LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

LA TRAHISON DE DUMOURIEZ

 

CHAPITRE IV. — LE COLONEL MACK.

 

 

I. Desseins secrets de Dumouriez. Plan de restauration. — II. Le Comité de défense générale et la lettre du 12 mars. Danton et Delacroix à Louvain. Lettre du 20 mars. L'entourage du général. Valence. Le duc de Chartres, Miranda mandé à la barre. — III. Entrevue d'Ath. — IV. Evacuation de la Belgique et de la Hollande. Entrevue de Tournai : Dubuisson, Proli, Pereyra. Entretien de Dumouriez et de Goguet. — V. Les commissaires à Lille. Leur correspondance avec le général. La retraite terminée.

 

I. La France, Paris, l'Assemblée applaudirent aux conquêtes de Dumouriez en Hollande. Barbaroux écrivait qu'une nouvelle carrière s'ouvrait à sa gloire[1]. Bancal le voyait déjà dans Amsterdam[2]. La Montagne, toujours en réserve et en garde contre lui, cherchait néanmoins à se l'attacher et lui faisait des avances. Danton et Robespierre s'unissaient pour louer son génie et disaient, presque dans les mêmes termes, que son intérêt personnel était attaché au succès des armes françaises et à la splendeur de la République. Dans la séance du 12 mars, une députation de la section Poissonnière somma la Convention de mettre Dumouriez et son état-major en accusation. Delacroix, Barère, Marat prirent la défense du général. La République, s'écriait Delacroix, saura un jour ce qu'elle lui doit de reconnaissance ! Barère glorifiait le vainqueur de l'Argonne et de Jemappes : dans une république, le roc Tarpéien touchait au Capitole, mais Dumouriez n'était monté qu'au Capitole, et la roche Tarpéienne attendait ses dénonciateurs. Marat déclarait que Dumouriez était lié au salut public par ses propres victoires et que le mettre en accusation, c'était ouvrir aux ennemis les portes de la France. Le même jour, aux Jacobins, Billaud-Varennes, Desfieux, Jeanbon Saint-André rendaient à Dumouriez le même hommage chaleureux : Billaud assurait qu'il n'était pas homme à trahir et à se couvrir d'infamie ; Desfieux, qu'il se comportait bien et avait besoin de confiance ; Saint-André, que la malveillance seule excitait les soupçons qui l'entouraient[3].

La Gironde renchérissait sur la Montagne. Isnard rappelait dans la séance du 12 mars que Dumouriez avait sauvé la République dans les plaines de Champagne et qu'il faisait pâlir les puissances du nord. L'organe des brissotins, le Patriote français, revendiquait Dumouriez, le proclamait Girondin. La faction, disait Girey-Dupré, croit par d'indignes flagorneries mettre dans son parti un homme qu'elle craint ; elle le flatte, mais Dumouriez ne mêlera pas ses lauriers avec les cyprès des anarchistes ; il aime la gloire, il ne voudra point partager leur infamie ; il aime la patrie, il ne voudra pas la perdre pour eux, il la sauvera avec les républicains[4].

Mais Dumouriez s'était juré d'abattre la République. Ses démêlés avec Pache et Cambon, les outrages impunis de Marat, les violences des commissaires en Belgique, tout l'avait outré, tout le dégoûtait d'un régime qui n'était plus à ses yeux qu'un régime d'incohérence et d'anarchie. Dès le 13 décembre 1792, il traitait la Convention de tribunal inquisitorial et traçait un hideux tableau de la République : on encourageait les dénonciations ; personne n'était sûr de son état ; un agent public se voyait enlever fonctions et honneurs avant de passer en jugement ; on vivait dans un temps de proscription, de démence et de méchanceté, aux siècles de Tibère et de Néron[5].

Un instant, il avait cru que la France éblouie se jetterait dans ses bras, et il rêva la dictature. La Sonde et Noël étaient dans la confidence. Il me semble, lui mandait Noël le 11 janvier 1793, que tous les bons citoyens, sans idolâtrie pour un homme, doivent avoir un grand penchant à se ranger avec celui sans qui la France serait divisée en provinces autrichiennes et prussiennes ; c'est à Sainte-Menehould, c'est à Jemappes que l'empire a été sauvé ; le héros de Grandpré et de Mons vaut, à mon sens, les Marat et les Brissot[6].

Il comprit bientôt qu'il ne pourrait se rendre souverain, se pousser aussi haut que César ou Cromwell. Il n'avait pas fasciné l'opinion ; il se sentait environné de défiances, surveillé de près par les Jacobins, et instinctivement, il comprenait que la France n'était pas dans une de ces crises où une nation en détresse attend son salut d'un soldat heureux.

Fait pour la vie des cours, convaincu que la monarchie était le seul régime sous lequel il pourrait tout mener et tout diriger, certain d'être le connétable de la royauté nouvelle, Dumouriez devint dans le secret de son cœur contre-révolutionnaire. Les ministres, les députés le voyaient avec joie s'enfoncer en Hollande. L'expédition, disait Le Brun, offrant à ce génie brûlant et dévoré du besoin d'agir une longue perspective de combinaisons et de combats, le rendra plus indifférent sur les événements de la Belgique et nous le ramènera, ne serait-ce que par insouciance. Les commissaires de la Convention le rencontrèrent à Bruges et à Anvers ; il ne respirait que la guerre et leur assura même qu'il ferait exécuter, quoiqu'à contre-cœur, le décret du 15 décembre. Mais un mot les inquiéta. Ils refusaient de dîner avec lui : Eh bien ! leur dit Dumouriez en riant, je vous invite à Amsterdam, mais à condition que vous ne viendrez pas en commissaires ; je neveux en Hollande ni décret du 15, ni commissaires de la Convention, ni commissaires nationaux, ni clubs[7].

Il avait fait, en effet, son plan de restauration, et ce plan dépendait de la conquête des Provinces-Unies. Il voulait incorporer dans ses troupes de ligne les bataillons hollandais qui seraient fort aises de l'avoir pour général. Puis il entrait dans la Belgique, la délivrait de ses tyrans conventionnaux et du décret du 15, et ralliant les levées belges, il repoussait les Autrichiens sur l'autre rive du Rhin. Il formait alors une république des dix-sept provinces, ou bien il unissait les Belges et les Bataves par une alliance offensive et défensive, et, à la tête d'une armée innombrable et invincible, il marchait sur Paris pour détruire la République, rétablir en France une loi et un roi, dicter la paix à l'Europe[8].

L'expédition de Hollande avorta, et Dumouriez revint en Belgique, grinçant des dents, frémissant de rage, exhalant l'invective contre la République. Son projet, écrit Meillan, avait échoué ; il s'irrita, se porta aux dernières extrémités[9].

 

II. La lettre du 12 mars était donc une déclaration de guerre à la Convention. Cette lettre que les contemporains jugèrent très forte et que Delacroix et Albitte qualifiaient de dictatoriale, fut remise le 11 mars à Bréard qui présidait la Convention en l'absence de Gensonné. Mais Bréard n'ose la lire publiquement et la porte au Comité de défense générale. Un vif débat s'engage ; Barère et Robespierre demandent qu'elle soit communiquée à l'assemblée. Mais Delacroix s'oppose de toutes ses forces à la lecture. Si j'étais président, dit-il, je ne balancerais pas à garder la lettre ; dès que la Convention en aura connaissance, elle portera contre Dumouriez un décret d'accusation, et j'aime mieux que ma tête tombe que celle du général. Danton appuie énergiquement Delacroix et s'écrie que Dumouriez a perdu la tête en politique ; mais qu'il conserve tous ses talents militaires. — Il faut pourtant examiner sa conduite, interrompt Robespierre. — Il faut même l'arrêter, insinue Barère. — Non, reprend Danton, nous ne devons prendre aucune mesure contre lui, tant qu'il est en présence des ennemis et dirige la retraite de l'armée. Mais nous pouvons lui dépêcher un de ses amis, Gensonné, Guadet ; nous pouvons, pour lui ôter tout soupçon, lui envoyer des commissaires qui seront pris dans les deux partis de la Convention. Ou nous le guérirons momentanément, ou nous le garroterons. Le Comité de défense approuva Danton et le chargea, ainsi que Delacroix, de se rendre auprès du général. Je réponds, dit Danton en partant, de le faire rétracter avant huit jours ou de vous l'amener pieds et poings liés[10].

Danton et Delacroix virent Dumouriez à Louvain dans la nuit du 20 au 21 mars et s'entretinrent avec lui jusqu'à trois heures du matin. Ils le conjurèrent de rétracter sa lettre et mirent dans toute cette négociation beaucoup d'esprit et de cajolerie. Il consentit seulement à écrire au président de la Convention un billet de six lignes qui, sans être décisif, semblait annoncer une rétractation prochaine : les circonstances pouvaient modifier les mesures qu'il proposait dans sa lettre du 12 mars, et il priait la Convention de surseoir à tout rapport jusqu'à ce qu'elle eût reçu le résultat de ses conférences avec les commissaires. Danton et Delacroix revinrent à Bruxelles dans la matinée du 21 mars. Danton prit le chemin de Paris ; Delacroix se rendit à Lille pour assister à la retraite de l'armée et mander les événements à son ami[11].

Dumouriez ne s'abusait pas sur le sort qui l'attendait. On ne pouvait pour l'instant se passer de ses services, mais on se promettait de sévir contre lui[12]. Chépy jurait de le dénoncera la fin de la campagne[13]. Albitte déclarait qu'une fois sa lettre publiée, il serait mis en état d'accusation[14] et Prudhomme, qu'il faudrait éplucher sa conduite[15]. Les Annales patriotiques le menaçaient ouvertement : il nous présente aux Belges comme des spoliateurs, et sacrifie la dignité nationale au désir d'acquérir une grande influence personnelle ; une victoire complète ne dispensera pas de l'examen ni de l'improbation[16]. Lui-même avouait qu'il ne s'étonnerait pas d'être traduit à la barre, et de la barre à l'échafaud il n'aurait fait qu'un pas[17]. A diverses reprises les commissaires nationaux l'entendirent s'écrier pendant son séjour à Bruxelles : Je sauverai la République et ensuite j'irai porter ma tête sous le glaive des lois ![18]

Mais il n'avait nulle envie de s'offrir au glaive des lois, et lorsqu'il livrait bataille le 18 mars, il voulait non seulement sauver la Belgique, mais sauver sa propre vie. Battre les Autrichiens, c'était battre les Jacobins. Son armée victorieuse, grossie des bataillons belges et bataves, ferait la loi à la Convention[19].

Il fut vaincu, et deux fois vaincu, à Neerwinden et à Louvain. Mais sa défaite le confirma dans ses desseins. Certain de ne pas trouver grâce et d'être bientôt proscrit, il disait tout haut qu'il ne remettrait jamais les pieds en France[20]. C'était le meilleur parti. Au lieu de passer la frontière et de marcher sur Paris en rebelle, il aurait dû donner sa démission et quitter l'armée[21]. Il aima mieux tenter le destin une fois encore. Il a, écrivait le perspicace Metternich-Winnebourg, le désir de jouer un rôle et s'il éprouve des revers, il fera la contre-révolution[22]. Persuadé que le sort de la guerre était fixé désormais, que la République touchait à sa ruine et que tôt ou tard les alliés entreraient à Paris, Dumouriez voulut prendre les devants, et, selon l'expression de Fersen, se sauver de la chute générale et faire oublier ses torts par un grand service[23].

Huit mois auparavant, Lafayette qu'il appelait alors un petit Sylla, avait essayé de se révolter contre l'assemblée et de sauver la royauté. Dumouriez comptait être plus heureux que Lafayette. Il saurait obtenir la neutralité des Impériaux et, sûr de n'être pas attaqué sur ses derrières, triompher des Jacobins et restaurer la monarchie constitutionnelle.

L'idée d'un pacte avec les ennemis, même avec ceux qu'il avait nommés les barbares Autrichiens, était devenue familière à son esprit. Que de fois des émissaires lui avaient proposé le rôle de Coriolan ! Pendant la campagne de l'Argonne, le baron de Breteuil et le comte de Moustier le sollicitaient en secret[24]. Tout récemment Breteuil et Mercy projetaient de négocier sa défection. N'était-il pas la pierre angulaire de l'édifice révolutionnaire ? Ne devait-on pas se débarrasser à tout prix d'un adversaire qui électrisait les hordes de la France ? En échange d'une amnistie pour lui et les siens, d'une somme considérable, d'un grand commandement militaire, d'une brillante ambassade, il consentirait peut-être à livrer une ou deux places ou à se laisser faire prisonnier de guerre[25]. Fersen forgeait un plan semblable : Dumouriez, acheté par l'entremise de Talleyrand, aurait remis à l'Autriche les deux princes d'Orléans, Chartres et Montpensier, qu'elle eût échangés contre la famille royale. Comme beaucoup de ses contemporains, Fersen croyait que les révolutionnaires appartenaient à la faction d'Orléans, que le grand mouvement de 1789 n'était qu'une conspiration de Philippe-Egalité, et que Danton et ses amis s'empresseraient de délivrer la reine pour sauver leurs princes[26].

Mais Dumouriez était trop habile pour prêter l'oreille aux ouvertures des émigrés. Il voulait, de même que l'année précédente en Champagne, traiter directement et sans intermédiaire aucun, sans les bons offices d'un Heymann, et il n'avait nullement, comme croyaient Breteuil et Fersen, l'idée de mettre sur le trône Philippe-Égalité ou le duc de Chartres. Il méprisait Philippe-Égalité et le regardait comme un scélérat[27]. Il aimait le duc de Chartres ; celui-là, disait-il, ne ressemble en rien à son père ; mais il savait que l'Autriche et la Prusse ne reconnaîtraient d'autre roi que Louis XVII.

Les officiers qui formaient son entourage, approuvaient ses desseins. Presque tous regrettaient la royauté et en souhaitaient le retour. Il comptait sur Marassé, Ruault, Vouillers, Neuilly, Dumas de Saint-Marcel. Ses aides-de-camp et adjudants-généraux, Devaux, Montjoye, Arnaudin, lui étaient tout dévoués. Le maréchal de camp Berneron faisait vœu de le suivre. Un autre maréchal de camp, un des meilleurs officiers de l'armée, M. de Bannes, déclarait qu'on avait besoin d'un roi et qu'on l'aurait bientôt[28].

Le chef de l'état-major, Jacques Thouvenot, ne cachait pas son aversion pour la Montagne. C'est un homme dangereux, écrivait Ronsin, et qui n'a pas l'âme républicaine ; il dénigre la majesté du peuple, invective contre le Conseil exécutif, s'indigne contre le décret du 15 décembre[29].

Valence, si ardemment républicain, Valence qui applaudissait la journée du 10 août et la proposait en exemple aux nations, Valence ne parlait plus de la Révolution qu'avec amertume. Elle se propagera par l'exemple du bonheur, disait-il à Le Brun, mais elle doit le donner. Il était fatigué des querelles honteuses d'une assemblée qui devait donner une constitution à la France. Enfin, il ne présageait plus que malheur et jugeait tout désespéré. N'était-on pas épuisé avant d'ouvrir la campagne ? Savait-on même si l'on aurait des armes ? La guerre qu'on avait déclarée au monde entier, ne s'enflammait-elle pas sur les frontières mêmes[30] ?

Comme Valence, le duc de Chartres, d'ailleurs entièrement subjugué par Dumouriez, croyait la France réduite aux derniers abois. Il mandait à son père que son couleur de rose était changé dans le noir le plus profond. Il accusait la Convention de ruiner le pays : Je vois la liberté perdue, je vois la guerre civile allumée, je vois des armées innombrables fondre de tous côtés sur notre malheureuse patrie, et je ne vois pas d'armée à leur opposer. Nos troupes de ligne sont presque détruites ; les bataillons les plus forts sont de 400 hommes. Le brave régiment de Deux-Ponts (le 99e) est de 450 hommes et il ne leur vient pas de recrues ; tout va dans les volontaires et dans les nouveaux corps. En outre, le décret qui a assimilé les troupes de ligne aux volontaires, les a animés les uns contre les autres. Les volontaires désertent et fuient de toutes parts ; on ne peut pas les arrêter, et la Convention croit qu'avec de tels soldats elle peut faire la guerre à tout l'Europe ! Je vous assure que, pour peu que ceci dure, elle en sera bientôt détrompée. Dans quel abîme elle a précipité la France ![31]

Un seul officier-général, Miranda, ne s'attacherait pas à la fortune de Dumouriez. Ce dernier avait cru d'abord qu'il pouvait se fier entièrement à son cher Péruvien. Miranda épousait sa querelle contre Pache et Hassenfratz ; il écrivait en sa faveur à Petion ; il s'affligeait avec lui des maux qui agitaient et troublaient la pauvre République ; il envoyait bien des compliments à Thouvenot, à Devaux, même à notre cher Baptiste[32]. Mais Miranda se piquait d'aimer la liberté comme on aime sa maîtresse, et peut-être ce protégé des Girondins aspirait-il au suprême commandement : Brissot, voulant incendier les quatre coins de l'Europe, ne disait-il pas que Dumouriez ne convenait point à cette tâche et que Miranda était le général de la chose, qu'il entendait le pouvoir révolutionnaire[33] ? Dumouriez tâta Miranda quelques jours avant Neerwinden. Que ferez-vous, si vous recevez l'ordre de m'arrêter ?J'obéirai en serviteur fidèle, mais l'ordre ne me sera pas donné, puisque Valence est mon ancien. Une autre fois, Dumouriez lui insinua qu'il faudrait marcher sur Paris pour établir la liberté. Le remède est pire que le mal, répondit Miranda, et certainement je l'empêcherai, si je peux. — Vous vous battrez contre moi ?Sans doute, si vous vous battez contre la République. — Vous serez donc Labienus ?Labienus ou Caton, vous me trouverez toujours du côté de la République[34].

Mais la République ne voulait plus de Miranda. Déjà, lorsqu'il menait à Louvain les troupes débandées, l'adjudant-général Gobert le dénonçait au conventionnel Becker comme inepte ou traître, et, dans les deux cas, comme incapable de servir la République, et comme l'auteur de notre honte[35]. Un soldat informait le club des Jacobins que Miranda vendait son armée et la livrait à la boucherie[36]. Anacharsis Cloots attribuait le désastre d'Aix-la-Chapelle à cette créature de Brissot[37]. Chépy l'estimait encore, mais, de même que Liébaut, lui reprochait de déplaire aux troupes[38]. Albitte s'indignait qu'un Espagnol pût conduire des Français et proposait de décréter qu'aucun étranger ne commanderait les armées de la République[39]. Enfin, les commissaires de la Convention l'accusaient tout bas de légèreté ou de malveillance. Il leur promettait, après l'échec du 1er mars, d'arrêter les Impériaux ; il jugeait le retour de Dumouriez inutile, et, à l'en croire, grâce aux mesures qu'il avait prises, Liège, Tongres, Saint-Trond étaient imprenables. Or, malgré ces belles assurances, il n'avait cessé de reculer, d'abandonner ses positions l'une après l'autre, d'imprimer à la retraite le désordre et la précipitation d'une déroute ! Neerwinden acheva de le perdre dans l'esprit des commissaires. Devant Delacroix et Danton, les soldats lui imputaient leur défaite et juraient de ne plus se battre sous ses ordres. Vint l'échec de Louvain. La portion de l'armée commandée par Miranda, écrivait Delacroix à Danton, a encore très mal fait ; je crois que la confiance est absolument usée, et qu'il serait temps de le remplacer. Le 24 mars, de leur propre mouvement, les commissaires arrêtèrent que Miranda se rendrait sans aucun délai à la barre de la Convention. Le 25, au soir, Miranda gagnait Paris, outré que Dumouriez eût rejeté sur lui le désastre de Neerwinden et convaincu que le général avait sollicité l'arrêté des commissaires pour se défaire de lui[40].

 

III. Dumouriez n'avait pas attendu le départ de Miranda pour négocier avec l'ennemi. Dès le 23 mars, Montjoye déclarait à Cobourg que son général avait résolu de finir les malheurs de sa patrie, de proclamer Louis XVII, de dissoudre la Convention, de punir les scélérats de Paris, et il priait le prince d'envoyer au quartier-général un officier supérieur à qui Dumouriez ferait des communications de la plus haute importance. Tauenzien écrivit sur-le-champ au roi de Prusse que Dumouriez restait, malgré ses défaites, l'idole de son armée et qu'il allait faire quelque chose d'extraordinaire[41].

Le 25 mars, au soir, le colonel Mack arrivait au quartier-général d'Ath[42]. On s'entretint d'abord de l'échange des prisonniers, puis on se mit à table. Mack était assis à côté de Dumouriez. Bientôt le champagne délia la langue des convives. On parla de Neerwinden et des forces autrichiennes ; Cobourg disposait, selon les uns, de 90.000, selon les autres de 75.000 hommes. Dumouriez ne se mêlait pas à la conversation. Enfin, il dit à Mack : Voulez-vous savoir mon opinion ? Eh bien, votre armée que j'ai combattue à Neerwinden, était forte de 40.000 hommes, et les deux colonnes que vous avez dirigées sur Namur et sur Diest, se composaient de 20.000 hommes au moins. Mack n'avait encore répondu que par des paroles vagues ou par un sourire. Il répliqua que Dumouriez calculait juste, mais que Neerwinden et Louvain avaient coûté cher à l'armée autrichienne. Si j'avais pu marcher contre vous huit jours plus tôt, poursuivit le général, les choses auraient autrement tourné. Il se pencha vers l'oreille de Mack, et tout bas, en allemand, il porta la santé de l'empereur, de l'archiduc Charles et du prince de Cobourg, en invitant le colonel à boire pareillement à la santé de Louis XVII ; Mack prit son verre : Oui, général, et à la vôtre. Après le repas, Dumouriez se retira dans une chambre voisine avec Mack, Thouvenot, le duc de Chartres, le colonel Montjoye et Valence. Ce dernier venait de Tournai assister à l'entrevue ; il souffrait encore de ses blessures et avait la tête entourée d'un bandeau. Un aide-de-camp se mit en sentinelle devant la porte.

Dumouriez prit la parole. Il fit une affreuse peinture de l'état où la Convention réduisait le pays ; il rappela l'exécution de l'infortuné Louis XVI qu'il n'avait pu sauver ; il conclut qu'il était temps de tirer la France de cet abîme de malheurs. Je veux, dit-il sur un ton résolu, marcher sur Paris avec la meilleure et la plus sûre partie de mon armée, proclamer Louis XVII et convoquer une nouvelle représentation nationale. Quant au reste de mes troupes, elles garderont leur position actuelle derrière la Dendre. Le prince de Cobourg me donnera sa parole d'honneur de ne pas les inquiéter. Il faut qu'il m'aide par tous les moyens à venir à bout de ma grande aventure.

Mack fit une réponse qu'il n'aurait pas osé faire quelques heures auparavant. L'armée de Cobourg ne comptait plus que 28.000 hommes ; mais Dumouriez la croyait supérieure en nombre. Fort de cet aveu, le colonel autrichien pouvait hausser le ton, grossir ses exigences, imposer ses conditions. Tant qu'il y aura, dit-il, un seul Français en Hollande et en Belgique, il ne peut être question d'accommodement. Vous devez, général, tout abandonner et vous retirer jusqu'à la frontière française. Sinon, le prince de Cobourg ne perdra pas un moment pour vous assaillir et couper la retraite à votre armée de Hollande. Il a 60.000 hommes, 40.000 vous attaqueront de nouveau et les 20.000 autres s'avanceront sur Geertruidenberg et Bréda[43].

Ces paroles de Mack blessèrent Dumouriez. J'ai encore assez de troupes pour vous arrêter, répondit-il fièrement, j'attends des renforts considérables et je saurai me défendre. Souvenez-vous, colonel, que la fortune des armes est changeante. Pour l'armée de Hollande, battez-la d'abord, mais je suis sûr qu'elle fera parfaitement sa retraite. Mack garda le silence, mais il haussa les épaules, comme s'il ne pouvait rien changer à ses propositions.

Dumouriez se leva, alla vers la fenêtre, et s'entretint à voix basse avec ses lieutenants. Puis revenant à Mack et se jetant sur sa chaise avec le visage et les gestes d'un homme qui prend son parti : Eh bien, dit-il, les Pays-Bas ont toujours été la proie d'une bataille, et j'en ai livré deux. Je suis décidé. J'enverrai cette nuit même l'ordre d'évacuer les places fortes de la Hollande et de la Belgique, et je vais commencer sans retard ma retraite vers la frontière de France ; j'espère que le prince de Cobourg sera content de moi. — A ces conditions, répondit Mack, je vous donne la parole du prince que, loin de vous inquiéter, il fera tout pour faciliter votre marche sur Paris. — Mais vous m'assurez que mes troupes de Hollande pourront gagner la frontière sans obstacle et qu'on leur fournira dans leur retraite tout ce qui leur sera nécessaire. — Je vous le promets.

Là-dessus, le général exposa le détail de son entreprise. Lui-même se mettrait à la tête de son avant-garde qui formerait trois divisions : la 1re se saisirait de la Convention ; la 2e, du club des Jacobins ; la 3e, du Temple. Une proclamation annoncerait le rétablissement de la royauté et de la Constitution de 1791. — Mais, dit Mack, je m'étonne qu'un homme éclairé comme vous l'êtes, puisse croire à la bonté d'une constitution si vicieuse. Pourquoi ne proclamez-vous pas l'ancien ordre de choses ?Ce serait, répliqua Dumouriez, le moyen le plus sûr de ruiner tous mes plans et de tourner contre moi la France entière. Si, au contraire, je proclame la constitution monarchique telle que l'Assemblée l'avait faite, les neuf dixièmes du pays se prononceront pour moi. La masse de mes compatriotes ne veut pas autre chose. Je sais bien que cette constitution a ses défauts ; mais il est aisé de la corriger et de la rendre semblable à la constitution anglaise. On augmentera les prérogatives du roi. On ne pourra restituer les biens du clergé qui sont engagés ou vendus. Du moins, on rétablira la noblesse et lui rendra ce qu'elle a perdu : sans noblesse, une monarchie bien ordonnée ne peut subsister. Toutefois, il ne faut même pas en prononcer le nom dans ce moment ; elle serait perdue, et moi avec elle. Qu'elle attende quelque temps encore et elle n'aura pas à se plaindre. En outre, les émigrés, le comte de Provence tout le premier, ne doivent s'ingérer aucunement dans l'organisation du gouvernement. Ce sont eux, qui par leur fuite et leur conduite déraisonnable ont provoqué tous les crimes et perpétué l'anarchie. Ils devront se soumettre absolument à la constitution. Mais ce sont nos parents, nos amis, ils seront en bonnes mains[44].

Mack interrompit Dumouriez. Pardonnez-moi une autre question. Ne croyez-vous pas qu'il serait nécessaire pour votre propre sûreté de mettre des garnisons autrichiennes dans quelques places de France ? Dumouriez se récria vivement : Ce serait jeter le soupçon et la méfiance dans mon armée ! J'ai là-dessus des principes invariables et je veux éviter jusqu'à l'apparence de l'intervention étrangère. Sachez, colonel, que je n'ai d'autre but que le salut de la France et que je ne laisserai pas entamer l'intégrité du territoire. Si j'avais cent vies, je les donnerais pour mettre un terme aux atrocités des Jacobins ; si j'en avais mille, je les sacrifierais pour empêcher les puissances étrangères de dicter des lois à ma patrie ![45] Du reste, à quoi bon ces garnisons autrichiennes ? Je me fie entièrement à mon armée ; elle n'a pas cessé de m'aimer ; elle me suivra jusqu'au bout. — Pourtant, objecta Mack, ne savez-vous pas que les sentiments changent ? Les troupes que vous laissez derrière vous dans votre marche sur Paris, ne pourront-elles pas vous abandonner ?C'est impossible, et tous les officiers s'écrièrent d'une seule voix que le général était maître de son armée. Seul, Thouvenot hochait la tête.

Le colonel autrichien n'insista plus. Mais il demanda dans quels termes Dumouriez était avec Custine. Ni bien ni mal. C'est un homme borné, incapable de rien faire par lui-même, et d'ailleurs l'armée prussienne le cloue sur place. Cependant, s'il marchait contre moi, je prierais le prince de Cobourg de me venir en aide. Mais, ajouta Dumouriez négligemment, autre chose à ne pas omettre : le prince pourrait-il m'avancer 20.000 louis d'or, que je distribuerais dans Paris ? La caisse de l'armée renferme assez d'argent ; mais il serait imprudent d'y puiser ; on aurait des soupçons.

En faisant ses adieux à Mack, Dumouriez lui promit de se retirer sans retard sur Tournai et de passer la frontière le 30 mars ; on observerait des deux côtés un armistice tacite qui ne serait suspendu qu'après avoir été dénoncé vingt-quatre heures auparavant.

Mack annonça sur-le-champ à Cobourg et à l'empereur les résultats de la conférence d'Ath. Le plus important, c'était l'évacuation de la Hollande et de la Belgique. Cobourg, disait Mack, Cobourg qui n'osait rien entreprendre à cause de la faiblesse de son armée et de l'incertitude de ses renforts, Cobourg qui n'avait pas d'artillerie de siège pour attaquer Anvers et les places des Pays-Bas, obtenait en peu de jours et sans coup férir ce qui lui aurait coûté, selon toute vraisemblance, plusieurs mois et quelques milliers d'hommes. Qu'importe aux Autrichiens que Dumouriez se ravise ou que la Convention le remplace par un autre ? Il n'y a plus un Français dans leurs Pays-Bas, et l'armée de Hollande, isolée, séparée de son général, est à leur discrétion.

 

IV. Dumouriez fut fidèle à sa promesse. De Flers et Tilly qui commandaient l'un à Bréda, l'autre à Geertruidenberg, capitulèrent en conformité des ordres de M. Dumouriez ; leurs troupes sortirent avec les honneurs de la guerre, tambours battant, trompettes sonnantes, drapeaux déployés, mèches allumées, et emmenèrent tous les effets militaires, armes, munitions et vivres qui leur appartenaient[46].

Les mêmes ordres furent donnés à Marassé et à Ruault. Mais déjà, de son propre chef, Marassé avait capitulé. Le 26 mars le colonel Mylius paraissait devant Anvers et sommait audacieusement la place ; il accordait pour le jour même la libre sortie de la garnison avec armes et bagages. Marassé avait encore sous ses ordres la plus grande partie de l'armée de Hollande, la légion de Westermann, la garnison de Diest, et le corps de La Marlière commandé par Ruault. Mais l'indiscipline des troupes était extrême. Il tint conseil de guerre, et, malgré Westermann, signa sur-le-champ la capitulation : tout était perdu si l'on s'opiniâtrait ; mieux valait sauver huit mille hommes, l'artillerie et les magasins[47].

Marassé craignait d'être désavoué. Dumouriez l'approuva ; je défendrai, lui mandait-il, votre capitulation contre tout le monde. Il se trouvait alors à Tournai. Ce fut là, dans une conversation remarquable avec trois personnages, à la fois commissaires des Jacobins et agents du ministre des affaires étrangères, Dubuisson, Proli, Pereyra[48], qu'il dévoila ses plans de restauration monarchique.

Les Jacobins n'oubliaient pas que Dumouriez avait paru dans leur club et coiffé le bonnet rouge. Ils le ménagèrent dans sa querelle avec Pache ; quand Hassenfratz le dénonçait, ils passaient à l'ordre du jour, et ils lui dépêchèrent Bonnecarrère à Liège pour l'entraîner à un coup de main contre la Convention. Lorsqu'il vint à Paris, Cloots, Seiffert, Proli, Desfieux le prièrent d'assister aux séances du club. Il répondit qu'il ne voulait pas rencontrer Marat ni se présenter à la Société sans s'être lavé des calomnies de Hassenfratz. Mais évidemment les Jacobins voulaient l'attirer dans leur parti, et forts de l'appui que leur prêteraient son nom et son épée, renverser la Gironde et chasser du ministère Garat, Le Brun, Clavière et Roland. Dumouriez leur avait même insinué qu'il se donnerait à eux, s'ils faisaient suspendre le procès de Louis XVI. Le général, disait alors Robespierre, méprise Brissot et sa faction[49].

Les trois émissaires venaient rappeler à Dumouriez ses propositions et lui offrir l'alliance de leur Société. Dumouriez serait le général des Jacobins ; il substituerait leur club à la Convention ; ne voulait-il pas centraliser le gouvernement, et les Jacobins n'avaient-ils point président, tribune, orateurs, registres, correspondance, habitude de traiter les grandes affaires ? Le remplacement était tout trouvé. Ces députés m'ont proposé les plus belles choses du monde, écrivait Dumouriez, à condition que je les aidasse à culbuter la Convention. Il leur répondit qu'il ne se livrerait aux Jacobins que s'ils dispersaient eux-mêmes la Convention et faisaient un rempart de leur corps à la famille royale ; voilà, ajoutait-il, le moyen de réparer vos crimes, et Dubuisson, entrant dans ses vues, lui promit de sonder adroitement les Jacobins et de lui rapporter leur réponse sous cinq ou six jours[50].

Le général eut une triple entrevue avec les émissaires. Proli vint d'abord seul, dans la soirée du 26 mars. Dumouriez était entouré de Valence, du duc de Chartres, d'officiers de son état-major, et de députés de Valenciennes et de Cambrai. Votre club, dit-il à Proli, a causé tout le mal de la France ; mais je suis assez fort pour me battre par devant et par derrière ; dût-on m'appeler César, Cromwell ou Monk, je sauverai la France, seul et malgré la Convention. Proli se retira sur-le-champ. Quelques instants plus tard, Dubuisson et Pereyra demandaient au général un entretien particulier qui fut bref. Mais le lendemain, 27 mars, les trois collègues, comme ils se nomment dans leur rapport, ont avec Dumouriez une très longue conférence.

IL s'élève contre le tribunal révolutionnaire. J'ai quatre pouces de lame à mon côté, et je ne souffrirai pas plus longtemps l'existence de cette institution horrible ! Il s'élève contre le Conseil exécutif, contre la Convention, contre la République. Le Conseil est subordonné aux 745 tyrans de l'assemblée. La Convention ne se compose que de régicides, appelants ou non appelants ; elle n'a pas trois semaines à vivre. Ses décrets n'auront bientôt de validité que dans la banlieue de Paris. La République ! J'y ai cru trois jours ! C'est une folie, une absurdité. Depuis Jemappes, j'ai pleuré toutes les fois que j'avais des succès pour une aussi mauvaise cause. Il s'élève contre les volontaires : Ce sont des poltrons, et je ne veux plus que des troupes de ligne. Il conclut que la paix est nécessaire. C'est moi seul qui la ferai ; aucune puissance ne voudra traiter avec la Convention ni avec le Conseil exécutif.

— Mais expliquez-nous vos moyens pratiques de sauver la patrie. Vous ne voulez pas de constitution ?

— Non, la nouvelle est trop bête, et, pour un homme d'esprit, Condorcet n'y a rien entendu[51].

— Que mettrez-vous à la place ?

— L'ancienne, toute médiocre et vicieuse qu'elle soit.

— Sans roi ?

— Avec un roi ; il faut absolument un roi.

— Mais les Français ont juré qu'ils n'auraient plus de roi, et le nom de Louis.

— Peu importe qu'il se nomme Louis ou Jacobus.

— Ou Philippus.

— Ah ! voilà encore une atrocité des Jacobins ! Ils disent que j'appartiens au parti d'Orléans parce qu'après Jemappes, j'ai loué le courage d'un jeune homme que je forme au métier.

— Mais qui proclamera la constitution, puisque vous détruisez la Convention sans la remplacer par aucun corps représentatif ?

— J'ai les présidents des districts.

— Vous rassemblerez cinq cents présidents de districts ?

— Non, ce serait trop long.

— Qui donc émettra le vœu de rétablir un roi et de reprendre la première constitution ?

— Mon armée... oui, mon armée, l'armée des Mameluks. Elle sera l'armée des Mameluks, pas, pour longtemps, mais elle le sera, et de mon camp ou d'une place forte, elle dira qu'elle veut un roi. Les présidents de districts le feront accepter, chacun dans son arrondissement.

— Vous serez décrété d'accusation.

— Je me moque du décret d'accusation. Je défie la Convention de le faire exécuter au milieu de mon armée. Du reste, j'ai toujours pour dernière ressource un temps de galop vers les Autrichiens.

— Le sort de Lafayette n'est pas tentant pour ses imitateurs.

— Lafayette n'inspirait aux puissances que mépris et que haine ; moi, elles m'aiment, elles m'estiment, et je passerai chez elles de manière à m'en faire bien recevoir.

— Mais quand exécuterez-vous ce plan de contre-révolution ?

— J'aurais commencé à l'exécuter, si je n'avais craint pour les jours de l'infortunée qui est au Temple et de sa précieuse famille.

— Vous allez compromettre ces existences royales auxquelles vous prenez tant d'intérêt.

— Si l'on ajoute ce meurtre à tant d'autres, je marche à l'instant sur Paris, et je n'en ferai pas le siège, à la façon de cet imbécile de Broglie qui ne connaissait pas sa besogne. Je réduirai Paris en huit jours, par la famine, avec 12.000 hommes, un corps à Pont-Sainte-Maxence, un autre à logent, d'autres postes sur les rivières. Aussi bien votre déclaration de guerre à l'Angleterre, cette œuvre ridicule de Brissot, vous fera capituler par la disette : la France n'a pas assez de blé pour se nourrir, et les corsaires anglais ne laisseront pas entrer dans les ports un seul navire chargé de grains.

 

Dumouriez ne cachait donc plus ses desseins. Il les avouait la veille à Goguet avec la même franchise qu'aux trois émissaires jacobins. Nous sommes perdus, disait-il à Goguet, si nous continuons la guerre. Le 15 du mois prochain, il n'y aura plus de numéraire. L'armée ne peut se rallier. Les volontaires sont des scélérats auxquels j'ai donné et fait donner par mes ordonnances et mes aides-de-camp quatre cents coups de plat de sabre ! Plus d'ordre de bataille, plus de brigades. Quand un soldat demande à l'état-major où est son bataillon, on lui répond qu'on ne sait pas ; s'il s'égare et revient épuisé de fatigue et d'inanition, on le traite de lâche ; s'il entre chez le paysan pour prendre un peu de pain, on crie rasez-le ! Les places de la frontière manquent de moyens de défense. Que 10.000 ennemis se présentent devant Dunkerque, Lille, Valenciennes, elles ouvriront leurs portes. Au dedans, les insurrections sont horribles ; elles croîtront encore. La France est un peuple de fous et d'enragés conduits par des brigands à qui les assassinats ne coûtent rien. La paix devient donc une nécessité. Mais les puissances étrangères traiteront-elles jamais avec le Conseil exécutif ou avec cette Convention qui perd tout ? Il faut en finir ! Les honnêtes gens doivent se rallier de gré ou de force, renvoyer tous les conventionnels, faire une révolution dans la Révolution, reprendre la Constitution de 1791 dont nous étions idolâtres. Je braverai dix décrets d'accusation, j'y perdrai ma tête ; mais je sauverai mon pays qui est à deux doigts de sa ruine. Il y a une guerre à mort entre les Jacobins et moi ; je périrai ou je raserai leur club et sèmerai du sel sur son emplacement ![52]

 

V. Les commissaires de la Convention, Delacroix, Gossuin, Treilhard, Merlin de Douai et Robert[53], s'étaient rendus à Lille dès qu'ils avaient jugé l'évacuation des Pays-Bas inévitable. Leur mission politique finissait ; mais ils pouvaient encore surveiller les administrations de l'armée, mettre Lille en état de défense, déjouer les manœuvres des malveillants. Delacroix recommandait d'approvisionner les villes de la frontière et de relever le camp de Maulde. La chose publique, écrivaient Treilhard et Robert, ne peut se sauver que par de grandes et promptes mesures.

Mais Delacroix commençait à se défier de Dumouriez. De même que plusieurs de ses collègues, il avait regardé la lettre du 12 mars comme une rodomontade et une folie ; le général, pensait-il, avait la tête exaltée, le cerveau échauffé ; mais ne songeait qu'à battre les ennemis et n'avait pas de mauvaises intentions. Pourtant, certains propos mettaient Delacroix en défiance. Dumouriez, mandait-il à Danton, fait ce qu'il faut pour accréditer les soupçons qu'éveille sa légèreté. Le 28 mars, il reçut une longue note, le dire d'un homme en place, où Goguet retraçait fidèlement sa conversation avec Dumouriez, et quelques instants plus tard, Dubuisson, Proli et Pereyra lui racontaient leur entrevue. Delacroix aimait personnellement le général ; j'estime, disait-il, sa bravoure et ses talents, je respecte son audace ; mais ma patrie est tout pour moi, mes amis ne viennent qu'après. Dumouriez ne fut plus à ses yeux que l'ennemi du pays, un traitre, un conspirateur qui n'avait d'autre but que de traîner la France sur le bord du précipice, puis de l'arrêter dans sa chute et de se déclarer son sauveur ![54]

Il communiqua sur-le-champ le récit de Goguet à Gossuin et à Robert ; il leur proposait d'appréhender Dumouriez et de l'envoyer à la barre de la Convention. Ses collègues lui conseillèrent d'attendre le retour de Treilhard et de Merlin qui s'étaient rendus à Orchies et d'appeler à cette conférence deux autres commissaires, Carnot et Lesage-Senault, qui se trouvaient à Douai.

Le lendemain, 29 mars, devant Gossuin, Robert, Treilhard, Merlin, Carnot et Lesage-Senault, Delacroix proposa pour la seconde fois de suspendre Dumouriez et de le mettre en état d'arrestation. Tous furent de son avis. Mais tous se récrièrent lorsqu'il déclara qu'on devait s'assurer aussitôt de la personne du traitre : l'armée, en pleine déroute, n'était plus, à l'exception de l'arrière-garde, qu'une fourmilière de soldats ; les ennemis la serraient de fort près ; on ne pouvait lui enlever le général qui possédait malheureusement sa confiance ; qu'elle éprouve un désastre, qu'elle soit cernée et faite prisonnière, la Convention attribuera ce malheur irréparable à l'imprudence des commissaires qui seront, à leur tour, mis en état d'accusation ! Eh bien, s'écria Delacroix, j'irai moi-même arrêter Dumouriez à la tête de son armée et je lui brûlerai la cervelle, s'il ose résister à l'autorité de la Convention. — Il faut aller tous ou personne, lui répondit Treilhard. — La mesure, ajouta Carnot, est plus vigoureuse que prudente. Les conventionnels discutèrent longtemps. Les chevaux furent mis deux fois à leur voiture. Enfin, par six voix contre une, celle de Delacroix, les commissaires résolurent de mander Dumouriez à Lille ; l'arrestation du général y serait plus aisée et ferait moins d'impression sur les troupes. Leur lettre était ainsi conçue : Les commissaires requièrent le général Dumouriez de se rendre aujourd'hui 29 mars dans l'après-midi à Lille, maison du citoyen Mouquet, place du Lion d'Or, pour s'expliquer avec eux sur des inculpations graves qui le concernent. Ils dressaient déjà la liste des questions qu'ils poseraient au général ; il y en avait quatorze.

Dumouriez répondit, non sans ironie, qu'il était obligé de diriger la retraite, qu'il ne pouvait en même temps plaider et commander, que sa tête ne suffisait pas à ces deux genres de guerre. Si j'allais à Lille, l'armée aurait des craintes, et certainement je n'entrerais dans cette ville qu'avec des troupes pour la purger de tous les lâches qui ont fui et qui me calomnient. Envoyez-moi deux ou quatre d'entre vous pour m'interroger ; je répondrai sur tout avec ma véracité connue.

Les commissaires reçurent la réponse de Dumouriez à dix heures du soir. Partons tous !, s'écrièrent-ils d'une voix unanime, et le lendemain, 30 mars, à quatre heures du matin, ils allaient se transporter à Tournai lorsqu'une nouvelle lettre de Dumouriez arrêta leur départ. Le général leur annonçait que son armée était dans la plus grande détresse, qu'il resterait encore un jour à Tournai quoiqu'il fût environné d'ennemis, mais qu'il avait assuré sa retraite sur Bruille et Maulde où le Conseil exécutif lui prescrivait de camper ; il se trouverait le 31 mars à Saint-Amand ; c'était là qu'il attendait les commissaires pour leur donner les explications qu'ils exigeaient.

A la lecture de cette lettre, les commissaires furent de nouveau partagés d'opinions. Delacroix et Gossuin voulaient se rendre aussitôt à Tournai parce que le plus léger retard était funeste à la République. Mais les cinq autres objectaient qu'en allant à Tournai, ils entravaient les mouvements ordonnés par le Conseil exécutif. On convint de n'interroger Dumouriez que lorsque l'armée aurait terminé sa retraite.

La retraite fut finie le 31 mars. Les commissaires décidèrent qu'ils se rendraient le 4er avril à Saint-Amand ; qu'après avoir interrogé Dumouriez, ils se retireraient dans une chambre particulière pour délibérer ; qu'ils le feraient arrêter par le plus ancien lieutenant-général de l'armée et le remplaceraient sur-le-champ ; enfin qu'ils annonceraient l'événement par une proclamation aux soldats. Ils ne se dissimulaient pas le danger de leur mission ; mais ils comptaient sur la confiance qu'ils inspiraient aux troupes. Tous étaient armés. Delacroix, plus exalté que jamais, briguait l'honneur de punir le traître. Il faut, disait-il, que Dumouriez obéisse ; s'il fait un mouvement, je vous demande l'autorisation de l'abattre d'un coup de pistolet[55].

Durant ces délibérations, l'armée de Cobourg, marchant en deux colonnes, l'une sur Mons, l'autre sur Tournai, suivait de loin les troupes françaises. Mais le 30 mars Dumouriez n'avait pas encore évacué Tournai. Mack vint lui rappeler sa promesse. Le général répondit qu'il avait dû régler les mouvements de ses divers corps et fixer leurs positions sur la frontière. L'entrevue fut cordiale. Dumouriez et ses amis persistaient dans leur dessein, et Mack les trouva aussi fermes et inébranlables qu'auparavant. Le général lui confia qu'il y avait à Lille des commissaires de la Convention qui projetaient de l'arrêter et de l'envoyer à Paris ; mais, disait-il, c'est moi qui les arrêterai, et je vous les livrerai. Il déclara qu'il marcherait sur Paris dans les huit jours, qu'il répondait de son armée, et qu'une bonne proclamation achèverait de lui gagner les esprits[56].

Le 31 mars, Dumouriez établissait son quartier-général aux Boues de Saint-Amand. Lui-même logeait près de l'établissement thermal, dans l'ancienne demeure des Cernay, au Petit-Château[57]. Le parc d'artillerie s'installait à Saint-Amand. L'armée des Ardennes campait à Maulde et celle du Nord à Bruille. Les flanqueurs de droite, aux ordres de Miaczynski, étaient à Orchies et les flanqueurs de gauche, à Bavay. La division du général Neuilly occupait les deux places de Valenciennes et de Condé. Neuilly commandait à Condé ; Ferrand, à Valenciennes ; Tourville, à Maubeuge ; Dampierre, au Quesnoy ; Duval, à Lille.

 

 

 



[1] Barbaroux, Mémoires, 482.

[2] Mége, Bancal, 260.

[3] Moniteur, 12, 13, 14, 15 mars ; Journal des jacobins, séance du 12 mars 1793.

[4] Patriote français, 12 mars 1793.

[5] Rojas, Miranda, 21-22, et Dumouriez à Le Brun, 18 déc. 1792 (A. E.).

[6] Noël à Dumouriez, La Haye, 11 janvier 1793 (A. N. F7 4598).

[7] Le Brun, Rapport du 1er avril (A. E) ; 2° rapport des commissaires, 131-132 ; Rojas, Miranda, 70-71.

[8] Vivenot-Zeissberg, Quellen, III, 4 (entretien avec Starhemberg) ; Dumouriez, Mém., IV, 12-14.

[9] Meillan, Mém., 32 ; Rojas, Miranda, 270 (il apportait de Hollande une nouvelle doctrine) ; Mercier, Nouveau Paris, I, 170 il n'est devenu traître qu'après un grand revers ; 2e rapport, 133 dépit d'avoir abandonné la brillante expédition de Hollande. Le Brun, Rapport du 1er avril (A. E.) la douleur de voir ses vastes plans en Hollande avortés.

[10] Meillan, Mém., 30 ; Moniteur, 3 avril 1793 ; Journal des Jacobins, séance du 7 avril.

[11] Dumouriez, Mém., IV, 107 ; 2e rapport des commissaires, 134 ; Moniteur, 25 mars 1793 ; Révolutions de Paris, n° 194, p. 20-21.

[12] 2e rapport, 135.

[13] Chépy, Compte-rendu à ses concitoyens.

[14] Journal des Jacobins, séance du 17 mars 1793.

[15] Révolutions de Paris, n° 194, p. 23.

[16] Annales patriotiques, 18 mars 1793.

[17] Rojas, Miranda, 270, et Durand-Maillane, Mém., p. p. Lescure, 1881, p. 330.

[18] Gouget-Deslandres et Robert à Le Brun, 14 mars 1793 (A. G.).

[19] Dumouriez, Mém., IV, 83.

[20] Rojas, Miranda, 164.

[21] Durand-Maillane, 331 ; Minerva, 1795, I, 522, lettre d'un officier français qui cite l'exemple de Lafayette.

[22] Ternaux, Terreur, VI, 512.

[23] Fersen, II, 417.

[24] Invasion prussienne, 294 ; Retraite de Brunswick, 76 ; Réponse au Rapport de Camus, 127.

[25] Ternaux, Terreur, VI, 491-497.

[26] Fersen, II, 62-63, 66, 403-404. On nous avait assurés, disait Delacroix à la Convention (Moniteur, 5 avril 1793) que Dumouriez nous ferait arrêter, Danton et moi, pour nous échanger contre la ci-devant reine et son fils. C'est, en somme, ce qui arriva. Les conventionnels prisonniers furent échangés en 1795 contre Madame Royale.

[27] Mot de Dumouriez à Fersen (Fersen, II, 70) et déclaration du 20 avril 1793 (Moniteur du 17 mai).

[28] Berneron à Dumouriez, 10 janv. 1793 (A. N. F7 4598) et déclaration de La Tailhède, 15 avril 1793 (A. G.).

[29] Correspondance de Ronsin, 34. Cf. le mot de Miranda il ne possède ni les principes ni le républicanisme nécessaire (Rojas, Miranda, 121). Les commissaires lui écrivaient en janvier qu'il devait se tenir en garde contre l'incivisme de plusieurs fonctionnaires qui l'entouraient (2e rapport, 30).

[30] Valence à Pache, 31 oct. 1792 (Moniteur, 3 nov.) ; à Le Brun, 6 déc. 1792 (A. G.) ; au président de la Convention, 1er avril 1793 (Lettres, 13) ; à Beurnonville, 25 mars 1793 (A. G.).

[31] Lettre écrite de Tournai, 30 mars 1793, interceptée et lue à la Convention le 4 avril (Moniteur du 7). Cf. sur le duc de Chartres et ses rapports avec Dumouriez, les Mém. de Brissot, 354-355 et sa lettre publiée dans les Annales patriotiques du 14 nov. 1792.

[32] Miranda à Dumouriez, 11 déc. 1792 et 3 févr. 1793 (A. N. F7 4598).

[33] Mallet du Pan, Considérations sur la nature de la Révolution de France, p. 37 ; De Pradt, 73 (Miranda aspirait à supplanter Dumouriez). Miranda refusait de se rendre à Saint-Domingue et de soulever l'Amérique espagnole. Il était candidat au ministère de la marine. Il approuvait le décret du 15 décembre. Plus tard il se liait avec Servan et les deux généraux réfutaient ensemble les Mémoires de Dumouriez ; tous deux étaient désignés par les Girondins comme les chefs futurs du pouvoir exécutif (Correspondance de Mallet du Pan avec la cour de Vienne, 1884, I, 257).

[34] Rojas, Miranda, 271.

[35] Mémoire (imprimé) de Gobert, 5-6.

[36] Journal des Jacobins, séance du 11 mars 1793.

[37] Le Batave, 22 mars (Un mot d'An. Cloots) et 27 mars (sa conduite est très suspecte).

[38] Chépy au ministre, 1er mars, et Liébaut à Dumouriez, 24 févr. 1793 (A. G.).

[39] Séances des 22 et 24 mars 1793 (A. N. C. 248) ; Révolutions de Paris, n° 194, p. 3 : des généraux sans talent et d'autres sans patrie.

[40] 2e rapport, 42, 67, 74-75 et 147 ; Rapport de Camus, 6 (généraux ignorants ou traîtres en qui les soldats n'avaient aucune confiance) ; Delacroix à Danton, 25 mars 1793 (Ternaux, Terreur, VI, 486) et discours du 13 juillet 1793 (Moniteur du 15) ; Rojas, Miranda, 137-138, 162-163.

[41] Ternaux, Terreur, VI, 526 ; Witzleben, Cobourg, II, 147-148.

[42] Cf. sur l'entrevue d'Ath Ternaux, Terreur, VI, 307-316 (d'après le rapport officiel de Mack) ; mais Ternaux n'a pas connu la relation postérieure de Mack, Oesterreichische militärische Zeitschrift (de Streffleur), 1865, III, p. 1-18). Cf. Sybel, II, 233 (d'après la lettre de Tauenzien au roi de Prusse).

[43] Oesterr. milit. Zeits., 5-6.

[44] On reconnaît ses instructions à Benoît et le langage de cet émissaire à Schulenbourg ; cf. Invasion prussienne, 18, et Sorel, L'Europe et la Révolution, II, 447.

[45] Cf. la lettre de Cobourg aux commissaires de la Convention, du 12 avril 1793.

[46] 2 et 3 avril 1793 (Moniteur, 26 avril, et Dohna, I, 123-140).

[47] Sommation de Mylius et Conseil de guerre, 26 mars 1793 (A. E.) ; Dumouriez à Marassé, 30 mars (A. G.) ; interrogatoire de Westermann (A. N. comité de la guerre) ; Moniteur, 5 avril.

[48] Ils avaient quitté Paris le 15 mars pour s'aboucher à Douai avec Cornet de Grez (note de Le Brun, 30 mars, A. E.) et renverser la banque d'Angleterre par l'entremise des juifs portugais établis à Amsterdam (Réponse de Proli aux calomnies répandues contre lui, p. 7). Tous trois devaient périr sur l'échafaud. Proli, né à Bruxelles et Belge réuni, comme il se qualifiait, était fils naturel de Kaunitz. Élevé à Paris, puis à Nantes, enrichi par un voyage aux Indes, il avait joué dans la révolution brabançonne un rôle équivoque, il faisait une brochure aux Belges Ne dépendons que de nous ; il offrait 2 millions à Vonck de la part de Mercy ; il ménageait l'entrevue de Douai (Borgnet, I, 143 et Jemappes, 33). — Dubuisson était un poète dramatique très obscur (Mercier, Le Nouveau Paris, II, 2) et, comme dit Beaulieu (V, 84), une espèce d'homme lettré que les lettres ne purent nourrir, et qui chercha un supplément à son existence dans les calamités de la Révolution. — Pereyra, dit encore Beaulieu, était un juif de Bordeaux qui ne vivait que d'intrigues.

[49] Dumouriez, Mém., III, 327, 350-351 ; à Danton, 20 janv. 1793 (A. N. F7 4598) ; Gouverneur Morris, II, 239 ; Journal des Jacobins, séances du 12 déc. 1792 et du 27 janv. 1793.

[50] Beaulieu, V, 85 ; Dumouriez, Mém., IV, 127 et lettre du 29 mars 1793 (Moniteur, 5 avril) ; Fantin Desodoards, Hist. philos. de la révolution de France, IV, 295. Dubuisson était le personnage important de la députation, et Proli loue fort son habileté et sa prudence.

[51] Cf. le discours de Condorcet, 15 févr. 1793 (Moniteur des 17 et 18) ; la constitution de 1793 a été, comme dit Lanjuinais, extraite de ce grand plan de pure démocratie (Lanjuinais, Œuvres, 1832, II, 47).

[52] 2e rapport, 149-151.

[53] Camus et Danton étaient revenus à Paris.

[54] Lettres de Delacroix à Danton, 25 et 28 mars 1793 (Ternaux, Terreur, 485-489 ; Robinet, Le procès des dantonistes, 1879, p. 257-260).

[55] 2e rapport, 152-159 et discours de Delacroix, 24 pluviôse an II.

[56] Oesterr. milit. Zeitschr., 10 ; Ternaux, Terreur, VI, 512-513, 528-529.

[57] Pelé, Saint-Amand aux derniers jours de la monarchie et pendant la Révolution, 1889, p. 186-188.