LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

JEMAPPES ET LA CONQUÊTE DE LA BELGIQUE

 

CHAPITRE VI. — LA RÉUNION.

 

 

I. Promesses de la France. Les clubs. Les élections. Mons, Bruxelles. L'émeute du Mayboom. Les assignats. Labourdonnaye et Sta. — II. Les limites naturelles. Cambon. Le décret du 15 décembre. — III. Protestations et pamphlets. — IV. Opposition de Dumouriez. — V. L'armée belge. La Convention nationale belgique. Les élections bruxelloises du 29 décembre. — VI. Le système départementaire demandé par les clubs. Les sans-culottes de Bruxelles. Le vote de Liège. — VII. Décret du 31 janvier. Les généraux. Les commissaires de !la Convention. Les commissaires nationaux et leurs délégués. — VIII. Exécution du décret. La réunion. Le vote de Mons, de Gand, de Bruxelles, de Namur. Résistances.

 

I. Au milieu des succès de l'armée française, cruellement compromis par l'ineptie de Pache et des bureaux de la guerre, que devenait la Belgique, délivrée du joug de la guerre, que devenait la' autrichien ?

La Constituante avait déclaré solennellement qu'elle renonçait aux conquêtes, et la Législative ne faisait la guerre à l'Autriche que pour se défendre. Généraux et politiques rejetaient toute idée d'agrandissement territorial. Dumouriez, entamant sa campagne, disait aux ministres que les Belges devaient y gagner leur liberté et la France leur alliance[1]. Je pense absolument comme vous, écrivait Biron à Merlin de Douai[2], qu'il nous doit être tout à fait indifférent quelle forme de gouvernement choisiront les Belges, et que notre unique but doit être de les rendre indépendants et libres de s'organiser. Robespierre annonçait que les Français laisseraient au peuple belge la liberté de se donner la constitution qui lui plairait[3]. Rendez, disait le président du club de Valenciennes à Dumouriez, rendez les Belges à la liberté et apprenez à l'univers que la France met sa gloire à mépriser de vaines conquêtes[4].

La Convention, elle aussi, ne songeait pas d'abord à l'incorporation des Pays-Bas. Ses commissaires dans le Nord voulaient suivre l'armée sur le territoire belge, non pour influencer les opinions, mais pour surveiller les intrigants. Elle décréta qu'ils reviendraient à Paris ; ils désiraient, dit Barère, accompagner la victoire dans le Brabant, mais leur mission se borne aux frontières. Que feraient-ils en suivant l'armée ? Une invasion politique, et le 4 décembre il déclarait encore, au nom de l'assemblée, que la France voulait, non pas river les fers d'une autre nation, mais conquérir son cœur. Nous sommes vos frères, mandait Gensonné à Malou-Riga, et non pas vos souverains ; le peuple, libre et sans influence, saura bien ce qui lui convient le mieux, et, en lui laissant l'exercice de sa pleine et entière volonté, nous n'aurons du moins aucun reproche à nous faire. Le Conseil exécutif n'avait-il pas hautement proclamé que la Belgique ne devait ni craindre pour son indépendance, ni douter du désintéressement de la République française[5] ?

Le manifeste de Dumouriez contenait de semblables assurances. Dès 1790, le général avait recommandé de protéger le vonckisme, et pendant son ministère il avait favorisé de tout son pouvoir le parti démocratique, le seul dont les principes coïncidaient avec les principes français[6]. Il sommait donc les Belges d'établir la souveraineté du peuple et de renoncer à vivre sous des despotes quelconques. Mais, ajoutait-il, la France ne se mêlerait en rien de la constitution qu'ils voudraient adopter. Ce manifeste fut suivi d'instructions spéciales aux généraux. Ils n'interviendraient pas dans l'administration, ni dans aucun détail politique ; ils apportaient la liberté, mais ils ne devaient pas influencer le peuple dans les formes qu'il voudrait prendre pour la maintenir ; ils annonceraient que la nation belge était seule souveraine et devait élire sur le champ de nouveaux magistrats ; ils se saisiraient des caisses publiques, mais cet argent serait, comme les impôts, destiné à la formation d'une armée nationale[7].

De même que le général, le ministre des affaires étrangères, Le Brun, affirmait qu'il voulait assurer parfaitement et sans retour la liberté des Belges et Liégeois. Il avait, dès le début de l'invasion, organisé, sur le conseil de Dumouriez, une agence française de trois membres : Joseph-Marie Bourdois, colonel et chef de l'agence, Charles Metman et Pierre Chépy. Un quatrième personnage se joignit à ces agents de son propre mouvement, malgré Le Brun et avec l'autorisation de Dumouriez : le secrétaire d'ambassade Deshacquets, qui ne fit d'ailleurs que signer des certificats, légaliser des pièces et fouiller les archives. Bourdois, Metman, Chépy devaient s'entendre avec le comité des Belges et Liégeois unis, et surtout avec Dumouriez. Le Brun leur recommandait quatre points essentiels : 1° suspendre toutes les autorités et remplacer les tribunaux par des arbitres et des juges de paix et les États par des municipalités provisoires que le peuple choisirait librement ; 2° convoquer les électeurs pour connaître la forme du gouvernement qu'ils désiraient ; 3° organiser une force militaire soldée et non soldée ; 4° déporter ou séquestrer les moines et améliorer le sort des curés[8].

Dumouriez ne voulait pas séquestrer ou déporter les moines, mais il s'efforça d'exécuter le reste du programme de Le Brun. Toutes ses adresses, ses proclamations, ses discours dictaient aux Belges leur conduite. Il leur disait qu'une seule corporation existait dans le monde, celle des hommes libres ; toutes les autres corporations, prêtres, nobles, États, devaient disparaître. L'archiduchesse Marie-Christine avait, en quittant Bruxelles, annoncé que l'Empereur maintiendrait immuablement la constitution du duché de Brabant et la Joyeuse Entrée. Dumouriez mettait les Belges en garde contre ce présent funeste et trompeur ; leur constitution n'était que le pacte d'un peuple esclave avec un despote : désormais libres et souverains, ils renonceraient à leur ancienne représentation composée d'un petit nombre de familles et d'individus, ils renonceraient à la magistrature qu'ils ne nommaient pas, ils renonceraient à tous leurs titres et privilèges, aboliraient l'ordre de la noblesse et l'ordre du clergé. Gardez, s'écriait le général, vos curés et vicaires, donnez-leur l'honnête nécessaire sans en faire un corps politique, et rendez à la pauvreté les prélats, abbés et moines qui vous mangent. Que toutes les distinctions de province, de condition, de profession, s'évanouissent au milieu de vous. Soyez frères, soyez unis, toujours unis, et vous deviendrez un peuple aussi heureux que puissant ![9]

Pour mieux gagner les esprits aux principes français, Dumouriez installa partout des sociétés populaires qui s'affilièrent à la grande Société de Paris. Dès le lendemain de Jemappes, un club s'ouvrait à Mons et offrait le bonnet rouge au libérateur de la Belgique, à l'homme qui, ministre et général, avait déclaré la guerre au tyran, puis l'avait abattu. Dumouriez félicita les Montois d'établir le premier club des Pays-Bas et de montrer que le peuple belge était mûr pour la liberté[10].

Bruxelles suivit l'exemple de Mons. Le 15 décembre, au lendemain de l'entrée des Français, les membres du comité révolutionnaire fondaient une Société populaire. Ils nommèrent président le disert d'Espagnac, qui, abbé et noble, avait su terrasser deux préjugés de l'orgueil et du despotisme. Dumouriez assistait à la séance du 18 novembre. Il présenta Baptiste Renard, ci-devant son valet de chambre, et maintenant capitaine de la garde nationale et son aide-de-camp ; il montra l'épée que la Convention avait donnée au héros de Jemappes et, pour prouver qu'il n'y avait plus d'intervalle entre les hommes, il embrassa Baptiste. La scène, dit le procès-verbal, fut attendrissante[11].

Dans toutes les grandes villes de Belgique s'établirent de clubs, chargés d'apporter au milieu des glaces de l'aristocratie les saintes ardeurs du civisme. Deux frères de Bruxelles, Goguet et Mesemaecker, vinrent inaugurer la Société de Louvain et tenter de détruire le fanatisme et la crasseuse hypocrisie. Le colonel de la gendarmerie nationale, Verrières, aidé de son secrétaire, Regulus Leclerc, fonda le club d'Anvers ; l'officier Almain, le club de Tournai ; Malou-Riga, le club d'Ypres[12].

En même temps, dans le pays de Liège et sur tout le territoire de la Belgique, excepté dans les trois provinces de Limbourg, de Gueldre et de Luxembourg que les Autrichiens occupaient encore, avaient lieu les élections des administrations provisoires. Dumouriez ne prescrivait aucune disposition de détail. Les villes choisirent leurs administrateurs à des dates diverses, appelant au scrutin un nombre plus ou moins grand d'électeurs, donnant aux élus plus ou moins de pouvoirs, en un mot, procédant comme il leur plut.

Liège avait une situation à part. La Société des amis de la Liberté, rentrée dans le pays avec Dumouriez, résolut de confier l'administration de la ville au Conseil municipal de 1790 et celle du pays entier à une Convention nationale liégeoise. La principauté constitutionnelle fut abolie et la république démocratique établie sans obstacle ; au tyran mitré succédait le peuple souverain. Le 7 décembre, la Convention liégeoise, composée de 420 membres, fut élue par les assemblées primaires. Mais elle ne se réunit que le 17 février suivant. Elle nomma Fabry, président et Bassenge, vice-président ; puis elle décréta que le pays était irrévocablement séparé de l'empire germanique et, pour rompre à jamais avec l'évêque-despote, décida que les églises de Liège seraient transformées en magasins ou en casernes et la cathédrale de Saint-Lambert, démolie de fond en comble[13].

Mais, malgré Dumouriez et les clubs, les statistes l'emportèrent en Belgique. Trois grandes villes, Charleroi, Mons, Bruxelles, leur échappèrent. Encore fallut-il, pour déjouer leurs manœuvres à Mons et à Bruxelles, recourir à la ruse et convoquer les électeurs brusquement, sans délai et dans la journée même.

Le surlendemain de Jemappes, Walckiers, Balsa, de Raet, Digneffe, Espagnac, formant le comité révolutionnaire des Belges et Liégeois unis, convoquèrent à Mons, dans l'église Sainte-Waudru, tous les citoyens âgés de 2I ans au moins. Une administration provisoire de 30 membres fut élue sur le champ. Elle s'empressa de déclarer, au nom du peuple souverain, à la face du ciel et de la terre qu'elle brisait tous les liens qui attachaient la Belgique à la maison d'Autriche et jurait de ne plus les renouer. Les nouveaux administrateurs de Mons professaient des opinions démocratiques. Ils organisèrent le Hainaut. Chaque commune eut ordre de remplacer ses échevins par sept officiers municipaux et d'envoyer à Mons un député. Toutes obéirent, à l'exception de Hal, qui déclara qu'elle ne reconnaissait d'autre j représentant que les trois états du Hainaut et ne voulait vivre que selon les anciennes lois et constitutions de la province. Les députés des communes formèrent l'Assemblée générale des représentants du Hainaut et cette assemblée décréta l'abolition des États, du Conseil souverain, des trois ordres et du droit de mainmorte. Mais sa majorité se composait de modérés, et la lutte éclata bientôt entre les représentants du Hainaut et les administrateurs de Mons[14].

Comme l'élection de Mons, celle de Bruxelles fut toute démocratique. Mais on l'escamota. Le 4 8 novembre, au matin, les clubistes parcoururent les sections au son du tambour et lurent ou affichèrent un placard : les amis de la liberté, de l'égalité et de la souveraineté du peuple étaient invités à se rendre en l'église Sainte-Gudule à deux heures de l'après-midi pour nommer 80 représentants provisoires. Les Bruxellois trouvèrent l'église entourée de troupes et de canons. Quelques-uns demandèrent un sursis de 24 heures et la convocation du peuple par sections ou paroisses. Mais les clameurs des vonckistes étouffèrent leurs voix, et quelques coups de crosse et de sabre donnés à propos réduisirent au silence quiconque avait envie de protester. On nomma Balsa président et Verlooy secrétaire de l'assemblée, et l'élection se fit par acclamation, ou, comme dit Chépy, par ce mode acclamatoire si favorable à l'enthousiasme révolutionnaire et si bien adapté au besoin impérieux des circonstances. Les noms des 80 représentants étaient arrêtés à l'avance ; ils appartenaient presque tous au parti démocratique et avaient été, selon l'expression du Moniteur, les plus constants amis du peuple dans la révolution belgique : Walckiers, Balsa, Torfs, Sandelin, Verlooy, Chapel, Fisco, d'Outrepont. Ils se rendirent le surlendemain à l'Hôtel-de-Ville où Dumouriez les installa dans la salle des États. Leur premier acte fut de proclamer la déchéance de la maison d'Autriche et l'abolition de toutes les exemptions en matière d'impôt[15].

Partout ailleurs, les statistes eurent l'avantage. Les États du Tournésis fixèrent eux-mêmes le mode d'élection de leurs successeurs ; chaque commune choisit un délégué, et l'assemblée de ces délégués nomma 15 administrateurs provisoires.

Dumouriez essaya d'influencer les élections de Tournai. Le 12 novembre deux membres du comité révolutionnaire, Balsa et Dignefle, convoquaient le peuple au son du tambour dans la basilique de Notre-Dame, et le soir même les élus, au nombre de 20, entraient en fonctions. Mais les administrateurs provisoires de Tournai, comme ceux du Tournésis, étaient pour la plupart dévoués au parti des États.

Les assemblées provinciales de la Flandre et de la Westflandre se composèrent de délégués des districts. Mais là encore les statistes eurent la majorité. Furnes refusa d'envoyer ses représentants à l'assemblée de la Westflandre, et les membres de la députation permanente des États gardèrent leur siège dans l'assemblée de la Flandre proprement dite.

A Namur, le peuple réuni dans l'église Saint-Aubin, élut 40 représentants provisoires. Ces représentants appelèrent à eux des députés des villes et villages de la province, et lorsqu'ils furent au nombre de 162, se qualifièrent représentants provisoires de la province d Namur. Ils appartenaient au parti conservateur, et l'on comptait parmi eux six membres du Congrès de 1790. Seule, la deuxième ville du pays, Charleroi, qui se nommait alors Charles-sur-Sambre, avait élu des jacobins qui refusèrent de siéger dans l'assemblée de Namur.

Malines, Louvain, Anvers firent les mêmes choix que Namur. La population de Malines, réunie dans l'église de Saint-Rombaut, élut 20 représentants provisoires, tous partisans des États[16].

Louvain était tout statiste. Dumouriez pria Balsa d'y envoyer Dignefle et quelques forts amis de la liberté et de l'égalité. Des clubistes partirent aussitôt de Bruxelles pour éclairer de leurs lumières le peuple de Louvain et surtout l'Université dont la philosophie avait plongé la ville dans les ténèbres de l'esclavage. Mais par deux fois, le peuple, assemblé aux Halles, déclara qu'il voulait maintenir l'ancienne Constitution. Enfin, dans une troisième réunion organisée par Goguet et Mesemaecker, il nomma 25 représentants provisoires les uns, excellents démocrates, les autres, moins éclairés[17].

Comme Louvain, Anvers affirma son attachement à la constitution brabançonne. C'était, dit Dumouriez, la plus fanatique de toutes les villes. Ses représentants qui se formèrent en une assemblée des représentants provisoires du peuple libre et souverain d'Anvers, furent tous conservateurs, et un commissaire français disait de cette administration qu'elle lui paraissait inerte et aristocratisée[18].

Les élections étaient donc hostiles au système français. Dumouriez devait reconnaître que le peuple avait parfois renommé ses anciens magistrats et que, si les Belges criaient : Vivent les Français, la plupart criaient aussi : Vivent les États ![19] Obstinément attachée à ses institutions, convaincue qu'elle leur devait son aisance et son bien-être, opposée par suite à toute réforme et à tout progrès, regardant la moindre innovation comme dangereuse, la Belgique ne comprenait pas que les temps étaient changés, que son organisation ne répondait nullement aux idées du siècle et que la République française ne pouvait, en un pays conquis par ses armes, tolérer le maintien pur et simple de l'ancien régime. Vander Noot écrivait alors qu'il fallait conserver la Joyeuse Entrée avec diverses modifications, ne pas heurter de front les préjugés des Belges, ne pas toucher au clergé ni à ses biens, confier le pouvoir exécutif à un prince apanagé d'Orange, de Brandebourg et de Hanovre. Comme Vander Noot, le bon peuple belge refusait de se donner une constitution nouvelle[20].

De violentes protestations s'élevèrent contre les élections de Mons et de Bruxelles. A Mons, les statistes se réunirent à leur tour dans l'église de Sainte-Waudru pour élire de nouveaux administrateurs à la place des premiers qu'ils nommaient des intrus. Un avocat fit jurer aux assistants de défendre la religion catholique jusqu'à la mort et les mit en garde contre le système français ; on avait une constitution, disait-il, et on devait la garder sans prendre l'ordre des envahisseurs. Il fallut, pour apaiser l'émeute, que Moreton défendît aux citoyens de s'assembler sans une permission des administrateurs provisoires[21].

Bruxelles surtout s'agitait et fermentait. Dès le premier jour, des pamphlets de toute sorte attaquèrent l'administration provisoire et le club des jacobins. On reprochait aux administrateurs d'avoir été nommés par la force des baïonnettes. On les dénonçait comme des royalistes déguisés et des hommes sans mœurs ni probité. On célébrait et préconisait les États et la Joyeuse Entrée. Fallait-il, pour être heureux, se gouverner à la française ? Ne pouvait-on garder ses lois, ses usages, ses habitudes ? Une aristocratie sagement tempérée était-elle le régime d'un peuple esclave ? Ne valait-elle pas mieux que l'anarchie ou qu'une révolution aux terribles secousses ? Lequel est le plus libre, de celui qui ne reconnaît d'autre loi que la licence et la volonté de la multitude, ou de celui que régissent des principes confirmés par l'expérience de plusieurs siècles ? Le seul mot d'innovation n'avait-il pas causé dans les esprits une agitation incroyable ? Enfin, ne devait-on pas songer aux chances de la guerre, sauvegarder l'avenir, se prémunir contre les revenants ? Si les Autrichiens rentraient vainqueurs en Belgique, n'auraient-ils pas le droit de garder le pays comme ils le trouveraient, sans États, sans Conseil, sans Constitution[22] ?

Le 27 novembre plus de 7.000 personnes se réunirent au Mayboom, sur la place où l'on plantait l'arbre de mai, et parcoururent la ville en criant : A bas les jacobins ! A bas les représentants ! Vivent les États ! Vive la Joyeuse Entrée ! On hua les vonckistes et brisa leurs fenêtres. Des artisans se portèrent au club et il fallut, pour les disperser, envoyer contre eux la gendarmerie nationale. La révolution est bien loin d'être faite dans le Brabant, écrivait Dumouriez, et la cabale des prêtres et des États règne sur les trois quarts du pays[23].

Enfin, on avait cru que les Belges recevraient les assignats au pair. Mais nul ne les voulait ; ils perdaient à Paris même plus de cinquante pour cent. Des rixes éclatèrent bientôt entre les troupes et les bourgeois. Les soldats, gagnés par les agioteurs, exigeaient pour un objet de quatre ou cinq sous le change d'un assignat de cinq livres ; les marchands refusaient le papier et préféraient céder leur denrée pour rien. Quelques-uns fermèrent boutique. Les Français priaient Dumouriez d'ordonner la circulation forcée des assignats, et les Belges de la défendre : le général répondit qu'il ne ferait aucune proclamation ni pour ni contre les assignats ; dans le premier cas, il commettrait un acte de violence qui révolterait les habitants et nuirait au commerce ; dans le second cas, il discréditerait les assignats et leur porterait le dernier coup. Toutefois les soldats eurent ordre de payer en numéraire[24].

Mais déjà, malgré Dumouriez, les Français agissaient en conquérants et, selon le mot de Gensonné, travaillaient le pays à leur guise. Labourdonnaye jalousait Dumouriez et ne cessait pas de le contredire et de le contrecarrer. Il se plaignait au ministre de marcher sur le Tournai et non sur Ostende, d'avoir moins d'hommes et j moins de canons que Dumouriez ; à l'entendre, Dumouriez attirait tout, gardait tout ; Dumouriez cherchait à se créer un parti dans la Convention, à dominer le ministre, à subordonner aux généraux le pouvoir exécutif[25].

Labourdonnaye osa désobéir ouvertement à Dumouriez. Il fit percevoir les deniers publics au profit de la France et décréta, dans le Tournésis et à Tournai, un emprunt forcé d'un million de livres, qu'il proposait de transformer en contribution, comme Custine avait fait à Francfort. Le procureur-syndic du district de Lille, Sta, que Labourdonnaye avait nommé commissaire-ordonnateur, se chargea de recouvrer l'emprunt, arrachant 200.000 livres aux communautés religieuses de Tournai, sommant la ville de lui compter 750.000 livres, envoyant chez les plus riches un notaire suivi d'un officier français qui les invitait à payer chacun 50.000 livres. Sta fit de semblables réquisitions dans la Flandre, extorquant 80.000 livres à Ostende, exigeant de Gand 2100.000 sacs de blé, et de Menin 300 chariots, enjoignant au magistrat d'Ypres de dénoncer les émigrés français et de déclarer leurs biens. La menace accompagnait ses demandes : il enfermerait les administrateurs d'Ypres dans la citadelle de Lille et traiterait ceux de Menin en ennemis et fauteurs d'émigrés.

Dumouriez fit à Labourdonnaye les reproches les plus sévères : Attribuer à la France les contributions publiques de la Belgique, c'est jeter la méfiance contre nos opérations et les entacher d'un vernis de bassesse et de vénalité ! C'est établir une tyrannie militaire sur les ruines du despotisme autrichien ! Nous entrons chez des alliés, chez un peuple nouveau que nous devons établir dans tous les droits de la souveraineté. Comment voulez-vous que ce pays se constitue, s'administre et s'arme si vous lui ôtez les revenus publics ? Mais il était fatigué des hauteurs de Labourdonnaye et de sa mauvaise volonté, fatigué d'un pareil second qui ne faisait qu'embarrasser sa marche et cherchait toujours à lui échapper, qui ne se portait sur Tournai et Gand qu'avec des lenteurs infinies, qui assiégeait mollement la citadelle d'Anvers, qui devait être regardé comme un zéro dans ses plans. En vain Labourdonnaye publia une seconde proclamation qui désavouait la première. Décidez entre lui et moi, avait dit Dumouriez. Le Conseil exécutif rappela Labourdonnaye dans le Nord et confia son armée à Miranda, que Dumouriez avait désigné. Sta revint à Lille, et, suivant l'expression de Le Brun, ce petit colosse fut renversé[26].

 

II. Mais la Convention allait bientôt prescrire à ses généraux les procédés de Labourdonnaye. Lorsque Vander Noot sollicita l'appui des troupes étrangères, l'ambassadeur hollandais observa que le roi de Prusse, une fois en Belgique, n'avait qu'un pas de plus à faire et qu'il garderait sans doute ce qu'il aurait pris[27]. La France devait agir de même, et garder ce qu'elle avait pris. Elle pensait depuis longtemps aux Pays-Bas, et la conquête du Brabant et du Luxembourg était le fonds commun de tous les plans politiques de l'ancien régime[28]. La Révolution adapta ses principes aux traditions du passé, et en 1792, comme en 1756, un grand parti, le parti des limites naturelles, demanda l'annexion de la Belgique. Il importe, disait l'un[29], de se ressaisir de la barrière du Rhin. Un autre rappelait que les Belges étaient jadis membres de la famille illustre qui comprenait les Gaules[30]. Anacharsis Cloots démontrait aux Belges qu'ils feraient bien de s'unir à la France au lieu de se former en une république belgique, qu'ils avaient tout à gagner avec les départements et tout à perdre avec les républiques, que leur salut était dans l'unité déparlementaire et non dans la pluralité républicaine[31]. Théodore Gérard écrivait que la France devait se renfermer dans un grand cadre bordé par des mers, de hautes montagnes et des fleuves, et s'entourer ou des colosses de la terre ou du boulevard des eaux[32]. Danton déclarait que les limites de la France étaient marquées par la nature et qu'elle devait les atteindre dans leurs quatre points, à l'Océan, au Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées[33]. Une opinion se répand ici, mandait Brissot à Dumouriez, c'est que la République française ne doit avoir pour bornes que le Rhin. Les esprits sont-ils disposés de votre côté à cette réunion ? Il faut les y préparer[34]. L'incorporation de la Belgique allait suivre celle de la Savoie ; nous avons juré point de conquête, s'écriait Grégoire, mais si des peuples, renfermés dans les bornes de la République française, désirent l'affiliation politique, ne devons-nous pas les recevoir ?[35]

D'ailleurs, la Belgique était riche, et la fortune de son clergé, immense. Pourquoi ne pas s'emparer de ces revenus gigantesques de la superstition flamande et ne pas en grossir le Pactole républicain ?[36] Le Brun, énumérant les avantages de la conquête, ne disait-il pas que la France augmenterait sa population de 3 millions d'habitants, son armée de 40.000 soldats, ses revenus annuels de 40 millions de livres, et l'hypothèque de ses assignats de plus d'un milliard[37] ?

Les commissaires de la Convention, Gossuin, Camus, surtout Delacroix et Danton, se firent les apôtres de l'annexion. Le salut de la République, écrivaient-ils, est dans la Belgique, et ce n'est que par l'union de ce riche pays à notre territoire que nous pouvons rétablir nos finances et continuer la guerre[38].

Cambon partageait l'opinion des commissaires. Il désespérait de subvenir aux frais de plus en plus énormes de la lutte. Comment entretenir 600.000 hommes de troupes et de gardes nationales ? Où trouver tous les mois 200 millions d'extraordinaire ? Il jugeait que la réunion des Pays-Bas était l'unique ressource de la France. Déjà, dans la séance du 13 octobre, un conventionnel demandait que les généraux, entrant en pays étranger, missent sous la main de la nation française tout ce qui appartenait aux princes, aux seigneurs et aux nobles. — Et aux prêtres ! ajouta Cambon. Il voulait convertir les biens ecclésiastiques de la Belgique en biens nationaux, et imposer les assignats aux dix provinces. Eh quoi ! s'écriait-il le 10 décembre, nous portons la liberté chez nos voisins, nous leur portons notre numéraire, et ils refusent nos assignats ! Il jura que la monnaie révolutionnaire deviendrait la monnaie des Brabançons, et qu'après avoir inondé la France, elle irait s'écouler en Belgique. L'hypothèque que fournirait la propriété séquestrée du clergé, ne devait-elle pas augmenter le crédit des assignats ?

Clavière était naturellement l'auxiliaire de Cambon. Les Pays-Bas, disait-il aux Comités, ne sont-ils pas hostiles à la Révolution ? Pourquoi ménager un peuple qui mérite moins de douceur qu'aucun autre ? Ne faut-il pas obliger ses magistrats à échanger le numéraire au pair contre nos assignats ? Les Comités applaudirent le ministre des finances. Quelques membres proposèrent même de décréter aussitôt dans les Pays-Bas la circulation forcée du papier-monnaie. Ils s'étonnaient que Dumouriez ne l'eût pas établie et ordonnée ; ils approuvaient la conduite du patriote Labourdonnaye, et opinaient avec Clavière qu'on devait traiter le peuple belge en ennemi[39].

Le peuple belge pressentait le danger. Le 4 décembre, deux députés des représentants provisoires de Bruxelles, Balsa et Torfs, accompagnés d'Espagnac, de Walckiers et des délégués de Mons, de Tournai, du Tournésis, prièrent la Convention de reconnaître formellement l'indépendance absolue de la Belgique et du pays de Liège. Ils avaient reçu d'autres instructions : l'assemblée devait solennellement déclarer qu'elle ne buterait pas à la réunion de la Belgique et n'imposerait pas les assignats. Sur le conseil de Le Brun, Balsa, l'orateur de la députation, omit dans son discours ces deux points essentiels. Mais Barère lui fit entendre à demi mot les desseins de la Convention : N'avez-vous pas, répondit-il à Balsa, les trésors immenses que la religion tenait depuis des siècles en dépôt pour la liberté ? Des armes et des assignats, voilà ce qu'il faut à un peuple esclave pour briser ses fers ![40]

Le 12 décembre, Camus arrivait à Paris ; ses collègues l'avaient chargé de présenter des vues pour établir la circulation des assignats dans les Pays-Bas. Durant deux jours il conférait avec les comités de la guerre, des affaires étrangères et des finances sur un projet qui assurait notre état politique dans la Belgique[41]. Le 15 décembre, Cambon montait à la tribune et, selon le mot d'un journal, il tranchait dans le vif[42]. Dumouriez, dit-il en substance, s'était contenté de faire des adresses, et le peuple belge n'avait pas eu la force de rompre ses fers. Les Français devaient donc se déclarer pouvoir révolutionnaire dans les pays où ils entraient ; ils devaient tout détruire pour tout rebâtir ; ils devaient établir le système populaire, renouveler toutes les autorités, confier le pouvoir aux sans-culottes. Ils prendraient pour gages des frais de la guerre les biens des princes et de leurs partisans, des églises et des communautés. Le peuple affranchi se réunirait en assemblées primaires pour nommer des administrateurs et des juges provisoires ; mais on ne l'abandonnerait pas à lui-même ; la Convention et le Conseil exécutif lui enverraient des commissaires.

L'Assemblée adopta les conclusions de Cambon et décréta :

1° Les généraux proclameraient sur le champ la souveraineté du peuple, l'abolition des impôts et des privilèges, la suppression de toutes les autorités établies ;

2° Ils convoqueraient le peuple en assemblées primaires ou communales pour organiser une administration et une justice provisoires ;

3° Nul ne pourrait voter dans les assemblées primaires ou être nommé administrateur ou juge provisoire sans avoir prêté serment à la liberté et à l'égalité, et renoncé par écrit aux privilèges dont le décret prononçait l'abolition[43] ;

4° Les généraux mettraient sous la sauvegarde et la protection de la République française tous les biens, meubles et immeubles, appartenant au fisc, au prince, à ses fauteurs, adhérents et satellites volontaires, aux établissements publics, aux corps et communautés laïques et ecclésiastiques ;

5° L'administration provisoire nommée par le peuple serait chargée de la surveillance et régie des objets mis sous la sauvegarde de la République française ; elle ferait exécuter les lois relatives à la sûreté publique ; elle pourrait établir des contributions pourvu qu'elles ne fussent pas supportées par la partie indigente et laborieuse du peuple ;

6° Dès que les administrations nouvelles seraient organisées, des commissaires de la Convention iraient fraterniser avec elles ;

7° Des commissaires nationaux, nommés par le Conseil exécutif, se rendraient aussitôt en Belgique et se concerteraient avec les généraux et administrations provisoires sur les mesures à prendre pour la défense commune et sur les moyens à employer pour se procurer les habillements et subsistances nécessaires aux armées ;

8° Tous les quinze jours les commissaires nationaux rendraient compte de leurs opérations au Conseil exécutif ;

9° L'administration provisoire cesserait dès que les habitants auraient organisé une forme de gouvernement libre et populaire.

Le but du décret se devine aisément. La Convention voulait s'attacher le menu peuple. Elle voulait, en supprimant pour quelque temps les impôts et les revenus publics, réduire à l'impuissance les administrations provisoires qui finiraient bon gré mal gré par ordonner la circulation des assignats. Elle voulait établir durant la période électorale une sorte d'anarchie, disposer à sa guise des biens séquestrés, tirer du pays tout le numéraire avant la réunion. La réunion était, en effet, inévitable. Vous l'avez préjugée, avouait Danton six semaines plus tard, quand vous avez décrété une organisation provisoire pour la Belgique, vous avez tout consommé par cela seul que vous avez dit aux amis de la liberté : Organisez-vous comme nous. C'était leur dire nous accepterons votre réunion, si vous la proposez.

 

III. Le décret souleva dans la Belgique un sentiment unanime d'indignation et de colère. Il ne fut guère approuvé que par la province de Liège et par les administrations de Mons et de Charleroi[44]. Partout ailleurs s'élevèrent des protestations.

Les députés du Hainaut parurent à la barre de la Convention : Les Français, dirent-ils, leur parlaient en vainqueurs et en maîtres, et faisaient ce que les Autrichiens n'avaient osé faire. Les représentants de Namur se plaignirent de ce décret injonctif et terrible. Ceux d'Anvers et de Louvain déclarèrent qu'il était attentatoire à la souveraineté du peuple belgique ; ceux de Malines, qu'il était injuste, oppressif et destructeur ; ceux du Tournésis, qu'il était nuisible et tenait la nation dans l'assujettissement[45]. Le peuple de Herve, réuni en assemblée générale, décida unanimement d'impugner sa municipalité qui publiait une loi contraire aux promesses solennelles et réitérées des administrateurs et généraux français[46].

La protestation la plus remarquable fut celle de l'assemblée des représentants provisoires de Bruxelles. La plupart étaient démocrates et aimaient sincèrement la France. La plupart, à l'exception de Walckiers et de Verlooy, réprouvèrent le décret. Sandelin rédigea la protestation ; Balsa et d'Outrepont la portèrent à Paris[47]. Pourquoi, disait Sandelin, la Convention s'était-elle déclarée pouvoir révolutionnaire ? Le peuple belge n'avait-il pas choisi ses représentants, manifesté sa volonté ? Y avait-il donc une aristocratie nationale ? Y avait-il des nations et des demi-nations, comme il y eut des dieux et des demi-dieux ? Si les Français sont nos frères, nos alliés, nos amis, ne doivent-ils pas respecter les droits de notre souveraineté, consolider notre liberté, nous aider de leurs conseils et de leur forces ? N'est-ce pas agir en conquérants que de faire exécuter en Belgique des lois coercitives décrétées en France, des lois qui mettent dans la dépendance de la République française la gestion même des représentants des Pays-Bas ? Les Belges refusent-ils d'établir le gouvernement sur les bases de la souveraineté populaire ? Non ; ils admirent la République française, ils lui vouent une éternelle reconnaissance, et s'ils pouvaient lui donner la moitié du trésor des deux Indes, ils ne croiraient pas encore s'acquitter envers elle. Mais ils sont nés avec le sentiment de la liberté ; ils sont jaloux du droit de souveraineté dont la République française leur a reconquis l'exercice ; ils ne seront jamais assez lâches pour se donner volontairement un maître.

Liège même et le pays liégeois eurent envie de protester. Des citoyens, rapporte Bassenge, croyaient de bonne foi qu'il fallait imiter les Belges et faire des remontrances à la Convention. Le Journal de Liège jugeait que les Français s'érigeaient en maîtres dans un pays qui ne leur appartenait pas : On enchaîne la liberté du peuple qu'on veut rendre libre ; on se contredit formellement ; on commande à ce peuple qu'on reconnaît souverain. C'est probablement, une espèce de souveraineté qui était restée jusqu'à présent inconnue dans tous les dictionnaires. Est-il possible que Cambon puisse mettre au jour de pareilles absurdités ?[48]

Des pamphlets contre la France circulèrent en grand nombre. Que sont donc, s'écriait l'un d'eux, nos représentants provisoires ? On exige que nous adoptions un régime conforme à celui de la République ! Vos mesures ne tendent qu'à fournir un nouvel aliment à votre rapacité ! Vous ne sauriez vous saisir trop tôt d'une proie que vous convoitez depuis longtemps ! Des placards, posés sur les murs de Malines, déclarèrent la patrie en danger et invitèrent les Belges à se coaliser pour chasser les barbares qui venaient anéantir la religion, détruire les corporations et imposer les assignais. Les Français se virent insultés dans les rues de Bruxelles. Leurs sentinelles furent attaquées ou égorgées pendant la nuit. Les cafés de la ville, les estaminets, les gargotes retentirent de malédictions contre la France[49].

En vain le Conseil exécutif donnait à la citoyenne Montansier qui faisait alors une tournée en Belgique, 20.000 livres d'encouragement pour inculquer au peuple l'esprit de la Révolution[50]. En vain il envoyait à Liège des chanteurs de l'Opéra, Lays, Regnault, Adrien, qui devaient conquérir les cœurs à la liberté[51]. En vain Dufresse, aide-de-camp de Moreton et ancien acteur, prenait la direction du théâtre de Bruxelles et montait plusieurs pièces patriotiques, entre autres Charles IX. Le bas peuple ne comprenait que le flamand. Les salles de spectacle restèrent désertes ou ne se remplirent que de militaires français[52].

Le mécontentement des populations alarmait les généraux. Pascal Kerenveyer craignait le soulèvement d'Ostende[53]. Miranda jugeait la situation d'Anvers très critique et demandait des commissaires instruits pour s'occuper formellement de la partie civile, politique et révolutionnaire[54]. Valence redoutait de grands dissentiments : Le peuple, mandait-il à Custine, est bien loin de se montrer tel qu'on le désire, et notre situation si brillante peut devenir déplorable[55]. Labourdonnaye n'avait-il pas, à son départ, conseillé des mesures de douceur et rappelé le mot de Condorcet, qu'une révolution qui irait au-delà des idées du peuple, serait exposée à prendre bientôt après une marche rétrograde[56] ?

 

IV. Seul des généraux, Dumouriez protesta hautement contre le décret du 15 décembre. La plupart de ses contemporains croyaient qu'il ménageait les Belges parce qu'il aspirait au stathoudérat de Brabant. Quelques-uns prétendent qu'il voyait dans les Pays-Bas la garantie de la paix future : il comptait les rendre à l'Autriche en stipulant la jouissance entière de leurs privilèges ; la Belgique, pensait-il, conserverait le souvenir de la générosité française et ne cesserait de haïr la domination autrichienne ; un jour ou l'autre elle se donnerait franchement à la France[57].

En réalité, Dumouriez voulait faire de la Belgique une république fédérative. Il avait dit de longue date qu'il désirait émanciper ce beau pays et non le conquérir, et la liberté des Pays-Bas était pour lui une barrière beaucoup plus solide que celle des places fortes, et beaucoup moins dispendieuse[58]. Il s'opposa donc au décret qu'il nommait un décret de violence et de tyrannie. Devait-on prêcher la loi sacrée de la liberté et de l'égalité comme l'Alcoran, le sabre à la main ? Les Belges, disait-il, n'ont pas l'avantage, comme nous, d'être éclairés depuis plusieurs années par de nombreux écrits. N'exigeons point d'esprits flegmatiques d'arriver en un mois au but que nous cherchons à atteindre depuis quatre ans, et que souvent notre vivacité nous a fait dépasser. Les Pays-Bas, ajoutait-il, ne sont pas à nous, et nous n'avons pas le droit de nous saisir de leurs revenus publics et des biens de leur clergé. Voulons-nous le remboursement des frais de la guerre ? Mais c'est le peuple souverain de la Belgique, représenté par une assemblée, qui doit nous solder cette indemnité. La Convention reconnaît si bien ce principe qu'elle ne s'empare pas tout à fait des revenus publics et des biens du clergé ; elle se contente de les mettre sous sa sauvegarde. Il accordait que la France ne devait pas être la dupe d'une générosité chevaleresque. Mais son armée ne serait-elle pas la première victime du décret ? La Convention augmentait de gaieté de cœur le nombre de ses ennemis ; elle aliénait les Belges qui ne respiraient plus que haine et vengeance contre nous. La République, disait-il encore, n'a qu'un moyen d'être forte ; elle doit être vertueuse dans sa conduite envers les peuples ; elle doit allier l'équité à ses intérêts, elle doit se faire aimer. Que demandait-elle aux Pays-Bas ? D'entretenir son armée et d'accepter ses assignats. Dumouriez assurait avec vivacité que la Belgique consentirait à vêtir et à substanter l'armée. Les gros négociants, les forts capitalistes passeraient tous les marchés contre assignats, sans exiger de numéraire, et mettraient en circulation le papier-monnaie qui remplirait leurs portefeuilles. On objectait qu'ils escompteraient leurs assignats à Paris et augmenteraient ainsi la baisse et le discrédit du papier. Mais, répondait Dumouriez, il suffisait de prendre une mesure de prohibition ; il serait défendu d'introduire de France dans les Pays-Bas d'autre numéraire que l'argent de poche. On objectait encore qu'il faudrait payer en espèces toutes les dépenses de la guerre. Mais, reprenait Dumouriez, le clergé belge n'avait-il pas de grandes richesses ? Les caves d'Anvers ne recélaient-elles pas un numéraire immense ? Les revenus publics des Pays-Bas n'étaient-ils pas considérables ? Voilà trois sources d'emprunts où l'on pouvait puiser. Restaient enfin les domaines de la maison d'Autriche et les biens du clergé français ; mais il fallait, pour les gérer et les vendre, se servir de Belges qui en connaissaient la valeur, et non d'un tas de Français qu'on enverrait à titre de commissaires ou de gardiens et dont les appointements absorberaient une partie de ces revenus.

Tels étaient les arguments de Dumouriez contre le décret. Je ne serai pas, s'écriait-il avec fierté, l'Attila, le fléau de la Belgique, et je ne jouerai pas dans ce malheureux pays deux rôles contraires : celui de libérateur par mes proclamations, et celui d'oppresseur par l'exécution du décret. Je ne veux pas être regardé comme un traître par une nation que je n'ai entretenue que de la loyauté française ![59]

Il refusa donc d'exécuter le décret. Les commissaires le sommèrent d'obéir. Il persista dans son refus et offrit sa démission. Mais Delacroix lui déclara que le général devait plus que tout autre l'exemple de l'obéissance. Si vous n'ordonnez pas, lui dit-il, l'exécution du décret, vous serez demain matin suspendu, arrêté et traduit à la barre de la Convention. Personne n'est au-dessus de la loi, et nous ne souffrirons pas qu'un général entre en lutte avec la représentation nationale[60].

Dumouriez céda. Il répondit qu'il proclamerait le décret et le ferait exécuter par la force armée qu'il commandait. Mais il objecta que ses lieutenants et agents, tous militaires, ignorants des formes, ne pouvaient remplir les fonctions administratives et judiciaires prescrites par les articles 4 et 5 du décret. Il requit le commissaire-ordonnateur Ronsin de s'acquitter de cet emploi, et plein d'indignation contre Pache et l'assemblée, il courut à Paris[61].

 

V. L'unique moyen de sauver l'indépendance des Pays-Bas eût été de créer aussitôt un point de ralliement, un centre commun. Mais le comité révolutionnaire des Belges et Liégeois unis avait dû se dissoudre après l'occupation de Bruxelles ; on lui reprochait depuis longtemps d'agir en souverain et personne ne voulait reconnaître l'autorité que plusieurs hommes s'étaient conférée à eux-mêmes sans consulter la nation[62]. Au moins, était-il possible, comme en 1790, de réunir les représentants des provinces en une Convention Belgique et de fonder un pouvoir central qui saurait agir pour la généralité, réunir les fonds, lever une armée nationale[63]. Cette armée qui devait, d'après les plans de Dumouriez, compter au moins 40.000 hommes, commençait à s'organiser. Un comité militaire existait à Bruxelles. Il avait Rosières pour président et d'Aubremez pour secrétaire ; il distribuait les grades : Rosières devenait lieutenant-général ; Kermorvan, maréchal-de-camp ; Lescuyer, major général de la cavalerie. Dumouriez engageait les provinces à créer pareillement des comités militaires qui enverraient des députés au comité central de Bruxelles, pour régler un système uniforme de recrutement. Déjà Malou-Riga, administrateur d'Ypres, qu'il avait nommé commissaire des guerres, promettait de lui mener un bon régiment, celui de Westflandre, à la prochaine campagne. Déjà se formaient, sous le commandement des colonels de Neck et de Bonne d'Abonval, des régiments de cavalerie. Bruges levait un régiment commandé par François de Serret. Le futur général Osten, alors lieutenant-colonel du 1er bataillon des chasseurs de Gand, proposait de réunir 12,700 hommes en trois légions, chaque légion comptant trois bataillons, et chaque bataillon huit compagnies à pied avec deux escadrons de chasseurs et une compagnie d'artillerie. Mais le comité militaire de Bruxelles manquait de fonds, et Rosières et Kermorvan ne purent obtenir de la Convention un décret d'urgence qui mît à, leur disposition une somme de 600.000 francs nécessaire à la levée et à l'entretien de l'armée belge. Les provinces refusèrent de reconnaître le comité central ; chacune voulait avoir son comité militaire indépendant, voulait avoir son régiment ; chacun créa des officiers et ne recruta pas. Enfin, le décret du 15 décembre ôta toute ressource aux administrateurs. L'armée des Pays-Bas n'exista donc que sur le papier. Le régiment de Bruges trouvait encore au 11 février beaucoup d'entraves et de lenteurs. Le régiment de Namur ne commençait à se former que dans la dernière quinzaine du mois de mars 1793. Sept bataillons belges campaient avec l'avant-garde sur les bords de la Rœr. Ils avaient tous leur état-major et leurs officiers au complet ; mais ils ne montaient pas à plus de 1.300 hommes, et, assure La Noue, ils servaient fort mal[64].

L'élection d'une Convention eut la même fortune, et, à vrai dire, la formation d'une armée belge dépendait de la réunion de celle assemblée. Les élections fuites, écrivait Dumouriez à Money[65], et la nation arrangée en Convention nationale, le Comité militaire, au lieu d'être partiel, sera celui de la République réunie. Il s'efforçait de hâter la convocation de l'assemblée. Faites vous-mêmes vos lois, disait-il aux Belges le 8 novembre, nommez une Convention, fondez un gouvernement populaire, formez une République ! Quelques semaines plus tard, il publiait une instruction sur la forme et la tenue de la future Convention. Les assemblées primaires, composées de tous les citoyens âgés de 21 ans, se formeraient à raison d'une par 200 feux, et chacune choisirait deux électeurs. Les électeurs de la province se réuniraient le 10 janvier 1793 dans le même endroit pour nommer les membres de l'assemblée provinciale et les députés de la Convention belgique. Ils prêteraient, avant l'élection et selon les prescriptions du décret du 15 décembre, le serment de maintenir la liberté et l'égalité. La Convention compterait 279 membres et tiendrait ses séances dans la petite ville d'Alost[66].

Mais, le 29 décembre 1792, les assemblées primaires de Bruxelles convoquées en vingt et une sections pour choisir les électeurs qui nommeraient les députés, donnèrent aux statistes une écrasante majorité. Partout, sauf dans une seule section, celle de la Chapelle de la Cour, les électeurs appartenaient au parti des Etats. Partout, sauf dans une seule section, les électeurs refusèrent de prêter le serment de maintenir la liberté et l'égalité. Ils adoptèrent une déclaration par laquelle ils ne reconnaissaient d'autre juge suprême que le Conseil de Brabant et d'autres représentants du peuple que les trois Etats[67].

Malheur à vous ! s'écria l'assemblée des représentants provisoires de Bruxelles, malheur à ceux qui vous ont trompés et égarés ! Les cris de leurs arrière-petits-enfants maudiront un jour leur mémoire ! Elle cassa les élections[68]. Malgré cet arrêté, les présidents, les secrétaires et les scrutateurs des sections se réunirent à la maison Müller pour dépouiller les procès-verbaux, et ils firent dresser un acte authentique de leurs opérations. Mais un détachement de sans-culottes les mit en arrestation et saisit leurs papiers. Ils furent relâchés, et les commissaires de la Convention interdirent aux prétendus électeurs de s'assembler, sous peine d'être poursuivis, comme perturbateurs du repos public[69].

Vainement un agent de Le Brun, Proli, conseillait encore de presser la réunion d'une Convention belge et de tenir pour bonnes et valides les élections du Brabant, si aristocratiques qu'elles fussent ; les députés de cette province, assurait-il, se verraient survotés par la majorité de l'assemblée qui serait parfaitement dans le sens de la Révolution et des principes français[70].

Vainement les représentants de Bruxelles arrêtèrent de gérer les affaires de la Belgique comme celles de la capitale, et proposèrent aux administrateurs provisoires des villes du Brabant de choisir parmi leurs membres des députés, dans la proportion d'un sur dix, et de former une assemblée qui appellerait à elle les députés des autres assemblées provinciales. Anvers refusa nettement, et Louvain se réserva le droit de veto. Nos dissensions intestines, écrivait Malou-Riga, nous seront encore plus funestes que notre inactivité et nos sottises[71].

Vainement les assemblées des Flandres, réunies à Gand et à Ypres, envoyèrent chacune à Paris deux députés : De Smet et Vermeulen, Malou-Riga et de Vrœ. Ils devaient promettre que la Convention belge, une fois réunie, offrirait à la France une armée de 50.000 hommes, soldée pendant toute la durée de la guerre par la Belgique même. Nous nous arrangerons avec la France, disait Malou-Riga, quand les autres provinces verront que nous allons bien, elles seront fort aises de se réunir et de Paris, il mandait à ses commettants : Surtout, nommez les députés pour la Convention à Alost ; c'est ce qui doit nous sauver. Voilà sur quoi tous les députés que nous voyons, sont d'accord. Les plus furieux partisans du décret du 15 décembre conviennent que, du moment où notre Convention sera formée, ils n'auront plus rien à dire et que nous serons les maîtres de nos destinées. Une Convention, citoyens, une Convention, ou nous serons malmenés ! Mais les députés des deux Flandres reçurent leurs instructions trop tard, et lorsque, dans la séance du 26 janvier, Malou-Riga pria la Convention de fixer la date de la convocation de l'Assemblée nationale belgique, sa demande fut renvoyée au Comité diplomatique et lui même, traité d'aristocrate et de statiste, donna sa démission[72].

Vainement l'assemblée de Hainaut nomma deux députés qui devaient se concerter avec ceux de Tournai sur les moyens d'établir une Convention nationale. Vainement les administrateurs provisoires de Tournai essayèrent habilement de se constituer en république. Le décret du 15 décembre, disaient-ils dans une proclamation à leurs concitoyens, navre vos cœurs ; par ce que vous avez fait, vous n'en avez pas mérité les dispositions ; mais en vous indiquant ce qui vous reste à faire, nous vous assurons que vous n'avez rien à en craindre. Ils proposaient donc de choisir aussitôt une forme de gouvernement populaire selon les principes français et de rallier autour de la république de Tournai les autres districts : Soyez la république de Tournai sur les bases éternelles de l'égalité, et admettez, par après, pour ne faire avec vous qu'une seule et unique République, tous les cantons de la Belgique. O'Moran se hâta de défendre la réunion des assemblées primaires de Tournai[73].

Bruxelles fut la seule ville qui eut des assemblées primaires conformément à la proclamation de Dumouriez. Partout ailleurs, les commissaires, profitant de l'absence du général, s'opposèrent à la convocation des assemblées primaires. Laisser élire une Convention, c'était constituer l'unité belge ; c'était, aux termes mêmes du décret, rendre aux habitants leur liberté, et ôter à la France le maniement des deniers et tous les profits du séquestre. Les commissaires retardèrent même l'établissement de la Convention liégeoise[74].

Les élections du 29 décembre avaient exaspéré les vainqueurs de Jemappes. Ils s'indignaient de l'obstination de ces épaisses contrées, de cette Béotie de l'Europe[75]. Ils versaient à pleines mains, dit un contemporain, sur les institutions religieuses de la Belgique ces sarcasmes outrageants, ce mépris ironique qui sont si familiers à la nation française[76]. Ils s'accoutumaient à l'idée de traiter en vaincu ce peuple qui, selon le mot du colonel Thouvenot[77], était retardé par rapport à la France de plus d'un siècle sur les connaissances et les instructions. Ils menaçaient de faire à ces aveugles de Belges l'opération de la cataracte[78]. Avons-nous été dans les provinces belgiques, demandait Prudhomme[79], pour y maintenir des idées gothiques et y caresser des esprits serfs ? Les correspondants des journaux parisiens prêchaient ouvertement la réunion ; ils écrivaient qu'on avait agi trop civilement et qu'on se laissait duper par de mauvais joueurs ; que la France ne devait pas souffrir sur sa frontière une constitution aristocratique ; qu'il était temps d'user des justes rigueurs ; que les démocrates de Bruxelles réclamaient à grands cris une journée marseillaise[80]. Chépy se rendit à Paris pour solliciter de grandes mesures, et Metman déclara qu'après des élections radicalement vicieuses, le gouvernement français avait le droit d'agir à sa guise envers les Belges et de les regarder, soit comme amis, soit comme esclaves conquis ; mais, à son avis, l'adoption du système départementaire était indispensable[81].

 

VI. Le système départementaire, c'était la réunion. Les clubs la demandèrent et l'imposèrent. Mais ils ne représentaient nullement l'opinion du pays. Les démocrates qui les fréquentaient d'abord, avaient fini par les abandonner. Au mois de février 1793, la Société populaire de Bruxelles comptait douze Belges à peine[82]. Peu de citoyens, écrivaient les commissaires de la Convention, osent fréquenter les clubs de Louvain, de Malines et d'Anvers[83] : celui de Louvain avouait qu'il se composait des soldats de la garnison[84] ; celui de Malines renfermait 92 Français et 10 Malinois[85] ; celui de Tournai, 70 personnes au plus[86]. Un agent du ministère ne voyait au club de Gand que peu d'indigènes[87]. Les Français, civils et militaires, formaient la majorité de ces clubs ; il n'y a pas de sociétés populaires à la campagne, disaient les députés de la Westflandre, et celles des villes ne sont point nombreuses ; presque partout il se trouve des officiers et des commissaires français à la tête[88]. Aussi les décisions des clubs révèlent l'ignorance des choses de la Belgique ; la Société de Tournai somma les administrateurs de brûler la Joyeuse Entrée qui n'existait que dans le Brabant et le Limbourg !

Le club de Bruxelles, ce noyau de la liberté[89], donnait le ton aux autres clubs du pays. Son patron et protecteur était le général Moreton. De même que Labourdonnaye, Moreton faisait sa cour aux Jacobins ; il approuvait bruyamment le décret du 15 décembre ; il reléguait à Malines son lieutenant Berneron, dont les Bruxellois goûtaient l'esprit sage et modéré ; il ne cessait de déblatérer contre les administrateurs provisoires, de les tracasser, de leur témoigner en toute occasion sa malveillance. Ces administrateurs, ballottés entre les jacobins et les statistes, mais souvent courageux et toujours désintéressés, avaient voté la création d'une garde urbaine ; Moreton cassa leur arrêté. Il en fit tant que Dumouriez proposa de le confiner dans le département du Nord. Moreton se conduit très mal, écrivait-il, et finira par exciter du trouble. Le 20 février, le Conseil exécutif décidait que Moreton serait remplacé dans le commandement de Bruxelles[90].

Les chefs du club étaient les membres de l'agence, Bourdois, Metman, Chépy, un autre émissaire de Le Brun, Alexandre Courtois, et quatre militaires français : Estienne, Goguet, Lavalette, Nivet.

Alexandre Courtois avait, un des premiers, demandé la conquête de la Belgique, parce que la France, disait-il, devait, pour se maintenir, s'agrandir sans cesse. Le Brun le chargea d'établir de nouveaux clubs, de parler dans les sociétés populaires, de rédiger des bulletins pour l'instruction du peuple, et Courtois se flattait de détruire les préjugés des habitants par la hache de la raison. Ardent jacobin, il nommait les représentants provisoires de Bruxelles les Feuillants de la Révolution belge et les culs-de-jatte du patriotisme[91].

Estienne, successivement abbé, journaliste et officier d'ordonnance de Lafayette, avait été nommé sous-lieutenant par Lajard et adjudant de place à Bruxelles par Dumouriez. Il vivait avec luxe et affichait cinq mille florins de dettes. Les clubistes finirent par le traiter d'intrigant et de serviteur de l'Autriche. Estienne leur donna raison ; il devint courtisan de Cobourg, et cet homme qui avait traité les Brabançons de bêtes de somme et proposé l'achat d'une guillotine, se vanta d'avoir préparé le retour des Autrichiens par ses excès[92].

Louis-Antoine Goguet, lieutenant-colonel du 9e bataillon des fédérés et plus tard du 3e bataillon liégeois, était un grand ami de Cambon et professait, dit Espagnac, le républicanisme le plus exalté. L'ex-abbé l'avait fait nommer par Dumouriez commandant temporaire de Bruxelles. Goguet prit souvent la parole dans les cérémonies officielles ; ce fut lui qui prononça, le 21 décembre, à Sainte-Gudule, l'éloge funèbre des défenseurs de Francfort[93].

Lavalette, marquis avant la Révolution, élu lieutenant-colonel du bataillon des Lombards en septembre 1792, devint aide-de-camp de Hanriot et mourut sur l'échafaud avec Robespierre. Il tonnait au club contre les bigots encapuchonnés, mitrés, crossés, sandalés, qui embêtaient les peuples pour les remettre sous leur sainte tyrannie et boire leur sang à longs traits[94].

Nivet était capitaine dans le bataillon des Lombards que commandait Lavalette ; lui aussi s'élevait contre les représentants provisoires de Bruxelles et soutenait avec chaleur que la France devait déployer le pouvoir révolutionnaire, exercer la tutelle utile d'un précepteur[95].

Après ces Français de marque venaient des Belges, l'avocat louvaniste Balsa, l'homme de lettres Baret, Feigneaux, Lorenzo, le perruquier Lafaye, Mesemaecker, Cumeel, de Beer, Melsnyder, Charles de Mons. Le compagnon charpentier Melsnyder condamnait tous les impôts sous prétexte que Dieu ne les avait pas créés et affirmait que le bon patriote Jésus viendrait aux Jacobins s'il reparaissait sur la terre. Charles de Mons ne trouvait pas le nom de sans-culotte assez expressif et s'intitulait Charles sans chemise. Il demandait la destruction impitoyable de tous les objets qui rappelaient l'ancien gouvernement et par exemple des petits polissons de rois qui étaient juchés sur les pilastres du Parc. Le décret du 15 décembre, disait-il encore, est la pierre de notre salut, comme les États sont une pierre de scandale[96].

Le 18 décembre, le club de Bruxelles ordonna, sur la proposition de Balsa, la formation d'une légion de sans-culottes belges et liégeois. Estienne fut proclamé général de : la légion : il eut sous ses ordres des capitaines, De Beer, Hendrickx, Milcamps ; un commissaire-ordonnateur, Baret ; un quartier-maitre, Feigneaux ; un porte-drapeau, Melsnyder. Le drapeau, de couleur rouge, portait sur un côté les mots Tremblez, tyrans, et vous, esclaves et sur l'autre Qu'un sang impur abreuve nos sillons. Il fut béni solennellement à Sainte-Gudule et, au sortir de la cérémonie, les sans-culottes, désireux de marquer ce jour par un acte mémorable, renversèrent de son piédestal la statue de Charles de Lorraine, sur la place Royale[97].

La légion se composait non seulement de jacobins bruxellois, mais de soldats français et belges. Le premier article du règlement portait que toutes les troupes de lignes ou gardes nationaux, tant Français que Belges et Liégeois, étaient de droit et de fait unis à la légion. Lorsqu'elle vint haranguer Dumouriez, il lui répondit sèchement que ses membres, étant pour la plupart militaires français, ne devaient pas tutoyer leur général. Elle régna dans Bruxelles par la terreur. Elle envahissait l'Hôtel-de-ville et imposait aux administrateurs provisoires sa volonté. Elle arrêtait les citoyens sans ordre, sans autre motif que son propre caprice. Durant deux jours, elle allait de porte en porte, vociférant, proférant d'affreuses menaces, arrachant aux bourgeois effrayés de quoi payer son équipement. On se servait d'elle, écrit un agent français, pour commettre mille excès despotiques. Elle finit par exciter un tel mépris que les garçons poissonniers lui renvoyèrent, rempli d'ordures, le bonnet rouge qu'elle leur avait offert. Elle essaya de donner des fêtes ; ni la bière coulant à flots, ni les pains farcis n'attirèrent le peuple bruxellois[98].

Appuyé sur sa légion de sans-culottes, le club de Bruxelles résolut d'intimider les représentants provisoires et de leur faire rétracter leur protestation contre le décret du 15 décembre. Courtois défendit le décret dans la Société : Les Belges, disait-il, ressemblent aux hirondelles emprisonnées dans une chambre ; elles vont toujours se briser la tête contre les mêmes lambris, sans vouloir passer par la fenêtre qu'on leur ouvre ; cette fenêtre, c'est la liberté, et les lambris, ce sont les Etats[99]. Il ajoutait dans une vive apostrophe au peuple belge : Que devait faire la France ? Vous aider, exercer parmi vous le pouvoir révolutionnaire. Quand elle vous a délivrés, j'ai cru voir une mère donnant la main à sa fille et lui disant : levez-vous ! Après Courtois, Estienne déclara que les représentants provisoires de Bruxelles avaient perdu la confiance du peuple ; un autre, que la salle de leurs séances était un antre de Trophonius où l'on apprenait l'art de nager entre deux eaux, de ménager à la fois la France et l'Autriche. Ou ils sont patriotes, s'écria Charles de Mons, ou ils ne le sont pas, dans le premier cas ils doivent obéir au décret ; dans le second, déguerpir ! La Société décida qu'elle se rendrait en masse devant les représentants de Bruxelles aux cris Le décret du 15 ou la mort ! La manifestation eut lieu le 19 janvier 1793. Baret prit la parole au nom de la députation extrêmement nombreuse du club. Il somma les représentants de retirer leur protestation et d'exécuter le décret du 15 décembre. Effrayée par les clameurs et les menaces de la foule, l'assemblée déclara qu'elle retirait sa protestation qui fut biffée des registres, et trois semaines ne s'étaient pas écoulées que Baret et Feigneaux venaient, au nom des jacobins de Bruxelles, annoncer à la Convention la rétractation des représentants. Il y a moins de différence, disait Baret, entre Paris et Bruxelles qu'entre Marseille et Paris. Français, le nombre apparent de vos partisans dans la Belgique est petit ; bientôt pourtant vous la verrez enthousiaste de la liberté ![100]

Mais déjà de tous côtés les clubs avaient acclamé l'acte du 15 décembre et demandé la réunion. Le 27 décembre, une députation de la Société populaire de Mons remerciait la Convention de son décret et lui dénonçait l'aristocratique assemblée du Hainaut : La Société applique l'antidote au poison en désavouant l'arrêté impie et monstrueux de l'assemblée du Hainaut ; persistez dans la loi bienfaisante du 15 décembre, rempart inexpugnable des droits du peuple[101]. Le 4 janvier, deux députés du club de Tournai félicitaient la Convention de supprimer par le décret toute caste nobiliaire et sacerdotale. Le 8 janvier, deux envoyés du club de Bruges la priaient de créer un 84e département dit des plaines du Nord, dont Bruges serait le chef-lieu, et quelques jours plus tard, ils inséraient au Moniteur une violente diatribe contre les députés de la Westflandre, et un panégyrique du décret qui les mettait dans tous leurs droits, les élevait à la hauteur d'un peuple libre, les délivrait de l'oppression des privilégiés et les tirait des ténèbres du fanatisme[102]. Le 22 janvier, un des administrateurs de Mons, Delneufcourt, paraissait à la barre et se disait député par les habitants du Hainaut pour demander leur réunion à la France : nous avons pensé, disait-il, que les Belges isolés n'étaient pas une masse de forces suffisante pour résister aux tyrans et que les petites républiques sont souvent subjuguées par quelques intrigants ; agréez notre incorporation, déclarez que nous formons un 85e département sous la dénomination de Nord-Est, dont la ville de Mons sera le chef-lieu[103]. Une semaine après, les administrateurs provisoires de Mons venaient, à leur tour, rendre hommage à la Convention et applaudir au décret : Détruisez tout ce qui peut mettre entre nous la moindre barrière. Nos intérêts sont communs, nos richesses doivent se confondre. Supprimez les douanes, et que la fraternité réunisse à jamais les deux peuples ![104] Enfin, le 30 janvier, la Convention apprenait que Liège avait voté son annexion à la France.

 

Le premier vœu de réunion était parti de ce pays de Franchimont où se trouvaient, selon le mot de Le Brun, les plus chauds patriotes liégeois[105]. Ce que la France a été pour le reste de l'Europe, disait Merlin de Douai, le pays de Liège l'a été pour la Belgique, et le pays de Franchimont pour celui de Liège. Le 23 décembre, les habitants de Spa, de Theux et des communes voisines déclaraient que leur vœu était de former une réunion indissoluble à la République française, et ils invitaient le pays de Liège et tous les cantons de la rive gauche du Rhin à suivre leur exemple. Liège répondit aussitôt à cet appel. Dès 1791, Fabry écrivait qu'il ne rentrerait dans sa patrie que pour l'unir à la France et que tous les vrais patriotes voulaient être Français, en dépit des Français eux-mêmes ; plus d'Empire, ajoutait-il, plus de Wetzlar, plus de prêtres ! Sans doute Liège aurait pu s'unir aux Pays-Bas et former avec eux une république. Mais les Liégeois savaient que la Belgique ne voudrait jamais leur sacrifier sa religion et son clergé : Ils étaient faits pour être libres et républicains, disaient les Annales patriotiques[106], et les Bruxellois, séduits par leur prêtraille, pour être esclaves et conduits par un maître. Or, que pouvaient-ils, livrés à eux-mêmes, et, selon l'expression de Dumouriez, eu avant de tout, sans places fortes, en un pays ouvert à l'invasion[107] ? La France seule pouvait défendre leur liberté contre le prince-évêque et l'empire germanique. Ils se donnèrent à la France, de même qu'avaient fait les Savoisiens, et tranchèrent le nœud gordien comme au pied du mont Cenis[108]. On n'avait de salut, affirmaient Bassenge et Fabry, que dans les bras de la France ; elle est le seul port qui nous présente un abri sûr contre les tempêtes, et ils priaient leurs compatriotes de s'associer à une famille immense présidée par la raison, la liberté et les lumières. Le 20 janvier, 9,660 citoyens, sur 9.700, votèrent la réunion de Liège à la République française ; sur 61 sections, 49 furent unanimes. Un mois plus tard, on connaissait le vote de 378 communes du pays : toutes, y compris 3 gros bourgs et les 7 villes de Liège, Huy, Verviers, Ciney, Visé, Dinant et Waremme, avaient demandé la réunion, de leur plein gré, sans que les Français eussent exercé la moindre pression. Mais 80.000 citoyens s'étaient abstenus de voter[109].

 

VII. Le décret du 15 décembre était encore lettre morte en Belgique, et on ne l'afficha que le 18 janvier sur les murs de Bruxelles. Non seulement Dumouriez le combattait de toutes ses forces, mais Proli proposait d'en suspendre l'exécution[110]. Bentabole déclarait que la conquête d'un peuple encrassé de préjugés n'offrait aucun avantage[111], et Tallien, qu'aller en Brabant, c'était 1 l'aire le Don Quichotte[112]. Brissot commençait à croire que la réunion de la Belgique serait dangereuse, peut-être impraticable, et il mandait à Dumouriez qu'il fallait hâter la convocation d'une assemblée belge[113]. Des députés assuraient à Matou-Riga que le décret n'était que provisoire, et Malou ne craignait pas d'en montrer les désavantages. Le décret, disait-il à tous ceux qu'il rencontrait, interrompt le cours de la justice ; il enlève toute ressource aux administrateurs qui se trouvent hors d'état de solder et d'armer les régiments ; il irrite le peuple déjà prévenu contre la France par les discours des émigrés ; il ruine la confiance, et vous trouverez dans nos provinces tous les coffres fermés, tout le numéraire caché. Vous croyez, ajoutait Malou, vendre nos biens ecclésiastiques ; il n'y aura pas d'acquéreurs tant que le succès de la campagne ne sera pas assuré. Vous voulez la réunion qui, sans doute, offre à notre commerce et à notre industrie de vastes débouchés ; il fallait la préparer avec un peu de patience, et non la brusquer[114].

On craignait d'ailleurs une guerre avec la Grande-Bretagne. Talleyrand avait envoyé récemment un mémoire remarquable qui prouvait que la France serait forte en rejetant toute idée d'annexion et en donnant son appui aux faibles sans autre retour que d'avoir près d'elle des amis et des hommes libres[115]. Le Comité de défense générale calculait anxieusement tous les dangers qu'entraînait le décret. Le Comité diplomatique accueillait protestations et adhésions sans faire son rapport général. Le Conseil exécutif s'efforçait de gagner du temps et, s'il nommait les commissaires nationaux, il rédigeait, corrigeait, remaniait lentement et à loisir leurs instructions[116].

Mais Cambon qui venait d'obtenir une nouvelle émission d'assignats, et les commissaires de la Convention, Danton, Delacroix, Camus, Gossuin, exigeaient la prompte exécution du décret. Cambon somma le Conseil exécutif, dans la séance du 8 janvier, de présenter sur le champ et par écrit la liste des commissaires nationaux qui devaient aller en Belgique ; puis, quatre jours après, de rendre compte des motifs qui retardaient le départ de ces agents. Le décret, disait-il, a été la vraie pierre de touche que désirait la Convention ; il a forcé les aristocrates à se prononcer. Mais on a envoyé ce décret seul, sans commissaires. On a donné aux partis le temps de se liguer contre son exécution, et, pourtant, c'est ici le cas de veiller sur les biens que Dieu nous a conservés pour sauver notre liberté ; c'est là la terre de Chanaan, la terre promise où tous les peuples trouveront la manne céleste ![117]

Le 26 janvier, Danton faisait décréter que les légions belges et liégeoises appartiendraient désormais à l'armée française, et seraient soldées de la même manière que les troupes de la République[118].

La réunion des troupes précédait celle du pays. Le 31 janvier, lorsqu'on sut le vote de Liège, Danton demanda l'incorporation de la Belgique. Il assurait que ; l'homme du peuple et le cultivateur la désiraient. De la réunion, disait-il, dépend le sort de la République dans la Belgique. C'est parce que les patriotes pusillanimes doutaient de cette réunion que votre décret du 15 décembre a éprouvé des oppositions. Mais prononcez-la, et vous ferez exécuter les lois françaises, et les aristocrates, nobles et prêtres, purgeront la terre de la liberté. Cette purgation opérée, nous aurons des hommes, des armes de plus. La réunion décrétée, vous trouverez dans les Belges des républicains dignes de vous qui feront mordre la poussière aux despotes ! La Convention ne décréta pas la réunion ; elle ne voulait pas avoir l'air de conquérir les peuples ; elle se piquait de les consulter, d'obtenir leur consentement, et de n'annexer que ceux qui se donnaient spontanément et de bon gré. Elle décida donc que le décret du 15 décembre serait immédiatement exécuté ; que les généraux prendraient toutes les mesures nécessaires pour la tenue des assemblées primaires ; que les commissaires de la Convention tranche- raient provisoirement toutes les questions qui s'élèveraient sur la forme et les opérations de ces assemblées ; que les populations émettraient leur vœu sur la forme de gouvernement qu'elles voulaient adopter[119].

De nouveau l'anarchie avait en Belgique force de loi. Mais, depuis l'entrée des Français, n'existait-elle pas réellement dans le pays ? Plus d'institutions politiques, plus d'États, plus de tribunaux supérieurs et subalternes, plus de magistrats des villes ; tout, suivant l'expression d'un contemporain, avait été balayé en un instant, renversé en un clin d'œil comme par un torrent dévastateur[120]. Dumouriez avait voulu organiser la république belge et ses différentes branches d'administration, mais il était occupé, comme il disait, à poursuivre l'ennemi et traversait les Pays-Bas avec rapidité[121]. Les commissaires de la Convention ne faisaient encore qu'inspecter les armées. L'agence française ne recevait de Le Brun que des instructions très vagues et, selon le mot de Deshacquets, s'agitait dans le néant. Tous les pouvoirs, ajoutait l'ancien secrétaire d'ambassade, se heurtent, marchent au hasard, portent partout le désordre et la confusion. Noël, passant à Bruxelles au milieu de décembre, remarquait une mésintelligence prononcée entre tous les représentants de l'autorité française, les uns voulant des moyens de rigueur, les autres des moyens de douceur et de conciliation : il fallait, écrivait-il, une seule tête pour mener tout ; il fallait un ministre plénipotentiaire, et ce ministre était tout trouvé ; ce serait Maret[122].

Le Brun tint compte de l'avis, et fit nommer Maret commissaire-général du pouvoir exécutif dans les Pays-Bas. Maret refusa ; comme Dumouriez, il voulait la liberté, et non la conquête de la Belgique ; comme Dumouriez, il voulait des ménagements et un silence absolu sur les matières de religion. Et, après les décrets du 15 décembre et du 31 janvier, quelle autorité aurait eue Maret dans un pays que les généraux, les représentants, les commissaires nationaux accablaient de leur triple pouvoir[123] ?

Telle fut, en effet, la situation de la Belgique après le décret du 31 janvier. Les généraux et commandants militaires avaient l'initiative de toutes les mesures : ils déterminaient le temps, le lieu, le mode des assemblées primaires, proclamaient la suppression de l'impôt, établissaient le séquestre. Quelques-uns, comme Berneron et Duval, désapprouvaient le décret. Duval conseillait de faire de la Belgique une république libre qui serait le rempart de la France, et il jurait de s'opposer de toutes ses forces aux injustices, parce qu'il ne séparait pas la liberté de la vertu. Mais beaucoup d'autres usèrent sans égard ni ménagement des pouvoirs que leur conférait le décret. Déjà Miranda avait sommé Anvers de lui prêter 300.000 livres en numéraire et, sur le refus des administrateurs, il envoyait quatre des plus notables à la citadelle. Harville fit la leçon aux représentants de Namur, ces êtres nuls, disait-il, qui sont loin de notre hauteur et des idées républicaines ; il leur reprochait d'être confusément, précipitamment, irrégulièrement élus et leur vantait la générosité française qui se servait, pour rompre à jamais leur joug, de l'épée d'Alexandre. D'Averton déclarait aux représentants de Malines qu'il méprisait profondément des hommes assez avilis pour désirer un ignominieux esclavage au milieu des Français libres et républicains, et entourés par eux de toute la masse des lumières du XVIIIe siècle. Goguet faisait faire l'exercice dans les églises de Bruxelles, tant pour préserver le soldat des intempéries de l'air que pour détruire peu à peu le fanatisme 1[124].

Au dessus des généraux étaient les commissaires de la Convention espèce de dictateurs ambulants, disait Chaussard[125], investis d'une puissance illimitée, faisant marcher devant eux une terreur religieuse, forts d'une réputation de talent et d'éloquence. Ils devaient, d'après le décret, fraterniser avec le peuple et, selon l'expression du jour, activer le pouvoir révolutionnaire[126]. Ce furent Camus, Danton, Delacroix, Gossuin, Treilhard, Merlin de Douai et Robert. Ils se partagèrent le pays : à Danton et à Delacroix, Namur, Liège et Aix-la-Chapelle ; à Camus et a Treilhard, le Hainaut et la Flandre ; à Gossuin et à Merlin, le Brabant[127].

Danton et Delacroix acquirent dans cette mission un renom sinistre. Delacroix, entrant chez le vieil évêque de Namur, lui disait brutalement par deux fois : Monsieur, nous sommes venus pour vous donner la permission de vous marier[128]. Il conseillait le pillage à Miaczynski : Vous êtes sur pays ennemi ; housardez et dédommagez-vous de vos pertes[129]. Quoique député, et bien qu'il n'eût servi que plusieurs années dans la gendarmerie, il ne rougissait pas d'accepter un brevet de maréchal-de-camp[130]. C'est Danton et Delacroix que désigne un contemporain, lorsqu'il parle de ces commissaires qu'on voyait toujours à table ou avec des filles[131]. Merlin de Douai n'avouait-il pas que les deux représentants ne s'étaient presque occupés que de leurs plaisirs[132] ? Ils reprochèrent aux Liégeois de ne pas couper quelques têtes : On ne fait pas, disaient-ils, des révolutions avec du thé ; les principes de justice et d'humanité sont bons en théorie et dans les livres des philosophes ; mais dans la pratique il faut d'autres moyens pour opérer, il faut avoir des coupe-jarrets à gage[133]. Ils poussèrent à tous les excès cette populace de Liège que Dumouriez regarde comme la plus dangereuse de l'Europe, après celle de Paris et de Londres[134]. Sous leurs auspices et à la voix des émissaires jacobins, se fonda dans le couvent des Cordeliers un club de sans-culottes qui tint tête à la société des Amis de la liberté et de l'égalité, à la municipalité, à l'administration provisoire. Quiconque refusait d'appartenir à ce club, était traité d'aristocrate. Les Fabry, les Chestret perdirent confiance et crédit. Liège vit les mêmes désordres que Bruxelles. Les sans-culottes faisaient des visites domiciliaires et emprisonnaient les suspects. Les vengeances privées se donnaient carrière[135].

Les commissaires du Conseil exécutif ou commissaires nationaux étaient au nombre de trente. Ils avaient 4.000 livres de frais de voyage et un traitement mensuel de 800 livres. Ce furent pour Ostende et la Flandre littorale : Gadolle et Sibuet ; le premier, Dunkerquois, actif, intelligent, le seul des commissaires qui sût le flamand, le second, rédacteur de l'Ami des lois[136] ;

Pour Gand et la Flandre orientale : Alexandre Courtois et Darnaudery que la Commune avait envoyé au mois de septembre 1792 dans les départements du midi[137] ;

Pour Ypres, Menin et la Flandre occidentale, Harou-Romain et Mandrillon[138] ;

Pour Mons et le Hainaut, François Mouchet et Legier[139] ;

Pour Namur et le Namurois : Scipion Bexon et Philippe Rigaut[140] ;

Pour Bruxelles et le Brabant wallon : Publicola Chaussard, Gouget-Deslandres et Robert. Chaussard avait, en 1792, publié un livre emphatique et vide De L'Allemagne et de la maison d'Autriche ; il conviait les Germains, au nom d'une nation qui ne forma longtemps avec eux qu'une vaste famille, à s'associer au bonheur de la France, à se donner une constitution libre et à s'asseoir au banquet de l'égalité[141] ;

Pour Anvers : Tronquet Saint-Michel et Dupré[142] ;

Pour Diest et la Campine : Lanelle et un ami de Danton, Paris, ce greffier du tribunal révolutionnaire qui s'appela Fabricius pour ne plus porter le nom de l'assassin de Le Peletier Saint-Fargeau[143] ;

Pour Dinant et le pays entre Sambre-et-Meuse, Huy, Thuin, Couvin : Tisseron père et Bosque[144] ;

Pour Liège et la Hesbaye : Cochelet et Chépy[145] ;

Pour Verviers, Theux, Spa et Franchimont : Etienne Hebert et Gabriel Vaugeois, ce dernier, vicaire-général de l'évêque de Blois et plus tard accusateur public du département de Sambre-et-Meuse ;

Pour Malmédy et Stavelot : Le Hodey et Dufour[146] ;

Pour Herve et le Limbourg : Rolland et Isnardi[147] ;

Pour Ruremonde : Liébaut et Bonnemant[148] ;

Pour Tournai et le Tournésis : Desforges-Beaumé et Thiébault père et fils[149].

Ces commissaires reçurent des instructions spéciales. Ils avaient la direction principale et la surveillance tutélaire des administrations provisoires, et, comme délégués de la République, tout le pouvoir nécessaire pour garantir la sûreté des armées et rendre leur assistance efficace ; ils devaient opérer la circulation des assignats et leur échange au pair contre espèces ; ils rechercheraient tous les biens que les décrets mettaient sous la sauvegarde de la République et qui étaient sa conquête ou au moins le gage des indemnités qu'elle avait droit de réclamer ; ils feraient toutes les réquisitions nécessaires aux généraux et chefs militaires occupés de tant d'autres soins[150].

La plupart n'étaient pas, comme l'a dit Dumouriez et comme on l'a depuis répété, des scélérats qui ne venaient en Belgique que pour piller et massacrer. C'étaient plutôt des têtes exaltées que des êtres féroces et sans éducation[151]. Quelques-uns méritaient l'estime, et Mme de Genlis dit avec raison de Thiébault père qu'il était véritablement humain et respectable[152]. Mais hommes de loi ou littérateurs, éblouis, avoue Le Brun, par l'étendue de leurs pouvoirs[153], gonflés de leur soudaine importance, ils ne commirent que des sottises. Ils passaient l'armée en revue et s'apitoyaient avec emphase sur son dénuement, Ils lançaient des proclamations ridicules. Ils se faisaient rendre les honneurs militaires et ne marchaient qu'accompagnés de gardes et d'ordonnances. Bexon et Rigaut sommaient la municipalité de Namur de leur donner un beau et splendide dîner, comme celui qu'elle avait offert aux généraux Valence et Harville[154]. Harou-Romain et Mandrillon dénonçaient au peuple d'Ypres et de Courtrai les nobles et les prêtres comme des vampires semblables aux monstres du Nil qui ne contrefont des voix humaines que pour attirer les malheureux et les dévorer[155]. Collin, dansant au bal de Bruges, venait dire à Dumouriez avec un grand sérieux qu'il se proposait de mettre Nieuport et Ostende en état de défense et d'y monter des batteries[156]. Liébaut demandait un corps de 4.200 hommes à Miranda et ordonnait gravement à Dumouriez de renforcer l'avant-garde de La Marlière ; sinon, il exigerait et obtiendrait vengeance[157] ! Cochelet jouait au général ; il allait reconnaître Maëstricht, interrogeait les paysans qui sortaient de la place, et, bien que la guerre ne fût pas encore déclarée, il arrachait sur le glacis un écriteau qui portait les mots territoire de leurs Hautes Puissances. Il délivrait des ordonnances en numéraire sur la caisse du payeur pour des sommes considérables, sans motif urgent. Indiscret, futile, vain, écrivait Miranda, il veut subdéléguer son emploi et ses facultés à Jolivet et demain peut-être sur cinquante autres secrétaires ; au lieu de dix commissaires, nous en aurons dix mille ! Les commissaires de la Convention le suspendirent et Le Brun le rappela ; Cochelet, disait le ministre, n'avait pas le droit de déléguer ses pouvoirs à Jolivet et Jolivet dérogeait à son caractère de chargé d'affaires en acceptant des fonctions subalternes[158].

Plusieurs Français d'esprit perspicace et impartial virent à l'œuvre ces commissaires nationaux et assurent qu'ils n'avaient pas la connaissance requise du génie et des mœurs de la Belgique, que leur conduite était altière et impolitique, qu'au lieu de ménager d'abord les préjugés des Belges, ils prétendaient les renverser du premier choc et se livraient à des actes condamnables. Courtois lui-même, venant à résipiscence, confessait plus tard que ses collègues parlaient dans les clubs de Belgique comme au faubourg Saint-Antoine et qu'ils avaient frappé fort, sans frapper juste[159].

Les plus mauvais furent Chaussard et Chépy que les administrateurs provisoires de Bruxelles nommaient des proconsuls, des Aquilius et des Verrès couverts d'un masque populaire. Chaussard disait qu'il fallait employer à Bruxelles tous les moyens qu'on employait à Paris, et faire planer la terreur sur la tête des dissidents ; Chépy, que le Brabant n'était qu'une vaste ménagerie et qu'on devait y couper à propos 20 ou 30 têtes : chose indispensable en Révolution[160].

Il faut citer avec ces deux hommes un ancien commissaire de la Commune, Chartrey, devenu commissaire des guerres et chargé, en cette qualité, de saisir les biens des émigrés français et belges. Dès le 9 janvier, Chartrey enlevait les fonds déposés à la caisse des consignations judiciaires et, comme le tribunal de la commune invoquait les lois du pays, je suis ici en France, répondait Chartrey. Il s'adjoignit un ébéniste bruxellois du nom de Saghman. Ce Saghman était notoirement atteint de démence ; il se croyait ministre ; il voulait porter un habit d'écarlate doublé d'hermine ; il achetait cinq chevaux et trois cabriolets ; il projetait de divorcer pour épouser une Gantoise qu'il n'avait jamais vue, de transformer son atelier en salon de danse, et, dans le dessein de donner une fête aux sans-culottes, il commandait trois mille pots d'étain et un tonneau en bois d'acajou. Mais il assistait aux ventes des meubles des émigrés et faisait constamment hausser les prix ; Chartrey le nomma commissaire-adjoint[161].

Pires que Chartrey, pires que Chaussard et Chépy furent, comme toujours, les subalternes, commis, clubistes, soldats, que les commissaires nationaux s'associaient en grand nombre à titre d'adjoints ou de simples auxiliaires. C'étaient non-seulement des Français, mais des Belges, et, comme dit Beaulieu, les prolétaires, les intrigants, les têtes ardentes du pays[162], tous ceux qui, selon le mot de Chaussard, avaient le prurit du pillage[163]. Ces agents de bas étage, étrangers et nationaux, commirent les brutalités et les abus de pouvoirs qui révoltèrent les populations, les malversations que réprouvaient les conventionnels[164], les extorsions et les brigandages que rappelle Louvet[165], les vexations injustes, les persécutions criantes, les rapines inouïes que dénoncèrent les journaux du temps[166]. Dumouriez rapporte qu'ils volèrent la moitié des mobiliers qu'ils mettaient sous scellé ; Belliard, qu'ils osèrent requérir pour faire de la charpie, du fil de dentelle qui ne parut jamais dans les hôpitaux ; Camus, qu'ils voulaient agir de leur tête sans aucun pouvoir et ne respectèrent pas les droits de l'homme[167].

 

VIII. Les commissaires nationaux se montrèrent en Belgique vers la fin de janvier. L'exécution du décret commença sur le champ. Partout les impositions furent abolies. Les représentants de Namur voulaient les maintenir ; Harville déclara qu'il prêterait main forte à quiconque les refuserait. L'assemblée de Tournai s'efforçait de garder le droit de barrière : O'Moran menaça de faire abattre toutes les barrières par un escadron de cavalerie. Les représentants de Louvain décidaient que les impôts seraient perçus comme auparavant ; Chépy annula leur décision. Les administrateurs de Bruxelles demandaient un peu d'argent pour réparer le canal de la ville ; les commissaires répondirent qu'on devait auparavant accepter les assignats au pair. Mais eux-mêmes refusaient le papier-monnaie que les Belges leur offraient, et lorsqu'ils mettaient à l'encan les meubles et les effets des émigrés, exigeaient du numéraire à l'instant même de l'achat[168].

Partout les propriétés du fisc, des établissements publics, des communautés ecclésiastiques et laïques furent mises sous la sauvegarde de la République. Mais, contrairement à l'article 5 du décret, les commissaires nationaux s'attribuèrent la surveillance du séquestre. Ils disposèrent de toutes les caisses et défendirent aux receveurs de se dessaisir de la moindre somme sans leur autorisation. Ils firent vendre les biens de tous les émigrés français et de tous les Belges expatriés. Les représentants provisoires de Bruxelles protestèrent encore. Devait-on saisir les meubles et immeubles des émigrés français au préjudice de leurs Créanciers belges ? Devait-on mettre la main sur les biens des militaires belges qui servaient sous le drapeau de l'Autriche ou des fonctionnaires qui n'avaient fui que parce qu'ils redoutaient la persécution ? Ne fallait-il pas auparavant les sommer, les uns et les autres, de rentrer en Belgique ? Les commissaires répondirent qu'ils ne reconnaissaient pas les dettes des émigrés et qu'ils regardaient comme satellites volontaires du despotisme tous les Belges qui avaient quitté le pays à l'approche des armées françaises[169].

Le décret ordonnait l'élection d'administrations nouvelles. Mais la suppression des impôts et la saisie des caisses publiques frappaient d'inutilité les administrations des provinces. On pouvait donc en tolérer quelques-unes, et les commissaires de la Convention laissèrent subsister celles de Malines et de la Westflandre ainsi que l'assemblée des représentants provisoires de Bruxelles qui s'était rendue indispensable[170]. Mais ils cassèrent, sans la remplacer, l'assemblée de l'Ostflandre. L'assemblée provisoire du Hainaut, ayant protesté de nouveau et avec force contre le décret, fut dissoute par le général Ferrand, et le pouvoir administratif de la province confié aux 30 administrateurs de Mons et à quelques notables du plat pays[171]. Il en fut de même à Tournai. Deux fois les assemblées primaires refusèrent de prêter le serment à la liberté et l'égalité ; deux fois les commissaires nationaux les annulèrent ; ils étaient, disaient-ils, effrayés de l'énorme majorité des opposants, et de guerre lasse, ils choisirent eux-mêmes les administrateurs provisoires[172]. Enfin, l'administration provisoire d'Anvers allait être cassée le 10 mars et remplacée par une commission de dix membres ; un coup d'autorité de Dumouriez la sauva[173].

Seuls, le Tournésis et le Namurois reçurent l'administration générale prescrite par le décret. Les électeurs du Tournésis choisirent douze administrateurs provisoires, un procureur-syndic, un commissaire national et cinq juges. Mais l'antagonisme des deux villes de Namur et de Charleroi marqua de nouveau les élections du Namurois. Très imprudemment, Namur déclara d'abord qu'elle conservait ses représentants provisoires et n'en voulait pas d'autres ; puis, se ravisant, elle nomma ses députés. Il était trop tard. Charleroi et les autres communes de la province avaient passé outre, et leurs députés s'étaient constitués en assemblée représentative provisoire du Namurois. Cette assemblée siégeait à Charleroi ; elle adhéra solennellement au décret du 15 décembre, nomma procureur-syndic le commissaire national Bexon, et confia la gestion des affaires de la province à 36 administrateurs dévoués au système français[174].

Les commissaires de la Convention agirent pareillement envers les administrations locales. Les unes restèrent en fonctions : les autres furent cassées, entre autres, celles d'Alost, de Bruges, de Louvain et d'Ypres. Ce fut Chépy qui déclara les représentants de Louvain déchus de toute autorité[175]. Mais des scènes singulières se passèrent à Gembloux. Le commissaire Cobus, avocat et membre de l'administration provisoire de Bruxelles, était venu présider aux élections. Le lieutenant-colonel Everard et un détachement de 150 hommes l'accompagnaient. Il assembla les habitants à l'église et les requit d'abord de prêter le serment de liberté et d'égalité. Par trois fois, les habitants refusèrent en déclarant qu'ils voulaient garder la constitution brabançonne. Cobus, furieux, envoya les notables à la grand' garde et assembla de nouveau la population. Les soldats, le fusil chargé, remplissaient l'église. Ils arrêtèrent un des principaux opposants, et les amis de l'ancienne constitution se retirèrent et gardèrent le silence. Cobus fit alors avancer les partisans du système français, au nombre de vingt, et, à leur tête, Linoy, autrefois avocat à Bruxelles. Ce Linoy prêta le serment et fut nommé maire. Les autres formèrent la municipalité nouvelle qui fut installée solennellement par Cobus et conduite dans les rues de Gembloux entre une haie de baïonnettes[176].

Mais la grande affaire, c'était la réunion. Les commissaires de la Convention adressèrent au peuple belge une proclamation remplie de citations d'Isaïe et de réminiscences bibliques. Ils assuraient que tout rappelait en France les premiers siècles du catholicisme et qu'on ne pouvait méconnaître la main du Tout Puissant dans les succès prodigieux de la République. Les Belges restèrent sourds à ces exhortations. Comment auraient-ils voulu s'associer à l'anarchie française ? Ne voyaient-ils pas, ainsi que s'exprime le Moniteur, le délabrement de l'armée, les dissentiments entre le ministre et les généraux, l'affreuse dilapidation de toutes les ressources, tant de forfaits impunis, et les factieux usurpant l'empire au sein même de la Convention[177] ? Croyez-vous, mandait Proli, que le scandale des scènes de l'assemblée, que l'esprit de parti, que l'imbécillité patriotique ou le patriotisme imbécile de Pache, que la manie agioteuse de Clavière et de son cher compatriote Bidermann, que l'humeur tracassière et vétilleuse de Roland, que tous ces prestiges du jour aient ébloui les Belges[178] ? Un pamphlétaire mettait en scène Jean de Nivelles et Mannekenpisse, le chevalier et le sans-culotte ; voyez, s'écrie Jean de Nivelles, l'état de déchirement dans lequel se trouve la France ; quel est le peuple de la terre qui peut lui porter envie ?[179]

Il fallait donc emporter les votes d'assaut et par violence. On ne francise pas en un matin, disait Volney, avec des cocardes et des bonnets rouges ; mais on commence par l'habit, et le temps fait le rester[180]. Le 3 février, neuf commissaires nationaux s'assemblèrent à Bruxelles. Chacun devait déclarer par oui ou par non s'il croyait que la Belgique devait être réunie à la France. Thiébault fils réserva son vote. Tous les autres demandèrent l'agrégation de la Belgique à la République française. Elle devait être obtenue, opina Chaussard, par tous les moyens, même par le despotisme de la raison ; que m'importe le vœu d'un peuple enfant ou imbécile ? Chépy et Gouget-Deslandres furent du même avis : il fallait, suivant eux, opérer la réunion, non seulement par les touchantes insinuations de la philanthropie, mais par tous les moyens de tactique révolutionnaire. Chépy ajoutait que si les Belges opposaient encore le système désespérant de la force d'inertie, le droit de conquête devenait juste[181].

Les assemblées primaires ne furent pas convoquées le même jour, et les grandes villes ne votèrent que successivement, Mons, le il février, Gand le 22, Bruxelles, le 25. Tous les agents étaient d'accord sur ce point : il fallait faire soutenir les élections par la force armée[182], déployer tout l'appareil de la force nationale[183], couvrir de troupes les Pays-Bas et intimider les malveillants qui méditeraient les grands crimes de Francfort[184]. Les commissaires de la Convention demandèrent même au ministre de la guerre 20 à 25 bataillons et 2 escadrons ; autrement, disaient-ils, le sang coulerait dans les assemblées primaires. Mais ces renforts ne seraient pas arrivés à temps. Les meilleurs bataillons de Tournai, d'Ath, de Mons, remplacés par les garnisons des places du Nord, vinrent dans le Brabant contenir les malintentionnés, et cette petite armée se promena de ville en ville, de sorte qu'au jour du vote, Bruxelles, Louvain, Diest, Tirlemont et leurs dépendances furent tour à tour gardées par des forces imposantes[185].

Le vote de Mons eut lieu dans l'église Sainte-Waudru où le général Ferrand et les deux commissaires Mouchet et Legier avaient convoqué les citoyens. Les jacobins et réunionistes, groupés près de la tribune, au nombre de 150, étaient dix fois moins nombreux que les partisans des États. Voilà, dit Ferrand en ouvrant la séance, le plus beau jour de ma vie, celui où la réunion de deux peuples libres va se faire. Les réunionistes l'interrompent aussitôt. Oui ! la réunion, la réunion ! Mais d'autres cris se font entendre : Non, point de réunion ! Nous voulons notre Constitution ! Aussitôt les jacobins qui s'étaient munis de sabres et de poignards, se jettent sur leurs adversaires et les mettent en fuite. Mais, au sortir de l'église, dans le pré Sainte-Waudru, les opposants tombent au milieu des chasseurs belges qui les ramènent ou les poursuivent à coups de fusil tirés à poudre. Les réunionistes demeuraient maîtres de l'église et du vote. En vain on rappela qu'il fallait voter par sections. Diviser pour régner, s'écria Legier, est la maxime du despote ! Le bureau fut nommé au chant de la Marseillaise et le serment, prêté à l'unanimité. Le président pria les citoyens qui désiraient la réunion, de passer à droite dans le haut de l'église, et les autres, à gauche, dans le bas. A l'instant, dit le procès-verbal, toute l'assemblée se précipite sur la droite, et aucun citoyen ne se présente sur la gauche[186].

A Gand, les votants, clubistes pour la plupart, se réunirent dans l'église de Saint-Bavon, sous la présidence de l'avocat Meyer[187]. Le commissaire Alexandre Courtois fit un discours sur la liberté universelle et l'excellence de la constitution française. Meyer répondit en louant l'éloquence persuasive de Courtois et la douceur de ses mœurs. Puis l'assemblée entière, se retirant à gauche, vota l'union départementaire en criant Vive la France ! Lavalette, venu de Bruxelles tout exprès avec le jacobin Lafaye, déclara qu'il avait vu se manifester le vœu le plus pompeux et le plus général. On avait résolu qu'un registre resterait ouvert pendant 24 heures, pour recevoir les signatures des citoyens qui voudraient protester ; personne ne se présenta[188].

Le vote de Bruxelles eut lieu à Sainte-Gudule, mais l'assistance ne se composait que des clubistes, des sans-culottes et des employés des administrations. N'était-ce pas une dérision de convoquer les habitants de Bruxelles et de la banlieue en un seul endroit, et dans un local d'aussi petite étendue que Sainte-Gudule ? On se rappelait d'ailleurs le vote annulé du 29 décembre ; on savait ce qui s'était passé dans l'assemblée de Mons ; on avait vu des sans-culottes, armés de piques, de sabres et de fusils, arriver de Gand et du Hainaut. Lavalette représentait le général Moreton. Il engagea les électeurs à faire librement et avec courage le premier acte de leur souveraineté. Après lui Gonchon vanta les avantages de la réunion[189]. On élut le président et les secrétaires par acclamation[190] ; on prêta le serment avec les transports les plus vifs, et le président ayant demandé quel gouvernement le peuple choisissait, l'aristocratie avec les anciens États et l'Autriche ou la démocratie, le gouvernement simplement libre ou la réunion départementaire, toute l'assemblée s'écria, en agitant le mouchoir et le bonnet rouge, qu'elle voulait le gouvernement, démocratique et la réunion. Au sortir de la séance, les sans-culottes, chantant la Marseillaise, se répandirent dans la ville et mirent en pièces un grand nombre de reliques aristocratiques. Ils abattirent une vieille statue de Janus, parce qu'un d'eux, quelque peu clerc, cria que Janus avait été roi du Latium. Ils ne voient, écrivait-on au Moniteur, dans une statue qu'un bloc de pierre, dans un tableau qu'une toile barbouillée, et ce jour qui devait être un jour de fête, sera pour les amateurs des arts un jour de deuil[191].

Il y avait à Namur deux assemblées : l'administration provinciale et la municipalité de la ville. L'administration, jacobine de cœur et d'âme, vota la réunion dès sa première séance, sur la proposition de son procureur-syndic, le commissaire national Bexon. Mais la municipalité semblait décidée à refuser son assentiment. Bexon et son collègue Rigaut mirent tout en œuvre pour l'intimider. Ils ordonnèrent aux habitants de s'inscrire sur le registre des amis du peuple : signer, c'était prêter le serment à la liberté et à l'égalité, renoncer à ses privilèges, adhérer aux décrets du 15 décembre et du 31 janvier, voter la réunion. La proclamation des commissaires était pleine de menaces : Notre patience se lasse ; sous peu la vengeance éclatera ; il faut exterminer les ennemis de l'intérieur ! Mais les signatures n'abondaient pas. La compagnie des sans-culottes, naguère organisée par Estienne, terrorisa la ville, envahissant les maisons, arrêtant les particuliers, et, sous prétexte de détruire les insignes de la féodalité, se livrant à des désordres de toute sorte. Une dernière proclamation des commissaires annonça que les abstentionnistes seraient notés comme traîtres à la patrie et sévèrement punis. La municipalité n'hésita plus ; elle vota la réunion. La compagnie des sans-culottes vint la féliciter. Ils ont demandé le baiser de fraternité, lit-on dans le procès-verbal ; la municipalité a frémi quand elle a pensé à donner l'accolade à des brigands de cette espèce. Le 2 mars, les commissaires déclarèrent que le registre serait fermé dans la journée, et ils appelèrent les citoyens à la cathédrale pour sanctionner comme souverains le vœu que chacun d'eux avait émis individuellement Rigaut fit un discours et conclut : que ceux qui sont d'avis de se réunir à la France, lèvent leurs chapeaux. Tous les chapeaux furent levés. Le souverain a exprimé son vœu, reprit Rigaut, embrassons-nous et crions : Vive la République française ! Vivent les Namurois ! Deux Français, deux adjoints des commissaires nationaux, Adant et Saunier, portèrent à Paris le procès-verbal de la réunion, et la municipalité namuroise dut leur donner 30 louis pour frais de voyage[192].

Tel fut le vote des villes : convocation du peuple dans une église entourée ou remplie de soldats, discours du commissaire français, applaudissements des clubistes, vote immédiat et acclamatoire qui a l'avantage de faire connaître les individus[193], registre de protestation où personne n'ose s'inscrire. Mais dans les villages et certaines petites villes où le même déploiement de troupes ne pouvait avoir lieu, se produisirent de vives résistances. A Enghien, Legier dut, pour sauver sa vie, signer un procès-verbal qui constatait que les votants avaient à l'unanimité rejeté la réunion[194]. Grammont n'émit son vœu que lorsque Alexandre Courtois eut fait venir un détachement ; encore eut-il peine à contenir les malveillants[195].

La réunion, disait un orateur aux Jacobins de Paris, n'a été votée que par les sans-culottes, et eux seuls ont décrété les diverses incorporations[196]. Saurait-on expliquer autrement le vote unanime de Diest, de Diest où, selon les mots de Chaussard, dominait le parti statiste, de Diest où la populace était fanatique et la municipalité inerte, où les enfants jetaient des pierres aux patriotes[197] ? Saurait-on expliquer autrement le vote unanime d'Ostende ? Le 3 mars, l'assemblée de cette ville, présidée par le citoyen Amandry[198], accédait à la réunion, et quinze jours auparavant, le général de Flers écrivait que les habitants avaient quitté la cocarde tricolore et crié vive l'Empereur. Comment une ville où le parti impérial aristocratique fomente et lève la tête peut-elle se déjuger en deux semaines[199] ?

Ceux mêmes qui votaient la réunion, ne la votaient pas sans réserve. On se donnait à la France, mais on n'acceptait ses assignats qu'à contre-cœur, et presque partout on demandait qu'ils n'eussent pas un effet rétroactif. Deux administrations seulement, celle de Dinant et celle de Charleroi, ordonnèrent de recevoir le papier monnaie de France au pair avec le numéraire. Mais Chaussard avait beau vanter les assignats à l'administration du pays de Liège : C'est un papier-terre, disait-il, un papier qui représente des arpents qui circulent ; le système de ce papier-terre est lié au système de la liberté, et l'assignat doit faire le tour du globe avec la cocarde tricolore. Liège ne votait la réunion que sous conditions : Les assignats ne seraient pas forcés pour le remboursement des dettes particulières contractées entre les Liégeois et la réclamation des rentes constituées avant l'époque de la réunion. Delacroix déclara ces réserves injurieuses, et Chaussard s'écria qu'elles portaient atteinte au système monétaire de la France et jetaient le discrédit sur son papier ; les accepter ne convenait ni à son intérêt ni à sa dignité. Un instant les commissaires voulurent convoquer de nouveau les sections et leur demander un vœu de réunion pur et simple. Ils prièrent même le président de la Convention de ne pas lire publiquement les procès-verbaux et de retirer la parole aux députés de Liège. Si ce vœu conditionnel, disaient-ils, venait à être connu des pays qui nous restent à réunir, ils ne manqueraient pas de s'expliquer conditionnellement[200]. Mais Gand suivit l'exemple de Liège, et l'assemblée de l'église Saint-Bavon demanda que le papier monnayé n'eût pas d'effet rétroactif, comme les Liégeois l'avaient désiré[201]. Un citoyen fit une motion pareille à l'assemblée de Bruges. Les députés de Tournai sollicitèrent de la Convention des apaisements sur le mode d'introduction des assignats. L'assemblée des représentants provisoires de Bruxelles donna la même mission à Chapel et à Rosières : ils devaient demander une loi qui ordonnerait de payer en numéraire toutes les dettes contractées avant la réunion[202].

 

C'est ainsi qu'à la fin du mois de février 1793, les Pays-Bas, maltraités, poussés à bout, annexés en dépit d'eux-mêmes, devenaient un foyer de haine contre la France. Le sol se minait sous les pas de cette armée que le peuple avait saluée avec transport et nommée la libératrice des nations. Les Carmagnoles, naguère accueillis comme des frères, ne semblaient plus aux Belges que des étrangers et des oppresseurs. Les Français, a dit un contemporain, étaient attendus et désirés avec une sorte d'impatience ; ils n'étaient pas sitôt arrivés dans un endroit qu'on en était las ; la joie était convertie en tristesse et les acclamations en un morne silence[203]. Sauveur Chénier regardait les Belges comme nos plus ardents ennemis et n'attendait d'eux que des trahisons[204]. Déjà les figues ou partisans de l'Autriche se préparaient à prendre la cocarde noire. Une proclamation de la cour de Vienne, sollicitée par des membres des États, promettait aux habitants des dix provinces une amnistie complète, le rétablissement de leur constitution dans toute sa pureté telle qu'elle était sous l'empereur Charles VI, et comme gouverneur-général, l'archiduc Charles qui saurait gagner leur amour[205]. Le lion Belgique insulté, criait un pamphlétaire aux Français, ne dormira pas toujours ; une fuite honteuse, une déroute sanglante seront le prix de votre impolitique inouïe ![206]

 

FIN DU QUATRIÈME VOLUME

 

 

 



[1] Dumouriez à Servan et à Clavière, 26 sept. 1792 (A. G.).

[2] Biron à Merlin, 7 mai 1792 (A. G.).

[3] Le défenseur de la Constitution, n° 1.

[4] Moniteur, 29 oct. 1792.

[5] Séance du 1er nov. et lettre des commissaires du 7, Moniteur du 3 et du 11 ; lettre de Gensonné à Malou (Borgnet, II, 408) ; Arrêté sur la liberté de l'Escaut, 16 nov. 1792.

[6] Dumouriez à de Grave, 23 avril 1792 (A. G.).

[7] Correspondance, 30, 39-41, 53-56, et lettre à Ferrand, 10 nov. 1792 (A. G.).

[8] Le Brun au Comité révolutionnaire, 13 nov. (A. N. F7 4598), et à Dumouriez, 8, 13, 25 nov. 1792 (A. E.).

[9] Moniteur, 12 déc. 1792.

[10] Moniteur, 17 nov. 1792.

[11] Moniteur, 26 et 28 nov. 1792 ; Seilhac, Espagnac, 136 ; Borgnet, II, 93-95.

[12] Borgnet, II, 95-96 ; Miranda à Pache, 12 janv. 1793 (A. G.) ; certificat de Chaussard à Leclerc (A. E.) ; O'Moran à Dumouriez, 20 déc. 1792 (A. N. F7 4598) ; Malou-Riga, Mém. pour les députés des Deux-Flandres, 3.

[13] Hénaux, II, 662-671.

[14] Moniteur 15 et 17 nov. 1792 ; Seilhac, Espagnac, 136 ; Everaert et Bouchery, Hist. de la ville de Hal, 310 ; Borgnet, II, 77-78 ; Adresse du peuple belge à la Convention, 7-8.

[15] Borgnet, II, 82-83 ; Levae, 82-86 ; Moniteur, 26 et 29 nov., 3 déc. ; Chépy à Dumouriez, 21 nov. 1792 (A. E.).

[16] Borgnet, II, 78-81. On trouve parmi les représentants de Malines l'abbé Duvivier et des membres du Congrès, Nelis, Van Kiel, Scheppers. Cf. les listes de Borgnet, II, 404-405.

[17] Moniteur, 16 déc. 1792 ; Gachard, Coll. de doc. inéd., 1835, vol. III, 54 et 130-133 ; Borgnet, II, 84-85.

[18] Borgnet, II, 86 ; Rojas, Miranda, 14 ; Chaussard, Mém. hist. et polit. sur la révol. de la Belgique et du pays de Liège en 1793, 1793, p. 138.

[19] Correspondance, 273 et proclamation de Dumouriez.

[20] Vander Noot au peuple belge, 20 nov. (Borgnet, II, 72-74 et Levae, 103) et à Dumouriez, 26 nov. 1792 (A. N. F7 4598). Le tribun ne devait mourir qu'en 1827, Vander Mersch et Vonck moururent tous deux en 1792, Vander Mersch le 14 septembre, Vonck le 1er décembre.

[21] Moniteur, 30 nov. 1792.

[22] Cf. les extraits de pamphlets cités par Levae, l'antibalsa, l'adresse à la Convention, la brochure aux amis de la chose publique, le Berigt aux paysans, Scévola belgique, qui l'emportera, etc. Raoux a fort bien dit (Mém. sur le projet de réunion, 12-13) que les Belges ne sentaient pas le besoin du changement et ne voulaient pas abandonner un bien précieux qu'ils connaissaient pour un mieux que personne ne connaissait encore.

[23] Correspondance avec Pache, 175. Les Belges, disait Valence, influencés par des fanatiques, ne sont pas déterminés pour nos opinions comme les habitants de Liège. (Valence à Le Brun, 6 déc. 1792 A. G.)

[24] Dumouriez, Mém., III, 198-200 et Correspondance, 249-252.

[25] Labourdonnaye à Pache, 30 oct., 4, 11, 12, 22, 24 nov. (A. G.).

[26] Correspondance, 70, 105, 124-125, 151 (Pache juge, lui aussi, que l'ordre de Labourdonnaye au magistrat de Gand est vexatoire et contraire aux intérêts de la République) ; Dumouriez, Mém., III, 183-186 ; Malou-Riga à Dumouriez, 16 nov. 1792 ; Dumouriez à Labourdonnaye 18 nov. ; Labourdonnaye à Pache, 11 et 22 nov. (A. G.) ; Dumouriez à Le Brun, 23 nov. (A. E.) ; Le ; Brun à Dumouriez, 25 nov. (A. N. F7 4598) ; Rec. Aulard, I, 254 ; Borgnet, II, 97-103, 407-408.

[27] Van de Spiegel, 70.

[28] Sorel, L'Europe et la Révolution, I, 310-325.

[29] Chaussard, 15.

[30] Harou-Romain et Mandrillon au peuple d'Ypres.

[31] A. Cloots aux assemblées primaires, 23 nov. 1792, p. 5-7.

[32] Th. Gérard, Plan de guerre et de défense pour la camp. de 1793, nov. 1792, p. 2, 7, 11.

[33] Discours du 31 janv. 1793. La nature, dit de même Metman dans son opuscule De la réunion de la Belgique à la France (p. 21), a décrété les limites de la République ; je vote la réunion pour obéir aux ordres de la nature. Cf. le rapport de Carnot, 14 février.

[34] Rojas, Miranda, 4.

[35] Séance du 27 nov. 1792 (Moniteur du 28).

[36] Chaussard, 18.

[37] Le Brun aux commissaires nationaux, 31 janv. 1793 (A. E).

[38] 2e rapport des commissaires de la Convention, 246 (lettre du 17 février ; cf. Rec. Aulard, II, 152) ; Dumouriez, Mém., III, 296 ; le général nomme Danton et Delacroix les véritables auteurs du décret du 15 décembre, mais ils n'étaient point déterminés par une basse rancune et par le désir de se venger d'Ath qui leur avait refusé le logement.

[39] 11 et 12 déc. 1792 (Comité milit. A. N. AF II, 22), et Correspondance, 252).

[40] Moniteur, 6 déc. 1792 ; Borgnet, II, 90-92.

[41] Comité milit., 12 déc. ; Rec. Aulard, I, 307-308.

[42] Annales patriotiques, 15 déc. 1792.

[43] La Convention avait d'abord décrété que tous les agents et officiers de l'ancien gouvernement, tous les nobles, tous les membres des corporations privilégiées étaient, pour la première fois seulement, inéligibles ; mais cet article fut rapporté.

[44] Les deux villes les mieux disposées en notre faveur, disent les commissaires. Rec. Aulard, II, 152.

[45] Moniteur, 24 déc. 1782 ; Procès-verbal de la séance du 21 déc. (n° 31, Ass. du Hainaut Belgique) ; Extrait du protocole des procès-verbaux de l'ass. de Namur : Borgnet, II, 117-125.

[46] Arrêté du peuple de Herve, signé Lys et Neujean, 19 janv. 1793 et lettre de Ronsin, 21 janv. (il croit que Herve qui était dans le Limbourg, appartient au pays de Liège et s'étonne d'une démarche contraire à l'esprit d'union et de concorde qui anime les Liégeois. A. N. D II, 4-5).

[47] Walckiers à Pacte, 13 janv. 1793 (A. G.) : Je m'étonne de cette démarche de Balsa et d'Outrepont qui sont purs.

[48] Borgnet, II, 291 ; Hénaux, II, 675.

[49] Comment. impartial de la lettre pastorale de Marassé (Levae, 165-166) ; colonel Thouvenot à Pache, Malines, 22 déc. 1792 (A. G.) ; Moniteur, 31 déc. 1792, 1er, 10, 11 janv. 1793.

[50] Rec. Aulard, I, 369 ; Levae, 171 (la Montansier joua des pièces patriotiques, La prise de Mons, Le siège de Lille, L'apothéose de Beaurepaire).

[51] Le Brun à Dumouriez, 23 nov. 1792 (A. E.) et Dumouriez, Mém., III, 299. Ces chanteurs touchèrent 9.000 livres eu assignats et 250 louis en or (Masson, Départ. des aff. étr., 275-276).

[52] Chépy et Deshacquets à Le Brun, 27 déc. 1792 et 17 févr. 1793 (A. E.).

[53] Kerenveyer et le consul de France à Pache, 1er et 2 janv. 1793 (A. G.).

[54] Miranda à Pache, 1er janv. 1793 (A. G.).

[55] Valence à Custine, 2 janv. 1793 (A. G.) ; cf. Gouverneur Morris, II, 234-235.

[56] Labourdonnaye à Pache, 14 déc. 1792 (A. G.).

[57] Procès de La Sonde, an V (et plaidoyer de Réal), p. 180 et La Sonde, Suite aux Mém. de Dumouriez (récit des négociations de Dumouriez avec Metternich par l'intermédiaire de La Sonde et de Touffner, 11-14).

[58] Correspondance, 66.

[59] Cf. Mém., III, 296, Correspondance, 208 et surtout les quatre mémoires au Comité de défense générale et ses lettres du 10 et 18 janvier 1793 à ce Comité (A. N. F7 4598).

[60] Discours de Delacroix, 24 pluviôse an II et Chardoillet, Notes de Topino-Lebrun sur le procès de Danton, 1875, p. 23.

[61] Mém., III, 297, et Correspondance, 272.

[62] Borgnet, II, 47-48 et 126.

[63] Annales patriotiques, 25 février 1793.

[64] Malou-Riga à Dumouriez, 16 nov. 1792 ; Rosières au président de la Convention, 12 janv. 1793 ; de Flers à Beurnonville, 11 fév. (A. G.) ; Osten, Thouvenot, La Noue à Dumouriez, 18 déc. 1792, 4 et 10 janv. 1793 (A. N. F7 4598) ; Bexon et Rigaut à Le Brun 17 mars (A. E.).

[65] Money, The campaign, 226-228.

[66] Le Brabant élisait 60 députés ; l'Ostflandre, 80 ; la Westflandre, 22 ; le Hainaut, 30 ; Tournai et le Tournésis, 12 ; le Namurois, 25 ; le Limbourg, 15 ; la Gueldre, 5 ; le Luxembourg, 25 ; Malines, 5. Cf. Moniteur, 7 janv. 1793 ; Dumouriez, Mém., III, 303, et Correspondance, 193-194.

[67] Moniteur, 6 janvier 1793.

[68] Proclamation du 9 janv. 1793, Moniteur du 22.

[69] Rec. Aulard, I, 449.

[70] Proli à Le Brun, 5 janv. 1793 (A. E.).

[71] Borgnet, II, 126-127,139, 141 ; Levae, 222 ; Moniteur, 25 janv. 1793 (circulaire des représentants) ; Verlooy à Dumouriez, 8 déc. 1792 (A. N. F7 4598).

[72] Séance du 20 janv. 1793 (Moniteur du 27) ; Borgnet, II, 136-142 ; Lettre aux représentants provis. de la Flandre, p. 3 ; Les députés de la Flandre aux Comités, p. 3 ; Malou-Riga, Mémoire pour les députés des deux Flandres, p. 6-14.

[73] Borgnet, II, 143 ; Proclam. des admin. provis. de Tournai et Lettre d'O'Moran.

[74] Dumouriez, Mém., III, 303 ; Borgnet, II, 130 et 193.

[75] Mots de Metman et de Chaussard, Mém., 250.

[76] Raoux, Mémoire sur le projet de réunion, p. 6.

[77] Colonel Thouvenot à Pache, 22 déc. 1792 (A. G.).

[78] Courrier des départements, 29 janv. 1793.

[79] Révolutions de Paris, n° 177, p. 443.

[80] Moniteur, 6 et 7 janv. ; Annales patriotiques, 5 janv. 1793.

[81] Metman à Le Brun, 30 déc. 1792 et 6 janv. 1793 (A. E.).

[82] Adresse du 22 mars 1793 (les représentants de Bruxelles à la Convention) A. E. ; Borgnet, II, 147 ; Levae, 274.

[83] Rec. Aulard, I, 490.

[84] La Société de Louvain à la Convention, 26 févr. (A. N. C. 247).

[85] Courrier des départements, 12 janv. ; encore les Malinois n'osaient-ils y paraître.

[86] Mémoire de Desforges-Beaumé et des deux Thiébault (A. N. D. II, 4-5).

[87] Ou, comme il dit, de Brabançons (à Ysabeau, 23 janvier 1793, A. E.).

[88] Lettre aux représentants de la Flandre, p. 17.

[89] Chaussard, Mém., 75.

[90] Cf. sur le général Moreton : Dumouriez, Mém., II, 107, et III, 201, 301 ; lettre à Beurnonville, 15 février 1793 (A. G.) ; Rec. Aulard, II, 164. Il jouait au Dumouriez, et son valet de chambre, Hubert, jaloux des lauriers de Baptiste Renard, demandait à b Convention la faveur de porter l'habit national (séance du 4 janvier 1793).

[91] Journal des jacobins, séance du 21 nov. 1792 ; Annales patriotiques, 3 janv. 1793 (Courtois à Carra) ; Le Brun à Dumouriez, 25 nov. 1792 (A. N. F 7 4598) ; Levae, 237.

[92] Moniteur, 28 févr. et 4 mars 1793 ; Chaussard, 330 : Levae, 205 et 335.

[93] Cf. sur Goguet : Seilhac, Espagnac, 136 ; Levae, 183. Goguet, élu colonel du 3e bataillon liégeois qui se forma le 10 mars 1793, devint général et fut tué en 1795.

[94] Cf. sur Louis-Jean-Baptiste Lavalette, alors âgé de quarante ans, et qui devait commander à Gand, puis à Lille, Borgnet, II, 225 ; Wallon, Hist. du tribunal révolutionnaire, passim, et le dossier de La Marlière (A N. W. 297).

[95] Il était né à Cognac, cf. Levae, 23 et le dossier de La Marlière.

[96] Voir sur Melsnyder et Charles de Mons, Borgnet, II, 149, et Levae, 214.

[97] Patriote français, 21 janv. 1793 ; Gachard, Ét. et not. hist., III, 311-312.

[98] Dumouriez, Mém., III, 302 ; Chaussard, Mém., 350 (les sans-culottes se portèrent à des excès) ; adresse du 22 mars 1793 (A. G.) ; Milon à Beurnonville, 17 mars (A. G.) ; Moniteur, 20 janvier.

[99] Annales patriotiques, 26 janv. 1793 comparaison ingénieuse.

[100] Borgnet, II, 150-155 ; Levae, 233-235, Moniteur, 1er et 8 février 1793.

[101] La Société de Mons à la Convention. Mais, disait Dumouriez, dans son premier mémoire au Comité, elle est composée d'un petit nombre d'individus et ne peut exprimer le vœu du peuple ; l'assemblée provinciale du Hainaut est la représentation légale du pays entier.

[102] Moniteur, 28 déc. 1792, 7 et 10 janv., 2 févr. 1793 ; Adresse des citoyens de Bruges amis de la liberté et de l'équité (A. C. 245).

[103] Moniteur, 26 janv. 1793 ; Borgnet, II, 209-210.

[104] 29 janv. 1793 (Moniteur du 30).

[105] Le Brun à Dumouriez, 28 nov. 1792 (A. E.).

[106] Annales patriotiques, 12 janv. 1793.

[107] Dumouriez, Mém., III, 218, et Nény, II, 66-67 le pays de Liège n'est point en état de faire respecter sa neutralité.

[108] Mot de Vianey, secrétaire de l'état-major, Chronique de Paris, 20 janv. 1793.

[109] Hénaux, II, 676.

[110] Proli à Le Brun, 5 janv. 1793 (A. E.).

[111] Séance du 12 déc. 1792 (Journal des Jacobins).

[112] Séance du 10 janv. 1793 (Moniteur au 11).

[113] Nauroy, Le Curieux, II, 71.

[114] Lettre aux représentants provisoires de la Flandre, p. 2, et Mém. pour les députés des deux Flandres, p. 7-14.

[115] Mémoire du 25 nov. 1792 (A. E.).

[116] Rec. Aulard, I, 415, 444, 4o3 ; 2e rapport des commissaires, VIII.

[117] Séances des 8 et 11 janv. 1793 (Moniteur des 10 et 14).

[118] 26 janv. 1793 (Moniteur du 29). Un décret du 7 mars suivant conserva leurs grades aux citoyens employés dans les troupes de la Belgique ou du pays de Liège, mais leur nomination devait être antérieure au décret du 26 janvier.

[119] Séance du 31 janvier 1793.

[120] Raoux, Mém. sur le projet de réunion, 6.

[121] Dumouriez à Le Brun, 22 nov. (A. E.) et Correspondance, 273.

[122] Deshacquets à Le Brun, 28 nov. 1792 et 17 janv. 1793 (A. E.) ; Noël à Dumouriez, Londres, 21 déc. 1792 (A. N. F7 4598).

[123] Ernouf, Maret, 136-139 et 64.

[124] Chaussard, 177 et 240 ; Duval à Beurnonville, 20 mars 1793 (A. G.) et discours du 11 mars aux représentants de Bruxelles ; Miranda à Pache, 31 déc. 1792 et 1er janv. 1793 (A. G.) ; Harville aux commissaires, 27 déc. 1702 (A. N. AA 52) ; Borgnet, II, 172 et 184-187 ; Gouget-Deslandres et Robert au Conseil exécutif, 18 fév. 1793 (A. G.).

[125] Chaussard, 27.

[126] L'expression activer, dit Beaulieu (IV, 100) est historique ; je ne sais si elle deviendra française.

[127] Rec. Aulard, I, 284, et II, 224-225. Robert ne fut nommé que le 28 février ; il était né Liégeois, disait-il, et voulait aller embrasser à Liège et son père et la statue de la liberté. (A. N. C. 246).

[128] Money, The campaign, 242-243.

[129] Moniteur du 23 mai 1793, séance du 21.

[130] Lettre du 25 mars à Danton (Ternaux, Terreur, VI, 488).

[131] Foliot à Carra, Annales patriotes, 4 avril et Patriote français, 5 avril 1793.

[132] Réponse (de Merlin) à quelques objections contre la réunion de la Belgique, 9 vendémiaire, an IV, p. 3.

[133] Rapporté par Fabry (Borgnet, II, 411). Cf. Dumouriez, Mém., III, 219.

[134] Money (The campaign, 240) dit comme Dumouriez : The lower class of the people is here much more licencious than in any country in Europe.

[135] Borgnet, II, 243 ; Dumouriez, Mém., III, 216-219 et 290-291 ; Moniteur du 8 mars 1793 (arrêté de la commune pour prévenir les attentats contre la liberté individuelle des citoyens).

[136] Cf. sur Pierre Gadolle la lettre des commissaires de la Convention (Rec. Aulard, II, 181). Il publia en novembre 1794 des réflexions sur l'annexion de la Belgique (La fortune publique assurée par l'amalgame de la Belgique avec la France, idées très à l'ordre du jour) qui furent traduites eu allemand par la Minerva (1795, I, p. 468-486) et dans le recueil de Bœhmer une Réponse à cette question : est-il de l'intérêt de la République française de reculer ses limites jusqu'aux bords du Rhin ? qui obtint le second prix (An IV, 1er cahier, p. 51-53 ; il se qualifie alors distillateur à Paris), Billaud-Varennes le fit happer à Dunkerque au mois d'août 1793 et Gadolle resta onze mois en prison ; il exposa ses griefs contre le proconsul dans la brochure : Tu en as menti, Billaud, tu dis dans ton affiche que jamais tu n'as commis ou provoqué un seul acte tyrannique ; voici le mal irréparable que tu m'as fait. — Georges Sibuet devint accusateur militaire de l'armée des Alpes et se battit en duel (avril 1798) avec Benjamin Constant.

[137] Cf. sur Alex. Courtois, p. 216. Il devint accusateur militaire près le tribunal du 2e arrondissement de l'armée de la Moselle. Est-ce le Alexandre Nicolas Courtois, âgé de 33 ans, né à Longuyon, ex-administrateur du département de la Moselle, juge suppléant au tribunal du district de Longuyon qui fut guillotiné le 7 mai 1794 ? Ou, plus probablement, le Courtois, homme de loi, qui était, en 1795, président du tribunal criminel du département de Sambre et Meuse ?

[138] Cf. sur Harou-Romain, Retraite de Brunswick, 60-63, et sur Mandrillon, id., 201.

[139] Mouchet, entrepreneur de bâtiments, est l'officier municipal qui, au 20 juin, laissait entrer la foule aux Tuileries, en disant que le droit de pétition est sacré. Legier, commissaire de la section des Postes, en juillet 1792, devint agent national, puis commissaire du pouvoir exécutif dans le département des Forêts, membre du Conseil des Cinq Cents, membre du Tribunat.

[140] Rigaut, âgé de 36 ans et né à Montpellier, ex-administrateur de l'habillement, équipement et campement des troupes, fut guillotiné le 9 décembre 1793 pour avoir prévariqué, et de complicité avec Pinard, Bouchet, Poujol, Dessales et Bourillon, opéré des malversations, fraudes et dilapidations dans les fournitures (A. N. W. 301).

[141] Chaussard était né à Paris en 1766. Il devint secrétaire de la Commune en 1793 et orateur des Théophilanthropes. On le trouve sous la Restauration professeur au collège de Nimes. Il mourut à Paris le 9 janvier 1823. — Maurice Gouget-Deslandres, né à Dijon en 1755, avocat au parlement de Bourgogne et substitut du procureur-général, puis juge au tribunal de cassation (1792-1797), était membre du club des Jacobins et avait rédigé avec His le Républicain universel. Il a fait imprimer de nombreux mémoires (Aulard, Les Jacobins, I, 205, et Garat, Mém., 301). — Robert, Edme-Pierre-François, né en 1750 à Paris, devint accusateur public de l'armée de Perpignan.

[142] Dupré avait remplacé Collin, président de la section de la Butte des Moulins rappelé le 4 février.

[143] Cf. sur Lanelle, Rec. Aulard, III, 89.

[144] Bosque mourut à Dinant dans l'exercice de ses fonctions, et le Conseil exécutif fit remettre à sa veuve un mois de son traitement (Rec. Aulard, II, 360).

[145] Adrien-Pierre-Barthélémy Cochelet, ancien membre du tribunal de Charleville et député à la Constituante ; — Pierre Chépy, né à Paris en 1770, membre du club des Jacobins, commissaire de la section du Louvre en juillet 1792, président du tribunal de la Force aux massacres de septembre, secrétaire de légation à Liège, puis à Lisbonne, agent politique près de l'armée des Alpes (août et sept. 1793), incarcéré jusqu'au 9 thermidor, vice-consul à Rhodes sous le Directoire, commissaire des relations commerciales à Jersey et à Guernesey, commissaire général de police à Brest de 1803 à 1814 (De Martel, Les historiens fantaisistes, II, 259).

[146] Le Hodey de Saultchevreuil (qui remplaça le 21 janvier Tisseron fils) avait rédigé le Logographe ; Dufour était un ancien commissaire de la Commune, arrêté à Lisieux, avec Momoro, pour avoir prêché les doctrines de la loi agraire.

[147] Rolland, ancien député de la Moselle à la Législative, commissaire du pouvoir exécutif dans les départements du Nord, avait, au mois de novembre 1792, activé le départ des volontaires réunis à Saint-Quentin, à Compiègne et à Guise ; Isnardi, Pierre-François, était strasbourgeois, jacobin et adjoint au maire de Strasbourg depuis le 10 août 1792.

[148] Antoine Liébaut, homme de loi et candidat au ministère de la justice (20 mars 1793) ; Guillaume Bonnemant, avocat et député d'Arles aux Etats-Généraux.

[149] Desforges-Beaumé (qui remplaça Loubert) fut employé à initie, comme agent secret, du 5 avril au 2 août 1793 ; Mme de Genlis, qui le vit à Tournai, assure qu'il avait été prêtre ; j'eus, dit-elle, l'humiliation de lui plaire à tel point qu'il me baisait les mains à toutes les minutes. Dieudonné Thiébault était ce Thiébault, membre de l'Académie des sciences de Berlin, qui composa des Souvenirs de vingt ans sur Frédéric II. Il avait pour commissaire-adjoint son fils Paul Thiebault le futur général, alors capitaine au 1er régiment de Tournai, et qui devint, après Neerwinden, aide-de-camp de Valence et capitaine aux hussards de Chamborant. (Matériaux pour la biographie dit lieutenant-général Thiébault, 1846, p. 3-11.)

[150] Rec. Aulard, I, 416-437 et Moniteur, 16 janvier 1793.

[151] Dumouriez à Beurnonville, 4 mars 1793 (A. G.), et Mém., III, 278, et IV, 58.

[152] Précis de la conduite de Mme de Genlis depuis la Révolution, Hambourg, 1796, p. 66.

[153] Le Brun à Dumouriez, 15 mars 1793 (A. E.).

[154] Borgnet, II, 233.

[155] Proclamation de Harou-Romain et Mandrillon.

[156] Dumouriez, Mém., IV, 58-59, et Le Brun à Dumouriez, 20 février 1793 (A. E.) nous vous avons vengé de Collin.

[157] Liébaut à Dumouriez et à Le Brun (A. E.) ; Dumouriez répondit que la lettre semblait venir de Charenton.

[158] Cochelet au ministre, 2 février 1793 (A. G.) ; Miranda à Dumouriez, 12 févr. (A. N. F7 4598) ; Le Brun à Dumouriez, 20 févr. (A. E) ; 2e rapport des commissaires, 215-220.

[159] Milon à Beurnonville, 10 mars 1793 (A. G.) ; Moniteur, 13 et 28 mars ; Camus, discours du 22 mars (Moniteur du 24) ; Le Batave, 23 avril ; Révolutions de Paris, n° 194, p. 20 : ils n'étaient pas tous des hommes prudents et propres à nous concilier les esprits.

[160] Chaussard, 7-6 ; Adresse du 22 mars ; Moniteur du 16 et 18 mars.

[161] Adresse du 22 mars 1703, et Levae, 220.

[162] Beaulieu, IV, 201.

[163] Chaussard, 349.

[164] Rec. Aulard, II, 443.

[165] Louvet, Mém., éd. Aulard, I, 69.

[166] Le Batave, 29 mars et 2 avril 1793.

[167] Dumouriez, Mém., III, 297 ; Belliard, Mém., I, 100 ; Camus, discours du 22 mars (Moniteur du 24).

[168] Borgnet, II, 172, 181, 183 ; 2e rapport des commissaires, 171 ; Relation de ce qui s'est passé à Louvain, p. 8 et 15 ; adresse bruxelloise du 22 mars 1793 (A. E.).

[169] Les représentants provisoires de Bruxelles à la Convention, 28 févr. 1793 (A. E.).

[170] Chaussard (70-72) voulait pour frapper les factions et les atterrer par l'épouvante, casser l'administration de Bruxelles et la remplacer par une commission provisoire ; mais cet acte offrait des difficultés graves.

[171] Borgnet, II, 174-179 et 197.

[172] Mémoire de Desforges-Beaumé et des deux Thibault (A. N. D. II, 4-5) ; Borgnet, II, 179-182.

[173] Chaussard, 143 et 147.

[174] Borgnet, II, 172-174.

[175] Relation de ce qui n'est passé à Louvain, 19.

[176] Relation de ce qui s'est passé à Gembloux depuis le 5 février 1795, p. 3-8.

[177] Moniteur, 6 janv. et 1er février 1793.

[178] Proli à Le Brun, 5 janv. 1793 (A. E.).

[179] Levae, 198 ; cf. De Pradt, 62.

[180] Moniteur, 9 mars 1793. (Moyen simple de consolider les incorporations.)

[181] Chaussard, 78-95.

[182] Un agent à Ysabeau, 25 janv. 1793 (A. E.).

[183] Chaussard, 86.

[184] Gouget-Deslandres et Robert au Conseil exécutif, 18 févr. 1793 (A. G.).

[185] Rec. Aulard, II, 152, 159-160 ; 2e rapport, 240-251 ; les commissaires au Comité de défense générale et à Beurnonville, 17 et 18 février 1793 (A. G.).

[186] Procès-verbal de rassemblée du 11 février 1793 ; Courrier des départements, 22 févr. (lettre de Mons) ; Raoux, Mémoire sur le projet de réunion de la Belgique à la France, 15 sept. 1795, p. 9-10 ; Borgnet, II, 220-223 ; Monnier, le Hainaut, 12 déc. 1886 (citation des Mémoires de Descamps). Raoux a été témoin de la scène ; mais les adversaires des jacobins éprouvèrent plus de peur que de mal ; Raoux, disent les députés de Jemappes dans la Réponse au mémoire de Raoux (p. 7), tu es un calomniateur si tu ne publies pas les noms et le nombre des morts et des blessés.

[187] L'avocat Meyer, écrivait le commandant Ferrand (16 janvier A. G.) président du club et des administrateurs provisoires de cette ville, le fléau des aristocrates, est mon digne coopérateur.

[188] Procès-verbal de l'élection, 22 févr. (A. N. C 250) ; Borgnet, II, 223-224 ; Rec. Aulard, II, 182-185.

[189] Gonchon avait été nommé, avec Fourcade et Desjardins, missionnaire d'instruction publique ; cf. sur lui Garat, Mém., 249.

[190] Verlooy, président ; Lorenzo, D'Aubremez, Claeyssens, Baret, secrétaires. Verlooy venait de publier contre l'ancien régime une excellente brochure en flamand : La foi, la liberté, la propriété sont-elles en danger ? (Levae, 308-314.)

[191] Ternaux, Terreur, VI, 467-470 (procès-verbal) ; Moniteur, 9 mars 1793 ; Moreu, Réflexions sommaires au Comité de salut public sur le rapport de Merlin de Douai, p. 41-42 ; Adresse du 22 mars (A. E.), et Metman à Le Brun, 20 févr. La réunion a été votée par une assemblée assez nombreuse, composée des habitants de la ville et de militaires français et belges ; Rec. Aulard, II, 207.

[192] Borgnet, II, 230-233.

[193] Chaussard, 437.

[194] Raoux, Mém. sur le projet de réunion, 11 : Rec. Aulard, II, 179.

[195] Le Brun à Beurnonville, 8 mars 1793 (A. G.).

[196] Séance du 18 mars 1793. Cf. la Pétition de Jean-Henri de Villette au Corps législatif, 26 brumaire an V, p. 3-4. On convoqua des espèces d'assemblées primaires ; il ne s'y est trouvé que cette classe d'individus qui, dans tous les temps, se vend aux factions, soutenue par un grand nombre de militaires, le sabre à la main. Quelques citoyens s'avisèrent de s'expliquer trop franchement on les assaillit à coups de poing, de sabre, même de fusil, et plusieurs furent grièvement blessés ; il suffit, pour se convaincre de la vérité de ces faits, de s'en rapporter à tous les écrits du temps. Il ne resta donc dans les églises que les sans-culottes. Il n'y eut qu'eux qui votèrent la réunion, non par acclamation, mais dans tout le désordre du tumulte et de la rumeur. Encore ce procédé ne fut pratiqué que dans très peu de communes, tout le reste de la Belgique n'avait pris aucune part à cette prétendue réunion. La réunion n'a pas eu une voix sur mille.

[197] Chaussard, 98.

[198] Jean-Pierre Amandry, adjoint de Gadolle, avait, comme l'atteste Walckiers (25 oct. 1792, A. E), servi sous Vander Mersch et s'était bien comporté comme lieutenant d'infanterie.

[199] Flers à Beurnonville, 14 févr. 1793 (A. G.) ; Rec. Aulard, II, 151 ; Ternaux, Terreur, VI, 470-472 ; Amandry écrit lui-même à la Convention que la ville fourmille de royalistes (4 mars, A. N. C. 250).

[200] Chaussard, 114-115 et 439 ; Borgnet, II, 217-219 ; les commissaires à Dubois-Crancé, 25 févr. (A. N. A. F. II, 147, et Rec. Aulard, II, 236). Voilà pourquoi la Convention ne prononça la réunion de tout le pays de Liège que plus tard, le 8 mai 1793.

[201] Procès-verbal de l'assemblée.

[202] Borgnet, II, 228-229 ; Levae, 329-330 ; Moniteur, 4 mars 1793.

[203] Raoux, Mém., 6.

[204] Sauveur Chénier à la Convention, 7.

[205] Manifeste du 19 février (A. E.) ; Moniteur, 1er, 2, 21 févr. 1793.

[206] Commentaire impartial à la lettre pastorale de Marassé, Levae, 166.