LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

MAYENCE

SECONDE PARTIE. — LE SIÈGE

 

CHAPITRE VIII. — LE BOMBARDEMENT.

 

 

I. Les brûlots. La batterie flottante. — II. Les ingénieurs prussiens et les émigrés du génie français. Plans d'attaque. — III. L'arrière parallèle. La flèche des gabions. La première parallèle. — IV. Le capitaine Lefaivre. Prise de Weisenau. — V. Enlèvement de la redoute de Zahlbach. — VI. La flèche du fort Charles et la flèche du fort Welche. — VII. Bombardement de la ville.

 

I. Au milieu des travaux du siège, Kalkreuth avait essayé de faire sauter, au moyen de brûlots et d'une batterie flottante, le pont qui reliait Mayence et Kastel.

Il échoua. Trois brûlots furent lancés sur le Rhin dans la nuit du 16 au 17 juin. Attachés à la file, le premier remorquant le deuxième qui remorquait le troisième, ils devaient fracasser le pont et l'incendier. Mais la mèche extérieure du dernier brûlot fut maladroitement allumée. Au lieu de se porter aussitôt dans le deuxième bateau, la flamme, léchant le bord du troisième, consuma les cordes qui l'amarraient et le détacha ; il alla, tout embrasé, s'enfoncer dans l'eau à la hauteur de la Favorite sans avoir fait aucun effet ni produit aucune explosion. Restaient les deux autres bateaux : le deuxième était le principal agent de destruction, et le feu avait gagné à l'extérieur de son bordage des chapelets de tourteaux goudronnés et des paquets d'étoupes. Mais les bateliers du Rhin accoururent ; dès que les deux brûlots furent à la hauteur du fort de Mars, ils les accostèrent, les éteignirent et les poussèrent vers la rive de Kastel après avoir fait ouvrir le pont du Rhin pour leur laisser passage[1].

La batterie flottante eut le même sort. Le colonel hollandais Widenbruck l'avait construite à Ginsheim. Elle se composait de deux bateaux accolés l'un à l'autre ; des coffres en charpente, remplis de fumier tassé, formaient ses parapets ; une compagnie de fusiliers de Legat y était installée. Mais le 29 juin, un boulet parti de Kastel brisa le câble auquel la batterie était attachée. Elle démarra, tourna sur elle-même, et cessant d'obéir au gouvernail, s'en alla doucement à la dérive vers Mayence. A la vue de ce cheval de Troie aquatique, les Français, croyant à quelque œuvre infernale, couraient le long du Rhin et criaient : Prenez garde à la mitraille ! Toutes leurs pièces tiraient sur le monstre. Enfin, entrainée par le courant, la machine vint échouer près de Kastel sur une plage inondée par le Mein. Les fusiliers de Legat avaient précipité les canons dans le fleuve ; quelques-uns s'échappèrent sur une chaloupe ; les autres, deux officiers et soixante-seize soldats, indiquèrent par signes qu'ils se rendaient. Beaupuy leur jura qu'ils auraient la vie sauve et leur fit jeter une passerelle. Ses grenadiers poussaient des cris de mort et brandissaient leurs baïonnettes. Le premier coup, dit Beaupuy, traversera mon corps. A cet instant arrivait Merlin de Thionville. Il déclara, le sabre au poing, qu'il fallait venger les Français tués la veille à Weisenau et ne pas accorder de quartier. Déjà il s'avançait sur la passerelle. Soudain, pendant qu'il gesticule et s'agite, la planche fléchit sous son poids, et il tombe à l'eau. Mais les Prussiens le repêchent et le transportent dans leur batterie. Il se sèche, s'apaise, remercie avec émotion ceux qu'il menaçait naguère, et promet de les bien traiter. Tous sortent de la machine et, au fur et à mesure qu'ils descendent, Beaupuy, dans l'eau jusqu'à la ceinture, leur serre la main, leur souhaite la bienvenue, leur assure qu'ils n'ont rien à craindre et, en un mauvais allemand qui les fait sourire, leur adresse une petite exhortation destinée à leur inspirer la haine des despotes et des aristocrates. Voilà, dit-il naïvement dans son Journal, des circonstances où l'on est bien éloquent, et où l'on peut frapper ferme et avec fruit tous ces hommes grossiers ; jamais je ne les ai négligées ; j'ai rempli bien religieusement mon serment d'apostolat toutes les fois que l'occasion s'est présentée ; et il ajoute, en vrai Français, que si les Allemands ne sont pas faits pour être libres, quelques grains du moins finiront par germer dans les âmes[2].

 

II. Kalkreuth n'avait jamais eu confiance dans la batterie flottante et les brûlots. Mais il avait hésité longtemps sur le point d'attaque. Les émigrés français de l'ancien corps royal du génie, entre autres, le lieutenant-colonel Turpin, proposaient de porter le grand coup contre le Gartenfeld et le bastion Raymondi, le long du Rhin ; on y rencontrait, disaient-ils, bien moins d'ouvrages, et le front d'attaque étant plus étroit, le travail serait plus rapide. Les ingénieurs allemands, et à leur tête le chef du corps des mineurs, le colonel von der Lahr[3], voulaient diriger le principal effort contre la citadelle. Deux partis se formèrent : le parti français ou de la basse attaque et le parti allemand ou de la haute attaque. Le roi de Prusse et le duc de Brunswick s'étaient ralliés au parti français qui comptait des hommes habiles et expérimentés dans leur art. Ils firent même venir de Hollande à Budenheim de grosses chaloupes canonnières. Ces chaloupes, employées naguère à la défense du Texel et portant chacune deux pièces de 24, devaient bombarder l'île Saint-Pierre et détruire les moulins de Mayence ; mais elles n'avaient ni rames ni voiles, et lorsqu'on les manœuvra, elles ne purent remonter le courant ; on les transporta par terre à Laubenheim derrière la ligne d'investissement, pour les mieux ajuster, et l'on n'en fit aucun usage.

Enfin, une conférence décisive des ingénieurs et des officiers de l'état-major se tint au château de Biebrich en présence du roi de Prusse et des généraux Kalkreuth et Kleist. Frédéric-Guillaume déclara que le Gartenfeld lui paraissait le meilleur point d'attaque et que les chaloupes canonnières rendraient évidemment de grands services. Les ingénieurs français, notamment Turpin, approuvèrent le roi. Les ingénieurs allemands ne défendirent leur opinion qu'avec timidité. Mais Kleist prit hautement le parti du génie prussien. Il était mû par son esprit naturel d'opposition et piqué contre les émigrés qui lui faisaient mystère de leurs plans. Dans un discours plein de vigueur, il affirma que la haute attaque était plus simple et plus aisée que la basse attaque[4]. Le côté que Turpin et les Français proposaient d'assaillir, ne ressemblait-il pas à une courtine dont le Hauptstein et l'ile Saint-Pierre formaient les bastions ? Le Hauptstein ne dominait-il pas tout le terrain d'alentour et la pente qui s'abaissait vers le Gartenfeld jusqu'au moulin de Hardt ? L'île Saint-Pierre ne balayait-elle pas du feu de ses canons toute la rive gauche du Rhin ? L'assiégeant irait-il s'enfourner entre le Hauptstein et l'île Saint-Pierre ? Irait-il, au prix d'efforts répétés et meurtriers, chasser l'assiégé de l'île Saint-Pierre et de l'ile Saint-Jean qui se soutenaient l'une l'autre et se reliaient par un pont volant ? Puis, se tournant contre le Hauptstein, irait-il emporter la redoute que les Français avaient tracée sur la hauteur de Hardt ? Et le Hauptstein conquis à force de temps et de travail, ne rencontrait-il pas ce Gartenfeld presque impraticable, avec son sol humide, ses nombreuses rigoles et son double fossé ? La haute attaque avait au contraire de très grands avantages : elle était une, nullement incohérente et décousue ; elle appuyait ses deux ailes au Rhin et au Wildbach ; elle établissait les dépôts de l'armée à moins longue distance et rendait ses communications plus sûres ; elle offrait la chance de tenter contre l'enveloppe un heureux assaut ou du moins d'enlever sans trop de peine ses courtines, à cause de leur faible élévation. Tels furent les arguments que le général de Kleist exposa dans cette conférence de Biebrich, et Quelques jours plus tard le roi ordonnait d'entreprendre la haute attaque entre Zahlbach et Weisenau.

 

III. Dans la nuit du 46 au 17 juin, Kalkreuth fit ouvrir une parallèle à la sape simple dans le fond du vallon, au bas de la chaussée de Marienborn, à quatre cents toises de la palissade du camp retranché. Les Autrichiens entreprirent ce travail, et ceux qui les aperçurent dans l'obscurité, habillés de gris, portant de grises fascines sur le dos et cheminant en silence sans autre bruit que celui des pioches et des pelles qui s'entrechoquaient de temps en temps, crurent voir un défilé de fantômes. A peine commençaient-ils la tranchée qu'une fusillade éclatait, vive, intense, inexpliquée, et qui, selon le mot d'un officier saxon, déshonore toute l'Allemagne.

Decaen faisait sa ronde. Beurmann, qui surveillait la chaussée de Marienborn, vint lui rapporter que les sentinelles entendaient du bruit. Decaen s'avance avec Beurmann ; il perçoit distinctement un cliquetis d'outils ; il conjecture que des travailleurs veulent couper la route et ouvrir la tranchée ; il court avertir Kléber. Le tiers des bataillons du camp retranché était toujours prêt à marcher au premier ordre. Kléber commande à Decaen de prendre avec lui ceux qui sont le plus près du quartier-général, de partir à leur tête et d'attaquer sans nul retard les pionniers ; il lui promet de le suivre et de lui prêter main-forte. Decaen se trouvait à six ou sept cents toises de l'assiégeant ; il attaque vigoureusement et refoule les premiers postes qu'il rencontre ; il répand l'alarme dans les troupes qui devaient soutenir les travailleurs ; elles reculent dans le plus grand désordre, elles tirent les unes sur les autres, elles s'entretuent. La panique est indicible ; on jette les fascines, les outils, les fusils ; on regagne le camp au cri de sauve qui peut ! Beelzébuth, rapporte un officier autrichien, faisait des siennes. Voilà Decaen maître de la tranchée, et ce qu'il voit à la lueur naissante du jour, les blés saccagés, les cadavres qui jonchent le terrain, les blessés qui gémissent, lui retracent suffisamment la scène de trouble et de confusion qui vient de se produire. Bientôt arrive Kléber avec la réserve ; il ordonne de combler la tranchée et prend ses mesures pour repousser un retour offensif des assiégeants. Les Français, ardents, exultant de joie, ramassent tout l'attirail laissé par l'ennemi ; ils comblent la tranchée, ils y ensevelissent les morts et s'amusent à les placer par escouades, en mettant les officiers après une quantité déterminée de soldats ; enfin, malgré quelques coups de canon que leur envoie l'adversaire, ils se servent des gabions et saucissons abandonnés, au nombre de quatre cents, pour construire à la sape volante, sous la conduite de Gaudin et de Boisgérard, une double flèche qu'ils nomment aussitôt la flèche des galions. S'opposer à l'ouverture de la tranchée, dit un témoin, la combler avec les morts de l'ennemi, et construire une flèche avec ses gabions sous un feu meurtrier, est certainement une belle opération : Kléber la dirigea[5].

Le roi de Prusse, irrité, commanda d'ouvrir la parallèle dans la nuit suivante. Cette fois l'entreprise fut menée, non plus par le général de Borch qui manquait d'énergie et de présence d'esprit, mais par le général de Kleist. Pendant la nuit du 18 au 19 juin, 5.680 travailleurs se portèrent sur une grande ligne marquée par des feux et des lanternes, de Weisenau à Bretzenheim par Sainte-Croix. Quatre bataillons couvraient leur front, et dix autres bataillons, leurs derrières. Une parallèle longue de 9.400 pas, une redoute à son aile gauche, trois communications, trois batteries, chacune de trois mortiers et d'un obusier, tel fut l'ouvrage de la nuit. Nous avons les honneurs de la tranchée, disait Beaupuy, c'est prodigieux le travail qu'ils ont fait ![6]

L'assiégeant poursuivit sans relâche ce travail prodigieux. La parallèle qu'on nommait l'arrière-parallèle, se trouvait à une grande distance de la place, et le feu de ses batteries était sans effet. Quelle folie, s'écriait d'Oyré, de s'établir si loin ! et Gaudin jugeait que l'entreprise démontrait beaucoup de timidité. Mais, dans la nuit du 24 au 25 juin, 2.000 pionniers commencèrent la première parallèle à 800 pas des palissades de la forteresse. Ou ne l'acheva que très lentement et avec une extrême difficulté. A chaque moment il fallait se garer des boulets qui venaient de Mayence et prendre les armes pour écarter les patrouilles françaises qui tiraient de tous côtés. Des pluies violentes, continuelles remplirent les tranchées d'eau et de fange. Jamais les assiégeants n'essuyèrent de fatigues plus cruelles. On avait, dit l'un d'eux, de la boue au-dessus des mollets ; pendant quinze jours, nous eûmes le temps le plus abominable mêlé de pluie et de froid comme en octobre ; je tombais de lassitude ; j'étais crotté jusqu'aux oreilles et l'ait comme un démon. Nos gens, mouillés, transpercés, avaient l'air méconnaissable ; ils travaillaient de même que des bêtes de somme, et, la nuit, ne fermaient pas l'œil. Que de choses endure un pauvre soldat à six kreuzer ! Ah ! freluquets des villes, je vous souhaite une heure de tranchée ! Quelle figure vous feriez, vous qu'un souffle de vent envoie dans la tombe ! Le prince Louis-Ferdinand visitait les travaux ; il dit aux officiers : Messieurs, mieux vaut dix fois livrer bataille ; vous êtes à tout instant en danger de mort, et cela, pendant vingt-quatre heures, jusqu'à ce que vos camarades vous aient relevés et relayés : y a-t-il une bataille qui dure si longtemps ?[7]

Mais bientôt la tranchée fut si profonde et le parapet si élevé qu'un homme à cheval n'avait rien à craindre du canon de l'assiégé et que deux voitures pouvaient traverser le boyau sans se gêner, ni s'embarrasser. Enfin, le 4 juillet, quinze batteries, comprenant soixante-quatre pièces, garnirent la parallèle et engagèrent un feu terrible contre le fort Saint-Charles et le fort Sainte-Elisabeth. Déjà, depuis le 21 juin, les travailleurs français, accablés par une pluie de bombes et d'obus, avaient dû remettre à la nuit leur ouvrage du jour. Les troupes couchaient dans les souterrains, et l'on s'était servi du bois de leurs baraques pour faire des blindages aux forts et aux retranchements. Kléber avait abandonné sa tente pour se loger, avec son état-major, dans une casemate du fort Saint-Philippe. Il tenta d'arrêter les progrès de l'assiégeant par des attaques multipliées, soit pendant la nuit, soit durant le jour où les Francs de Marigny, favorisés par la hauteur du blé, se glissaient près des tranchées. Les braves républicains, écrivait-on des bords du Mein au Moniteur, quoique serrés de près, ne négligent aucune des ressources de la guerre ; stratagèmes, surprises, espionnage, force, rien n'est oublié pour soustraire Mayence au despotisme. Mais déjà les Prussiens dépassaient par leurs parallèles les ouvrages avancés de la place et les écrasaient de leur artillerie.-Ils ne tardèrent pas à se rendre maîtres des flèches de Weisenau et de Zahlbach[8].

 

VI. Le village pittoresque de Weisenau, qui s'élève sur un mamelon au-dessus de la rive gauche du Rhin, n'avait pas encore essuyé de sérieux assauts. Pris, repris, livré aux flammes par les tirailleurs des deux partis[9], il était resté dans les mains des Français. On y fit des travaux de fortification. On dressa d'abord un épaulement qui flanqua la barrière en avant du village. Puis, dans la nuit du 16 avril, des ouvrages furent construits sur la hauteur, à droite de Weisenau. Enfin, le 27 du même mois, on entreprit d'élever, à la droite de ces retranchements, une flèche ouverte à la gorge, mais pourvue d'un contre-fossé palissadé et qui, selon le mot de Gaudin, avait un tracé et un relief imposants. Vainement, soit des redoutes, qui faisaient face à Weisenau, soit de l'autre rive du Rhin, l'ennemi tira sur les travailleurs. La flèche s'acheva, et bientôt une deuxième fut commencée en arrière pour assurer la communication de la première et protéger la retraite des troupes. Vidalot-Dusirat avait d'abord commandé le poste et il sut profiter des irrégularités du terrain. On le remplaça le 11 juin par le capitaine des grenadiers Lefaivre, un de ces vieux troupiers de la monarchie, que la Révolution faisait officiers dans les bataillons de volontaires et dont l'éclatante bravoure contrastait si vivement avec l'inexpérience et la mollesse de leurs soldats[10].

Lefaivre, aidé du lieutenant Seguin qu'il prit pour second, opéra d'heureuses sorties, et força l'admiration des ennemis. Comment, disait un officier saxon, a-t-il pu tenir Weisenau avec si peu de monde ? Dans la nuit du 16 au 17 juin, le hardi capitaine enlevait un poste de trente hommes et empêchait les assiégeants de commencer leurs travaux de tranchée sur la hauteur de Weisenau. Dans la nuit du 18 au 19, il s'emparait de trois à quatre cents fascines. Dans la nuit du 24 au 25, il entrait dans les crochets de communication, perçait jusqu'à la première batterie, enclouait quatre canons, tuait six artilleurs et blessait dix-huit hommes[11]. Mais, dit d'Oyré, le succès fut incomplet parce que les colonnes d'attaque ne firent pas toutes entièrement leur devoir.

Kalkreuth jugea qu'il était temps de prendre Weisenau pour donner à l'aile droite de sa première parallèle un ferme appui. Quatre bataillons autrichiens, commandés par le colonel comte de Heister, eurent ordre d'entreprendre et de couvrir l'assaut. L'instruction de Heister portait qu'on ne devait ni tirer, ni piller, ni faire de prisonniers : tout serait passé au fil de l'épée. Dans la nuit du 27 juin, à dix heures et demie, pendant que, sur un autre point, Lefaivre tentait avec une partie de sa garnison d'enlever une batterie, les Autrichiens sortaient de la tranchée et s'approchaient de la flèche de Weisenau. Les uns répondirent aux qui vive qu'ils étaient Français et appartenaient à tel ou tel bataillon ; les autres se hissèrent par les meurtrières. En un instant l'ouvrage fut tourné et emporté par la gorge. Le poste surpris n'opposa qu'une très faible résistance, et de la ville on l'entendit crier grâce. Lefaivre accourut au bruit, et, dans le dessein d'encourager sa troupe, il fit battre la marche et chanter le Çà ira. Mais les Impériaux l'accueillirent par quelques salves vigoureuses et poussèrent de grands cris : cavalerie ! en avant ! chargez ! tant pour appeler à leur aide les hussards de Wurmser que pour effrayer l'ennemi. Les hussards arrivèrent au galop et dispersèrent les républicains. Quatre d'entre eux se jetèrent sur Lefaivre. Le capitaine se dégagea de leur étreinte, rallia ses gens, se mit à leur tête, et, de concert avec Seguin, leur ordonna de reprendre la flèche ; personne ne voulut marcher[12].

D'Oyré avait résolu qu'on tâcherait de réoccuper au moins une fois chaque poste enlevé par l'assiégeant. Le surlendemain, en plein jour, à onze heures du matin, l'héroïque Marigny attaquait la redoute avec sa légion des Francs. Un feu très vif l'obligea de reculer, et il laissa sur la place une vingtaine d'hommes tant tués que blessés. Les batteries prussiennes s'établirent à Weisenau et canonnèrent les deux rives du Rhin ; là, elles brûlaient la ville ; ici, elles rendaient le fort de Mars intenable. Déjà, des tirailleurs, sortant du village, essayaient de rejeter les avant-postes français dans les décombres de la Favorite[13].

 

V. Après Weisenau, tombèrent Zahlbach et la flèche des gabions. Les fortifications élevées sur la hauteur de Zahlbach étaient de simples ouvrage ?, ouverts à la gorge, sans liaison entre eux, sans fermeture, ni palissade, et hors de la protection du camp retranché. Mais les ennemis reconnaissent qu'elles arrêtèrent efficacement la marche du siège, et la flèche du milieu leur parut aussi forte, aussi considérable que celle de Weisenau. Trois pièces, l'une, de 16, l'autre, de 12, la troisième, de 8, garnissaient la redoute la plus avancée. Le 22 juin, Merlin s'y rendit avec Rieffel et les clubistes armés de pelles et de pioches ; tout le jour et jusqu'au lendemain à la nuit, les patriotes travaillèrent à l'agrandissement de la batterie et la mirent en état de recevoir des blindages ; aussi l'ouvrage fut-il nommé dès lors redoute de Merlin ou des clubistes[14].

Mais dans la nuit du 5 au 6 juillet, trois bataillons prussiens, commandés par le général de Manstein[15], s'emparèrent de la redoute de Zahlbach et de la flèche des gabions. Nos gens, avoue d'Oyré, les abandonnèrent sans résistance, malgré les efforts de Lefaivre et de Seguin. Un instant, trois compagnies du bataillon de Schladen, égarées par un de leurs guides et trompées par l'obscurité, se trouvèrent sans le savoir sur le glacis du fort Saint-Philippe. Elles arrachèrent les palissades, gravirent l'escarpe de l'avant-fossé, pénétrèrent derrière le parapet, égorgèrent tout ce qui résistait. Des émigrés français criaient déjà La ville est à nous ! On les refoula, grâce, dit d'Oyré, à la bonne contenance d'une partie des troupes et surtout à la fermeté et au sang-froid des chefs. Deux de leurs officiers furent tués ; un troisième fut fait prisonnier avec soixante-dix soldats, la plupart blessés ; quelques-uns s'étaient cachés sous les tentes[16].

D'Oyré renonça sans regret à la flèche des gabions ; elle manquait d'appui, et sa communication devenait de plus en plus impraticable. Mais il tenta de reprendre la flèche de Zahlbach. Durant deux jours, assiégeants et assiégés se disputèrent cet ouvrage avec opiniâtreté. Emporté par Kléber, ressaisi par le général-major de Kleist et par l'aide-de-camp Gaudy, il fut reconquis dans l'après-midi du 7 juillet, par Merlin de Thionville. Le représentant était venu à la légion des Francs : Trente hommes de bonne volonté ! Trente hommes se présentèrent aussitôt. Merlin, Marigny, Kléber et ses deux adjoints, Decaen et Levasseur, se mirent à la tête de cette poignée de braves, et avec une incroyable audace, ils se portèrent vivement sur la redoute. Cinq ou six périrent, Levasseur reçut une blessure grave, et l'ouvrage fut enlevé. Mais bientôt, accablés par un grand feu de mousqueterie et d'artillerie, les Français abandonnaient définitivement et sans retour la hauteur de Zahlbach[17].

 

VI. Kalkreuth profita de ce succès. Dans la nuit du 11 au 12 juillet, ses travailleurs, débouchant en divers endroits par des zigzags en sape volante, ouvraient la deuxième parallèle. Mais deux flèches nouvelles, construites par d'Oyré, l'une à gauche et sur la ligne capitale du fort Saint-Charles, l'autre en avant du fort Welche, arrêtèrent soudain la marche des pionniers. Étonnés, troublés, les Prussiens hésitèrent. Ce système de contre-approches, dit l'un d'eux, témoignait d'un véritable génie[18].

Il fallait, coûte que coûte, se saisir des deux ouvrages. Pendant trois nuits la flèche du fort Saint-Charles fut prise et reprise parles deux partis, qui déployaient dans leur attaque une égale fureur. Le 15 juillet, après une longue et violente fusillade, elle demeurait aux mains des Prussiens. D'Oyré, craignant avec raison que l'ennemi ne pût s'étendre jusqu'au chemin couvert, ordonna de réoccuper la flèche dans la nuit même. Les troupes du camp retranché étaient exténuées de lassitude ; il chargea de l'expédition un détachement de 400 hommes tirés de la garnison de Kastel. Mais les piquets refusèrent de passer le Rhin, et lorsque, sur une énergique sommation de Dubayet, ils eurent traversé le pont et marché vers le fort Saint-Charles, ils manquèrent dans les ténèbres le lieu du rendez-vous et ne se réunirent qu'à la pointe du jour. Pouvait-on attaquer à découvert avec des gens qui montraient si peu de bon vouloir[19] ?

Les Prussiens gardèrent la flèche du fort Saint-Charles et la rasèrent. Restait celle du fort Welche. D'Oyré l'avait reliée au fort Saint-Charles par une contre-approche où il y avait chaque nuit un bataillon de soutien. Le 15 et le 16 juillet, les Prussiens assaillirent l'ouvrage et furent repoussés. Mais le 17, le prince Louis-Ferdinand se mettait à la tête de trois bataillons, deux bataillons de Manstein et un bataillon de Wegner, qu'il animait de sa bouillante ardeur, et la flèche, rapidement enlevée, était aussitôt rasée par trois cents ouvriers. Le prince avait sauté le premier, avec l'émigré Sombreuil, dans le retranchement. Çà n'ira pas, criait-il aux Français qui chantaient le Çà ira. Un républicain tira sur lui à brûle-pourpoint. D'un coup d'épée, Sombreuil releva le fusil ; la balle qui devait frapper Louis-Ferdinand en plein cœur, traversa le bord de son chapeau et lui roussit le visage. Presque au même moment, un biscaïen atteignait le prince au flanc droit, mais sans toucher ni un os ni une artère. Louis-Ferdinand, soutenu par Nassau-Siegen, se fit panser et refusa de quitter le lieu de l'action. Nassau, dit-il, vous informerez le roi que j'ai fait tout ce que j'ai pu, mais que pour l'instant je ne suis bon à rien et que je le prie de m'envoyer à Mannheim, chez la belle madame de Contades. Quatre jours auparavant, le valeureux prince avait retiré de la mêlée et emporté sur ses épaules un soldat autrichien blessé. On le nomma général major, et toute l'armée des alliés, depuis les aides de camp du roi jusqu'au simple mousquetaire, ne parla plus qu'avec admiration de ce jeune héros qui ne connaissait pas le danger et qui ne tremblait jamais, alors que chacun tremblait pour lui. Ce n'est pas seulement, s'écriait un officier autrichien, un homme de jolie figure et de façons aimables, c'est un intrépide soldat. Et les journaux allemands répétèrent que l'esprit du grand Frédéric reposait sur son petit-neveu[20].

L'entreprise avait coûté beaucoup de braves gens, mais le but était rempli, dit un des assiégeants, et il avait une telle importance qu'on devait regarder les victimes comme réservées à ce destin par le sort d'une triste nécessité, et non comme sacrifiées[21]. Kalkreuth fit aussitôt achever la deuxième parallèle et installer de nouvelles batteries. Un feu écrasant s'ouvrit sur les forts qui tous étaient vus ou enfilés. Trois jours suffirent pour rendre le fort Saint-Charles intenable, pour raser la plus grande partie du fort Welche, pour faire des forts Saint-Philippe et Sainte-Elisabeth un amas de ruines. Le fort Saint-Charles était si bouleversé que son commandant, le capitaine Dubreton, redoutait chaque nuit un assaut victorieux des Prussiens. L'état du fort Saint-Philippe n'inspirait pas d'aussi vives inquiétudes ; mais les assiégeants avaient éteint tous les feux de ses canons et tellement rapproché leurs batteries qu'on pouvait, avec des fusils de rempart et même des fusils ordinaires, atteindre très facilement leurs travailleurs, lorsqu'ils se montraient au-dessus de la tranchée, et leurs artilleurs, dès qu'ils apparaissaient aux embrasures. Kléber, craignant de trop exposer ceux qui venaient lui faire des rapports ou recevoir ses ordres, transféra son quartier-général du fort Saint-Philippe au fort Saint-Joseph[22]. Mais il prévoyait avec d'Oyré que les ennemis seraient bientôt maîtres du fort Saint-Charles ou qu'ils perceraient par un des points de l'immense ligne du camp retranché. Or, il ne disposait que de 6.000 combattants. Que pourrait-il avec si peu de monde contre un effort impétueux de l'assiégeant[23] ?

 

VII. Le feu des assiégeants sévissait en même temps sur Mayence. Dès le 18 juin, les premiers obus tombaient dans la ville, et l'on devait transporter les magasins de la citadelle dans des caves et sous la voûte d'une porte éloignée. Le 23, les douze apôtres de Würzbourg lançaient, en vingt-quatre heures, 800 boulets sur Mayence. Le 26, une bombe, éclatant dans la cour du quartier général, tuait raide le vieux de Blou et blessait à mort le chef du génie Gaudin. Le 27, l'église Notre-Dame s'écroulait avec fracas, et l'on voyait les flammes qui la dévoraient, se refléter dans le Rhin. Le 28, le feu consumait trois tours de la cathédrale et la bibliothèque pleine de manuscrits et d'incunables. Le 29, la prévôté, qu'on nommait un petit paradis d'architecture, était réduite en cendres. Le 30, brûlaient, avec un approvisionnement considérable de grains, les maisons de Dalberg et d'Ingelheim, les plus spacieuses de la cité. Le même jour flambait l'église des Franciscains, que les républicains avaient transformée en hôpital : d'Oyré fit porter les malades au Château et informa verbalement Kalkreuth que des blessés, prussiens et français, occupaient le palais électoral et qu'il désespérait de les sauver en cas d'incendie ; le Château fut épargné, à la prière de Frédéric-Charles d'Erthal[24]. Mais les projectiles ne cessaient de pleuvoir sur le reste de la ville, même sur les quartiers les plus distants du front d'attaque ; ils détruisaient, le 2 juillet, le théâtre ; le 3, l'église Saint-Alban ; le 8, la boulangerie de la citadelle ; le 13, la maison d'arrêt et la douane. Un armistice eut lieu le 14, de dix heures du matin à une heure de l'après-midi. Pendant que les Allemands victorisaient et célébraient par une triple salve la prise de Condé, les Français, réunis sur l'esplanade du Château, devant l'autel de la patrie sur lequel flottait le pavillon tricolore, juraient de vaincre ou de mourir ; d'Oyré exhortait ses soldats à bien mériter de la patrie ; Dubayet présentait à l'autel le nouveau-né d'un grenadier ; Merlin assurait, pour raviver les courages, que Custine serait sous huit jours dans Mayence et, à l'avance, il invitait les officiers au banquet qui fêterait la délivrance de la place ; chaque homme recevait, comme gratification, trois onces de viande de cheval. Mais, à peine cette trêve de trois heures avait-elle expiré, que le bombardement recommençait. Le 16 juillet, le laboratoire d'artifices sautait en l'air avec un bruit épouvantable, et cinq jours plus tard, l'église des Dominicains, abimée par les bombes, ensevelissait huit volontaires sous ses ruines[25].

Le siège, dans sa deuxième période, offrait donc aux populations du voisinage un terrible et saisissant spectacle. Quotidiennement, le beau monde de Francfort allait se promener au camp de Hochheim ; on s'y rendait en partie de plaisir et comme pour regarder un feu de joie ; on dansait, on buvait gaiement, et, à la vue de Mayence bombardé, plus d'un s'écriait que la ville méritait son destin : la voilà en jouissance de sa liberté[26] ! De Mannheim et de Heidelberg, des magistrats, des notables, des dames de haut parage, venaient admirer l'embrasement de la malheureuse cité et en savourer l'horreur grandiose. O schön ! O prächtig ! que c'est beau ! que c'est magnifique ! Tels étaient les cris que poussaient des centaines de spectateurs chez qui la curiosité étouffait la pitié. Une immense clameur s'éleva de cette foule naïvement cruelle dans la nuit du 28 juin, où s'enflamma la cathédrale : la lueur rougeâtre de l'incendie se répandait au loin ; il faisait clair comme en plein jour, et à une lieue de Mayence, on lisait aisément une gazette ou une lettre. Mais c'était la flèche de Weisenau qui recevait le plus de visiteurs. Les dimanches, après la messe, les villageois en leurs plus beaux habits, leur paroissien sous le bras, et le chapeau à la main, se pressaient dans la redoute, jasant, folâtrant, s'exclamant à tous propos. Par instants, des boulets, partis de la place, sifflaient au-dessus de leurs têtes. Mais, dès que la sentinelle qui allait et venait sur le parapet, avait vu la flamme du canon, elle criait : Baissez-vous ! aussitôt les paysans se jetaient à genoux ou la face contre terre, sans sonner mot ; puis, le péril passé, ils se relevaient, riant, jacassant derechef, se gaussant les uns des autres, pour se prosterner une fois encore, selon l'expression de Gœthe, devant un nouveau boulet et adorer cette dangereuse et sainte apparition, cet être divin au vol rapide et au bruissement mystérieux. Le grand poète assistait au siège ; lui aussi, de la hauteur de Marienborn, tout en scandant les hexamètres de son Reinehe Fuchs, il contemplait le pittoresque malheur, et les bombes qui montaient, puis tombaient dans la nuit étoilée, lui semblaient si bien rivaliser avec les lumières du ciel, qu'on ne pouvait, à certains moments, distinguer les unes des autres. D'autres fois, après avoir ramassé des ossements dans le cimetière de Weisenau, il grimpait l'escalier d'une maison en ruines et, se dissimulant au coin d'une fenêtre, il embrassait du regard le Rhin, le Mein, Kastel, le pont de bateaux et la ville, les clochers écroulés, les toits béants, les colonnes de fumée et les jets de flammes qui s'élançaient dans les airs[27].

 

La ville offrait, après la reddition, le plus triste aspect. Voilà donc, s'écriait Gœthe, abimé et réduit en pièces ce que tant de siècles avaient réussi à élever ! C'est ici, dans la plus belle situation du monde, qu'affluaient les richesses des provinces ! C'est ici que la religion s'efforçait d'affermir et d'augmenter ce que possédaient ses serviteurs ! Jean de Müller parcourut les rues de Mayence à l'heure de midi, où l'on ne rencontre personne. Je passai, dit-il, entre les palais consumés de Dalberg et d'Ingelheim, comme entre des tombeaux ; puis je descendis à l'église des Franciscains et je sentis l'odeur des Français ensevelis tout vifs sous les ruines ; je vis les livres des Dominicains déchirés, à moitié brûlés sous les gravois ; je vis la prévôté du Chapitre, si souvent admirée comme un chef-d'œuvre du goût et belle encore dans ses débris ; l'affreux spectacle de l'église Notre-Dame, la cathédrale couverte et entourée de décombres, et de là, en plongeant au loin le regard, les restes de l'incendie. J'en eus assez. Lorsque la lune se leva, je me rendis a la Favorite : un amas de ruines, de ruines en poussière, et quelques corniches et architraves m'indiquaient la place de ce château que j'avais vu si brillant pour Artois et Frédéric-Guillaume, de ce château, l'orgueil de la cour et le jardin du public ! Je rentrai, comme au sortir d'un sermon sur l'Ecclésiaste. Durant ces quatre jours, je n'ai pas rencontré un homme qui fut gai[28].

Et pourtant, le désastre n'était pas aussi grand qu'on le pensait. A la vue des énormes colonnes de fumée et de flammes qui s'élevaient au-dessus de la ville, les alliés s'imaginaient que tout Mayence brûlait et que la quantité de morts et de blessés serait infinie. Mais, comme toujours, l'incendie causa moins de ravages qu'on ne l'aurait cru, et les victimes ne furent qu'en petit nombre. Un bombardement, raconte Decaen, est une chose effrayante ; pendant les premiers jours surtout, il imprime une terreur inouïe ; néanmoins, on se familiarise en quelque sorte avec lui, et l'effroi dont on est d'abord consterné, ne tarde pas à se dissiper. Comme à Lille, les habitants s'accoutumèrent bientôt au feu roulant des canons et des mortiers ; ils voyaient venir les bombes, et plusieurs, dans leur témérité, les poussaient du pied ou de la main hors des maisons. Ils reconnaissaient les boulets rouges, où, comme on disait, les globes incendiaires, les couvraient de toile mouillée, puis les jetaient dans la rue. Dès que tombait un projectile, des hommes, des femmes mêmes se hâtaient vaillamment de le ramasser, non sans rire ni plaisanter ; dès qu'éclatait le feu, tous les gens du quartier accouraient pour l'éteindre. On se blasait sur le danger. Les assiégeants, eux aussi, ne redoutaient plus ces canonnades dont la terre tremblait. Les femmes qui portaient le dîner à leurs maris dans les tranchées, dédaignaient de prendre le chemin de communication et, pour ne pas faire un détour, s'engageaient à travers champs, sans crainte du péril, et, dit-ou, sans le moindre accident[29].

 

 

 



[1] Journal du siège.

[2] Journal du siège ; Beaupuy ; Gœthe, 248-249 ; Minutoli, Remin., 264-268 ; Moniteur, 14 et 27 juillet. Les Prussiens furent renvoyés le lendemain, chacun avec une miche de pain blanc. On les rendait presque toujours ; toute réflexion faite, leur disaient les soldats français, nous n'avons pas besoin de pensionnaires. (Moniteur, 9 mai 1793.)

[3] Cf. sur von den Lahr, Strantz, 237, qui le qualifie de génial im Fache der Minen.

[4] Gaudy, 156-164.

[5] D'Oyré, Mém., 10 ; Vérine ; Decaen ; Mém. du général X***, Gœthe, 246-247 ; Bleibtreu, 165 ; Darst., 949 ; Belag., 220 ; Laukhard, III, 378 ; Czettritz, 175 ; Gaudy, 271 ; Keim, Gesch. des vierten grosskerzogl. hess. Inf. reg. (Prinz Karl, n° 118), 1879, p. 22.

[6] Gaudy, 273 ; Duncker, 279 : Darst., 949 ; Belag., 221 ; Beaupuy.

[7] Gaudy, 276 ; Dohna, II, 345 et III, 69-70 ; Bleibtreu, 166-168 ; Czettritz, 177 et 259.

[8] Gaudin ; Decaen ; d'Oyré, 11 ; Journal du siège ; Moniteur, des 9 et 11 juillet 1793 ; Czettritz, 180 ; Schaab, 362.

[9] 14, 15, 16 avril ; ce dernier jour, dit Rougemaître, fut le tombeau de Weisenau ; cf. Darst., 913-915 ; Duncker, 240-242 ; Gaudin ; Journal du siège.

[10] (Gaudin). Ce Lefaivre avait servi douze ans sous la monarchie puis s'était retiré à Chaux-les-Port, dans la Haute-Saône, où il cultivait ses champs. Il avait commandé la garde nationale de sa commune, lorsqu'en 1792 l'appela le danger de la patrie. Il abandonna sa femme et quatre enfants en bas-âge pour s'inscrire dans le 2e bataillon de la Haute-Saône. Il eut un cheval tué sous lui à l'attaque de Spire. On le retrouve en Vendée adjudant-général et chef de brigade. Une chute de cheval le força de se rendre aux eaux de Bourbon Dénoncé par un commissaire des guerres et emprisonné, il se justifia. Sigisbert Hugo, entre autres témoins, attesta qu'il n'avait reçu de Lefaivre que des ordres dictés par l'amour de la patrie (Lefaivre à la Convention, 27 brum. an III). Qu'ai-je fait, disait Lefaivre, pour être incarcéré ? Est-ce pour avoir défendu vigoureusement le poste d Weisenau ? Est-ce pour avoir été chargé, au moins vingt fois, d'aller forcer les redoutes de l'ennemi, enlever ses pièces de canon, détruira ses travaux, ensuite revenir à mon poste ?

[11] Czettritz, 179.

[12] Journal du siège ; d'Oyré, 11 ; Vérine ; Gaudy, 273 ; Bleibtreu, 170 ; Duncker, 279 ; Czettritz, 179-180 ; Darst., 991 ; Belag., 227 ; Schaab, 368 ; Dohna, II, 337-340. Le brave Seguin fut fait capitaine le 30 juin.

[13] Vérine, Decaen, Journal du siège, Rougemaître.

[14] Gaudy, 151 ; Dohna, III, 71 ; Schaab, 365 ; Gaudin ; Rougemaître.

[15] Il devait cette mission à son cousin, l'aide-de-camp du roi, mais il n'était nullement propre à l'exécuter avec succès (Gaudy, 277).

[16] Journal du siège ; Rapport de d'Oyré, 10 juillet (papiers de Merlin) ; Gaudin ; Rougemaître ; Darst., 1000 ; Belag., 235 ; Dohna, III, 71 ; Gaudy, 277 ; Czettritz, 242, Mainz nach der Wiedereinnahme, 76. Les échelles que l'ennemi avait laissées, dit d'Oyré, annonçaient le projet d'insulter le camp retranché et même un des forts. En réalité, le général Manstein avait fait prendre des échelles à ses troupes parce qu'il croyait que le principal ouvrage de la redoute de Zahlbach était fermé à la gorge par un fossé profond.

[17] Vérine ; Decaen ; Gaudy, 278-279 ; Dohna, III, 74-75 ; Bleibtreu, 173 ; Czettritz, 243 ; Darst., 1001.

[18] Gaudy, 282.

[19] Journal du siège.

[20] Vérine ; Duncker (Saint-Cyr, I, 289-291) — Minutoli, Remin., 241-242 ; Révolutions-Almanach von 1794, 284-285 ; Bleibtreu, 178 ; Dohna, III, 97-98 ; Preuss. Augenzeuge, 251 ; Bailleu, Prinz Louis-Ferdinand, 1885, p. 32. Déjà, le 19 mai, le prince, qui était avec les flanqueurs, n'avait dû son salut qu'à la résistance d'un lieutenant de cuirassiers de Weimar, qui se défendit assez longtemps pour lui donner le temps de se retirer (Journal du siège).

[21] Dohna, III, 97.

[22] Decaen.

[23] Le 19 juin, Schaal avait passé une revue, et déduction faite des travailleurs, de l'artillerie et du génie, des infirmiers, etc., il avait trouvé que la force active de la garnison comprenait 13,300 hommes, dont 7.000 étaient à Kastel et dans les iles de Saint-Pierre et de Saint-Jean (Journal du siège).

[24] Un Allemand a fait le tableau du château électoral devenu hôpital français. Aux fenêtres de la façade étaient suspendus des vêtements et du linge ; sur les balcons, où les gras et gais chanoines venaient respirer l'air pur, apparaissaient de pâles convalescents, enveloppés de bandages et de manteaux ; la boue couvrait les parquets lambrissés des magnifiques salles de gala. Mais l'hôpital était merveilleusement tenu. La propreté y régnait. L'air y circulait par des ventilateurs adaptés aux fenêtres. On y voyait quatre rangées de lits dans les salles, et, à côté de chaque lit, un pupitre où le malade serrait ses affaires, lisait, écrivait. Les nouveaux noms des salles contrastaient singulièrement avec les anciens : salle des fiévreux, salle de la nation, de l'égalité, du civisme, du patriotisme. On faisait les opérations dans la salle à manger de l'Electeur, et plusieurs Français les subirent avec un sang-froid stoïque. Un Provençal dut se laisser amputer le bras : Que diable faites-vous là, s'écriait-il ; en Provence, on f... un emplâtre dessus, et tout est dit. Mainzer nach der Wiedereinnahme, 59-61.

[25] Journal du siège ; Darst., 900-1011 ; Belag., 228-243 ; Gœthe, 253-256 ; Bleibtreu, 168 — 170 ; Czettritz, 182, 247, 248 ; Nollet, Jordy, 11.

[26] Mainz im dem Genusse der Freiheit est le titre d'un pamphlet de l'époque.

[27] Strantz, 237 ; Gaudy, 286 ; Frielenspräliminarien, III, 406-407 ; Gœthe, 252 ; Manso, 267 ; Bockenheimer, Die Belag., von 1793, 47 (lettre de Bibra).

[28] Gœthe, 263 ; Jean de Müller, Sämmtl. Werke, XXXI, 78-79 ; cf. Preuss. Augenzeuge, 436 et 439 ; Jammerreise nach Mainz im Augustmonat, 1795, p. 22-23 (petit écrit sec et insignifiant, qui renferme la liste des édifices brûlés et à demi-brûlés).

[29] Manso, I, 267 ; Dohna, III, 96 ; Gœthe, 267 ; Mainz nach der Wiedereinnahme, 35-37 ; Decaen ; Rougemaître ; Preuss. Augenzeuge, 436-438 (il n'y eut pas plus de vingt bourgeois tués ou blessés) ; Darst., 997-1000 ; Belag., 229 ; Politisches Journal, 1793, II, 791 ; Klein, 569 (l'administration générale avait engagé soixante hommes chargés spécialement d'éteindre les incendies) ; Gaudy, 276.