DEUXIÈME PARTIE — L’ARMÉE
J’éviterai de revenir, les ayant exposés dans l’Introduction, sur les motifs qui font disparaître de ce chapitre certains développements qu’on attendrait peut-être[1] et réduisent les autres à une singulière brièveté. Je m’en tiens, on le sait, aux données qui s’appliquent aux régions orientales, sans aucune contestation. § I. — Les approvisionnements. Le sujet présente un intérêt capital : en temps de guerre, il fallait prévoir des réserves suffisantes par elles-mêmes, car le pays à envahir était en grande partie désertique ; s’il ne l’était pas, l’ennemi tâchait de le rendre tel temporairement : du moins, bien souvent, les récoltes déjà mûres furent dévastées, et lorsqu’une place assiégée devait renoncer à la lutte, on en brûlait les greniers et magasins avant de capituler. En temps de paix, les difficultés étaient moindres, grâce à la prospérité économique de la Syrie ; pourtant, au cours des années, lorsque les Romains pénétrèrent davantage dans l’intérieur, multiplièrent les postes avancés, perdus dans les pierres et les sables, un service régulier de ravitaillement devint tout ensemble plus onéreux et plus nécessaire. La création des limitanei changea le problème sans le supprimer. Nous allons nous placer successivement dans ces deux hypothèses : état de paix, état de guerre. Ai-je besoin d’ajouter que cet exposé présentera surtout des lacunes ? Nous courons aussi le risque de commettre de fréquentes confusions : nous nous préoccupons ici des questions de droit, du régime normal ; les auteurs, eux, envisagent principalement les questions de fait et ne distinguent guère de façon explicite entre les réserves des villes[2] et les services de l’intendance militaire, entre les fournitures réglementaires de celle-ci, acquittées avec plus ou moins d’exactitude, et les aubaines occasionnelles ; entre la solde en numéraire payée aux soldats et les divers avantages qui leur sont assurés en nature ; le terme même d’annone prête à beaucoup d’illusions. — Enfin, sous le titre que j’ai adopté. nous examinerons à la fois ce qui a trait aux vivres et fourrages, au matériel de combat, ainsi qu’aux moyens de transport. Les documents à utiliser se rapportent parfois indistinctement à tout ceci. A. EN TEMPS DE PAIX. — Donc les gens de guerre recevaient une solde et des fournitures. La première est à peu près connue pour les différentes périodes, les divers genres de troupes et les principaux grades ; je me borne sur ce point à renvoyer aux ouvrages généraux[3]. Quant aux fournitures (annona), elles demeurent beaucoup plus mystérieuses ; elles devaient varier suivant les régions, selon que le militaire était cantonné avec un corps nombreux ou faisait partie d’un détachement relégué dans quelque fort isolé[4]. Nous sommes informés du moins qu’il y avait dans chaque légion une dizaine de frumentarii chargés de ce service d’approvisionnements. Deux inscriptions rappellent des frumentarii des armées de Syrie et d’Arabie[5]. Il semble bien qu’ils n’aient eu à pourvoir qu’aux besoins des soldats, et non à ceux des officiers. S’il en fallait croire un pseudo-document de l’Histoire Auguste[6], une lettre de Valérien à un Zosimion inconnu, procurateur de Syrie, c’est ce dernier qui aurait eu dans ses attributions de remettre soldes et fournitures à Claude (plus tard Claude II le Gothique), alors tribun d’une légion V Martia Fortissima, des plus suspectes[7]. Dans la longue et curieuse nomenclature qu’on y trouve, il y a sûrement des détails exacts ; Pollion a pu se procurer des listes de subsistances militaires ; mais les tableaux administratifs utilisés par lui sont sans doute, pour la plupart, du IVe siècle, les autres de diverses époques, et il aura enjolivé le tout[8]. Ces fournitures, faites sur notre trésor privé, comprennent toutes sortes d’articles. Comme vivres : blé, orge, lard, vin, huile de deux qualités ; pour l’écurie, chaque année : 6 mulets, 3 chevaux, 9 mules, 10 chameaux, et du fourrage pour ces animaux. Il y est joint : des peaux à faire des tentes ; des effets : tuniques, manteaux, avec leurs accessoires décoratifs : fibules, ceinturon, anneau, bracelet ; des armes : casque, boucliers, lances, javelots, etc. ; des serviteurs : cuisinier, muletier, secrétaire, architecte, veneurs, charron, valet de bains, confiseur, etc., etc.[9] Beaucoup de ces articles sont à restituer au terme du commandement (quem refundat). Le tribun — ou le procurateur pour le tribun — ne pourra rien demander aux provinciaux, surtout en argent[10]. Cette interdiction de l’adaeratio est fréquente au IVe siècle[11] ; mais elle n’a pas duré[12], surtout en Orient : au commencement du Ve, Honorius et Théodose II ne se préoccupent plus que de donner à cet équivalent pécuniaire un caractère de fixité[13]. Les provinces et les localités se sont sûrement résignées à fournir aux troupes des subsides et subventions, même très élevés, ne fût-ce que pour échapper à l’obligation de Les loger et de subir leur tyrannie à domicile. IL est probable que les empereurs, toujours prêts à légiférer, s’efforcèrent au moins d’empêcher que ce rachat ne devînt trop lourd[14]. La même constitution de 409 nous montre l’extension du paiement de la solde aux enfants, aux familiae des gens de guerre[15], conséquence naturelle du principe qui assujettissait personnellement au service le filius veterani comme le colon, et faisait de lui un déserteur lorsqu’il négligeait de se présenter aux agents de recrutement. Le limitaneus, et même la plupart des soldats de province, avaient peu à peu beaucoup perdu de leur caractère militaire ; on les employait à toutes sortes de besognes, et il est vraisemblable qu’eux-mêmes cherchaient à louer leurs bras à des civils, pour accroître leurs ressources[16]. L’annone[17] n’était pas payée seulement aux troupes romaines, c’est-à-dire faisant partie officiellement de l’armée impériale ; les princes fédérés, gouvernant des états-frontières, avaient droit aux mêmes fournitures,’conçues en principe comme prestations en nature, mais naturellement converties en argent[18]. Les traités d’alliance prévoyaient ces annonae fœderaticae, en spécifiaient le montant et le mode de paiement[19]. En ce qui concerne les soldats d’empire, on ne saurait fixer les échéances de ces versements. Χειμώνος γάρ ήδη που ένεδήμει καιρός καί ή έγκύκλιος τών χρημάτων έπίδοσις τώ 'Ρωμαϊκώ έχεΐτο συντάγματι[20]. Ce texte est peu explicite, d’autant plus que χρήματα a un sens extrêmement vague et s’appliquerait aussi bien aux deniers ou aux vivres[21]. La rébellion qui éclata sous Maurice eut pour motif le projet de réduire les σιτήσεις. L’approvisionnement des troupes subissait forcément le contrecoup de l’état du marché local ; lors de la terrible famine qui dévasta l’Orient en 324, les soldats ne furent pas les derniers, je pense, à se ruer sur les greniers et dépôts de la ville d’Antioche[22]. Quand les militaires étaient réunis par petits groupes dans des fortins dispersés, il est bien possible que l’annone ne fût pas individuelle ; en tout cas, le soin incombait en outre au gouvernement d’accumuler des réserves pour les cas de guerre et de siège éventuel. Arrien, commandant en Cappadoce et chargé d’une inspection en Colchide, rend compte à Hadrien de ce qu’il a fait : A Apsarus, j’ai remis leur solde aux hommes, passé en revue les armes, les remparts, les fossés, les malades et les approvisionnements de vivres[23]. A Sébastopolis (Dioscurias) le même jour nous avons pu payer aux troupes leur solde, et voir les chevaux, les cavaliers..., l’hôpital, les approvisionnements, puis faire le tour des murs et des fossés[24]. Ces règlements de comptes avaient inévitablement de l’irrégularité[25]. A l’égard de la fabrication des engins de guerre, pour toute la période de la République et du Haut-Empire, nous sommes réduits aux hypothèses. Aussi bien ce matériel n’avait-il pas besoin d’être souvent renouvelé : en principe, à moins d’une défaite, rien ne se perdait à la bataille, que le javelot ; on usait de l’arc beaucoup moins que plus tard ; d’importantes réserves de flèches n’étaient pas alors indispensables. De plus, les guerres n’éclataient généralement pas de façon inopinée, comme du temps des Sassanides ; l’empereur qui projetait une expédition au-delà de l’Euphrate pouvait y pourvoir à Rome même, au moins en Italie. Mais il y avait des cas exceptionnels, par exemple celui d’un gouverneur aspirant au principat et obligé de se pourvoir de tout dans sa province : c’est ce qui arriva pour Vespasien en Syrie[26]. Quand aux Arsacides eut succédé une autre dynastie, les choses changèrent de face : ce nouvel ennemi avait des ambitions réelles et le désir de les faire valoir ; en outre, les guerres devenant plus fréquentes, en même temps que plus soudaines, les pertes de matériel se multiplièrent : il fallut combler les vides des magasins. L’armure des gens de guerre se fit plus compliquée : le fer prédomina sur le cuir, et la cuirasse fut attribuée à un plus grand nombre de combattants ; par suite, l’intendance des vêtements se transforma, s’amplifia. Enfin jadis on avait besoin de machines pour l’attaque des places[27], bien rarement pour la défense ; l’artillerie n’avait guère, son rôle dans les raids de cavalerie des Parthes. Les Perses font des sièges autant qu’ils en soutiennent : il faut dans les villes et castella des batteries de précaution[28]. Il semble bien que, le premier, Dioclétien ait compris l’urgence de pourvoir à ces services nouveaux et assez près du théâtre des opérations. Le rapport de Malalas (XII, p. 307) reçoit une confirmation à peu près complète de la Notitia dignitatum (Or., XI) :
Dans ce document, il n’est pas question de l’artillerie — à moins qu’elle ne soit comprise sous le terme général d’arma, mais cela est peu probable. En raison de leur volume, qui ne permettait souvent de les transporter que démontées, il convenait de fabriquer les pièces là où on en éprouvait la nécessité[30] ; c’étaient alors les artifices eux-mêmes qui se déplaçaient. Somme toute, les divers services dont je viens de m’occuper, pour autant que de rares documents en laissent juger, subissaient à un haut degré les hasards de l’improvisation ; cette impression va s’affirmer plus encore, maintenant que nous passons aux préparatifs de campagnes. B. EN TEMPS DE GUERRE. — Dès les premiers jours, les Romains éprouvèrent l’extrême difficulté du ravitaillement dans les régions nouvelles où ils étaient venus tenter la fortune. L’Arménie leur était une terre inexplorée ; les campagnes du début avaient en outre été occasionnées par les circonstances, et non préparées de longue main. L’habileté militaire des chefs suffit d’abord à tout ; des exploits comme la prise de Tigranocerte, le pillage du palais de Zarbiénos, mirent aux mains du général et de ses troupes d’énormes quantités d’or et d’argent, avec 300.000 médimnes de blé : on admira Lucullus d’avoir su, sans puiser une drachme dans le trésor public, fournir aux frais de la guerre par la guerre même[31]. Pompée fut tiré d’embarras par la rapidité de ses coups. Mais avec Antoine commencent les souffrances et les désastres. Sa qualité essentielle n’était pas la prévoyance, et le temps ne comptait guère pour lui ; il semble avoir eu l’illusion qu’il pourrait vivre sur le pays. Il en fallut bientôt rabattre : tout alla bien tant qu’on fut en Arménie[32] ; mais dès l’arrivée en Médie la disette devint une menace grandissante. Impossible d’aller au fourrage sans abandonner des morts et se retirer avec de nombreux blessés[33] ; car l’approche de l’hiver déterminait les chefs parthes à une guérilla active, inlassable. On ne pouvait non plus se procurer du blé sans combat ; on manquait de moulins pour le moudre ; on avait été forcé de laisser ceux qu’on avait sur le chemin, la plupart des bêtes de somme ayant péri, et celles qui subsistaient devant transporter les malades et les blessés. Le boisseau attique de froment se vendait, dit-on, dans le camp, jusqu’à 30 drachmes, et les pains d’orge[34] au poids de l’argent. Les Romains durent recourir aux légumes et aux racines, se résigner à en goûter qui leur étaient inconnus (et parfois vénéneux). Le vin seul eût remédié aux maux que ces aventures occasionnaient, et il n’y en avait pas[35]. L’eau même manquait. L’Arménie n’est point aussi arrosée que le ferait supposer sa grande altitude moyenne ; par suite, les plateaux circonvoisins sont encore plus secs. Pompée, marchant contre l’Albanie révoltée, avait, par précaution, fait remplir d’eau 10.000 outres[36]. Antoine, en quittant Phraaspa, et bien qu’il évitât les plaines, dut faire endurer une soif terrible à son armée ; on puisait au moindre ruisseau, même roulant une eau malsaine, qu’on transportait, faute de vases, dans des outres ou dans son casque ; et il fallait, dans cette détresse, combattre la cavalerie parthe à chaque pas[37]. Dois-je ajouter que les contrées mésopotamiennes opposaient des obstacles encore plus sérieux[38] ? Même près des rives de l’Euphrate, Corbulon dut recourir à de durs travaux et à des subterfuges pour assurer l’approvisionnement en eau[39]. Ses campagnes furent conduites avec plus de prudence ; il se rendait compte qu’elles seraient longues et que tout imprévu aurait des conséquences funestes. En Arménie même il ne trouvait pas de froment ; sur les hauts plateaux, notamment vers les bords du lac de Van, il ne rencontrait que des troupeaux de moutons, nourriture désagréable aux troupes romaines et qui convenait bien mal dans les chaleurs de l’été[40]. Aussi avec l’armée marchaient de longues files de chameaux chargés de blé[41]. Par bonheur, il détenait un certain nombre de forteresses, où il pouvait abriter ses légions et toute son infanterie, tandis que les Parthes, hors d’état de faire des sièges, erraient misérablement autour des villes, voyant des nuées de sauterelles détruire les fourrages sur lesquels ils avaient compté pour leur cavalerie. Durant le dernier siècle avant notre ère, la Syrie avait été mise effroyablement à contribution[42], mais ce n’était guère pour les entreprises extérieures : la guerre civile surtout en profitait[43]. Cette province dut encore faire les frais de la guerre juive de Titus ; du moins, durant celle-ci, l’intendance romaine eut-elle la tâche aisée : retranchés dans leurs citadelles, les Israélites subirent la disette[44], mais les assiégeants étaient libres de se ravitailler, et il n’y a pas dans Josèphe une seule ligne qui trahisse des embarras de cette nature[45]. Par la Syrie encore s’était principalement opéré le ravitaillement de Paetus et de Corbulon[46] ; pourtant, alors déjà, une nouveauté se fait jour : des troupes avaient été laissées en Cappadoce durant un hiver ; Paetus y était venu avec des contingents du Pont et de la Galatie ; d’autres régions avaient aussi contribué aux préparatifs de campagne. Divers faits, mal connus, indiquent cette intention d’assurer aux convois de vivres un autre itinéraire éventuel, par le nord. Dans le pays des Ibères une forteresse fut construite en 75 par les Romains[47], l’Arménie même peut-être occupée militairement pendant un certain temps[48]. Avant de partir pour sa grande expédition d’outre-Euphrate, Trajan eut soin de nouer une alliance et d’échanger des présents avec Anchialos, roi des Hénioques[49] ; aux Albains il donna un nouveau souverain, se procura des relations amicales avec les chefs des Ibères, des Colques et des Sarmates[50] ; bref, il voulait la soumission ou l’amitié des peuplades avoisinant l’Arménie et le Caucase, pour être libre de se servir de la ligne de Trébizonde, qui permettrait de transporter des approvisionnements réguliers à travers le continent. Ces convois utilisaient sur terre tontes sortes de bêtes de somme[51], mais en particulier, semble-t-il, des chameaux : on en réquisitionnait même en dehors des provinces intéressées ; ainsi en Égypte, comme en témoigne un papyrus du Fayoum[52], à une femme il est demandé deux chameaux, dont l’un είς τάς έν Συρία κυριακάς ύπηρεσίας τών γενναιοτάτων στρατευμάτων τοΰ κυρίου ήμών αύτοκράτορος Σεουήρου Άντωνίνου (Caracalla). Puis leur chargement passait sur des barques, qui sillonnaient l’Euphrate en grand nombre, accompagnant l’armée d’invasion[53]. Julien, comme je l’ai dit, en avait un millier, pauvres embarcations du reste, puisqu’il suffit de quelques tourbillons de vent el d’un grossissement du fleuve pour entraîner la perle de plusieurs d’entre elles et de leur cargaison de grains[54]. L’annona militaris fonctionnait chaque année, mais en cas de guerre elle devenait plus lourde, ou une annone supplémentaire se superposait à elle : c’est ce qu’attesteraient les titres de Timesitheus, procurator provinciae Syriae Palestinæ, ibi exactor reliquor(um) annon(ae) sacrae expeditionis[55]. Il se montra très rigoureux dans la perception des subsides de guerre. Il eut pour gendre le jeune Gordien III et devint préfet du prétoire ; Jules Capitolin met dans la bouche de Gordien un panégyrique de fantaisie de son beau-père[56] : il loue les soins pris par lui pour l’approvisionnement des villes de la frontière, sa sollicitude à l’égard des soldats. Il y a dans ce développement des anachronismes, mais peut-être Capitolin a-t-il pris dans Dexippe, plus digne de foi, l’attribution au préfet du prétoire de l’intendance générale. Zosime rapporte d’autre part qu’après la mort de Timesicles[57] Philippe l’Arabe lui succéda et trahit son maître. Il voyait que des vivres étaient expédiés en abondance à l’armée, qui se trouvait avec Gordien entre Carrhae et Nisibis ; il les détourna de leur destination : les troupes, conduites dans un pays sans ressources, reprochèrent à Gordien de vouloir les faire périr, le tuèrent et proclamèrent Philippe[58]. Rien ne prouve absolument que Philippe disposât de la direction des convois en vertu de sa qualité de préfet du prétoire : peut-être commettait-il simplement un coup de force, parce qu’il en avait les moyens de fait. Du moins nous est-il dit qu’Auxonius, préfet du prétoire d’Orient sous Valens en 367-9, se montra équitable, bien qu’une guerre fût imminente[59]. Cette question des approvisionnements prenait une importance toute particulière quand les opérations se poursuivaient à quelque distance d’un fleuve. Le siège d’Hatra, sous Septime Sévère, dut être levé, non seulement à cause de la belle résistance des habitants, mais parce que les fourrageurs, succombant aux coups de la cavalerie ennemie, poussèrent à la révolte des troupes déjà découragées par les chaleurs estivales[60]. Ce qui compliqua énormément l’investissement et la prise de Palmyre, ce fut la nécessité de conserver des lignes de communication avec la Syrie : tout venait de là, même l’eau, amenée d’Émèse, et l’on devait, pour soustraire les convois aux attaques des nomades, jalonner la route d’une série de postes militaires. Peut-être faut-il attacher, pour le fond, quelque créance aux documents apocryphes de l’Histoire Auguste, qui relatent des négociations avec la ville assiégée ; il est encore plus vraisemblable qu’Aurélien se décida à acheter la défection des nomades, alliés de Zénobie, de façon à éviter le souci des approvisionnements[61]. Julien était parti prudemment muni de tout le nécessaire : Mes bateaux de rivière, écrivait-il[62], sont pleins de blé et plus encore de biscuits secs et de vinaigre. Une masse de chariots accompagnait en outre son armée[63], et il arriva qu’on pût, chemin faisant, améliorer son ordinaire en décochant des flèches sur les troupeaux de cerfs qui gambadaient dans la plaine[64]. Enfin le pillage du camp perse, après la défaite des ennemis, mit au pouvoir des Romains une telle abondance de provisions qu’il y eut à craindre une prodigalité abusive et nuisible au bon ordre[65]. Julien se croyait à l’abri de tout besoin ; aussi, sur sa roule, détruisait-il palmiers, vignobles, magasins, pour faire expier aux Perses ce dont ils s’étaient rendus coupables à Nisibis, Bezabde, Singara. Mais celte richesse ne dura pas ; la misère commença avec la retraite : les Perses eux-mêmes brûlaient les récoltes avant le passage des Romains[66], ou lâchaient les écluses du Tigre pour inonder la plaine[67]. Au siège de Maiozamalcha, pendant que l’infanterie attaquait, la cavalerie devait battre la campagne pour découvrir des vivres[68]. La disette véritable se fit sentir encore après la paix signée ; pas d’herbe même ; une fois, deux officiers emportèrent du château perse d’Ur des vivres pour quelques jours[69] ; mais ensuite quand on trouvait par hasard, très rarement, un boisseau de farine, il se vendait au moins dix aurei. Non seulement l’armée devait être munie, mais on avait soin d’accumuler des réserves derrière soi, dans les places principales, pour leur permettre de résister longtemps à un siège, ou de fournir, en cas d’urgence, des ressources nouvelles, plus vite réunies et transportées : Constance avait ainsi approvisionné Édesse, tandis qu’il observait les mouvements de Sapor[70]. A Dara, devenue forteresse frontière, Anastase avait construit des greniers et pratiqué des citernes[71]. Nous aurions dans la chronique de Josué le Stylite des renseignements précieux sur les obligations des villes et de leurs habitants envers le service de défense, si l’auteur s’exprimait avec plus de clarté[72]. Il parle de l’impôt qui pesait sur chaque maison d’Édesse : dix livres de fer, pour l’exécution d’un travail qui en exigeait une grande quantité[73]. Mais ses récits sur la disette d’Amida, pendant la courte période où les Perses en furent maîtres, ne sont pas d’un témoin oculaire et relèvent plutôt de la légende[74]. Au sujet des transports, Procope, non plus l’historien, mais le pamphlétaire de Justinien, a encore multiplié les doléances[75] : depuis longtemps le trésor public nourrissait de nombreux troupeaux de chameaux, qui portaient les bagages des troupes en campagne. Les paysans n’étaient nullement astreints à la corvée d’y pourvoir, et rien de nécessaire ne manquait aux soldats. Mais Justinien a supprimé presque entièrement ces troupeaux, et les troupes sont au dépourvu. De l’annone militaire, un tableau très poussé au noir nous est présenté : Les propriétaires doivent nourrir l’armée en proportion de leurs biens ; s’ils ne trouvent pas sur place ce qui est exigé, il le leur faut acheter à des prix exagérés et le transporter très loin, suivant le hasard du campement, pour le donner à mesurer aux chefs de l’intendance, qui y appliquent, non la loi universelle, mais leur bon plaisir. Voilà ce qu’on appelle l’annone ! une ruine pour des malheureux, qui paient dix fois ce qu’ils doivent et ne fournissent pas seulement l’armée, mais même Byzance[76] ! Quelque part que l’on fasse à l’exagération, il ne fait pas doute que l’administration militaire du VIe siècle était déplorable[77]. Le Strategicon de Maurice n’a pas négligé le train des équipages[78]. Les tagmatarques ont charge d’y subvenir durant l’hiver[79]. Il ne faut pas s’embarrasser de convois trop considérables[80] ; cependant, ne compter que médiocrement sur les ressources qu’on se procurera en chemin[81]. Le bagage doit rester dans le camp ; les enfants et parents des soldats, qui le surveillent, être mis en sûreté, pour que les combattants n’aient pas, dans la bataille, l’esprit distrait par ce souci[82]. Les vedettes envoyées en exploration ont à se pourvoir largement de vivres à leur usage personnel[83], et l’auteur se préoccupe même de ce qu’il faut que chaque combattant en emporte sur lui à toute éventualité[84]. On reconnaît là la minutie qui est une des caractéristiques de ce livre ; une recommandation, du moins, était un peu inutile sans doute aux contemporains de Maurice : celle d’éviter l’encombrement. Tout indique que le défaut de l’intendance byzantine n’était pas la recherche du superflu. § II. — Le service sanitaire. Nos sources syriennes ne permettent guère de contrôler ou de compléter les notions générales que nous avons sur le sujet[85] ; cette lacune est encore due principalement à la rareté des inscriptions. Médecins et ambulances étaient certes nécessaires dans des campagnes aussi pénibles que celles d’Orient ; les auteurs parlent bien des fois des pertes subies, des souffrances de l’armée, rarement des soins donnés aux malades ou aux blessés[86]. Pourtant, au cours de la bataille de Carrhae, malgré le désastre essuyé, nous est-il dit, on parvint à emmener les blessés qui ne pouvaient fuir[87]. Arrien, en tournée dans la Colchide, inspecte, en même temps que les armes, les approvisionnements et l’état des forteresses[88]. Dans le Strategicon de Maurice, de brèves dispositions sont prévues[89] : l’idée essentielle est qu’il faut désigner d’avance les ambulanciers (deputati), pour ne pas distraire les hommes du combat. Il est probable que, dans les sièges, les soins à donner aux blessés appartenaient aux prêtres et religieux de la cité. Les sentiments d’humanité étaient en ce temps-là quelque chose de très superficiel : lorsqu’un auteur fait allusion aux pertes d’une armée, il songe à l’affaiblissement de celle-ci, aux chances réduites de succès pour la prochaine rencontre. Ces guerres ont un caractère de sauvagerie assez marqué : on ne fait guère quartier à moins de rançon[90]. § III. — Les courriers et le service d’information. J’ai déjà traité un côté de la question en parlant des espions qu’entretenaient les deux empires[91]. Ils étaient mis par l’administration militaire en union étroite avec les ambassadeurs, qui rendaient leur tâche plus facile, et à qui eux-mêmes permettaient de correspondre plus rapidement avec le gouvernement qui les avait envoyés[92]. Mais il n’importait pas seulement d’être renseigné sur les mouvements de l’ennemi et les affaires de l’étranger. Chaque légion comptait d’abord une dizaine de speculatores, chargés du transport des dépêches[93]. Pour la poste proprement dite poste officielle et gouvernementale, les Romains n’avaient qu’à s’inspirer de l’exemple des anciennes monarchies orientales[94]. C’est encore Procope qui nous documente sur ce sujet[95] : Les empereurs de jadis, pour être informés de l’état des provinces avaient établi des courriers réguliers. Dans le seul espace d’une journée de marche de piéton, il y avait toujours de cinq à huit hôtelleries, organisées sur leur ordre, et où logeaient respectivement une quarantaine de chevaux et autant de palefreniers. Les courriers pouvaient changer fréquemment de montures et faisaient en une journée de trajet l’équivalent de dix. Les propriétaires des terrains éloignés de la mer tiraient bon profit de ces relais, débouchés permanents pour leurs produits. Ce service facilitait enfin la perception de l’impôt. Il parait que partout Justinien le désorganisa ; il réduisit le nombre des hôtelleries et remplaça les chevaux par des ânes[96]. Il ne fit qu’une exception, bien inattendue vu sa négligence générale à l’égard des affaires d’Orient, en faveur de la route de Perse, où il maintint l’ancien état de choses. Cette anomalie même mettrait légitimement notre méfiance en éveil sur le bien fondé de la critique. On peut enfin se demander si, pour correspondre avec les places investies, les Romains n’ont pas usé, dans leurs provinces orientales, d’un procédé qui entra dans leurs habitudes dès la fin de la République[97]. Il nous est rapporté que dans les derniers temps du règne d’Héraclios, le castellum d’Azas, sur la route d’Alep, ayant été envahi traîtreusement par le renégat Yukinna, un billet confié à une colombe avertit le commandant de la place, qui arrêta Yukinna. Le fait n’aurait rien de surprenant, mais il n’est relaté que par un auteur tardif[98]. § IV. — Les travaux de la paix. On peut les diviser en deux groupes : la préparation à la guerre, autrement dit les exercices militaires, et les travaux publics. A. EXERCICES MILITAIRES. — S’il fallait s’en rapporter aux déclamations, de valeur historique très inégale, que j’ai déjà utilisées eu traitant de la discipline, les troupes stationnées en Syrie auraient constamment vécu dans la mollesse et négligé la pratique des armes ; par intervalles seulement, sous l’empire d’une nécessité pressante, ou la férule d’un chef plus énergique, l’activité serait revenue aux campements. Il est des cas où l’on peut ajouter foi à de telles affirmations[99] ; n’importe, la vie des garnisons, par son côté sérieux, nous échappe entièrement. Quelques appréciations très générales sont sans portée[100]. Eunape, nous l’avons vu, parle des pontonniers toujours en manœuvres sur l’Euphrate ; s’ils étaient réellement si bien dressés, l’avantage était dû aux guerres fréquentes qui obligeaient à traverser le fleuve[101]. Les troupes cantonnées dans un fortin perdu étaient livrées à elles-mêmes, à leur insouciance, à moins qu’une inspection extraordinaire, comme celle d’Arrien en Colchide, ne vînt les réveiller momentanément[102]. Il n’y a rien à conclure en somme, ni des règles toutes théoriques contenues dans l’Epitomé de Végèce ou le Strategicon de Maurice, dont rien ne garantit l’exacte application, ni de ce que quelques auteurs nous disent du contrôle actif de quelques princes, comme Hadrien, pourtant pacifique, ou Tibère II. B. TRAVAUX PUBLICS. — C’est le terme le plus général qu’on puisse employer pour désigner les occupations fort diverses des soldats, dont quelques-unes se dérobent à peu près à toute classification[103]. Pour leurs propres besoins, ils avaient parfois de rudes besognes à fournir[104], et certaines entreprises d’adductions d’eaux pouvaient avoir une destination spécialement militaire[105]. N’en dirait-on pas autant, et sans exagérer, de beaucoup de routes, dont les caravanes se passaient bien, antérieurement, mais qui facilitaient la marche de l’infanterie des légions ou des cohortes, et servaient même de pistes dans un désert uniforme, sans points de repère ? Cette observation aurait toujours sa justesse en ce qui concerne la province d’Arabie. Que la plupart des voies aient été tracées et empierrées par les troupes, c’est ce qu’attestent les inscriptions des bornes milliaires : presque toutes sont en latin[106], langue officielle de l’armée[107], alors que la population civile parlait, soit le grec, soit les dialectes orientaux. Entreprise peu considérable du reste ; il n’y avait souvent qu’à ramasser les pierres des champs voisins, ou ailleurs qu’à en effectuer le transport à dos d’animaux. La voirie d’alors s’accommodait des pentes rapides, des coudes prononcés ; les chariots ne passaient presque jamais ; il ne circulait que des bêtes au pied sûr, marchant sans doute à la file comme aujourd’hui. Peu de tranchées ou de terrassements-, je viens de citer des exemples du contraire ; mais l’emphatique précision de la formule indique des difficultés anormales. Tout cela est vrai en particulier des routes de Phénicie : là il y eut quelquefois des difficultés énormes à surmonter ; mais on se bornait au strict indispensable ; il faut voir ce que Renan dit de ces voies qu’il a observées. Pour faire quelque estime de certaines routes romaines proches de la côte, par exemple celle du fleuve du chien, il convient de les comparer, quand la chose est encore possible, avec celles qui furent pratiquées antérieurement ; c’étaient des casse-cou inconcevables[108]. Une viabilité approximative passait pour très suffisante ; Renan signale[109] des terrains en pente rapide où, pour ouvrir le chemin, on a simplement taillé des échelons. J’ai noté, dans mes voyages personnels, des types de toute nature : généralement le rebord est marqué de chaque côté par des cailloux plus volumineux ; au milieu ce sont des galets ronds, de dimensions variables ; la largeur moyenne atteint 5 mètres environ ; l’arête médiane avec double pente signalée par G. Schumacher[110] ne se reconnaît que dans des cas extrêmement rares. Parfois ce sont des blocs de lave que l’on foule[111], et que l’exercice prolongé a peut-être seul aplanis. Tout dépendait des ressources locales. A l’aménagement des routes se rattachait naturellement la construction des ponts sur les rivières, même guéables ; c’étaient encore travaux de garnison[112]. A plus forte raison l’armée était-elle chargée des ouvrages d’ordre rigoureusement stratégique, comme les turres, castella, muri, munitiones, fossae, termes qui reviennent constamment dans les textes législatifs, et qu’on retrouverait en épigraphie si la qualité des pierres de Syrie s’était prêtée davantage aux commémorations[113]. Dans quelques champs de ruines on remarque parfois aussi des briques, dont l’estampille atteste la main-d’œuvre légionnaire[114]. Les garnisons d’Orient n’étaient pas aussi nombreuses que le ferait supposer la très grande étendue des régions à couvrir ; mais la population civile ne l’était pas davantage aux confins du désert. Non seulement tous les castella durent être élevés par les soldats eux-mêmes, mais des villes sorties brusquement du sol, comme Resapha[115], en un point où il n’y avait auparavant que quelques solitaires, ne pouvaient naître, à la suite d’une décision du prince, de l’effort bénévole des particuliers[116]. Dès le début du Bas-Empire, comme les besoins généraux de l’armée épuisaient le trésor métropolitain, les travaux publics intéressant l’Etat furent laissés à la charge des cités[117]. Tel était le principe. Qu’advint-il dans la pratique ? Les nécessités du moment auront imposé une solution dans chaque cas[118]. Si Dara fut reconstruite sous Anastase, c’est que les chefs de l’armée firent connaître à l’empereur le mal considérable que causait à leurs troupes le manque d’une ville située sur la frontière. Quand les soldats sortaient de Constantia ou d’Amida, ils étaient, à cause des voleurs, assassinés partout où ils s’arrêtaient. Quand ils rencontraient des forces supérieures, et croyaient devoir se replier, ils étaient condamnés à de grandes fatigues, faute d’avoir tout près d’eux une ville de refuge. L’empereur ordonna donc de rebâtir Dara ; à cet effet on rassembla des carriers dans toute la Syrie[119]. Il est très probable que le travail s’accomplit avec le concours des soldats, si intéressés à son achèvement, adiumentis militum, comme disent les textes de lois. Les prestations de matériaux furent parfois réduites ou facilitées par la destruction d’autres édifices. Arcadios et Honorius décidèrent en 397, par rescrit au comte d’Orient Astérios[120], que les décombres provenant de la démolition des temples païens seraient affectés à l’entretien des ponts, chaussées, aqueducs et murailles. En cas d’insuffisance manifeste, les localités, petites ou grandes, pourraient recevoir du trésor des emolumenta. Ainsi le vénérable Serghis, évêque de la citadelle de Birtha, située chez nous, au bord de l’Euphrate, commença à bâtir des remparts à sa ville[121] ; l’empereur lui donna pour cela des sommes considérables. Le même texte[122] poursuit, montrant ï’application, en celte circonstance, de la règle du Bas-Empire : Le maître de la milice ordonna également de construire des murailles autour d’Europos ; les habitants de l’endroit se omirent courageusement à l’œuvre. Les décisions de cette nature appartenaient, semble-t-il, à des agents très divers, même purement financiers. Saint Sabas prie l’empereur κελεΰσαι Σούμμω τώ ένδοξοτάτω, έπό τοΰ δημοσίου λόγου, κάστρον οίκοδομήσαι, κτλ[123]. Le prince lui fit remettre, pour ce travail, 1000 pièces à prendre sur les δημόσια de Palestine et lui fit attribuer une garde de soldats[124] ; mais rien ne dit que ceux-ci étaient désignés également pour le travail de construction, qui du reste n’eut pas lieu. Deux inscriptions de Kinnesrin[125] montrent nettement les principales interventions que provoquait une entreprise de bâtiments. Le chef de travaux est désigné par le dernier mot[126]. Le magister militum ayant présidé à l’ouvrage[127], il n’y aurait rien de surprenante ce que l’armée s’en fut mêlée, en dépit de la subvention impériale, qui couvrit peut-être des frais de transport ou de fournitures diverses. En conclusion, la participation des soldats aux travaux publics apparaît évidente dans des cas où elle ne semblait pas s’imposer ; dans d’autres, où elle était indiquée, on pourrait, à interpréter littéralement les sources, la considérer comme très douteuse : le camp de Palmyre, sous Dioclétien et Maximien, fut construit par les soins (curante) du praeses provinciae[128] ; on se fût attendu plutôt à voir le aux au premier plan. Mais, d’une façon générale, l’abstention des gens de guerre reste dans les hypothèses légitimes, lorsqu’il s’agit de petites constructions isolées, de médiocre importance ; au contraire, c’est eux qu’on voit à l’œuvre, et par bandes nombreuses, dans les travaux de grande étendue et de longue haleine. Je me bornerai à un exemple : le grand canal de déviation de Séleucie de Piérie (Ier et IIe siècles), creusé par des détachements de légions, et le port de la même ville, approfondi au commencement du IVe par une cohorte, dont on connaît la tragique aventure[129]. § V. — Le culte. Il ne s’agit pas ici de rappeler les diverses manifestations religieuses auxquelles les opérations de guerre en Orient ont pu donner naissance. Des cérémonies comme les διαβατήρια, bien que célébrées avant le passage de l’Euphrate[130], n’auraient rien de spécial à la Syrie. On ne s’étonnera pas davantage de voir Julien préparant la guerre persique à Antioche par des sacrifices[131], et, pour savoir si l’issue en serait heureuse, se faisant accompagner d’haruspices étrusques, que d’ailleurs il n’écouta pas[132]. Inutile encore de mentionner les offrandes de Galère avant son départ pour la frontière[133]. Je crois plus intéressant de signaler, en vue de la comparaison que je lâche d’instituer en toutes choses, la consultation des victimes ouvertes par les rois des Perses, des Chionites et des Albains sur le pont d’Anzabe[134]. Ce sont également les auspices défavorables qui décidèrent le roi des rois à retirer ses troupes et à laisser Constance en repos[135]. Avant d’entreprendre la campagne, Sapor, toujours suivant le même historien[136], avait évoqué des ombres et pris l’avis des devins ; et enfin il nous est parlé d’un chef perse qui, au VIe siècle, entra en conversation, lui aussi, avec les devins, lesquels lui promirent la victoire[137]. Ce parallélisme est curieux à observer ; ce n’est pas dans le domaine religieux que l’on eût pensé surtout le rencontrer. Mais je voudrais principalement m’attacher aux cultes militaires, c’est-à-dire à ceux que rendaient les officiers ou soldats des troupes d’Orient. L’épigraphie africaine nous met fréquemment sur les traces des dévotions des gens de guerre ; en ce qui concerne la Syrie, nous sommes réduits, une fois de plus, à une extrême pauvreté. Et d’abord, un acte religieux accompli par tout un groupe de militaires à la fois, voilà un fait qui n’apparaît pour ainsi dire pas dans nos sources. Je rappellerai seulement le passage de Tacite[138] relatif à la coutume des Syriens d’adorer le soleil levant ; rien de moins inattendu dans un pays où s’était si longtemps exercée l’action des cultes phéniciens[139] ; je citerai encore le monument rupestre que j’ai photographié sur les bords de l’Euphrate, représentant le dieu fleuve étendu et accoudé sur son urne, auquel deux vexillationes rendaient grâces, après avoir installé l’appareil qui permettait de puiser, à mi-côte de la falaise, dans ses ondes rafraîchissantes[140]. Il n’y a guère de doute que des collèges militaires, formant comme des sociétés de secours mutuels et des caisses d’épargne, se soient fondés en Orient comme ailleurs, et ils se plaçaient sûrement sous le patronage d’une ou plusieurs divinités. Mais les inscriptions n’en ont rien révélé. Elles laissent voir qu’un grand nombre de cultes avaient cours dans cette Syrie, marché où aboutissaient l’Orient et l’Occident, où devait naître sans peine et se développer le syncrétisme religieux ; seulement le hasard a fait que dans la masse relativement considérable des proscynèmes, il en est très peu où soit consignée la qualité propre des dédicants ; et encore ceux-ci sont-ils rarement des militaires[141]. Il me paraît évident, malgré tout, que les gens de guerre, indigènes ou non, ont dû s’associer à certains cultes extrêmement répandus dans le pays où ils tenaient garnison ; tel était le culte d’Athéna[142], dont les souvenirs fourmillent en Batanée ; celui de Dusarès, particulier à la province d’Arabie[143]. On a signalé plusieurs autels où apparaît en relief un type local d’Esculape, représenté en officier romain ; témoignages sans doute d’un culte dont ce dieu était l’objet dans le Haouran, l’Adjloun et le Djebel Riha, plus au nord ; vu le type adopté pour figurer le dieu, on serait tenté de conclure qu’il était adoré là par des soldats ou des vétérans[144]. Mais il faut me borner sur ces divers points à une indication hypothétique. Venons-en aux dédicaces sans ambiguïté, si peu nombreuses. L’une d’elles est offerte au Soleil[145] ; ce n’est probablement qu’un échantillon entre beaucoup. J’en rapproche tout de suite une inscription d’Héliopolis[146], où l’acte de piété s’accompagne d’une libéralité. Le passage est facile d’Hélios à Zeus, qu’on trouve gratifié d’épithètes variées[147]. Parmi ces inscriptions, il en est où l’expression d’une pensée religieuse s’unit à une manifestation de loyalisme[148] ; un centurion de la leg. XVI FI. F. a élevé, pour le salut des empereurs, τήν Είρήνην et τήν Εΐσιν[149]. Un autre, de la [III Gallica], Julius Germanus, pour le salut et la victoire de Commode, a dédié un Τυχαΐον[150]. Ce dernier sentiment est en somme celui qui prédomine : il serait superflu d’énumérer la foule des monuments où s’affirme la vénération envers les Césars. Chaque fois qu’un pan de mur s’élève ou se restaure quelque part, on tend à encastrer une pierre inscrite au nom du prince régnant, forme d’acclamation[151]. Les témoignages relatifs au culte impérial sont rares en revanche, parce que les sacerdoces qu’il implique ne pourraient guère être rappelés que dans des cursus honorum municipaux ; or ceux-ci font défaut : les gens de Syrie et d’Arabie avaient, si j’ose dire, l’épitaphe modeste, au rebours de ceux d’Asie-Mineure. Voici, par exception, un έπίλεκτ[ος] (soldat d’élite) qui est en outre prêtre desdieux Antonin et Commode[152]. Cette dévotion aux empereurs s’explique en Syrie plus facilement encore que dans d’autres provinces : les troupes du pays, sous le Haut-Empire à tout le moins, savaient gré aux Césars de la vie douce et calme qui leur était faite ; elles-mêmes, au IIIe siècle, eurent plus d’une fois l’orgueil et la joie de proclamer des empereurs ; les règnes de ceux-ci furent courts, et passagère la faveur dont ils jouissaient ; en tout cas il y avait beaucoup d’élan dans ces hommages momentanés[153]. |
[1] La bureaucratie militaire de ces régions, pour citer un exemple, nous est très peu familière. Nous n’avons que quelques mentions épigraphiques d’employés dans les bureaux des gouverneurs et des ducs. Waddington, 2700 : βοηθώ κορνικουλαρίων ύπατικοΰ ; 2225 : un beneficiarius et commentariensis ; 2122 : δουκηνάριε τάξεως δουκός (cf. 2405) ; CIL, XII, 4254 ; ex [t]abul(ario)... Syriae Pala[e]stinae ; Ewin, Palest. Explor. Fund, 1895, p. 36, n° 62 : a quaest(i)onar(i)is leg. III Cyr(enaicae).
[2] Voici cependant une indication assez claire (Malalas, p. 467 Bonn) : έν αύτώ δέ τώ χρόνω (sous Justinien) κατεπέμφθη είς τά άνατολικά Δημοσθένης, έπιφερόμενος καί χοήματα ούκ όλίγα είς τό εύτρεπίσαι κατά πόλιν άπόθετα σίτου ένεκεν τής μετά Περσών συμβολής.
[3] Cf. notamment Marquardt, op. cit., pp. 18, 20, 88, 89, 93, 105, 204, 209, 282, 284, 311, 323.
[4] L’annona militaris n’a été qu’un peu tard l’objet d’une réglementation minutieuse, du reste hésitante : cf. les textes du Code Théodosien, cités par Seeck, s. u. (Pauly-W.). Une inscription de 350 (Waddington, 2037) nomme un άκτουάρις (actuarius) ούεξιλλατιόνος Μοθανών, comptable dressant les rôles qui servaient de base à la délivrance des rations.
[5] L’un, de la leg. III Gallica (CIL, VI, 1636) ; l’autre, de la III Cyrenaica (CIL, III, 2063). Sur les milites frumentarii en général, v. R. Paribeni, Röm. Mitth., XX (1906), p. 310-320.
[6] Un autre (Vopiscus, v. Aurelian., 13, 1) nomme un Maeciua Brundisinus, préfet de l’annone d’Orient sous Valérien, d’authenticité très douteuse, comme figurant dans une notice de fantaisie.
[7] Trébellius Poll., v. Claud., 14, 2-4. — Ce texte est commenté par Lécrivain, Études sur l’Histoire Auguste, p. 55-57 ; L. Homo (De Claudio Gothico, Lutet., Paris, 1905, p. 25) ne s’y est pas arrêté.
[8] Le cas de Claude serait en outre un peu particulier, d’après les dernières lignes : Haec autem omnia idcirco specialiter non quasi tribuno sed quasi duci deluli, quia vir talis est, ut ei plura etiam deferenda sunt.
[9] Une preuve de la pluralité des sources de cette nomenclature est dans le désordre qu’on y remarque : chaque série s’interrompt pour recommencer plus loin, après intercalation d’objets fort différents.
[10] Iam caetera, quae propter minutias suas scribi nequeunt, pro moderatione praestabis, sed ita ut nihil adaeret, et si alicubi aliquid defuerit, non praestetur nec in nummo exigatur.
[11] C. Theod., VII, 4,1.
[12] Cf. Seeck, Adaeratio (Pauly-W.).
[13] C. Theod., VII, 4,31 (a. 409) : Militaribus commodis prospicientes artaeratarum annonarum, quae familiis apud Orientem vel Aegyptum praeberi consuerunt, certa ac distincta locis et numéro pretia statuimus...
[14] Peut-être le rescrit impérial de Bersabée (Clermont-Ganneau, Rev. bibliq., XII (1003), pp. 27 sq., 429 ; N. S., I (1904), p. 85 ; III (1906), p. 412-432) réglait-il précisément les redevances dues aux corps d’occupation. Cette formule énigmatique έπί τοϊς, qu’on lit à la fin de chaque ligne, avant la cassure, précédait-elle les noms des κατάλογοι ? Ce serait très concevable.
[15] Add. source de 359, d’Ascalon (Hermès, XIX (1884), p. 422).
[16] Le Code Théodosien renferme plusieurs mesures destinées à supprimer ces abus. Constance II écrit au duc de Mésopotamie (en 349) : Observetur, ne veteranorum seu militum filii officiis praesidalibus adgregentur (VII, 22, 6) ; Arcadios et Honorius au duc d’Arménie (en 396) : Si quis posthac militum in privato obtequio (re)perlus fuerit, quinque libras auri mullae (no)mine feriatur (VII, 1, 13).
[17] Sur les étapes de l’annone, la façon dont elle parvenait à destination, lorsqu’il fallait la faire arriver d’un peu loin, je ne vois à citer que le passage un peu obscur de Libanios (Epist., 20). Les contribuables de l’annone n’étaient donc pas obligés de la convoyer eux-mêmes jusqu’au bout.
[18] Sous Justinien, les dispensateurs de ces sommes ne sont plus les princes, mais des fonctionnaires impériaux, les όπτίωνες (Benjamin, op. cit., p. 13).
[19] Cf. le fragment de Malalas (Mommsen, Hermès, VI (1872), p. 344).
[20] Theoph. Simoc, II, 10, 5.
[21] Έπίδοσις pourrait encore ne pas désigner, malgré έγκύκλιος, un paiement ordinaire, mais une sorte de donativum, de règle à la fin de chaque campagne heureuse.
[22] Theophan., 29, 13 sq.
[23] Peripl. Euxen., éd. Didot, VI, 2.
[24] Peripl. Euxen., éd. Didot, X, 3.
[25] On voit aussi que l’inspecteur s’occupe de tout. Le gouverneur de la province devait être le surveillant de l’annone ; sous quelle haute autorité ? Chez Capitolin et Pollion, auteurs sans garanties, on trouve cette idée que le soin des approvisionnements appartient au préfet du prétoire (Lécrivain, op. laud., p. 58). Ceci paraît vrai pour le IVe siècle ; v. infra.
[26] Tacite, Hist., II, 82 : Le premier soin fut de faire des levées, de rappeler les vétérans ; on choisit des places fortes pour y fabriquer des armes ; à Antioche, on frappa de la monnaie d’or et d’argent. — A la rigueur, la question des émissions obsidionales serait de notre ressort ; mais nous ne pourrions reconnaître dans quelle mesure elles servaient au paiement des militaires ou répondaient à d’autres besoins ; on frappait fréquemment des pièces commémoratives (Cf. B. Pick, Journ. intern. d’arch. numism., I (1898), p. 452).
[27] Une inscription de Zeïzoun, de la fin du IIe siècle, mentionne un μα(γ)γα(ν)άριος (BCH, XXI (1897), p. 44). Ce terme désigne un fabricant de machines de guerre.
[28] Cf. Julien, Or. I, 26 D : Tu pourvois les villes de la Syrie de machines, de garnisons, de vivres, de munitions de tout genre, et estimant que cela suffira durant ton absence, tu décides de marcher en personne contre les tyrans (à l’ouest de l’empire). V. en effet ce qu’Ammien (XVIII, 9,1) dit d’Amida :... turribus circumdedit (Constantius) amplis et mœnibui locatoque ibi conditorio muralium tormentorum...
[29] Une des trois fabriques d’Antioche seulement avait été supprimée au IVe siècle. Doit-on y voir une suite du complot auquel avaient promis leur concours deux tribuni fabricarum, sous Constance ? (Ammien Marcellin, XIV, 7, 18 ; leur supplice est raconté 9, 4 sq.). Du moins il faut croire que leur complicité semblait une chose inconcevable, puisque après que le questeur Montius (Magnus d’après Socrat., H. ecclés., II, 34, et Sozom., IV, 7), torturé, eut désigné comme conjurés Épigone et Eusèbe, au lieu de songer aux deux tribuns qui étaient dans la ville, on fit comparaître, venant de loin, deux de leurs homonymes bien innocents : le philosophe Épigone de Lycie et l’orateur Eusèbe d’Émèse.
[30] Qu’on se souvienne du siège d’Hara ; v. supra. En Lazique, pour l’attaque d’un fort, les Byzantins improvisent leur artillerie sur place (Agathias, III, 3, 3).
[31] Plutarque, Lucullus, 29.
[32] J’adopte, on le voit, sur l’itinéraire d’Antoine, l’opinion de J. Kromayer, Kleine Forschungen zur Geschichte des zweiten Triumvirats (Hermès, XXXI (1896), p. 70-104). Delbrück (op. cit., p. 408-414) s’en tient à l’ancienne doctrine, sans discuter celle-là qu’apparemment il n’a pas connue.
[33] Plutarque, Antoine, 40.
[34] Dion Cass., XLIX, 27 : Antoine, manquant de vivres devant Phraaspa, donna à ses hommes, au lieu de blé, de l’orge, nourriture des chevaux quand les herbes faisaient défaut.
[35] Plutarque, Antoine, 45.
[36] Plutarque, Pompée, 35.
[37] Plutarque, Antoine, 47. On voit que les préparatifs d’Octavie (grande provision de vêtements pour les soldats, nombre de bêtes de somme, de l’argent et des présents pour les officiers — ibid., 53) arrivaient trop tard.
[38] Avec sa vive imagination, Plutarque fait dire au perfide phylarque arabe, Ariamnès, qui servait de guide : Vous croyiez donc voyager en Campanie ! (Crassus, 22) ; la Campanie était sans doute peu familière au barbare ; Dion Cass., XL, 21, à propos de la même expédition, ne parle pas, lui, d’un absolu désert de sable, mais d’une région un peu montueuse et non dépourvue d’arbres.
[39] Tacite, Ann., XV, 3 : et quia egena aquarum regio est, castella fontibus imposita ; quosdam rivos congestu arenae abdidit. Il est vrai que le contexte ne précise pas suffisamment où était cette regio.
[40] Pour les menus accidents de cette expédition, cf. le résumé de B. W. Henderson, The Life and Principale of the Emperor Nero, London, 1903, p. 163-191.
[41] Tacite, Ann., XV, 11.
[42] César, Bell. civ., I, 32 : Les sommes imposées à la Syrie étaient exigées avec une extrême rigueur. La cupidité inventait pour se satisfaire des moyens les plus variés : une taxe avait été mise sur les esclaves, les hommes libres, les portes des maisons, les colonnes ; on requérait perpétuellement des grains, des hommes pour la guerre, des rameurs, des machines, des chariots. Il suffisait, pour qu’une chose fût frappée d’un impôt, qu’on pût lui attribuer un nom. Il y avait des chefs dans les villes, villages et châteaux forts. Le plus rude et le plus cruel passait pour un bon citoyen, de ferme caractère. La province était remplie de licteurs, agents, exacteurs, extorquant de leur mieux pour leur propre compte. — Add. Appien, Bell, civ., IV, 62, pour les réquisitions de Cassius à Laodicée.
[43] C’est pour l’alimenter que Cassius isolait du continent par de grands travaux le port de Laodicée, ou il voulait enfermer des vivres (Appien, ibid., 60).
[44] Rappelons que Cestius, dans sa retraite, tua ses bêtes de somme, ânes, mulets, etc., pour qu’elles ne tombassent pas aux mains de l’ennemi (Josèphe, B. J., II, 546).
[45] Bien plus, la Syrie profita de cette guerre, après coup, car le butin fut tel, Jérusalem prise et le temple pillé, que l’or ne se vendait plus dans ce pays que la moitié de ce qu’il valait auparavant (Josèphe, B. J., VI, 317).
[46] Le chef de l’intendance militaire dans une expédition s’appelait praefectus necessariorum, έπαρχος τών έπιτηδείων. Dans l’armée de Corbulon, celui qui revêtit cette charge était le Juif Tiberius Julius Alexander (ministrum bello datum, dit Tacite, Ann., XV, 28) ; la preuve qu’il s’en tira à son honneur, c’est qu’on le maintint en fonctions pour la guerre juive ; v. l’inscription de Pline (Dittenberger, OrGrIS, 586 ; add. Josèphe, B. J., V, 46 ; VI, 237, et Domaszewski, Rhein. Mus., N. F., LVIII (1903), p. 218-230).
[47] Journal asiatique, série VI, XIII (1869), p. 96.
[48] Stat., Silu., I, 4, 79 : Rutilium Gallicum timuit | Armenia et patiens Latii iam pontis Araxes. Ces détails se rapportent peut-être à des hostilités contre les Parthes, dont nous n’aurions pas de souvenirs précis ; cf. Gsell, Donatien, p. 232-3.
[49] Dion Cass., LXVIII, 19.
[50] Eutrope, VIII, 3 ; Pline, Epist., X, 13-15 (= Pline ad Trajan, 63, 64, 67 Keil).
[51] Chevaux et mulets notamment ; cf. Julien, Epist., 27.
[52] Berliner Griech. Urkund., I, 206, l. 17-20.
[53] Cette pratique commence avec l’expédition de Crassus (Plutarque, Crassus, 20).
[54] Ammien Marcellin, XXIV, 1, 10.
[55] Ces préparatifs (CIL, XIII, 1807) étaient en vue de l’expédition de Sévère Alexandre ; c’est ce que paraît confirmer l’Apocalypse juive d’Élie ; cf. Samuel Krauss, Neue Aufschlüsse über Timesitheus und die Perserkriege (Rhein. Mus., ibid., p. 627-633). Mais les approvisionnements ne venaient pas tous de Syrie ; du moins une part du matériel de guerre était expédiée d’Occident, car une division de la flotte de Misène fut chargée d’escorter, pour les protéger des pirates méditerranéens, la cour impériale et tout ce dont elle se faisait accompagner (Deseau, Inscr. Lat. Sel., 2767 ; CIG, 2509 ; cf. le commentaire de Domaszewski, Rhein. Mus., ibid., p. 382-390).
[56] Cf. Lécrivain, op. laud., p. 292-4.
[57] On a reconnu depuis longtemps que c’est le nom corrompu de Timesitheus.
[58] Zosime, I, 18, 2.
[59] Zosime, IV, 10, 4.
[60] Dion Cass., LXXV, 10-11.
[61] Et c’est ainsi que s’explique le mot de Zosime (I, 54,2) : τής τροφής έκ τών πλησιαζόντων έθνών τώ στρατοπέδω χοραγουμένης... Au lieu de piller les provisions, les nomades désormais se faisaient eux-mêmes pourvoyeurs.
[62] Epist., 27.
[63] Liban., Epist., 1186.
[64] Ammien Marcellin, XXIV, 1, 5. — Maurice (Strateg., 1,9, p. 44) condamne cette licence et recommande de ne pas permettre, en temps de guerre, la chasse aux animaux sauvages, car c’est une occasion de trouble. Il est vrai qu’il conseille aussi (p. 43) de ménager les lieux cultivés et de ne pas piller les villes (!)
[65] Eunape, fragm. 16-17, p. 68 Bonn. Après la prise de Pirisabora, on trouva dans la place une masse de vivres et d’armes ; on prit ce qui était utile et brûla tout le reste (Ammien Marcellin, XXIV, 2, 22).
[66] Ammien Marcellin, XXIV, 7,7.
[67] Ammien Marcellin, XXIV, 3, 10.
[68] Un corps de coureurs perses, sorti de Ctésiphon, enlève les bêtes de somme et tue quelques-uns des fourrageurs, qui s’étaient imprudemment écartés (Ammien Marcellin, XXIV, 5,5).
[69] Ammien Marcellin, XXV, 8, 6. 7. 15.
[70] Ammien Marcellin, XXI, 7,7. — Des particuliers mettaient même à l’abri leurs trésors dans certains castella, où ils ne pensaient pas qu’on dût les chercher. Des transfuges dénoncèrent au roi de Perse ceux qui avaient été cachés dans les forteresses des environs d’Amida (Id., XVIII, 10,1-2).
[71] Cedrenus, I, p. 630 Bonn.
[72] Qu’entendre, par exemple, sous ces mots (40) : A la suite de la misère des habitants d’Édesse, Anastase les dispensa de fournir de l’eau aux Romains ? Le commandant romain avait fait aussi des contrats avec cette ville pour des livraisons de blé.
[73] Chron., 53.
[74] 77-78 : Les Perses n’osaient quitter les remparts : ils y avaient installé de petits fours, où ils faisaient cuire la poignée d’orge qu’on remettait à chacun pour sa journée ; ils établirent au même endroit de grands pétrins, pleins de terre, où ils semèrent des légumes. Add. l’histoire singulière des femmes qui mangèrent ceux qu’elles pouvaient arrêter, et de l’édit du chef perse ne permettant de dévorer que les morts.
[75] Hist. arcan., 30, 15.
[76] Propoce, Hist. Arcan., 23, 11-16.
[77] Le Bellum Vandalicum nous en apprendrait un peu plus, mais il faut le laisser hors de cause.
[78] Désigné d’un nouveau nom, τοΰλδον, ainsi défini (I, 3, p. 30) : ή άποσκευή τών στρατιωτών, τουτέστι παΐδές τε καί ύποζόγια καί τά λοιπά ζώα. Cf. tout le livre V.
[79] I, 2, p. 25-26.
[80] V, 1, p. 121.
[81] Ne pas consommer le vin ou le pain qu’on trouve en campagne sans l’avoir d’abord fait goûter à des prisonniers ; et de même pour l’eau des puits. Sans ces précautions, on risquerait d’être empoisonné (IX, 3, p. 220-221).
[82] Josèphe, B. J., III, G9, a loué la valeur des valets d’armée, qui restaient longtemps dans cet emploi et acquéraient l’expérience des guerres. Au VIe siècle, on voit que le système des limitanei met en mouvement, à divers titres, les familles tout entières.
[83] V, 2, p. 122.
[84] VI, 11, p. 143. — Cf. Josèphe, B. J., III, 93.
[85] Cf. Marquardt, Organis. milit., p. 297 sq.
[86] Carin, à l’approche de l’hiver, rentre de Perse en Cyrrhestique, Malalas, XII, p. 304-305, Bonn.
[87] Ils gémissaient d’être abandonnés ; quelques officiers firent descendre les moins malades du dos des bêles de somme et monter à leur place les plus grièvement atteints (Plutarque, Crassus, 26).
[88] Peripl. Euxen., VI, 2 (à Apsarus) ; X, 3 (à Dioscurias).
[89] II, 8, p. 62.
[90] Ou bien pour se procurer des colons, ou des soldats supplémentaires contre quelque autre ennemi : par exemple, toute la population de Singara est emmenée au fond de la Perse (Ammien Marcellin, XX, 6, 7), ainsi que celle de Théodosiopolis d’Arménie (Josué le Stylite, Chroniq., 49). Après la prise d’Amida, la plupart des chefs romains furent mis à mort (Ammien, XIX, 9, 2). Plus tard, les Romains, sur les borda du Tigre, tuèrent tous les mâles au-dessus de douze ans, et emmenèrent les autres, avec les femmes, en captivité. Le maître de la milice avait ordonné l’exécution de quiconque, parmi les Romains, sauverait un mâle de douze ans ou plus (Josué, 80) ; v. dans Procope, B. P., II, passim, bien des cas de dureté.
[91] Deuxième partie, chap. III, § 6.
[92] Cf. Ammien Marcellin, XVIII, 6, 17 : Parvenus à Amida, où nos espions étaient eux-mêmes arrivés, nous trouvâmes dans un étui un parchemin, sur lequel étaient des caractères que nous adressait notre ambassadeur Procope, donnant un sens obscur, mais à dessein.
[93] Cf. Waddington, 1881 (Héliopolis), un speculator de la leg. I (Parthica ?) Antoniniana ; Bull. dell’ Istit., 1884, p. 27 : T. Flavius Domitianus domo Nicomedia, quod speculator leg. III Parth. Severianae vovit, hastatus leg. X Fretensis princeps peregrinorum reddedit ; CIL, III, 14385 b : un speculator de la III Gallica.
[94] Cf. Seeck, Angaria et Cursus publicus (Pauly-W.). Le cursus clabularis (clabulare = chariot) fonctionne encore en Orient après l’empereur Léon, pour le service de guerre et le transport des députés, aux frais des propriétaires fonciers (C. Theod., VI, 29, 5,1 ; C. Just., XII, 50, 23).
[95] Hist. arcan., 30, 1, 11.
[96] Rapprocher le modeste équipage qu’Héraclios expédie vers le député du nouveau roi de Perse, Cavad, lui apportant des ouvertures de paix : il lui envoie deux ambassadeurs avec une petite troupe de jeunes gens choisis, et vingt ânes bien sellés (Chron. Pasch., p. 730 Bonn).
[97] V. sur leurs pigeons voyageurs : Wescher, Bull. de la Soc. des antiq. de France, 1870, p. 162.
[98] Saint-Martin, éditeur de Lebeau, Hist. du Bas-Empire, XI (1830), p. 255, l’emprunte à l’Histoire d’Alep, écrite en arabe par Kemel-Eddin, au milieu du XIIIe siècle.
[99] Ainsi Georges Pisidès célèbre (Exped. Pers., II, 135-166, 177-187, 191-205), à juste titre évidemment, le zèle d’Héraclios, passant plusieurs mois, avant d’entrer en campagne, à exercer les recrues, démoralisées et peu homogènes, qu’il avait ramassées dans toute l’Anatolie.
[100] Comme celle de Josèphe (B. J., III, 72-73) : Les Romains pratiquent sans cesse, même en pleine paix, les exercices militaires, exercices qui ont l’apparence de véritables combats. — Il ne les a observés qu’en temps de guerre.
[101] Le voisinage du grand cours d’eau n’invitait même pas les Syriens à l’apprentissage de la natation que Végèce (I, 10) recommande expressément : Natandi usum aestiuis mensibus omnis aequaliter debet tiro condiscere. En réalité, très peu de soldats gaulois (Ammien Marcellin, XXV, 6, 13-14) ou arméniens (Id., XXI, 1, 7) savaient nager ; les autres, point. Les cavaliers s’en rapportaient volontiers à leurs montures pour la traversée d’un fleuve, mais durant les hautes eaux il arrivait Fréquemment que les uns et les autres fussent engloutis (v. Josué le Stylite, Chron., 67).
[102] A Hyssos, il fait manœuvrer les fantassins et oblige même les cavaliers a se servir du javelot (Peripl. Euxen., III, 1) ; à Dioscorias, il passe en revue IPS exercices d’équitation (X, 3). — Il parait bien résulter des Acta SS. Sergii et Bacchi (Analecta Bollandiana, XIV (1895), p. 373 sq.), que le duc d’Euphrateasis, Antiochos (peu après 420), quand il mit à l’épreuve saint Serge, faisait une tournée d’inspection le long de son limes.
[103] Ainsi Pline, H. N., XI, 106, signale un envoi de soldats, en Syrie, pour hâter la destruction des sauterelles : Necare (locustas) et in Syria militari imperio coguntur. — Voici un cas douteux : il concerne l’érection d’une borne marquant les limites de deux κώμαι contiguës, sur l’ordre des empereurs Dioclétien et Maximien, à la diligence Μαρ(κ)ίου Φ (?) ππ κημσείτορος. Waddington (2559 a) interprétait ππ en primipilaris ; Clermont-Ganneau (Rev. archéolog., 1884, II, p. 262) propose praepositus. Les deux restitutions sont également problématiques.
[104] Je considère que c’est surtout, sinon exclusivement, pour leur utilité personnelle que deux vexillationes de légions établirent, un peu en amont du moderne Roum-Kaleh, sur la falaise de l’Euphrate, une cochlea, appareil élévatoire destiné à faire monter l’eau du fleuve (Chapot, BCH, XXVI (1902), p. 206-7) ; la région devait être fort peu colonisée.
[105] Même l’une d’elles qui date des années 352 ou suivantes (Waddington, 2562 = CIL, III, 198).
[106] Cf. Waddington, 2296-2297, 2301, 2305 (sous Trajan, dès la formation de la province d’Arabie). Il s’agit de postes militaires, autour desquels un faible groupe de population civile s’est constitué.
[107] Cf. Waddington, 1845 = CIL, III, 206 (Beyrouth) : la leg. III Gallica, montibus imminentibus Lyco flumini caesis, viam dilatavit (sous Caracalla) ; Waddington, 1875 = CIL, III, 201 : mention, à propos des travaux d’une route (sous Marc-Aurèle et Verus), d’un centurion de la leg. XVI Flavia Firma, qui operi institit. Mais il se trouve qu’une autre inscription, copiée au même endroit (ancienne Abila de Lysanias), porte que Marc-Aurèle et Verus viam fluminis ut abruptam intercixo monte restituerunt, per Jui. Verum, leg. pr. pr. provinc. Syr. et amicum tuum, inpendiis Abilenorum (Waddington, 1874 = CIL, III, 199). Ces derniers mots sembleraient, à première vue, écarter la possibilité de la main-d’œuvre militaire, malgré la présence du centurion. Peut-être les gens d’Abila ont-ils fourni aux soldais une récompense ou un salaire.
[108] Mission en Phénicie, p. 836.
[109] Mission en Phénicie, p. 151.
[110] Across the Jordan, London, 1885, p. 10.
[111] Cf. Waddington, ad. n. 2438.
[112] CIL, III, 6709 : Marius Perpetuus, leg. Augg. leg. XVI F.F., pontem Chabinae fluvi a solo restit., à Kiachta, aux confins de la Commagène et de la Cappadoce, vers 200 p. C.
[113] V. cependant l’inscription d’Oumm-el-Djemâl (a. 371) : fabricatus est burgus ex fondamento mano equitum VIIII Dalm(atarum) s(ub) c(ura) Vahali trib(uni) (Waddington, 2058 = CIL, III, 88).
[114] Ainsi à Samosate (Chapot, BCH, XXVI (1902), p. 203. n° 56) : LEG. XVI. FL. Cette légion a dû prendre part à l’édification des murs du périmètre, sinon de l’acropole. En effet, l’enceinte, où intervient l’opus reticulatum, n’a nullement le caractère syrien ; elle doit remonter au Ier siècle et avoir été exécutée par des soldats venus d’ailleurs et apportant d’autres procédés de maçonnerie.
[115] Cf. mon étude sur ses ruines (BCH, XXVII (1903), p. 280-291).
[116] Strabon nous dit positivement (XVI, 2, 19, p. 756 C) que Béryte ayant été détruite par Tryphon, les Romains la relevèrent à l’aide de deux corps de troupes (τάγματα) qu’Agrippa y établit.
[117] C. Theod., XV, 1, de op. publ., c. 18, 32, 33 ; G. Humbert, Opéra publica (Dictionnaire des antiquités).
[118] Cf. Waddington, 2129 (Btheine). Sans être certaines, les restitutions offrent grande vraisemblance, car elles concordent entre elles. Ici la population elle-même aurait élevé les deux tours de garde qu’a vues Waddington ; elles étaient dans un village à la lisière du désert, trop insignifiant sans doute pour mériter une garnison. V. par contre Waddington, 2194 (Khirbet-el-Aradji - a. 351 p. C.).
[119] Josué le Stylite, Chroniq., 91.
[120] C. Theod., XV, 1, 28.
[121] Là encore, comme dans les opérations de guerre, se reconnaît l’initiative de ce pouvoir nouveau, récemment grandi, l’Église, qui suppléait les administrations défaillantes. — Cf. une inscription de Kerralen (Oppenheim Lucas, Byzantin. Zeitschr., XIV (1905), p. 47, n° 68 - 509 p. C). Les restitutions du n° 86, p. 54, qui serait encore à citer, sont très aventurées. Add. Hallier, Chroniq. d’Édesse, loc. cit., n° 68, p. 114 : Après 457/8, l’évêque Nonnos éleva des couvents et des tours, construisit des ponts et prit des mesures pour la sûreté des routes. D’après Zacharias Rhetor (VII, 6, p. 115-119), c’est sous la surveillance des prêtres, diacres et autres clercs de l’endroit, que s’accomplirent les travaux de construction d’Amida.
[122] Josué, 93.
[123] Cyrill. Scythop., Sabae vita, ap. Cotelier, loc. cit., 72, p. 343.
[124] Cyrill. Scythop., Sabae vita, ap. Cotelier, loc. cit., 73, p. 347.
[125] Oppenheim-Lucas, loc. cit., p. 55-57, n° 88-89 (a. 550). Il n’y a naturellement rien à conclure de ce qu’elles sont aujourd’hui simplement encastrées dans une maison de paysan.
[126] Procope, Aed., I, p. 174, l. 6, l’appelle μηχανοπιός, peut-être parce que sa spécialité comprenait aussi la confection des machines de guerre. — Cf. Sab. vit., loc. cit., 73, p. 346 : L’empereur envoya à Jérusalem, pour la construction de l’église, Θεόδωρόν τινα μηχανικόν, que mentionne aussi Procope (B. P., II, 13, 26). V. une signature d’architecte dans une inscription bilingue, grecque et nabatéenne (Butler-Littmann, Rev. archéolog., 1905, I, p. 409).
[127] Rapprocher Waddington, 1882 : rappel d’un travail d’Anatolios, ατρατο[πεδ]άρχου καί ύπάρχου ; l’éditeur traduit comme ατρατηλάτης, avec raison, je crois, et les soldats sous les ordres d’Anatolios ont dû être ses ouvriers. D’après une inscription d’Irbid (Haouran), la construction de l’enceinte de l’ancienne ville, ou du péribole d’un temple, eut lieu έκ δημοσίου, et cependant έφεστώτος Καλ(πορνίου) Σατορνείνου χειλιάρχου (Whicher, Americ. Journ. of Arch., X (1906), p. 289-293).
[128] Waddington, 2626 = CIL, III, 6661. — Aux clefs de voûtes du temple d’Héliopolis ont été relevés des graffites en langue latine (Waddington, 1884 à 1386 = CIL, III, 143-144 ; add. p. 232878). Cette particularité n’indiquerait-elle pas que des soldats ont figuré parmi les ouvriers ?
[129] J’ai rapporté le détail de cet épisode, avec les textes à l’appui, dans mon mémoire sur Séleucie, loc. cit., p. 62 du tiré à part.
[130] Salluste, Histor. reliq., 60 (Maurenbrecher, I, p. 180).
[131] Ammien Marcellin, XXII, 12, 6.
[132] Ammien Marcellin, XXIII, 5, 10 ; XXV, 2, 7 : Etrusci haruspices qui comitabantur.
[133] Cf. l’arc de triomphe de Salonique : Kinch, pl. IV, p. 34 sq.
[134] Ammien Marcellin, XVIII, 7, 1.
[135] Ammien Marcellin, XXI, 13, 8.
[136] Ammien Marcellin, XVIII, 4, 1.
[137] Theoph. Simoc, II, 2, 2.
[138] Histoires, III, 2.
[139] Cf. Max. Mayar, Kronos, ap. Roscher, Lexikon der Mytholog. ; inscription de Beyrouth : Rev. archéolog., XXIII (1872), p. 273. — si nous voulons poursuivre la comparaison avec la Perse, nous lirons dans Procope (B. P., 1, 3, 8-22) qu’au cours d’une campagne contre les Ephthalites, le roi Péroze se laissa maladroitement couper la retraite. Les Huns lui demandèrent de se prosterner devant leur chef ; comme il hésitait, les mages insinuèrent que cette adoration aurait lieu, en réalité, devant le soleil levant, ce dont l’ennemi ne se douterait pas ; et c’est ce que fit Péroze.
[140] BGH, XXVI f 1902), p. 205-6 ; Mém. de la Soc. des antiq. de France, LXII (1901[= 1903]), p. 115-7, pl. VI. — Une mosaïque représentant l’Euphrate a été également découverte par le comte Max von Oppenheim, à El-Massoudiyé (Zeitschr. der Gesellsch. für Erdk. zu Berlin, XXXVI (1901), p. 82) ; dans un cartouche était l’inscription, syriaque et grecque ; add. Byzantin. Zeitschr., XIV (1905), p. 58-59, n° 91 ; pl. IV, fig. 21-22.
[141] Cette qualité, il est vrai, peut se dissimuler ; cf. Waddington, 2099. La Niké ne semble guère devoir être vénérée par des civils ; pourtant derrière cette formule sa cache peut-être simplement un vœu pour les empereurs ; n’importe qui pouvait l’exprimer.
[142] Waddington, ad n. 2308 ; add. 2203 b, etc. — Ce n’est, sous une forme hellénisée, que la déesse Allât des textes safaltiques (Dussaud, Les Arabes en Syrie avant l’Islam, p. 129).
[143] Tertullien, Apologétique, 24 ; cf. Waddington, ad n. 2023.
[144] C’est l’hypothèse plausible du P. Jalabert, Mélanges de la Faculté orient, de l’Univ. Saint-Joseph, Beyrouth, I (1906), p. 157-161.
[145] Waddington, 2407.
[146] Waddington, 1180 = CIL, III, 138 add. : Aur. Ant(onius) Longinus, specul(ator) leg. I. [An]toninianae(= Parthicaé), a offert m(agnis) diis Heliupol(itanis), pour le salut et la victoire d’Antonin le Pieux et de Julia Augusta, capila columnarum dua (sic) aerea auro inluminata sua pecunia ex voto.
[147] Ewin, Palest. Expl. Fund, 1895, p. 136, n° 62 (Saura, du Haouran) : dédicace à Zeus Ammon, par M. Aur. Theodor[us], a quaesl(i)onar(i)is leg. III Cyr. ; Waddington, 1922, Bostra ; 2290 ; 2291 (ibid.) = CIL, III, 108 : [in aede] Jovis C. Jul[ius Maxi]mus, vetran(us), qui sub ambos militavit, f[e]cit. Ici le sentiment est plus complexe : l’hommage s’adresse avant tout à deux chefs et bienfaiteurs du soldat.
[148] V. ci-dessus, note 146.
[149] Waddington, 2526-2527 (Phaene = Mismié).
[150] Waddington, 2413. —Dans un autre texte, ce n’est plus de loyalisme impérial qu’il s’agit : Eïtha, sur un petit édifice à arcades (ibid., 2115) : Αΐλιος Μάξιμος έπαρχος τή πατρίδι έκτισεν. Le personnage peut être, ou un préfet de cohorte, ou le phylarque d’un district arabe.
[151] Exemple frappant d’Adraa (Brünnow, Mitth. des Palästina-Vereins, 1897, p. 40 = Clermont-Ganneau, Rev. d’arch. orient., II (1898), p. 243).
[152] Waddington, 2380 (Selaemia = Steim).
[153] La plupart des Césars, arrivant au trône par descendance légitime ou adoption, étaient dieux, fils de dieux. Les Syriens s’embarrassaient peu des exceptions : deux inscriptions curieuses (Waddington, 2076) portent une dédicace Θεώ Μαρείνω ; on ne fit pas difficulté de diviniser après coup Marinus, le père de Philippe l’Arabe, lui-même ancien chef de brigands, et non fils de prince.