LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

MAYENCE

SECONDE PARTIE. — LE SIÈGE

 

CHAPITRE PREMIER. — D'OYRÉ.

 

 

I. La politique prussienne. Amour et plaisirs. Préparatifs du siège. Kalkreuth et Schönfeld. Emplacements des différents corps. — II. D'Oyré. Meusnier. Dubayet. Les membres du Conseil de guerre. Reubell et Merlin. Les futurs généraux. La garnison. Les approvisionnements. La place. Les ouvrages avancés[1].

 

I. On a blâmé les Prussiens qui, dès les premières semaines de décembre 1792, observaient Kastel, de n'avoir commencé le blocus de Mayence qu'au mois d'avril et le véritable siège qu'au mois de juin. Mais Frédéric-Guillaume et ses ministres n'étaient pas pressés. Il leur importait peu d'écraser la Révolution. Ils désiraient, avant tout, un arrondissement en Pologne et, comme l'Autriche s'opposait jalousement à cette acquisition, ils ne secondaient leur alliée qu'avec mollesse. Le roi de Prusse pouvait, après avoir rejeté Custine sur Landau, s'unir à Wurmser et pénétrer en Alsace. Il se contenta de former un cordon d'observation de Kreuznach à Deux-Ponts et d'investir Mayence doucement, posément, sans se hâter, sans se soucier des plaintes de Thugut et de Wurmser, sans écouter les récriminations des émigrés qui parlaient amèrement d'un nouveau siège de Troie. Quand les affaires de la Pologne seraient définitivement réglées, il mettrait plus de vigueur dans ses opérations ; en attendant, sa gloire était suffisamment flattée de disputer et d'enlever à force de temps Mayence aux républicains[2].

Aussi le camp prussien était-il comme un camp de plaisance. Les généraux et les états-majors s'installaient tranquillement et à leur aise, les uns dans des maisons, les autres sous des tentes à la fois commodes et pittoresques, pourvues de toutes choses, artistement ornées de branches de sapin, entourées de petits jardins et de bosquets. Ils jouissaient des frais ombrages et du piquant contraste qu'offraient, parmi des scènes de destruction et de mort, les beaux jours de l'été. Ils se rendaient fréquemment à Darmstadt où le landgrave célébrait par des fêtes magnifiques les fiançailles de la princesse Louise de Mecklenbourg avec le prince royal de Prusse, et la future reine venait un jour visiter le camp avec sa sœur : célestes apparitions, s'écriait Gœthe, au milieu du tumulte de la guerre ![3]

Le roi lui-même songeait moins aux combats qu'aux plaisirs, et ne partageait plus, comme en Champagne, les fatigues de son armée. Depuis qu'il avait vu la fille d'un banquier francfortois, Mademoiselle Bethmann, il ne rêvait et ne parlait plus que d'elle ; il l'aimait, dit Dampmartin, jusqu'à l'idolâtrie et lui proposait le mariage. La jeune personne hésitait ; elle craignait l'inconstance de Frédéric-Guillaume ; mais, ajoute Dampmartin, ses rigueurs parurent adoucies par tant de prévenances et de soins que près de cette intéressante, mais sévère beauté, le roi goûta quelques instants de bonheur[4].

D'ailleurs, un siège ne s'improvise pas, et à cette époque où la guerre se faisait avec tant de lenteur et de circonspection, une semblable entreprise ne s'exécutait pas sans tâtonnements ni retards infinis. Les Prussiens n'avaient pas encore, au mois d'avril, de grosse artillerie, et dans les commencements du blocus, on leur criait des avant-postes français : Sots que vous êtes, beaucoup de retranchements et peu de canons ![5] Ils durent faire venir à grands frais des bouches à feu de Francfort, de Berlin, de Magdebourg, de Wesel, obtenir de l'évêque de Würzbourg ses douze pièces de 24, véritables colosses qu'on nomma les douze apôtres[6], négocier avec les Provinces-Unies la location de quelques chaloupes canonnières, et l'on vit un train de siège autrichien passer aux environs de Mayence et prendre le chemin de la Belgique, tandis que Frédéric-Guillaume demandait aux États-Généraux de l'artillerie, comme si l'on ne pouvait battre Mayence par le canon impérial et les forteresses de Flandre par du canon hollandais[7] ! Ils durent couper des bois entiers pour faire des chevaux de frise et construire leurs redoutes et ouvrages de contrevallation[8]. Ils durent appeler de tous côtés des ingénieurs et des officiers des armes spéciales, préparer jour et nuit à Hanau les munitions nécessaires, fondre les boulets, les bombes, les grenades dans un laboratoire à Flörsheim[9]. Ils durent, pour faciliter les communications, jeter un pont sur le Mein à Rüsselheim et sur le Rhin un autre pont, de 76 pontons, qui relia Laubenheim à Ginsheim par l'île des Nonnes ou Nonnenau. Ils durent enfin déterminer le nombre des troupes d'investissement. L'armée de 33.000 hommes qu'il fallait mettre devant Mayence, d'après la convention de Francfort, était-elle assez considérable pour défier 23.000 Français et pour cerner une place de cette étendue ? Il était indispensable de la renforcer de 10.000 hommes. Mais le prince de Cobourg qui s'engageait à fournir 15.000 Impériaux, n'en put détacher que 5.000. On voulut recourir à Wurmser ; il répondit qu'il n'aurait plus assez de monde pour tenir la campagne. Après avoir perdu plusieurs semaines, on prit quelques milliers d'hommes au corps autrichien du Brisgau. Les landgraves de Hesse-Cassel et de Hesse-Darmstadt, l'Électeur de Saxe, l'Électeur palatin donnèrent le reste. Ce dernier ne rompit sa chère neutralité qu'avec peine et sur les menaces de l'Autriche. Mais le 22 avril, la diète de Ratisbonne avait interdit à tous les membres de l'Empire la neutralité envers la France[10]. Encore les Palatins et Bavarois, dit un témoin oculaire, regardaient-ils comme une sottise de se faire tuer, et désertaient sagement ; c'a été la fièvre habituelle de toutes les troupes d'Empire accoutumées aux parades d'église et non aux exercices de l'héroïsme ; quinze à vingt hommes s'échappèrent en une seule fois de leur compagnie[11].

A ces causes de retards se joignaient les dissentiments entre les deux généraux qui dirigeaient les opérations du siège : Schönfeld, sur la rive droite, et Kalkreuth, sur la rive gauche du Rhin. Ennemis personnels, ils agirent isolément et sans jamais se concerter. Les troupes épousèrent la querelle de leurs chefs, et quoique Schönfeld fût le subordonné de Kalkreuth, les deux armées ne se soutenaient dans aucune occasion et se plaignaient sans cesse l'une de l'autre. Schönfeld avait commandé les insurgés brabançons et joué dans la révolution belge un rôle équivoque. Les officiers autrichiens ne servirent sous ses ordres qu'avec répugnance. L'entourage de Kalkreuth prétendit un jour qu'il avait passé du côté des Français ; la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre ; les soldats se crurent trahis et Schönfeld n'eut d'autre ressource que de se montrer dans le camp ; il se mit en selle et se promena silencieusement à travers les tentes[12].

L'investissement de Mayence s'acheva le il avril. Les 24.000 hommes dont Kalkreuth avait le commandement[13], s'établirent sur la rive gauche : les Prussiens et le contingent de Hesse-Darmstadt entre Marienborn et Finthen ; les Palatins, à Bodenheim et à Mombach ; les Impériaux, à Laubenheim et à Hechtsheim. Le quartier-général était au presbytère de Marienborn. Le jeune prince Louis-Ferdinand qui se signalait par sa folle bravoure et que ses contemporains nommaient le futur Condé de la monarchie prussienne, occupait dans le même village la maison de la Chaussée.

Mais, dès le début, Kalkreuth avait commis une faute grave. Il aurait dû s'avancer à l'extrémité de son aile droite et, avec un peu de hardiesse, se rendre maître du bourg de Weisenau qui s'étendait sur les bords du Rhin jusqu'à huit cents pas de la forteresse. Il pouvait ainsi masquer ses mouvements, assaillir la gauche du fort Saint-Charles, diriger contre le corps de place des attaques combinées par terre et par eau. Dès qu'il possédait Weisenau, il possédait les îles de l'embouchure du Mein ; du haut de Weisenau, son artillerie balayait à la fois Kostheim, sur la rive droite du Rhin, et le pont de bateaux, qui reliait Mayence à Kastel[14].

Les douze mille hommes de Schönfeld étaient de l'autre côté du fleuve : les Prussiens, à droite de la chaussée de Mayence, à 3.000 pas de Kastel ; le contingent saxon, au Hasenbach ; les soldats de Hesse-Cassel, entre la tour d'Erbenheim et le ruisseau de Salzbach ; un détachement de chasseurs prussiens, à Biebrich ; des chevau-légers de Hesse-Darmstadt, à Mosbach. Trois redoutes s'élevaient entre Mosbach et Biebrich. Neuf batteries, rangées en demi-cercle sur les hauteurs de Hochheim, menaçaient Kastel. Un simple poste occupait Kostheim, entre Kastel et Hochheim, à 2.000 pas de Kastel et à 4.500 pas de Hochheim. Ce village de Kostheim devait être, pendant le siège, le théâtre d'engagements meurtriers, et les alliés auraient bien fait de s'y installer solidement. Mais, dit un officier, on se contenta toujours de demi-mesures pour le défendre[15].

Un détachement de cinq bataillons commandé par le colonel Ruchel, devait s'établir à la fin du mois d'avril sur la pointe entre Rhin et Mein, dans la Gustavsbourg ou fort Gustave construit par le roi de Suède, en 1633. Mais les Prussiens eurent, comme les Français, le tort impardonnable[16] de ne pas se loger dans les îles ou Auen du confluent. Ces îles étaient au nombre de trois : 1° l'ile Kopf ou des Trois-Meuniers — Drei Müller Wärtchen — que les Prussiens appelèrent l'île Speck, et les Français, l'île du Rhin ou île Meusnier ; 2° la Bürgerau que les Français baptisèrent île Carmagnole ou île du Mein ; 3° la Bleiau que les Français nommèrent île Longue, parce qu'elle a au moins 500 toises de longueur.

 

II. Dès le 25 mars, trois jours avant Bingen, Custine avait distribué les principaux commandements. D'Oyré, à qui cette fonction était depuis longtemps dévolue, dirigerait la défense, et serait le maître de l'organisation de Mayence et de Kastel ; aussi prit-il le titre de général en chef. Meusnier commandait à Kastel et devait se concerter avec d'Oyré. Aubert-Dubayet, ou comme on le nomme plus brièvement, Dubayet, était commandant des troupes de la garnison, tant de Mayence que de Kastel.

 

D'Oyré avait alors cinquante-quatre ans. C'était un homme de haute taille et de belle figure, au regard doux, à la physionomie bienveillante, aux manières naturelles et franches. Il avait de l'esprit et un savoir étendu ; il maniait facilement le sarcasme et saisissait les ridicules avec sagacité[17] ; il lisait l'anglais et s'entretenait volontiers avec Forster. Il est libéral, dit ce dernier, et l'aristocrate perce chez lui : il croit que la foule n'est pas mûre pour l'exercice de ses droits ; que les passions de ceux qui parlent au nom du peuple, sont le ressort des événements ; bref, qu'on a simplement changé de maître. Mais si d'Oyré ne se piquait pas de jacobinisme, il était, rapporte un de ses lieutenants, entièrement dévoué à la chose publique et au succès des armes de sa patrie. Il avait fait la guerre en Amérique sous les ordres de Rochambeau qui le tenait pour un officier du plus brillant mérite. Il était colonel du génie et directeur des fortifications à Metz, lorsque Kellermann le nomma provisoirement maréchal de camp. Custine le demanda comme chef du génie : la réputation de d'Oyré, assurait-il, était faite et ses grandes connaissances seraient très utiles pour la conservation des conquêtes de la République. D'Oyré partit pour Mayence. On a prétendu qu'une blessure dont il était imparfaitement guéri, l'empêchait de monter à cheval et par conséquent de tout voir de ses yeux. Mais il connaissait la place, il se rendit quelquefois de sa personne sur les points essentiels[18], et, disait Beaupuy, s'il a une jambe malade et ne peut marcher, sa tête est bonne, et c'est l'homme qu'il faut pour défendre une ville comme Mayence. Il se défiait justement de sa garnison qu'il savait indisciplinée, hésitante, et brave par accès ; aussi aimait-il mieux s'établir et se fortifier dans de sûres positions que d'étendre son action trop au loin. Non qu'il voulût s'enfermer dans l'enceinte de Mayence. Il sentait la nécessité de tenir les assiégeants à distance. Il fit construire des flèches et des redoutes en avant de la place pour retarder autant que possible le bombardement. Il ordonna des sorties qui habitueraient le soldat à voir ses adversaires en face et lui donneraient une bonne opinion de lui-même ; elles sont, disait-il, les moyens les plus certains de prolonger la défense et de rebuter l'ennemi. Mais il désirait qu'elles fussent profitables, qu'elles eussent un but précis et déterminé ; les troupes qui les entreprenaient, ne devaient pas s'aventurer ni demeurer longtemps en rase campagne ; elles se formeraient en colonnes de deux à trois mille hommes et ne feraient que de grands coups de main en l'espace de trois heures au plus[19].

Le second de d'Oyré, le général Jean-Baptiste Meusnier, alors âgé de trente-neuf ans, plus impétueux, plus fait pour les actions hardies, voulait au contraire disputer le terrain aux assiégeants le plus loin possible et opérer sans cesse de périlleuses sorties. Mathématicien profond, membre de l'Académie des Sciences à l'âge où d'autres sont encore sur les bancs, il était un des ingénieurs les plus distingués de l'armée. Dès l'école de Mézières, de Caux le jugeait excellent sujet, grand théoricien et propre à tout. Il avait inséré dans les Mémoires de l'Académie des travaux sur la courbure des surfaces, sur la décomposition de l'eau[20], et il projetait la construction d'un aérostat que l'homme dirigerait à l'aide des courants de l'atmosphère et de rames en forme d'hélice. Il avait fortifié Cherbourg et obtenu les éloges du due d'Harcourt et de Rochambeau. Jacobin exalté, grand ami de Pache qu'il connut à la Société populaire de la section du Luxembourg, et, après la démission de Servan, un des personnages les plus considérables dans les bureaux de la guerre, il avait rédigé les réponses du ministre aux généraux et ce fut lui sans doute qui proposa et soutint le grand plan d'offensive, la marche de toutes les troupes vers le Rhin. Beurnonville l'envoya à l'armée de Custine ; Meusnier, disait-il, avait tout le patriotisme et l'intelligence pour être un bon chef d'état-major. Custine préféra le mettre à Kastel et, en abandonnant Mayence, il lui mandait qu'il comptait sur son génie inventif[21].

Meusnier avait plus de talents et plus d'audace que personne à Mayence. Nul mieux que lui ne se raidissait contre les difficultés, et il possédait toute l'énergie, toute l'obstination nécessaire à l'homme qui gouverne une place et qui s'est juré de faire une longue et vaillante défense. Mais il n'avait pas encore l'habitude de manier les troupes et ne connaissait pas suffisamment le soldat. Il s'illusionnait sur les forces qu'il commandait et ne les voyait pas telles qu'elles étaient réellement, ne voyait pas qu'il leur manquait non le courage, mais l'organisation, l'obéissance, la discipline. Il combinait savamment ses opérations, les réglait avec la même précision que s'il eût réglé une machine. Il ne songeait pas que la machine dont il disposait avait ses défauts et ses imperfections. Lorsqu'il prévoit une forte résistance, dit un officier, il augmente la longueur de ses leviers : malheureusement ce sont des hommes et des assiégés qu'on ne peut remplacer ; il calcule bien l'effet qu'il doit produire sur les Prussiens, mais il ne peut classer dans ses calculs les effets du frottement et de la réaction qui agit sur sa propre mécanique. Téméraire et résolu de vaincre à tout prix, il ne tenait aucun compte des obstacles et ménageait la vie de ses soldats aussi peu que la sienne. Il proposait de passer sur la rive gauche du Mein, d'entrer dans le pays de Darmstadt, de détruire le pont d'Oppenheim, de brûler les magasins des ennemis, puis de regagner Mayence. Le plan était beau, mais d'Oyré objecta judicieusement qu'il était trop vaste et qu'il exigeait au moins 40.000 hommes : des forces aussi considérables pouvaient-elles s'engager à pareille distance, au risque d'être coupées dans leur retraite ? Meusnier prétendait qu'il jetterait un pont en deux ou trois heures à l'embouchure du Mein. Ignorait-il, disait d'Oyré, que le Main avait à son embouchure une largeur de cent cinquante toises[22] ?

Probe d'ailleurs, intègre, plein de sensibilité, un peu distrait, comme tous les penseurs, et absorbé par les projets qu'il roulait sans cesse dans sa tête inquiète, il serait admirable à tous égards s'il avait eu plus de modération et de modestie. Mais une ambition ardente, démesurée, dévorait Meusnier. Il voulait dominer partout, avoir partout la première place qu'il croyait due à son mérite éminent et qu'il avait prise à l'Ecole de Mézières, à Cherbourg, dans le corps des ingénieurs, au ministère de la guerre, et dans le monde des savants. Il avait désiré le commandement supérieur de Mayence et il insinuait que d'Oyré ne possédait pas la vigueur physique que demandait une pareille tâche[23]. Il fit au général en chef une opposition déclarée. A l'entendre, il ne dépendait de personne. Mayence, d'Oyré, le Conseil de guerre ne devaient pas le gêner devis sa conduite ; il était seul maître de ses desseins, et à Kastel et sur la rive droite du Rhin il n'exécuterait que ses résolutions personnelles. Reubell et Merlin appuyèrent Meusnier qui les fréquentait assidûment et qui mêlait dans sa conversation à de grandes vues militaires les assurances du républicanisme le plus fervent. Durant tout le siège, d'Oyré ne connut jamais les intentions de son lieutenant qu'après leur accomplissement. Fort de la protection des commissaires, Meusnier allait de l'avant et s'affranchissait de toute entrave. Il avait, dit un officier, secoué entièrement le joug et désobéissait ouvertement aux ordres qu'il recevait de Mayence. Il avait organisé des moyens d'insubordination à Kastel ; là il prêchait au milieu de ses disciples le maratisme le plus dégoûtant, et lorsqu'il fut tué, les commissaires étaient au moment de lui donner le commandement en chef, après avoir destitué d'Oyré. Une fois, au lendemain d'un échec, il proféra de violentes menaces contre d'Oyré et son entourage qu'il nommait ironiquement la cour de Mayence : Cette cour, s'écriait-il dans un transport de colère, cette cour de Mayence travaille mes troupes et fait avorter mes projets ! Mais qu'ils y prennent garde : je passerai le Rhin, je me rendrai à la parade et je les exterminerai ; les patriotes ont la majorité et je me mettrai à leur tête ![24]

 

Annibal Aubert-Dubayet, qui devint plus tard général de l'armée des côtes de Cherbourg, ministre de la guerre et ambassadeur à Constantinople, avait représenté le département de l'Isère à la Législative. Thuriot le blâmait d'avoir montré une opinion peu prononcée. Mais Dubayet présida l'Assemblée et y fit quelques discours remarquables. Il s'éleva contre les émigrés et tous ceux qui, démissionnaires ou déserteurs, allaient au rendez-vous de l'orgueil et tournaient leurs armes contre la patrie ; il proposa d'embrigader les gardes nationales avec les troupes de ligne ; il trouva des termes émus pour louer la classe la plus précieuse des officiers, les capitaines et les lieutenants qui doivent être les véritables compagnons du soldat, partager ses fatigues et ses dangers, le guider, le mener à la victoire en animant son courage à chaque instant. On lui reprochait néanmoins un peu d'emphase. Si les boulets de canon, écrivait-il à Kléber, étaient des boules de neige, si les bivouacs d'hiver étaient des bals parés où l'ambre des parfums exquis répand dans une atmosphère échauffée par le souffle de cent beautés une délicieuse chaleur, je te demande quel mérite y aurait-il à faire la guerre ? Dubayet, naguère lieutenant-colonel du 82e régiment, ci-devant Saintonge, commandait à Worms comme chef de brigade lorsqu'il reçut l'ordre de se rendre à Mayence. Custine le nommait un officier nerveux et annonçait à d'Oyré que, par sa fermeté, par son activité, il aurait bientôt mis les choses sur un bon pied. Il était né à la Louisiane et respirait, suivant le mot de Beaupuy, toute l'ardeur du soleil de son pays natal. Je suis né, disait-il pendant le siège, sur le Mississipi, un des plus beaux fleuves de l'Amérique, et je mourrai ici, sur un des plus beaux fleuves de l'Europe. Sa conduite fut admirable. Il déployait autant de vigilance que de bravoure : il était à tous les incendies et encourageait, stimulait la troupe qui travaillait à les éteindre. Ses excellentes qualités d'esprit et de cœur, rapporte un contemporain, lui valurent l'estime et l'affection des Mayençais. Mais le valeureux, entreprenant et chevaleresque Dubayet, le brave Annibal, comme l'appelaient ses amis, était en même temps homme du monde : il voulait faire son chemin, il voulait réussir, et, affable envers tous, il ne pouvait, assure un officier, rien dire de désobligeant à ceux mêmes qu'il méprisait[25].

En d'autres temps, et si les commissaires de la Convention ne s'étaient pas trouvés dans la place, d'Oyré eût peut-être exercé le commandement sous sa propre responsabilité. Mais il désirait ne laisser aucun doute sur la pureté de ses intentions. Dès les premiers jours, il déclara que sa conduite serait franche et loyale, que les principaux officiers devaient savoir tout ce qui se passait et discuter avec lui les moyens de défense, et que, d'ailleurs, dans ses difficiles fonctions, il lui serait très utile de s'éclairer des lumières d'autrui et de prendre l'avis des hommes expérimentés et instruits[26].

Le Conseil de guerre, présidé par d'Oyré, comptait tous les généraux et les chefs de corps. C'étaient, outre d'Oyré, Meusnier, Dubayet et de Blou[27] ; l'adjudant-général Chadelas, chef de l'état-major[28] ; Chevalier, chef de brigade du 57e régiment d'infanterie[29] ; Dazincourt, chef de brigade du 44e régiment de cavalerie[30] ; Le Dieudeville, commandant de l'artillerie[31], et Douay, chef de bataillon, directeur de l'arsenal[32] ; Galle, capitaine des mineurs[33] ; Gaudin, chef du génie[34] ; Gillot, directeur du parc[35] ; Schaal, chef de brigade et commandant temporaire de Kastel[36] ; Schleginski, chef de brigade du 76 régiment de chasseurs à cheval[37] ; Vimeux, chef de brigade du 32e régiment d'infanterie, vieux et modeste soldat qui devint plus tard, à son corps défendant, général en chef de l'armée de l'Ouest, et qui reçut, le 28 juin, après la mort de Blou, le commandement particulier de Mayence[38] ; le commissaire-ordonnateur Blanchard[39] ; le commissaire des guerres Brunck[40].

Les commissaires de la Convention, Reubell et Merlin de Thionville, et ceux du pouvoir exécutif, Simon et Meyenfeld, rejetés dans la ville après l'échec de Guntersblum, assistaient aux séances du Conseil. Simon surveilla la fabrication de la monnaie de siège[41]. Reubell et Merlin, toujours d'accord, et comme disait Reubell, deux bons bougres de montagnards qui ne voulaient que le salut de la République, s'étaient réservé, le premier, les détails de l'administration civile[42], le second, les mouvements militaires. Ils avaient une autorité considérable, et, selon le mot de d'Oyré, une influence d'autant plus embarrassante que les limites de leur pouvoir n'étaient pas tracées. Aussi pesèrent-ils sur les résolutions du Conseil. Ils soutinrent Meusnier contre d'Oyré et firent prévaloir un système d'opérations téméraires plutôt que d'admettre une méthode de guerre moins brillante mais plus solide, qui eût ménagé la garnison et prolongé la résistance. Ils déterminèrent la belle sortie de Marienborn ; mais ils imposèrent la malheureuse expédition de Mosbach, et ce furent eux qui précipitèrent la reddition de la place. Un officier assure qu'au lieu de laisser à d'Oyré sa responsabilité, ils l'ont contrarié sans cesse et que le général en chef ne put, dès le commencement du blocus, adopter un plan et le suivre avec vigueur, qu'il dut aller au jour le jour et se livrer au hasard, que, sans la présence des commissaires et leur fâcheuse intervention, il aurait défendu la ville un mois encore[43].

Mais si Reubell et Merlin ont exercé parfois une action pernicieuse, s'ils ont suscité des difficultés et soufflé la rivalité entre les généraux, s'ils ont hâté la capitulation, ils représentèrent dignement l'assemblée qui les avait envoyés à l'armée du Rhin. Merlin, fils de la belliqueuse Thionville et enfant de la Fensch, fut un des héros du siège. Il avait alors trente et un ans. Petit, mais robuste, svelte, agile, toujours remuant, il était noir comme un nègre, et ses cheveux longs et bouclés qui tombaient en désordre sur ses épaules, sa forte moustache, ses favoris épais, ses lèvres retroussées, ses yeux étincelants et inquiets, sa figure marquée de petite vérole, lui donnaient un aspect sauvage. Les officiers allemands jugèrent qu'avec beaucoup de faconde et d'intelligence, il trahissait par son allure et ses manières le bourgeois parvenu. Mais l'intrépidité de ce roturier les étonna. Revêtu du costume de simple canonnier, ceint d'une écharpe aux franges d'argent, coiffé d'un chapeau sans galon, Merlin se rendait fréquemment aux avant-postes et bravait le danger avec le même sang-froid et la même insouciance qu'un vieux soldat. Il portait un grand sabre au fourreau de cuivre jaune ; mais s'il dégainait quelquefois lorsqu'il accompagnait Kléber dans une reconnaissance, il avouait ses préférences pour le canon, et on le vit tantôt au fort de la République pointer une pièce de douze[44] et, comme dit Beaupuy, animer tout par sa présence et commander un feu d'enfer, tantôt diriger l'artillerie volante qui protégeait l'attaque ou la retraite de la légion des Francs. Aussi les Allemands l'avaient-ils surnommé le Feuerteufel ou le diable de feu. Il n'a pas quitté les batteries, lit-on dans le journal du siège, et il a constamment saisi toutes les occasions de donner des preuves de son extrême activité et de sa brillante valeur. Son exemple, rapporte Decaen, influa beaucoup sur les soldats et les officiers qui rivalisaient entre eux d'ardeur et de courage pour se distinguer et mériter ses éloges[45].

Tels étaient les membres du Conseil de guerre au commencement du siège. Mais lorsque la tranchée fut ouverte, les commandants particuliers des forts et des postes avancés assistèrent aux séances, et il y avait parmi eux, ainsi que dans la garnison, des hommes de tête et d'exécution, avides de se signaler et destinés à s'illustrer plus tard sur les champs de bataille de la Révolution et de l'Empire. On ne cite que les futurs généraux.

Kléber commandait le camp retranché.

Michel Beaupuy, tout récemment capitaine au 32e régiment, ci-devant Bassigny, nommé par Custine colonel du 4e régiment de grenadiers, Beaupuy, l'ami de Words-worth, l'enthousiaste officier qui, selon le mot du poète anglais, s'aventurait dans la Révolution avec une foi parfaite comme à travers un roman de chevalerie, Beaupuy combattait à Kastel aux côtés de Meusnier et devait recevoir le 11 juin, à la demande de Dubayet, le commandement en second de tous les postes de la rive droite du Rhin[46].

Beurmann, le cadet, qui n'avait pas seize ans, était sous-lieutenant au 62e régiment, ci-devant Salm-Salm[47].

Boisgérard était capitaine du génie[48].

Buquet, sergent-major, puis quartier-maître au 4e bataillon des Vosges, avait pu échapper au désastre de Rhein-Dürkheim et se jeter dans Mayence en sauvant sur son cheval 1.700 francs qui se trouvaient dans sa caisse ; Kléber l'avait pris pour adjoint[49].

Damas remplissait près de Meusnier les fonctions d'adjudant-général[50].

Decaen, qui devait entrer le premier à Munich en 1800, et administrer avec tant d'éclat les îles de France et de Bourbon, Decaen, sergent-major au 4e bataillon du Calvados, servait, comme Buquet, d'aide-de-camp à Kléber[51].

Dedon[52] et Foucher de Careil[53] étaient capitaines d'artillerie.

Dumas, qui périt à Clisson, et que la Convention nomma général après sa mort, commandait le 3e bataillon des Vosges comme lieutenant-colonel en second[54].

Haxo, premier lieutenant-colonel du 3e bataillon des Vosges, avait reçu le commandement des réserves ; il se distingue, dit le Journal du siège, par ses talents et sa fermeté[55].

Humbert, qui dirigea l'inutile et glorieuse expédition d'Irlande, était lieutenant-colonel en second du 43e bataillon des Vosges[56].

Jordy, alors lieutenant-colonel du 10e bataillon de la Meurthe, Jordy qui fut balafré dans vingt rencontres et mérita le surnom de Rantzau de la République, commandait le fort de Mars[57].

La Riboisière était sous-directeur du parc d'artillerie[58].

Mainoni, ancien négociant de Strasbourg, ardent jacobin, un des plus violents révolutionnaires de l'Alsace, menait, comme lieutenant-colonel, le 6e bataillon des volontaires du Bas-Rhin[59].

Mignotte était, comme Buquet et Decaen, adjoint de Kléber[60].

Pajol, lieutenant au 82e régiment, ci-devant Saintonge, eut le bras cassé par un biscaïen à l'attaque du 10 avril contre les redoutes de Mosbach[61].

Sainte-Suzanne, un des meilleurs lieutenants de Moreau dans la campagne de 1796, et autrefois page de Madame, alors capitaine de grenadiers, avait pour mission de défendre le fort Saint-Philippe[62].

Travot, qui devait s'emparer de Charette, était lieutenant-colonel du 2e bataillon des volontaires du Jura. Il eut, vers la fin du siège, le commandement du fort Welche, et d'Oyré témoigne que ce jeune officier, qui s'était fait connaître par l'instruction et la discipline de son bataillon, se conduisit parfaitement dans ce poste périlleux[63].

Vidalot-Dusirat, capitaine des grenadiers du 31e régiment, allait recevoir, le 14 avril, le brevet provisoire de chef de bataillon, après avoir emporté, quatre jours auparavant, une redoute hessoise. Il a, dit d'Oyré, pris une part très active et très honorable à la défense. Placé aux endroits les plus dangereux, d'abord à Weisenau, puis à Kastel, il fut chargé, le 30 juin, de commander en second le camp retranché[64].

Mais les troupes ne valaient pas les chefs, et comme d'Oyré n'a cessé de le répéter, tout en rendant justice à la bravoure et à la constance des individus, il était dangereux de trop compter sur cette autre branche de la valeur qui dépend de l'ensemble, de la discipline des soldats, de l'expérience des officiers particuliers et de leur attachement à leurs devoirs[65].

La garnison comprenait 23.000 hommes de toutes armes : 4 régiments de grenadiers, 6 bataillons de ligne, 29 bataillons de volontaires, le 14, régiment de cavalerie, le 7e régiment de chasseurs à cheval et divers détachements. Les volontaires, tous de nouvelle levée, n'avaient acquis presque aucune instruction pendant l'hiver et, dit Schaal, ayant la plupart femmes et enfants et point le véhicule que donne une éducation tant soi peu soignée, ils se compromettaient le moins possible. Un témoin du siège assure que leur insubordination était sans exemple et qu'il les vit plus d'une fois nasarder leurs officiers[66]. Les grenadiers, formés de compagnies régulières et nationales, devaient montrer, comme à Hochheim et à Bingen, le plus mauvais vouloir et par moments une insigne lâcheté[67]. Les troupes de ligne, animées d'un meilleur esprit, comptaient un grand nombre de recrues et, avoue d'Oyré, se trouvaient à peu près au même point que les gardes nationales. Les détachements et les dépôts incorporés provisoirement dans les bataillons et les escadrons avaient besoin de temps pour prendre un peu de cohésion et d'ensemble. Les fuyards de Guntersblum étaient encore sous l'impression de leur défaite, et il fallait les encourager, leur donner la vigueur et l'énergie qui leur manquaient. L'artillerie n'avait pas cent canonniers dressés dans les écoles[68].

Les magasins regorgeaient de munitions et renfermaient 900 milliers de poudre. Les grains, les farines abondaient. Mais les viandes fraiches et salées, ainsi que les médicaments, allaient bientôt faire défaut. Les approvisionnements en fourrages n'étaient pas considérables, et l'on avait à peine de quoi nourrir pendant trois mois les 3.000 chevaux de la garnison. Le trésor avait eu l'ordre de s'arrêter à Landau, et la caisse militaire ne contenait que quinze cent mille livres, dont la moitié en assignats.

Mayence n'avait pas, d'ailleurs, la puissance que lui attribuait Custine. Sur la rive droite, malgré les efforts de Clémencet et de Gay de Vernon, les fortifications de Kastel, encore inachevées, n'étaient pas à l'abri d'une surprise. Le fort de Mars, situé dans l'île du vieux Mein, n'aurait pu tenir contre une attaque de vive force. Le fort de la République ne se composait que d'un simple retranchement établi sur une langue de terre.

Mais ce Kastel, qui n'était naguère qu'une tête de pont incapable de résistance, et qui, pendant l'hiver de 1792, avait surgi, pour ainsi dire, du sol, passait pour imprenable. On avait occupé, pour flanquer sa gauche, en aval du Rhin et à environ six cents toises du pont de bateaux, la Petersau ou île Saint-Pierre, qui s'allonge jusqu'en face du moulin de Biebrich. La possession de cette île était d'une extrême importance : une fois à Saint-Pierre, l'ennemi pouvait attaquer la gauche de Kastel, intercepter la communication entre les deux rives, détruire les moulins de l'arsenal et battre à revers, outre le pont de bateaux, une partie de l'enceinte de Mayence. On ne se borna pas à mettre des troupes dans l'ile Saint-Pierre ; on la coupa de quelques retranchements ; on releva de ses ruines une ancienne redoute qu'on garnit de batteries. Pareillement, et pour mieux empêcher les alliés de s'emparer de la Petersau, on occupa l'île d'Ingelheim ou de Saint-Jean.

Toutefois, on négligea de se loger à la pointe du Mein et dans la Gustavsbourg. D'Oyré craignit sans doute de s'étendre démesurément. Mais posséder la pointe du Mein et la Gustavsbourg, c'était compléter le système de défense et de toutes parts éloigner l'assiégeant. Maître de la Gustavsbourg, l'ennemi finit par obliger les Français à quitter les îles de l'embouchure du Mein ; il tint constamment en respect les forts de Mars et de la République ; il protégea l'aile droite de l'attaque dirigée contre Mayence, assura la prise de Weisenau, facilita l'installation des batteries sur la rive gauche du Rhin, interdit aux républicains de s'établir derrière les ruines de la Chartreuse et de la Favorite[69].

Quant à la place même, elle était dans le même état qu'au mois d'octobre 1792, lorsque l'armée française parut devant ses murs. L'enceinte intérieure, qui comprenait douze bastions et la citadelle, imposait à première vue par la hauteur et la bonne apparence des revêtements de l'escarpe et de la contrescarpe, ainsi que par les ressources de la défense souterraine. Mais la citadelle était trop petite, et les bâtiments qui l'encombraient devaient, dans un bombardement, écraser la garnison sous leurs débris. Tous les bastions, sauf deux, manquaient de capacité. Les remparts n'avaient pas la largeur nécessaire, et l'on ne pouvait y monter les canons que par des rampes étroites et raides. Le terre-plein était entièrement à découvert.

La deuxième enceinte se composait de quatre forts fermés à la gorge et de deux ouvrages non fermés, reliés par des lignes de redans : le Hauptstein ou fort Saint-François, situé sur la croupe du Gartenfeld ; le Linsenberg ou fort Saint-Joseph ; le fort. Saint-Philippe ; le fort Sainte-Elisabeth ; le fort Welche ou italien ; le fort Saint-Charles. Ces forts, revêtus d'escarpe et de contrescarpe, enveloppés d'un chemin couvert, munis d'abris voûtés, constituaient un vaste camp retranché qui se développait sur une étendue de plus de deux mille toises et offrait à une nombreuse garnison de grands emplacements pour se déployer pendant le blocus. Mais, à cause d'un tracé vicieux, ils ne se protégeaient que très indirectement et ne tiraient aucune défense ni des longues courtines qui les séparaient, ni du corps de place. Custine n'avait prescrit de les armer qu'à la fin du mois de mars ; tous les moyens dont il disposait étaient 1 consacrés à la fortification de Kastel. On dut en toute hâte fabriquer des outils, établir des forges, des fours à chaux et des ateliers de toute espèce, rectifier le palissadement du chemin couvert.

Heureusement d'Oyré fit construire, sous le feu même de l'ennemi, des ouvrages avancés qui retardèrent longtemps la prise de la ville. L'assiégeant ne put, dès le mois de mai, porter la première parallèle à la distance d'usage en appuyant sa gauche au ravin de Zahlbach et sa droite à l'escarpement du Rhin. Deux redoutes, l'une sur la hauteur de Zahlbach, l'autre à droite de Weisenau, l'éloignèrent de la forteresse et l'obligèrent à cheminer lentement, avec une circonspection extrême, à l'abri de travaux immenses.

D'Oyré reconnaissait l'importance de Weisenau et voulait même établir une redoute en avant du village. Mais Kastel avait tout absorbé. Il se contenta d'élever une flèche qui protégeait les bivouacs et assurait leur communication avec le fort Saint-Charles par un ouvrage intermédiaire.

Il fit également fortifier la sommité du vallon de Zahlbach. Laisser cette hauteur à l'ennemi, c'était lui fournir à la fois un dépôt couvert pour ses tranchées et un appui solide pour leur gauche. D'Oyré vint le 30 avril, avec Gaudin, examiner la position. Les travaux commencèrent sur-le-champ et bientôt quatre flèches s'élevèrent sur le point le plus saillant du ravin. Le 3 mai, deux d'entre elles étaient encore imparfaites ; mais elles offraient, disait Gaudin, un massif capable de mettre les troupes à couvert. Le lendemain, une troisième flèche, ébauchée dans la nuit par Boisgérard, en avant des deux premières, sur le bord de la hauteur, dominait la plaine, et le canon qu'elle épaulait, protégeait les sorties des assiégés. Le même jour, une quatrième redoute flanquait la droite des trois autres, et ces quatre ouvrages, rapporte Gaudin, éclairaient si avantageusement tous les fonds et chemins creux que l'ennemi n'osait plus se montrer sur ce terrain.

Enfin, d'Oyré, ne sachant encore quel serait le point d'attaque, pourvut à la défense de l'enceinte du nord, entre le Rhin et le Hauptstein. Il fit réparer ou construire des digues et des écluses pour mettre à fleur d'eau le terrain du Gartenfeld, et il projeta d'établir un ouvrage de résistance, à la droite du Hauptstein, sur l'extrémité de la crête qui se prolonge jusque vers la forêt de Mombach. Il manquait de travailleurs pour exécuter cette redoute et de soldats pour la défendre. Toutefois, le 27 mai, des ouvriers commencèrent une flèche qui traversait le chemin creux et qui devait être fermée à la gorge par des abatis[70].

 

 

 



[1] Cf. sur le siège de Mayence, Darst., Belag., Nau, Klein, Schaab (Gesch. der Bundesfestung Mainz), le Tagebuch de Schaber, Mainz nach der Wiedereinnahme durch die verbündeten Deutschen (1793), le 3e volume de Laukhard (1796), les Briefe eines preussischen Augenzeugen, IV (1795), Der Feldzug der Preussen, de Dohna, II et III, (1798), les Hessen de Ditfurth, les souvenirs de Strantz, de Gaudy, de l'officier saxon, cité par Czettritz-Neuhauss (Zeitschrift fur Kunst, Gesch., u. Wiss. des Krieges, 1831, IV, 211-249 ; 1841, II et III, 135-164 et 271-288 ; 1844, I, II, III, 62-90, 159-183, 242-270), ceux de Minutoli et de Gœthe, ceux de l'officier autrichien, reproduits par Bleibtreu dans ses Denkw. aus den Kriegsbeg. bei Neuwied (1834, p. 161-185), le journal de Duncker (Saint-Cyr, Mém. sur les camps des armées du Rhin, 1829, I, 233-299), la Skizzirte Beschreibung, le mémoire imprimé de d'Oyré, ses observations manuscrites, son Journal du siège, les mémoires de Beaupuy, de Damas, de Decaen, de Gaudin, de Rougemaître, de l'officier du génie Vérine, du général X***, les papiers de Merlin de Thionville (Archives de la guerre, Archives nationales, mss. de la Bibliothèque nationale et de la Bibliothèque de Caen), etc.

[2] Cf. Sorel, III, 440-443.

[3] Gœthe, 239 ; cf. Moniteur, 12 mai 1793.

[4] Dampmartin, Quelques traits de la vie privée de Frédéric-Guillaume II, 1811, p. 150-151 et 164 ; Moniteur, 24 mai 1793. (Lettre de Francfort : il n'oublie pas l'amour des plaisirs et vient souvent ici au spectacle.)

[5] Preuss. Augenzeuge, 238. Le mot se trouve aussi dans les souvenirs de l'officier saxon qu'a reproduits Czettritz, 88.

[6] Strantz, 222.

[7] Gaudy, 136.

[8] Moniteur, 1er juillet 1793.

[9] Minutoli, Erinn., 226 et suiv.

[10] Moniteur, 26 avril, 5 et 11 mai 1793.

[11] Preuss. Augenzeuge, 308.

[12] Kalkreuth et Schönfeld étaient tous deux généraux de cavalerie, Gaudy, 147 ; Strantz, 238 ; Czettritz, 84 et 165 ; Gœthe, 237-239 ; cf. sur Schönfeld, Jemappes, 30-40.

[13] A la fin du siège, Kalkreuth avait sous ses ordres 28.075 hommes, et Schönfeld, 15.385 (Gaudy, 149).

[14] Gaudy, 283-284.

[15] Strantz, 220.

[16] Czettritz, 161.

[17] Notes du général X*** (A. G.) : Il n'a pas tout dit (dans son mémoire) et ce qu'il a tu, était à son avantage ; on mettra d'autant plus de prix, à sa modération. Le général X*** ajoute que d'Oyré aurait pu confondre, s'il l'avait voulu, ceux qui ont tout fait pour le déshonorer.

[18] Le 30 avril, il est sur la hauteur de Zahlbach ; le 11 mai, il fait le tour des fortifications ; le 21 mai, il se rend à Kastel et le surlendemain à Weisenau ; le 7 juin, il visite les îles Saint-Pierre et Saint-Jean ; le jour suivant, il retourne à l'ile Saint-Jean et reconnaît avec Schaal le terrain vers Marienborn ; le 22 et le 23 du même mois, il fait, avec Gaudin, la tournée des travaux, et le 23, il visite seul les ouvrages de Zahlbach, dont il approuve l'agrandissement (Journal du siège et surtout Gaudin).

[19] Journal du siège, 16 mai ; rapport de Schaal, 19 mai 1793 (A. G.) D'Oyré est né à Sedan, le 27 mai 1739 ; il avait pour père un maréchal de camp. Elève de l'école du génie de Mézières (1756), ingénieur (1759), capitaine (1765), major (1783), lieutenant-colonel (1791), il fut nommé colonel, le 8 février 1792, et maréchal de camp provisoire, le 9 octobre, et titulaire le 6 décembre de la même année. On le mit à la retraite le 31 mars 1796. Cf. Iung, Dubois-Crancé, I, 67, 110, 453 ; Kellermann et Custine à Pache, 9 et 31 oct. ; Pache à Custine, 8 nov. (son patriotisme, son zèle, ses talents vous seront très utiles) ; Carnot-Feulins à Pache, 10 nov. 1792 (A. G.) ; Bussière et Legouis, Beaupuy, 60-61 ; Forster, VIII, 308 et 320 ; Gœthe, éd. Strehlke, p. 256 ; Fersen, II, 425 ; Preuss. Augenzeuge, 225 et 433 ; Manso, Gesch. des preuss. Staates, I, 264 ; Mainz nach der Wiedereinnahme, 49 ; Czettritz, 179 (témoignage de Kalb qui a connu d'Oyré en Amérique et le regarde comme un c homme extrêmement digne, modeste et savant, qui a conduit le siège de Yorktown), et 258 ; procès de Custine, déposition de Simon (Moniteur, 28 août 1793) ; Mém. de Gaudin.

[20] Revue rétrospective, seconde série, tome IV, 1835, p. 77-99. Meusnier composa le mémoire sur la courbure des surfaces, à l'âge de vingt-deux ans. Il prouva dans le mémoire sur la décomposition de l'eau que ce fluide n'est pas une substance simple et qu'il y a plusieurs moyens d'obtenir en grand l'air inflammable qui y entre comme principe constituant. Un troisième mémoire est consacré à un appareil propre à manœuvrer différentes espèces d'air dans les expériences qui exigent des volumes considérables ; un quatrième, aux moyens d'opérer une entière combustion de l'huile et d'augmenter la lumière des lampes en évitant la formation de la suie.

[21] Augoyat, not. ms. ; Saint-Cyr, I, 271-272, note ; Rochambeau, Mém., I, 373 ; Mém., sur Carnot, 1869, I, 125 ; Jemappes, 139-140 ; Mainz nach der Wiedereinnahme, 49 ; Beurnonville à Custine, 14 févr. 1793 ; Custine à Meusnier, 18 févr. et 7 mars 1793 (A. G.) ; Moniteur, 28 août 1793 ; Journal de Damas, [Meusnier arriva pendant que Custine était à Paris, et servit d'abord à Frankenthal sous Munnier ; Wimpffen lui destinait le commandement de l'avant-garde.) Il est né à Tours, le 19 juin 1754.

[22] Mém. du général X*** ; d'Oyré, observations additionnelles.

[23] Ce général, écrivait-il le 24 mars à Custine, n'est point encore en état de faire usage de sa jambe. (A. G.)

[24] Mém. du général X***. Le système de Meusnier, dit d'Oyré, a été constamment suivi, de porter ses moyens sur la live droite du Rhin, dans la vue de faire des expéditions au-delà de ce fleuve, sans s'occuper de la défense de Kastel et moins encore de celle de Mayence, et il était appuyé par une autorité supérieure à celle du général en chef.

[25] Il fut nommé général de brigade le 2 avril 1793, par le Conseil de guerre et devint général de division le 4 février 1795. Cf. Discours de Thuriot (4 août 1793) ; discours de Dubayet (Moniteur, 23 out. 1791 et5 février 1792) ; lettre à Kléber (Revue rétrosp., V, année 1834, p. 314) ; Rousset, Les Volont., 37 ; Custine à d'Oyré, 25 et 28 mars 1793 ; Mém. du général X***, Il voulait plaire aux puissances législative et exécutive. Il a mal reçu d'Oyré à son retour en France ; on ne devient ni général, ni ministre sans plaire aux puissances du moment (A. G.) ; Reynaud, Merlin, II, 51 et 68 ; Bussière et Legouis, Beaupuy, 61 ; Philippeaux (Compte-rendu, 4e partie, p. 16), le juge brave soldat et franc républicain, toujours prêt à se sacrifier pour sa patrie, l'âme aussi pure que généreuse, et un Allemand (Czettritz, 254), loue ses nobles façons et son zèle pour sa cause. Cf. Mainz nach der Wiedereinnahme, 34-35. Il avait annoncé qu'il écrirait une histoire du siège de Mayence ; mais, dit Legrand, la vérité n'y sera pas toujours très sévère, comme il arrive toujours quand on veut faire des espèces de poème épique (A. G.).

[26] Gaudin et discours de Dubayet, 16 mai (A. G.).

[27] Il fut frappé le 27 juin, ainsi que Gaudin, par un éclat d'obus, dans la cour du quartier-général. On l'inhuma avec Gaudin, dans le terre-plein du bastion Raymondi, avec les honneurs militaires ; et l'ennemi, prévenu, interrompit son feu pendant la cérémonie. Il s'était, dit le Journal du siège, montré juste et humain envers les habitants. Cf. Custine, p. 255.

[28] Chadelas avait organisé le camp de Soissons (Retraite de Brunswick, p. 36).

[29] Pierre Chevalier avait alors 63 ans. Le Conseil de guerre le nomma provisoirement général de brigade, le 14 avril, et lui confia, le 5 juillet, le soin de diriger la batterie qui devait tirer à cartouches sur le fleuve et le quai, dans le cas d'une attaque par eau. Dubayet le chargea, le 5 pluviôse an IV, d'activer l'exécution de la loi du 4 frimaire et de faire entendre le cri de la patrie en danger, dans les départements de l'est. Un bon juge l'appréciait ainsi : Trop bigot, pour être entièrement dans le sens de la Révolution et trop honnête homme pour trahir sa patrie (18 août 1792, A. G.).

[30] Louis-Stanislas Dazincourt avait alors 31 ans.

[31] Le Dieudeville fut nomme général de brigade, le 28 mai, par le Conseil de guerre.

[32] Douay, naguère capitaine commandant l'artillerie à Landau, fut nommé chef de brigade, le 17 juin, par le Conseil de guerre, devint directeur de l'artillerie à Strasbourg, et prit un congé en 1798.

[33] Galle fut nommé chef de bataillon, le 26 mai, par le Conseil de guerre.

[34] Gaudin, naguère employé à Landrecies, fut nommé, le 6 avril, chef de bataillon. Il réunissait, dit le Journal du siège, aux connaissances de son métier, un esprit droit et conciliant, un très grand sang-froid ; il dirigeait avec intelligence et surveillait avec exactitude les travaux très multipliés de la défense.

[35] Gillot (Joseph-Charles-Sophie), chef de brigade d'artillerie, avait alors 53 ars.

[36] Schaal (François-Ignace), alors âgé de 45 ans, fut nommé le 3 mai général de brigade, par le Conseil de guerre, et devint général de division, le 13 juin 1795 ; il était naguère lieutenant-colonel du 93e régiment et commandait à Worms (cf. Custine, p. 125 et 255). Ses notes portent qu'il était propre au commandement d'une division — mais non d'une armée.

[37] Schleginski [François-Charles], alors âgé de 54 ans, avait, dit un Allemand, tout à fait le caractère polonais (Czettritz, 251) ; Custine déclare à son procès, qu'il aurait nommé commandant de Mayence cet honnête homme, ce patriote, s'il l'eût connu (Moniteur, 27 août 1793).

[38] Vimeux, nommé général de brigade, le 28 mai, par le Conseil de guerre, confirmé le 30 septembre 1793, général de division, le 4 mars 1794, ne semblait pas, dit un officier saxon, avoir grand crédit, et sa conversation marquait un esprit médiocre. (Czettritz, 260.) Le mémoire inédit qu'il a rédigé sur sa carrière militaire est sec et insignifiant.

[39] Pierre Blanchard était très estimé. Il avait été un instant dans la position la plus bizarre ; des commissaires de la Législative l'avaient suspendu à l'armée du Rhin ; d'autres l'avaient appelé à l'armée du Centre. Il resta à l'armée du Rhin parce que Custine refusait de le renvoyer ; en nous l'ôtant, disait Biron, nous ne pouvons répondre du service (Biron à Custine, 5 sept. et à Servan, 17 septembre 1792 (A. G.). Cf. le témoignage de Custine à son procès : Je n'avais que Blanchard ; il m'a donné les moyens de prendre Spire et Mayence. Moniteur, 23 août 1793).

[40] Adrien Brunck, né le 27 février 1773, à Strasbourg, aide-commissaire des guerres, le 10r avril 1792, nommé commissaire des guerres, le 15 juin 1793, par Reubell et Merlin, réformé à l'organisation du 16 avril 1793, renommé commissaire des guerres adjoint, le 11 vendémiaire an III, par Féraud et Neveu, devint, le 9 ventôse an VIII, sous-inspecteur aux revues. Il avait un grand-père maternel commissaire-ordonnateur et un père (le fameux helléniste), ainsi qu'un oncle maternel commissaires des guerres. Merlin le nomme un sujet distingué et l'ordonnateur Martellière, un sujet de la première distinction.

[41] Simon se plaint dans son rapport (A. E.) des militaires du Conseil ; ils finirent par nous tolérer (Meyenfeld et lui), mais la plupart nous recevaient de mauvais œil ; d'Oyré faisait semblant de ne pas nous apercevoir, et jamais il ne demandait notre avis.

[42] Reubell, député du Haut-Rhin à la Convention (il avait eu au premier tour du premier scrutin 305 voix sur 416), était, dit un des assiégeants, long et gros, raide et renfermé (Czettritz, 160). Un des assiégés le décrit ainsi : Il était autrefois d'une société très douce ; il m'a paru tel toutes les fois qu'il a voulu oublier avec moi son nouveau rôle ; quoique modéré dans ses expressions, et même dans ses opinions, il juge des hommes comme le font tous les républicains exagérés ; il ne voit même parmi les militaires qu'aristocrates et patriotes. Les religieuses du couvent qu'il habite ne voient que catholiques et hérétiques, et elles damnent tout ce qui n'est pas catholique. (Mém. du général X***). Mais ce même Reubell écrivait à sa femme, le 3 avril : Tu sais, ma chère amie, que tous les ans je risque de mourir d'accès de colique néphrétique et de goutte. Si je ne puis aller aux eaux, cette année, à temps, cela empirera l'état de ma santé très délabrée. Mais, de quelque manière que je meure, ce sera d'une manière digne de toi et de moi. (A. N.)

[43] Mém. du général X*** : D'Oyré pouvait dire et prouver que tout Conseil de guerre, dont des commissaires législatifs et exécutifs l'ont partie, produit des effets plus désastreux que les bombes et les boulets.

[44] Le 27 et le 28 avril, par exemple (Damas). Le 22 mai, au moment où Merlin pointait, un boulet entre dans l'embrasure, frappe l'affût, ricoche sur la pièce et passe à côté de Merlin qui se gare et se détourne à temps.

[45] Cf. Strantz, 232 ; Czettritz, 160, 255 ; Bleibtreu, 183 ; Preuss. Augenzeuge, 430 ; Mainz nach der Wiedereinnahme, 45, 183 ; Reynaud, Merlin, I, 54 ; Journal du siège ; Decaen ; Beaupuy ; Gaudin. La général X*** le juge ainsi : Merlin est curieux ; jamais d'Artois ne tut aussi despote que cet apôtre de la liberté, et jamais le despotisme ne se montra sous des formes aussi hideuses ; on l'excuse en disant qu'il est brave. Il faut que les lâches soient bien communs pour que la bravoure puisse faire excuser tant de sottises.

[46] Cf. Bussière et Legouy, Beaupuy, 1891, passim. On disait de lui, lorsqu'il était dans l'Ouest, chef d'état-major : Excellent officier, plein de connaissances militaires, a parfaitement servi et a donné de grandes preuves de valeur à Mayence et dans la Vendée, attaché à la Révolution (note inédite).

[47] Beurmann (Frédéric-Auguste), né à Nancy, le 17 septembre 1777, soldat le 10 juin 1788, devint général de brigade, le 6 août 1811 ; cf. le mémoire de Decaen ; Pajol, par le comte Pajol (1874, I, p. 142) et Revue alsacienne, 1886, n° 1, p. 25.

[48] Boisgérard, général de brigade le 19 octobre 1793, fut nommé, le 30 juin, chef de bataillon par le Conseil de guerre ; le 24 août de l'année précédente, Harambure l'avait demandé comme ingénieur à Huningue, en remplacement de Rouget de Lisle suspendu.

[49] Buquet (Louis-Léopold), né à Charmes, le 5 mai 1768, avocat à Nancy avant la guerre, devint général de brigade, le 20 octobre 1804. Cf. Custine, p. 254, et Nollet, Les généraux Buquet, p. 4-5 et 31-32.

[50] Damas (François-Etienne) fut nommé, le 16 juin, chef de bataillon, par le Conseil de guerre, sur la proposition de Reubell et de Merlin ; il devint général de brigade, le 27 novembre 1793 et général de division le 21 novembre 1813 ; le représentant Gillet le nomme un bon officier, et Boursault le juge froid, réfléchi, militaire et brave. Cf. Thoumas, Les grands cavaliers du premier Empire, 1890, tome I, p. 189-190.

[51] Decaen (Charles-Mathieu-Isidore), général de brigade le 2 août 1796, et de division, le 7 août 1800. (Cf. la Notice de 1833, p. 2 et 8, et G. Lavalley, Les grands cœurs, p. 101-153). Il rapporte qu'il était employé à Caen, dans l'élude de l'avocat Lasseret, lorsqu'il écouta, comme tant d'autres, la voix de la patrie en danger. Elu sergent-major d'une des compagnies de canonniers du 4e du Calvados, il servit à Budenheim, sous Kléber, qui lui fit donner, le 26 mars 1793, le grade d'adjudant-sous-officier. Cinq jours plus tard (31 mars), d'Oyré commandait à Decaen de faire son service sous les ordres particuliers de Kléber. Le 1er mai, le jeune Normand était nommé, par le Conseil de guerre, sous-lieutenant adjoint à l'état-major ; le 25 juin, il devenait capitaine-adjoint, sans passer par le grade de lieutenant. Une note inédite de l'époque le signale comme excellent pour un coup de main, très bon, très brave, aimant son état.

[52] Dedon-Duclos (François-Louis), général de brigade le 28 oct. 1805, et lieutenant-général le 10 mai 1814 ; il fut nommé chef de bataillon, le 5 juin 1793, par le Conseil de guerre.

[53] Foucher de Careil (Louis-François), commandait l'artillerie volante ; le Conseil de guerre le nomma, le 5 juin, chef de bataillon, de même que Dedon, sur la proposition de Merlin ; il a, dit le Journal du siège, servi avec beaucoup de distinction et d'utilité. Il devint général de brigade, le 29 août 1803, et général de division, le 3 mars 1807.

[54] Dumas (Jean-Louis), général de brigade, le 29 oct. 1793 ; cf. Bouvier, Les Vosges pendant la Révolution, 120.

[55] Haxo (Nicolas) fut nommé chef de brigade, le 30 juin, par le Conseil de guerre ; général de brigade, le 17 août 1793 ; mort en Vendée le 20 mars 1794.

[56] Humbert (Jean-Amable), général de brigade le 9 avril 1794.

[57] Jordy (Nichas-Louis), général de brigade, le 4 janvier 1794, et de division, le 3 juin 1815. Il est né à Abreschwiller, dans la Meurthe (14 septembre 1758). Cf. Nollet, Jordy, 1852 ; Ernouf, Kléber, 1870, p. 10 ; Reynaud, Merlin, II, 251.

[58] La Riboisière (Jean-Ambroise Baston de) fut nommé chef de bataillon, le 16 avril, par le Conseil de guerre ; général de brigade, le 29 août 1803, et de division, le 3 janvier 1807. (Cf. Abaut, La Riboisière, 1889.)

[59] Mainoni (Joseph-Antoine-Marie-Michel], né à Strasbourg, avait alors 36 ans et devint général de brigade, le 19 novembre 1798, et de division, le 27 août 1803.

[60] Mignotte (Joseph) devint adjudant-général, — une note inédite de l'époque le déclare excellent et ayant beaucoup de mérite — et, le 1 er janvier 1796, général de brigade.

[61] Cf. sur Pajol, le livre de son fils (1874, I, p. 65). Claude-Pierre Pajol fut nommé général de brigade, le 1er mars 1807, et de division, le 7 août 1812.

[62] Sainte-Suzanne (Gilbert-Joseph-Martin Bruneteau de), que le Conseil de guerre nomma, le 1er mai, chef de bataillon, général de brigade, le 18 octobre 1795, et de division, le 2 août 1796. Adjudant-général, il obtenait la note suivante : excellent militaire, très instruit et très brave, a le coup d'œil excellent, et forme de très bons plans d'attaque et de défense, peut être avec avantage dans les premiers grades ; mais il a toujours refusé de l'avancement ; ex-noble. C'est à Mayence, disait-il, qu'il avait pu se faire des idées justes sur la véritable importance des grandes places de guerre (Notices biogr., déc. 1830).

[63] Travot (Jean-Pierre), général de brigade, le 13 mars 1796, et de division, le 1er février 1805 : excellent officier, bon républicain, plein de bravoure et susceptible d'avancement (note inédite). Cf. Jeannin, Travot, 1862, p. 5.

[64] Vidalot-Dusirat (Pierre-Marie-Gabriel) naquit le 25 mars 1764, au château du Sirat, dans la commune de Valence-d'Agen (Tarn-et-Garonne), et fit ses études au collège d'Agen. Il servait depuis 1781. Successivement cadet, sous-lieutenant, lieutenant, adjudant-major, capitaine au 31e régiment d'infanterie, adjudant-général, chef de bataillon et chef de brigade, général de brigade (5 juillet 1794), il fut fait prisonnier de guerre après le siège de Manuheim et rentra sur parole. Le 5 germinal an IV, Carnot l'envoyait à l'armée des côtes de l'Océan ; Michaud déclare qu'il a donné, devant Mayence et Mannheim, des preuves de talent et d'activité, Vimeux lui donne la note suivante : bon républicain, bon officier, ayant du talent. C'était, écrit Legrand, un officier général du premier mérite, fait pour commander une armée en chef, et point assez connu du gouvernement qui a précédé le régime constitutionnel, ni du Directoire exécutif, quoique fils d'un ex député à la Législative et à la Convention. Après avoir commandé le Tarn-et-Garonne, en 1809, et le Lot-et-Garonne, en 1825, il mourut au Sirat, le 3 décembre 1843.

[65] D'Oyré, Mém. du 12 juillet (A. G.).

[66] Schaal, rapport du 19 mai (A. G.) ; Schaber, 46 ; Gaudy, 282.

[67] Cf. Custine, 234, 244 : Il y avait à Mayence 2 brigades ou 4 régiments de grenadiers comprenant 27 compagnies de ligne et 31 compagnies de volontaires et des compagnies détachées.

[68] D'Oyré, Mém., 5 et 43 ; cf. une lettre de Meusnier à Custine, 27 mars (papiers de Merlin) ; il juge la cavalerie pesante et même timide, toujours disposée à resserrer ses vedettes et à se retirer en désordre sur le moindre rapport.

[69] Duncker, 276-217 ; Nau, IV, 423 ; Journal du siège.

[70] Cf. le Mém. de d'Oyré et surtout Gaudin.