LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

L'EXPÉDITION DE CUSTINE

 

CHAPITRE IV. — LA WETTERAVIE.

 

 

I. Neuvinger à Francfort. Contribution. Résistance du Magistrat et du Sénat. Protestations des bourgeois. Lettres impérieuses de Custine. Gorani. Fr. Wimpffen. Le Brun et Roland. Clavière et un article du Moniteur. — II. Prise de Königstein. Combat de Nauheim. Incursions et razzias. Manifestes de Custine. Proclamation contre le landgrave de Hesse. Indignation des Hessois. Colère des paysans. La Révolution française en Allemagne. Pamphlets. Les Français peints par un Allemand. — III. Custine et Kellermann. Les deux armées du Rhin et de la Moselle confiées au général Moustache. Plans de Custine approuvés par Pache.

 

I. La terreur était dans l'Empire, et les Allemands se précipitaient au-devant des Français pour faire leur soumission. L'évêque de Würzbourg, le prince-abbé de Fulda, la princesse de Neuwied, Wetzlar et la Chambre impériale qui siégeait dans cette ville, demandaient des sauvegardes à Custine. La princesse de Neuwied lui assurait qu'elle n'avait jamais approuvé la protection que son mari donnait aux émigrés. La Chambre impériale lui faisait dire qu'elle jugeait les procès et ne traitait en aucune façon les affaires politiques. Les magistrats de Wetzlar vantaient les procédés du général envers les vaincus : Wetzlar n'a jamais permis aux émigrés français le séjour dans ses murs ; elle a fermé ses portes à leurs enrôleurs. Pas un prince des pays rhénans ne se croyait à l'abri ; presque tons fuyaient au loin. La famille du landgrave Guillaume IX quitta Cassel en toute hâte. La Diète voulut abandonner Ratisbonne et plusieurs ministres louèrent des listeaux pour descendre le Danube. Les Français, s'écriait Cobenzl, vont-ils s'avancer toujours et trouver tout désarmé ? Vont-ils ravager, comme Attila, la moitié de l'Europe ?[1]

Custine semblait, en effet, tout plein de la furie française : il allait bon train et, comme disait Desportes, si les enjambées de ce diable se continuaient de cette sorte, on ne distinguerait plus le terme de sa course[2]. L'instant était arrivé, mandait-il a Paris, de frapper le grand coup, et le républicain ne devait pas ralentir son action le après quelques succès. Point de relâche, ajoutait-il, point d'accommodement avec les puissances belligérantes, point de suspension d'armes, point de repos qui serait la mort de la discipline militaire, plus de conventions ni de traités avec les souverains. Si, comme voulait Desportes, un congrès pacificateur s'établissait à Deux-Ponts — congrès dont Custine, disait Desportes, serait le thermomètre — il devrait négocier avec une extrême lenteur et endormir les ennemis de la République. Il l'allait, pour fonder la liberté française, l'aire la révolution dans l'Empire ; il l'allait dicter des lois aux despotes, leur arracher leur sceptre et courber leur tête orgueilleuse ; il fallait appeler les nations à choisir leur propre gouvernement par un vœu libre et spontané ; la France doit à tous les peuples le redressement de leurs griefs, le bienfait de la liberté, et il faut qu'elle acquitte cet engagement sacré ![3]

Le jour même où capitulait Mayence. 2.000 Français se dirigeaient vers Francfort, 500 sous les ordres du colonel Houchard, sur la rive droite du Mein, par Kastel et Höchst, les 1.500 autres sous le commandement de Neuvinger, sur la rive gauche, par Oppenheim et le pays de Darmstadt.

Le 22 octobre au matin, un cri retentissait dans les rues de Francfort : Les Français sont là ! Les bourgeois couraient à la porte de Bockenheim et voyaient, du haut des remparts, les soldats de Houchard épars dans la campagne : ici des chasseurs à cheval, là des volontaires, les uns prenant leurs aises et couchés sur le gazon, au soleil d'automne, les autres faisant la cuisine. Mais l'artillerie avait braqué ses pièces contre la porte. Le Sénat s'assembla sur-le-champ et envoya demander à Houchard ce qu'il voulait. Le colonel répondit qu'il attendait encore d'autres troupes et ne désirait pour l'instant que des vivres et du bois. A trois heures de l'après-midi, Neuvinger se présentait à Sachsenhausen[4] et déclarait aux députés du Sénat qu'il avait une lettre de Custine, mais qu'il la remettrait eu personne au Magistrat. Les députés invoquèrent la neutralité de Francfort et, eu se retirant, firent lever le pont. Neuvinger ordonna d'avancer du canon. Le pont fut baissé, la porte ouverte, et les Français entrèrent dans Francfort au cri de : Vive la liberté ! On leur lit bon accueil ; ou croyait qu'ils traversaient la ville pour marcher sur Hanau ; d'ailleurs, ils payaient comptant, en bon argent, et l'on ne fit que rire lorsqu'on les vit, à peine arrivés, tirer des hameçons de leurs sacs et pécher les poissons dans les fossés de l'enceinte. Mais Neuvinger s'était rendu au Wirner et avait remis au Sénat la lettre de Custine. Le général exigeait, dans les vingt-quatre heures, une contribution de deux millions de florins, faisant eu monnaie de France 4.363.636 livres : le Magistrat de Francfort avait ouvertement protégé les émigrés et souffert la publication d'une gazette aristocratique[5].

Le Sénat protesta[6]. La ville avait refusé de vendre aux comtes de Provence et d'Artois une partie des canons de l'arsenal ; refusé de leur prêter une somme considérable, même contre de gros intérêts ; refusé de reconnaître leur agent, le comte de Marsan, qui s'était fait nommer chambellan dit roi de Prusse pour avoir le droit de résider à Francfort ; refusé d'afficher l'ordonnance du grand bailli d'Ettenheirn contre le maire et le procureur de Strasbourg. Elle avait fait saisir à la foire les brochures hostiles à la Révolution. Elle n'avait jamais permis aux émigrés de se rassembler ni de recruter sur son territoire, Ils n'étaient venus à Francfort qu'isolément, passagèrement et sans caractère reconnu. Une cité ouverte a tous, une cité libre, commerçante, où se traitaient les affaires du monde entier, pouvait-elle agir autrement ? Le Magistrat devait-il aller de maison en maison, d'hôtellerie en hôtellerie, reconnaître et examiner les étrangers ? Une pareille inquisition n'aurait-elle pas effrayé et fait fuir le commerce ? Du reste, le 2'2 octobre, un officier de Houchard n'avait-il pas arrêté trois émigrés dans la ville même, avant l'arrivée des troupes républicaines ? Le jour précédent, les quatre officiers que Condé envoyait à Gymnich, n'avaient-ils pas inutilement demandé la permission d'entrer, même pour quelques heures, dans la première auberge ? Un de ces officiers ne disait-il pas que les émigrés étaient de véritables bêtes noires aux yeux des magistrats des villes libres ? Restait la gazette aristocratique dont Francfort avait souffert la publication. Mais la ville devait-elle proscrire la liberté de la Presse que la France proclamait ? Et avait-elle interdit l'impression des gazettes patriotiques[7] ?

Custine répondit que les magistrats de Francfort avaient des torts envers la France. Ils avaient défendu de recruter pour les émigrés, mais cette défense prouvait qu'on recrutait. Ils avaient défendu aux émigrés d'insulter les Francfortoises, mais cette défense prouvait encore que les émigrés trouvaient asile à Francfort. Enfin, ils avaient laissé rédiger sous leurs yeux et avec leur approbation une gazette qui faussait l'esprit des Germains sur la Révolution. Étaient-ce là des preuves de leur attachement à la République française ? Ne voulaient-ils pas évidemment éteindre la lueur des vérités éternelles ? Néanmoins, Rustine consentit a réduire la contribution à quinze cent mille florins, pourvu qu'elle fût payée sur-le-champ[8].

Neuvinger avait déjà fait savoir à la population francfortoise que les Français venaient châtier le Magistrat et se venger rie l'appui qu'il avait donné aux émigrés, cette écume d'un peuple libre ; la contribution, disait-il, ne devait atteindre que les chefs de la ville, les familles patriciennes, les maisons, biens et possessions des corporations ecclésiastiques et des électeurs, princes, comtes et nobles. Mais le Magistrat lui remontra qu'il n'y avait à Francfort que deux maisons patriciennes : celle de Limbourg et celle de Frauenstein[9] ; que la taxe ne pouvait peser uniquement sur ces deux maisons, ni sur les sept curés catholiques, ni sur les Carmes et les Capucins ; que lui-même n'avait aucune juridiction sur les propriétés des trois électeurs ecclésiastiques et sur celles des princes qui possédaient des hôtels dans la ville ; que la contribution était une charge publique et devait, suivant la constitution francfortoise, être payée par toute la bourgeoisie. Là-dessus, le Magistrat, qui n'avait pas dans ses caisses le numéraire suffisant, fit un emprunt volontaire en offrant aux préteurs des reconnaissances qui portaient intérêt à 4 %. Son appel fut entendu. Dès le 23 octobre, au matin, des artisans, tailleurs, bouchers, cordonniers, menuisiers, s'empressaient à l'envi de porter au trésor de la ville l'argent dont ils pouvaient disposer. Le Magistrat remit aussitôt à Neuvinger 300.000 livres, en ajoutant qu'il ne considérait cette somme que comme un dépôt.

Sans doute Custine croyait soulever les pauvres de Francfort contre les riches. Il s'imaginait que le peuple profiterait de l'entrée des Français pour se révolter contre le Sénat et renverser une constitution qui passait, non sans raison, pour aristocratique[10]. Vous adopterez, disait-il, une révolution qui rend leurs droits aux nations et détruit les pouvoirs usurpés. Il osa même écrire à la Convention que les Francfortois criaient sur son passage : Nous voulons être libres et Français ![11] Et voici que les gens du peuple prenaient leur part de la charge qu'il ne voulait imposer qu'au Magistrat !

Le général ignorait que les bourgeois de Francfort aimaient leur constitution et désiraient la garder. Ils lui déclarèrent nettement, dans une lettre publique, qu'ils n'étaient pas opprimés et qu'ils jouissaient déjà de la liberté qu'il leur offrait. Il y avait des riches à Francfort, mais ils ne formaient pas une classe particulière, et leur aisance se répandait sur toutes les branches d'industrie ; quiconque voulait et pouvait travailler, trouvait son nécessaire. Il y avait des pauvres a Francfort ; mais, grâce aux fondations publiques et privées, ils étaient à l'abri de la misère. 11 y avait des impositions à Francfort ; mais elles étaient si modiques que nul ne s'en plaignait. Bref, disaient les bourgeois, nous sommes tous heureux, tous contents, et nous croyons que notre prospérité générale est liée trop étroitement avec notre constitution et l'aisance de nos plus riches concitoyens pour ne pas protester contre la taxe. Nous ne pourrions témoigner plus vivement notre zèle pour la nation française qu'en lui souhaitant de trouver dans sa nouvelle constitution le bonheur que nous donne la nôtre. Vous vous présentez, Monsieur le général, comme le défenseur de la liberté et le protecteur du bien public ; laissez-nous donc notre constitution, le plus inestimable de tous nos biens ![12]

Cette protestation des bourgeois avait été précédée d'un véhément Appel d'un citoyen allemand au chef des Français'[13]. Pourquoi, disait l'auteur de l'Appel, voulez-vous nous débarrasser de chaines que nous ne portons pas, nous imposer des bienfaits dont nous n'avons nul besoin, ébranler notre constitution, troubler notre repos, diviser notre cité, la livrer aux horreurs de la guerre civile ? Si quelques-uns d'entre nous ont douté de la liberté, s'ils ont offert asile aux émigrés, s'ils ont mis en circulation de faux assignats, ne sont-ils pas assez punis en voyant leurs hôtes chassés de leur patrie et méprisés de l'Europe ? Ne sont-ils pas assez flétris si vous dites au public leurs noms et leurs crimes ? Pour châtier quelques citoyens, vous exigez des millions de florins ! Cette contribution n'est qu'une invention du despotisme et un pillage régulier ; elle ne sied ni à la République française ni à vous, et ce n'est pas ainsi que se venge un noble peuple. D'ailleurs, les riches marchands que vous menacez n'oppriment personne, ne peuvent opprimer personne ; ils nourrissent des centaines de gens qui, sans eux, manqueraient de pain, et c'est de leur luxe que vit l'artisan. Vous ne trouverez pas à Francfort un seul mécontent[14]. Custine, vous êtes entre la gloire et le déshonneur ; mieux vaut l'amour des Allemands qu'une bataille gagnée. Votre grande nation vient-elle chercher de l'argent et non des amis ? Veut-elle agir contre les principes qu'elle a si hautement prêchés, agir contre la justice et l'humanité dont elle porte la bannière ?

Mais Custine tenait bon et ne démordait pas de son dire. Il déclara qu'il n'avait taxé la ville que pour faire peser sur d'injustes magistrats une partie des frais énormes de la guerre et que la contribution devait être payée, non d'après le nombre des tribus et corporations, mais d'après leurs richesses. Il ne confondait pas des hommes enivrés de leur puissance, portés à abuser de leur autorité et de leur opulence avec le modeste citoyen qui se nourrit à peine du produit de son travail. Le peuple de Francfort ne paierait pas la taxe ; ce n'était pas le peuple qui recevait les émigrés, qui jetait l'argent de la République dans les coffres des princes, qui mettait en circulation les faux assignats pour avilir la monnaie nationale, qui approuvait l'impression d'une gazette hostile à la constitution française. Neuvinger avait mal interprété la pensée de Custine et ne devait pas souffrir une pareille iniquité. Quoi ! le banquier, le négociant en gros[15] rejetait les charges publiques sur le pauvre ! Non, ce seraient les marchands, les capitalistes, les manieurs d'argent qui paieraient la contribution ; quiconque ne posséderait pas au moins en propre 30.000 florins, serait exempt de la taxe ; Custine n'avait passé le Rhin que pour protéger les faibles, et les Français apprendraient à l'Allemagne que les hommes, égaux eu droits par la naissance, ne sont pas destinés à porter le joug du riche[16] !

Telles furent, à diverses reprises, les déclarations de Custine. Les magistrats de Francfort essayèrent encore de fléchir sa rigueur. Il ne consentit à leur accorder une seconde diminution de 500.000 florins que s'ils lui prêtaient leur artillerie. Magistrats du peuple, leur écrivait-il, je vous demande de me prêter l'artillerie et les munitions de Francfort pour augmenter les moyens de défense de l'intéressante conquête que vient de faire la République française. C'est de l'artillerie de vingt-quatre et de ses munitions dont je vous demande le prêt ! Mais le Magistrat objecta qu'il ne pouvait prêter ses canons sans violer la neutralité et s'exposer à la vengeance du corps germanique[17].

Plus irrité que jamais, Custine se rendit à Francfort le 27 octobre. Il venait, comme dit un Allemand, tenir un lit de justice, et il était accompagné d'un millier de soldats, d'un train d'artillerie et de son interprète Ramer en habit rouge. Les habitants regardaient avec curiosité le citoyen général devant qui, comme devant un second Josué, tombaient les murs des forteresses allemandes ; et l'on parla longtemps de sa grosse moustache et de ses yeux rusés qui regardaient sans cesse de tous côtés et révélaient la vivacité de son tempérament. Lorsqu'il arriva sur la place du Römer, il se tourna vers la foule et, souriant, demanda en langue allemande : C'est ici que vous avez vu l'empereur cette année ?Oui, Monsieur le général, répondit un vieux juif. — Eh bien ! vous n'en verrez plus[18].

Il fit arrêter aussitôt comme otages sept des négociants les plus considérables de la ville[19] : il était fatigué des retards du Sénat et pour le punir, il ne rabattait rien de ses premières demandes, et il exigeait maintenant dans le plus bref délai deux millions de florins. Ces otages ne paieraient pas personnellement la contribution ; elle portait, répétait Custine, sur la richesse, et chacun devait s'exécuter en proportion de ses facultés que le Sénat connaissait sûrement, au moins par approximation. Ne croyez pas, ajoutait-il, que je projette d'abandonner vos murs ; j'espère vous donner un jour assez d'idées de mes connaissances militaires pour vous faire perdre cette opinion, si elle est la vôtre. C'est de ce point que les armes de la République partiront pour contraindre les puissances qui voudraient la méconnaître. Elle ne veut pas conquérir l'Allemagne ; elle veut assurer son repos et surtout convaincre l'empereur qu'il est de son intérêt d'adopter les principes de la raison et de la philosophie longtemps méconnus. Cessez donc, Messieurs, de vous repaitre de chimères, consentez à la dernière proposition que je vous ai faite, de me donner deux millions de florins, et contractez dès ce jour avec nous une alliance que rien ne pourra rompre.

Le Sénat plia. Il versa le 31 octobre entre les mains de Neuvinger un million de florins. Mais à force de sollicitations et d'instances il obtint que le second million ne serait payable que l'année suivante en deux termes, le 2 avril et le 2 août[20].

Cinq députés de la ville, le syndic Seeger, l'échevin Günderode, les négociants Engelbach, Müller et Jordis, se rendirent aussitôt à Paris pour demander à la Convention nationale la restitution du premier million. L'Assemblée renvoya leur mémoire au Comité diplomatique et Rühl assura que la somme de deux millions de florins imposée à cette république bâtarde de Francfort n'était encore que trop modique[21]. Mais à Paris même et dans l'armée, des voix indignées s'élevèrent contre le général.

Les officiers de la garnison ne cachaient pas aux Francfortois qu'ils désapprouvaient les exigences de Custine. Un jour qu'ils étaient réunis au grand café de la ville, l'un deux entra tout joyeux : la contribution est rendue, criait-il à chacun. Les officiers applaudirent, et un capitaine des troupes de ligne, nommé Simard, déclara qu'il donnerait volontiers tout ce qu'il possédait, si la nouvelle était vraie[22].

Gorani, cet aventurier italien, ce chaud cosmopolite qui recevait de l'Assemblée législative le titre de citoyen français et qui défendait la cause de la Révolution, soit dans des missions secrètes soit dans des lettres publiques aux souverains, Gorani rédigea deux pétitions pour les habitants de Francfort. Sommes-nous, disait-il, des brigands qui pillons également amis et ennemis ? Nos généraux qui s'annoncent comme les fléaux des tyrans, vont-ils exercer la tyrannie ? Allons-nous détruire la bonne réputation que nous avons méritée à Spire et à Worms, nous avilir aux yeux des nations, leur prouver que nos principes de bienfaisance ne sont que des mots, des pièges, des appâts de rapine ? Et il demandait que les sommes payées par les Francfortois leur fussent rendues[23].

Comme Gorani, François Wimpfen écrivait à la Convention qu'il était injuste d'exiger une contribution du petit état libre de Francfort : Francfort, disait-il, avait établi et maintenu depuis plusieurs siècles nos principes de liberté ; Francfort observait exactement l'égalité ; le gouvernement de Francfort était le plus assimilé au nôtre ; et la nation française devait-elle faire d'autre conquête que la conquête des cœurs et des alléchions[24] ?

Desportes mandait qu'un grand nombre d'Allemands nous accusaient de brigandage. Il s'étonnait que Custine n'eût pas témoigné les plus hautes déférences à la ville libre de Francfort. Les Français ne devaient-ils pas déployer la modération qui convient aux libérateurs des peuples ? Lui aussi voulait que la contribution fût restituée aux Francfortois : on rassurait ainsi des amis effarouchés et cette réparation d'un tort passager nous vaudrait une victoire[25].

Le ministre des affaires étrangères, Le Brun, partageait l'opinion de Desportes ; il lui répondit que le jugement porté en Allemagne était très juste et que la France rendrait à Francfort une contribution qui ne pouvait être approuvée, mais qu'elle ferait cette restitution de manière à ne pas humilier Custine. Son collègue Roland alla plus loin. Il fit insérer dans le Moniteur et publier à part une lettre qui reconnaissait la neutralité de Francfort. La ville, disait-il, avait pu être occupée et influencée, mais elle n'avait rien voulu influencer par elle-même ; elle s'était disculpée de toutes les imputations les Français ne pouvaient lui reprocher ni dispositions hostiles ni sentiments malveillants : il fallait donc, concluait le ministre de l'intérieur, traiter les Francfortois en amis et en frères, et les décharger de la contribution que Custine leur avait imposée par sévérité de zèle.

Mais la contribution ne fut pas rendue. Le décembre, Te ministre des finances, Clavière, écrivait à Custine que les députés de Francfort partiraient sans emporter leurs millions, et la veille, le Moniteur faisait paraître une piquante justification du général. Custine, disait le journal, entrait en Allemagne comme guerrier et non comme voyageur, et les contributions étaient l'accessoire de la guerre ; une fois l'épée tirée, il ne fallait pas l'émousser ni amortir ses coups ; les Français avaient renoncé aux conquêtes, mais non aux contributions. La ville de Francfort croyait mériter une exception ; mais elle était membre de l'Empire : elle n'avait pas protesté a la Diète en faveur de la France ; elle fournirait son contingent contre nous, lorsque l'Empire l'exigerait. Elle se prétendait libre : sa liberté ressemblait à celle d'une république de castors au milieu d'avides chasseurs ; elle consistait à ramasser par l'industrie les richesses qui seraient tôt ou tard la proie des Autrichiens ou des Prussiens. D'ailleurs, les Français faisaient la guerre aux gouvernements et non aux peuples ; ils voulaient affranchir et franciser l'Europe ; ils étaient comme les entrepreneurs de la liberté des nations. Pourquoi ne Prélèveraient-ils pas sur les despotes et leurs créatures de légères indemnités ? Pourquoi n'imposeraient-ils pas une contribution à cette cité de Francfort qui n'était gouvernée que par des riches ? Aurait-ou pitié des banquiers et des capitalistes ? Allait-ou gémir sur leur sort, comme le bon financier qui pleurait Holopherne si méchamment mis à mort par Judith ? Non : Custine avait raison d'employer leurs florins comme véhicule de propagande, comme un moyen de recruter des révolutionnaires en Allemagne. Francfort se plaint, ajoutait le Moniteur : que le peuple se forme en assemblées primaires ; qu'il élise librement ses magistrats que nous ne pouvons reconnaître. — Mais, diront les Francfortois, nous sommes soumis aux lois de l'Empire. — Affranchissez-vous. — Nous n'osons pas. — Eh bien, payez, nous vous affranchirons ; la Constitution germanique et la République française ne peuvent subsister ensemble[26].

 

II. Maître de Francfort et, quelques jours après, de la petite forteresse de Königstein[27], installé sur la rive droite du Rhin, Custine devait s'emparer de Hanau qui lui donnait les deux bords du Mein et assurait ses derrières. La place était eu mauvais état ; elle n'avait qu'une faible garnison ; beaucoup d'habitants, huguenots et réfugiés français, auraient accueilli sans déplaisir l'armée républicaine, et quelques-uns eurent l'audace de coiffer d'un bonnet phrygien les deux lions qui figuraient sur l'écu placé au-dessus du corps de garde principal. Mais Hanau appartenait au landgrave Guillaume IX, et les Hessois se seraient mieux défendus que les Mayençais. Leur bravoure était proverbiale comme l'esprit des Saxons et le flegme des Hanovriens. Un grand nombre avaient fait la guerre d'Amérique sous les drapeaux anglais, et l'on vantait leur endurance, la haute stature et l'air martial de leurs grenadiers, le tir excellent de leurs chasseurs. tin contemporain assure que leurs officiers étaient plus instruits que les officiers prussiens, qu'ils savaient se garder, diriger leurs patrouilles et, dans les circonstances périlleuses, prendre une résolution hardie. Les troupes hessoises, dit le duc de Richelieu, sont véritablement belles, surtout l'infanterie qui est instruite et manœuvrière[28].

Custine n'osa donc se porter sur Hanau. Mais il était aisé de s'emparer des salines de Nauheim, dans le voisinage de Friedberg, et de faire contribuer une grande partie de la Wetteravie[29]. Le colonel Houchard fut chargé de cette commode et lucrative expédition. Il emmenait avec lui 1.500 fantassins, 1.000 cavaliers et deux batteries d'artillerie volante.

Il éprouva la bravoure hessoise dans la journée du 06 octobre. 100 hommes, commandés par le capitaine Mondorf, gardaient les salines de Nauheim. Ils résistèrent quelque temps, puis abandonnèrent l'édifice pour se retirer sur le Johannisberg, et de là sur Butzbach ; ils furent enveloppés et se rendirent après avoir épuisé leurs munitions. Le vainqueur admira le courage des vaincus ; il laissa leur épée aux officiers[30].

Houchard, que Stamm surnommait le fléau des despotes, fit vendre à Francfort et à Mayence le sel de Nauheim et courut la Wetteravie. Il ménagea les villages et leur paya ce qu'il consommait ; il faut balayer, avait dit Le Brun, tout ce qui est devant et à côté de vous le long du Rhin, en traitant les peuples avec fraternité. Les princes et les abbayes durent payer des contributions et donner des otages. Les couvents de l'électorat de Mayence, Arusburg, Ilbenstadt[31], Niederilbenstadt, Engelthal, Rockenburg, livrèrent des bœufs et des moutons en grand nombre. Le comté d'Eppstein qui appartenait à l'électeur de Mayence et au landgrave de Hesse-Darmstadt, donna de la paille, de l'avoine, de l'orge. Le Johannisberg, domaine du prince-abbé de Fulda, fut occupé, et ses foudres de vin auraient été vendus aux enchères sans l'arrivée subite des Prussiens. Wiesbaden reçut une garnison française qui désarma les habitants et leur enleva tous les fourrages. L'établissement de Selters, dont l'électeur de Trèves était propriétaire, dut payer une contribution.

Les deux princes de Nassau-Weilbourg et de Nassau-Usingen[32] avaient obtenu des lettres de sauvegarde. Houchard tira du prince de Nassau-Usingen dix mille florins, sous condition de respecter le château de Biebrich, et lui prit ses chevaux et toute l'argenterie de son château d'Idstein. J'ai des ordres, disait-il dans le salon du prince, au milieu des dames qui s'effrayaient et se trouvaient mal, j'ai des ordres, et un soldat républicain ne peut s'en départir. Custine vint en personne au château de Weilbourg, et sous prétexte que Monsieur Nassau avait eu soixante hommes dans Mayence, déclara de bonne prise l'argenterie, l'écurie et les greniers. Il invita même le pauvre prince à faire l'abandon de ses droits et prestations pécuniaires, et à donner le grand exemple[33].

Guerre aux palais ! paix aux chaumières ! Ce manifeste de la nation française était le mot d'ordre que Custine donnait à ses lieutenants, et au grand ébahissement des populations qu'émerveillaient sa fécondité et sa rage d'écrire, au milieu de ses opérations militaires et fiscales, il rédigeait proclamations sur proclamations, tantôt à l'humanité opprimée en Allemagne, tantôt aux habitants des électorats ecclésiastiques, tantôt aux soldats des puissances qui faisaient la guerre à la France, tantôt aux troupes de Hesse-Cassel.

Il avait déjà répandu par milliers une adresse de la nation française à la nation allemande. Dans ce manifeste, les Français promettaient à l'Allemagne leur appui redoutable ; ils venaient venger ses droits méconnus et a l'indigne esclavage dans lequel vivait un peuple fier et brave ; ils l'excitaient à se soulever contre les despotes : Que l'aigle allemand s'élève dans les airs ; que les soldats allemands cessent de servir l'orgueil des cours et viennent sous nos drapeaux gagner de concert victoire et liberté sur les bords du Rhin[34] ; que l'union des deux nations soit pour tous les tyrans un exemple terrible !

Custine prodigua les mêmes promesses, les mêmes exhortations dans l'Appel à l'Allemagne opprimée. Il offrait, disait-il, la fraternité, la liberté. Les despotes répétaient que le peuple n'existe que pour satisfaire leur vaine gloire et que l'or du peuple doit saturer leurs passions. Mais la France s'était armée contre ces despotes ; elle leur avait enlevé Mayence el ne l'abandonnerait pas : Je vais mettre cette ville dans l'état le plus redoutable et je jure de la défendre même contre tous les efforts de nos ennemis réunis. Puisse-t-elle devenir le boulevard de la liberté de tous les peuples de l'empire germanique ! Puissent de son sein partir les principes d'éternelle vérité ! Puisse leur évidence frapper tous les hommes courbés sous le joug de la servitude ! Pour moi, fier du beau titre de citoyen français, j'ai abjuré toutes ces distinctions qu'avait inventées l'orgueil ; la seule ambition d'un homme sage doit être de vivre dans la mémoire de ses concitoyens ![35]

Il annonçait en termes pompeux aux habitants des électorats ecclésiastiques qui soupiraient depuis si longtemps sous le joug des prêtres leur délivrance et la prochaine abolition de leurs impôts. Encore un moment, et ils éliraient eux-mêmes leurs :administrateurs et leurs pasteurs ; ils seraient â jamais délivrés de ces usurpateurs qui ne leur permettaient pas de prononcer le mot sacré de propriété et qui, au lieu d'éclairer les hommes, s'efforçaient d'éteindre eu eux les rayons de la raison[36].

Il appelait sous ses étendards les soldats étrangers et promettait à ceux qui serviraient la France, quinze kreuzer par jour — sans coups de bâton — et à ceux qui déserteraient, une pension annuelle de quarante-cinq florins et le droit de bourgeoisie. Que les alliés m'approchent, écrivait-il, ils trouveront un pays immense inondé de proclamations et d'annonces aux soldats allemands ; il en avait rempli tous les villages de la Hesse jusqu'auprès de Marbourg ; il en remplirait le Hundsrück jusqu'auprès de Coblenz et de Trèves. A l'entendre, il avait déjà fait de nombreux prosélytes et il demandait la permission de lever une légion allemande composée d'officiers excellents et de soldats qui connaîtraient parfaitement l'Empire[37].

Enfin, il essayait de gagner les Hessois en leur faisant un affreux portrait de leur landgrave. Ce prince, disait Custine, ne songeait donc pas que l'heure du jugement dernier avait sonné pour tous les tyrans, que le jour de l'affranchissement avait paru pour les peuples qu'ils aveuglaient ? Et il lançait à Guillaume IX cette apostrophe qu'il croyait écrasante : Monstre, sur lequel s'entassent depuis longtemps, comme les noirs nuages précurseurs de la tempête, la malédiction de la nation allemande, les larmes des veuves que tu laisses sans pain, le cri douloureux des orphelins que tu réduis à la misère, tes soldats abusés te livreront à la juste vengeance des Français ! Tu ne leur échapperas point par la fuite. Quel peuple au monde pourrait donner asile à un tigre tel que toi ?[38]

Custine pensait que tant de proclamations produiraient des résultats incalculables et qu'en se servant, comme il disait, de sa plume autant que de son épée, il se rendrait maitre de l'opinion. Mes proclamations dans la ville de Francfort terrassent l'aristocratie de la richesse ; celles que j'ai promulguées à Mayence et à Worms portent le coup mortel à l'aristocratie de la noblesse ; celle où je lance les foudres de l'anathème contre Guillaume, landgrave de Hesse, ce commerçant de sang humain, prépare sans secousse la liberté de tous les peuples de l'Empire ![39]

Il fut bientôt détrompé. Il se contentait de rire lorsqu'un vassal du landgrave et chambellan du roi de Prusse, Frédéric Treusch de Buttlar, le provoquait en duel, et, eu son nom, Stamm répliquait spirituellement qu'un général, sur le sol ennemi, et à la tête d'une armée, ne se bat qu'à coups de canon[40]. Mais les Hessois répondirent à la proclamation de Custine par un cri de fureur. Le landgrave, dur et avare, n'avait pas la réputation d'un bon maitre. Les outrages de l'envahisseur le rendirent populaire, et s'il avait osé profiter do l'exaspération du peuple et employer les armes révolutionnaires, il mit, organisé facilement une levée en masse. Le paysan, le pauvre Conrad, comme on le nomme en ce pays, blessé dans son orgueil national, ne pensait plus qu'à tirer vengeance de ces pouilleux de Français. Une foule de vieux soldats et de jeunes gens attendaient avec impatience l'appel de leur souverain. Dans les villages, les vétérans se faisaient instructeurs et apprenaient aux jeunes recrues à marcher en ordre et à manier le fusil. Guillaume IX, écrivait-on au Moniteur, est parvenu à persuader ses sujets que les invectives de Custine retombaient sur eux-mêmes, et ces soldats ignorants se croient armés pour leur propre cause. Le manifeste, reconnaît Forster, est insensé et a réveillé l'amour-propre, la pitié et l'honneur des Hessois. Custine lui-même mandait deux mois plus tard, non sans tristesse ni dépit : accoutumé à baiser la main qui le frappe, le peuple se met à l'adoration devant le landgrave. Peut-être Stamm ou Böhmer lui avait-il traduit la protestation vigoureuse qu'un soldat rédigeait au nom de tous les fidèles sujets de Hesse-Cassel : Tu essaies, Custine, de nous endormir par l'apparence de l'amitié et de nous rendre parjures tu prends une peine inutile nous l'attendons l'épée à la main et nous sommes résolus à mourir avec notre prince, quels que soient ses défauts, plutôt que de vivre sans gloire ![41]

Le général avait inconsidérément soulevé la population de Hesse-Cassel. Savait-il du moins se concilier les cœurs dans la Wetteravie et le reste de l'Empire ? Mais bourgeois et paysans n'accueillaient ses proclamations qu'avec un sentiment de colère et de haine. Les bourgeois s'indignaient qu'un général qui prétendait leur faire présent de la liberté et les rendre plus heureux qu'ils n'étaient, vint extorquer leurs écus eu les menaçant de l'incendie et du pillage s'ils refusaient de délier les cordons de leur bourse. Ils s'indignaient qu'un général qui débitait de si belles sentences sur le désintéressement et la générosité de sa nation, vint arracher de braves gens à leur famille et les emmener comme otages en jurant de ne les relâcher que lorsqu'il serait payé jusqu'au dernier liard. Voilà, disaient-ils, une singulière captalio benevolentiæ ![42] Rühl lui-même, Rühl, l'ami de Custine, Rühl qui s'était hâté d'approuver la contribution de Francfort, Rühl blâmait la taxe établie sur les magistrats de Worms, et lorsqu'il sut que le général voulait demander cent mille florins à la ville impériale de Friedberg, il jeta les hauts cris et déclara qu'une pareille imposition était plus qu'exorbitante ; si l'on appelait, assurait-il, d'Alger, de Tunis ou de Smyrne des marchands d'esclaves et qu'on leur vendit les habitants de cette bicoque, ils ne trouveraient pas la moitié de la somme que réclame Custine, et tous les patrons levantins, mis ensemble, emploieraient vainement leurs fouets pour la faire acquitter par ces pauvres citadins[43] ! Mais ce qui révoltait surtout la bourgeoisie allemande, c'était la contribution de Francfort. On comprenait que Custine eût enlevé les magasins de Spire ; — ces dépôts appartenaient aux Impériaux ; qu'il eût mis sur Spire et Worms une imposition de guerre ; — après tout, ces deux villes avaient donné quelque sujet de mécontentement à la nation française ; — qu'il eût conquis Mayence ; — l'Effecteur ne s'était-il pas hautement rangé du côté des alliés ? Mais on ne pouvait croire qu'il eût exigé de la ville neutre de Francfort deux millions de florins et tenté de renverser une constitution dont personne ne se plaignait. Cet acte du général français, affirme un écrivain de ce temps, a profité dix fois plus à la patrie allemande que la plus grande victoire ; il a prouvé que les nationaux se donnaient pour ce qu'ils n'étaient pas et qu'ils n'avaient inscrit dans leur constitution que des phrases pompeuses et sonores[44].

Telles étaient les dispositions de la classe bourgeoise. Quant aux paysans, s'ils voyaient avec une secrète satisfaction piller les caisses et vider les greniers de leurs baillis, ils s'irritaient des contributions imposées à leurs moines, à leurs nonnes et aux princes qu'ils aimaient. Quoi ! les Français se vantaient d'apporter l'exemple de toutes les vertus et ils n'entraient dans les couvents que pour les rançonner ! Ils menaçaient de pauvres religieuses d'incendier leur maison, si elles ne faisaient l'abandon de leur mince pécule[45] ! Malgré les sauvegardes qu'ils avaient données, ils entraient dans Idstein et dans Weilbourg le sabre au poing et l'injure à la bouche, et ils mettaient à sac la demeure des bons princes de Nassau ! Outrés de colère, les jeunes gens d'Idstein se jetaient aux pieds de Charles-Guillaume de Nassau-Usingen, lui juraient un fidèle attachement et lui demandaient avec instances la permission de tirer sur les Français[46].

Enfin, les paysans eux-mêmes n'étaient pas épargnés. Custine recommandait de les ménager, mais il ne pouvait, être partout ni mettre chacun à l'abri de la rapacité du soldat ou du caprice de l'administration. Il y eut des cultivateurs qui furent maltraités ; d'autres à qui des fourrageurs prirent comme paille des gerbes encore chargées de grains ; d'autres qui ne reçurent pas leur salaire. Durant sept à huit jours, des gens de la contrée réquisitionnés par le commissariat des guerres, enlevèrent le sel emmagasiné dans les salines de Nauheim et le transportèrent à Francfort et à Mayence ; on avait annoncé qu'on les paierait comptant ; ils n'obtinrent pas un kreuzer, et nombre d'entre eux perdirent leurs chevaux dans la boue des chemins ou firent une dépense ruineuse. Après avoir promis aux paysans l'abolition de la corvée, on les traitait comme des sujets corvéables ! Le peuple des campagnes se mit à maudire Custine avec tous les Français et à dire que la guerre pesait autant sur les chaumières que sur les palais. Custine, écrivaient plus tard les jacobins de Strasbourg, s'est contenté de faire des courses pour enlever les chevaux et l'argenterie des petits princes et comtes ; les déprédations et la ; cupidité de ses agents devaient faire détester aux Allemands une révolution qui les dépouillait de leurs propriétés et les exposait aux vexations les plus tyranniques[47].

La Révolution française, à ses débuts, avait rempli l'Allemagne d'admiration. Il n'est pas, dit un de nos officiers, un être pensant dans ce pays qui ne fit pour elle des vœux publics ou secrets[48]. Les plus grands esprits la saluèrent avec transport. Klopstock la nommait la plus grande action du siècle, Gœthe décernait à Paris le titre de capitale du monde, Stäudlin célébrait les fils sublimes de la Gaule tombés à la bataille de Jemappes[49], et que de jeunes Allemands, entraînés par la fougue de leur fige, passèrent le Rhin pour assister et aider au triomphe des idées nouvelles ! Dès les premiers jours de l'entrée des Français en Allemagne, trois étudiants de l'académie de Stuttgart venaient exprès à Spire pour voir le général et l'armée d'une nation dont les principes et l'énergie faisaient l'espoir des autres peuples[50]. Les Français n'étaient plus les Franzosen ; on les nommait Franken ou Neufranken, les Francs, les nouveaux Francs, comme pour les distinguer des anciens Francs ou Altfranken, c'est-à-dire des Français d'avant 1789, des partisans de l'ancien régime, des émigrés. C'était une nouvelle France qui naissait, une France régénérée, résolue à faire le bonheur de l'humanité, à détruire les abris, à ruiner les préjugés, à réaliser l'idéal[51]. Un instant, on crut que les prédictions de Brissot allaient se vérifier : Quand les Allemands, avait dit le girondin, verront notre armée déployer au. milieu d'eux le drapeau tricolore, quand ils la verront protéger les propriétés au lieu de les dévaster, acheter leurs denrées au lieu de les piller, ils couvriront les Français de bénédictions, au lieu de s'irriter contre eux ; il exaltait à l'avance les volontaires nationaux, ces libérateurs du genre humain, qui s'avanceraient triomphalement à travers l'Allemagne, montrant à tous un visage ouvert et amical, serrant la main à toue, promettant à tous la fin de leurs misères, et son imagination enflammée se représentait les deux peuples jurant sur les étendards de la liberté qu'ils seraient frères à jamais[52]. L'antipathie, le dégoût, la haine remplacèrent peu à peu l'enthousiasme, et insensiblement se refroidit l'ardeur de liberté, se rompit le charme. Custine fut le principal auteur de ce désenchantement. On reconnaissait la discipline de ses soldats et leur bonne conduite. On louait les ordres que Neuvinger avait donnés à sa division, de ne rien prendre sans une juste rétribution et d'honorer le nom français eu respectant les propriétés[53]. On s'étonnait même que les gardes nationales commissent si peu d'excès et que des gens ramassés en hâte et au hasard, sortis de toutes les classes de la société et qui, depuis trois ans, vivaient dans les tumultes et dans une sorte de vertige, eussent encore des façons aimables et les agréments de la politesse française[54]. Mais la contribution dont Custine frappa la ville impériale de Francfort, ses incursions dans la Wetteravie, sa conduite envers les princes de Nassau, son manifeste aux Hessois aliénèrent les esprits. Nos ennemis, déclare un agent français, lui ont la plus grande obligation d'avoir dégoûté les peuples de l'Allemagne de la fièvre révolutionnaire[55].

Un Allemand publia, dans les premiers mois de l'année suivante, un gros pamphlet sur les exploits de Custine. Les Franzosen, avaient reparu en Allemagne ; ils prenaient un masque, faisaient patte de velours, et se nommaient les Neufrauken ; mais c'étaient toujours les ennemis héréditaires, les Erbfeinde, qui causaient tant de maux à l'Allemagne et laissaient partout des traces de leur cruauté, de leur perfidie, de leur insupportable orgueil ; c'étaient les mêmes qui pillaient Spire et Worms un siècle auparavant, qui commettaient tant de ravages à Heidelberg et dans le pays d'alentour, qui réduisaient pendant la guerre de Sept-Ans un si grand nombre de familles à la mendicité ; ces républicains étaient les e frères n des soldats de Louis XIV. Custine avait beau dire ; il ne venait eu Allemagne que pour remplir sa bourse et faire le métier de voleur. Les Français s'imaginaient qu'ils étaient des héros parce qu'ils plantaient un arbre de liberté et disaient aux peuples : nous sommes libres et vous êtes esclaves ; nous vous faisons libres et égaux ; ces chevaliers errants de la liberté n'étaient que des charlatans grossiers qui ne connaissaient pas le caractère allemand[56].

Le deuxième, remontant plus haut encore, disait que les nouveaux Francs étaient toujours ces anciens Francs que Vopiscus accusait de mauvaise foi et de parjure : de même que leurs ancêtres, ils jouaient avec les serments ; ils renversaient le souverain qu'ils avaient juré de conserver ; ils ne tenaient jamais leur parole ; ils ne donnaient des sauvegardes que pour les violer ; leur général Custine n'était qu'un bandit, un Räuber[57].

M. de Custine, disait un troisième, a traité de turc à maure les Francfortois qui ne l'avaient pas offensé. Les philosophes de Paris l'ont chargé de faire la guerre aux palais ; il la fait aux caves, aux greniers et aux cassettes ![58]

Celui-ci écrivait à la Convention que Custine et son paladin Stamm ne faisaient que hâbler, piaffer et diffamer les souverains. Le général était un grand seigneur qui ne pensait qu'à s'amuser dans son palais de Mayence où il buvait à longs traits le vieux vin du Rhin. Il sortait quelquefois pour se promener au dehors ; mais il aurait mieux fait de rester dans sa douce inaction. e Il a imposé Francfort qui gardait une complète neutralité, de la façon la plus brutale et la plus imprudente ; sa conduite à Usingen et à Weilbourg, lui a ôté toute considération ; on ne voit plus en lui qu'un partisan, un autre Luckner, plus propre au pillage qu'à la guerre[59].

Celui-là assurait que les Français, ennemis jurés de l'Allemagne dans tous les temps, revenaient, plus que jamais avides de sang et de butin ; ils ont été nos plus implacables adversaires, ils nous ont enlevé mainte belle contrée plus par leurs négociations astucieuses que par leurs armes, ils viennent aujourd'hui détruire la constitution de l'Empire ![60]

Girtanner rappelait le dicton gens gallica, gens perfida et comparait les Français au jeune homme décrit par Horace. C'étaient toujours les mêmes grands enfants, légers, étourdis, imprévoyants, épris de tous les plaisirs, dévorant la vie, incapables de supporter l'ennui et de s'occuper longtemps d'une seule et même chose, inconstants, volages, sourds à tous les avertissements, n'agissant que par boutades, prodigues, présomptueux. En Français, écrit Girtanner, est toujours amoureux de sa propre personne ; il se regarde comme le favori de la nature et se croit fait pour être le maitre du monde ; personne ne dit aussi souvent que lui un homme comme moi. De là ce ton d'assurance et de fierté, cette façon hardie de prétendre à tout et de tout revendiquer, cette confiance extraordinaire dans ses forces. Ce peuple voulait, à l'heure actuelle, conquérir le monde, et sûrement il échouerait ; mais, au lieu de désespérer et de se faire des reproches, il chanterait on ne s'avise jamais de tout ; rien ne peut l'émouvoir profondément ; il ne prend rien au sérieux ; tout lui est jeu et chanson[61].

Le patriotisme allemand commençait à naître. Dans son curieux Journal de la prise et de la reconquête de Francfort, Ihlee prophétisait l'éveil prochain de l'esprit national, et alors, ajoutait-il, malheur à Custine et à ses hordes ! La masse des Français ne pourrait soutenir la lutte contre les guerriers nés et exercés de l'Allemagne ! L'anonyme défenseur de l'ancienne constitution mayençaise fait les mêmes prédictions ; il affirme que l'Allemagne peut lever plus de volontaires que la France, que les princes apprennent à connaître le bourgeois et le paysan, qu'ils secouent leur sommeil et rassemblent leurs peuples pour défendre la liberté allemande[62].

Les journalistes, les écrivains, les professeurs, les étudiants[63], gardèrent au fond du cœur le culte de la Révolution et comprirent qu'elle était nécessaire, qu'elle venait inévitablement et comme fatalement renouveler les choses humaines. Les hommes instruits, a dit un officier républicain, étaient enthousiastes de bonne foi de nos principes, qui, malgré les tous, et les intrigants, et les brigands qui eu ont abusé, sont d'éternelles vérités[64]. Mais le peuple se prit à détester les Français, comme autrefois. Jamais, écrivait le représentant Couturier, vous ne devez compter sur la loyauté de ce pays ; les rançons et les pillages énormes nous ont rendus odieux à jamais[65]. Custine vit les habitants servir parfaitement les Prussiens et devenir leurs espions. On est loin, mandait son fils, de se faire une idée de l'acharnement des paysans de tout le Rheingau, de Nassau et de la Hesse contre nous ; partout même esprit et même conduite ; et cependant les Français les paient et les traitent bien ! Lorsque nos chasseurs se laissaient surprendre dans un village, la population s'armait de fourches et se joignait aux hussards prussiens ou hessois. Des bourgeois offraient de guider nos détachements et les menaient droit dans une embuscade. Malgré la discipline du soldat, avoue Custine, et les grands ménagements dont ou avait usé, j'ai vu ces serfs imbéciles, abrutis par l'esclavage, prendre le parti de leurs despotes et dire qu'on pouvait bien les traiter avec rigueur, les dépouiller, mais non leurs maîtres ! Et que deviendrons-nous, s'écriaient-ils, si l'on ruine nos souverains seigneurs ?[66]

 

III. En s'établissant à Francfort, au cœur de l'Empire, Custine ne voulait pas seulement taxer l'Allemagne, lever des contributions immenses, rassembler de considérables approvisionnements par des razzias en tous sens. Il comptait porter un coup mortel à l'Autriche. Le 23 octobre, il ordonnait à Neuvinger d'enlever ou de détruire les magasins que les Autrichiens avaient établis dans la ville impériale de Heilbronn, de parcourir avec la plus grande célérité les trente lieues qui séparent Heilbronn de Francfort, de transporter au besoin ses soldats sur des chariots ; si Neuvinger rencontrait en route les Impériaux sortis de Mayence, il leur livrerait combat et les exterminerait, car des prisonniers ne pourraient que l'embarrasser. Du succès de cette entreprise, disait Custine, dépendait la ruine des Autrichiens, et, pour faciliter l'opération, il priait Biron de retenir Esterhazy dans le Brisgau en faisant vers Huningue les plus vives démonstrations et en jetant un pont sur le Rhin. Neuvinger craignit sans doute de risquer une pointe si hardie, et Custine, se ravisant, préféra délivrer une sauvegarde à l'évêque de Spire, moyennant cent mille écus en espèces sonnantes qui lui servirent à payer la solde de ses troupes[67].

Mais n'était-ce pas une grande faute d'aller à Francfort ? Au lieu de rançonner la Wetteravie, Custine aurait dû descendre le Rhin. Bien ne lui était plus aisé que de couler rapidement sur Coblenz et sur Trèves[68]. Coblenz tremblait, Coblenz attendait les carmagnoles, et le 26 octobre, pendant que la garnison tréviroise, composée de quelques vieux invalides déjà saisis de frayeur et incapables de résistance, se réfugiait à Ehrenbreitstein sur la rive droite du fleuve, pendant que des centaines de paysans se hâtaient de détruire quelques ouvrages de défense pour ôter aux Français tout prétexte d'hostilités, le syndic Lasaulx portait au quartier-général de Mayence les clefs de la ville[69]. Les Prussiens n'avouaient-ils pas qu'une fois Custine à Coblenz, ils se rejetteraient en Westphalie ? Et s'il était trop tard pour courir à Coblenz avec la plus grande partie de son armée, Custine ne pouvait-il envoyer une avant-garde qui aurait le temps de prendre Ehrenbreitstein, de faire main-basse sur les magasins ou de les livrer aux flammes[70] ?

Par malheur, il s'imagina qu'il n'avait pas assez de monde. Il s'est plaint à moi, écrivait Desportes, qu'il n'a que 8.000 hommes pour garder ses conquêtes et tenir la campagne ; qu'on le renforce, au nom du ciel, qu'on le renforce ! Custine hésita donc ; il n'osa disséminer ses troupes et les envoyer vers le nord, par les deux rives du Rhin, sur une si grande étendue de territoire ; l'opération, disait-il, l'avait un instant et de prime abord bien tenté ; mais après réflexion, il la traita de folie : Je n'ai pas assez de monde, répétait-il, pour occuper tant de pays[71].

Il préférait laisser cette tache à Kellermann. Ce dernier suivait alors les Prussiens dans leur retraite sur Verdun et Longwy. Custine le pria d'adosser l'armée du Centre[72] à l'armée des Vosges, de descendre la Moselle par Thionville et de pousser jusqu'à Coblenz. Se porter sur la Sarre, la passer à Consarbrück ou à Sarrebourg dans le Sarregau, arriver à Trèves avant les ennemis, s'emparer d'Ehrenbreitstein, la clef de la basse Allemagne, ainsi que de la petite forteresse hessoise de Rheinfels, telle devait être, suivant Custine, la besogne, d'ailleurs facile, de Kellermann. Quant à lui, une fois qu'il aurait assuré la tête de pont de Mayence, reçu les renforts qu'il attendait d'Alsace et recouvré les troupes qu'il avait prêtées à Kellermann dans les derniers jours du mois d'août, il comptait balayer — sans doute dès le 15 novembre — la rive droite du Rhin et menacer l'Autriche antérieure[73]. Il forçait ainsi les Impériaux d'évacuer la Belgique pour venir au secours du Brisgau et il espérait que la moitié d'entre eux resterait dans les boues ; maître d'Ehrenbreitstein, de Trarbach et de Rheinfels, je pourrai, après avoir pris Hanau, entrer dans la Haute-Allemagne ; les Autrichiens qui sont en Flandre, près d'être totalement coupés, abandonneront les Pays-Bas et ne retourneront dans les états héréditaires que par lambeaux'[74].

Mais Kellermann se croyait naïvement diplomate. Il s'imaginait que les Prussiens désiraient se détacher de l'Autriche ; il leur proposait la paix, leur offrait une alliance perpétuelle et voyait, disait-il, infiniment de dispositions d'une pacification générale et même d'un traité particulier avec eux. Déjà, pour entamer une négociation et faire le traité, il demandait des commissaires de la Convention et surtout Fabre d'Églantine[75]. Il eût mieux fait de refouler vigoureusement les Prussiens l'épée dans les reins. A la frontière du Luxembourg comme à la sortie des défilés de l'Argonne, Brunswick, Kalkreuth, Lucchesini amusaient les Français par de belles paroles, et, au lieu d'accabler l'adversaire, on le ménageait, on lui faisait un pont d'or, on ne voyait plus en lui que le futur allié[76] !

Kellermann ne songeait donc nullement à pénétrer dans la vallée de la Moselle et à couper aux Prussiens le chemin de Trèves. Il jugeait sa besogne finie et réclamait le bâton de maréchal de France. Vainement le ministre de la guerre et le Conseil exécutif lui ordonnaient d'entrer sans retard en Allemagne, de masquer la place de Luxembourg pour la prendre au printemps, de ne plus s'arrêter à des négociations et de ne penser qu'aux opérations militaires, bref d'agir comme agissait Custine, comme agissait Dumouriez dont l'armée faisait des marches aussi pénibles que l'armée de la Moselle, éprouvait plus de pertes, plus de privations encore, et pourtant, alerte, résolue, confiante, allait conquérir les Pays-Bas autrichiens et remporter au grand étonnement de l'Europe la victoire de Jemappes. Hâtez-vous, répétait le ministre, de vous porter sur Trèves et Coblenz, les peuples vous attendent, vos succès vous conteront peu, il est indispensable que vous secondiez Custine et ne laissiez aucun repos à des ennemis qui pourront se réunir pour l'accabler. Vainement Dumouriez ne cessait de dire que Kellermann devait attaquer Trèves, municipaliser les électorats, faire par la Moselle jusqu'à Coblenz ce que Custine avait fait par le Rhin jusqu'à Mayence, mettre plus de vigueur et d'activité dans la poursuite, donner un coup de collier. Vainement Custine remontrait que les obstacles qu'alléguait Kellermann, n'étaient pas insurmontables ; que, si le ciel répandait ses cataractes sur les Français, il n'épargnait pas les Prussiens et délayait leurs chemins ; qu'on ne saurait mieux pourvoir aux besoins d'une armée qu'en la menant sur le territoire ennemi ; que le pays de Coblenz est bien meilleur que celui de Trèves, et que la forteresse d'Ehrenbreitstein qui serait occupée sans obstacle, donnerait la faculté de vivre pendant l'hiver aux dépens de la rive droite du Rhin[77]. Les officiers prussiens ne disaient-ils pas que l'armée de la Moselle n'avait qu'à s'avancer aussitôt par la Sarre pour les forcer à marcher de Luxembourg sur Cologne par un long détour ? Le duc de Brunswick ne craignit-il pas un instant que Kellermann ne vînt se poster à Taverne et lui barrer la route de Trèves ? Au risque de décourager son armée, n'envoyait-il pas sa vaisselle d'argent à Brunswick en lui faisant prendre le chemin de Wesel[78] ?

L'obstination de Kellermann égalait sa vanité. Il refusa de pousser en avant. Son armée, disait-il, était harassée ; elle manquait de toutes choses, de vêtements, de chaussures ; elle ne comptait que 18.000 hommes depuis que Valence Pavait quittée pour rejoindre Dumouriez, et elle avait devant elle 50.000 Austro-Prussiens ! Pouvait-il avec de pareilles forces, espérer de prendre Trèves et Coblenz ? Non ; il voulait reposer ses troupes, les réparer et les rafraîchir, les renforcer, les équiper de la tête aux pieds, et il ne les mettrait en mouvement qu'au mois de janvier. S'il fallait faire une campagne d'hiver, janvier était la seule saison favorable aux grands coups ; si Custine, ajoutait-il, ne peut tenir Mayence, qu'il l'abandonne ; nous le reprendrons aussi facilement qu'il l'a pris, et en même temps nous prendrons Trèves et Coblenz. Au fond, il craignait, en se portant sur Trèves et Coblenz, de recevoir les ordres de Custine et de se mettre sous un commandement qu'il jugeait, non sans raison, dur et insupportable.

Custine s'emporta. Je l'avoue, s'écriait-il, il est dégoûtant de voir manquer la fin de la plus belle campagne ! Il ne se borna pas à dire au ministre que Kellermann faisait preuve d'une insigne stupidité, que ses lettres étaient vides de sens et d'idées, qu'il avait permis aux Prussiens de se retirer sans même engager une seule affaire d'arrière-garde. Il ne se contenta pas de demander que l'armée de la Moselle fût mise en d'autres mains ; je ne saurais trop, disait-il, insister sur la destitution de Kellermann ; il me faut, à cette armée, un homme qui ait toute ma confiance, et il proposait l'homme le plus militaire qu'il connût, Félix Wimpffen, le défenseur de Thionville, qu'on nommait alors Léonidas-Wimpffen. Il envoya au président de la Convention une lettre qui dénonçait Kellermann et le couvrait des plus sanglantes injures. Kellermann, assurait Custine, n'avait montré qu'irréflexion, impéritie, incapacité, nullité, lâcheté ; sa correspondance prouvait une basse jalousie et une orgueilleuse ivresse du commandement ; il était indigne du nom de général et méritait un juste châtiment ; le glaive des lois devait s'appesantir sur quiconque négligerait de porter le coup mortel aux ennemis de la République[79] !

Cette lettre lit grand bruit. Elle affligea les bons citoyens. Quel chagrin, écrivait un journaliste, pour ceux qui désirent la paix, l'union et cette intelligence si nécessaire dans nos opérations ! Biron n'hésita pas à blâmer Custine ; il n'excusait pas les coupables retards de Kellermann ; mais pourquoi soulever un scandaleux procès ? Pourquoi donner à la France cc triste spectacle de la désunion des généraux ? Pourquoi montrer à l'Europe que le concert si important pour la gloire des armes françaises n'existait pas ? Beauharnais adressait à Custine les mêmes reproches : ces dissentiments, disait-il, faisaient la joie des ennemis ; ils ruinaient la confiance publique, et bientôt des anarchistes se lèveraient pour déclarer que pas un seul général ne devait titre exempté de la proscription ! Desportes qui naguère nommait Custine son héros, le désapprouvait hautement ; avait-on jamais entendu une dénonciation plus insensée, plus incivique ; avait-on jamais vu un général se donner tant de louanges et prodiguer si libéralement les injures à un collègue[80] ?

Kellermann répliqua que Custine avait dicté sa dénonciation dans un accès de folie ou de vin[81]. Mais, s'il était, selon le mot de Jean De Bry, l'homme du 20 septembre, Custine était le vainqueur de Spire et le conquérant de Mayence ; il se déclarait tranquille, assuré de l'avenir ; il répondait des événements : qu'on nous défasse seulement de l'imbécile Kellermann, et tout ira le mieux possible. Le Conseil exécutif manda Kellermann à Paris. En vain, à cet instant, ce dernier annonça que son armée s'ébranlait, qu'elle se portait des hauteurs de Sarrelouis sur Merzig. Sa brusque marche, comme disait Biron, étonnait autant que ses lenteurs. Quoi ! après avoir si souvent objecté qu'un long repos était indispensable à ses troupes, il se remettait tout à coup en mouvement, et cela, sans donner aucun éclaircissement, sans entrer dans le moindre détail ! Le 5 novembre, le Conseil exécutif le remplaça par Beurnonville qui commandait l'avant-garde de Dumouriez à l'armée de la Belgique et qui dut marcher le plus tôt possible pour concourir à l'expédition de Custine[82].

Les succès de Custine, tambourinés par la presse, avaient ébloui était le général en vogue. Tous les journaux le félicitaient à l'envi de marcher si lestement, si crânement et avec une impétuosité si française, de frapper tant de coups hardis, de prendre comme d'un revers de main le boulevard de l'Allemagne, de flageller les trois fois nobles Germains. Les jacobins le préféraient à Dumouriez dont ils pénétraient l'ambition et redoutaient la dangereuse puissance. Le crédit de Custine ne les alarmait pas ; malgré ses allures hautaines, le général Moustache n'avait rien d'un dictateur ; il paraissait obéissant, docile, empressé ; il demandait à la Convention des commissaires, entre autres Rühl et Reubell, pour juger ses actes et administrer le pays rhénan ; il parlait la langue emphatique des clubs ; il savait exploiter les vaincus ; les révolutionnaires ardents, lisons-nous dans le Tableau historique, voyaient en lui le seul homme capable de conquérir l'Allemagne, d'y pomper le numéraire par des contributions et d'y répandre leurs principes. Longtemps encore on devait l'appeler l'écueil des Allemands et quelques-uns de ses officiers proposaient de lui donner le surnom de Germanique[83].

Lui-même était enivré. Il vantait son activité, sa prudence, son intégrité : e mon caractère est austère ; je n'ai rien fait légèrement, au milieu du tourbillon qui m'entraine s, et il disait superbement : e mes antichambres sont pleines de conseillers intimes de tous les princes de l'Empire, d'estafettes arrivant de quarante et trente lieues, apportant des dépêches de la part de ces messieurs. Commençant ma journée à cinq heures du matin, la finissant à dix heures du soir, sans prendre un instant de distraction, sans avoir même libre le moment de nies repas, je suis obligé de laisser des montagnes de lettres sans réponse, dix personnes écrivant jour et nuit dans mes bureaux ! Il réclamait son salaire. Après Spire, il mandait à Paris qu'il espérait un degré d'influence qu'il croyait mériter, et le jour même où Mayence capitulait, il priait le ministre de lui assigner d'une manière précise le commandement qui lui était donné afin qu'il pût compter sur ses propres forces, et les porter enfin sans entraves défensivement et offensivement partout où le demandaient la sûreté et la gloire de l'armée[84].

Mais Pache hésitait à faire de Biron le lieutenant de Custine. Il usa d'un biais. Le 5 novembre, il écrivit à Biron qu'on le voyait avec plaisir seconder Custine et contribuer au succès des armes de la République ; vous ferez, ajoutait-il, partir vos troupes dès le moment que Custine, le jugera convenable. Biron comprit ; il répondit que toutes ses troupes seraient désormais aux ordres de Custine et que cette disposition du ministre ne lui causait aucune humeur. Sa lettre fut communiquée à la Convention et publiée dans les gazettes ; l'assemblée et les journaux applaudirent à tant de bonne grâce et célébrèrent cette rare abnégation. Mais en réalité Biron était piqué, piqué de la conduite de Pache, piqué surtout du ton dédaigneux que Custine prenait envers lui. J'aime Biron, avait écrit Custine au ministre, j'aime sa bonhomie dans le commerce ordinaire de la vie, mais ne l'avais-je pas primé par les services, par l'âge, et, j'ose dire, par les connaissances et même par le caractère ? Et, cavalièrement, brutalement, sans se souvenir des égards que Biron avait eus pour lui et de ses ménagements délicats, il lui disait : vous êtes arrivé pour me commander ; je vous avais commandé jusque-là ; je reprends mon rôle ! Biron déclara qu'il n'était plus responsable de la sûreté de l'Alsace et qu'il attendait son successeur. Le 16 décembre, il fut nommé général de l'armée du Var et remplacé par Deprez-Crassier[85].

Jusqu'alors Custine avait signé simplement ses proclamations et sauvegardes le citoyen général Custine. Après la décision du ministre, il se qualifia de citoyen français, général commandant en chef les armées de la République française sur le haut et bas Rhin, au centre de l'Empire et en Allemagne[86]. Il joignit bientôt à ce titre fastueux celui de général en chef de l'armée de la Moselle : on mit sous ses ordres le successeur de Kellermann ; il eut pouvoir de diriger la marche et de dicter les mouvements de Beurnonville. Militairement, la mesure était excellente. L'armée de la Moselle n'agissait-elle pas sur le revers des Vosges ? Ses opérations n'étaient-elles pas inséparables des opérations de l'armée qui agissait de l'autre côté des montagnes ? Et par suite, les deux armées ne devaient-elles pas avoir un seul et même chef ?

Le nouveau généralissime usa sur-le-champ de sa double autorité. Biron reçut l'ordre d'envoyer à Mayence tout ce qu'il avait de troupes, plus de 15.000 hommes qui furent tirés des garnisons de l'Alsace, de Strasbourg, de Neufbrisach, de Huningue, de Belfort et de la division de Porrentruy[87]. Beurnonville dut exécuter l'opération que Kellermann avait refusé d'entreprendre : établir tout d'abord une communication avec les avant-postes de Custine à Kreuznach, puis marcher sur Trèves et de là sur Trarbach où s'effectuerait la jonction des armées ; une fois réunis, les deux généraux se rendraient maîtres de Rheinfels ainsi que de Coblenz ; alors, disait Custine, nous entrerons dans l'Empire et prendrons Hanau ; de là, nous développant et marchant vers les points où se trouvent les belles routes, nous irons combattre les Autrichiens en prenant le Brisgau à revers, et derechef il jurait de faire en Allemagne une révolution qui détruirait ces tigres ; c'était le seul parti à prendre pour obtenir une paix durable[88].

Dumouriez devait, lui aussi, seconder les armées de la Moselle et des Vosges. Qu'il suive la Meuse, s'écriait Custine, qu'il serre les ennemis par sa droite, qu'il vienne me donner la main par Cologne et Bonn, pendant que Valence ira bloquer Luxembourg, et nous terminerons la campagne I Pache soutenait Custine. Je ne saurais, lui mandait-il, qu'approuver l'ensemble et le but de vos opérations. Il ordonna que Dumouriez repousserait les Autrichiens jusqu'au Rhin ; tout devait se mettre en mouvement ; tout devait concourir au plan de Custine, à ce plan digne du peuple français ; toutes les armées agiraient eu même temps ; elles n'avaient qu'à s'avancer et à conquérir ; quelques semaines de vigueur, et le Rhin servirait de barrière à la France contre le despotisme[89] !

Le vainqueur de Jemappes jugeait les choses plus froidement, plus sainement que Custine et que Pache. Il trouvait que Kellermann avait été puni sévèrement et comme il l'avait mérité ; mais il blâmait Custine. Ce dernier, selon lui, ne connaissait que l'action physique de la guerre ; il en ignorait l'action morale et les résultats politiques. Il avait eu raison de prendre Spire, Worms, Mayence et les bords du Rhin où Prussiens, Autrichiens, émigrés avaient établi leurs magasins ; mais aller à Francfort, s'enfoncer dans la Wetteravie, pousser une pointe sur Marbourg sans se saisir de Coblenz et s'assurer du cours du Rhin, c'était agir contre toutes les règles de la prudence, c'était faire une guerre aventurière et ruineuse ; c'était rattacher à l'Autriche pour leur propre intérêt, pour leur propre sûreté, pour leur propre vengeance les princes allemands qu'on devait ménager. Nous ne savons plus, disait Dumouriez, ni où nous irons, ni comment nous en reviendrons. A son avis, Custine aurait donc dû s'emparer de Coblenz ; il ne l'avait pas fait, mais il pouvait encore repasser le Rhin, après avoir jeté dans Mayence une garnison suffisante, se joindre à Beurnonville, prendre Trèves, et peut-être assiéger les Prussiens dans Coblenz. Pour lui, Dumouriez, il exécuterait les ordres du ministre, il marcherait sur Cologne ; mais devait-il envoyer Valence à Luxembourg, au commencement de l'hiver, par les affreux défilés des Ardennes, à travers un pays où les subsistances étaient rares et les charrois impossibles ? Enfin, les bureaux de la guerre avaient entravé ses mouvements : on lui donnait un Bousin comme ordonnateur ; il ne recevait ni argent ni fourrages ; ses bataillons de volontaires subissaient une diminution attrayante ; les troupes qu'il gardait encore, étaient sans capotes, sans culottes, sans bas de laine, sans souliers ; les Belges, déjà mécontents, s'agitaient et refusaient de se soumettre au système français[90].

Vache répondit que Dumouriez devait pousser jusqu'au Rhin. Le général obéit : son avant-garde entra dans Aix-la-Chapelle et coiffa d'un bonnet rouge la statue de Charlemagne ; lui-même allait se porter sur Dusseldorf, et Valence sur Cologne. Mais au même instant, il apprenait que Custine, était très compromis et que Beurnonville avait échoué devant Trèves.

 

 

 



[1] Custine au président de la Convention, 26 oct. 1792 ; la ville et la chambre impériale de Wetzlar à Custine, 22 oct. (A. G.) ; Kaulek, Papiers de Barthélemy, I, 411 ; Vivenot, Quellen, II, 311.

[2] Desportes à Le Brun, 28 oct. 17J2 ; Custine au président de la Convention, 23 oct. (A. G.).

[3] Custine à Biron, 21 oct. ; à Pache et au président de la Convention, 24 oct. ; à Le Brun, 20 oct. ; cf. Desportes à Custine, 22 oct. et 1er nov. (A. G.).

[4] L'auteur du Mémoire sur Custine par un témoin oculaire fait observer avec raison que si Francfort avait voulu se défendre, la marche ordonnée par Custine était maladroitement calculée, puisqu'une des deux colonnes arriva douze heures avant l'autre (Journal de la Montagne, 5 juillet 1793).

[5] Ihlee, 22-23 (renferme à peu près tous les documents) ; Gœthe, Lettre du 23 août 1797. Custine voulait également se saisir des fonds qui appartenaient au roi de Prusse et qui avaient été déposés chez le banquier Willemer ; mais les fonds n'étaient plus là. (Kriegk, Deutsche Kulturbilder aus dem XVIII Jahrh., 1874, p. 210.)

[6] Le Sénat ou Rath s'élisait lui-même. Il comptait quarante-trois membres, tous bourgeois et fils de bourgeois de Francfort, devant prouver qu'ils n'avaient pas besoin de vivre du public. Il se divisait en trois bancs : le premier banc composé de quatorze échevins ou Schöffen et du maire ou Schultheiss choisi parmi les échevins à la fois par l'élection et par le sort ; le deuxième, de quatorze conseillers ; le troisième et le plus bas, de quatorze artisans (deux bouchers, deus forgerons, deux boulangers, deux cordonniers, un jardinier, un pelletier, us tanneur, un pêcheur et deux autres bourgeois honorables exerçant un métier quelconque), Les deux premiers bancs fournissaient chaque année les deux bourgmestres et n'étaient occupés que par les membres des maisons patriciennes de Limbourg et de Frauenstein, ainsi que par les gradués (docteurs et licenciés en droit) et pur quelques marchands considérés.

[7] Mém. présenté à la Convention avec les pièces justificatives ; Baulieu, Relation exacte de l'affaire des Francfortois, 4-5 ; Moniteur, 16, 23, 24 nov. 1792 ; R(omain), II, 258 ; cf. Rittweger, Cüstine in Frankfurt, 1867.

[8] Mém. à la Conv., pièces 4-5 ; Mainzer Zeitung, 25 oct. 1792.

[9] Les meurtres des maisons ou sociétés de Limbourg et de Frauenstein descendaient des anciennes familles aristocratiques. Ils devaient, sans se mêler d'aucun négoce, vivre de leurs rentes et de leurs biens, ne s'allier qu'à des maisons nobles. Ils étaient exempts de certaines charges, ne logeaient pas les gens de guerre, ne montaient pas la garde. La maison de Limbourg ou d'Alt-Limburg comprenait les Holzhausen, Glauburg, Humbracht, Stallburg, Lersner, Günderode, Wunderer, Baur d'Eyseneck, Hohenstein, Adlerflycht et Zigesar ; elle avait droit à quatorze places sur les deux premiers bancs du Sénat. La maison de Frauenstein ou de Braunenfels qui venait après celle de Limbourg, se composait des familles suivantes : Bienenthal, Barkhaus dit Wiesenhüten, Fleischbein de Kleeberg, Grambs, Hevden, Klettenberg, Lanterbach, Loen, Ohlenschlager, Schneider, Uffenbach ; six de ses membres pouvaient siéger au Sénat.

[10] Cf. J.-A. Moritz, Versuch einer Einleitung in die Staatsverfassung derer oberrheinischen Reichsstädte. I. Reichsstadt Frankfurt, 1785. En somme, dit Moritz (I, 322), le Magistrat de Francfort gouverne la chose publique et se compose des plus notables de la bourgeoisie... il n'est pas lié en toutes circonstances au consentement de la bourgeoisie, et lorsqu'il ne peut prendre seul une résolution, ce n'est pas chaque bourgeois, ce n'est pas chaque tribu qui dit alors son mot, mais certains collèges dont les membres ne sont pas élus par tous les bourgeois... le gouvernement de Francfort est une aristocratie tempérée.

[11] Moniteur, 5 nov. 1792. Cette lettre fut ainsi appréciée par le Journal de la Montagne (9 juillet 1793). Custine se rend à Francfort et avec son ton ordinaire, ce ton tranchant d'un homme plein de vanité qui croit que lui seul voit bien et que tout le reste des hommes n'y voit goutte, il écrit à la Convention qu'on s'est trompé sur les dispositions de Francfort, qu'il y a été, et n'a entendu qu'un cri : nous voulons être libres et Français !

[12] Die Bürger von Frankfurt an den frânkischen Bürger und General Herrn Cüstine, 5 nov. 1792 ; cf. Chronique de Paris, 30 nov. 1792.

[13] Zuruf eines deutschen Bürger an den Führer der Franzosen (Ihlee, 26-40) ; voir également la lettre du maitre serrurier Jean-Philippe Auerbech à Dorsch, id., 129-135.

[14] Il n'en est pas, dit Legrand dans une note inédite (A. G.), de la fortune des négociants comme de la fortune d'un courtisan ou d'un prélat. Ces derniers n'ont que de beaux hôtels richement meublés et des biens-fonds ; si on les dépouille de ces propriétés, elles ne font que changer de mains et. la masse du peuple n'y prend qu'un intérêt médiocre. Il n'en est pas de même des capitaux qu'on enlève à des commerçants et dont la privation, mime momentanée, laisse sans ouvrage et par conséquent sans pain, une roule considérable de pauvres artisans qui, dans une ville comme Francfort, forment l'immense majorité du peuple.

[15] Le Moniteur imprime le négociant Legros !

[16] Proclamations du 24 et du 27 oct. aux citoyens de Francfort, du 25 aux conseillers du peuple, du 28 aux magistrats.

[17] Mém. à la Conv., p. 11-12. Custine, dit Eickemeyer dans une note inédite (A. G.), aurait mieux fait de dire aux Francfortois : Vous n'êtes pas en état de soutenir votre neutralité, de fermer vos portes aux ennemis des Français, d'empêcher qu'ils ne se servent de votre artillerie contre moi. Optez donc si je dois en faire usage pour la défense de votre ville ou la mettre en lieu sûr afin de ne pas vous exposer aux calamités d'un siège. Ma propre sûreté exige cette mesure, et vous pouvez être assurés que votre artillerie vous sera rendue à la paix. Qui aurait pu blâmer Custine ? Mais, à voir sa conduite envers Francfort, il semble que la sûreté de l'armée lui importait moins que d'attraper de l'argent.

[18] Ihlee, 50 ; Die alter Franzosen, 122 ; cf. Gesch., 99.

[19] Catoire, Bethmann-Hollweg, Gontard, Schweizer, Jean-Élie Ehrmann, Brentano, le juif Speyer : Willemer avait été arrêté à la place de Catoire, mais il était agent de la Prusse et fut relâché le lendemain.

[20] Ce second million qui formait la somme de 2.181.818 livres (y compris les 300.000 livres précédemment payées) ne fut jamais donné, puisque les Prussiens reprirent Francfort le 2 décembre 1792. En réalité, le Magistrat versa 1.991.005 livres 16, 2 (état du 20 nov., signé Hébert, A. G.).

[21] Rühl à la Convention (A. N. c. 241).

[22] Ihlee, 66 et 100 ; Baulieu, 8-9 ; Gorani, Nouvelle pétition à la Convention, 24 janv. 1793, p. 2 : Custine a eu le chagrin humiliant de voir cette hostilité désapprouvée par ses compagnons d'armes.

[23] Cf. Marc Monnier, Un aventurier italien, 1885, p. 203.

[24] François Wimpffen à la Convention, 30 nov. 1792 (A. G.).

[25] Desportes à Le Brun, 25 oct., et Le Brun à Desportes, 2 nov. 1792 (A. E.). Le gazetier de Francfort, disait Desportes, a parlé en termes peu décents de la Révolution ; mais il fallait le promener par la ville sur un âne avec sa feuille aristocratique derrière le dos, et le forcer ensuite d'insérer cet article dans sa gazette.

[26] Moniteur, 24 nov. et 4 déc. 1792. On reprocha même à Custine d'avoir donné des lettres de sauvegarde à la Chambre de Wetzlar, au lieu de lui imposer une contribution, et, pour se justifier, Custine déclara très étrangement qu'il avait voulu sauver de la destruction les titres, documents et registres qui prouvaient l'iniquité de ce tribunal : c'était là que les peuples et les individus lésés iraient chercher la preuve du brigandage durit ils avaient été les victimes ! Custine à Pache, 19 nov. A. G.).

[27] Le lieutenant-colonel Schaal la fit capituler le 25 octobre. La garnison, composée de vingt-huit hommes que commandait le capitaine Fuchs, obtint les mêmes conditions que celle de Mayence.

[28] Ditfurth, Die Hessen in den Feldzagen in der Champagne, am Maine und Rheine, 1881, p. 13 ; Valentini, 11-16 ; Mirabeau, De la monarchie prussienne, VI, 204 ; Le duc de Richelieu, Saint-Pétersbourg, 1887, p. 128 ; Dampmartin, Quelques traits de la vie privée de Frédéric-Guillaume II, 1871, p. 105 ; Eickemeyer, 162 ; Gesch., 105.

[29] Ce pays fertile doit son nom à la Wetter, affluent de la Nidda. Il s'étend du Taunus aux froides et hautes montagnes du Vogelsberg et comprenait, outre la vite impériale de Friedberg, les domaines de la maison de Nassau, une partie de Hesse-Darmstadt (bailliages d'Ulrichstein, Schotten, Nidda, Rossbach, Butzbach, Kleeberg, Hüttenberg, Königsberg), la principauté de Hesse-Hombourg (Hombourg vor der Höhe), le comté de Hanau-Münzenberg (Hanau, Berges, Bockenheim, Vilbel, Nauheim, Münzenberg, Gelnhausen, etc.) qui appartenait à Hesse-Cassel, les terres des diverses branches de la maison de Solms (Braunfels, Hohensolms, Laubach, Rödelheim), le comté de Königstein dont étaient seigneurs l'électeur de Mayence et la maison de Stolberg, la plus grande partie du haut comté d'Isenbourg. On sait que les comtes et seigneurs de l'Empire se partageaient en quatre collèges, Wetteravie, Souabe, Franconie et Westphalie ; le collège des comtes de Wetteravie comptait parmi ses membres, tous protestants : les comtes de Solms, d'Ysenbourg, de Stolberg, de Wittgenstein, de Linange, les rhingraves, Hanau, Nassau-Sarrebrück, Usingen et Weilbourg.

[30] Ditfurth, Die Hessen, 150-153, et Tableau historique, II, 163.

[31] On imposa pour une somme de 150.000 livres l'abbaye d'Ilbenstadt qui ne put donner sur-le-champ que 3.500 livres ; deux religieux et le syndic furent emmenés comme otages à Landau (le syndic Englert à Custine, 18 déc. 1792, A. G.).

[32] Il y avait plusieurs Nassau. I. Dans le cercle de Westphalie : 1° Nassau-Dietz ; 2° Nassau-Siegen ; 3° Nassau-Dillenbourg ; 4° Nassau-Hadamar. II. Dans le cercle du Haut-Rhin : 1° Nassau-Weilbourg qui possédait le comté de Nassau-Weilbourg (bailliages de Weilbourg, Weilmünster, Löbnberg, Mehrenberg, Kleeberg, Hüttenberg, Glerberg.), la seigneurie de Kirehheim et Stauff (Kirchbeim-Bolanden, Göllheim, etc.), le bailliage d'Alsenz, au tiers du comté de Saarwerden et de la prévôté de Herbitzheim ; 2° Nassau-Sarrebrück-Usingen qui possédait la seigneurie d'Idstein, les bailliages d'Usingen, Weben, Burg-Schwalbach, Kirchherg et les grands bailliages de Wiesbaden (Wiesbaden, Mosbach, Biebrich) et de Lahr ; 3° Nassau-Sarrebrück-Sarrebrück qui possédait le comté de Sarrebruck, la seigneurie d'Otteweiler, les deux tiers du comté de Saarwerden et de la prévôté de Herbitzheim, les bailliages de Hombourg et de Jugenheim.

[33] Cf. Le Brun à Custine, 20 oct. 1792 ; Custine à Biron, 12 et 14 nov. ; Note de Legrand (A. G.) ; Klein, 223-231 ; Die alten Feuszosen, 156-164 ; Minerva, VII, 405-423 (Histor. Nachrichten von dem Einfalt der Franz. in Weilburg, par le conseiller Medicus) ; Etat du 20 novembre, remis à la caisse du payeur : vente de vin et blé à Eppstein, 7.000 l. ; contrib. d'Ilbenstadt, 3.545 l. 8 ; d'Arnsburg, 4.080 l. ; d'Engelthal, 9.544 l. 3.7 ; d'Obernoffen, 226 l. 10.6 ; du receveur de Windecken, 853 l. 73.3 ; de celui de Franzhausen, 451 l. 77.2 ; du prince de Nassau-Usinger, 3.280 l. 1.7 ; vente de chevaux, 372 l. 70,3 ; vente de grains et paille à Ilmestheim, 5.925 l. ; ventes du sel de Naubeim, 1.783 l. 13.1 ; 9.818 l. 3.7 et 19.998 l. ; vente de bœufs, 877 l. ; contrib. de la poste de Mayence, 7.510 l. 9.10 ; contrib. de la caisse électorale de Limbourg, 17.454 l. 77.3.

[34] Die französische Nation an die deutsche (Ihlee, 63-64).

[35] Proclamation du 23 oct. 1792 distribuée sous le titre Aufruf an die gedrückte Mensekkeit in Deutschland ou an das gedrückte Volk teutscher Nation.

[36] Mainzer Zeitung, 5 nov. 1792.

[37] Custine à Pache, 21 oct., et à Biron, 30 oct. 1792 (A. G.).

[38] Moniteur, 29 oct. et 9 nov. 1792 ; Ihlee, 70-71 ; Brissot avait déjà nommé le landgrave ce marchand de chair humaine (discours aux jacobins, 30 déc. 1791) et Blanier l'appelait le boucher de Cassel (16 déc. 1792, à Le Brun. A. E.). Il est, disait le Moniteur du 16 juillet, toujours constant dans son noble métier, et le même journal le qualifie de féroce (29 nov. et 20 déc.) et de farouche assassin (18 déc. 1793). Le 1er décembre 1793, il annonce que le landgrave envoie aux Pays-Bas quelques ballots de marchandises c'est-à-dire six mille hommes ou héros de magasin qu'il vend à l'Angleterre trois guinées la pièce l'un dans l'autre. Stamm allait dire du landgrave, dans son fameux récit de la Frankfurter Adventfeier, qu'à l'honneur de l'humanité, il aurait mérité depuis longtemps d'être banni de son sein.

[39] Courrier des départements, 6 nov. 1792, et Custine à Le Brun, 28 oct. (A. G.).

[40] Mainzer Zeitung, 19 nov. 1702 (lettre de Buttlar, 9 nov. et de Stamm, 16 nov. ; cf. les deux lettres dans la Chronique de Paris, 12 déc.). Trois jours plus tard, Stamm, croyant que le landgrave avait mis à prix la tête de Custine, écrivait une lettre à Guillaume IX : Vous êtes marchand d'hommes et vous offrez 6.000 carolins pour l'article Custine. Donnez-mol seulement 3.000 carolins et je vous livre Custine, son armée, son artillerie et moi-même devant les portes de Hanau où vous n'aurez que la peine de les prendre.

[41] Moniteur, 20 nov. 1792 ; Forster, VI, 406-407 ; Die alten Fanz., 144-149 ; Ueber die Verf. von Mainz, 8, note ; Ditfurth, 154-162 ; Custine à Pache, 5 janv. 1793 (A. G.) ; Reclama der Hessen auf das Proclama des neufränhischen Bürgers und Generals Custine, Hanau, 28 oct. 1792 ; cf. une lettre de Charles-Auguste de Weimar à Knebel (Liter. Nachlass, de Knebel, 1810, I, 177) et (Girtanner), Die Franz. am Rheinstrome, I, 51. Lorsqu'Achille dit à Agamemnon : tu as l'œil envieux d'un chien et le cœur timide d'un chevreuil, il tient le même langage ; mais il avait un motif plus grave puisqu'Agamemnon lui soufflait la belle Briseis ; Custine est tellement épris de lui, de sa gloire, du prix de la liberté — qu'il ne doute pas un moment que les Flessois enverront leur maitre au diable pour combattre sous ses ordres.

[42] Die Franzosen as Rheinstrome, 30.

[43] A. N., c. 241.

[44] Gesch., 93-97.

[45] Mémoire sur Custine par un témoin oculaire, Journal de la Montagne, 9 juillet 1793.

[46] Mémoire sur Custine par un témoin oculaire, Journal de la Montagne, 9 juillet 1793. Déposition de Lemaire au procès de Custine (Moniteur, 26 août 1793) cette opération indisposa beaucoup les habitants du pays contre la nation française. Cf. Die alten Franzosen, 163 ; Revolutions-Almanach, 1794, p. 158 ; Wenck, Deutschland vor hundert Jahren, II, 1890, p. 73.

[47] Mémoire sur Custine par un témoin oculaire, Journal de la Montagne, 9 juillet (mémoire sur Custine par un témoin oculaire) et 15 juillet 1793 (adresse des jacobins de Strasbourg à la Convention). Cf. dans le n° du 11 juillet la conclusion du mémoire du témoin oculaire on dirait que Custine n'a été en Allemagne que pour faire aux habitants un cours de haine et de diffamation contre le France, pour éloigner à jamais de nous ces peuples bons et généreux ; nous avons acheté leur aversion : ils nous aimaient auparavant et nous abhorrent maintenant. Voir aussi Gesch., 104.

[48] Note de Legrand (A. G.).

[49] Mainzer Zeitung, 13 décembre 1792.

[50] Moniteur, 16 oct. 1792.

[51] Cf. sur ce mot de Neufranken les Briefe eines preussischen Augenzeugen über den Feldzug des Herzogs von Braunschweig, 1793, I, 55 (par la Révolution, dit-il, les nouveaux Francs ont détruit les usurpations des anciens Francs) ; il nomme aussi les Français Neugallier (IV, 6). Voir Metternich, der Bürgerfreund, n° 1, 26 oct. 1792, et (Girtanner) Die Franz. am Rheinstrome, 1. En mars 1793, les commissaires français disaient à Kirchheim, dans le comté de Linange, qu'ils n'étaient pas (les Franzosen, comme au temps de Louis XIV qui avait ravagé le Palatinat et qu'ils rougissaient de ce nom ; nous nous appelons Francs (Remling, I, 274).

[52] Discours aux jacobins, 30 déc. 1791, tiré à part, p. 9-11.

[53] Ihlee, 40, 68, 72-73 ; cf. une lettre de la mère de Gœthe (1er janvier 1793) les officiers seraient morts de faim plutôt que d'exiger quelque chose et Preuss. Augenzeuge, IV, 9.

[54] (Girtanner), Die Franzosen am Rheinstrome, 46-47 et 49.

[55] Témoignage de Simon (procès de Custine, Moniteur, 28 août 1793) et Forster, VI, 405 (les Français agissent, comme les clubistes, planlos und widersinnig).

[56] Die alten Franaosen in Deutschland hinter der neufeitukiselien Mashe verschlimmert oder Cüstin's Heldenthaten, p. 2-4, 20, 141-142.

[57] Ueber die Verfassung von Mainz, 43 (daté du 24 novembre 1792) ; l'auteur anonyme prononce cette phrase remarquable : bientôt de l'anarchie sortira un dictateur, soutenu par les sans-culottes, et il donnera des lois despotiques à la France.

[58] Sur Custine et Mayence, par un citoyen manqué, p. 4.

[59] Marcus Anckerford, d'Upsal, à la Convention (déc. 1792, A. G.).

[60] Ein Geschenk für alle brave deutsche Soldaten, insbesondere für die Sachsen, 1793, p. 11 et 18.

[61] Die Franzosen am Rheinstrome, 187-211.

[62] Ihlee, 94 ; cf. 46, 68, 77, 125 ses assertions sur les Francfortois qui restent allemands, deutsh und treu, et dont la postérité louera le patriotisme allemand, la Deutschheit ; voir aussi Ueber die Verf. von Mainz, 41 et les innombrables pamphlets de l'époque.

[63] Ceux qu'on nommait les Gelehrten ; cf. la préface des Alte Franz. in Deutschland et les adjurations de l'auteur à cette classe d'hommes qu'il regarde comme imbue d'idées révolutionnaires.

[64] Note de Legrand (A. G.).

[65] Couturier à Pache, 18 janvier 1793 (A. G.).

[66] Custine à Pache, 1er et 11 déc. 1792 ; Custine fils à Le Brun, 6 déc. 1792 (A. G.). Le 21 décembre, le général écrivait à Pache : Je vois des tyrans que le peuple abhorrait lui devenir intéressants, lorsqu'on fait porter sur eux seuls le poids de la guerre. Ce peuple ignorant s'écrie que c'est une injustice de les traiter ainsi. Il va jusqu'à désirer de porter les charges de préférence à les voir supporter aux princes.

[67] Custine à Neuvinger, 23 oct. 1792 (A. G.) ; cf. son procès, Moniteur, 23, 25, 29 août 1793 et surtout la déposition de Wedekind (c'est Wedekind que le journal qualifie de témoin, médecin à l'hôpital militaire de Strasbourg.). Voir dans Remling, II, 459, la sauvegarde accordée aux établissements de l'évêché de Spire.

[68] Beurnonville à Pache, 17 déc. 1792 (A. G.).

[69] Mainzer Zeitung, 30 oct. 1792.

[70] Die alten Franz., 22 ; Belag., 75 ; Eickemeyer, Denkw., 160 ; Soult, Mém., 1854, I, 10-11.

[71] Desportes à Le Brun, 1er nov. 1792 (A. E.) ; Custine à Biron, 8 nov. 1792 (A. G.) ; procès (Moniteur, 20 août 1793).

[72] Qu'on allait nommer et qu'on nommera désormais dans ce récit armée de la Moselle.

[73] L'Autriche antérieure comprenait trois parties : 1° le Brisgau (avec Fribourg pour capitale et résidence de la Régence et de la Chambre des comptes ; villes principales : Vieux-Brisach, Villingen, Neuenburg. Waldkirch) et les quatre villes forestières, Laufenbourg, Rheinfelden, Séchingen et Waldsbut ; 2° la Souabe autrichienne (marquisat de Burgau, landgraviat de Nellenbourg — avec Stokach pour chef-lieu — préfecture impériale d'Altdorf et de Ravensburg, comté de Hobenberg, ville de Constance) ; 3° les seigneuries du Vorarlberg (comtés de Feldkirch, Bregenz, Bludens, Sonneberg).

[74] Custine à Biron, 23 oct. 1792 ; à Pache et à la Convention, 24 oct. ; à Kellermann, 16 oct. et 25 oct. ; à Pache, 4 nov. (A. G.).

[75] Vivenot, Quellen, II, 297 ; Robinet, Le Procès des dantonistes, 1879, p. 531-532.

[76] Cf. notre Retraite de Brunswick et ajouter ces deux importants témoignages : C'est pour la deuxième fois, écrit Beurnonville à Pache le 14 déc. 1791, qu'on leur fait grâce, je dirai comment quand on le voudra, et ils n'en paraissent pas plus disposés à la reconnaissance. Clavière, de son côté, mande à Custine le 5 décembre : J'ai très bien remarqué un esprit de ménagement pour le roi de Prusse qui a influé sur les mouvements de l'année que Kellermann commandait. Ou n'a pas placé ce prince au rang d'un ennemi odieux ; ou n'a pas pu se séparer comme il fallait de l'idée de traiter avec lui ; de là les dispositions à lui faire un pont d'or. Elles me frappèrent dans le temps, jusque-là même qu'on justifiait d'inconcevables ménagements en disant qu'il fallait lui laisser des forces, puisqu'il allait devenir notre ami ! (A. G.)

[77] Cf. la correspondance du ministre et des généraux dans les derniers jours d'octobre et les premiers jours de novembre (A. G.).

[78] Massenbach, Mém., 1809, I, 128 et 186.

[79] Custine à Pache, 29 oct., 2 et 4 nov. (A. G.) ; Moniteur du 5 et du 7 nov. 1792.

[80] Courrier des départements, 5 nov. 1792 (Cf. Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 174, p. 300 : Custine et Kellermann n'attaquent plus les ennemis actuellement ; ils se canonnent entre eux par lettres) ; Biron et Beauharnais à Custine, 1er et 6 nov. (A. G.) : Desportes à Le Brun, 12 nov. (A. E.).

[81] Lorsqu'il lut cette réponse de Kellermann, Custine se leva de sa chaise précipitamment et, donnant un grand coup de poing sur la table : Sacré j... f..., dit-il, il faudra qu'il porte sa tête sur l'échafaud ou que j'y porte la mienne. (Note de Legrand, A. G.)

[82] Custine au Comité extraordinaire de la Convention, 4 nov. 1792 ; Biron à Custine et à Pache, 5 et 6 nov. ; Pache à Biron, 5 nov. (A. G.) ; Rec. Aulard, I, 223.

[83] Courrier des départements, 11 oct., et Chronique de Paris, 20 nov. 1752 ; Custine au président de la Convention, 25 oct. 1702 (A. G.) ; Tableau historique, II, 154 ; Annales patriotiques, 12 juin 1793.

[84] Custine à Pache, 13 et 19 nov. 1792, à Biron, 30 oct. Cf. ses lettres du 11 et du 21 octobre. Après Spire, et quoiqu'il fût toujours aux ordres de Biron, il le nommait citoyen mon camarade ; après Mayence mon cher collègue, et il ne daigna pas l'informer aussitôt de sa conquête ; le courrier, lui écrivait Biron le 22 octobre, était chargé de lettres pour tout le monde, excepté pour moi ; il est vraiment indécent que ce soit par le public que nous apprenions des nouvelles l'un de l'autre.

[85] Pache à Biron, 5 nov. et 16 déc. ; Biron à Pache, 9 et 15 nov., à Custine, 9 et 11 nov. 1792 (A. G.).

[86] Sic. Cf. Ihlee, 199 (sauvegarde du 23 nov. 1792). C'est Beurnonville qui juge ce titre fastueux, et l'auteur du Sendschreibeb an den getreuen Schildknappen Stamm dit ironiquement que Custine s'est nommé une fois, dans un accès d'humeur cromwellienne, commandant au centre de l'Empire ; Dieu merci il était encore sur la frontière et cherchait sur la carte le chemin de Hanau.

[87] État des troupes tirées de l'armée du Rhin pour renforcer Custine, signé Beauharnais, 21 nov. 1792 (A. G.) ; en tout 15.517 hommes.

[88] Custine à Beurnonville, 17 et 22 nov., à Pache, 17 nov. 1792 (A. G.).

[89] Pache à Custine, 24 nov. 1752 (A. G.), et Correspondance de Dumouriez avec Pache, 152.

[90] Cf. Jemappes, passim ; Correspondance de Dumouriez avec Pache, 68-69, 172, 230 ; Rochambeau, Mém., 1824, I, 433.