se sentait épié, entouré de soupçons et de rumeurs jalouses. Ne serait-il pas regardé comme un traître s'il subissait encore un revers, et qualifié de nouveau Dumouriez, s'il était vainqueur ? Defrenne, qui démêlait en lui d'ambitieuses visées, écrivait à Paris qu'on ne devait pas, en cas de réussite, lui accorder une confiance trop aveugle et lui donner trop d'éloges pour ne pas replonger la patrie dans l'abîme. Aussi Dampierre disait-il tristement à Tholosé qu'il essaierait une seconde fois de forcer la ligne des postes autrichiens, mais que les moyens lui manquaient, qu'il était gêné, entravé dans ses opérations, qu'il n'avait plus d'autre espoir que de mourir en soldat. On l'entendit répéter qu'il voudrait avoir un bras ou une jambe emportée pour prendre honorablement sa retraite[19].

Et de là, les incertitudes de Dampierre. De là ses ordres contradictoires et, dans l'intervalle de trois ou quatre jours, des changements de tout genre qui n'aboutirent qu'à fatiguer les troupes et à les décourager.

Il avait résolu de diriger l'effort principal de la nouvelle attaque sur la rive gauche de l'Escaut, contre le corps de Clerfayt que la rivière séparait du gros de l'armée impériale, dans les bois de Raismes et de Saint-Amand où ses troupes inexpérimentées et novices pourraient se disperser, s'éparpiller, combattre avec de plus belles chances qu'au 19r mai dans la plaine. L'affaire devait avoir lieu le 6, et les ordres étaient donnés. Le 5, au soir, les représentants Bellegarde. Cochon, Courtois, Lequinio se rendirent chez le général. Ils le trouvèrent inquiet, hésitant ; il craignait que la journée du lendemain ne fût malheureuse ; les ennemis, assurait-il, se retranchaient solidement, et pour enlever les deux villages de Raismes et de Vicoigne, on hasardait de perdre bien du monde. Ses lieutenants étaient divisés d'opinions ; Gobert proposait d'attaquer ; Kilmaine se faisait fort d'emporter Vicoigne et Raismes avec douze mille hommes, mais demandait si la possession de ces deux villages valait le sang qui serait répandu. Les commissaires de la Convention n'exprimèrent pas leur avis ; ils disaient qu'ils ne pouvaient se mêler des opérations militaires et que c'était aux généraux à conduire la guerre ; seul Lequinio affirmait que l'entreprise échouerait inévitablement. Dampierre finit par déclarer qu'il se tiendrait sur la défensive, dût Condé tomber aux mains des Autrichiens, et l'attaque fut suspendue. Mais La Marlière ébranlait déjà ses colonnes sur Saint-Amand et il écrivait qu'elles avaient essuyé fièrement le feu des Impériaux ; il se plaignait de recevoir beaucoup d'ordres différents ; n'y a-t-il pas, s'écriai-t-il, un plan arrêté et serons-nous destinés à être le jouet des événements ?

Le 6, au matin, les mêmes représentants étaient chez le général Ferrand qui commandait Valenciennes, et ils se concertaient avec lui sur les moyens d'approvisionner la ville, lorsque Dampierre se présenta. Derechef on parla de l'attaque de Raismes et de Vicoigne. Ferrand opina qu'elle était nécessaire. Dampierre objecta que si le camp de Famars était dégarni, les ennemis viendraient le tourner et l'assaillir par la droite. Mais Gobert répliqua qu'il se chargeait de défendre le camp et de repousser toutes les tentatives de l'adversaire. Et vous, citoyens, demandèrent les généraux aux représentants, que pensez-vous ?Nous n'avons aucun avis à donner, répondirent les commissaires à diverses reprises, c'est à vous qu'il appartient de régler les mouvements de l'armée. Dampierre insista. Mais au moins, dites-moi, par manière de conversation, ce que vous feriez à ma place. Les représentants, sortant de la réserve qu'ils avaient gardée jusqu'alors, remarquèrent que les Autrichiens connaissaient ou devinaient déjà la marche des républicains, que le moindre retard causerait peut-être le plus grand préjudice, qu'il serait opportun d'exécuter les dispositions convenues et de faire un effort violent pour secourir Condé ; mais, ajoutaient-ils, il ne allait agir que si le succès était certain ou probable ; Dampierre devait calculer les chances qu'il avait, et ils s'en remettaient à sa décision.

De nouveau, Dampierre déclara qu'il attaquerait le lendemain. Le 7, au matin, les commissaires Bellegarde, Cochon, Courtois et Du Bois du Bais se rendirent au village d'Anzin où se rassemblait l'armée. Dampierre s'entretenait avec ses généraux au milieu de l'avant-garde. Mais il était retombé dans ses perplexités, et de nouveau il représenta les difficultés de sa situation, assura que ni l'infanterie ni surtout la cavalerie n'avaient ce nerf et cette vigueur dont doit être pourvue une armée assaillante, que les Impériaux redoublaient de précautions depuis le 1er mai, qu'ils faisaient des abatis et construisaient des redoutes, que leur artillerie balayait tous.les chemins qui menaient à leurs retranchements. Ses lieutenants l'approuvèrent, les commissaires n'élevèrent pas la moindre objection, et les troupes qu'on avait mises sur pied dès la nuit précédente, regagnèrent leurs campements.

Dampierre, rapporte un de ses officiers, semblait pressentir le sort qui l'attendait, et lorsqu'il allait à la découverte et s'arrêtait pour examiner les positions autrichiennes, il était comme effrayé du nombre de victimes qu'il devrait sacrifier, et sans grand espoir de réussir[20]. Mais deux représentants, Du Bois du Bais et Briez, voulaient coûte que coûte dégager Condé, et malgré leurs collègues qui blâmaient cette intervention trop peu déguisée, ils entraînèrent Dampierre et Gobert à une seconde bataille. Du Bois du Bais, ancien capitaine de cavalerie dans la maison du roi, et Briez dont la vie s'était passée tout entière dans le département du Nord, se piquaient d'avoir à la fois des connaissances locales et quelque expérience militaire. Ils avaient suivi de près les opérations depuis le commencement de la guerre, et de tous les commissaires envoyés par la Convention dans les Flandres, c'étaient eux qui se plaignaient le plus vivement des généraux, de leur faiblesse, de leur inertie, qui leur reprochaient avec le plus d'acrimonie de ne pas inquiéter l'adversaire, et dans une lettre confidentielle au Comité, ils accusaient les chefs de l'armée d'être rétifs à toute mesure vigoureuse, d'exagérer les forces des coalisés, de se faire des fantômes, d'avoir des mouvements d'impatience lorsqu'on leur proposait de ravitailler ou de débloquer Condé. A chaque instant Briez et Du Bois du Bais redisaient que les Autrichiens profitaient de l'inaction de Dampierre pour se retrancher et multiplier leurs moyens de résistance ; que les alliés regardaient Condé comme la clef de Valenciennes et qu'ils avaient à cœur de s'en saisir ; qu'il fallait les combattre pour délivrer la place ; que c'était une fâcheuse nécessité, mais une nécessité ; que les troupes, bien dirigées, vaincraient mûrement les ennemis et sauveraient la forteresse[21].

Le 8 mai eut lieu l'attaque que Courtois et Lequinio désapprouvaient, que Bellegarde et Cochon acceptaient non sans angoisse, que Briez et Du Bois du Bais souhaitaient avec une imprudente confiance.

La Marlière eut l'honneur de la journée. Il avait tenté la veille une démonstration contre la forêt de Vicoigne et Saint-Amand ; tourné par le colonel Blücher, il s'était replié sur Hasnon. Le 8, il marchait par les deux rives de la Scarpe contre les Prussiens de Knobelsdorf. Son aile gauche assaillit Lecelles, s'empara d'un moulin et détacha des tirailleurs qui firent le coup de carabine aux abords du camp de Maulde. Son centre, qu'il commandait en personne, n'opéra qu'une diversion sur deux points différents, près de Saint-Amand. Mais sa droite, conduite par le général Desponchès, obtint un sérieux avantage. Elle devait débusquer les Prussiens de l'abbaye de Vicoigne et des retranchements qu'ils avaient élevés dans les bois de Saint-Amand, Elle les chassa de la forêt et se porta jusqu'à la chaussée qui menait de Saint-Amand à Vicoigne. De sept heures du matin à neuf heures du soir elle conserva cette position où La Marlière ne cessait d'envoyer des renforts, des subsistances, des munitions. Elle ne put appuyer sa droite aux républicains qui, sous les ordres d'Hédouville, attaquaient en même temps une partie des bois de Raismes. Néanmoins, à l'endroit où elle s'était établie et qu'on nommait la plateforme de l'abbaye de Vicoigne, elle construisit une redoute et de là battit par un feu très vif l'extrême gauche de Knobelsdorf. Durant toute la journée les communications des Prussiens avec les Impériaux furent entièrement coupées. Enfin, aux approches de la nuit, Knobelsdorf fit assaillir la redoute par un bataillon de Köthen. Le bataillon s'avança crânement, franchit deux fossés profonds, refoula par deux salves de mousqueterie la ligne des tirailleurs français ; mais il ne put franchir un troisième fossé, et recula sous une pluie de mitraille. Il revint à la charge et fut encore repoussé. Le duc d'York arrivait de Tournay à ce moment avec trois bataillons de l'armée britannique. Jeune, présomptueux, convaincu que tout devait lui céder, il offrit d'emporter l'ouvrage ; il assurait que les Anglais, à peine débarqués, intimideraient les républicains, ne fût-ce que par leurs uniformes rouges. Vainement les officiers prussiens objectaient que ses efforts seraient inutiles. Le général Leed mena le bataillon de Coldstream à l'assaut de la redoute. Je n'ai jamais vu, dit Blücher, de plus beaux militaires ; ils marchèrent avec beaucoup de résolution et firent tout pour réussir. Mais le bataillon de Coldstream eut le même sort que le bataillon de Kötben ; il laissa sur la place 60 des siens, morts ou blessés[22].

Plus âpre, plus acharnée encore était la lutte que les républicains livraient à l'armée autrichienne. On leur avait distribué de l'eau-de-vie pour les étourdir sur les dangers qu'ils allaient affronter ; mais la plupart avaient refusé de boire : l'affaire, disaient-ils, sera chaude ; on veut nous enivrer ; nous aimons mieux garder notre sang-froid. Supérieurs en nombre, très inférieurs en expérience militaire aux Impériaux, ils profitaient de l'avantage que leur offrait une grande forêt où des taillis épais et de fréquents fossés empêchaient les alliés d'avancer en rangs serrés et d'évoluer selon la tactique[23].

Dampierre et Lamarche attaquaient, le premier, Raismes, et le second, Vicoigne. Mais le général autrichien Wenkheim se maintint vigoureusement dans Vicoigne avec les régiments wallons de Wurtemberg, de Ligne, de Vierset et des détachements des régiments prussiens de Kalkstein et de Knobelsdorf. Cinq fois les républicains l'assaillirent avec fureur ; cinq fois ils durent lâcher pied, et Wenkheim ne perdit pas un seul pouce de terrain. Suivant sa coutume, l'artillerie française tirait sans relâche et gaspillait ses projectiles. Deux pièces de 8, postées près du bois d'Anzin, consommèrent l'approvisionnement de douze caissons ; à un instant, elles étaient si brûlantes que le canonnier ne put tenir le doigt sur la lumière et qu'une cartouche prit feu tandis qu'on chargeait ; les deux servants qui étaient au refouloir eurent le bras et la tête emportés[24].

Cependant Kilmaine et Dampierre tentaient de s'emparer de la forêt et du village de Raismes. Les soldats s'élançant avec fougue, la baïonnette au bout du fusil, avaient délogé peu à peu l'ennemi de toutes les positions retranchées qu'il occupait. Kilmaine, avec six bataillons, s'efforçait de pénétrer dans Raismes par la grande route. Dampierre dirigeait une colonne au milieu des bois et, animé par la lutte, enflammé d'ardeur et ne songeant plus qu'au succès, il appelait à son aide tout ce qui restait de troupes au camp de Famars. Les Autrichiens ne possédaient plus que le village et une redoute entre Anzin et Petite-Forêt, au lieu dit Bonne-Espérance. Dampierre voulut brusquer la prise de l'ouvrage. En vain les représentants Bellegarde, Cochon, Courtois, Du Bois du Bais lui remontraient qu'il exposait sa vie. En vain le général Davaine et l'aide-de-camp Voillot lui retenaient la bride de son cheval. Il courut se mettre à la tête des assaillants. Un boulet de canon lui emporta la cuisse. Il tomba en disant à ceux qui s'empressaient autour de lui : Vive la Nation, vive la République !

Il était cinq heures du soir. Les commissaires confièrent aussitôt le commandement à Lamarche. Mais le bruit de la mort de Dampierre s'était déjà répandu. La colonne qu'il avait menée rétrogradait : celle que Kilmaine conduisait à l'attaque du village de Raismes ne pouvait plus avancer sous le feu des batteries autrichiennes et commençait à fléchir. Lamarche consulta Gobert que Dampierre avait chargé de donner des ordres en cas d'absence ou de malheur. Gobert proposa de finir un combat qui durait depuis huit heures, et la retraite fut résolue. Les troupes se replièrent avec lenteur, sans trop de confusion, et les commissaires de la Convention remarquèrent la ferme contenance du 17e régiment d'infanterie et du 1er de Mayenne-et-Loire. Trois bataillons de volontaires s'étaient, au sortir de Raismes, engagés dans une prairie que labouraient les projectiles, et ils allaient se débander lorsqu'Ihler leur cria d'une voix retentissante : à vos rangs, volontaires, au pas ! A ces mots, chacun reprit sa place et les bataillons marchèrent au pas ordinaire et cadencé[25].

Dampierre ne survécut pas à sa blessure. Il mourut le lendemain à Valenciennes, à 2 heures et demie de l'après-midi. On l'enterra le 10 mai dans l'enceinte du camp français sur la redoute du Mont-Oui. Ses funérailles furent solennelles. Après un service chanté dans l'église du Béguinage, le convoi traversa la ville et le camp de Famars entre deux haies d'infanterie. La cavalerie ouvrait et fermait le défilé. Lamarche menait le deuil. Puis venaient les commissaires de la Convention et derrière eux les corps administratifs et judiciaires. Les divisionnaires Ferrand, Kilmaine, d'Hangest, Blacquetot tenaient les coins du drap. Le cercueil était porté par seize sous-officiers et entouré par les généraux de brigade et par l'état-major. Toute la journée, de demi-heure en demi-heure, l'artillerie de Valenciennes ne cessa de tirer. Au moment de l'inhumation, les canons de la garnison et de l'armée tonnèrent à la fois. Lequinio prononça l'éloge funèbre : il rappela que Dampierre avait été l'un des premiers et des plus zélés partisans de la Révolution, qu'il avait toujours combattu le despotisme et, bien qu'il appartînt à la caste privilégiée, méprisé ces vains titres qui masquent le vice et dispensent d'acquérir des vertus. Il dit que Dampierre avait profondément étudié la politique, l'histoire, les mœurs des individus et des nations, que ses conceptions philosophiques le vouaient dès son jeune âge à l'horreur du royalisme et au désir du gouvernement républicain ; aussi Dampierre s'était-il déclaré contre Dumouriez ; aussi avait-il entraîné les troupes que le traître tenait dans les angoisses de l'incertitude. Mais, ajoutait Lequinio, l'armée vengerait la mort de son chef ; le héros qu'elle pleurait guiderait ses étendards : l'ombre de Dampierre vous accompagnera partout, elle vous donnera de nouvelles forces, elle sera la terreur des hordes d'esclaves ligués contre vous ![26]

La Convention rendit à Dampierre un hommage éclatant. Dès le 10 mai, un de ses membres demandait pour le général les honneurs du Panthéon. Bréard objecta que tout Français qui meurt pour son pays, vit à jamais dans le souvenir de ses concitoyens, et Danton fit décider que nul ne pourrait entrer au Panthéon que dix ans après sa mort : Dampierre, s'écriait-il, est déjà placé dans un temple de mémoire, supérieur à tous ceux qu'éleva la main des hommes, dans le temple de l'immortalité. Mais le lendemain, 11 mai, Barère priait l'assemblée de se déjuger : Dampierre avait reçu le coup mortel en excitant ses troupes par sa voix et son exemple ; il tombait, comme Turenne, au lit d'honneur, et il méritait la reconnaissance nationale, de même que Mirabeau, que Le Peletier assassiné pour avoir voté le supplice du tyran, que Beaurepaire qui refusait de survivre à la reddition de Verdun. La Convention décréta que Dampierre, mort en défendant la liberté et l'égalité à la tête de l'armée du Nord, serait enseveli au Panthéon[27].

Le décret ne fut pas exécuté. Quelques jours s'étaient à peine écoulés que l'opinion dépanthéonisait Dampierre. Avait-il fait autre chose que ce qu'ont fait et ce que font tant de braves soldats qui n'ont pas conquis la renommée ? Ce Dampierre de glorieuse mémoire, écrivait Defrenne, on va lui décerner les honneurs du Panthéon pour avoir eu la bonté d'exposer deux fois nos troupes à des batteries masquées ! Lesage-Senault et Gasparin mandaient au Comité que le général apothéosé n'avait pas su ou voulu profiter le 1er mai des excellentes dispositions de son armée, et que recommencer une semaine plus tard la même opération, c'était le comble de l'ineptie ou de la trahison : mais, ajoutaient-ils :

Laius est mort, laissons en paix sa cendre.

Le 19 mai, les représentants Bellegarde, Cochon et Courtois annulaient les nominations d'officiers que le successeur de Dumouriez avait faites dans l'armée du Nord.

Vinrent les haineux discours des jacobins contre la noblesse. Dampierre était un ci-devant et lorsque Couthon demanda que Chalier fût mis au Panthéon, Dampierre, disait-il, ne devait pas être parmi les défenseurs et les amis du peuple ; on l'avait cru patriote ; on le reconnaissait aujourd'hui pour un traître. La Convention se contenta de placer dans le lieu de ses séances le buste du général à côté de Brutus, de Le Peletier et de Marat.

Mais le souvenir de Dampierre ne s'effaça pas dans les camps. Une légende se forma. On raconta que, malgré sa blessure, il s'était fait transporter sur un brancard au milieu des troupes pour leur dire que le salut de la France ne dépendait pas d'un seul homme, et que les soldats, un instant démoralisés, avaient repris courage et vaincu l'Autrichien[28].

 

 

 



[1] Dohna, II, 1-9 ; Witzleben, II, 186 ; Thürheim, Briefe, 78, 83.

[2] Blücher, Campagne-Journal, p. Knorr, 1866, p. 62 ; Dohna, I, 165 ; 11, 195 ; Thiébault, Mémoires, 1893, 1,411 ; Crossard, Mém. mil. et hist., 1, 37 et 41 ; cf. Invasion prussienne et Valmy.

[3] Schels, Neue militärische Zeitschrift, 1813, I, p. 35.

[4] Dampierre à Bouchotte, 10 avril (A. G.)

[5] La Marlière aux commissaires et Dampierre à Bouchotte, 13 avril (A. G.) ; Schels, 35 ; Geschichte der Kriege, II, 37.

[6] Moniteur 3 mai ; Du Bois du Bais et Briez à la Convention, 28 avril ; Mém. de Gobert ; Dampierre à Bouchotte, 15 et 22 avril (A. G.) ; Ueber den Feldzug der Preussen, 1795, p. 264.

[7] Dampierre à Bouchotte, 16, 17, 18, 22 avril (A. G.) ; Charavay, Carnot, II, 94 ; Dohna, I, 180 ; Schels, 36. Le 28 mai, Tardy disait également qu'il était aisé de désunir les éléments divers de la coalition, ce composé hétérogène, et il proposait non seulement de détacher le roi de Prusse, mais de faire le duc d'York souverain des Pays-Bas et même de tout le pays entre le Rhin et la Meuse.

[8] Du Bois du Bais et Briez à Dampierre, 13 avril ; Dampierre à Bouchotte, 24, 25, 26, 27 avril ; conseils de guerre du 16 et du 26 avril ; Bouchotte à Dampierre, 23 et 25 avril (A. G.) ; séance du Conseil exécutif, 24 avril (Rec. Aulard, III, 422-424).

[9] Lettres de Dampierre et de Bouchotte, 13 et 22, 23 et 30 avril (A. G.).

[10] Gadolle à Le Brun, 10 avril ; Defrenne à Bouchotte, 30 avril ; Du Bois et Briez au Comité, 26 avril ; Tardy à Custine, 2 juin (A. G.) ; Foucart et Finot, I, 430-431.

[11] Witzleben, II, 182 ; Ueber den Feldzug der Preussen, 266, 277.

[12] Defrenne à Bouchotte, 18 et 30 avril (A. G.) ; Du Bois du Bais et Briez au Comité, 11 mai ; arrêté du Comité du 23 avril ; décision du Conseil exécutif du 29 avril ; Rec. Aulard, IV, 108 et III, 402, 523 ; mémoire de Gobert (la première bataille fut donnée par mon avis).

[13] Mém. de Gobert (A. G.)

[14] Ueber den Feldzuq der Preussen, 272.

[15] Defrenne à Lavalette, 2 mai (A. G.)

[16] Lettres de Dampierre, de Kilmaine, des commissaires, 1er et 2 mai (Moniteur du 6) ; Rec. Aulard, III, 565 ; Defrenne à Bouchotte, 6 mai (A. G.) ; Dohna, I, 199 ; Blücher, 52 ; Gesch. der Kriege, II, 39 ; Witzleben, II, 190 ; Zeissberg, I, 82 ; Mém. de Langeron (A. E.).

[17] Je demandai, dit-il dans son mémoire, la punition des coupables à Dampierre ; sa bonté ou plutôt sa faiblesse s'y refusa.

[18] Deville au Comité, 3 mai ; Voillot à son père, 27 mai (A. G.) ; Rec. Aulard, III, 584 ; Foucart et Finot, I, 436 ; Wallon, Les représentants, IV, 89 ; Fersen, II, 72 ; cf. Thiébault, Mém., I, 412.

[19] Deville au Comité, 3 mai ; Dampierre au Comité, Defrenne à Bouchotte, Bouchotte à Dampierre, 6 mai (A. G.) ; Rec. Aulard, III, 494 (arrêté du 4 mai) ; Foucart et Finot, I, 440-441.

[20] Mémoire de Gobert (A. G.).

[21] Lettres des représentants, 11 mai, 17 mai, 16 juin (A. G.) ; cf. Rec. Aulard, III, 526, 566 ; IV, 106-108, 110, 580.

[22] Dohna, II, 22 ; Blücher, 53-55 ; Gesch. der Kriege, II, 41-42 ; Witzleben, II, 192 ; Guillaume, Hist. des régiments nationaux belges, 1855, p. 47 ; Mém. de Gobert (A. G.) ; lettres de La Marlière et de Gasparin, 9 mai (Moniteur du 14).

[23] Mém. de Gobert et Dohna, II, 43.

[24] Bollemont à D'Hangest, 10 mai (A. G.).

[25] Cf. lettres des représentants, mémoire de Gobert, Lamarche à Bouchotte, 9 mai (A. G.) ; Tableau historique, II, 300. Le corps de Clerfayt eut le 8 mai 23 officiers et 525 soldats tués blessés et prisonniers (Schels, 41).

[26] Le Batave, 14 mai. Cf. Foucart et Finot, I, 443-450. Une colonne commémorative fut élevée aussitôt sur la redoute du Mont-Oui. On lisait sur le côté qui regardait Mons el la route prise par Dumouriez fugitif : Il détesta les traitres et aima sa patrie ; sur le côté qui regardait Valenciennes : Ses vertus lui assurent l'immortalité ; sur le côté qui regardait Paris : Combattants de la liberté, républicains français, il était pour vous un bel exemple de bravoure et de fraternité. Ce monument fut respecté par les alliés durant le siège de Valenciennes. (Ueber den Feldzug der Preussen, 292 ; cf. Moniteur 21 juin.)

[27] Décret du 11 mai (Moniteur 12 et 13 mai) ; Foucart et Finot, I, 443-450. Le 25 octobre 1836, le corps de Dampierre, tiré de la redoute du Mont-Oui, fut déposé dans un tombeau au lieu dit des Quatre-Chemins, à l'embranchement des routes de Paris et de Condé.

[28] Le Batave, 11 mai ; la légende se forme trois jours après la bataille.