LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

LA TRAHISON DE DUMOURIEZ

 

CHAPITRE II. — AIX-LA-CHAPELLE.

 

 

I. Frédéric Josias de Cobourg-Saalfeld, prince de Saxe. Le colonel Mack. Conférences de Francfort. — II. Les cantonnements de la Rœr. État de l'armée. Stengel. Valence. — III. L'attaque du 1er mars. Défaite des Français. Prise d'Aix-la-Chapelle. Déblocus de Maëstricht. Panique. Évacuation de Liège. — IV. La Convention. Discours de Danton. Journée du 16 mars. Beurnonville, réélu ministre. — V. Lettres de Miranda, de Valence et des commissaires à Dumouriez. Ordre du Conseil exécutif. Fin de l'expédition de Hollande.

 

I. La reconquête des Pays-Bas était le premier et le plus important objet de la politique autrichienne[1]. La cour de Vienne voulait s'emparer à tout prix de la Belgique pour l'échanger ensuite contre la Bavière. Aussi avait-elle fait de grands efforts pour l'ouverture de la campagne de 1793. Elle avait, à petit bruit et comme à la dérobée, renforcé les troupes de Clerfayt qui cantonnaient entre l'Erft et le Rhin ; elle les avait munies d'une artillerie considérable et si bien servie que les journaux de Paris la crurent dirigée par les émigrés français[2] ; enfin elle avait mis à leur tête un homme qui passait, depuis la mort de Loudon et la retraite de Lacy, pour le meilleur général de l'Autriche : Frédéric Josias de Cobourg-Saalfeld, prince de Saxe.

Après s'être distingué pendant la guerre de Sept-Ans qui le fit colonel, le prince de Cobourg avait commandé, en 1788 et en 1789 un corps d'armée contre les Turcs. Il envahit la Moldavie, battit les ennemis à Rohatin et s'empara de Choczim ; puis, s'unissant à Souvorow qui le secourut loyalement, il remporta les victoires de Fokschani et de Martinesti et entra dans Bucarest. Ces succès lui valurent le bâton de feld-maréchal et la grand-croix de l'ordre de Marie-Thérèse. Un excellent juge assurait qu'il ne devait sa célébrité qu'à Souvorow et qu'il avait toujours besoin d'une assistance. Mais François II proclamait sa confiance dans les mérites de Cobourg et le nomma, dès le 7 décembre 1792, général en chef de toutes les troupes qu'il destinait à la guerre contre la France[3].

Cobourg refusa d'abord ; il se sentait trop faible, disait-il, il avait la santé faible, la mémoire faible, la vue faible. Les instances de l'empereur vainquirent sa modestie. Il prit pour chef d'état-major le colonel Mack, le même qui devait signer, en 1805, la capitulation d'Ulm. Mais on le regardait alors comme l'officier le plus distingué de l'armée autrichienne. Attaché pendant la guerre contre les Turcs à l'état-major de Lacy et de Loudon, aide-de-camp de l'empereur Léopold II, colonel du régiment des uhlans de Lobkowitz, il avait fait à l'archiduc Charles dans l'hiver de 1791 des conférences sur l'art militaire. C'est un de ces hommes, disait Tauenzien, qui ne sont que trop rares dans toutes les armées, et Mercy ne tarissait pas sur le compte du colonel, sur son zèle, son activité, ses talents. Mack, écrivait l'émigré Langeron, réunit à un esprit juste un génie militaire transcendant[4].

Cobourg et le duc de Brunswick débattirent le plan de campagne dans des conférences qu'ils eurent à Francfort durant les premières semaines du mois de février[5]. Tous deux avaient les mêmes vues sur la guerre et voulaient la faire, non pas vivement et au pas de charge, mais à pas mesurés, paisiblement, méthodiquement, avec une sage et sûre lenteur ; tous deux ne marchaient qu'en s'entourant de précautions de toute sorte et ne risquaient une affaire qu'avec mollesse, comme à leur corps défendant et après avoir observé minutieusement toutes les règles ; tous deux avaient l'âme timorée et prévoyaient toujours des revers ; tous deux, selon le mot du roi de Prusse, alléguaient sans cesse un déficit de forces et quoi qu'ils entreprissent, il leur manquait toujours 500 hommes[6]. On convint que Cobourg débloquerait Maëstricht, que Brunswick assiégerait Mayence, que Wurmser couvrirait le Rhin de Bâle à Mannheim, que Hohenlohe-Kirchberg garderait Luxembourg et Trêves ; mais, une fois Maëstricht  dégagé, Cobourg s'arrêterait sur la rive droite de la Meuse et attendrait la prise de Mayence pour conquérir les Pays-Bas ; il enverrait même à Brunswick 15 à 20.000 hommes de ses troupes. Telle était la stratégie de l'époque !

24 bataillons et 32 escadrons, ou 40.000 hommes, formaient l'armée de Cobourg, couverte sur son flanc droit par les Prussiens de Brunswick-Œls et sur son flanc gauche par Beaulieu qui campait près d'Arlon. Le prince résolut d'entrer aussitôt en campagne. Le temps pressait. Si Dumouriez pénétrait au cœur de la Hollande et si Miranda s'emparait de Maëstricht, la conquête des Pays-Bas n'était plus possible. Clerfayt, toujours lent et immobile, croyait qu'on pourrait passer la Rœr, mais non la Meuse, et qu'on avait de bien petites forces pour ressaisir la Belgique. Mais Cobourg, Mack et Tauenzien, qui représentait le roi de Prusse au camp autrichien, ne tinrent nul compte des objections de Clerfayt. On décida que le passage de la Rœr aurait lieu le 4er mars sur deux points, à Juliers et à Düren. L'archiduc Charles commanderait l'avant-garde ; Cobourg, le corps de bataille ; Clerfayt, la première et la seconde ligne ; le prince de Wurtemberg, Latour, le général-major Wenkheim, trois gros détachements.

 

II. La défaite des Français était presque certaine. Ils auraient dû tenir Düren et Juliers. Mais ils ne purent s'emparer de Düren et n'osèrent s'emparer de Juliers. Düren leur résista et, s'ils avaient occupé Juliers, l'électeur palatin qui possédait cette bicoque, aurait usé de représailles et livré le passage de Mannheim aux Prussiens[7].

Les cantonnements de l'avant-garde française furent one disséminés et comme éparpillés derrière la Rœr. Il y en avait cinquante-sept sur une étendue de quatorze lieues[8], et la rivière formait une barrière bien frêle pour arrêter l'ennemi, car elle n'était en certains endroits qu'un gué continuel[9].

Vainement Valence avait objecté que la position était mauvaise, qu'un gros ruisseau ou un petit torrent comme la Rœr ne pouvait passer pour un obstacle, que les troupes qui le bordaient n'auraient aucun moyen de se soutenir[10]. Vainement Dampierre avait déclaré que de pareils quartiers étaient dangereux et qu'il fallait abandonner Aix-la-Chapelle. Vainement Stengel avait exposé à satiété les désavantages de semblables cantonnements et proposé de reculer derrière la Meuse dans des quartiers plus sûrs. Danton et Delacroix, dit Valence, trouvaient plaisant de faire une révolution à Aix-la-Chapelle, et très beau que la capitale de Charlemagne donnât au pays d'entre Rhin et Meuse l'exemple d'une municipalité provisoire et de la demande en réunion[11].

Stengel avait fait néanmoins quelques dispositions de défense. Deux chemins principaux menaient à Aix-la-Chapelle, l'un partant de Düren, l'autre, de Juliers. Il couvrit le premier par une redoute élevée sur le Roheberg entre Hehlrath et Röhe. Le second fut protégé par trois redoutes, l'une à Coslar, en face de Juliers, près de la Rœr, et les deux autres en rase campagne, à dix kilomètres de la rivière, derrière Höngen. Ce village se trouvait à l'embranchement de la route de Juliers à Aix-la-Chapelle et de celle qui menait à Maëstricht  par Rolduc et Fauquemont. Toutes les troupes eurent ordre, en cas d'attaque, de se replier sur Höngen, leur point de rassemblement et leur champ de bataille.

Mais on se rappelle la faiblesse numérique et l'épuisement de la brillante armée de Jemappes à la fin du mois de janvier 1793. L'artillerie perdait presque tous ses équipages. La cavalerie, qui n'avait ni bottes ni manteaux, ni selles, était réduite de moitié ; nous n'en avons presque pas, assurent les commissaires de la Convention. L'infanterie manquait de souliers et s'enveloppait les pieds dans du foin. La plupart des bataillons ne comptaient guère que 200 à 300 combattants ; certains n'avaient plus que 60 hommes, et l'on voyait des compagnies de cinq et six soldats[12].

Les départements envoyèrent des recrues. Mais l'indiscipline et le libertinage étaient au comble dans ces premiers quartiers d'hiver de l'armée de la Révolution. Les officiers de volontaires quittaient leur poste sans se mettre en peine de leurs hommes, et allaient s'amuser à Liège, à Aix-la-Chapelle et dans les villes du voisinage. Déjà leurs façons insouciantes et leur négligence avaient frappé les commissaires de la Convention qui ne trouvaient à Haaren, où cantonnait le 3e bataillon de Paris, que six officiers sur vingt-quatre. Dès qu'ils avaient fait une apparition momentanée, rapporte un témoin, ils croyaient avoir rempli leur devoir. Leur ignorance désespérait les généraux : ils ne savent pas leur métier, disait La Marlière, et leur choix est fait par cabale et intrigue. Ils ne pouvaient tenir la bride fleurs soldats qui se formaient en bandes pour marauder et commettre mille excès[13]. Que de brigandages, de pilleries, de désordres les commissaires avaient appris kans leur voyage à travers les armées ! Les volontaires, mandait-on de Limbourg, se livrent au pillage et volent la nation ; il faut que les officiers soient mieux choisis et que les comités des bataillons s'occupent davantage des besoins et de l'instruction des corps. Même à Liège, sous les yeux du général en chef, les soldats s'abandonnaient à la débauche, prenaient parti pour ou contre leur hôte, maltraitaient les aristocrates, pillaient à leur guise. Ils faisaient, dit un jacobin, tout ce qu'ils voulaient, à peu près comme les mauvais sujets de Paris. Une proclamation de Dumouriez établit la peine de mort contre les militaires qui violaient les droits les plus sacrés et oubliaient leurs devoirs envers la propriété, la sûreté et la liberté individuelle des Liégeois. Mais les commissaires de la, Convention se récrièrent, et l'on se contenta de raser la tête et les sourcils à ceux qui se laissèrent prendre[14].

Une foule de femmes suivaient l'armée et formaient comme une autre armée. Elles embarrassent la marche des troupes, écrivait Delacroix, consomment beaucoup, et occupent les chariots destinés au transport des bagages et provisions. Loin de remédier au mal, la Convention permit aux soldats de se marier sans l'autorisation de leurs chefs. Tous déclarèrent qu'ils étaient mariés, et le 16 avril, après la retraite, Carnot trouvait près de trois mille femmes dans les casernes de Douai ! Aussi jugeait-il que l'armée serait perdue, si l'on ne chassait ce troupeau de filles qui énervaient les troupes et détruisaient par les maladies qu'elles apportaient, dix fois plus de monde que le feu des ennemis[15].

Stengel pressentait une catastrophe. Admirez un peu la fatalité des choses humaines, disait-il en riant à Tardy, et à quoi tient le destin des empires. Notre avant-garde sera prochainement attaquée, et de ce combat dépend le sort de l'armée, que dis-je ? de la France, et par contre-coup, de l'Europe. Si je suis vainqueur, un autre en aura toute la gloire ; si j'ai le dessous, je serai seul responsable, et dans quarante ans, du fond de son grenier, un historien écrira que la Belgique était soumise à la République française, mais qu'un certain général Stengel, asinus dans l'art militaire, prit une mauvaise position, se fit battre et entraîna la ruine de tout son parti. Et il ne dira pas que j'ai envoyé lettre sur lettre pour dénoncer le péril de ma situation ![16] Stengel savait d'ailleurs ce que valaient ses troupes. S'il avait sous ses ordres le lieutenant-colonel Barrois et le capitaine Hanique, deux des meilleurs officiers d'artillerie légère qui fussent en France, il connaissait l'inexpérience de son infanterie et son inexactitude dans le service ; il se doutait qu'elle n'aurait devant les escadrons autrichiens ni précision dans les manœuvres ni valeur froide et passive[17]. Ses meilleurs colonels de cavalerie, Fournier et les deux Frégeville, étaient en congé à Paris, et Valence déplorait l'absence de beaucoup de chefs de corps et d'officiers-généraux[18]. Mais Valence lui-même, au lieu de se rendre à Aix-la-Chapelle, au centre de ses cantonnements, demeurait tranquillement à Liège[19]. Les notes des espions, les rapports des avant-postes[20] l'avaient informé des mouvements des Impériaux, et il ne pensait pas à renforcer Stengel et à resserrer les cantonnements de la Rœr ! Cet intrépide soldat n'osait par malheur rien entreprendre de son propre chef ; il savait exécuter les ordres de Dumouriez ; livré à lui-même, il était indécis et mou. Je ne conçois pas, lui disait Beurnonville après le désastre, comment vous n'avez pas été instruit au moins deux jours à l'avance de la marche des ennemis, et il lui reprochait avec raison un manque absolu de dispositions[21].

 

III. L'armée autrichienne passa la Rœr dans la nuit du 1er mars : l'avant-garde, la seconde ligne, le corps du prince de Wurtemberg sur le pont de pierre de Düren ; la première ligne et le corps de Latour, près de Juliers, par un gué et sur un pont volant. A la pointe du jour, entre cinq et six heures du matin, les Français furent assaillis sur tous les points, à Linnich par Latour, à Aldenhoven par Clerfayt, à Eschweiler par le prince de Wurtemberg, à Höngen par l'archiduc Charles. On a dit injustement qu'ils furent surpris. Ils étaient depuis la veille avertis de la marche des Impériaux et ils passèrent la nuit sous les armes. Deux heures avant le jour, La Noue et Stengel se tenaient au centre de la position, au village de Weiden, prêts à se porter où leur présence serait nécessaire.

Le combat dura toute la journée. A droite, deux bataillons avaient, dès le premier choc, abandonné Weisweiler. Mais le capitaine Hanique, qui montra, dit La Noue, une fermeté et une intelligence rares [22], tint jusqu'au soir le Röheberg sans être entamé, et, à côté de lui, le lieutenant-colonel du 3e bataillon de grenadiers, d'Arbois, jeune officier plein de zèle et de courage[23], Cabanis qui commandait le 4e bataillon de grenadiers, et Declay, chef du bataillon liégeois, disputèrent aux tirailleurs du prince de Wurtemberg l'extrémité droite de l'immense bois d'Eschweiler.

A gauche, Quayssac et Hacquin défendaient, avec le 14e bataillon d'infanterie légère et le 26 bataillon de Paris, la redoute de Coslar, établie en avant d'Aldenhoven, sur la route de Juliers à Aix-la-Chapelle. Mais Clerfayt menaça de les tourner par Laurensberg. Ils se replièrent en bon ordre vers Höngen sous la protection du 6e et du 12e régiment de chasseurs à cheval.

Höngen était le rendez-vous que Stengel fixait aux troupes en cas d'attaque. Il y avait mis le 29e régiment, ci-devant Dauphin, qui faisait le noyau autour duquel se formaient les bataillons au fur et à mesure qu'ils arrivaient. Deux redoutes, l'une à droite, l'autre à gauche de la route, protégeaient la position. Derrière la redoute de gauche était un bois de haute futaie flanqué par un ravin. Stengel plaça deux bataillons dans les redoutes, le reste de l'infanterie entre les redoutes et le bois, les chasseurs et les grenadiers dans le ravin, la cavalerie derrière le ravin. Mais les colonnes autrichiennes s'avançaient en décrivant un demi-cercle et filaient de la gauche sur la droite pour déborder l'armée française et la prévenir à Aix-la-Chapelle. La Noue et Stengel résolurent d'abandonner Höngen et, selon leur dispositif de défense, de gagner Saint-Jobs, puis Aix. Les bataillons qui gardaient les redoutes, eurent ordre de tenir aussi longtemps que possible et de n'entrer sous bois qu'après avoir tiré leur dernière gargousse et encloué leur canon ; deux régiments de dragons devaient couvrir leur retraite.

Mais, pendant que le lieutenant-colonel d'artillerie Barrois et l'officier du génie Tardy garnissaient de canons la redoute de droite, de grands cris se font entendre à la redoute de gauche, de l'autre côté de la route, et les soldats agitent leurs chapeaux comme pour demander du secours. Que se passait-il ? Les ennemis avaient-ils pénétré dans la redoute ? La chose semblait impossible : on n'avait tiré que deux ou trois coups de canon et pas un coup de fusil. Tardy, Barrois, l'adjudant-général Montjoye, La Noue courent à toute bride vers la redoute. Elle était au pouvoir des Autrichiens.

L'archiduc Charles marchait contre cette redoute. Un officier de l'artillerie française, valeureux, mais incapable[24], s'avisa de quitter la position et, dans son impatience d'atteindre les assaillants, avança jusqu'à trente ou quarante toises. L'archiduc saisit cet instant ; il lança le régiment des dragons de La tour. Dragons, cria le jeune prince, les Français se croient invincibles, montrez-leur que vous êtes des hommes, de braves Wallons, et chassez-les au diable ! Les dragons de Latour chargèrent aussitôt, sabrèrent les artilleurs, s'emparèrent de trois pièces de canon, et franchissant le ravin, tombèrent sur le flanc de l'infanterie française postée entre la redoute et le bois. Déjà, dit Tardy, les esprits avaient perdu une partie de leur audace par la retraite qu'on avait dû faire, et cette défiance de soi-même et de sa position se communiquait à toute la ligne et y causait une fluctuation dangereuse. A la vue des dragons qui s'élançaient sur elle le sabre au poing, l'infanterie s'enfuit sans tirer un seul coup. La Noue tenta vainement de la rallier. Les dragons de Latour, rejoints par les hussards d'Esterhazy, la poursuivirent jusque dans le bois. Ils ne faisaient pas de quartier ; Tardy les vit massacrer des soldats qui demandaient pardon à genoux.

La bataille était perdue. Toute l'armée se replia sur Saint-Jobs : Barrois, Montjoye, Tardy avec les bataillons qui défendaient la redoute de droite ; Hanique avec ceux qui tenaient le Röheberg désormais inutile ; La Noue et Stengel avec le reste des troupes. Comme au matin, le 6e et le 12e chasseurs, commandés par Kilmaine et Le Fort, formaient l'arrière-garde.

Mais il était impossible de garder la position trop resserrée de Saint-Jobs. On gagna Aix-la-Chapelle. La Noue avait ordonné que les troupes tourneraient la ville sans la traverser. Mais les fuyards s'amassèrent devant les portes et menacèrent de les enfoncer. Ils criaient déjà que leur général les trahissait. La Noue fit baisser les ponts-levis ; contre la force, disait-il tristement, il n'y a pas de résistance.

La nuit était venue, et les Autrichiens, fatigués, bivouaquaient entre Aldenhoven et Eschweiler. Us avaient enlevé deux drapeaux et seize canons, fait trois cents prisonniers, tué ou blessé près de deux mille Français. Eux-mêmes ne perdaient que trente à quarante hommes. Leur infanterie, à l'exception des chasseurs, n'avait pas combattu. Mais leur excellente cavalerie avait chargé sous le feu du canon avec une fureur qu'on ne peut écrire[25], et Cobourg lui devait la victoire. Cette journée du 1er mars 1793 fut décisive. Elle jeta dans l'armée française un découragement funeste. Le désordre, dit un officier, était inexprimable. Nos dragons, écrit un autre, ont prouvé que leurs chevaux savaient courir. Nos volontaires, rapporte un troisième, ont fait voir que leur serment de vivre libres ou de mourir était un serment fait après le repas. Un seul officier du 104e régiment avait échappé. Le 3e bataillon de Paris que Jemappes, les maladies, les désertions, les congés, réduisaient à trois cents hommes, avait été cerné dans la plaine de Höngen par la cavalerie impériale, et, mandait son lieutenant-colonel, il venait de périr[26].

Le lendemain, le prince de Wurtemberg attaquait Aix-la-Chapelle. Dampierre et Stengel essayèrent de résister et un violent combat s'engagea dans les rues. Mais les bourgeois de la ville, où l'on nous détestait[27], se joignirent aux Autrichiens et tirèrent par les fenêtres. Dampierre et Stengel se retirèrent sur Herve. Quelques heures plus tard, Miaczynski arrivait de Rolduc, et, à sa grande surprise, trouvait les Impériaux dans Aix-la-Chapelle. Il les chassa par un brusque effort, mais ils revinrent à la charge, et Miaczynski, pliant sous le choc, abandonna la ville, quatre pièces de canon et quelques prisonniers.

Le même jour (2 mars) les généraux-majors Davidovich et Hutten s'emparaient de Stollberg et de Cornelimünster. Le feld-maréchal Latour poussait de Linnich à Gellenkirchen. L'archiduc Charles envoyait ses tirailleurs jusqu'à Heerlen et jetait l'alarme dans les avant-postes de Le Teneur qui couvrait à Wyq l'investissement de Maëstricht.

Pris entre l'armée autrichienne et la garnison hollandaise, Miranda leva le siège aussitôt. Durant toute la journée du 2 mars, il bombarda la place, et jamais, dit-il, l'incendie n'avait été aussi considérable. Mais, à minuit, il faisait sa retraite sur Tongres, et le 3 mars, au matin, le duc de Chartres, Ruault, Blottefière se postaient à Melin, Diettmann et Ihler à Haccourt, Le Veneur à Visé.

Miranda, plein d'un singulier optimisme, croyait encore qu'avec sa propre armée et les forces qui restaient à Valence, il serait en état d'attaquer les Impériaux et de les battre. Il se rendait à Liège pour agir offensivement et jurait aux commissaires de la Convention qu'il occupait à Tongres un poste inexpugnable[28]. Mais sa situation était plus périlleuse qu'il ne l'imaginait. Tout ce que je tracerais sur le papier, écrivait un agent du Conseil exécutif, ne pourrait exprimer le désordre et le découragement de l'armée française depuis l'échec d’Aix-la-Chapelle[29]. L'artillerie prenait déjà le chemin de la France. D'Hangest avait reçu de Miranda l'ordre de la faire filer sur Louvain ; il assembla ses officiers-généraux et après avoir demandé leur avis, décida d'envoyer l'artillerie de siège à Anderlecht et de parquer l'artillerie de campagne en-deçà de Bruxelles ; sans Duval qui lui commanda d'attendre de nouveaux ordres, il allait droit à la frontière[30]. Les volontaires quittaient leurs bataillons, et, sans vergogne, prenaient la route de France. On les rencontrait partout, criant à la trahison et semant l'épouvante. Même le 8 mars, les commissaires voyaient encore avec indignation des volontaires qui fuyaient leur drapeau. Même le 13 mars, ils voyaient encore une multitude de lâches déshonorer les chemins de leurs pas rétrogrades. On les arrêtait parfois. Mais ils avaient des billets d'hôpital volés dans les premiers jours de mars aux ambulances d'Aix-la-Chapelle et de Liège. On voulait les traduire devant des cours martiales. Mais comment, au milieu des marches d'une armée en déroute, assembler les jurés et entendre les témoins ? Beurnonville avouait qu'il était impossible d'établir des cours martiales dans les armées, et depuis la campagne de l'Argonne, Dumouriez se plaignait que les formes de ce jury fissent échapper le coupable et rendissent sa punition trop lente pour être exemplaire[31]. Les commissaires se bornaient donc à vouer les fuyards au mépris de leurs compatriotes : Des lauriers ne sont pas faits pour ces êtres vils ; qu'ils aillent cacher leur honte dans leurs demeures, et s'ils n'y périssent pas de regret et de douleur, que le mépris de leurs concitoyens venge à jamais la République !

La panique s'étendit jusqu'à Bruxelles. Une file immense de chariots couverts d'effets de tout genre ne cessait jour et nuit de traverser la ville et les faubourgs. C'était le même spectacle qu'en novembre 1792, mais cette fois, disait un Français, il nous coûte des soupirs amers. Comme trois mois auparavant, le nombre des personnes qui gagnaient la frontière fut si considérable qu'on ne trouva plus à Bruxelles ni chevaux, ni voitures[32].

Les commissaires de la Convention demeuraient consternés. Tout est dans une position effrayante, mandaient-ils de la chambre même de Valence ; l'armée est, presque entièrement débandée ; l'ennemi sera peut-être demain, peut-être même ce soir dans Liège, dans Liège où sont réunis tous nos approvisionnements et qui renferme des trésors immenses ![33]

L'évacuation de Liège était en effet inévitable. De toutes parts les Impériaux s'avançaient à grands pas, et de toutes parts l'armée française, serrée de près, reculait en désordre. La Marlière se hâtait, après un petit combat sur la Schwalm, d'abandonner Ruremonde, et Champmorin, d'évacuer les forts Stevensveert et Saint-Michel[34]. L'archiduc Charles passait la Meuse, et son audacieuse avant-garde, remplie d'orgueil et de confiance, s'emparait de Melin et rejetait sur Tongres l'arrière-garde de Miranda. Le prince de Wurtemberg entrait à Herve et poussait sur Liège.

Que faire ? Les troupes de Miranda et de Valence étaient menacées sur leurs flancs et leurs derrières. La Marlière et Champmorin avaient ordre de se retirer, le premier sur Louvain, le second sur Diest. Mais devait-on les laisser à leurs propres forces ? Ne seraient-ils pas assaillis par les Prussiens de Brunswick-Œls ? Et si Brunswick-Œls se portait de Ruremonde sur Malines, s'il se mettait entre l'armée de Belgique et l'armée de Hollande, s'il interceptait toute communication avec Dumouriez, ne faudrait-il pas se rabattre sur les frontières du Hainaut ? Les généraux français, Miranda, Valence, La Noue, le duc de Chartres, Thouvenot, Ruault, tinrent conseil le 4 mars, en plein champ, près de la citadelle de Liège : l'abandon immédiat de la ville fut résolu[35].

Depuis l'échec d'Aix-la-Chapelle, Liège était en proie à une vive émotion. En vain les commissaires montraient les dépêches rassurantes de Miranda et protestaient que les Français n'abandonneraient jamais le pays de Liège, qu'une telle pensée blessait leur loyauté, qu'il ne fallait pas concevoir de craintes exagérées. On les vit prendre le chemin de Tirlemont. On vit partir le trésor public et l'argenterie séquestrée[36]. Les habitants élevèrent aussitôt quelques ouvrages de défense. La générale battit dans les rues. Des volontaires en grand nombre reçurent des fusils. Un peu d'espoir restait encore à la malheureuse population. Miranda, disait-on, avait résolu de défendre la ligne de la Meuse. Mais le 4 mars, à la nuit, éclatait, comme un coup de foudre, la nouvelle que l'armée française avait quittée Tongres et gagné Saint-Trond. Il fallait fuir. Les membres de l'administration générale et de la municipalité, les patriotes, tous ceux qui redoutaient la vengeance du prince-évêque, se dirigèrent en hâte sur Tirlemont, par une nuit profonde, au milieu de la neige qui tombait à gros flocons. C'était leur second exil. La plupart, sans ressources, vécurent des secours de la France qui les adopta[37].

Toute l'armée était donc réunie à Saint-Trond, et Miranda assurait que les troupes présentaient l'aspect le plus imposant, qu'elles avaient un excellent esprit et les meilleures dispositions, qu'elles brûlaient du désir de battre l'ennemi, que la sûreté de la Belgique ne courait plus aucun danger[38].

Mais les Impériaux poussaient toujours en avant. Le 5 mars, Davidovich s'emparait de Huy, et l'archiduc Charles envoyait sa cavalerie vers Saint-Trond. Stengel fut coupé du reste de l'armée. Durant trois jours, il disparut, et l'on disait déjà qu'il avait émigré. En réalité, il était rejeté sur Namur avec un escadron du 12e chasseurs, et sur sa route il rencontrait le trésor de l'armée assez mal accompagné et courant les champs ; par trois fois, le fourgon se brisa, et par trois fois on dut le décharger et l'abandonner ; il fallut, au milieu de la nuit, chercher des chevaux et des chariots dans les villages chez des paysans qui ne cachaient pas leur malveillance hostile[39].

Miranda ne pouvait garder plus longtemps sa position de Saint-Trond. Il se porta le 8 mars sur Tirlemont et le 9 sur Louvain. C'était là, comme disait Thouvenot, qu'il fallait reposer les troupes et attendre les recrues. Ce fut là que l'infatigable chef d'état-major réussit à débrouiller le chaos des trois armées. Une forte avant-garde restait dans Tirlemont, et derrière elle dix bataillons baraquaient sur les hauteurs de Cumptich. Les flanqueurs de gauche occupaient Clabeck, et ceux de droite, Hougaerde. Une réserve de six bataillons et de quatre régiments de cavalerie campait sur la hauteur en arrière de Bautersem. Les trois armées ne formaient plus que trois divisions : la division du centre ou armée de la Belgique, sur les collines en arrière de Louvain ; la division de droite ou armée des Ardennes, derrière le canal de Malines ; la division de gauche ou armée du nord, derrière la Dyle, à gauche de la ville, où cinq à six bataillons tenaient garnison. Champmorin demeurait à Diest, et La Marlière avait ordre de s'établir à Lierre ; tous deux assuraient ainsi les communications de l'armée avec Dumouriez et la Hollande. Neuilly, placé à Perwez, sur le chemin romain, dans la direction de Namur, tendait la main à Harville et empêchait les Autrichiens de déborder notre droite. Dans cette position, jugeait Thouvenot, nous couvrons toute la Belgique, nous sommes en force pour nous défendre, nous pouvons attendre nos renforts sans danger, nous sommes en mesure pour protéger les efforts de Dumouriez et arrêter les effets de l'échec de notre avant-garde[40].

Cobourg avait tort de ne pas suivre sa pointe. Quel mal il eût fait aux Français s'il les avait vivement pressés, sans leur laisser le temps de se remettre de leur émoi ! Il y avait tant de frayeur et de désordre, écrivait-on de Bruxelles[41], que le prince aurait pu avec sa cavalerie nous repousser beaucoup plus loin. Il ne perdait que quatre cents hommes, et cinq jours lui avaient suffi pour chasser l'adversaire à deux journées de Bruxelles, débloquer Maëstricht  et conquérir Liège, et dans Liège même 100 pièces de canon, 40.000 fusils et des magasins considérables dont la valeur s'estimait à 200.000 florins. Cobourg s'arrêta. Il réintégra les anciens magistrats dans leurs fonctions, frappa le pays d'une contribution, ordonna que les patriotes paieraient le double, le triple, le quadruple et même le centuple des autres. Mais il n'osa dépasser Saint-Trond. Le méthodique général n'avait, d'après la convention de Francfort, d'autre mission que de délivrer Maëstricht  et, cette tâche remplie, il devait attendre la prise de Mayence. Avant de pénétrer plus avant en Belgique, Cobourg voulait obtenir le consentement du roi de Prusse !

 

IV. Lorsqu'elle apprit la défaite d'Aix-la-Chapelle, la Convention décrétait au milieu des applaudissements et avec une rapidité incroyable pour des têtes brabançonnes[42] la réunion de Bruxelles, de Gand, de Bruges, de Tournai, du Tournésis, du Hainaut. Beurnonville essaya de la rassurer ; cet échec, disait-il, avait peu d'importance, et Miranda ne cessait de bombarder Maëstricht  que pour l'attaquer dans les formes ; l'armée de Belgique reprendrait courage et s'efforcerait de rivaliser de gloire avec l'armée de Hollande ; dans quelques jours Dumouriez serait maître des bords du Rhin, s'il recevait des renforts. Le ministre affichait une imperturbable assurance et lorsqu'on sut la prise de Liège, il soutint que les troupes occupaient une position avantageuse et repousseraient l'assaillant. Mais Delacroix et Danton étaient accourus à Paris. Tous deux prirent la parole dans la séance du 8 mars. Delacroix opposa les faits aux belles phrases de Beurnonville et fit décréter que les congés seraient révoqués, que les officiers regagneraient leur poste dans la huitaine, que les sous-officiers et soldats rejoindraient leurs bataillons dans le plus bref délai à raison de sept lieues par jour, que le ministre remettrait à la Convention l'état des officiers qui s'étaient absentés sans permission au 1er mars. De son côté, Danton déclara que l'armée de Belgique avait besoin d'un prompt secours et qu'il fallait, sans perdre une minute, lever une nouvelle armée qui garderait la ligne de l'Escaut et donnerait la main à Dumouriez ; ainsi secondé, le général saurait réparer les fautes commises, faire repentir les ennemis de leurs premiers succès, trouver en Hollande d'immenses magasins. La Convention, ajoutait Danton, devait convoquer les citoyens de Paris dans leurs sections et les engager à défendre la Belgique ; la France entière sentirait le contre-coup de cette impulsion salutaire. L'Assemblée décréta que des commissaires iraient aussitôt dans les sections de Paris requérir les citoyens de voler au secours de leurs frères en Belgique ; que 82 commissaires seraient chargés d'une mission semblable dans le reste de la République, à raison de deux par département ; que les bourses vacantes dans les collèges seraient données aux enfants de ceux qui se rendraient à la frontière ; que les fonctionnaires publics qui marcheraient à la défense de la patrie en qualité de volontaires, toucheraient le tiers de leurs appointements ; qu'une taxe de guerre serait imposée aux riches.

La Commune imitait la Convention. Elle faisait hisser le drapeau noir sur le faîte de l'Hôtel de Ville et envoyait aux sections une proclamation qui grossissait le désastre et sommait Paris de donner l'exemple du courage :

Aux armes ! Si vous tardez, tout est perdu. Une grande partie de la Belgique est envahie ; Aix-la-Chapelle, Liège, Bruxelles doivent être maintenant au pouvoir de l'ennemi. La grosse artillerie, les bagages, le trésor de l'armée se replient avec précipitation sur Valenciennes, et ce qui ne pourra suivre sera jeté dans la Meuse. Dumouriez fait des conquêtes en Hollande ; mais si des forces considérables ne le soutiennent pas, Dumouriez et avec lui l'élite des armées françaises peuvent être engloutis. Parisiens, envisagez la grandeur du danger ; levez-vous, armez-vous, marchez. il faut que cette campagne décide du sort du monde ; il faut épouvanter, exterminer les rois !

 

Mais Paris s'était levé à la voix des commissaires de la Convention. Chaque section avait dressé sur-le-champ la liste des volontaires qu'elle devait fournir. a : Les citoyens, disait Mailhe, pleuraient lorsqu'on leur parlait des dangers qu'avaient courus leurs frères à Liège et à Maëstricht, mais c'étaient les larmes d'Achille jurant de venger Patrocle. Victor de Broglie annonçait que les citoyens de sa section, celle des Invalides, les uns, vieux militaires couverts de blessures, les autres jeunes et pleins de vigueur, avaient juré de cueillir des lauriers en Belgique. Les élèves de l'école des Ponts-et-Chaussées priaient l'assemblée de les employer dans le corps du génie. Les ouvriers et commis des manufactures de papier du Marais, de Courtalain, d'Essonnes voulaient marcher à la frontière ; un décret les obligea de rester dans leurs ateliers et leurs bureaux pour la fabrication des assignats.

Danton ne cessait de signaler le danger. Robespierre avait demandé, dans la séance du 10 mars, un décret d'accusation contre Stengel et la punition des officiers absents ou fugitifs : selon lui, l'indulgence causait tous les maux dont souffrait la France. Danton répliqua qu'il valait mieux réparer les désastres que d'en rechercher la cause : quand l'édifice est en feu, je ne m'attache pas aux fripons qui enlèvent des meubles, j'éteins l'incendie, et pour la seconde fois, il propose d'envoyer à Dumouriez des renforts considérables. Conquérir la Hollande, c'est vaincre l'Angleterre et ruiner son commerce. Prenons la Hollande, et Carthage est détruite, et la France est sauvée, et le monde est libre. Que les commissaires partent ce soir, cette nuit même. Qu'ils disent à la classe opulente : il faut que l'aristocratie de l'Europe, succombant sous nos efforts, paie notre dette ou que vous la payiez ; le peuple n'a que du sang, il le prodigue ; allons, misérables, prodiguez vos richesses ! Il rappelle son rôle en 1792. J'ai dit alors : je ne connais que l'ennemi, battons l'ennemi... Que m'importe ma réputation ! Que la France soit libre et que mon nom soit flétri à jamais ! Combattons et conquérons la liberté !

Mais Carra, Rühl, Turreau, Gaston réclament avant tout le châtiment de La Noue et de Stengel. Danton, appuyé par Delacroix, obtint qu'ils fussent traduits à la barre de la Convention et, quelques jours plus tard, les deux généraux paraissaient devant l'assemblée. Les questions furent mal posées. La Convention renvoya La Noue et Stengel au tribunal révolutionnaire qui les acquitta.

Ce tribunal extraordinaire, chargé de juger sans appel les conspirateurs et les contre-révolutionnaires, datait de ces orageuses journées de mars où se répandait la nouvelle de l'échec d'Aix-la-Chapelle et de la prise de Liège. L'esprit de parti, lit-on dans le Journal français[43], calcule tour-à-tour sur nos succès ou sur nos revers ; la moitié de Paris croyait voir l'ennemi à ses portes ; les jacobins étaient trop fins pour ne pas prendre l'occasion aux cheveux. Ils ne se bornèrent pas à faire créer le tribunal révolutionnaire. Le 10 mars, une insurrection éclatait contre les girondins, sous prétexte qu'ils paralysaient la Convention et causaient les défaites de l'armée ; on saccageait les imprimeries de leurs journaux ; on assiégeait l'assemblée et l'hôtel de la guerre. Heureusement Beurnonville escalada le mur du ministère et courut chercher un bataillon de volontaires brestois. Il dispersa les émeutiers. Mais il donna sa démission le lendemain. Il se croyait, assurait-il, plus propre à la guerre qu'à l'administration et, d'ailleurs, dans ses fonctions de ministre une fâcheuse prévention ne lui permettait plus d'être utile[44]. Les jacobins l'attaquaient avec fureur, l'accusaient de ne protéger qu'intrigants et escrocs. On est chez lui, disait Collot d'Herbois, en pleine aristocratie. Danton même, qui reconnaissait ses services, se plaignait qu'il n'eût pas des formes populaires, familières, conciliatrices. Dans la journée du 10 mars, Ronsin et d'autres assassins en crédit le cherchaient pour l'égorger[45]. Mais la Gironde prit la défense de Beurnonville. Le Patriote français demandait quel homme vertueux accepterait la tâche qu'Ajax désespérait de bien remplir. Qui sera ministre, s'écriait Carra, si Beurnonville ne peut le rester ? Et Guyomar ajoutait : On veut organiser de nouveau le ministère, mais on désorganise tout, en organisant à chaque instant ! Le 14 mars, la Convention réélut Beurnonville par 336 voix sur 530. Il resta donc à son poste ; secondé, disait-il, et investi de la confiance de la représentation nationale, il allait perfectionner l'administration de la guerre et la ranimer dans toutes ses parties[46].

 

V. La nouvelle de l'irruption autrichienne avait d'abord effrayé Dumouriez. Mais les lettres de Miranda respiraient l'assurance. Il résolut de ne quitter ni la Hollande ni l'armée qui faisait des miracles par le prestige de sa présence. Après tout, rien n'est encore gâté ; que Valence et Miranda couvrent Liège en se postant, l'un à Herve, et l'autre à Tongres. Que tous deux tiennent et défendent vigoureusement la Meuse pendant quinze jours. Que Valence, revenu de son étourdissement, répare son échec. Mais Dumouriez compte particulièrement sur Miranda ; oui, Miranda saura détruire par sa contenance la mauvaise impression que produit l'échec d'Aix-la-Chapelle ; il laissera le temps à Dumouriez de prendre Willemstad et Geertruidenberg, de passer le Mœrdijk, de terminer son expédition et la révolution batave, de se faire le général des troupes hollandaises qui se battent à regret contre lui, et de réunir à son armée 40.000 hommes remplis du républicanisme le plus ardent.

Dumouriez tient le même langage aux commissaires de la Convention. Il ne leur demande que deux semaines et les prie d'inspirer leur courage aux troupes. Thouvenot, dit-il, secondera Valence par ses avis ; pour lui, il ne peut renoncer à ses desseins dont le succès est d'autant plus certain qu'ils sont plus audacieux[47].

Il essaie même de faire prendre patience à l'armée de Belgique et, du Mœrdijk, il la stimule, il l'aiguillonne. Une adroite proclamation exhorte les vaincus d'Aix-la Chapelle à reprendre leur fierté républicaine et à défendre vaillamment le passage de la Meuse. Pensez à la vengeance, serrez vos bataillons, baissez vos baïonnettes, entonnez l'hymne des Marseillais, et vous vaincrez. Il promet de les rejoindre dans quelques jours ; mais de loin il veille sur eux, et ses conseils guident les généraux qui sont ses élèves et ses amis[48].

Durant huit jours, il refuse de se rendre en Belgique. Quoi ! il lâcherait la Hollande ! Mais Willemstad est sur le point d'ouvrir ses portes. Mais Geertruidenberg est pris, Geertruidenberg, la clef de la Hollande, et il mande à Miranda : Mon frère, mon ami, oubliez vos chagrins, Geertruidenberg s'est rendu ! Plus que jamais il tient à son plan ; à ce plan qui sauvera la Belgique et la France, qui lui donnera du numéraire, des munitions, des subsistances, des alliés : j'y tiens, comme j'ai tenu au camp de Sainte-Menehould, parce que le salut de la patrie est en Hollande[49].

Et Miranda pense et espère comme lui, Miranda lui conseille de rester en Hollande, le rassure sur l'esprit de l'armée, lui jure de repousser toutes les attaques. Aussi, avec quelle effusion Dumouriez remercie son lieutenant ! Soyons toujours dignes l'un de l'autre. C'est vous et Thouvenot qui pouvez seuls sauver la République. Il n'y a que vous et Thouvenot qui me donniez consolation et espérance. Il s'irrite contre Valence qui se décourage aisément et voit les choses en noir ; il propose à Miranda de le sacrifier : cuidado con este hombre, soyez sur vos gardes avec cet homme ; s'il vous gêne par ses irrésolutions, un courrier en ferait l'affaire.

Mais Valence restait découragé, presque désespéré, et ses lettres prenaient une couleur de plus en plus sombre. Il ne répondait pas des événements si Dumouriez n'arrivait sur-le-champ ; Dumouriez seul saurait redonner de l'entrain aux soldats, les conduire et les enlever ; lui seul peut rétablir la confiance et l'ensemble des opérations, peut lier sa position à la nôtre et cesser de rendre nos mouvements incertains. L'expédition de Hollande, ajoutait-il, n'est-elle pas manquée, puisque Miranda lève le siège de Maëstricht  et ne marche pas sur Nimègue ? Les commissaires joignaient les plus pressants appels aux dépêches réitérées de Valence. La situation de l'armée est désolante, écrivaient-ils le 3 mars à Dumouriez, elle vous cherche, elle vous demande, et le courrier, qui portait leur lettre, était le cinquième qu'ils lui envoyaient depuis la veille. Enfin, La Sonde arrivait à Mœrdijk et annonçait au général que la Belgique était en feu, que les jacobins pillaient les églises.

Il fallut toutefois un ordre formel des ministres pour l'arracher à la Hollande. Le 8 mars, dans une séance à laquelle assistaient Labourdonnaye, Custine et Servan, le Conseil exécutif avait arrêté que Dumouriez se rendrait sur-le-champ aux armées de Valence et de Miranda ; il l'autorisait à venir seul ou avec ses troupes de Hollande. Dumouriez partit aussitôt[50].

Il laissait le commandement du corps expéditionnaire à de Fiers qui prendrait les avis du colonel Thouvenot. De Flers avait ordre de passer le Mœrdijk et Berneron, de prendre Willemstad.

Mais le gouverneur de Willemstad, le général van Bœtzelaar, était un soldat énergique et résolu. Il répondit aux sommations de Berneron qu'il se défendrait en homme d'honneur, et il tint parole. La ville bombardée à boulets rouges ne se rendit pas. Dès le 6 mars, on écrivait du camp français qu'elle semblait décidée à la résistance la plus opiniâtre et qu'un aurait peine à la réduire. Elle offrait d'ailleurs du côté de la terre un front très étroit et recevait des secours du côté de la mer. Enfin, Berneron l'attaqua de trop loin et ne fit que consommer inutilement ses munitions. Dumouriez lui envoya deux capitaines du génie, Marescot, frère du futur général, et Jean-Baptiste Dubois-Crancé, frère du conventionnel. Mais un matin que les deux ingénieurs voulaient tracer le nouvel emplacement des batteries, à 200 toises de la ville, à l'angle de la digue occidentale, les Hollandais firent une sortie, dispersèrent les travailleurs et enclouèrent les canons ; les deux officiers restèrent sur la place. Il fallut lever le siège de Willemstad[51].

En réalité, Dumouriez seul donnait du nerf aux troupes novices et indisciplinées qu'il avait menées en Hollande. Dès qu'il fut parti, le découragement gagna tous les cœurs, et ceux mêmes qui montraient naguère le plus d'audace et d'impatience, déclarèrent le passage du Mœrdijk impossible. De Fiers, faible, hésitant, perdit quelques jours. L'amiral Kinsbergen, un des héros de la bataille de Doggersbank, eut le temps d'entrer dans le Hollandsch Diep avec des frégates et des chaloupes canonnières. 2000 Anglais débarquaient à Hellevoestluys et venaient renforcer la garnison de Dordrecht. Les Prussiens de Brunswick-Œls marchaient de Venlo sur Bois-le-Duc. Le stathouder, résolu de défendre la ligne du Waal et de la basse Meuse, faisait entrer dans Nimègue toutes les troupes voisines de la Gueldre et concentrait derrière Gorcum le gros de l'armée hollandaise. Des batteries s'élevaient sur les digues et les rives des fleuves ; des pièces, pourvues des meilleurs attelages, devaient se porter rapidement sur les points menacés ; des officiers émigrés du corps royal de l'artillerie dirigeaient les mesures de défense. Un capitaine de l'arme, le chevalier de Verclay, n'était-il pas à Willemstad le digne second de Bœtzelaar ?

Ainsi se termina l'expédition de Hollande. Sans le désastre d'Aix-la-Chapelle, elle eût peut-être bien tourné. Quelques jours après le départ de Dumouriez, de Flers se jetait dans Bréda et Tilly dans Geertruidenberg. Des événements indépendants de notre armée, disait le colonel Thouvenot, suspendent la suite de l'entreprise hardie qu'elle devait exécuter : nous allons nous présenter à un autre ennemi, nous le battrons, nous le repousserons et nous reprendrons le projet qui devait dégager la Hollande des fers du stathouder[52]. Il abandonna le camp des castors, fit sauter les fortifications de Klundert et mena sur l'Escaut le reste des troupes avec les bagages et l'artillerie. Le ressort moral, un instant affermi par Dumouriez, s'était affaibli sans retour dans cette armée qui devait pénétrer au sein de la Hollande et entrer à La Haye. La conduite des gendarmes nationaux fit scandale à Anvers et à Ostende ; ils ne parlaient que de la traîtrise des généraux, ils arrachaient l'épaulette de leurs officiers en disant qu'ils ne reconnaissaient plus de supérieurs, et lorsqu'on menaçait de les arrêter, ils mettaient le pistolet au poing[53].

 

 

 



[1] Vivenot, Quellen, II, 462.

[2] Chronique de Paris, 30 mars 1793.

[3] Vivenot, Quellen, II, 391, 469, 501 ; Caraccioli, La vie de Joseph II, p. 118 et 178, note ; Witzleben, Prinz Friedrich Josias von Coburg, 1859, II, p. 32. Fersen (II, 80) écrit qu'il n'a jamais vu d'homme plus tranquille que Cobourg et qui ait l'air moins occupé ; on dirait un simple spectateur ; c'est qu'il repose sa besogne sur d'autres, et il a le mérite de se laisser conduire par un excellent guide.

[4] Witzleben, Coburg, II, 33-35 ; Thürheim, Briefe des Grafen Mercy an L. Starhemberg, 197 ; Langeron, Mém. sur la camp. de 1793 (A. E.).

[5] 6, 7,12, 14 février 1703.

[6] Sayous, Mallet du Pan, II, 491.

[7] Mémoire de Gobert (A. G.) ; Interrogatoire de La Noue (Comité de la guerre) (A. N. AF. II, 22) ; Dumouriez, Mém., III, 223 et 292 ; Gesch. der Kriege in Europa, I, 130 (Düren fut attaqué le 22 déc. 1792) ; cf. sur la bicoque de Juliers les Ausichten de G. Forster, 79.

[8] Interrogatoire de La Noue.

[9] Rapport de Tardy (A. N. W. 272, 41), notre principale source avec la Relation imprimée de Stengel ; cf. Witzleben, Coburg, 99-105, et Porth, Die Schlacht bei Neerwinden (Mittheil., des k. k. Kriegs-archivs. 1877, p. 337-310. Oesterr. milit. Zeitschrift. X, Separat-Beilage).

[10] Toulongeon, II, Pièces, p. 37-38 (Fragment des Mém. du général V***) ; Miranda à Dumouriez, 9 et 28 janv. 1793 (A. N. F7 4598) ; Miranda, toujours jaloux de Valence, lui reproche (ainsi qu'à Stengel) d'avoir décrié les cantonnements devant les officiers et même devant la troupe.

[11] Tardy écrit de même qui trop embrasse, mal étreint ; nous avons voulu faire deux choses : municipaliser Aix et empêcher la levée du siège de Maëstricht  ; nous avens manqué ces deux objets.

[12] Cf. Jemappes, IV et V ; Dumouriez, Mém., III, 287-292 et 365 ; Rec. Aulard, I, 477, et II, 250 ; Moniteur, 7 janv. 1793 (lettre de Bruxelles du 28 déc. 1792 nous manquons absolument de cavalerie) ; De Flers, Avis aux Français (Annales patriotiques, 6 janv. 1793, les bataillons se trouvent réduits à 200 et même à 100 par la défection des volontaires). Le bataillon de Sainte-Marguerite qui, formait la garnison de Condé, ne comptait que 90 hommes, et le gouverneur de la place, Langlois, se plaignait des officiers qui ne cessaient de demander des permissions pour retourner chez eux (Langlois à Beurnonville, 6 févr. 1793, A. G.).

[13] 1er rapport des commissaires, 37 et 56 (les officiers ne se tiennent pas assez auprès des soldats) ; Rec. Aulard, 1. 354-355, 357, 471 ; Liger, Camp. des Franç. Pend. la Révol., an VI, vol. II, p. 134 (au bivouac et en soi tant même des affaires les plus chaudes, nous étions assaillis de solliciteurs qui demandaient des permissions l'entrer en ville) ; La Marlière à Liébaut, 25 févr. 1793 (A. G.).

[14] 1er rapport, 12 (une multitude de plaintes) ; Rec. Aulard, II, 319-320 ; Moniteur, 15 janv. 1793 ; Rousin, Correspondance, 18, 32 (l'indiscipline la plus scandaleuse) ; Money, The campaign, 239-240 it was the canaille of the country who instigated the troops to do it and who partook of the plunder ; Calvet aux Jacobins. 15 mars 1793 ; proclamation de Dumouriez, 15 déc. 1792 (Moniteur du 27) et Mém., III, 291.

[15] Rec. Aulard, II, 446 ; Décret du 8 mars 1793 (il est libre à tous : les militaires indistinctement de se lier par les nœuds du mariage sans : le concours de leurs chefs supérieurs) ; Wallon, Les représentants en mission, IV, 78.

[16] Rapport de Tardy.

[17] Stengel au président de la Convention, p. 2-3.

[18] Valence à Beurnonville, 27 févr. et 3 mars 1793 (A. G.).

[19] Rojas, Miranda, 121. Lui aussi venait de Paris et n'était arrivé à Liège que le 23 février.

[20] Dès le 21 février, une lettre de Clèves annonce que l'armée de Clerfayt beaucoup augmentée, sortira incessamment de ses quartiers d'hiver (A. G.).

[21] Beurnonville à Valence, 7 et 9 mars 1793 (A. G.). Le 28 février seulement, Valence écrit à Le Brun qu'il va quitter Liège pour faire des reconnaissances sur les bords de la Rœr et qu'il ignore la force des ennemis ! Valence, dit Stettenhoffen (au président de la Convention, 9 avril, A. G.) est très coupable ; il est cause de notre perte à Liège.

[22] La Noue à Miranda, 1er mars 1793 (A. G.).

[23] Stengel, Relation, p. 4.

[24] Stengel, Relation, p. 6.

[25] Rapport de Tauenzien (Witzleben, 101) ; Guillaume, 42-43 ; Cruyplants, 16 ; le colonel Pfortzheim et le chef d'escadron Mesemacre, des dragons de Latour, avaient péri dans le combat.

[26] Lettres du 2 mars 1793 (A. G.).

[27] Mot de Tardy ; cf. le rapport de Miaczynski aux commissaires (A. N. W., 271, dossier de Miranda), et sur la conduite des Français à Aix, Perthes, Politische Zustände u. Personen in Deutschland zur Zeit der franz. Herrschaft, I, 138-140.

[28] Deuxième rapport des commissaires, 41.

[29] Milon à Beurnonville, 10 mars 1793 (A. G.).

[30] D'Hangest à Miranda, 6 mars ; Duval à Beurnonville, 7 mars ; Miranda à d'Hangest, 8 mars 1793 (A. G.).

[31] Rec. Aulard, II, 289, 394, 433, 444 ; Révolutions de Paris, n° 194, p. 4 : un grand nombre de volontaires ont quitté l'armée pour venir se plaindre et porter le découragement ; Beurnonville à la Convention, Moniteur du 22 mars 1793 ; Retraite de Brunswick, 45. Il y avait un tableau des jurés sur sept colonnes : 1° officiers généraux ; 2° capitaines ; 3° lieutenants ; 4° sous-lieutenants ; 5° sergents ; 6° caporaux ; 7° soldats. On prenait quatre personnes sur chacune des sept colonnes et huit autres sur la colonne du grade de l'accusé ; on avait ainsi trente-six personnes qui étaient réduites à neuf par les récusations de l'accusé ; ces neuf personnes formaient la cour martiale. (Loi du 29 oct. 1791, art. XXIII, et loi des 11 et 12 mai 1792.) Ajoutez qu'une loi du 15 nov. 1792 avait supprimé les commissaires-auditeurs chargés des fonctions d'accusateur dans les cours martiales, et qu'un décret du 13 déc. de la même année confiait leur office au plus ancien commissaire des guerres. Or, les commissaires des guerres avaient autre chose à faire et n'étaient pas assez nombreux. (1er rapport, 7, 12, 56.)

[32] Moniteur, 13 mars 1793 ; Milon à Beurnonville, 7 mars (A. G.).

[33] Rec. Aulard, II, 250.

[34] Dohna, 210-212 ; Rojas, Miranda, 106 ; lettres de la Marlière et de Champmorin, 6 et 7 mars 1793 (A. N. W., 271, dossier de Miranda).

[35] Valence à Beurnonville, 14 mars 1793 (A. G.) ; Belliard, Mém., I. 103.

[36] Cf. Conférences de la Soc. d'art et d'hist. du diocèse de Liège, 2e série, 1889, p. 52-60 (étude de M. Helbig), le procès-verbal, dressé par les officiers municipaux de Lille, de l'argenterie amenée par Waleff. Voir aussi dans le même recueil, p. 20-23, le récit de meurtre commis par les sans-culottes.

[37] Borgnet, II, 246-248 ; Hénaux, II, 683-685.

[38] Miranda à Harville et aux commissaires, 6 mars 1793 (A. G.) ; Rojas, Miranda, 105-114 ; Rec. Aulard, II, 279.

[39] Milon à Beurnonville, 10 mars ; Stengel à Miranda, 8 mars 1793 (A. G.) et au président de la Convention, p. 6.

[40] Thouvenot à Beurnonville, 10 mars (A. G.) ; 2e rapport, 177 ; Rec. Aulard, II, 319.

[41] Moniteur, 22 mars 1793.

[42] Borgnet, II, 241.

[43] Journal français ou Tableau politique et littéraire de Paris, n° 117.

[44] Beurnonville à la Convention et au Conseil (A. N. A. F., II, 9).

[45] Journal des jacobins, séances des 20 février et 11 mars 1793 ; Le Batave, 19 févr. ; Moniteur, 14 mars ; Garat, Mém., 158.

[46] Patriote français, 12 mars 1793. Beauharnais, écrit un agent à Le Brun (12 mars, A. E.), a fait une adresse aux despotes de l'Europe qui porte plusieurs personnes à désirer qu'il remplace Beurnonville. Mais certains individus qui se prétendent instruits et forts en moyens, assurent que Dubois-Crancé sera ministre en dépit du décret que l'on parle de faire rapporter. (Danton avait, en effet, proposé la veille de prendre le ministère dans l'Assemblée.)

[47] Lettre du 4 mars 1793 (Moniteur du 12).

[48] Moniteur, 13 mars 1793.

[49] Dumouriez à Beurnonville, 4 mars (A. G.) et aux commissaires, 7 mars 1793 (Catal. Charavay, 25 mai 1882).

[50] Rec. Aulard, II, 251, 283 ; 2- rapport, 67 ; Beurnonville à Valence, 9 mars, et Valence à Beurnonville, 3 et 14 mars 1793 (A. G.) ; Mém. de La Sonde, 16 ; Rojas, Miranda, 96-117.

[51] Dumouriez, Mém., IV, 48-49, 56-57 ; Van Kampen, Gesch. der Niederl., 518-519 ; Crossard, Mém. milit. et hist., I, 23-25 ; Le Batave, 20 et 23 mars 1793 ; lettres de La Haye, 13 mars, et lettres de Bœtzelaar, 15 et 16 mars (A. G.).

[52] Proclamation du 15 mars 1793 (A. N. W., 274, papiers de Devaux).

[53] Moniteur, 30 mars 1793, lettres du 19, de Labarrière et de Ferrat.