DEUXIÈME PARTIE — L’ARMÉE
J’ai réuni ces deux catégories, qui sembleraient devoir être séparées, parce que la distinction très souvent n’est pas permise. On peut la faire en général jusqu’aux réformes du IIIe siècle, exceptionnellement dans les périodes suivantes, et les documents administratifs parvenus jusqu’à nous sont fort suspects de nous donner des états et des statistiques n’ayant en d’exactitude que sur le papier. On se laisserait facilement entraîner, voulant présenter un tableau complet de la situation militaire dans les provinces d’Orient, à rappeler tout ce que nous savons de l’organisation de l’armée romaine ou byzantine aux époques diverses comprises dans les limites chronologiques que je me suis fixées. Mais on répéterait ainsi sans utilité ce qu’exposent les manuels d’antiquités ou les traités d’ensemble sur le sujet, qui tirent parti de tous les documents provenant de toutes les régions de l’empire. Cette méthode n’est pas à condamner, mais il convient, sinon de lui substituer, au moins de lui superposer, celle qui procède par groupements géographiques. Il est aussi légitime et nécessaire de l’appliquer aux choses de la guerre qu’à l’administration civile ou à la vie urbaine. Par conséquent, nous ne relèverons ici que ce qui semble particulier aux troupes d’Orient, et, en second lieu, parmi les données de sources différentes dont on a coutume de faire application à tout le monde romain, celles gui proviennent des provinces nous concernant ici — Arménie, Mésopotamie, Syrie, Cappadoce, Arabie même — ou de relations écrites d’événements qui ont eu pour théâtre ces seules régions. De notre silence sur certains points il n’y aura rien à conclure, sinon l’absence d’informations ; il put y avoir, ou conformité, ou dérogation aux principes qu’on nous présente comme généraux. Le plus simple el le plus sûr est de n’exclure, et aussi de ne proposer, même sous réserves, aucune des deux hypothèses. La frontière d’Orient et ses approches constituent justement le terrain de choix pour un essai de cette nature, car nous aurons à notre disposition, chose rare, et pour plusieurs moments de cette histoire, les commentaires d’hommes du métier, témoins des faits qu’ils ont racontés, ou qui en ont recueilli les premières nouvelles avant que la tradition n’eût accompli son travail habituel de déformation. Trois noms avant tout sont à mettre en vedette, et qui représentent trois époques heureusement échelonnées : Ier, IVe, VIe siècles. D’abord Flavius Josèphe ; le Bellum Judaicum, presque exclusivement, intéresse les présentes recherches, et il offre beaucoup plus de garanties que les Antiquitates[1]. Bien que localisées en Palestine, les opérations de Vespasien et de Titus sont pleinement de mon sujet. C’est de Syrie que provenaient les plus gros contingents qui furent aux prises avec les Juifs, et les secours envoyés par les petits princes voisins purent servir aussi contre les Parthes : les uns et les autres accomplirent une guerre de sièges ; il y en eut beaucoup à soutenir dans les campagnes de Mésopotamie. Ammien Marcellin n’a pas moins de prix pour nous. Moi, Grec, ancien soldat, j’ai composé selon mes forces l’histoire que voilà, dit-il en terminant, et il est indéniable que, dans les récits de batailles, il se montre un spécialiste des choses militaires, gardant même dans la forme des traces de la langue vulgaire des camps[2]. A peu près au même rang il convient de placer Procope ; Ammien était d’Antioche, lui de Césarée en Palestine, autre cité assez proche de la frontière d’Orient. Ce πάρεδρος ou conseiller juridique, ayant suivi de nombreuses campagnes, toujours dans l’entourage du commandement en chef, s’est acquis une certaine compétence dans les choses de guerre, et comme il s’est borné à l’histoire de son temps, sans se laisser tenter par le démon de l’érudition, ses récits sont moins vagues et moins sujets à confusions. Nous lui devrons, pour tout ce qui concerne la tactique, une contribution de premier ordre[3]. Voilà nos trois sources capitales ; après elles, on peut tirer quelque profit de Dion Cassius et d’Hérodien[4]. Ce dernier exerça des fonctions publiques, nous ne savons lesquelles ; civiles probablement, vu les habitudes d’esprit que révèle son ouvrage et les erreurs qui s’y manifestent. Dion, ancien proconsul d’Afrique, ne manquait pas de connaissances techniques dans les choses de la politique et de l’armée ; mais l’Orient ne lui était pas particulièrement familier, et les événements sur lesquels il nous apporte des lumières ne sont pas de l’époque où il vécut. Ajoutons que Pline le Jeune, durant son service militaire, était occupé à des écritures dans les bureaux da gouverneur de Syrie[5] ; les loisirs dont il disposait furent absorbés dans les écoles de philosophie d’Antioche ; la question d’Orient ne revêtait pas alors un caractère de gravité, ou elle ne parait pas l’avoir intéressé. Il est curieux au contraire de constater la passion que soulevaient généralement chez les Romains les mêmes problèmes, l’allure d’épopée que prenaient dans les imaginations les campagnes contre les Parthes ou les Perses. Elles ont inspiré plus d’un poète : la vie de Septime Sévère, en particulier son expédition vers le Tigre, avait été racontée en détail dans divers poèmes pseudo-historiques, très médiocres à n’en pas douter, et dont nous ne connaissons même pas les auteurs[6]. La guerre persique de Dioclétien et Galère, en 297, fut célébrée dans une petite épopée, dont on a depuis peu découvert des fragments, qui suffisent tout juste à en préciser l’objet[7]. Un Grec d’Égypte, Colluthos de Lycopolis, sous Anastase, avait, selon Suidas, chanté des Περσικά. Nous avons également perdu le panégyrique en vers que l’Impératrice Eudoxie composa après la victoire sur les Perses de son époux Théodose II[8]. Si nous étions privés d’Ammien, on déplorerait davantage la disparition du poème où les actions de Julien étaient célébrées par Calliste, un homme de guerre[9]. Et c’est encore un versificateur, Georges de Pisidie, à qui nous devons le plus de détails sur la croisade d’Héraclios. En prose, semble-t-il, mais avec autant d’imagination et d’indépendance à l’égard des faits, naquit la vaste littérature que provoqua la grande guerre de Lucius Verus, dissertations, déclamations et exercices d’école variés, dont Lucien fit large raillerie[10]. Tout n’y était peut-être pas que sottise, si le Frontin (= Fronton) qu’il cite dans son énumération est à confondre avec le général M. Claudius Fronto, témoin et participant de la campagne[11]. Il faut regretter les Ύπομνήματα de Vespasien[12], les Παρθικά d’Apollodore, d’Artémita en Assyrie, un des répondants de Strabon pour les affaires d’Orient à la fin de la République[13] ; ceux d’Asinius Quadratus, qui comprenaient les campagnes de Verus et de Sévère[14], et ceux d’Arrien[15], très préoccupé de stratégie. Jean Lydus s’en souciait moins, lui qui entreprit néanmoins une histoire des guerres persiques de Justinien[16] ; sa condition d’agent disgracié avait dû faire de lui un rapporteur peu impartial et peu fidèle. Malgré sa conception très générale, le Strategicon attribué à l’empereur Maurice[17] nous rendra des services ; on sent que l’auteur des paragraphes consacrés aux Perses a pris contact avec ce peuple ; il est d’accord avec l’annaliste Théophylacte Simocatta et — avantage précieux que nous avions déjà rencontré chez Ammien — il emploie les locutions en usage parmi les barbares qui composaient les troupes de Maurice et de son successeur. Bref, nos documents militaires grecs et latins sont relativement nombreux et sûrs ; cette impression s’affirmera si l’on cherche à les compléter à l’aide des littératures orientales. Celles-ci ne nous donnent presque rien ; bien plus, elles ont beaucoup emprunté aux historiens occidentaux. Pas d’historiographie rabbinique, du moins pour l’époque romaine ; les lettrés d’Israël se confinaient dans l’étude de la loi et du dogme[18]. Les Parthes n’ont eu aucune littérature ; la langue syriaque n’en a produit une indépendante que tardivement, et elle est restée la servante, à titre à peu près exclusif, de la théologie ; faisons exception pour la chronique dite de Josué le Stylite, œuvre d’un professeur anonyme d’Édesse qui fut témoin oculaire des épreuves subies par cette ville sous Anastase[19]. Parmi les Arméniens, un nom à citer, Sébéos, rien que pour le règne d’Héraclios ; il a consigné des faits de guerre dont lui firent part des témoins[20]. L’ancienne littérature pehlvie est perdue ; un compilateur arabe, de la fin du IXe siècle et du Xe commençant, Tabari, y a puisé sans critique[21]. Un chapitre important est consacré à l’histoire — et par endroits à l’armée — des Sassanides ; celle des Byzantins en reçoit quelques éclaircissements. Je n’ai pas besoin de redire ce que j’ai déjà énoncé sur les données de l’épigraphie ; dans la seule province d’Arabie — que je néglige — des bornes milliaires ont été retrouvées en assez grand nombre ; encore leur signification précise prêterait-elle à discussion. Quant aux monuments figurés, rares et de faible portée pour la question qui m’occupe, le lecteur verra que je les ai utilisés en toute occasion[22]. § I. — Les Légions. A. JUSQU’A LA FIN DU IIIe SIÈCLE. — Le premier homme de guerre romain pénétrant sur le domaine géographique que j’ai délimité, c’est Lucullus (69-68 av. J.-C). Il est naturel que ses historiens ne nous disent pas les noms des légions qu’il conduisait ; on était à une époque où s’effectuait la transformation en légions permanentes des légions chaque année recrutées et numérotées à nouveau. Pompée, dont la campagne d’Asie se termine par la création de la province de Syrie (66-63), est exactement dans le même cas, tout comme Crassus et Cassius (54-52). A peine Plutarque mentionne-t-il les effectifs. Il est certain du moins que déjà alors la Syrie se trouvait constamment occupée par des garnisons[23]. Arrivant à Antoine, nous constatons un désaccord sérieux entre les auteurs, touchant le nombre des légions dont il disposait[24]. Les historiens mentionnent bien plus volontiers le chiffre des combattants ; il n’est pas encore dans leurs habitudes de préciser davantage ; Plutarque cependant cite la IIIa légion[25]. Je ne parle, bien entendu, que de celles qu’Antoine employa dans l’expédition parthique ; pour la guerre civile, il en eut un bien plus grand nombre (une trentaine, d’après certaines légendes de ses monnaies), recrutées un peu partout en Orient, mais qui ne concernent pas la défense des frontières. Au reste, c’est à Auguste, comme on le sait, que remonte la véritable organisation des légions, et c’est à partir du principat seulement qu’on peut avoir une idée un peu précise de leur distribution. Encore est-ce là un des problèmes les plus difficiles de l’antiquité romaine ; il est particulièrement ardu pour les troupes d’Orient, en raison de la fréquence des guerres, auxquelles les garnisons habituelles ne suffisaient pas. Sur ces expéditions, nous n’avons guère que le témoignage des auteurs ; or, très rarement ils donnent aux légions leurs noms complets ; ils ne les désignent que par des numéros. Hormis deux ou trois textes fondamentaux de Josèphe, de Tacite et de Dion Cassius — qui vient bien tard —, textes qu’on a scrutés de toutes manières et cent fois examinés à la loupe, les témoignages littéraires font presque défaut. L’épigraphie est la base de toute discussion sur ce sujet, c’est dire qu’elle nous renseignera peu sur les légions d’Orient[26]. D’ailleurs, une légion dans ses quartiers d’hiver ne formait pas un tout indivisible ; on en détachait des vexillationes sur plusieurs points ; une épitaphe, ou même une dédicace, peut la mentionner sans qu’on voie nettement si le lieu d’invention marque la garnison du corps principal, ou le lieu de passage d’une cohorte en mission spéciale[27]. À le bien prendre, dans les dernières années qui précèdent l’Empire, les troupes massées vers l’Euphrate ou les rivages de Syrie sont bien plus au service des ambitions d’un chef que de la défense du pays. Ce dernier point de vue devait naturellement exclure tous les autres après le triomphe définitif d’Octave, qui, devenu Auguste, entreprit une réorganisation générale de l’armée sur des bases toutes nouvelles. Autant que nous en pouvons juger, il maintint ses propres légions et en garda quelques-unes parmi celles de ses compétiteurs ; il en est donc qui eurent en commun un même numéro ; leurs qualifications respectives les distinguaient. Nous apprenons que, dans les années 6 à 4 avant notre ère, trois d’entre elles stationnaient en Syrie[28]. Les difficultés que souleva la question d’Orient sous ce règne, malgré la modération d’Auguste, révélèrent l’insuffisance de cet effectif, qui fut donc relevé d’une unité. Pour la première fois, en 23, sous Tibère, apparaît à nos yeux l’ensemble des garnisons de l’empire[29] ; on s’est mis d’accord sur leur répartition par provinces à cette date, sinon sur leurs cantonnements[30]. En Syrie se trouvaient alors la VIa Ferrata[31], dont le quartier général était fixé à Laodicée, et la Xa Fretensis[32], établie principalement à Cyrrhe[33]. Pour les deux autres, on indique, avec la plus grande vraisemblance, la III Gallica[34] et la XII Fulminata, qui n’est jamais mentionnée ailleurs qu’en Orient. Il est bien difficile de dire où ces deux dernières avaient leurs campements[35]. Le premier changement qui se produit ensuite est le transfert de la IV Scythica[36] en Syrie pour la guerre des Parthes[37], et l’envoi, peu après, de la V Macedonica, venue de Mésie également[38], et de la XV Apollinaris de Pannonie. Ces légions n’avaient été appelées que pour la guerre étrangère ; la XII Fulminata rendit peu de services à Corbulon[39] ; elle subit un désastre, lors de la première révolte des Juifs, sous le commandement du légat Cestius Gallus[40]. Le IV Scythica avait elle-même, presque dès le premier jour, donné dans l’armée de Paetus de grandes désillusions[41] ; elle fit cependant meilleure contenance pendant la retraite de Cestius, en 67[42]. Le gouvernement romain avait donc été heureusement inspiré en maintenant au complet ses effectifs d’Orient, après la guerre d’Arménie[43] ; seule, la III Gallica avait été envoyée en Mésie[44], mais la jalousie personnelle de Mucien contre son légat la fit réexpédier en Syrie en 70[45]. Entre temps, on avait constitué la province de Cappadoce (en 18), sous un procurateur, assisté, en cas de besoin, du secours militaire du légat de Syrie[46]. Les charges de celui-ci devenaient accablantes ; Vespasien les allégea en mettant un autre légat en Cappadoce. Ce nouveau gouverneur hérita de la XV Apollinaris[47], et de la médiocre XII Fulminata que Titus, après la prise de Jérusalem, pour l’éloigner des molles garnisons de Syrie[48], établit à Mélitène qu’elle ne devait plus quitter. La Palestine elle-même avait été séparée de la Syrie ; on lui attribua la X Fretensis, qui fut établie à Jérusalem, devenue Ælia Capitolina[49] ; et pour ne pas appauvrir la garnison de Syrie, on combla les vides produits en maintenant dans cette dernière province la IV Scythica et en y introduisant la XVI Flavia Firma, nouvellement créée, des cendres, pourrait-on dire, de l’ancienne leg. XVI de Germanie, du même coup licenciée[50]. Restait la V Macedonica à pourvoir d’une situation définie ; des inscriptions d’Ammouas (Emmaüs Nicopolis)[51] feraient croire qu’elle séjourna quelque temps dans cette localité[52], mais peut-être aussi n’y laissa-t-elle qu’un détachement, lors de son retour en Mésie[53]. Survint ensuite la création, sous Trajan, de la province d’Arabie : elle fut commise à la garde de l’unique III Cyrenaica, appelée d’Égypte. Enfin, après la suprême insurrection des Juifs, une légion supplémentaire put paraître nécessaire en Judée ; on y transféra sans doute la VI Ferrata[54]. Ainsi, à partir d’Hadrien, et pour une période plus longue, nous pouvons dresser la nomenclature suivante : En Syrie : III Gallica, à Raphanée au temps de Ptolémée[55] ; on la voit campée en Phénicie sous Marc-Aurèle et plus tard[56] ; IV Scythica, dont l’emplacement reste indéterminé, mais qui sans doute demeura toujours dans le nord de la province[57] ; et XVI Flavia Firma[58]. En Palestine : X Fretensis, à Jérusalem ; et VI Ferrata, de campement incertain. En Arabie : III Cyrenaica, à Bostra. En Cappadoce : XII Fulminata, à Mélitène, et XV Apollinaris, à Salala[59]. Dans l’élude des garnisons doit se placer une observation de quelque intérêt ; il convient de remarquer la lente, mais progressive pénétration des forces romaines. Au début, les légions ont leurs quartiers généraux dans la région d’Antioche, à Laodicée et à Cyrrhus, à Alexandrette (?)[60] ; les soulèvements juifs, les difficultés persistantes du côté de l’Arménie maintiennent en place, par leur équilibre, cet axe principal, mais provoquent, à de plus grandes distances, une occupation effective et permanente. Jérusalem, Mélitène deviennent des villes de garnison ; on laisse encore cependant les grosses unités assez près de la côte ; Ledjoun n’en est éloigné que de vingt milles ; Raphanée de peu aussi ; derrière Mélitène[61] reste la garnison de Satala ; la III Gallica demeure en Phénicie. Puis on avance davantage : une légion est établie à Bostra ; on en met une autre à Samosate. Les annexions de Trajan, bientôt désavouées par Hadrien, l’Arabie exceptée, n’avaient pu donner l’idée d’établir de gros contingents au-delà de l’Euphrate. Cette pensée se fait jour avec Septime Sévère, créateur des légions parthiques[62]. Il y en eut trois de formées à peu près simultanément, et toutes trois durent prendre part aux expéditions de Caracalla et de ses successeurs contre les Parthes ; mais toutes trois ne restèrent pas, durant les intervalles de paix, cantonnées en Mésopotamie. Dion Cassius (LV, 24) ne l’affirme que de la première et de la troisième. Parmi celles-ci, il en est une sans doute qui eut, au moins pour un temps, ses statiua en Osrhoène[63], quitte à se déplacer temporairement, suivant les besoins de la situation militaire. Ainsi un préfet de la I Parthica est l’objet, au temps des Philippes, d’une dédicace trouvée à Bostra[64]. Une inscription d’Apamée mentionne Septimius Zenostratus, soldat de la I[65] Parthica Severiana P. Fel. Fid. Aet., puis centurion princeps posterior de la IXe cohorte[66]. Le nom de la III Parthica figure sur des monnaies frappées à Sidon sous Élagabale[67] ou à Resaina sous Sévère Alexandre et Trajan Dèce[68]. Ce sont encore là, je suppose, des résidences transitoires[69] qu’expliquent les troubles contemporains[70]. Quant à la IIe, son cantonnement normal, au IIIe siècle, était en Italie, à Albano ; Caracalla en transféra une partie en Orient, où elle ne séjourna pas au-delà du règne d’Alexandre Sévère[71]. Le règne d’Aurélien, si important par les événements qu’il vit s’accomplir dans cette partie du monde, n’amena pas de changements essentiels à cette organisation ; les diverses légions, dissoutes lors de la rupture entre Gallien et Zénobie, furent reconstituées par cet empereur[72], Restitutor exerciti, comme disent les monnaies, et reprirent leurs anciens statiua[73]. Seule, la VI Ferrata de Palestine avait peut-être déjà disparu ; du moins on n’en a plus de nouvelles à cette date ; on a coutume de dire que tout souvenir d’elle fait défaut à partir de Sévère Alexandre ; cela ne paraît pas rigoureusement exact : sa marque figure sur une monnaie de Damas, que de Saulcy attribuait à Julie Mammée, mère de ce prince, et que W. Wroth[74] estime devoir être restituée à Otacilia Severa, femme de Philippe l’Ancien. On gagnerait ainsi quelques années. Pourtant cette armée s’accrut d’une unité nouvelle, la I Illyrica, recrutée parmi les Illyriens qu’Aurélien avait conduits en Orient contre Zénobie[75] ; elle resta à la disposition du duc de Phénicie[76]. De ces différents corps, quelques-uns furent empruntés parfois pour des opérations dans d’autres parties de l’empire[77] ; mais la rareté du fait montre une fois de plus le caractère redoutable des voisins que Rome s’était donnés de ce côté. Une autre question a pour nous un intérêt supérieur : quelles sont, parmi ces légions, celles qui prirent part aux expéditions contre les Parthes (ou Perses), ou aux deux guerres contre les Juifs ? Et quels renforts leur vinrent de l’extérieur ? Ce que nous savons ou pouvons conjecturer conduit au tableau que voici : Guerre de Corbulon et Paetus en Arménie : III Gallica[78] (Tacite, Ann., XIII, 38-40 ; XV, 26 sq.). IV Scythica (CIL, XIV, 3608). V Macedonica, VI Ferrata (Tacite, Ann., XV, 7, 26). X Fretensis (Ibid., XIII, 8, 35 ; XV, 10). XII Fulminata, XV Apollinaris (Ibid., XV, 25, 26). Première guerre de Judée[79] : 1.000 hommes de la III Cyrenaica (Tacite, Hist., V, 1 ; Jos., B. J., V, 44). 2.000 hommes de la IV Scythica (Tacite, Ann., XV, 17). V Macedonica (Jos., B. J., III, 8 et 65). X Fretensis (Jos., B. J., III, 8 ; IV, 13, etc., etc. ; CIL, X, 6659). XII Fulminata (Jos., B. J., II, 500 ; V, 41, 467). XV Apollinaris (Jos., B. J., VII, 19). 1.000 hommes de la XX Dejotariana (Jos., B. J., V, 44 ; Tacite, Hist., V, 1 ; Eph. épigr., V, p. 577). Guerre parthique de Trajan : Détachement de la III Cyrenaica (?) (CIL, X, 3733). IV Scythica (CIL, III, 10336). VI Ferrata (CIL, X, 5829). Détachement de la X Fretensis (CIL, VI, 1838). XV Apollinaris (? Ce n’est pas attesté, mais il y a vraisemblance ; auparavant elle était en Pannonie, et sous Hadrien elle se trouve en Cappadoce ; la guerre de Trajan dut fournir l’occasion de son retour en Orient). XVI Flavia Firma (CIL, X, 1202). Deuxième guerre de Judée[80] : Détachement de la III Cyrenaica (CIL, XIV, 3610 ; L’Année épigr., 1895, n° 77). Détachement de la III Gallica (CIL, XII, 2230). IV Scythica (CIG, 4033, 4034 ; douteux ; cf. Schürer, op. laud., p. 689, note 117). Détachement de la VII Claudia (?) (CIL, V, 3733). X Fretensis (CIL, III, 7334). Détachement de la X Gemina (?) (CIL, VI, 3505). XXII Dejotariana (? Elle aurait disparu dans l’expédition d’Hadrien contre les Juifs, d’après Tromsdorff (Quaestiones ad historiam legionum spectantes, Lipsiae, 1896, p. 92 sq.), car on n’en a plus de nouvelles après le début du ue siècle ; et d’autres ont dit : dans la guerre parthique de Trajan. On ne sait). Peut-être encore la VI Ferrata et des détachements de la V Macedonica et de la XI Claudia (Schürer, p. 687, note 116). Guerre parthique de Marc-Aurèle et Vérus[81] : VI Ferrata (?) (CIL, V, 955 — date restituée !) A partir de ce moment, les garnisons de Syrie ne semblent plus fournir le contingent principal ; Rome appelle des troupes d’Occident, et, notamment pour disposer d’une cavalerie meilleure, fait de larges emprunts aux troupes danubiennes[82]. Partiellement ou en totalité (?) : I Minervia (CIL, III, 1457 ; VI, 1377, 31640). II Adiutrix (Rev. archéolog., 1893,1, p, 396, n° 88 ; cf. CIL, VIII, 18893). V Macedonica. Détachement de la X Gemina (Cf. Ritterling, De leg. Rom. X Gemina, Lipsiæ, 1885, p. 59). XI Claudia. Expédition énigmatique sous Commode en Arménie (?) : Vexillatio de la XV Apollinaris (CIL, III, 6052 ; inscr. trouvée près d’Etschmiadzin). Passé ce règne, il devient extrêmement difficile d’indiquer les légions qui participent aux campagnes. Les inscriptions qui mentionnent un bellum Parthicum ou Persicum sont très rares, et impossible de les dater avec précision. Septime Sévère avait emmené notamment contre Niger la I Minervia[83] ; peut-être s’en servit-il contre les Parthes. Dans une inscription d’Aradus[84] est mentionné un centurion de cinq légions, dont trois habituellement en Syrie ; les deux autres sont la XX Valeria Victrix et la I Minervia, qui vinrent sans doute dans cette province pour une guerre, celle de Septime Sévère ou la suivante. Guerre parthique de Caracalla : III Cyrenaica (CIG, 4610, 4651 (?) — à cette époque remonterait l’épitaphe donnée dans Waddington, 1927). II Adiutrix[85] (CIL, III, 3344, 10572). XIV Gemina (CIL, III, 4480). V Macedonica (?) (CIL, III, 6189) et peut-être des vexillationes des autres légions de Mésie (Ritterling, Rhein. Mus., N.F., LIX (1904), p, 195). Guerre persique d’Alexandre Sévère : Détachement de la VII Claudia (?) (Wiener Jahreshefte, VIII (1905), Beiblatt, p. 19-20, n° 58)[86]. Guerre persique de Gordien III : Détachement de la I Adiutrix (CIL, III, 196). Guerre contre Zénobie[87] : III Gallica (Vit. Aurelien, 31, 7). Pas d’autre attestation précise. Zosime (I, 52) indique la participation des légions danubiennes et des contingents des provinces d’Asie reconquises. Il en fut de même quand Aurélien marcha ensuite contre les Perses[88]. Le rôle effacé des légions d’Orient explique a pénombre où elles sont comme plongées dans les sources littéraires : rien qui permette d’éclairer cette question toujours débattue du costume et de l’armement des légionnaires. Les indications de Josèphe sont vagues et décousues : Les fantassins ont casque et cuirasse ; chacun porte deux épées : celle du côté droit, bien plus courte, forme une sorte de poignard. Des soldats choisis, qui accompagnent le chef, sont armés de la lance et du bouclier. Les cavaliers ont une longue épée à droite, une lance en main, un bouclier en écharpe, au côté du cheval, et un goryte (fourreau) avec trois javelots, ou davantage, à large pointe. Cuirasse et casque comme chez les fantassins[89]. S’agit-il seulement des légionnaires, citoyens romains ? On ne sait. Nos documents attestent surtout le besoin d’une tactique et d’un équipement qui n’étaient pas dans l’usage courant des légions : archers et frondeurs apparurent, dès les premiers temps[90], comme un élément indispensable et primordial dans les guerres d’Orient ; et ce sont les auxilia qui les fournissaient, et les troupes irrégulières. Il n’y aurait pas moins d’intérêt à savoir dans quelles contrées principalement se recrutaient les légionnaires d’Orient. Sur ce point l’épigraphie nous laisse presque entièrement dépourvus d’informations : la plupart des épitaphes se taisent sur la natio ou la domus du défunt, et ce silence est susceptible de plusieurs explications. Du vétéran, définitivement établi et acclimaté en Syrie, on ne se rappelait plus guère la famille, le lieu de naissance. Au simple soldat, mort accidentellement, sans famille, s’il venait de loin, ses camarades n’élevaient qu’une humble stèle portant son nom et sa qualité, sans autre indication ; dès lors l’inscription pouvait être grecque même pour un homme de langue latine. Enfin appliquons ici la théorie générale du recrutement légionnaire : s’il se fit localement en Orient, comme ailleurs, du milieu du IIe siècle environ au milieu du IIIe[91], on comprendra sans peine qu’une pareille mention ait été d’habitude négligée : la ville du soldat mort loin de chez lui n’intéressait personne et d’ailleurs la vanité municipale n’atteignit point en Syrie à cet épanouissement qu’elle eut en Asie Mineure[92]. Au surplus, la pratique du recrutement sur place pourrait bien avoir reçu plus tôt qu’ailleurs son application dans les contrées qui nous occupent. La question vaut qu’on s’y arrête. On va voir que l’évolution des institutions militaires[93] s’accomplit en Orient avec une grande rapidité ; on dirait que la Syrie a sous ce rapport devancé le reste de l’empire. Lorsque Auguste établit sur des bases nouvelles le monde romain, la Syrie était — avec l’Égypte, — parmi les provinces réputées non pacifiques, partant impériales, la plus éloignée de Rome de beaucoup. L’Asie Mineure, voisine, demeurait ou vide de troupes, ou préservée par un système d’états vassaux, pourvoyant eux-mêmes à la sûreté des confins. De là une difficulté particulière pour le transport des contingents, une tendance fatalement plus grande vers la méthode qui devait se généraliser au IIe siècle. Au milieu de la bataille de Crémone, Vespasien apostrophe les prétoriens ; ensuite, raconte Tacite[94], undique clamor et orientem solem (ita in Syria mos est) tertiani salutavere. Les soldats de la légion III Gallica avaient coutume de saluer le soleil levant ; tel Chosroes, lorsqu’après avoir surpris Antioche il alla se baigner au jour naissant dans le golfe d’Issos, devant Séleucie de Piérie abandonnée[95]. Or, cette légion venait à peine, la guerre de Corbulon finie, d’être transférée en Mésie. Faut-il croire que ceux qui la composaient, quoique nés sous d’autres cieux, avaient vite adopté les usages syriens ? Il semble plus probable que beaucoup d’entre eux étaient de Syrie même, dès l’an 69, à l’avènement de Vespasien. On s’expliquerait ainsi les qualités médiocres dont faisaient souvent preuve les garnisons de cette province, leur indiscipline invétérée, où se marquait quelque chose de l’esprit frondeur et indépendant, des passions de jouissance des gens d’Antioche. Nous n’avons pas, malheureusement, vu l’extrême rareté des inscriptions, surtout pour le premier siècle, les moyens de contrôler l’hypothèse où le dire de Tacite nous conduit. Ajoutons que les peuples séparés de l’empire par l’Euphrate et les déserts arabiques avaient une prédilection pour les attaques inopinées ; sans le recrutement local, on eût mis peut-être trop de temps à tenir au complet les cadres de l’armée. Enfin la Syrie est toute en longueur ; ses voisins du désert campaient, changeaient de place, faisaient la maraude par petits groupes ; il fallait leur opposer un grand nombre de vedettes. D’où cette double conséquence : la légion, de bonne heure, se morcelle[96] ; on a toutes les peines du monde à connaître le quartier général de chacun de ces corps ; les inscriptions sur lesquelles on s’appuie, par leurs contradictions apparentes, entre elles ou avec les textes littéraires qui rarement jettent un jour sur la question, donneraient à penser que les légions se déplaçaient sans cesse, dans un vaste rayon. A mon sens, il y a moins déplacement que fractionnement[97]. A la fin de la République, les campagnes contre les Parthes se faisaient avec des légions à effectifs complets ; dès le temps de la première guerre juive semble prédominer le système des vexillationes[98] ; ce sont surtout des détachements qui composent l’armée d’Hadrien, lors du soulèvement de Barkokeba. Mais de plus le cantonnement des troupes par faibles unités leur fait contracter des habitudes qu’elles n’auraient pas prises, toutes cohortes réunies. Elles ont sous les yeux un exemple qui n’est pas sans les influencer : le gouvernement de Rome s’est accoutumé à attribuer des territoires, vers les frontières, aux tribus arabes sans organisation urbaine ; ces nomades alors se fixent davantage au sol. De même, les soldats de tel ou tel castellum reçoivent un petit domaine aux alentours, qu’ils cultivent en communauté. Les castriciani ou castellani changent de caractère, deviennent soldats-laboureurs, plus laboureurs que soldats. L’expérience ainsi tentée avec les Saracènes vaut mieux que celle qu’on a faite d’un grand état feudataire, celui d’Odenath et de Zénobie. Mais même si le limes est tranquille, tout péril n’est pas conjuré ; aux grandes armées de la Perse on ne peut plus opposer ces troupes alanguies ; on en appelle de loin de plus énergiques et de plus rudes. Aussi, comme le dit Mommsen, la suprématie militaire des provinces illyriennes domine tout le IIIe siècle. On s’habitue à compter moins, pour la défense d’une province, sur les troupes qui y tiennent garnison ; le renforcement de l’élément comitatensis se prépare spontanément[99]. B. DEPUIS LE IVe SIECLE. — Dioclétien, à vrai dire, a voulu enrayer ce mouvement, et il y est parvenu dans une certaine mesure[100]. Homme d’ordre et de discipline, il aimait à maintenir chacun à son rang, et chaque chose à sa place. Après la restauration de l’unité de l’empire, il résolut de rendre impossible pour l’avenir le séparatisme des provinces éloignées, que favorisait le système de la dislocation des troupes à la fin d’une guerre. Ses efforts durent se porter principalement sur les Gaules et l’Orient. Nos sources ne détaillent pas son œuvre ; nous savons seulement que le nombre des troupes fut par lui plus que quadruplé et qu’il s’occupa surtout des forteresses et garnisons de frontières[101]. Les légions avaient déjà un effectif réduit ; pour faire compensation, il les multiplia, et les nouvelles eurent un contingent de 1.000 hommes seulement. C’est sans doute lui qui créa et fixa en Arménie la V Scythica, qui eut courte vie puisque la Notitia dignitatum ne la connaît plus ; lui encore qui organisa la I Pontica campée à Trébizonde, dont un préfet figure dans une inscription de son règne[102], et la IV Martia d’Arabie, sans parler de bien d’autres dont les noms (comme IV Parthica) trahissent la préoccupation de la garde des limites[103]. Sur les cantonnements des légions depuis lors, nous n’avons de renseignements que pour le commencement du Ve siècle, par la Notitia dignitatum, dont Mommsen encore a fixé la rédaction définitive à 425 après J.-C.[104] Elle révèle avec la plus grande netteté la prolongation de ce mouvement centrifuge que j’ai déjà indiqué. La plus excentrique des légions, la III Cyrenaica[105], reste à son poste de Bostra, mais cette province, presque désertique pour une bonne part, reçoit un corps supplémentaire, la IV Martia, sise à Betthoro[106]. La Mésopotamie appelle des observations analogues : elle n’avait jadis que les deux légions parthiques (I et III). La I Parthica[107] va à Constantia[108] ; la III, suivant la conjecture exposée plus haut, à Apadna, tout près d’Amida ; la II revient d’Italie et on l’établit à Cefa[109], presque au bord du Tigre ; une IV est fondée pour occuper Circesium[110], à la limite même de l’empire ; il y en eut encore une V, qui fut placée (par Dioclétien sans doute) à Amida ; elle y était sous Constance et Julien[111], y fut anéantie[112] et non remplacée. En Syrie, la III Gallica se retrouve à Danaua[113], entre Damas et Palmyre, en vertu d’un progrès vers l’intérieur que nous ne pouvons mesurer, mais certain ; la IV Scythica, qui campait en un point imprécis du nord de la province, va à Oresa[114], près de Palmyre. A Palmyre même, Dioclétien et ses collègues castra feliciter condiderunt[115], pour y placer la I Illyricorum[116]. La XVI Flavia seule modifie assez peu ses positions ; de Samosate elle est transférée à Sura[117]. La X Fretensis de Palestine, jadis à Jérusalem, est confinée à Aïla[118], au fond du golfe que forme la mer Rouge à l’est du Sinaï[119]. Quant aux deux légions de Cappadoce (devenue Arménie), elles restent dans leurs campements respectifs, à Mélitène et à Satala[120]. La nouvelle I Pontica de Trébizoude, in Ponto[121], occupait la tête de ligne des convois d’approvisionnements qui empruntaient le Pont-Euxin. Enfin le praeses Isauriae fut fait comes rei militaris et eut à sa disposition les légions II et III Isaura, dont la Notitia dignitatum n’indique pas les cantonnements[122]. L’accroissement eût été peu considérable s’il s’était borné là et ne justifierait pas à lui seul les témoignages contemporains invoqués précédemment. Mais nous savons que Constantin prit le contre-pied des mesures de Dioclétien : il augmenta abusivement les contingents destinés à fournir les soldats de campagnes ; par suite, il diminua ceux qui stationnaient aux frontières[123]. De là cette catégorie assez singulière des légions pseudocomitatenses, comme les appelle la Notitia, corps de surveillance jadis, troupes de réserve pour la guerre désormais, qui n’étaient pas encore à cette époque assimilées aux comitatenses, celles-ci prévues dès le principe exclusivement pour le service en campagne. Les noms de plusieurs d’entre elles révèlent encore cette origine : ce sont les I et II (sagittaria) Armeniaca[124], la I Isaura sagittaria[125], la VI Parthica[126]. Il en est de moins significatifs : I Italica[127], IV Italica[128]. Il est très remarquable qu’à cette basse époque romaine, — où l’art des distinctions et des prévisions de détail était plus grand que celui de les rendre très claires, — même parmi les troupes qui furent toujours réservées au service en campagne (comitatenses)[129], les unes ne servaient qu’en Orient, les autres qu’en Occident[130]. Les premières sont : la I Flavia Theodosiana[131], la II Felix Valentis Thebaeorum[132], la II Flavia Constantia Thebaeorum[133], la V Macedonica[134], la VII Gemina[135], la X Gemina[136], la I Flavia Constantia[137]. De quelque légion Martia inconnue, ou de la IV Martia démembrée, provenaient les Martenses Seniores, également sub dispositione magistri militum per Orientem[138]. Ajoutons que les légions palatines, formées de gardes du corps chargés de la défense personnelle de l’empereur, allaient aussi en Orient, quand le prince lui-même s’y rendait, chose rare depuis le Ve siècle[139]. Dans cette organisation, où le mystère est la règle, d’autres corps paraissent avoir reçu une formation de type légionnaire[140] ; du moins ils sont comptés dans la Notitia au nombre des légions, bien que n’ayant aucun numéro d’ordre. Il est question de légions plusieurs fois dans Ammien ; on y voit en opérations certains corps portés ou non à la Notitia : la XXX Ulpia combat sous Constance II contre Sapor[141] ; à Singara, ce sont la I Flavia et la I Parthica[142] ; à Bezabde, la II Flavia, la II Armeniaca et la II Parthica[143] ; à Amida, d’autres que la Notitia ne connaît plus ou cite sous d’autres noms : la V Parthica, les Magnentiaci et Decentiaci, troupes de Gaule qu’Ammien n’appelle que de leurs anciennes qualifications ; les Tricensimani, provenant d’une légion rhénane[144] ; les Decimani Fortenses, troupes de Pannonie, semble-t-il ; les Superventores et Praeventores, depuis lors oubliés. Cette énumération d’Ammien, le chiffre total de 20.000 hommes qu’il donne pour la garnison d’Amida, qui comprenait sept légions et des auxilia, nous montrent ce qu’était déjà devenue la légion. Non seulement elle avait diminué en effectif[145], mais on s’habituait à désigner de ce nom un simple détachement, ou n’importe quelle troupe de pied de l’armée de réserve, ou des corps de soldats très spéciaux, sûrement peu nombreux, comme, par exemple, les balistarii. Le terme même de légion a dû disparaître du langage[146] ; les noms, cependant, de quelques-unes de ces anciennes unités tactiques ont pu subsister plus longtemps, comme de simples qualificatifs : ainsi Théophylacte Simocatta connaît encore les Κουαρτοπάρθοι[147], débris manifestes de la IV Parthica. Dans la Notitia, la legio occupe un rang peu élevé, juste avant les ailes et les cohortes. Déjà elle n’a plus une organisation uniforme, comme on le voit aux noms des legiones comitatenses. Quand sa physionomie sera devenue entièrement indistincte, le terme encore plus général de numerus l’éclipsera. § II. — Les troupes alliées, aux premiers temps de l’occupation. Il ne faut pas confondre les troupes que fournissaient les États vassaux, liés à Rome par un traité, avec les auxilia, corps non légionnaires formés et organisés — sinon armés — à la romaine. Cette distinction n’est pas toujours faite très rigoureusement dans nos sources ; les auteurs, aux différentes époques, s’expriment à cet égard de façon très inexacte[148]. Cela tient peut-être en partie à ce que, plus d’une fois, des fédérés passèrent en masse à la qualité d’auxilia[149]. Les historiens abusent des expressions vagues : ainsi Plutarque[150] nous dit que Crassus, qui marchait le long de l’Euphrate, έπτα μέν ξχων όπλιτών τάγματα — et ceci semble bien désigner des légions — avait, en outre, un peu moins de 4.000 cavaliers et à peu près autant de vélites ; il est probable — et rien de plus — qu’il veut indiquer par cette périphrase les ailes et les cohortes auxiliaires, que d’ailleurs il ne détaille pas. Dion Cassius[151] signale les frondeurs d’Antoine qui avait surtout avec lui des cavaliers celtes et espagnols, mais en petit nombre, car il comptait sur la cavalerie arménienne, laquelle lui fit défaut, tant par sa faute que par celle de son allié. Je ne crois pas qu’il faille voir une politesse banale dans l’acte d’Antoine échangeant contre des soldats mèdes un corps de légionnaires romains[152] : ces cavaliers lui paraissaient indispensables pour son expédition ; ils lui avaient bien manqué dans une campagne précédente ; il accepta donc très volontiers les renforts du roi des Mèdes[153]. Ses légionnaires avaient fait parfois bonne contenance, surtout dans la défensive ; mais trop lourds d’allure, céclant facilement à leurs désirs ou à leurs besoins dangereux à assouvir, ils fondaient en route, épuisés par les maladies[154]. Il n’y a pas de doute qu’Antoine usa largement des contingents levés en Syrie à titre de fédérés. Il jouait au potentat universel, distribuait des royaumes, se faisait en revanche amener des renforts par les roitelets qu’il avait consacrés, en vue de la grande lutte contre Octave, qui déjà se préparait. Jusque-là, malgré tout, les légions romaines avaient gardé le premier rôle dans les opérations militaires. La politique d’Auguste donna la prépondérance aux troupes alliées. Il n’avait organisé que la province de Syrie, où stationnaient des éléments médiocres ; il envisageait l’aide locale des petits souverains qu’il avait établis ou maintenus un peu partout : rois de Commagène et de Pont, princes de Sophène et de Petite-Arménie, sans parler de la poussière de principautés qui couvrait la Syrie même, du nord au sud. C’était une solution économique et relativement satisfaisante, puisqu’encore sous Néron Corbulon n’amena d’Occident que trois légions, ne trouva dans la plupart des corps romains que de maigres ressources et tira parti principalement des recrues fournies par les princes des marches-frontières. Lui-même fit des enrôlements dans les rudes contrées de Galilée et de Cappadoce et se préoccupa avant tout d’attacher à son service une cavalerie légère indigène[155]. La vanité des historiens romains laisse néanmoins percer la vérité : ce sont les fœderati qui donnèrent la victoire à Corbulon[156]. La situation ne fut pas entièrement différente durant la guerre de Vespasien et Titus. Quand on eut affaire aux ennemis en rase campagne, les soldats romains se trouvèrent trop pesamment armés pour pouvoir échapper aux coups des Juifs, dispos et légers, qui les harcelaient[157]. Le désastre de Cestius, où deux légions eurent tant à souffrir, obtint un long et douloureux retentissement. Les sorties des Israélites assiégés étaient enfin très meurtrières. Mais l’expédition ayant bientôt dégénéré en guerre de sièges, les qualités propres aux contingents non romains ne conservèrent pas la même prééminence. Ils étaient nombreux encore toutefois[158] et simplifiaient pour l’empire la question des transports de troupes. Vers le même temps, la plupart des petites souverainetés syriennes disparurent ; les renforts qu’elles avaient fournis furent admis parmi les auxilia proprement dits, et en effet il ne nous est plus parlé, au temps d’Hadrien, d’une participation des états clients à la répression de la dernière révolte, fomentée par Barkokeba. Ainsi, une période est close en quelque sorte, — que rouvriront les Byzantins, — et une autre commence, celle de la prépondérance des auxilia organisés à la romaine et commandés par des Romains[159]. § III. — Les Auxilia : ailes et cohortes. La légion était propre à toute expédition ; mais, suivant l’adversaire à combattre, on puisait dans les réserves d’auxilia tel ou tel type de guerriers qu’elle-même ne fournissait pas. Ces troupes auxiliaires, en effet, gardaient souvent, sous un chef romain, leurs armes traditionnelles et quelque chose d’une tactique particulière. Certains monuments figurés nous éclairent à cet égard, trop rarement, et pour l’Orient je n’en vois qu’un à citer. Une stèle du musée d’Athènes[160], trouvée à Sparte, présente en pied l’effigie d’un homme appartenant sans doute à une cohorte auxiliaire[161]. Il est revêtu d’une cuirasse d’éclisses, à moitié cachée sous un manteau, d’une tunique, de demi-bottes et d’un pilos comme coiffure. Il est armé d’un bouclier ovale, d’un glaive droit, à longue poignée permettant de le saisir des deux mains, et d’une courte massue qui est le détail le plus remarquable de ce monument[162]. Il s’agit malheureusement ici d’un type de guerrier un peu exceptionnel : les levées en Grèce propre ont dû être peu considérables[163]. Aucune division chronologique ne paraît nécessaire dans le chapitre des auxilia. Ces unités tactiques semblent avoir échappé, plus que n’importe quelle autre, à toute contamination, depuis leurs origines jusqu’à leur disparition, qui date au plus tôt du Ve siècle, puisque ailes et cohortes foisonnent dans la Notitia, sous les mêmes dénominations que jadis[164]. On souhaiterait fort de pouvoir indiquer, même dans la mesure très insuffisante où nous l’avons fait pour les légions, ceux de ces corps de troupes qui appartinrent, aux différentes époques, à la garnison permanente, et ceux qui furent extraordinairement appelés pour le service de guerre[165]. Mais c’est là une tâche impossible. Dans l’étude de ce problème, les sources littéraires sont absolument inutilisables, à une exception près[166]. Les ailes ou cohortes ne sont presque jamais mentionnées par les auteurs[167], d’abord, je pense, en raison de leur faiblesse numérique, et probablement aussi parce qu’elles étaient peu considérées. Même les écrivains provinciaux affectaient de s’exprimer comme les Romains, de partager leurs idées ou leurs préjugés ; or, la presque totalité de ces menues divisions ne comprenait pas de citoyens romains. Quelquefois cependant les historiens mentionnent les hauts faits, dans un engagement, des Phrygiens, des Daces, des Gaulois, etc. Lorsque ces noms de peuples se retrouvent dans la qualification d’une aile ou d’une cohorte, faut-il admettre que cette aile ou cette cohorte était présente à la bataille ? Une telle conclusion ne laisserait pas d’être imprudente. Un quelconque de ces auxilia est dénommé d’après la souche ethnographique à laquelle appartenaient ceux qui y entrèrent au moment de sa formation ; mais il ne reste pas dans son lieu d’origine ; il lui arrive de voyager beaucoup[168] ; les vides qui se creusent dans ses rangs sont comblés à l’aide de recrues prises dans les nouveaux cantonnements, donc parmi d’autres races[169] ; le nom même ne garde plus qu’une valeur toute relative et qui peut devenir absolument illusoire[170]. Par suite, l’interprétation des textes en question est des plus hasardeuses. On comprend très bien alors que certaines ailes et cohortes aient reçu, au lieu d’un nom de peuple, un qualificatif rappelant le gouverneur de province qui les avait organisées le premier. L’épigraphie surtout nous est cette fois d’un grand secours, parce qu’on peut utiliser des inscriptions de diverses contrées, ainsi lorsqu’elles donnent à un corps d’auxilia l’épithète Syriaca. De plus, une chance d’erreur, qui était très grande à l’égard des légions, disparaît à peu près ici. Il est très naturel qu’une légion, grosse unité de combat, détache plusieurs vexillationes ; on comprendrait moins facilement qu’il se fît de nombreuses divisions dans une cohorte, de 500 à 1.000 hommes à effectifs complets. Le bataillon ou l’escadron à peu près en entier, sans doute, suit normalement son praefectus[171]. Enfin nous tirerons grand parti de la Notitia dignitatum ; peut-être reflète-t-elle une organisation idéale plus qu’un réel état de choses, et les cadres de l’an 425 ont bien pu offrir de grandes lacunes[172]. Nous ferons abstraction de cette hypothèse, dont il est impossible de tenir compte dans la pratique, et nous donnerons la double liste des cohortes et des alae dont la présence nous est attestée à un moment quelconque et sur n’importe quel point du domaine géographique qui intéresse notre sujet, en suivant l’ordre alphabétique et sans distinguer entre les provinces. La Notitia seule permettrait un groupement géographique complet ; or il n’y a pas d’inconvénient à la négliger, puisque les listes qu’elle nous donne restent toujours utilisables. Il suffirait, pour renoncer à cette méthode, de songer au grand nombre d’auxilia auxquels furent empruntées les vexillationes de Lollianus, et dont nous savons seulement qu’ils étaient d’une façon générale en Orient sous le règne de Trajan. D’ailleurs serait-ce beaucoup préciser que de dire : Au premier siècle, telle cohorte campait ou opérait en Syrie, lorsqu’on ne peut spécifier le cantonnement ? La Syrie d’alors était très vaste ; les provinces d’Orient sont de celles que la réforme dioclétienne a le plus subdivisées ; l’Afrique, par exemple, le fut beaucoup moins. L’ordre auquel je m’arrête est celui qu’avait adopté C. Cichorius dans ses deux nomenclatures, dressées avec beaucoup de science et de conscience, et qui s’étendent à tout le monde romain[173]. Je lui suis très redevable ; mais j’ai dû compléter son travail, à l’aide des documents mis au jour depuis lors. Je lui ferais volontiers le reproche de n’avoir donné place aux indications de la Notitia que lorsqu’elle mentionne des auxilia déjà connus par des témoignages d’époque antérieure ; une telle distinction n’est pas très justifiable ; puisque ce document atteste dans bien des cas la persistance du régime précédent, il convient de l’utiliser sans restrictions. Après lui seulement se marque la grande coupure ; après lui disparaît toute trace des cohortes et des alae telles que les avait constitués la République, et dont la physionomie, durant quelque cinq siècles, s’était à peine modifiée. Nous ferons entrer dans ces listes même les auxilia de Palestine et d’Arabie[174], parce qu’ils étaient éventuellement appelés, eux aussi, à concourir aux opérations contre les Parthes ou les Perses. Commençons par les ailes de cavalerie, qui avaient la prééminence sur les cohortes, même mixtes[175]. Ala II nova Aegyptiorum, à Cartha de Mésopotamie — Not.[176], XXXVI, 32. Ala II Flavia Agrippiana, au Ier siècle sur le Rhin. CIL, XIII, 6235 ; Lollianus[177] en reçoit un détachement ; au IIe siècle en Syrie — Waddington, 2121. Ala I Alamannorum, à Neia de Phénicie — Not., XXXII, 3G. Ala Allactica (?) — V. Ala II Gallorum. Ala II Ulpia Auriana, en Cappadoce au IIe siècle, à Dascusa — CIL, III, 6743 ; Arrien[178], 1 ; et au Ve siècle encore, en Arménie[179] — Not., XXXVIII, 22. Ala I Bosporanorum, au Ier siècle en Syrie, dans un castel à deux heures d’Europos — CIL, III, 6707 : au IIe siècle en Dacie. Ala I Flavia Augusta Britannica miliaria bis torquata ob virtutem, d’abord en Pannonie, employée dans l’expédition parthique de Trajan — Dipl. XXXIX, de l’an 114 ; cf. CIL, III, 6748 ; puis revient en Pannonie — Dipl. LXVIII-LXIX. [Ala Caesariensium, suspecte ; dans Jos., A. J., XIX, 365 (τήν ΐλην δέ <τών Καισαρέων καί> τών Σεβαστηνών), trois mots semblent interpolés (cf. B. J., II, 236 : μίαν ΐλην ίππέων καλουμένην Σεβασηνών), ou bien ils marquent simplement le lieu d’origine d’une partie des recrues de l’Ala Sebastenorum]. Ala XV Flavia Carduenorum, à Caini de Mésopotamie — Not., XXXVI, 34. Ala noua Firma miliaria catafractaria, formée par Sévère Alexandre de troupes orientales en 234 ; combattit en Orient ; sous les Philippes, établie en Arabie — CIL, III, 99. Ala Claudia nova, en Cappadoce — CIL, III, 13635. Ala I Augusta Gemina Colonorum, prit part à la guerre juive d’Hadrien — CIL, VIII, 8934 ; vers cette époque, en Cappadoce — Arrien, 1 ; puis à Chiaca d’Arménie — Not., XXXVIII, 21. Cf. une inscription de Saura (Syrie) Dittenberger, OrGrIS, 425 = IGRRP, III, 1144). Ala Constantiana, à Toloha de Palestine — Not., XXXIV, 34. Ala II Constantiana, à Libona d’Arabie — Not., XXXVII, 27. Ala Ulpia Dacorum, en Cappadoce au IIe siècle — Arrien, 8 ; cf. CIL, VI, 1333 ; puis à Suissa d’Arménie — Not., XXXVIII, 23. Ala I Damascena, Monte Iouis de Phénicie — Not., XXXII, 33. Ala I noua Diocletiana, inter Thannurin et Horobam, en Osrhoène — Not., XXXV, 31. Ala noua Diocletiana, à Veriaraca de Phénicie — Not., XXXII, 34. Ala Antana (= Antoniniana ?) Dromedariorum, à Admatha de Palestine — Not., XXXIV, 33. Ala Valeria Dromedariorum miliaria, en 157 en Syrie — Dipl. CX ; add. CIL, III, 93, et 123 = 14160 ; au Ve siècle en Thébaïde — Not., XXXI, 57. Ala I Francorum, à Cunna de Phénicie — Not., XXXII, 35. Ala VIII Flavia Francorum, à Ripaltha de Mésopotamie — Not., XXXVI, 33. Ala Gaetulorum veterana, en Judée en 86 — Dipl. XIX ; a dû guerroyer contre les Juifs sous Vespasien — CIL, V, 7007. Ala I Flavia Gaetulorum, d’abord sur le Danube ; peut-être en Orient du temps de Gordien, mais ce n’est pas assuré — Arch.-epigr. Mitth. ans Oest.-Ung., VIII (1884), p. 22, n° 61 (= IGRRP, I, 263). Ala
II Gallorum, c’est probablement l’ίλη
ή Άλλακτική (= Γαλατική suivant l’heureuse
conjecture de Ritterling)
d’Arrien, 9 ; à Aeliana d’Arménie — Not., XXXVIII, 24 ; sans doute
différente de la suivante. Ala Ant(oniniana ?) Gallorum, en Syrie-Palestine en 139 — Dipl. CIX. Ala Gallorum et Thracum, id. Ala Herc(uliana), en 139 en Syrie-Palestine — Dipl. CIX ; cf. M. Sobernheim, Palmyrenische Inschriften, p. 10, n° 2 (Mitth. der vorderasiat. Gesellsch., 1905, 2 — X. Jahrg.) a. 167/8. Il ne faut probablement pas la confondre avec : Ala I noua Herculia, à Ammuda de Syrie — Not., XXXIII, 30. Ala VI Hispanorum, à Gomoha d’Arabie— Not., XXXVII, 26. Ala I Jovia Felix, à Chaszanenica d’Arménie — Not., XXXVIII, 31. Ala I Juthungorum, à Salutaria de Syrie— Not., XXXIII, 31. Ala miliaria ; Pline le Jeune (Epist., VII, 31), tribun militaire en Syrie sous Domilien, avait pour ami Claudius Pollio, qui præerat alæ miliariæ ; c’est peut-être l’Ala I mil. de Hasta de Palestine — Not., XXXIV, 36, plutôt qu’une des suivantes : Ala II miliarensis, à Naarsafari d’Arabie — Not., XXXVII, 28. Ala IXmiliaria, à Auatha d’Arabie — Not., XXXVII, 25. Ala Pannoniorum ; Tacite (Ann., XV, 10) nomme, dans l’armée de Corbulon, alares Pannonios robur equitatus ; probablement une des alæ Pannoniorum, temporairement emmenées de Mésie en Orient. Ala II Paphlagonum, à Thillafica d’Osrhoène — Not., XXXV, 29. Ala I Parthorum, à Resaia d’Osrhoène — Not., XXXV, 30 ; on ne voit pas si c’est l’ancienne Ala I Augusta Parthorum de Maurétanie, ou l’Ala Parthorum veterana, en Dalmatie avant la Notitia (CIL, III, 8746). Ala I Phœnicum, à Rene de Phénicie — Not., XXXII, 38. Ala Phrygum, en Syrie au Ier siècle — CIL, II, 4251 ; la même probablement que la suivante : Ala VII Phrygum, en Syrie-Palestine en 139 — Dipl. CIX ; cf. peut-être l’Ala septu[m]a d’une inscription de Caïffa — Germer-Durand, Échos d’Orient, VIII (1905), p. 12. Ala I Praetoria civium Romanorum, en Orient au temps de Lollianus ; cf. οί τών Ίταλών ίππεΐς sous un ίλάρχης, dans Arrien, 9 ; à rapprocher de l’Ala I Praetoria nuper (nom de lieu corrompu) constituta, en Arménie — Not., XXXVIII, 26. Ala Rizena, à Aladaleariza dans le Pont — Not., XXXVIII, 17. Ala I Salutaria, Duodecimo constituta, en Osrhoène — Not., XXXV, 34. Ala II Salutis, à Arepha de Phénicie — Not., XXXII, 39. Ala I Saxonum, à Verofabula de Phénicie — Not., XXXII, 37. Ala Sebastenorum, formée de Samaritains à Césarée ; en Judée en 44 (Jos., A. J., XIX, 365), en 51 (ibid., XX, 122 ; B. J., II, 236) ; Vespasien la renvoya, probablement par permutation avec l’Ala I Thracum Mauretana (= en Maurétanie). Ses noms complets seraient alors : Ala Gemina Sebastenorum (CIL, VIII, 9358-9) ou (?) Ala I Flavia Sebastenorum (ibid., 17900). La même sans doute, dite miliaria, était au Ve siècle à Asuada de Palestine — Not., XXXIV, 32. Ala Singularium, dans l’inscription de Lollianus ; peut-être identique à l’Ala I Ulpia Singularium (CIL, X, 6426), qui était en 157 en Syrie — Dipl. CX ; cf. Ala I Sing(ularium) — CIL, III, 11995 ; add. p. 232853 teg. De même, ces Singulares pourraient se retrouver dans les ίππεΐς έπίλεκτοι d’Arrien, 4. Ala (Augusta) Syriaca (?) douteuse — inscr. de Lollianus. Ala Theodosiana, apud Avaxam dans le Pont — Not., XXXVIII, 18. Ala Felix Theodosiana ; deux de ce nom : l’une Silvanis dans le Pont — Not., XXXVIII, 19 ; l’autre Pithiae en Arménie — ibid., 32. Ne serait-ce pas une superfétation de la Notitia, dont le rédacteur, utilisant des documents de dates voisines, mais différentes, ne se sera pas avisé d’un transfert de la même aile d’un cantonnement à l’autre ? Il s’agit ici de la même province ! (ce qui n’est pas vrai pour l’Ala II Felix Valentiana). Ala Thracum Herculania, dans l’inscription de Lollianus ; add. CIL, XII, 1357 ; ensuite en Égypte. Ala Thracum Mauretana, qui permuta avec l’Ala I Sebastenorum (v. supra) — Dipl. XIX de l’an 86 ; ensuite en Égypte — Berlin. Griech. Urk., II, 26, 2. Ala III Thracum (in Syria), dans une inscription du temps des Flaviens — CIL, II, 4251. Ala I Valenliana, à Thainata d’Arabie — Not., XXXVII, 29. Ala II Félix Valentiana ; deux de ce nom : l’une apud Praesidium de Palestine — Not., XXXIV, 35 ; l’autre apud Adittha d’Arabie — Not., XXXVII, 30. Ala I Valeria praefectorum, à Thillacana d’Osrhoène — Not., XXXV, 27. Ala I Victoriae Touia (Jovia ?) contra Bintha en Osrhoène — Ibid., 28. Je suis bien obligé de mettre à part les deux escadrons qui n’ont pas de nom et ne se désignent que par leur lieu de garnison : Ala Idiota constituta, en Palestine — Not., XXXIV, 37. Ala castello Tablariensi constituta, en Arménie — Not., XXXVIII, 25. Cohors II Aegyptiorum, Valle Diocletiana de Phénicie — Not., XXXII, 43. Cohors V Pacata Alamannorum, à Oneuatha de Phénicie — Ibid., 41. Cohors III Alpinorum, apud Amona en Arabie — Not., XXXVII, 35 ; probablement différente de la Cohors III Alp. equitata de Dalmatie. Cohors Apule[i]a civium Romanorum, Yssiporto en Arménie — Not., XXXVIII, 34. Ritterling (Wiener Studien, loc. cit., p. 36C) croit à une erreur du copiste, qui aura trouvé dans le texte grec ΑΙΤΑΛΙΚΗ, et écrit ΑΠΑΛΙΚΗ, d’où Apaleca, et enfin Apuleta, au lieu de I Italica. La conjecture est ingénieuse ; pourtant une coh. Apuleia, du nom de quelque chef, n’est pas impossible à admettre. Pour les Άπλανοί d’Arrien, 7 et 14, Ritterling revient alors à la restitution de Grotefend : Λεπιδικνοί, tandis que Seeck, Mommsen et Cichorius proposent Άπ<ου>λ<ηι>ανοί. Tout choix serait arbitraire ; néanmoins j’inclinerais vers la première hypothèse, à cause de la coh. I Lepidiana (V. infra) qui est précisément en Arménie. Cohors quinquagenaria Arabum, à Bethellaha de Mésopotamie — Not., XXXVI, 35. Cohors III Félix Arabum, in ripa uade Afaris fluvii in Castris Amonensibus, en Arabie — Not., XXXVII, 34. Cohors I Ascalonitarum Felix equitata ; figure par un détachement dans le corps de Lolliunus ; elle est dite sag(ittaria) dans le diplôme syrien de 157 — Dipl. CX. Faisait peut-être partie de la garnison de Césarée au temps des procurateurs de Judée. — Mommsen, Berliner Sitzungsberichte, 1895, p. 501, note 5 ; cf. les objections peu fortes de Schilrer (op. cit., p. 461), basées sur une interprétation trop étroite de Josèphe. Cohors I Augusta, en Syrie sous Auguste, dans les environs de Césarée — CIL, III, 6687 ; Waddington, 2112 ; un centurion qui y appartenait accompagna à Rome l’apôtre Paul — Act. apost., 21, 1. Cohors I Bosporiana miliaria sagittariorum equitata. Une Coh. I Bosp., citée dans un diplôme pannonien de 116 (CIL, III, p. 232867, n° CV), dut être amenée de Pannonie à la fin du règne deTrajan ou sous Hadrien — Arrien, 3, 4, 18. Deux de ses praefecti devinrent tribuni militum de la leg. XII Fulminata — Archäol. Zeit., XXXVII (1879), p. 136, n° 269 ; BCH, XVII (1893), p. 35. Cette dernière inscription, il est vrai, parait être du 1er siècle ; il faudrait croire alors à un premier séjour temporaire de cette cohorte en Orient ; le second fut peut-être définitif ; au Ve siècle, il y a une Coh. mil. Bosp. à Arauraca d’Arménie — Not., XXXVIII, 29. Cohortes III et IV Brac(arum ou — araugustanorum), en Syrie-Palestine en 139 — Dipl. GIX ; peut-être amenées, l’une de Rhétie, l’autre d’Afrique (CIL, VIII, 7079), pour la seconde guerre juive. Cohors VII Breucorum civium Romanorum equitata, d’abord vers le Danube, puis emmenée peut-être en Orient sous Trajan ou Hadrien — CIL, III, 1464 ; cf. 215. Cohors VII Campestris Gordiana Pia Felix, peut-être civium Romanorum voluntariorum — Eph. epigr., VII, 740 ; à Atni, entre Damas et Palmyre, déjà sous Antonin le Pieux — Waddington, 2562m ; CIL, III, 132. Cohors I Flavia Canathenorum miliaria ; Mommsen la place à Césarée entre 6 et 41 (v. Coh. Ascalonitarum et Coh. Sebastenorum) ; cf. Waddington, 2329, 2412d. Cohors II Cantabrorum, en Judée en 86 — Dipl. XIX. Cohors X Carthaginensis, du nom de son cantonnement (?) à Cartha de Palestine — Not., XXXIV, 39. Cohors I Flavia Chalcidenorum equitata sagittariorum, en Syrie en 157 — Dipl. CX ; en 162 au castel d’Admedera, à l’est de Damas — CIL, III, 129 = 6658. Cohors V Chalcidenorum equitata ; détachement dans le corps de Lollianus. Cohors II Classica, en Orient dans les dernières années d’Auguste — CIL, III, 6687. Cohors [Cla]udia equitata [in Cappa]docia — CIL, IX, 2958 ; la I sans doute, que la Not. (XXXVIII, 36) met à Sébastopolis d’Arménie. Cohors Claudia sag(ittariorum), en Syrie en 157 — Dipl. CX. [Cohors Comm]agenorum in Cappadocia — CIL, VI, 3654 ; probablement la IV ou V, car les autres sont ailleurs, et la formule exclut un déplacement tout momentané. Cohors II Cretensis, juxta Jordanem fluvium, en Palestine — Not., XXXIV, 47. Cohors Cyrenaica, en Cappadoce — Arrien, 1, 3, 14, 18 ; n’est pas sûrement à confondre avec la suivante : Cohors III Cyrenaica sagittariorum equitata, venue en Orient de Mésie sous Néron avec la leg. V Macedonica — Notizie degli scavi, 1895, p. 342. Cohors Ulpia Dacorum, en Syrie en 157 — Dipl. CX ; probablement la I que la Not. (XXXIII, 33) place à Claudiana en Syrie. Cohors III Dacorum equitata, détachement dans le corps de Lollianus. Cohors I Damascenorum, en Syrie-Palestine en 139 — Dipl. CIX. Cohors I equitata (sans autre qualificatif) à Calamona de Palestine — Not., XXXIV, 43. Cohors II equitum, détachement dans le corps de Lollianus. Cohors I Euphratensis, à Maratha d’Osrhoène — Not., XXXV, 33. Cohors I Flavia civium Romanorum equitata, dans l’inscription de Lollianus et le diplôme palestinien CIX, de 139. On retrouve ensuite la I Flavia à Moleatha de Palestine — Not., XXXIV, 45. Cohors I Gaetulorum, à Thillaamana d’Osrhoène — Not., XXXV, 32. Cohortes I et II Ulpiae Galatarum, en Syrie-Palesline en 139 — Dipl. CIX ; la Notitia ne connaît plus que la II Galatarum, à Arieldela de Palestine (XXXIV, 44). Cohors IV Gallorum, en Syrie en 157 — Dipl. CX ; cf. CIL, III, 144171. Cohors VII Gallorum, en Syrie en 157 — Dipl. CX. Cohors V Gemina civium Romanorum, en Syrie-Palesline en 139 — Dipl. CIX. Cohors I miliaria Germanorum, en Syrie sous Gordien — Arch.-ep. Mitth. aus Oest.-Ung., VIII (1884), p. 22, n° 61 = IGRRP, I, 263 ; sans numéro, à Sisila d’Arménie dans la Not., XXXVIII, 30. Cohors I Gothorum, à Helela de Syrie — Not., XXXIII, 32. Cohors II Gratiana, à Iehibo de Palestine— Not., XXXIV, 42. Cohors Hamiorum — V. Cohors miliaria. Cohors III Herculia, à Veranœa de Phénicie — Not., XXXII, 40. Cohors II Hispanorum, en Cappadoce — CIL, III, 6760 ; IX, 2649. Cohors I Italica (Arrien, 13) voluntariorum civium Romanorum in Cappadocia — CIL, VI, 3654. Cohors II Italica civium Romanorum voluntariorum miliaria — CIL, III, 13483a ; XI, 6117. Le diplôme syrien CX, de 157, ne la dit pas miliaria. Cohors (III ou plus) Ituraeorum (sagittaria ? cf. Ritterling, loc. cit., p. 367) en Cappadoce — Arrien, 1,18. Cohors I Julia Lectorum[180], Valle Alba de Phénicie — Not., XXXII, 42. Cohors I Lepidiana equitata, de Mésie, probablement emmenée en Orient pour la guerre de Trajan ; à Caene-Parembole d’Arménie — Not., XXXVIII, 35. V. supra, Cohors Apuleia. Cohors I Ligurum (miliaria ?), dans quelque province d’Orient (?) — CIL, III, 435 = 7131. Cohortes I et IV Lucensium equitatae, détachement dans le corps de Lollianus. Cohors I Augusta Praetoria Lutitanorum equitata, en Judée en 86 — Dipl. XIX ; puis en Égypte — Berlin. Griech. Urkund., 696. Cohors miliaria (sans autre nom), en Syrie — BCH, XXI (1897), p. 45, n° 22 : στρατ. χωρτ. μιλι(αρίας) : dans une inscription de Trèves(CZfiA, 787) : [co]hortis Rhamae miliariae in Syria. Rhama, mal compris par le lapicide, est le lieu de cantonnement, Hama ; l’R est apposé pour rendre le son guttural de l’H arabe. Hirschfeld et Zangemeister (CIL, XIII, 3684) interprètent dubitativement le même texte comme suit : ex [co]hort[e pr(ima)] Ha[m(iorum)] miliaria in Syria. C’est beaucoup de restitutions ; mais on n’opère que sur des copies très défectueuses. Cohors I Montanorum, en Syrie-Palestine en 139 — Dipl. CIX ; peut-être celle de Pannonie transférée — Dipl. XVII. Cohors Numidarum sagittariorum equitata (Arrien, 3, 18 : Νόμαδες), peut-être la I — Ath. Mitth., IX (1884), p. 262. Cohors I Orientalis, à Thama de Phénicie — Not., XXXII, 44. Cohors IV Palaestinorum, à Thamana de Palestine — Not., XXXIV, 46. Cohors I Augusta Pannon(iorum), en Syrie en 157 — Dipl. CX. Cohortes II et III Ulpiae Paphlagonum, id. ; la II (equitata) dans le corps de Lollianus. Cohors I Ulpia Petraeorum equitata, représentée dans le corps de Lollianus, et en Syrie en 157 — Dipl. CX. Cohors III Ulpia miliaria Petraeorum, à Metita d’Arménie — Not., XXXVIII, 27 ; probablement equitata sagittaria (Arrien, 1 : τούς ίπποτοξότας τούς Πετραίους). Cohors IV [Ulpia ?] Petraeorum, en 139 en Syrie-Palestine — Dipl. CIX. Cohors V Ulpia Pelraeorum [equitata], représentée dans le corps de Lollianus, et en 157 en Syrie — Dipl. CX. Cohors VI [Ulpia ?] Pelraeorum, en Svrie-Palestine en 139 — Dipl. CIX. Cohors IV Phrygum, Praesidio en Palestine — Not., XXXIV, 41 Cohors I Quinquagenaria (sans autre qualificatif ; Centenaria, Seeck), à Tarba de Palestine — Not., XXXIV, 40. Cohors I Raetorum equitata, en Cappadoce — Arrien, 1. Cohors IV Raetorum equitata, id., 11, 12 ; au Ve siècle, à Analiba d’Arménie — Not., XXXVIII, 28. Cohors I Salutaria, entre Jérusalem et Jéricho, en Palestine — Not., XXXIV, 48. Cohors I Sebastenorum miliaria, en Syrie-Palestine en 139 — Dipl. CIX ; Mommsen fait sur elle la même hypothèse que sur la I Ascalonitarum et la I Canathenorum. V. ces noms. Cohors I Sygambr(or)um equitata, représentée dans l’inscription de Lollianus ; c’est probablement la I Cl[au]d(ia) Sugambr(orum) du dipl. CX qui la met en Syrie en 157. Cohors I Theodosiana, à Valentia d’Arménie— Not., XXXVIII, 33. Cohors I Augusia Thracum equitata, d’abord en Pannonie, vint en Arabie — CIL, III, 109, 110 ; probablement à titre définitif, car au Ve siècle il y a une Coh. I Thracum à Asabaia d’Arabie — Not., XXXVII, 32. En outre : Cohors I Thracum miliaria, d’abord en Syrie-Palestine en 139 — Dipl. CIX, puis à Adtitha (ou Adittha) d’Arabie — Not., XXXVII, 31. On ne voit pas s’il faut confondre l’une des deux avec la suivante : Cohors I Thracum (Syriaca) equitata, transférée plusieurs fois de Mésie en Syrie — Dipl. XIX, de 86 ; inscription de Lollianus ; CIL, III, 8262 = Wiener Jahreshefte, VIII (1905), Beiblatt, p. 19 (fin IIe S.). Cohors II Thracum Syriaca (CIL, XIV, 2957), figure dans les dipl. XIX, de 86, et CX, de 157 ; ensuite en Égypte. Cohors III Thracum Syriaca (equitata ?) — Cagnal, L’Ann. épigr., 1896, n° 35 ; dans le dipl. syrien CX, de 157, c’esl la Coh. III Augusta Thracum, non equitata. Elle dut venir en Syrie en 139 avec la Coh. III Bracarum, d’après une conjecture d’H. de Villefosse, ad CIL, VIII, 15529 (cf. L. Poinssot, Nouv. archiv. des miss., XIII (1906), p. 289). Cohors IV Thracum Syriaca — CIL, II, 1970 ; son nom seul fait supposer son séjour en Syrie. Cohors II Valentiana, à Ziganne d’Arménie — Not., XXXVIII, 37. Cohors III Valeria, à Marmantarum de Syrie — Not., XXXIII, 34. Cohors XII Valeria, Afro de Palestine — Not., XXXIV, 38. Cohors I Victorum, à Ammattha de Syrie — Not., XXXIII, 35. Cohors I Vindelicorum miliaria, mentionnée dans le dipl. LXVI (de 157), qui nomme des troupes de Transylvanie ; mais, dit Cichorius, peut-être fut-elle antérieurement en Palestine, car, parmi ceux qui en font partie, figure un Juif de Césarée, Bar Simso(n), Callistenis f. Cohors I Ulpia sagittariorum equitata, représentée dans le corps de Lollianus. Cohors II Ulpia equitata, en Syrie en 157 — Dipl. CX. Cohors VIII Voluntaria, à Valtha d’Arabie — Not., XXXVII, 33 ; transférée probablement de Dalmatie après 245 — CIL, III, 2706 = 9724. Le nom de cette cohorte passa peut-être au numerus d’infanterie auquel appartenaient quelques-uns des martyrs de Gaza et d’Éleuthéropolis (commencement du VIIe s.), έκ βάνδου Βολουνταρίων — J. Pargoire, Échos d’Orient, VII (1905), p. 40-43. Cohors XIV Valeria Zabdenorum, à Meiocariri de Mésopotamie — Not., XXXVI, 36. Il faut mentionner à part le corps désigné purement et simplement sous le nom de Cohors, à Mochora d’Arménie — Not., XXXVIII, 38. Ces listes font apparaître plusieurs faits qu’il importe de relever : d’abord, l’activité ambitieuse et prévoyante de Trajan ; beaucoup de ces ailes et cohortes s’appellent Ulpia[181]. Il y a eu, dans la première moitié du ne siècle, création ou transfert d’un nombre fort respectable de troupes vers les frontières orientales. Nous constatons en même temps que ces renforts ne proviennent pas des légions, reconnues peu aptes au service qu’exigeaient les circonstances ; on préfère les contingents dressés à une tactique plus souple et plus alerte ou préparés, sur un théâtre un peu analogue, aux combats à soutenir vers l’Euphrate ou le Tigre. La réorganisation de Dioclétien se manifeste moins visiblement : ala Docletiana, alae Joviae ; enfin il y a trois alae Theodosianae en Arménie[182]. On remarquera aussi le très petit nombre d’auxilia cantonnés en Arabie avant le régime qu’atteste la Notitia. C’est une marque, je crois, du soin que prirent les empereurs d’utiliser, même après 105, la coopération des Nabatéens à titre de fédérés, faisant économie de troupes romaines. Peut-être même recrutèrent-ils beaucoup de ces hommes pour les garnisons syriennes[183]. Les effectifs paraissent assez exactement proportionnés à l’étendue de la section de limes qu’ils ont à couvrir. D’autre part, les corps de troupes mentionnés par Arrien en Cappadoce se retrouvent presque tous dans l’Arménie du Ve siècle ; il semblerait donc qu’à ce point de vue la stabilité — une stabilité de trois siècles ! — ait été la règle. On ne s’étonnera pas de voir qu’en Osrboène et Mésopotamie, pays découverts, l’infanterie est à peine représentée. Il est plus surprenant, au premier aperçu, que, dans l’ensemble, le nombre des cohortes dépasse sensiblement celui des ailes ; mais d’abord beaucoup de ces cohortes — 24 — sont equitatae ; quelques autres sûrement encore, à notre insu ; et surtout l’élément cavalerie se trouve bientôt accru[184] de formations nouvelles qui remontent à Gallien[185] : ce sont les équites[186]. § IV. — Formations nouvelles du IIIe siècle : les « Equites ». Ces unités ont pris naissance en Orient même : les Romains avaient toujours éprouvé quelque répugnance à unir l’infanterie légionnaire avec la cavalerie ; bien mieux, ils avaient pour un temps établi une séparation complète ; ils la renouvelèrent au IIIe siècle. Mommsen le suppose avec grande perspicacité[187], les équites représentent l’ancienne, cavalerie des légions. La scission s’est consommée pour deux motifs : la cavalerie s’accroissait en nombre, rompant ce qui jusqu’alors avait semblé un équilibre ; d’autre part, la prépondérance absolue de deux groupes de cavaliers, les Maures et les Dalmates ou Illyriens, tendait à donner à l’élément équestre une cohésion qui l’isolait des légions. Cette catégorie de cavaliers rendit de grands services dans la guerre d’Aurélien contre Palmyre[188], par sa hardiesse et sa mobilité. Le vainqueur de Zénobie, pour prévenir tout nouveau soulèvement, répandit largement, entre les anciennes garnisons formées d’indigènes, ces troupes de races et de pays étrangers ; il y adjoignit d’autres contingents : Goths, Juthongues, Alamans. Il va sans dire que l’enrôlement ne put pas se continuer sur les mêmes bases ; comme pour les ailes et les cohortes, les vides furent comblés à l’aide de soldats levés sur place. Mais les désignations primitives subsistèrent : les derniers nommés furent versés uniquement dans les auxilia, comme moins glorieux que les Maures, Dalmates et Illyriens, qui formaient des corps d’élite ayant prééminence sur les légions. Le terme général de numerus s’appliquait à chacune de ces unités ; mais dans la hiérarchie officielle, on distinguait une foule de variétés, dont il serait difficile de reconnaître les rangs respectifs dans l’échelle des honneurs, car les listes de la Notitia semblent impliquer à cet égard plus d’une contradiction[189]. Le recrutement régional s’exprime par le mot indigenae qui désigne beaucoup de ces escadrons ; quant à celui de promoti, il signifierait précisément, a-t-on dit[190], qu’ils proviennent de l’ancienne cavalerie légionnaire ; mais le nom est attribué à des catégories très diversement échelonnées. Nous ne sommes pas en mesure d’indiquer, de soupçonner même l’effectif de chaque groupe d’equites ; on ne peut invoquer aucun précédent, et lorsque dans les sources littéraires il est parlé de 300, 400, 500 cavaliers, on ne voit pas si ces chiffres visent des cunei ou des alae, complets ou morcelés. Du moins il y a dans la Notitia une longue nomenclature pour chaque duché[191], ce qui mènerait à écarter les trop fortes évaluations ; il ne faudrait pas davantage s’abandonner à la tendance opposée, car la formation des équites semble avoir été accompagnée d’une restriction parallèle de la cavalerie des cohortes[192]. Ainsi ces équites, par leur recrutement et leur rôle, se rapprochent singulièrement en fait des alae ; mais officiellement ils s’en distinguent et, dans la hiérarchie, restent séparés, par les légions, de ces corps inférieurs quae de minore laterculo emittuntur. D’autres équités figurent aussi dans l’armée de réserve d’Orient[193], et alors ils sont réunis sous l’étiquette de vexillationes comitatenses[194], s’opposant aux auxilia palatina qui, en raison de leur origine barbare, sont inscrits, malgré ce titre, avant les légions comitatenses[195]. § V. — Les corps du VIe siècle. Faute d’un répertoire administratif comparable à la Notitia, nous ne pouvons plus, au temps de Justinien, ou immédiatement avant, nous faire une idée certaine des corps de troupes et des noms qui leur étaient attribués. Pourtant il ne fait pas doute qu’alors le terme de légion n’existe plus ; ailes et cohortes sont aussi hors d’usage ; pour les équités, il convient de se montrer moins affirmatif. Du moins un terme vague est devenu courant, celui de κατάλογος ou numerus. L’évolution est toute naturelle : numerus désignait précédemment les troupes formées de soldats originaires des pays autres que ceux où elles stationnaient[196]. Or tout a contribué à arracher les soldats au sol natal, c’est-à-dire à multiplier les numeri : les mesures de Constantin enlèvent bon nombre de limitanei aux duchés de frontières, pour accroître l’armée de réserve ; les barbares pénètrent de plus en plus dans l’armée romaine ; enfin il se forme des troupes privées qui accompagnent leurs chefs partout où ils vont. Autant que les sources littéraires nous permettent d’en juger, toutes les unités tactiques prennent le nom de numerus ; mais, à un autre point de vue, l’armée du VIe siècle comprend trois variétés de gens de guerre ; 1° Les fédérés, 2° Les corps impériaux ; 3° Les bucellarii. A. LES FÉDÉRÉS. — On se rappelle comment et quand ces étrangers se sont introduits au service d’empire. Le recul des frontières s’était fait progressivement ; à chaque étape, on maintenait comme une ceinture de principautés, qui achetaient la liberté au prix d’une assistance éventuelle contre les états situés plus au-delà. Situation épineuse ; des intrigues naissaient, s’expiaient toujours de même : les limites étaient repoussées plus loin ; les anciens fédérés voyaient leurs territoires réduits en provinces ; les adversaires de la veille passaient à leur tour au rang de clients. Lorsqu’en Orient les petites principautés eurent pour la plupart disparu, ce genre d’alliés dut s’évanouir. Au IIIe siècle commencent les grandes migrations de peuples barbares ; la faiblesse de l’Empire vient en aide à leurs entreprises : les aventuriers ambitieux acceptent ou achètent leur concours pour arriver au trône ; ces étrangers prennent dans l’état une influence abusive. Dioclétien chercha à s’en affranchir ; il augmenta aux frontières les cadres réguliers. Julien, pour ses guerres, déclara hautement nequaquam decere adventiciis adiumentis rem vindicari Romanam[197], mais les autres Césars n’affichaient pas si grande fierté. C’est vers cette époque que se renouvelle la théorie de la fédération[198]. Les provinces sont formées de communautés romaines ; mais elles ne composent pas tout le territoire romain ; l’empire déborde au-delà, par exemple sur une partie de la Grande Arménie, s’étend sur les gentes ou barbari, qui gardent leur organisation particulière, tout en subissant la suzeraineté qu’ils ont dû accepter. Un fœdus la constate, détermine les conditions dans lesquelles l’assistance militaire doit être procurée, même pour les guerres offensives[199], les marques extérieures de la vassalité — aurum coronarium[200], réception des insignes du pouvoir par les rois des fédérés —. Jadis, ils étaient dédommagés de cet assujettissement par la dispense du tribut ; désormais ils ont droit aux fournitures militaires, comme les limitanei ; ils reçoivent une solde (συντάξεις), deviennent έμμισθοι des Romains. Il y a ainsi dans leur condition quelque chose de permanent. Est-ce donc qu’elle est devenue plus claire ? Elle s’est au contraire obscurcie, car la notion des fédérés a pris trop d’étendue. Il est tout simple que les Saracènes de l’ouest, les Lazes, les Tzanes, les Abasges reçoivent et conservent cette qualité de vassaux : ou ils n’attaquent pas, ou ils n’ambitionnent que la razzia, source de butin. Mais voici que les adversaires habituels, irréductibles, les Perses, réclament eux-mêmes le titre de fédérés et les attributions qui en dérivent pour les passes du Caucase[201]. L’objet de la convention semble bien délimité ; mais les Sassanides ne peuvent être alliés au nord, adversaires ailleurs. Les Byzantins marchandent donc et transigent pour trouver une échappatoire : Chosroes reçoit 5.000 pièces d’or et la promesse d’une annuité de 500. Les Perses eux-mêmes ont des clients arabes ; ceux-ci à leur tour voudraient entrer également dans la clientèle romaine, et il semblerait en effet que leurs relations extérieures dussent suivre les mêmes variations que celles des Perses. Les empereurs leur font des présents que les Sémites affectent de considérer comme une subvention annuelle[202]. Ces obscurités tiennent à ce que les Romains se sont accoutumés à payer les barbares, non seulement pour en obtenir une assistance armée, mais même simplement pour acheter la paix. En principe, les fédérés gardent leurs chefs nationaux, leur formation militaire spéciale ; leur solde, bien que tirée des caisses romaines, leur est versée par leur prince, qui les conduit lui-même ou délègue un de ses officiers. Le type le plus achevé des fédérés d’Orient, au sens propre du mot, est représenté par les Arabes Ghassanides. Ces fédérés, sous Anastase, servaient surtout à la défense des frontières ; ils furent, sous Justinien, employés de préférence dans les grandes opérations de guerre ; c’étaient les meilleurs éléments qu’on jugeait à propos d’introduire dans l’armée de réserve[203]. B. LES CORPS IMPÉRIAUX. — Au premier abord, on soupçonne rait une opposition absolue entre cette catégorie et la précédente ; nous allons voir qu’il n’en fut pas ainsi dans la réalité. Parmi les peuples barbares, il en est qui, en devenant vassaux de l’empire, s’astreignaient, non pas à l’assister d’une façon générale, en cas de guerre offensive ou défensive, mais à lui fournir régulièrement, même en temps de paix, un nombre déterminé de recrues qui entraient alors dans les contingents romains (équites ou auxilia). C’est ce que stipulait le traité de soumission des Sarmates[204]. Certains de ces hommes, préférant à tout autre le métier militaire, s’enrôlaient volontairement ; ou bien c’étaient des prisonniers de guerre qui échappaient à la mort ou à l’esclavage en endossant la qualité de soldats romains. Dans les listes de la Notitia on remarque en foule les noms de peuples étrangers, d’adversaires dès Romains ; c’est là un des traits dominants de l’évolution de l’armée, où, avant Dioclétien, on incorporait rarement les étrangers, transfuges ou prisonniers[205]. La situation changea peu à peu, et le changement se prépara surtout au cours de ce IIIe siècle, pendant lequel le monde romain a le plus complètement dépouillé son antique physionomie. Je me demande même si Dioclétien et ses successeurs ne mirent pas une certaine coquetterie, dans la terminologie de leur administration militaire, à décorer de ces noms barbares leurs nouveaux auxilia, afin de rendre plus sensible la domestication, l’asservissement de ces peuples. Mommsen[206] a donné un aperçu des corps de troupes formés dans les états clients ou à l’étranger ; en ce qui concerne les provinces d’Orient intéressées à la défense de l’Euphrate, je relève surtout la présence des Goths, Alamans, Francs, Juthongues et Saxons (groupe germanique), et, dans le groupe oriental, des Zabdicènes[207], Gardyènes et Saracènes[208]. D’autres populations, tenues sans doute, au point de vue militaire, en plus haute estime, ne sont pas, ou pas toujours, cantonnées aux frontières, mais entrent dans les réserves palutinae ou comitatenses du magister praesentalis ou du magister per Orientem. Tels les Ibères[209], les Tzanes[210], les Arméniens[211] et par-dessus tout les Parthes et les Perses[212]. Il est parfaitement vrai d’ailleurs que ces éléments barbares n’ont pu garder intacte leur homogénéité, pas plus que les auxilia ordinaires ; ils devaient tendre tous, par la force des choses, à devenir comme des mosaïques, où toutes sortes de peuples étaient rapprochés. Une telle pratique n’exposai-t-elle pas aux pires inconvénients et des unités tactiques aussi bigarrées étaient-elles appelées à rendre d’utiles services ? Il est très probable que la Notitia nous présente le tableau de la dernière époque où les formes anciennes aient été conservées, dissimulant les transformations internes les plus profondes. Après le Ve siècle, l’épigraphie ne nous renseigne plus ; quant aux notices diverses parvenues jusqu’à nous, elles ont toutes un caractère ecclésiastique ou topographique, et peu de rapport avec les institutions militaires. Mais tout nous porte à admettre que ces vieilles formes ont disparu[213] ; Delbrück me semble avoir donné la formule exacte de cette transformation[214]. Dans l’armée classique des Romains, la division fondamentale se fait par armes : infanterie légionnaire, infanterie légère, cavalerie. Dans l’armée de Justinien, ces variétés ne se traduisent plus même dans le langage, et les troupes sont divisées par races. L’infanterie est montée, et souvent, pour combattre, la cavalerie met pied à terre. C’est bien ainsi, je crois, qu’il convient d’interpréter Procope et ses contemporains ou successeurs immédiats : lorsqu’ils parlent des Hérules, des Maures, des Isauriens, des Thraces, etc., il faut entendre cette fois des groupes, non point sans doute homogènes, mais recrutés essentiellement dans chacun de ces peuples, et non plus des unités tactiques quelconques auxquelles ils auraient, à l’origine, prêté leurs noms. Cette situation nouvelle découle du principe nettement posé par Mommsen[215] : Après Dioclétien, plus élevé est le rang des troupes, plus y domine l’élément étranger. Les sources se taisent sur les différences de droit ; en fait, il n’y a pas de doute que le non-citoyen est un privilégié. En effet, il rend plus de services sous les armes. Dès lors, l’idéal est forcément de multiplier dans l’armée les non-citoyens. Les fédérés en fournissent à foison. Parmi eux, il en est qui fournissent un contingent en vertu d’un traité ; d’autres sont éventuellement achetés[216]. Comment en est-on venu à confondre les deux variétés sous le même nom ? Cela tient, surtout, sans aucun doute, à la théorie, née après le triomphe du christianisme, de l’universalité de l’empire[217]. En vertu de cette conception, aucun peuple, en principe, n’était dégagé de tout lien envers les Romains. Il semble donc que par là les numeri impériaux proprement dits vont se trouver sensiblement réduits. L’observation est juste, mais une autre pratique de cette époque agit en sens inverse. Il faut admettre, comme Benjamin l’a établi[218], que ces soi-disant fédérés du Bas-Empire ne sont même, bien souvent, que de simples mercenaires recrutés par un spéculateur, qui les reloue pour le service de l’empire. Ici fédérés et soldats impériaux finissent par se confondre. Selon Benjamin, cette variété nouvelle de troupes aurait pris naissance sous Honorius[219] et comprendrait toujours tarbam militum ex omni genere hominum mixtam. C’est beaucoup forcer un texte un peu obscur d’Olympiodore[220], qui en tout cas n’impose pas une définition aussi exclusive des fédérés que celle qui nous est proposée (militum gregibus undique conflatis). Rien dans Procope ne conduit à l’adopter ; bien plus, certains textes semblent y contredire[221], et le soin même que les tacticiens de basse époque mettent à signaler les artifices stratégiques utiles contre les divers ennemis — dont beaucoup de transfuges se trouvaient dans les armées romaines qui y prenaient aussi des mercenaires — suppose au contraire la persistance des groupements ethnographiques. Pratiquement, au cours d’une campagne, il put y avoir des combinaisons temporaires ; elles étaient subies plus que voulues[222]. Reste d’ailleurs cette interprétation possible du passage cité : une division de fédérés (hoc sensu) est mélangée en ce qu’elle se compose de groupes très divers ; mais chacun conserve son homogénéité plus ou moins stricte. Celui de ces groupes que son propriétaire transmet purement et simplement aux officiers byzantins devient, au moins en fait, numerus impérial. Si le recruteur en garde le commandement, il s’agit d’une variété nouvelle, qu’il nous reste à étudier : la troupe privée d’un condottiere. C. LES BUCELLARII. — La faiblesse des pouvoirs publics, en progrès incessant depuis des siècles malgré les essais de réaction tentés par quelques Césars plus énergiques, avait amené bien des propriétaires à se défendre eux-mêmes contre les pillards, en armant leurs valets, principalement leurs esclaves. Le droit du plus fort régnant seul, il s’agissait de devenir effectivement le plus fort ; dans cette anarchie, les grands personnages se procuraient à eux-mêmes une escorte. L’État, désarmé contre ces bandes privées qui menaçaient son autorité, après avoir vainement essayé de les interdire[223], prit le parti de les utiliser pour lui. Mommsen a parfaitement saisi cette évolution[224] ; il aurait pu noter en outre le rôle joué par l’élément barbare, lorsqu’il pénétra l’armée romaine : chez les Grecs et les Latins, l’armée nationale est une chose aisée à concevoir, car ils ont la notion, abstraite, mais claire, de la chose publique ; chez les Germains[225], un homme se reconnaît plus facilement, quand il s’y est soumis, des devoirs envers un autre homme[226], dont il devient le client[227] ou le compagnon (comes)[228]. Les Byzantins adoptent des formules peu différentes : παΐδες[229], qui rappelle la condition servile des plus anciennement recrutés parmi ces soldats privés ; όπαδοί[230], οί τώ δεΐνι έπόμενοι[231], les gens de la suite ; μισθοφόροι οίκεΐοι[232], enfin, deux termes plus constants et plus spécialement militaires : δορυφόροι καί ύπασπισταί[233]. Comme celui de φοιδέρατοι, les termes de δορυφόροι καί ύπασπισταί se rencontrent fréquemment dans Procope[234] ; par malheur, ce n’est à peu près jamais dans le Bellum Persicum ou à la fin du Bellum Gothicum. On éprouve quelque timidité à s’appuyer sur des textes visant les autres guerres de Justinien, assez désintéressé des affaires d’Orient[235], bien moins préoccupé de la guerre persique imminente que de l’Occident à reconquérir et à délivrer, disposé par suite à de larges concessions et à la pure défensive ; il se pourrait donc qu’au point de vue des forces en action les opérations orientales eussent encore quelque chose de particulier. Je ne crois pas cependant qu’il faille s’arrêter à cette difficulté, car nous savons que contre le Sassinide Justinien a lancé ses lieutenants ordinaires, Bélisaire, Narsès ; ceux-ci ont dû transporter d’une région à l’autre les troupes qu’ils avaient vraiment dans la main. Ce serait sans doute abuser des mots que de faire remonter trop haut l’origine des troupes privées. On relève cependant, dans les guerres civiles de la fin de la République, bien des cas où tel ambitieux général se procura des troupes qui étaient moins au service de Rome que de sa propre personne. Bien caractéristique est ce mot de M. Crassus ne reconnaissant personne pour riche, nisi qui reditu annuo legionem tueri posset[236] ; et n’est-ce pas déjà un recruteur de bucellarii que ce Ptolémée, par ailleurs ignoré, quem Varro tradit, Pompeio res gerente circa Judaeam octona milia equilum sua pecunia tolerauisse[237] ? De bonne heure les Romains ont embrigadé en Orient des hommes venant des bords du Rhin ou du Danube. La fidélité de ces races à leurs maîtres y était bien connue : Hérode le Grand, sous Auguste, en possédait déjà à son service personnel[238]. Caracalla se créa des protectores ; les prétoriens, somme toute, avaient un caractère quelque peu analogue[239]. Tout officier en vue, même civil, s’attacha une escorte de cette nature, formée de gens de toute extraction, engagés envers lui par un serment et recevant de lui, outre la bucella (petit pain) symbolique[240], des fournitures et des présents, une part éventuelle de butin. La plupart étaient recrutés parmi les peuples du nord et de l’Europe centrale : Huns, Goths[241], Thraces ; les montagnards d’Asie Mineure s’y ajoutaient : Isauriens, Cappadociens, Pisidiens ; enfin des Arméniens et des Perses[242]. Ces bandes de satellites constituaient les compagnies d’élite des armées ; outre qu’elles étaient souvent fort nombreuses[243], elles marquaient du dévouement à leurs chefs. Dans la Notitia, les comités, dont la nature n’est pas douteuse, viennent en tête de tous les equites[244]. Ce sont en effet invariablement des cavaliers, montés aux frais du chef, qu’ils entourent à sa table et dans la mêlée et ne quittent que pour recevoir une mission de confiance. Les bucellarii que Bélisaire dépêche vers le Tigre[245] sont dits οί τών στρατιωτών μαχιμώτατοι[246], et les hauts faits de ces gardes du corps fourmillent dans Procope[247]. On s’accorde à reconnaître aux doryphores un rang supérieur à celui des hypaspistes, toujours cités en deuxième ligne, mais les uns el les autres pouvaient s’élever aux plus hautes dignités, comme Sittas, Bélisaire[248] et Narsès[249]. Etant bien constaté que les bucellarii étaient en fait choisis parmi les peuples barbares, et que les fédérés pouvaient être loués en vue d’une spéculation, on voit clairement que le même homme avait la liberté, à la fois de se procurer une nombreuse garde personnelle et de constituer des corps de troupes, qu’il prêtait moyennant un prix à débattre, et dont il demeurait le capitaine. La question perd donc beaucoup de son intérêt pratique, de savoir si, comme le veut Benjamin, un κόμης φοιδεράτων[250] ,6 ou des άρχοντες φοιδεράτων sont des hommes privés ou de véritables fonctionnaires impériaux. Les mêmes noms de grands officiers se retrouvent dans les guerres de Justinien, d’Orient ou d’Occident ; nous sommes informés que des troupes impériales, et plus encore des fédérés et des bucellarii, y ont pris part. Le cumul des commandements n’est pas douteux[251]. Et quant à la rétribution de ces divers soldats hors cadres, qu’elle leur fût payée directement par un agent du trésor ou par l’intermédiaire de leurs chefs, la chose importe peu. L’essentiel est de remarquer que les batailles contre les Perses furent, dans la dernière période, gagnées ou perdues par des condottieri, et que ces aventuriers, qui semblaient devoir compromettre la sécurité de l’empire, constituèrent en vérité sa grande ressource et son ferme soutien[252]. § VI. — Les milices locales. Je désigne sous ce nom les corps de troupes spontanément formés dans les provinces, là où les cités jugeaient insuffisantes les mesures prises par l’administration impériale[253]. On voudrait éclaircir la question surtout pour le Ier siècle, durant lequel les milices ne servaient que dans leur pays d’origine, mais les documents dont nous disposons ne permettent pas de la résoudre. A partir de Trajan, et plus encore d’Hadrien, ces contingents furent très souvent ou adjoints à l’armée régulière, ou transférés dans d’autres contrées[254]. Puis ils fusionnèrent, vers la fin du IIIe siècle, avec une partie des légions ou auxilia, pour former les limitanei. Par là, les anciennes milices locales disparaissaient ; mais il est infiniment probable que d’autres bientôt les remplacèrent. Les guerres d’Orient, au temps des Parthes, peu agressifs, consistaient surtout en des batailles rangées, en rase campagne, plus ou moins abrégées par leur tactique familière. Les Perses inaugurent une politique plus offensive ; ils se forment à la poliorcétique. Alors commencent contre les places les attaques soudaines, qu’une faible garnison ne peut repousser à elle seule ; on est amené à penser que la population civile prit à tâche d’enrôler une sorte de garde nationale. Le fait est certain pour Nisibis, colonie romaine que Jovien livra aux Perses en 363 : les habitants protestèrent contre cette cession de leur ville, se disant en état de la protéger à eux seuls, comme ils l’avaient fait souvent, et sans le secours des troupes d’empire[255]. Ce cas n’est sûrement pas unique. A partir du VIe siècle surtout, on voit, dans les villes assiégées, l’évêque assumer la direction militaire, et non seulement s’ériger en parlementaire attitré, mais veiller, devant les remparts, à la mise en batterie des pièces. Cet ascendant serait moins explicable si la population même ne s’était pas armée. Au reste, la défense d’une place n’exigeait pas autant de science stratégique que les grandes manœuvres de guerre ; et si l’on songe à la façon dont se comportaient les troupes régulières, comme en pays conquis, aux froissements continuels entre elles et les citadins, on comprendra que ceux-ci aient mieux aimé, le cas échéant, mettre la main aux carquois ou à la baliste que de se voir infliger, suivant l’expression d’un contemporain, le fléau d’une garnison[256]. § VII. — Variétés ethniques des troupes d’Orient à la basse époque. Les développements fournis plus haut ont déjà montré l’intérêt du sujet ; il convient d’y revenir, sans s’arrêter désormais aux distinctions plus ou moins artificielles entre fédérés, numeri impériaux, ou bandes des condottieri. A compter d’une date naturellement peu précise, mais voisine de l’avènement des Sassanides, la question des races dans l’armée prend une importance qu’accusent à tout instant les récits de guerre des historiens, et qui s’affirme tout à la fois à l’égard des barbares et des sujets d’empire. Aussi, maintenant, ne séparerons-nous plus les uns des autres. Le prix attaché aux services de telle ou telle race tenait à des traits spécifiques d’ordre physique ou moral, sur lesquels les sources littéraires nous procurent quelques aperçus, et sans doute aussi à des particularités dans l’armement, qui nous sont bien moins familières. Il en serait autrement si nous n’étions, ici encore, réduits à une disette presque absolue de monuments figurés. Je note tout de suite l’unique exception dont nous pouvons nous prévaloir. Les bas-reliefs de l’arc de triomphe de Salonique nous donnent des Daces une idée assez nette ; le sculpteur a prêté aux Perses une physionomie toute conventionnelle, mais on voit que les Daces lui sont plus familiers, et bien que ceux qui lui ont servi de modèles datent du règne de Dioclétien (vers 300), on peut utilement les comparer aux Daces que nous montre d’autre part la colonne Trajane. Ils étaient les compatriotes de Galère qu’on voit sur un des piliers leur adressant l’adlocutio du chef[257]. Ils portent le casque à mentonnière, en forme de ruche et avec couvre-nez, une cuirasse d’écaillés à ceinturon, des manches et un pantalon appliqués aux membres assez étroitement, des souliers montant jusqu’à la cheville ; les armes sont le bouclier rond et la lance ; pas d’épée[258]. Des variantes dans le détail, selon la catégorie de troupes : chez les cavaliers, la cuirasse d’écaillés tombe assez bas et forme une sorte de jupe[259] ; d’autres, qui semblent des fantassins, ont une cuirasse plus courte ; pourtant quelquefois encore de longs appendices de cuir (πτέρυγες) la prolongent sur les reins, comme dans le haut des bras. De ci de là quelques officiers se distinguent à la crête de leurs casques[260]. J’ai eu l’occasion de le dire déjà, le IIIe siècle est l’époque de la prépondérance des troupes de l’Europe centrale, du Danube à l’Adriatique et à l’Archipel. Verus a commencé à les transporter en masse en Orient ; Caracalla, Alexandre Sévère[261], Aurélien ont fait de même[262]. De ce dernier, Zosime énumère les contingents formés de cavaliers dalmates[263], mésiens, péoniens, du Norique et de la Rhétie, et des légions celtiques ; en outre, il y avait des soldats des cohortes prétoriennes, choisis entre tous, et la cavalerie des Maures ; d’Asie il avait des hommes de Tyane, d’autres de Mésopotamie, de Syrie, de Phénicie, de Palestine, pris parmi les plus braves[264]. Ainsi, entre les troupes d’Orient, une sélection était nécessaire. L’historien nomme en outre les Maures ; ils formaient, ainsi que les Dalmates, une précieuse cavalerie légère d’akontistes ; il y en avait déjà en Orient au temps de Septime Sévère, qui les envoya contre les Parthes, et sous Macrin[265]. Ils rendaient service à Aurélien, privé des escadrons arabes qui se trouvaient précisément dans l’armée des rebelles. Mais les éléments africains furent généralement tenus à l’écart ; Macrin avait fait venir d’Égypte des troupes qui désertèrent[266]. Enfin dans cette énumération figurent aussi les légions celtiques. C’est au IVe siècle surtout qu’elles passent au premier plan. Les races franco-germaniques avaient été mises à l’épreuve par Julien dans ses succès contre les Alamans ; il recrutait parmi elles des soldats auxiliaires. Constance, au courant de leur valeur et jaloux de Julien, avait envoyé un de ses secrétaires en Gaule, pour en ramener des Hérules, Bataves, Celles, qu’il comptait conduire contre les Perses[267]. C’étaient des hommes courageux, dressés aux combats dans les plaines, mais parfois embarrassants dans les guerres d’escarmouches et de sièges ; ils ignoraient les secrets de l’artillerie et dédaignaient la construction des ouvrages de retranchement. Ils frémissaient comme des bêtes fauves, toujours prêts à tenter quelque assaut téméraire. Un jour, les tribuns, leur ayant défendu de sortir du camp, n’obtinrent par cet ordre que des menaces de mort, et durant une nuit sans lune, armés de haches et de glaives, les Gaulois essayèrent de parvenir jusqu’à la tente du roi de Perse ; leur marche trop bruyante éveilla l’ennemi et ils durent rentrer à reculons, en subissant des pertes considérables[268]. Ces indisciplinés[269], mais que Julien avait bien en main, constituèrent encore pour sa guerre persique le noyau de l’armée. Habiles nageurs, ils se précipitaient au-devant de l’ennemi à travers les fleuves, sous la protection de leurs boucliers. C’étaient aussi un mérite des Sarmates, éternels mercenaires[270], qu’on trouve également dans l’armée de Julien[271]. Constance, en dehors de quelques recrues tirées de la région d’Antioche[272], avait enfin acheté le concours des Scythes[273]. Quant à Julien, on sait qu’il n’adjoignit guère à ses effectifs ordinaires que des renforts offerts par les Saracènes et les Goths[274]. Les Goths, à la fin du IVe siècle, ont déjà assis leur renommée et ce sont eux qui prédominent alors parmi les officiers de l’armée d’Orient[275]. Le Ve siècle est une période de grande obscurité, au point de vue qui nous intéresse ici, faute d’un annaliste précis et détaillé comme Ammien[276] ; nous passons par force, sans transition, au VIe, pour lequel nous avons des guides excellents dans Procope et ses continuateurs. Cette époque marque l’apogée du système des condottieri, la grande mêlée des races. Mais chacune a sa cote, sa valeur d’estime. Il est bien remarquable que rarement Procope cite un homme de guerre ou un corps de troupes sans ajouter une indication ethnographique. Il s’y attache beaucoup plus qu’à spécifier le rang hiérarchique d’un chef ou la classe dans laquelle rentre un détachement. Il nomme ainsi Narsès qui commandait les Hérules et les Arméniens[277]. Il annonce la mort d’un capitaine de l’armée byzantine et ajoute qu’il était ibère[278]. Anastase leva une très nombreuse armée, mais commandée par trop d’officiers : notamment Celer, maître des gardes, Patrice, un Phrygien, et Hypatios, tous deux capitaines des compagnies de Constantinople ; d’autres de rang moins élevé : Pharasmane, Colque de nation, excellent homme de guerre, Godidiscle et Bessas, deux Goths ; Appion, un Égyptien, était trésorier[279]. Au cours d’un récit de bataille : Heureusement les Goths chargèrent[280]. Autre exemple : Dans une rencontre se distinguèrent, du côté perse les Cadusiens, du côté romain les Hérules. Cavad envoie dans l’Arménie romaine une armée de Persarméniens et de Sunites (voisins des Alains), avec 3.000 Huns dits Sabires, gens belliqueux[281]. En Commagène, Bélisaire a avec lui 20.000 hommes, dont au moins 2.000 Isauriens. Il doit livrer bataille malgré lui. Les Isauriens, luttant en désordre, succombent au nombre de 800. Ils étaient passés récemment de l’agriculture aux périls de la guerre ; ils se signalèrent par leur incapacité, malgré leur hâte de combattre : et tous n’étaient pas Isauriens, mais la plupart Lycaoniens[282]. Les auteurs contemporains trahissent les mêmes habitudes d’esprit[283]. Pourtant tous ne s’attardent guère à décrire, à distinguer les types, et les procédés de combats, des barbares qui se trouvent dans l’armée byzantine. Procope fait une exception pour les Hérules, dont il faut expliquer l’échec[284]. Les autres chroniqueurs observent le même laconisme[285], dont on les voit seulement se départir à propos des barbares qui ne figurent que dans l’armée ennemie[286]. C’est qu’en effet la plupart de ces envahisseurs mettent des deux côtés leurs services à prix ; et la même race est représentée dans les rangs des deux adversaires. Dans la quatrième guerre persique de Justinien, Chosroes, voulant attaquer Édesse, avait amené avec lui des Huns ; il fait commencer des travaux de siège ; alors les Huns qui étaient avec les Romains furent lâchés contre les travailleurs[287]. Il y avait dans l’armée (qui assiégea Pétra) des soldats de la nation des Huns Sabires ; ils vivent près du Caucase, sous l’autorité de plusieurs princes, les uns alliés des Romains, les autres des Perses. Les deux souverains ont coutume de distribuer de l’argent à leurs alliés, non pas tous les ans, mais en cas de nécessité. Justinien, ayant besoin des Sabires, leur proposa des subsides[288]. Les Perses aussi, en effet, ont introduit parmi eux les auxiliaires étrangers : à la fin du IIIe siècle, ce sont ces Cadusiens, brigands et montagnards, gens de trait d’une adresse incomparable, fournissant une excellente infanterie montée[289], qu’on croit voir figurés sur l’arc de triomphe de Salonique[290]. Dans l’attaque de 503 contre Édesse, avec les Perses marchent des Huns qui brandissent leurs javelots, et des lanciers arabes[291]. Au IVe siècle, Sapor a pour alliés effectifs les Chionites et les Gélanes, peuples guerriers placés aux frontières de son empire[292]. J’ai parlé ailleurs des Ephthalites, que le grand roi prend pour auxiliaires après les avoir réduits sous sa puissance[293]. De plus en plus cette armée sassanide devient une multitude bigarrée, où entrent les plus singuliers éléments[294]. Golon Mihran, le général perse, a avec lui de nombreux auxiliaires, pris dans la foule des peuples innombrables au milieu desquels habite, dans la région montagneuse du Caucase, la nation des Huns[295]. C’est surtout dans cette zone moyenne du Caucase que les deux adversaires purent trouver du renfort vite mobilisé ; les auteurs nomment bon nombre de populations, aux limites indéfinissables[296], qui toutes ont ce caractère commun d’être essentiellement belliqueuses ; leur concours a été incessamment disputé entre les deux empires[297] ; il est rarement fourni sans arrière-pensée de défection. Dès l’époque républicaine, Ibères et Arméniens sont hésitants entre Romains et Parthes, tâchent de ne pas trop se compromettre[298]. Rome s’attache plus facilement, parmi ces peuplades, les gens de naissance[299], de race royale, souvent épris de la culture occidentale, par élégance de cour, ou par expérience personnelle comme otages en Italie[300]. La masse de chaque nation demeure rebelle aux entreprises extérieures et ne demande qu’à s’abstenir. Un partage d’influence, souvent violé, maintint dans les rangs perses les Albains[301], tandis que les Romains gardaient les Ibères par devers eux. Mais à Rome d’abord, à Byzance ensuite, on reconnut la nécessité de ne pas employer ces alliés de la zone intermédiaire dans les guerres d’Orient[302]. On les exporte plutôt loin de leur patrie : ainsi les scholarii ou gardes du palais étaient choisis, jusqu’à l’empereur Zenon, parmi les plus vaillants Arméniens[303]. Lorsque l’un d’eux s’est acquis par de longs services un titre à la confiance impériale, on lui donne une mission personnelle : par exemple, l’Arménien Arsace commande, sous Justinien, la garnison de Sura[304] ; un Persarménien se trouve parmi les généraux byzantins qui opèrent vers les embouchures du Phase[305] ; mais alors, isolé de ses compatriotes, il a comme dépouillé sa nationalité. La race, prise dans son ensemble, reste suspecte ; le chef perse lui-même, Mermerœs, n’ose garder auprès de lui un trop grand nombre de Huns Sabires et en renvoie les deux tiers sous bonne récompense[306]. Quant aux Byzantins, ils voient lus Abasgiens, les Apsiliens abandonner leur parti, irrités des impôts dont la cour de Constantinople les accable maladroitement[307]. Héraclios fut plus d’une fois entravé par la mauvaise volonté de ses auxiliaires : Lazes, Ibères et Abasgiens[308]. Bref, on eût voulu écarter tous ces peuples voisins de la frontière, mais souvent l’on n’en avait pas les moyens. Le hasard des batailles attribue généralement au vainqueur des prisonniers : ils entrent dans son armée pour éviter l’appli cation intégrale du droit de la guerre[309]. Justinien envoie contre les Perses cinq divisions de cavalerie formées des Vandales amenés à Byzance[310], et contre les Goths des prisonniers perses[311]. Mais c’est là une pratique du Bas-Empire, exceptionnelle avant Alexandre Sévère ; justement c’est à propos des Parthes qu’on peut l’observer. La plupart, du reste, de ceux qui passent au service romain ne sont pas des captifs, mais des transfuges qu’ont chassés hors de leur pays, sans doute, les fréquentes révolutions de palais[312]. Alexandre Sévère, allant guerroyer vers le Rhin, emmena, outre des archers osrhoéniens et arméniens, des Parthes[313] ; et Maximin le Thrace, pour une expédition analogue, suivit son exemple[314]. L’un et l’autre se gardèrent bien d’employer en masse contre leurs compatriotes d’anciens sujets du grand royaume d’Orient. En somme, le procédé qui, à la basse époque, paraissait le meilleur, consistait à incorporer divers contingents de barbares, en les maintenant par groupes séparés el en les tirant de régions très éloignées les unes des autres. Justinien expédie à la frontière persique une grande armée d’Illyriens, de Scythes, d’Isauriens, de Thraces[315] ; dans une autre circonstance, Procope[316] donne une énumération peu différente : Thraces, Illyriens, Goths, Hérules, Vandales, Maures, et ajoute que Bélisaire sut présenter habilement ses troupes aux envoyés de Chosroes, qui revinrent effrayés, disant qu’ils n’avaient jamais vu si bel assemblage, et décidèrent leur maître à la paix[317]. Ces rapprochements de races, sans confusion entre elles, offraient un avantage non méprisable : on choisissait, autant qu’il se pouvait, le printemps pour se mettre en campagne ; mais en d’autres saisons aussi il y eut souvent des prises d’armes. On passait parfois de l’été en plaine, dans la Mésopotamie, à l’hiver en montagne, sur les plateaux et dans les vallées d’Arménie ; des températures extrêmes demandaient, suivant les cas, des gens du nord ou des hommes accoutumés aux chaudes contrées. Alexandre Sévère, marchant contre Artaxerxés, passa par l’Illyrie à laquelle il emprunta des troupes pour grossir les siennes ; mais les chaleurs causèrent de graves maladies dans la deuxième armée (celle de Mésopotamie), surtout parmi les Illyriens, venus d’un pays froid et pluvieux, et qui, sous un climat chaud, n’en mangèrent pas moins à leur ordinaire. Pendant ce temps la première armée (celle d’Arménie et Médie) avait beaucoup souffert du froid dans les montagnes du nord[318]. L’empereur n’avait pas su faire la distribution de ses forces. Julien, répondant à Constance qui lui demandait ses guerriers celtes, explique ainsi leur refus de partir[319] : On a prétendu que des hommes ayant vécu dans les glaces du nord se séparassent de leurs femmes et enfants pour se rendre, privés de tout, aux extrémités de l’Orient. De même, les Thraces furent très éprouvés par les souffles brûlants de Mésopotamie[320]. Au contraire, les Turcs ou Khazaes levés par Héraclios, supportant difficilement l’hiver, quittèrent peu à peu les camps et finirent par déserter complètement et retourner chez eux[321]. Ces mésaventures avaient leur contrepartie : en prenant un peu de tout, pour des opérations de longueur, on était prémuni contre une défection ou une impuissance totales. Il est fort probable que ces mosaïques de peuples constituaient principalement l’armée de campagne ; c’est ainsi surtout qu’on pouvait les répartir en groupements ethniques ; mais il devait aussi s’en trouver dans les garnisons permanentes des frontières. L’appel fréquent adressé en temps de guerre aux troupes du Liban montre qu’on faisait grand cas de celles-ci ; elles ne devaient pas comprendre uniquement des éléments indigènes[322]. Il ne faudrait pas croire d’ailleurs que l’empire trouvât sans peine à se procurer, à l’heure voulue, les mercenaires, soldats de métier, dont il avait besoin : les enrôleurs durent parfois se contenter de puiser dans quelque province, dont les populations étaient appréciées sous les armes, des recrues inexpérimentées, levées à la hâte pour une nécessité urgente : tels ces Isauriens et Lycaoniens signalés plus haut[323]. Il arriva même qu’on prit des mesures encore plus radicales : Julien, à Césarée de Cappadoce, ne se fût pas scrupule d’imposer le harnais de guerre à des religieux[324] ; mais cette vexation procédait plus sans doute de ses sentiments païens que des besoins du moment. Il serait plus étrange, bien qu’on l’ait supposé, qu’Héraclios, qui guerroyait pour le Christ, eût adopté le même parti. § VIII. — Transformation de l’armement au cours des guerres persiques. Si maintenant, laissant hors de cause la nationalité des contingents militaires, nous cherchons à déterminer ce qu’il y avait de plus caractéristique dans l’armement donné à l’ensemble des troupes d’Orient, nous serons frappés avant tout du soin apporté à sa partie défensive. Certes, l’armure se trouve en usage dès les premiers temps de l’armée romaine ; du moins les indications de Polybe sont à cet égard très affirmatives[325]. Mais à l’origine, pour la plupart des gens de guerre, la cuirasse — vu son nom — n’est qu’un assemblage de lanières de cuir, renforcé seulement vers lé cœur d’une plaque de fer ; les citoyens de la première classe reçoivent une sorte de cotte de mailles, dont les anneaux sont quelquefois recouverts de rondelles de métal ; peu à peu on en vient à réserver aux officiers cette armure plus complète[326]. De longs siècles de luttes contre les peuples iraniens, qui donnaient la cuirasse et le casque à toutes leurs troupes d’élite, conduisirent le génie souple et pratique des Romains à adopter les mêmes usages. Nous ne savons pas quand cette transformation s’acheva[327] ; elle devait être terminée depuis longtemps au VIe siècle, pour lequel nous disposons d’une mine de documents plus riche. A cette date, le fantassin lui-même est un cataphractaire, portant la cuirasse et les jambières métalliques ; la cuirasse recouvre en outre une épaisse colle de mailles. A cela s’ajoute un casque, également de métal, et un énorme bouclier[328]. A l’époque de Polybe aussi, les cavaliers romains, à l’imitation de ceux des armées grecques, avaient une cuirasse d’airain, et nous devons croire que, comme ceux des Grecs, leurs chevaux eux-mêmes supportaient diverses pièces de fer leur protégeant la tête, le poitrail et les flancs. Mais ces escadrons sont très peu considérables dans chaque légion, et les alae auxiliaires se composent de sujets ou d’étrangers gardant leur armement national, beaucoup plus simplifié. Le morcellement de la légion, comme nous l’avons dit plus haut, en a fait sortir les turmes, devenues des numeri séparés. Or, vers l’époque où cette évolution se produit, on voit apparaître de nouvelles formations qui portent, entre plusieurs noms, ceux de catafracti (ou catafractarii) et de clibanarii[329]. Ici l’influence persique n’est pas à supposer ; elle est parfaitement établie. Alexandre Sévère, dans un discours que lui prête Lampride[330], s’exprime ainsi : catafractarios quos illi (Persae) clibanarios vocant[331]. Cet empereur aurait créé des clibanarii suivant le modèle persique, leur attribuant les cuirasses (clibani) enlevées à des ennemis tués et prenant à cet effet des étrangers au service de Rome[332]. Assurément l’Histoire Auguste ne doit être utilisée qu’avec de multiples précautions ; mais ce témoignage est confirmé indirectement par plusieurs autres[333] : dans la Notitia dignitatum, le magister militum praesentatis d’Orient compte dans ses vexillationes palatinae des Equites Persae clibanarii[334], et, parmi ses vexillationes comitatenses, des Equites (primi et secundi) clibanarii Parthi[335]. De plus les dispositione magistri militumper Orientem sont placés les Equités quarti clibanarii Parthi[336]. Les clibanarii, conclut Fiebiger, seraient donc les cuirassiers recrutés à l’étranger, et l’on appelait catafracti ceux qui avaient une origine romaine[337]. Ce n’est pas impossible ; on n’oserait rien dire de plus. Notons seulement que ces corps, spécifiés comme cuirassés dans leur nom officiel même, sont encore peu nombreux dans la Notitia, et qu’ils figurent parmi les troupes d’élite, bien qu’on ne leur réserve pas le premier rang dans les nomenclatures ; la tradition ne leur donne pas préséance sur les Delmatae et les Mauri. Mais bientôt ils vont prendre plus d’importance et se multiplier[338]. Au VIe siècle, on l’apprend des tacticiens[339], dans toute la cavalerie de ligne homme et cheval sont bardés de fer ; l’animal a l’avant-train cuirassé et porte sur la tète un fronton de métal ; à l’armure complète du cavalier s’ajoutent un grand bouclier et un casque élevé à panache. Les gens de guerre qu’on voyait en Palestine, à l’occasion de quelque expédition, ressemblaient beaucoup moins aux troupes romaines qui y passaient naguère, encore sous les Antonins, qu’à nos chevaliers du Moyen-Âge occidental, aux croisés francs. Et ici je ne parle pas seulement des réguliers impériaux. Si bigarrées que fussent les troupes byzantines et quelque liberté qu’eussent les chefs de fédérés ou les condottieri d’armer les hommes à leur guise, on aura peine à croire qu’un type général d’équipement, avec des différences de détail, n’ait pas fini par s’imposer à tous. L’appropriation des usages iraniens se traduit d’autre part en ceci que l’on fait fond avant tout sur les troupes montées, qui constituent les principaux effectifs ; elles ont naturellement plus d’élan dans l’attaque et n’offrent pas moins d’obstacles aux coups. Il y aussi une infanterie et une cavalerie légères, vêtues et armées sans doute d’une manière bien plus sommaire et plus variée. Elles ont un rôle, sinon accessoire, au moins plus modeste, font des attaques inopinées sur des points mal défendus[340], et pourvoient au service des renseignements, fort utile dans certaines régions, comme l’Arménie, où il était parfois bien difficile de se guider. Dans Ammien en particulier, il est fait mention constante de speculatores[341], d’exploratores[342], sans qu’on puisse voir avec netteté s’il s’agit d’une faible patrouille d’espions, choisis et momentanément groupés, ou d’un corps véritable n’ayant jamais d’autres attributions. Dans un très petit nombre de cas seulement, la première hypothèse est forcément à exclure[343]. Nos textes d’ailleurs ne permettent pas de donner à ces qualificatifs divers des sens bien rigoureusement distincts, et peut-être Ammien les a-t-il employés par périphrase. Nous reprendrons cette question des éclaireurs d’avant-garde à propos de la stratégie. Deuxième point : les nécessités des guerres partho-persiques ont amené l’usage presque universel de l’arc. Les catafractaires ont la pique ou la lance, l’épée et parfois la hache ; mais le contact direct est redouté ; on l’évite et préfère le combat à distance, hormis dans les escarmouches ; aussi tous ces hommes sont en premier lieu des sagittaires. Là non plus, on ne suit pas une tradition romaine : les légionnaires n’ont jamais porté le carquois ; ils l’abandonnaient, comme une arme peu honorifique, aux alliés et aux mercenaires étrangers[344], en particulier aux Syriens et aux indigènes du Pont. Parmi les cohortes dites sagittariae-ei cantonnées en Orient, je remarque celles qui furent recrutées à l’origine parmi les gens d’Ascalon, de Chalcis, de Pétra, les Ituréens, les Numides[345]. Pas de sagittaires dans les alae ; en revanche, ces cohorles sont equitatae. L’arc est en effet l’arme par excellence du cavalier oriental[346]. Les dommages qu’ils en ont reçus ont, à la longue, modifié à cet égard les idées des Romains. Dans la Notitia, les archers montés apparaissent parmi les corps d’élite[347], mais généralement en fin de liste ; chez les Romains, les préjugés disparaissent ou s’affaiblissent aisément dans la pratique ; ils sont singulièrement tenaces dans la forme, persistent dans le langage. Procope nous en apporte une nouvelle attestation : Quelques-uns, dit-il, appellent par raillerie nos soldats des archers (τοξότας) et réservent pour ceux d’autrefois les noms (plus glorieux) de scutaires et de soldats combattant de pied ferme[348]. Il critique cette étroitesse de vues et poursuit sa description : Nos gens de traits ne vont au combat que couverts de cuirasses et de cuissards. Ils portent des flèches attachées au côté droit, et l’épée à gauche. Quelques-uns ont une javeline sur l’épaule et un bouclier sans anse, dont ils se couvrent le reste du corps, lixcellents cavaliers, ils décochent leurs traits à la course et atteignent l’adversaire, poursuivants ou poursuivis. Ils lèvent l’arc à la hauteur du front, tirent la corde jusqu’à toucher l’oreille droite et chassent la flèche si violemment qu’il n’est bouclier ni cuirasse qui n’en soit transpercé[349]. Élèves des Perses pour le tir à l’arc, les Byzantins ont-ils réussi à surpasser leurs maîtres ? Du moins, selon un témoin qui n’est pas toujours irrécusable, les archers perses auraient été de plus faible mérite : Ils lancent plus de traits, ne combattant qu’à tour de rôle ; ceux qui se retirent sont remplacés par d’autres sans qu’on s’en aperçoive[350]. Procope y insiste ailleurs[351] : Les Perses tirent de l’arc plus souvent, mais les flèches pénètrent moins profondément, s’émoussent ou rebondissent contre le casque, la cuirasse ou le bouclier du soldat romain ; car ils les lancent avec des arcs trop mous et d’une tension insuffisante ; celles des Romains sont plus espacées, mais portent mieux, grâce aux arcs plus rigides et plus tendus. Delbrück[352] rejette cette opinion comme fantaisiste : il n’est pas possible que les Perses aient moins progressé dans cet art que les Romains[353] ; et, de plus, sur un des bas-reliefs que j’ai cités, Chosroes à la chasse est représenté tirant la corde jusque derrière l’oreille, comme il est dit des Byzantins. — La critique la meilleure, à mon sens, de cette allégation de l’historien de Césarée se fonde sur la composition même des armées de ce temps : il y a un peu de tout dans celles des Byzantins, comme dans celles des Perses. Les barbares enrôlés ne se sont pas souciés d’étudier de savants traités tels que le Περί τοξείας[354] ; ils ont leur pratique traditionnelle dont profitent tour à tour les généraux qui recourent à eux. Il serait peu raisonnable, malgré tout, de pousser trop loin le scepticisme : il est incontestable que l’exemple des Parthes, puis des Perses, a déterminé leurs rivaux d’Occident à s’exercer au tir à l’arc avec une assiduité toute particulière, comme il a généralisé l’emploi des combattants cuirassés. |
[1] Une sorte de doublet de Josèphe, Justus de Tibériade, Juif de culture grecque, avait traité des mêmes événements (cf. Em. Schürer, Getch. des jüdisch. Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3-4 Aulf., Leipzig, 1 (1901), p. 60). Il nous manque aussi le livre Antonii Juliani de Judaeis, mentionné par Minucius Félix (Octav., 33, 4), œuvre, apparemment, du gouverneur de Judée durant la guerre de Vespasien. On eût volontiers comparé, grâce à lui, le point de vue romain avec le point de vue juif. — Je n’ai pu, à mon grand regret, consulter l’étude d’A. Schuh, Römisches Kriegswesen nach dem B. J. des Joseph Flavius, mit gelegentlichen vergleichenden Hinweisen auf unsere moderne Heeresverhältniste (Progr. Gymnas. Mährisch-Weisskirchen, 1902) ; et, par suite, j’ai dû refaire moi-même le travail auquel il s’était livré, mais en évitant les comparaisons que son titre promet.
[2] La campagne de Julien avait frappé les imaginations et excité un vif intérêt. Dans sa lettre 4186, Libanios expose toutes les difficultés qu’il a eues à obtenir sur la guerre persique des nouvelles authentiques. Chacun de ceux qui sont revenus m’affirmait avoir des renseignements sûrs et être tout prêt à me les communiquer ; aucun ne l’a fait. Tous s’occupaient, non de l’empereur défunt, uniquement de leurs petites affaires. Quelques soldats seulement ont pu me parler de la durée de la campagne, de la longueur des étapes, des localités traversées ; mais jamais une claire description des faits ; partout l’obscurité, rien qui fournisse une base à la relation d’un historien, et il presse son ami Séleucos, qui avait accompagné l’expédition, de se faire l’historiographe de Julien (Epist. 1078). Ce vœu (dont l’expression déprécie l’Έπιτάφιος) a été rempli par plus d’un, notamment Eutrope, Magnus de Carrhae et Eutychianos de Cappadoce ; les deux derniers ont été pillés maladroitement par Malalas (p. 328, 2e éd. Bonn) ; cf. FHG, IV, 4, où C. Müller a réuni les témoignages qui précisent leur qualité. Eutrope, en tant que clarissime, a pu connaître les documents officiels ; mais il n’était qu’un έπιστολογράφος, sans doute médiocre homme de guerre, et nous ne possédons qu’un abrégé de ses ouvrages. Magnus est cité comme officier par Ammien (XXIV, 4,23) ; quant à Eutychianos, Müller identifie le duc des Arméniens et le πρωτοσηκρήτηρ également connus sous ce nom. Nous savons de Magnus et d’Eutychianos qu’ils avaient raconté par lettres leurs souvenirs d’expédition, avec plus de brièveté qu’Ammien, probablement. Celui-ci a peut-être utilisé le travail de Magnus qu’il connaissait. Il fut une sorte d’officier d’ordonnance (protector domesticus), donc en bonne place pour se renseigner. Malheureusement, pour ses excursus géographiques, il a consulté des sources écrites plutôt que sa mémoire ; cf. Th. Mommsen, Ammians Geographica (Hermès, XVI (1881), p. 602-636) ; et lorsqu’il traite d’événements dont il ne fut pas témoin, il commet des confusions parmi les documents utilisés ; v. O. Seeck, Zur Chronologie und Quellenkritik des Ammianus Marcellinus (ibid., XLI (1906), p. 481-539).
[3] C’est ce que n’a guère remarqué Luigi De Gregori, auteur de quelques pages intitulées : L’esercito bixantino in Prœopio di Cesarea (Bessarione, ser. II, vol. I (ann. VI), 1901, p. 246-258), et qui ne s’est attaché qu’à reconstituer l’organisation de l’armée, la division eu corps et la hiérarchie. Sous ce rapport, en effet, le butin est maigre ; encore n’en prendrons-nous que ce qui regarde les armées d’Orient, négligeant celles qui eurent à lutter contre les Gotha et les Vandales. H y a un peu plus à trouver dans Haas Delbrück, Gesch. der Kriegskunst im Rahmen der polit. Gesch., Berlin, II, 2 (1902), p. 355 sq., et surtout dans Ch. Diehl, Justinien et la civilisation byzantine au VIe siècle, Paris, 1901, p. 145 sq.
[4] Tacite (Hist., V), traite sommairement de la guerre de Judée sous Vespasien ; Velleius Paterculus (II, 101) a été tribun militaire en Syrie, au temps de Gaius César, petit-fils d’Auguste ; mais c’est pour nous une source très secondaire.
[5] Epist., III, 11, 5 : cum in Syria tribunus militarem (cf. I, 10, 2) ; VII, 31, 2 : ego jussus a legato consulari rationes alarum et cohortium excutere. (Cf. Mommsen, Gesamm. Schr., IV (= Hist. Schr., I, 1906), p. 413).
[6] Hérodien, II, 15.6.
[7] R. Reitzenstein, Zwei religionsgeschichtliche Fragen nach ungedruckten griechischen Texten der Strassburger Bibliothek, Strasbourg, 1901, p. 47-52. Ce genre poétique trouvait grande faveur, comme le lieu commun assimilant les empereurs acharnés contre les barbares aux dieux en lutte contre les monstres de la terre (cf. F. Cumont, Revue des Études anciennes, IV (1902), p. 36-40).
[8] Socrate, Hist. ecclés., VII, 21.
[9] Socrate, Hist. ecclés., VII, 21.
[10] Quomodo hist. su scrib., 21 et 32.
[11] Cf. Mai, ad M. Corn. Front. Epist., p. 312, note 1.
[12] Mentionnés par Josèphe, Vita, 342, 358 ; C. Apion., I, 10.
[13] Ils devaient avoir une autre valeur que le récit donné par Théophane de Mytilène des campagnes de Pompée. Quant à Q. Dellius, légat d’Antoine, il a dû se borner à un éloge personnel de celui-ci, et Salluste n’aura pu utiliser ses souvenirs que pour les opérations de Ventidius ; cf. O. Hirschfeld, Dellius ou Sallustius ? (Mélanges Boissier, Paris, 1903, p. 293-5).
[14] FHG, III, p. 659 sq. = H. Peter, Historicorum Romanorum reliquiae, Leipzig, II (1906), p. 144-6. L’auteur fut peut-être proconsul d’Achaïe ; cf. Prosop. itnp. Rom., I, p. 168, n° 1031-2.
[15] Particulièrement détaillés en ce qui concernait l’expédition de Trajan, la plus rapprochée de l’auteur ; v. J. Marquart, Philologus, Supplementhand, X, 1 (1905), p. 221, note 3.
[16] W. Christ, Gesch. der griech. Litteratur, p. 799.
[17] Je ne discute pas cette attribution, d’intérêt secondaire pour notre sujet. Fr. Aussaresses, L’auteur du Strategicon (Rev. des Étud. anciennes, VIII (1900), p. 23-39), avec une sage modération, la présente, non comme certaine, mais comme très vraisemblable. R. Vari, Zur Ueberlieferung mittelgriech. Taktiker (Byzantin. Zeitschr., XV (1906). p. 47-87), ferait plus de cas de la tradition qui met l’ouvrage sous le nom d’un Urbicius, lequel aurait compilé la plupart des matériaux, même rédigé quelques chapitres (p. 81). Si certains passages du tome XII, parlant des Perses, sont des additions postérieures (p. 72), du moins le principal (XI, 2) n’en est pas une ; et si réellement l’auteur comprend, sous le nom de Perses, les Saracènes ou Arabes qu’il ne nomme nulle part, ce n’est point forcément par un pédantisme de Byzantin, aimant les noms classiques pour désigner des choses toutes nouvelles ; des Arabes faisaient effectivement partie des armées sassanides.
[18] Schürer, op. laud., pp. 159-160 ; cf. 111-161.
[19] J’utilise la trad. de l’abbé Paulin Martin. Cf. Rubens Duval, La littérature syriaque, Paris, 1899, p. 187 sq. Cette chronique mérite grande confiance, comme l’a montré Erich Merten, De bello Persico ab Anastasio gesto, diss. hist., Leipzig, 1905 (Commentat. philolog. Ienenses, VII, 2, p. 141-201). — On doit quelques renseignements, touchant surtout la topographie, à une chronique anonyme d’Édesse, composée au VIe siècle, republ. par Ludwig Hallier, Untersuchungen über die Edessenische Chronik mit dem syrischen Texte und einer Uebersetzung (Texte und Untersuch., de Gebhardt et Harnack, IX, 1, Leipzig, 1892). Celle qu’Assemani avait attribuée au patriarche Denys de Tell-Mabré se signale par de larges emprunts à l’Histoire de Socrate.
[20] On se servait beaucoup jadis de Moïse de Khorène ; Aug. Carrière en a ruiné l’autorité (Nouv. sources de Moïse de Khoren, Vienne, 1893 ; add. la public. du Centenaire de l’École des langues orientales vivantes, Paris, 1895, p. 357-414) ; l’ouvrage répandu sous ce nom est un amalgame d’emprunts à des versions arméniennes de chroniques grecques interpolées ; en le mettant au pilon, Carrière a un peu forcé la note (cf. S. Weber, op. cit., p. 62) ; on peut encore l’employer comme terme de comparaison, mais l’histoire militaire n’en profite guère. Marquart adopte la date proposée par Carrière : VIIIe siècle (Abhandl. d. kgl. Geseltsch. der Wissensch. zu, Göttingen, phil.-hist. Kl., N.F., III, 2, 1901) ; F. C. Conybeare, The date of Moses of Khoren (Byzantin. Zeitschr., X, (1901), p. 488-504), défend l’ancienne datation : Ve siècle ; H. Hilbschmann (Indogerman. Forschungen, XVI (1904), p. 197-490) conclut : la partie géographique n’est pas de même main que la partie historique ; l’auteur de l’histoire peut être du VIe siècle ; celui de la géographie remonte au plus tôt au VIIe (p. 371-375).
[21] Cf. dans la traduction de Noeldeke, Leyde, 1879, l’introd., p. XIII-XXVIII.
[22] On a récemment transporté à Vienne des bas-reliefs exhumés, au cours des fouilles d’Éphèse, dans la bibliothèque de Celsus, et relatifs aux guerres des Romains contre les Parthes de 161 à 166 ; je n’en ai pas encore vu de reproduction (cf. Jahrb. d. d. Instit., XX (1905), Arch. Anzeig., p. 180).
[23] Le traître Labienus, se jetant sur la Phénicie, échoua contre Apamée, mais il obtint la reddition volontaire des garnisons placées dans le pays ; elles étaient composées de soldats ayant combattu avec Cassius et Brutus ; Antoine les avait incorporées dans ses légions et, en raison de leur connaissance du pays, il en avait fait les troupes d’occupation de Syrie. Anciens camarades, Labienus les amena facilement à lui... (Dion Cass., XLVIII, 25).
[24] Florus (IV, 10) et Justin (XLII, 5, 3) disent 16 légions ; Tite-Live (Epit., 130) en indique 18, et Velleius Paterculus (II, 82, 1) 13 seulement. Ces divergences tiennent à ce qu’Antoine avait un certain nombre de légats, Susius, Canidius, Ventidius, qui tour à tour opérèrent seuls ou sous ses ordres directs. Pour les contingents de Sosius au siège de Jérusalem, cf. V. Gardthausen, Augustus und seine Zeit, I, 1, p. 238 sq.
[25] Antoine, 42.
[26] Je sais bien que des inscriptions de toute provenance peuvent être utilisées à ce point de vue ; mais lorsqu’une légion est rappelée dans la nomenclature d’un cursus honorum, on ne voit pas toujours où elle était campée ; beaucoup de textes épigraphiques ne peuvent être datés que par approximation ; la liste même qui figure sur la célèbre colonne mafféienne du Vatican (CIL, VI, 3492, a, b) semble avoir été dressée entre 120 et 170 ap. J.-C, laissant une marge de cinquante ans.
[27] Quant aux monnaies contremarquées au numéro d’une légion, qui ne sait avec quelle facilité on peut les transporter, perdant tout souvenir de la trouvaille dont elles proviennent ? Les monnaies autonomes des villes indiquent seules leur origine.
[28] Josèphe, A. J., XVII, 286 sq. ; B. J., II, 66 sq.
[29] Grâce aux indications de Tacite ; v. en particulier Ann., IV, 5 : dehinc, initio ab Syria usque ad flumen Euphraten, quantum ingenli terrarum sinu ambitur, quatuor legionibus cœrcita...
[30] Cf. généralement Cagnat, LEGIO (Dictionn. des antiq. [1899]).
[31] Tacite, Ann., II, 79.
[32] D’où vient ce nom ? Du Fretum Siculum, sur les rives duquel la légion aurait campé dans la guerre de Sicile contre Sextus Pompée (Mommsen, Res gestae, p. 9). On a proposé une autre explication : la leg. X prit part aux opérations navales sur le lac de Tibériade (Clermont-Ganneau, Rev. d’archéol. orient., II (1898), p. 300) ; mais fretum désigne une mer ou un détroit, non un lac, et ce qualificatif de Fretensis doit plutôt remonter à Auguste (Cf. Miction, Rev. bibliq., IX (1900), p. 104).
[33] Tacite, Ann., II, 57.
[34] Celle, apparemment, qu’Antoine conduisit contre les Parthes ; v. supra. Deux légions, outre cette dernière, portaient le n° III : la III Augusta, mais elle était en Afrique ; la III Cyrenaica, et celle-là demeura très probablement en Égypte jusqu’à son transfert à Bostra, capitale de l’Arabie ; cf. CIL, 5101 (a. 33) ; Tacite, Hist., V, 1 (a. 69) ; Sayce, Proceed. of the Soc. of bibl. arch., 1885, p. 170 (a. 90) ; un papyrus de Berlin du 1er août 107 (Griech. Urkunden, 140) la montre encore cantonnée à Alexandrie.
[35] Pour la seconde, Josèphe indique Raphanée au temps de Vespasien (B. J., VII, 18) ; mais elle n’y était pas encore sous Néron, ou se déplaçait fréquemment (II, 500). Il ne serait pas étonnant qu’il y eût eu une garnison dans la capitale de la province.
[36] Cantonnée en Mésie en 33 (CIL, III, 1698) ; cf. CIA, III, 630.
[37] Tacite, Ann., XIII, 35 ; add. CIL, XIV, 3608 : Ti Plautius Silvanus, (légat de Mésie)... motum orientem Sarmatar(um) compressit, quamuis parte(m) magna(m) exercitus (= leg. IV Scythic.) ad expeditionem in Armeniam misisset.
[38] Lorsque Titus se rendit en Palestine pour la guerre juive, il vint à Alexandrie, où il prit la V Macedonica et la X Fretensis. Josèphe (B. J., III, 8 et 64), entend-il sous ce nom l’Alexandrie d’Égypte, dont les deux légions auraient contribué à réprimer l’insurrection ? (Sic Cagnat, LEGIO). Mommsen l’a contesté (Hist. rom., tr. fr., XI, p. 125, note 1) : nous savons en effet que la Xe légion était syrienne, et les troupes auraient dû, avec un pareil itinéraire, traverser un pays révolté. Il est plus vraisemblable que Titus alla par mer d’Achaïe au golfe d’Issos et débarqua à l’Alexandrette d’aujourd’hui. — On comprend, vu le point de départ, que l’historien ne précise pas davantage l’Alexandrie dont il s’agit : certes, il est singulier que Titus n’ait pas touché barre de préférence dans l’excellent port de Séleucie de Piérie ; mais il n’y a pas là d’argument décisif ; rien ne prouve en somme qu’après la guerre de Corbulon ces deux légions eussent quitté la Syrie.
[39] Tacite, Ann., XV, 7, 10, 26.
[40] Jos., B. J., II, 543 sq. Elle tâcha ensuite, par son courage (V, 41 et 467), d’effacer ce souvenir, mais vainement comme on le verra ci-dessous.
[41] Tacite, Ann., XV, 7, 11 sq. : parum habilis prœlio videbatur.
[42] Tacite, Ann., XV, 7, 17.
[43] Cf. A. v. Domaszewski, Die Dislocation des röm. Heeres im Jahre 66 (Rhein Mus., N. F., XLVII (1892), p. 207-218).
[44] Suétone, Vespasien, 6 ; Tacite, Hist., II, 74.
[45] Tacite, Hist., IV, 39.
[46] Chapot, PROVINCIA, Dictionnaire des antiquités.
[47] Retour de la guerre des Parthes en 63 (Tacite, Ann., XV, 25). Il est du moins très probable qu’elle fut cantonnée par Vespasien lui-même en Cappadoce (Suet., Vespasien, 8 : Cappadociae propter adsiduos barbarorum in cursus legiones addidit. Elle doit être comprise dans ce pluriel). Cependant elle fit sûrement aussi un séjour en Pannonie (Jos., B. J., VII, 117) ; après quoi le plus ancien témoignage de son retour en Cappadoce est dans l’έκταξις κατ’ Άλανών d’Arrien ; add. CIL, VIII, 7079.
[48] Παντάπασιν έξήλασεν, dit Josèphe (B. J., VII, 18).
[49] Jos., B. J., VII, 17 ; Dion Cass., LV, 23. Sur le lieu probable du campement, cf. Wilson, Palestine Exploration Fund, 1905, p. 231-242.
[50] Dion Cass., LV, 24.
[51] Cf. CIL, III, 6647.
[52] Clermont-Ganneau, Archeological Researches in Palestine, London, I (1899), p. 468. Il serait naturel que dans ce pays, où Rome avait trouvé des adversaires si redoutables, on eût maintenu provisoirement, par précaution, les deux corps qui avaient la réputation la meilleure (Jos., B. J., III, 65).
[53] Mommsen, Eph. epigr., V, p. 620.
[54] Bien des hypothèses sont nées, touchant le quartier général de cette légion après qu’elle eut quille Laodicée, à une date d’ailleurs inconnue. On a songé à Raphanée, où fut trouvée (R. Dussaud, Rev. archéolog., 1897,1, p. 318) une inscription mentionnant un tribun Severus, surtout parce qu’à un quart d’heure à peine était le Mons Ferrandus des Francs, dont le nom dériverait peut-être de Ferrata. Elle aurait alors hérité des cantonnements de la XII Fulminata. Ritterling a recours aussi à l’onomastique, mais, je crois, avec plus de bonheur (Rhein. Mus., N. F., LVIII (1903), p. 633-5) ; le Ledjoun de Galilée (comme celui du Moab, comme Léon en Espagne) vient de legio, et là aurait stationné la VI Ferrata au Ier siècle ; puis le nom primitif, Caparcotna (CIL, III, 6814, 6816), reparaît dans la Table de Peutinger, entre Césarée et Scythopolis. Mommsen (CIL, III, 6641) songerait plutôt à quelque endroit de la Batanée, en raison de deux inscriptions (l’une de 208 : CIL, VI, 210 ; add. X, 532) relatives à des soldats originaires de Capitolias. — Il est possible que ces diverses conjectures se concilient par des distinctions de dates ; si le laterculus du Vatican laisse la question indécise, elle est en revanche, pour une époque malheureusement inconnue, partiellement tranchée par l’inscr. CIL, IX, 5362 :... trib. leg. VI Ferr. in Syria [P]alaestina. La réorganisation de la Palestine par Hadrien ne dut pas être étrangère à ces changements, comme le dit von Rohden (De Palaestina et Arabia Romanis provinciis, Berolini, 1885, p. 31).
[55] Geogr., V, 14, 12.
[56] Monnaie de Tyr, à l’effigie de Valérien (Mionnet, V, p. 449, n° 738) ; CIG, 4544, 4548, 4571 ; Dion Cass., LV, 23. Elle laissa peut-être un détachement à Cyrrhus, où j’ai copié l’inscription (BCH, XXVI (1902), p. 185, n° 29) ; l’inscription, vu la paléographie et le nom de Severa, doit être du IIIe siècle, et sans doute, puisque le nom de la légion n’est pas martelé, postérieure à Aurélien (ou antérieure à Élagabale en supposant un oubli).
[57] Une vexillatio travailla sous Antonin le Pieux au grand canal de Séleucie de Piérie ; cf. BCH, ibid., p. 165, n° 5, et p. 166 = Waddington, 2714.
[58] Waddington (ad n. 2071) estime que son camp permanent devait être sous Marc-Aurèle dans les environs de Damas, de même que celui de la III Gallica (erreur, comme nous l’avons vu plus haut), car à cette époque les deux légions fournissaient simultanément ou alternativement des détachements pour la garde du poste important de Phaene, situé au point où la voie romaine entrait dans la Trachonite, mais j’ai trouvé à Samosate une brique qui porte : LEG.XVI.FL. (BCH, ibid., p. 203, n° 55), et justement vers le milieu du IIe siècle, Ptolémée (V, 14, 8) écrivait : [texte grec illisible]. Ce devait bien être celle-là.
[59] Itinéraire d’Antonin, 183, 5.
[60] Notons, à titre accessoire, l’établissement à Béryte, sous Auguste, de vétérans de la VIII Augusta (Dion Cass., LI, 9 ; cf. Strabon, XVI, 2, 19, p. 756 C ; Eckhel, D. N. V., III, p. 356 ; cf. Waddington, 1827 et 2699).
[61] N’oublions pas que la XII Fulminata y avait été envoyée en quelque sorte par punition.
[62] V. O. Hirschfeld, Die kaiserlichen Verwaltungs beamten bis auf Diokletian, 2te Aufl., Berlin, 1905, p. 396 sq.
[63] CIL, XII, 1856 (Vienne, sous Septime Sévère) :.... proc.prou. O[sr]hoenae, praefectus legionis Parthicae ; on peut supposer avec Hirschfeld que ce personnage exerça en même temps les deux fonctions, sans quoi en effet la seconde ne pourrait guère figurer après la première, en apparence supérieure. Cette légion est peut-être la l Parthica, ajoute Hirschfeld ; pour mieux dire, il n’y en avait encore qu’une, sans doute, d’organisée, quand fut gravée l’inscription.
[64] CIL, III, 99. On comprend moins comment une inscription qui mentionne un homme στρατευόμενος έν λεγεώνι Πρειμοπ[αρ]θικά a pu se rencontrer près d’Oenoanda, en Lycie (Wiener Denkschriften, 1897, p. 10, n° 30 = IGRRP, III, 479). Il était peut-être en congé dans sa famille, à la suite de blessures ou pour quelque autre motif, car il se dit Βαλβουρεύς, natif de Balbura, ville de Lycie.
[65] Waddington (2643) avait lu II, influencé peut-être par le souvenir de Dion Cassius (LXXVIII, 34) d’après qui la II Parthica était exceptionnellement à Apamée, quand elle se déclara pour Élagabale. Perdrizet et Fossey ont relevé la vraie lecture (CIL, III, 14393). Rien n’empêche du reste que ces deux légions ne se soient réunies d’elles-mêmes à un moment donné ; il fallait de la cohésion pour faire un empereur, rêve suprême des soldats de ce temps.
[66] C’était même peut-être la seule cohorte de cette légion qui fût alors à Apamée.
[67] Eckhel, D. N. V., III, p. 371 ; VIII, p. 489.
[68] Eckhel, III, p. 518.
[69] A l’une des légions parthiques il faut peut-être rapporter le centurion nommé dans une inscription de Palmyre (Waddington, 2397 = IGRRP, III, 1046).
[70] Cette légion ne figure plus dans la Notitia dignitatum ; mais on adopte communément la conjecture ingénieuse d’O. Seeck, qui ne voit là qu’une disparition accidentelle. La lacune relative au corps de troupes campé à Apatna d’Osrhoène (Or., XXXV, 25) se rapporterait à cette légion.
[71] D’où la présence à Namara de sa IIIe cohorte (Waddington, 2279 ; mention d’un des soldats, 2280).
[72] Même la III Gallica, rayée des cadres antérieurement pour avoir suivi dans la révolte son légat, sous le règne d’Élagabale (Dion Cass., LXXIX, 27). Son nom fut martelé sur la plupart des monuments (Waddington, 2438, 2443, etc. ; CIL, III, 206). Une partie des effectifs fut versée dans la III Augusta en Afrique (CIL, VIII, 2904 : ..... translatus leg. III Gallic(a) ; 3043, 3113, 3157) ; puis Aurélien la réhabilita pour ses opérations m Orient, et l’on fit l’opération inverse (Ibid., 4310 : Iul. Valent, ud(eranua), natio(ne) Sur(us), prob(atus) in III Gal(lica), missus de leg(ione) III Augusta).
[73] Homo, Essai sur Aurélien, Paris, 1904, p. 200 sq.
[74] Catalogue of greek coins... of Syria, p. 286, n° 25.
[75] Ritterling, Zum röm. Heerwesen des ausgehenden dritten Jahrhunderts (Festschrift zu O. Hirschfelds 60. Geburtstage, Berlin, 1903, p. 345-9).
[76] Cagnat, Ann. épigr., 1900, n° 29 ; add. CIG, 2941.
[77] La VI Ferrata opère contre les Daces (Tacite, Hist., III, 46) et, au IIe siècle, envoie un détachement contre les Maures (Cagnat, L’Armée rom. d’Afrique, p. 41 sq.) ; les V Macedonica, X Fretensis et XII Fulminata, selon une interprétation, prirent part à la répression de la révolte d’Alexandrie ; la dernière nommée, selon Xiphilin (Dion Cass., LXXI, 9), aurait aussi marché contre les Quades sous Marc-Aurèle ; la III Cyrenaica fournit peut-être un détachement lors de l’insurrection des Maures, sous Antonin le Pieux (Cagnat, ibid., p. 104) ; enfin, au commencement du IVe siècle, une vexillatio paraît avoir été dépêchée en Égypte, avec une autre de la I Illyrica (Cagnat, Ann. épigr., 1894, n° 163 ; 1900, n° 29).
[78] C’était alors la meilleure, avec la VI Ferrata (Tacite, Ann., XV, 26 : sextant ac tertiam legionei integrum militent et crebris ac prosperis laboribus exercitum).
[79] Cf. R. Cagnat, L’armée romaine au siège de Jérusalem (Rev. des étud. juiv., XXII (1891), p. XXXI-LVIII).
[80] Faute d’un récit aussi détaillé que celui de Josèphe pour la guerre de Titus, nous ne savons pas exactement quels corps de troupes composaient l’armée chargée de réprimer la révolte de Barkokeba. Arsène Darmesteter a étudié la question anciennement (Rev. des étud. juiv., I (1880), p. 42-55).
[81] Y aurait-il eu d’abord une guerre parthique sous Antonin le Pieux ? Cf. CIL, IX, 2457 : L. Neratio C. f. Vol. Proculo, leg. leg. XVI Flaviae Fidel., item misso ab Imp. Antonino Aug. Pio ad deducendat vexillationes in Syriam ob bellum Parthicum. Borghesi (Œuvres, V, p. 373-378) a expliqué ce texte déconcertant en supposant qu’il y eut sous ce règne des difficultés avec Vologèse III, mais que celui-ci fut effrayé par les préparatifs militaires d’Antonin et renonça à toute offensive.
[82] Cf. CIL, VI, 32933 :... praef. vexillation(is) eq(uitum) Moesiae Infer(ioris) et Daciae eunti (sic) in expeditione(m) Parthic(am)... — V. Bogdan Filow, Klio (= Beiträge zur alten Geschichte), VI Beiheft, 1906, pp. 75, 80, 85-86.
[83] Cagnat, Année épigr., 1890, n° 82.
[84] CIL, III, 186 ; cf. additam., p. 972.
[85] Peut-être même les deux légions Adiutrices. Domaszewski (Röm. Mitth., XX (1905), p. 158, note 1) rapporte à elles et à la guerre de Caracalla l’inscription suivante (BCH, XXV (1901), p. 59, n° 203) : άννωναρ χήσα[ς] λεγιώσι α’ καί β’ διόδοις [έπί ?] Πέρσας, où G. Mendel voyait une allusion aux deux légions parthiques ; on ne comprendrait pas comment la première de celles-ci (V. infra) aurait dû passer en Bithynie. — Quant à Πέρσας, v. la note suivante.
[86] On y lit : expeditio Parthica, mais ces noms de Parthes et Perses restèrent longtemps interchangeables ; cf. V. Gardthausen, Die Parther in griech.-röm. Inschriften (Orientalische Studien Th. Noeldeke zum 70e Geburtstage gewidmet..., hsgg. v. G. Bezold, Giessen, 1906, II, p. 839-859), v. p. 855 sq.
[87] V. Léon Homo, Essai sur le règne de l’empereur Aurélien, Paris, 1904, p. 84 sq.
[88] Homo, p. 322 sq.
[89] B. J., III, 93-97. Add. deux allusions, l’une à l’équipement trop lourd des Romains qui gêna la retraite de Cestius (B. J., II, 5S3 sq.), l’autre (ibid., VII, 85 sq.) à la chaussure de guerre d’un officier, dont les clous le firent tomber.
[90] Il y en a 1.000 dans l’armée de Lucullus (Plutarque, Lucullus, 11). Antoine garnit de frondeurs et de gens de trait (l. surtout des sagittaires) son arrière-garde et les deux ailes de son armée, qu’il dispose en carré (Plut., Ant., 42). Ventidius défit les Parthes principalement à l’aide des frondeurs (Dion Cass., XLIX, 20), car les frondes ont plus de portée que les arcs (ibid., 26). Elles font même, selon Végèce (I, 16), des blessures plus dangereuses, dont les cuirasses ne préservent pas. Lors de l’attaque d’Édesse par Cavad (a. 503), enfants et jeunes gens de la ville font jouer la fronde (Josué le Stylite, Chron., 61). Les Perses aussi avaient des frondeurs, par exemple au siège d’Amida (Ammien Marc., XIX, 5,1).
[91] Et justement la plupart des inscriptions — non chrétiennes — de nos recueils datent de la période des Antonins et des Sévères.
[92] Voici quelques exemples que j’ai recueillis, qui confirment ou contredisent, suivant les cas, la règle du recrutement régional : L. Philocalus, L. f.. Col., Valen., Gadara (domo ?), mil. leg. X Fr. (CIL, III. 6697. Byblos) ; un hastatus de la X Fretensis, domo Nicomedia (Bull. dell’ Istit., 1884, p. 27) ; un soldat de la XVI Flavia Firma se dit Athénien (Waddington, 1492, Mopsueste) ; un homme au service de la I Parthica est natif de Balbura de Lycie (Wiener Denkschriften, XLV (1897), p. 10, n° 30) ; un autre, de la même légion ou de la III, a élevé une stèle à son fils (Sittlington Sterrett, Wolfe Expedition, p. 76, n° 131) à Artanada de Cilicie, d’où il était peut-être originaire. Un soldat de la III Cyrenaica est nat. Bessus (Waddington, 1956) ; une inscription de Namara nomme un Nabatéen servant dans la cavalerie de la même légion (ibid., 2271), et un a quaest(i)onar(i)is leg. III Cyr., signataire d’une dédicace à Zeus Ammon (Ewin, Palest. Explor. Fund, 1895, p. 136, n° 62), devait être Égyptien de naissance. Un soldat de la III Cyrenaica encore porte en outre le titre de bouleute dans une inscription trouvée à El-Mzerib dans le Haouran (BCH, XXI (1897), p. 43, n° 17) ; si elle n’était plus in situ, elle n’avait du moins pas beaucoup voyagé. A Apamée, un signifer (de légion ?) né en Styrie (CIL, III, 6700, IIe siècle). — Le recrutement régional ne s’applique naturellement pas aux gradés : M. Iulius Maximus de Mantoue, centurion de la III Cyrenaica (Waddington, 1955) ; un centurion de la III Gallica a enterré sa femme à Ancyre (Arch.-ep. Mitth. aus Oest.-Ung., IX (1885), p. 114, n° 6) ; peut-être était-il d’Ancyre lui-même ; un tribun laticlave des lésions XII Fulminata et IV Scythica est citoyen de Magarsos, ville de Cilicie (Wiener Denkschriften, XLIV (1896), VI, p. 9). Par exception, voici un tribun originaire de Phaene en Trachonite (Waddington, 2533).
[93] Th. Mommsen, dans un célèbre et admirable travail (Das römisch Militärwesen seit Diocletian, dans Hermès, XXIV (1889), p. 195-279), a étudié les causes, les phases de cette évolution. J’aurai plus d’une observation fondamentale à lui emprunter ; mais je crois qu’on en peu ajouter quelques-unes, que suggère particulièrement l’état des choses vers la frontière d’Orient.
[94] Histoires, III, 2.
[95] Procope, B. P., II, 11,1.
[96] Rapprocher ce qui se passe en Afrique pour la leg. III Augusta, chargée de surveiller seule une longue zone désertique, et qui s’éparpille, par petits groupes, entre tous les fortins du limes.
[97] Par exemple, à Séleucie de Piérie, pour le creusement du grand canal, on emploie deux vexillationes des légions Scythica et Flavia Firma, rappelées dans la même inscription (Chapot, BGH, XXVI (1902), p. 165, n° 3), et une autre de la Fretensis (CIL, III, 6045), vers le même temps. Cette dernière a encore un dépôt à Abou-Goch en Palestine (Rev. bibliq., 1902, p. 430 = Cagnat, Ann. épigr., 1902, n° 230).
[98] Άναλαβών δέ άπό τής Άντιοχείας τό μέν δωδέκατον τάγμα πλήρες, écrit Josèphe, comme s’il voulait accuser un fait exceptionnel (B. J., II, 500).
[99] N’oublions pas du reste que le IIIe siècle est l’époque des soldats de fortune devenus empereurs. Portés au pouvoir suprême par l’armée, ils doivent tendre à s’entourer d’une imposante garde militaire attachée à leurs personnes et les suivant partout, alors que les anciennes cohortes formant la garnison de la capitale affectaient à l’égard du prince une indépendance gênante, même après les réformes de Septime Sévère.
[100] Cf. Mommsen, loc. cit., p. 210 sq.
[101] Lactance, De mort, pers., 7 ; Suidas, έσχατιά ; le renseignement de Suidas doit être emprunté à Zosime, car il concorde parfaitement avec ce que celui-ci dit en sens contraire de Constantin (II, 34).
[102] CIL, III, 236 : leg. I P(ontica).
[103] Elle se traduit même en ce qui concerne les dénominations des provinces ; avant Dioctétien, c’est la Cappadocia et la Syria Cœle qui nous intéressent ; après, c’est l’Armenia et la Syria et Euphratensis.
[104] Aetius (Hermès, XXXVI (1901), p. 516-547), in fine.
[105] Or., XXXVII, 21.
[106] XXXVII, 22. L’emplacement de Betthoro n’est pas connu ; on suppose Bet Eraï en Batanée (Benzinger, Baifurrhus et Bathyra, ap. Pauly-W. ; add. Schürer, op. laud., I, p. 693, notes 132-133 ; Schumacher, Across the Jordan, p. 50 sq.).
[107] Qui fut peut-être en Osrhoène.
[108] XXXVI, 29. Son surnom récent de Nisibena est difficile à interpréter ; séjour temporaire à Nisibis, belle conduite dans cette ville, ou recrutement surtout dans la région, tout est possible.
[109] XXXVI, 30. Le retour est du temps de Constantin (De Rossi, Bull. dell’ Istit., 1884, p. 84.)
[110] XXXV, 24.
[111] Ammien Marc., XVIII, 9, 3.
[112] Ammien Marc., XIX, 8.
[113] Not., XXXII, 31.
[114] XXXIII, 23.
[115] CIL, III, 6661.
[116] Not., XXXII, 30.
[117] XXXIII, 28.
[118] XXXIV, 30 ; Eusèbe, Onomasticon, Αίλάμ, p. 22.
[119] Peut-être, dans l’intervalle, fut-elle quelque temps à Philadelphia (Amman). Une inscription de cette ville (Conder, Survey of Eastern Palestine, I, p. 54 ; Clermont-Ganneau, Rec. d’arch. or., II (1898), p. 25) porte, l. 2 sq. : [λ]εγ. δεκάτης Φρ. Γορδιανής. Je crois que la restitution pourrait être complétée aux deux premières lignes : ΟΡΙΚΤΩ . . . . . Ο[ύ]ίκτω[ρα ήγε] donnerait facilement ΝΟΝΑ...ΕΓ . . . . . [μ]όνα [τής γ]εγ.
Ήγεμών, au IIIe siècle, a quelquefois le sens de praefectus (legionii).
[120] Not., XXXVIII, 13-14.
[121] Not., XXXVIII, 15-16.
[122] XXIX, 6-8.
[123] Zosime, loc. cit.
[124] Not., VII, 13, 49 ; 14, 50. La seconde fut taillée en pièces à Bezabde par Sapor (Ammien Marc., XX, 7, 11), mais évidemment reconstituée par la suite.
[125] VII, 20, 56.
[126] VII, 19, 55.
[127] VII, 17, 53.
[128] VII, 18, 54.
[129] Cf. Seeck, Comitatenses (Pauly-W.). Il signale l’apparition première du terme de pseudocomitatenses dans une constitution de 373 (C. Theod., VIII, 1,10). Quant aux comitatenses, ils remonteraient à la guerre persique de 297. Les faibles garnisons de la frontière furent d’abord battues ; la victoire ne fut acquise que lorsque Galère eut avancé des troupes de seconde ligne (Aur. Victor, de Cæs., 39 ; Eutrope, IX, 24-25).
[130] Le régime de la division de l’empire entre plusieurs titulaires doit y être pour beaucoup, bien qu’on ne se fît pas faute de recruter jusqu’en Germanie des soldats pour l’Orient. A le bien prendre d’ailleurs, il y a dans tout ceci des règles de principe, non de fait.
[131] Not., VII, 12, 47.
[132] VII, 11, 46.
[133] VII, 10, 45.
[134] VII, 4, 39.
[135] VII, 6, 41.
[136] VII, 7, 42.
[137] VII, 9, 44.
[138] VII, 5, 40.
[139] Juniores de la I Joviana, corps formé par Dioclétien (V, 3, 43) ; Juniores de la II Herculia, création de Maximien Hercule (V, 4, 44) ; détachement de la XI Claudia (VI, 46). Mention des Palatins dans l’armée de Julien (Ammien Marc., XXV, 6, 4).
[140] Pour l’Orient, parmi les pseudocomitatenses, on trouve : Balistarii Theodosiaci (VII, 21, 57), Funditores (VII, 16, 52), Fortenses auxiliarii (VII, 15, 51), Transtigritani (VII, 22, 58) ; et dans les comitatenses : Balistarii Seniores (VII, 8, 43), Martenses Seniores déjà nommés (VII, 5, 40). D’autre part, il y aurait eu à Antioche en 363 un corps d’élite à Herculiani Seniores, auquel appartenaient deux militaires qui y furent martyrisés, d’après des Actes suspects au moins dans les détails (Acta Sanctorum, Aug., IV, 425-430 ; cf. Dom Leclercq, Les Martyrs, III (1904), p. 99 sq.).
[141] XVIII, 9, 3.
[142] XX, 6, 8.
[143] XVIII, 9, 3 ; cf. Mommsen, Hermès, XXIV (1889), p. 254.
[144] Not., Occ, VII, 108.
[145] Seeck, loc. cit., expose ainsi l’évolution probable : des 6.000 hommes de l’ancienne légion, 4.000 furent enlevés, constituant les Seniores et les Juniores de l’armée de réserve (peut-être vaudrait-il mieux dire : 2.000 comitatenses, 2.000 pseudocomitatenses) ; restent 2.000 (riparienses) pour le limes. Ces derniers étaient les plus médiocres éléments (Ammien Marc., XXIX, 5, 4 ; C. Theod., VII, 22, 8 ; C. Just., I, 27, 2, §8). Les cantonnements des comitatenses restent pour nous absolument inconnus.
[146] Procope, au VIe siècle, en fait une expression périmée (Aed., III, 4, p. 255 ; cf. I, 7, p. 195).
[147] II, 6, 9.
[148] La correspondance de Cicéron exprime des plaintes fréquentes sur l’insuffisance des effectifs dans les régions asiatiques. Devenu gouverneur de la Cilicie en 51, il apprend l’invasion des Parthes (ad div., XV, 2) et conçoit de vives craintes pour la Cappadoce, sans défense, et qui détient les chefs de sa province. Il écrit (XV, 1) : Aucun fond à faire sur les levées provinciales ; la population est faible et se cache depuis qu’il y a danger. Sur la valeur de cette milice, rapportez-vous en à Bibulus, qui n’en a pas voulu. Quant aux renforts des alliés (sociorum auxilia), grâce à nos injustices leurs contingents sont ou trop faibles, ou trop mal disposés... Cf. Tacite, Ann., II, 78 : regulis Cilicum ut se auxiliis iuuarent scribit (Piso). Hérodien (VII, 2, 1) commet une confusion absolue : Maximien passa le Rhin avec des akontistes maures, ses sujets, et des archers osrhoéniens et arméniens. Mais l’Osrhoène était alors pays sujet, non allié !
[149] On le voit, par exemple, pour la cohorte de Trébizonde, après la suppression du royaume de Polémon, dans le Pont (Tacite, Hist., III, 47).
[150] Crassus, 20.
[151] XLIX, 20, 26 ; sic Plut., Ant., 41 sq.
[152] Dion Cass., XLIX, 44.
[153] Plutarque, Ant., 50, 52, 61.
[154] Plutarque, Ant., 45, 50. Florus (IV, 10 = II, 20, 10, Rossbach) dit qu’il n’en réchappa qu’un tiers, et Antoine avait avec lui une dizaine de légions (Plut., ibid., 39).
[155] Cf. notamment Tacite, Ann., XV, 26.
[156] Voir en particulier Tacite, Ann., XIII, 35.
[157] Jos., B. J., II, 543.
[158] M. Cagnat les a énumérés (Rev. des Étud. juiv., loc. cit.,) et évalués à 20.000 hommes environ. Peut-être n’est-ce pas assez dire : Palmyre seule avait expédié un secours de 8.000 archers, d’après un texte hébreu (J. Derenbourg, Hist. de la Palestine, Paris, 1867, p. 15, note) ; il faut, il est vrai, se méfier des statistiques orientales ; ainsi Josèphe fait une grande ville de tout village de son pays. Pourtant il y avait encore coopération d’Hérode Agrippa II, des rois d’Iturée et de Commagène et de l’ethnarque nabatéen Malchos. De Commagène venait un corps d’élite, armé et exercé à la manière des soldats d’Alexandre, et qu’on appelait les Macédoniens (Jos., B. J., V, 460). Nous avons un aperçu de l’accoutrement des sagittaires ituréens, grâce à un bas-relief funéraire (Cagnat, ibid., p. XXXIX) donnant le buste de l’un d’eux ; il y apparaît vêtu d’un grand manteau à capuchon, et par suite dépourvu de casque. — Il y avait aussi un corps de Gétules, devenu probablement l’ala Gaetutorum veterana ; v. ci-dessous.
[159] V. plus loin une restriction nécessaire concernant l’Arabie.
[160] P. Wolters, Ein Denkmal der Partherkriege (Ath. Mitth., XXVIII (1903), p. 291-300) ; cf. Lebas-Foucart, II, 203 b.
[161] L’inscription ne le dit pas ; mais elle mentionnerait la qualité de légionnaire, si le personnage l’avait eue : Les tria nomina ne mettent pas obstacle à ce qu’il ait servi en dehors d’une légion ; du reste le droit de cité était très répandu dès le commencement du IIIe siècle, auquel remonte le monument, et il semble bien que Caracalla, le premier, ait enrôlé en Achaïe des recrues pour la guerre parthique (Hérodien, IV, 8,3).
[162] Wolters, avec raison, signale l’usage de la massue chez les Arcadiens (Stace, Thebaïde, IV, 301) auxquels le λόχος lacédémonien l’avait dû emprunter. Rapprochons un autre exemple : les troupes de Palestine de l’armée d’Aurélien avaient, dit Zosime, outre les autres armes, κορύνας καί ρόπαλα ; sous leurs coups, les Palmyréniens furent stupéfaits, paralysés (I, 53, 2-3). Cf. les massues des Perses, supra.
[163] Et elles paraissent toutes appartenir à la même époque ; cf. CIG, 1253 (Sparte) ; je ne crois pas que la guerre de L. Verus soit visée dans ce texte ; mais plutôt celle de Caracalla, puis celle de Sévère Alexandre ; add. 1495 ; Lebas-Foucart, II, 183 b. Une inscription de la Mégaride, connue seulement par une mauvaise copie de Wheler, porte ceci de certain : τό έπίγραμμα τών έν τώ Περσικώ πολέμω άποθανόντων... (CIG, 1051).
[164] Mais sans doute elles cessent d’être englobées sous la désignation commune d’auxilia, puisque ce terme désigne de nouvelles formations, où n’entre que de l’infanterie, les unes cantonnées vers le Danube (Not. Occ, XXXII, 39-43 ; XXXIII, 46-50), les autres dans les troupes de réserve (auxilia palatina) ; v. infra.
[165] Indication certaine dans Josèphe (B. J., II, 500), mais en bloc, et qui ne concerne qu’une opération isolée : Titus prit avec lui six cohortes et quatre ailes, et en outre les secours des alliés.
[166] Je veux parler de l’έκταξις κατ' Άλανών d’Arrien, qui a été commentée de très près par E. Ritterling, Zur Erklärung von Arrians έκτ. (Wiener Studien, XXIV (1902), p. 359-372).
[167] Plutarque parle plusieurs fois des cohortes de Lucullus (Lucull., 27, 31) ; il fait allusion à l’infanterie tant légère que pesamment armée donnée par le chef à son légal Sextilius (25). La légère ne semble pas avoir été très nombreuse ; quant aux cohortes, on ne voit pas si ce sont des corps auxiliaires, ou des divisions de la légion.
[168] Marquardt (Organis. milit., tr. fr., p. 197 et note 7) a exagéré ce caractère ambulant des auxilia ; nos documents, aujourd’hui plus nombreux, révèlent au contraire une certaine fixité ; les diplômes de 139 et 157, par exemple, en confirmant l’hypothèse que les vexillationes de Lollianus (CIL, III, 600) avaient servi dans la guerre parthique de Trajan, ont fait voir qu’une bonne partie de ces corps y étaient restés depuis, quelques-uns jusqu’au temps de la Notitia dignitatum. Mais, en somme, pas de règle générale.
[169] Marquardt lui-même (ibid., note 8) cite de nombreux cas de ces oppositions.
[170] Cf. Mommsen, Hermès, XIX (1884), p. 210 sq.
[171] Il faut cependant signaler comme exception le commandement de Lollianus, praepositus in Mesopotamia vexillationibus equitum electorum alarum... (CIL, III, 600).
[172] En effet, s’il faut admettre les effectifs proposés par Mommsen pour chaque variété de numeri, le moindre dux aurait eu sous ses ordres au moins une quinzaine de milliers d’hommes ; ce qui s’accorde mal avec la pénurie de soldats souvent attestée.
[173] Pauly-W., s. u. ala (1893) et cohors (1899). Je m’étonne que le 1er Supplementband (1903) n’y ait rien ajouté.
[174] Bien que nous ayons renoncé à étudier ces deux régions topographiquement.
[175] Pour l’ordre alphabétique, il est tenu compte avant tout de l’ethnique orthographié à la moderne ; à défaut, on se base sur le qualificatif le plus propre à créer une distinction.
[176] Il s’agit partout de la Notitia Orientis.
[177] Ce nom ne reparaîtra jamais qu’à propos de la même inscription déjà citée.
[178] Cette référence indiquera toujours l’έκταξις κατ’ Άλανών.
[179] Je rappelle que l’Arménie d’alors correspond à la partie orientale de la Cappadoce du Haut-Empire.
[180] Le mot a peut-être le sens de Singularium.
[181] Beaucoup aussi se nomment Flavia ; mais si les Flaviens les ont créées, ce sont moins sûrement eux qui les ont établies en Orient, à l’occasion de la première guerre juive.
[182] Ce détail est piquant à rapprocher du traité conclu, pour un partage pacifique de l’Arménie, par Théodose Ier. Il apparaît bien qu’on se gardait néanmoins avec prudence.
[183] Il y a en effet jusqu’à six cohortes Petraeorum antérieures à 139 ; mais il est singulier qu’on n’ait pas embrigadé plutôt dans des ailes ces cavaliers éprouvés. — Ces cohortes Petraeorum représentent peut-être les sex coh. Saracenorum, dont parle la vie de Probus (4, 1-2), et jugées suspectes, dans une interprétation trop littérale, par Lécrivain (Études sur l’Histoire Auguste, Paris, 1904, p. 58 sq.).
[184] Une inscription de Bostra (Waddinglon, 1946 = CIL, III, 93) mentionne des e[q](uites) sing(ulares) exerc(itus) Arab(ici) ; c’était apparemment un corps composé de soldats d’élite recrutés un peu partout. La date du document serait précieuse à pénétrer ; bonis litteris, dit le CIL, ce qui ne révèle pas grand chose ; le légat mentionné dans ce texte est par ailleurs inconnu ; du moins ce titre même indique, au plus tard, la première moitié du IIIe siècle.
[185] Cf. Ritterling, Festschrift fur O. Hirschfeld, loc. cit.
[186] Et les cunei equitum, type d’escadrons d’origine germanique (Tacite, Germ., 6-7), qui n’est représenté en Orient que par une seule vexillatio comitatensis de Palmyréniens (Not., Or., VII, 34).
[187] Hermès, XXIV, p. 207.
[188] Zosime, I, 52, 3.
[189] Il n’échappera à personne que certains qualificatifs attribués à tel corps d’equites ont forcément perdu leur signification, car on en réunit qui font pléonasme (Dalmatae Illyriciani : Or., XXXII, 21 ; XXXIII, 25 ; XXXIV, 18 ; XXXV, 15 ; XXXVII, 16) et d’autres qui sont inconciliables (Mauri Illyriciani : Or., XXXII, 18 ; XXXIII, 26 ; XXXIV, 21 ; XXXV, 17 ; XXXVII, 17).
[190] Ritterling, ibid.
[191] Je parle de ceux qui rentrent dans les limites géographiques de mon sujet ; par ailleurs, on ne trouve rien de pareil, qu’en Pannonie (Occ., XXXII), en Gaule et en Afrique (Occ., VII, 166 sq.).
[192] Mommsen estime même (loc. cit.,) qu’il n’y a plus de corps mixtes à la basse époque ; on s’acheminait à cette suppression, mais il fallut du temps pour la réaliser, ou bien comment expliquer la cohors I equitata de Palestine (Not., XXXIV, 43) et la cohors I Claudia equitata d’Arménie (XXXVIII, 36) ?
[193] Not., Or., VII, 25 à 34.
[194] Not., Or., VII, 24.
[195] Ces auxilia palatina se bornent aux Felices Arcadiani Seniores et aux Felices Honoriam Seniores (VII, 35 à 37), noms qui donnent à eux seuls une date.
[196] Cagnat, s. u., Dictionnaire des antiquités.
[197] Ammien Marc., XXIII, 2, I ; cf. Liban., Or., XVIII (Έπιτάφιος), 169 = II, p. 309, Fœrster. Pourtant il ne dédaigna pas l’aide des Goths (Zos., III, 25, 9) ou des Scythes (Ammien, XXIII, 2,7), et il y avait dans son armée des Arctoi Germani (Id., XXV, 6, 13, 8, 1).
[198] Mommsen, loc. laud., p. 215 sq. — Du travail récent et manuscrit de P. Meininger, Les barbares dans les armées romaines du IVe siècle, je ne connais que la peu explicite table des matières, publiée dans les Positions des Mémoires présentés à la Faculté des Lettres de Paris pour l’obtention du diplôme d’études supérieures (hist. et géogr.), juin 1904, p. 70 sq.
[199] Seuls, les Lazes de la Transcaucasie se bornent à la défense de leur territoire et n’ont pas à quitter leur pays. Procope signale le fait comme exceptionnel (B. P., II, 15, 4). La situation exacte de certains de ces peuples est parfois fort délicate à définir ; ainsi pour les Tzanes et les Abasges, voir les textes réunis par Mommsen, ibid., p. 276 ; ils sont dits autonomes, bien qu’établis en terre romaine.
[200] Ammien Marc., XXIII, 3, 8 ; C. Théod., XII, 13, 6.
[201] Procope, B. P., II, 10, 21-23 : Chosroes déclare que les Romains n’auront une paix durable que s’ils acquittent une contribution annuelle pour la garde des Portes Caspiennes. Les députés de Justinien protestent : les Perses veulent réduire les Romains au rang de tributaires ! — Non, dit Chosroes, mais désormais στρατιώτας έξουσι τό λοιπόν Πέρσας ‘Ρωμαΐοι, comme les Saracènes et les Huns, à qui vous payez une somme chaque année pour qu’ils défendent votre territoire.
[202] Des fragments de Menauder Protector (F. H. G., IV, p. 220 sq. = de Boor, Excerpt. de légal., pp. 189, 440 sq.) nous montrent que de part et d’autre les formes juridiques étaient inégalement observées. C’est Chosroes qui, un jour de l’an 565, ayant reçu un député de l’empereur Justin II, lui toucha un mot de l’affaire des Saracènes. Justinien, en temps de paix, avait luit des présents aux Arabes soumis aux Perses. Justin ne voulut pas s’abaisser devant ces barbares et rompit avec cet usage. Mais eux envoyèrent une supplique à leur suzerain, qui prit leur cause en main. Les Saracènes affirmaient recevoir cet argent parce qu’ils avaient promis de ne pas troubler les provinces romaines. Simple libéralité, dit l’ambassadeur de Justin ; c’était un don, non un prix débattu par contrat ! Chosroes n’insista pas, mais l’année suivante, un de ses messagers revint à la charge. Ce serait drôle, s’écria Justin, si nous, Romains nous devions payer un tribut à ces Saracènes, à ces nomades ! — Les Arabes de Hira, il est vrai, ne s’étaient pas toujours aussi volontiers réclamés de la Perse ; dans le traité romano-perse de 532, il n’était pas fait mention des Saracènes ; Byzance soutint que leur situation y était implicitement réglée. L’Arabe vassal des Sassanides déclara que cette convention ne le liait pas, et ce fut la cause d’une guerre nouvelle (Procope, B. P., II, 1, 8) ; il faut retenir ce grief de Chosroes reprochant à Justinien de vouloir attirer à lui Alamoundar en lui promettant de grosses sommes d’argent.
[203] On transféra plus d’une fois dans l’armée de marche des limitanei qui s’étaient distingués (CIL, VI, 2759 ; Dessau, ILS, 2781-2) ; Honorius, en Occident, rendit une constitution pour l’interdire (Cod. Theod., VII, 1, 18), craignant sans doute des sélections trop hâtives.
[204] Ammien Marc., XVII, 2, 3 : ...dilectum validae ivuentulis et servitium spoponderunt.
[205] Et encore, dit très bien Mommsen (ibid., p. 240), cherchait-on à les dissimuler.
[206] Ibid., p. 272 sq.
[207] Cohors XIV Valeria Zabdenorum = Zabdicenorum.
[208] Equites Saraceni indigenae et Equites Saraceni dans le duché de Phénicie (Not., XXXII, 27-28).
[209] Auxilia palat., Or., V, 60.
[210] Ceux-là, chose extraordinaire, forment en Thrace une legio comitatensis (Or., VIII, 19), malgré le principe, qui a subsisté, du recrutement légionnaire parmi les citoyens exclusivement. On croirait à une erreur des manuscrits de la Notitia sans le témoignage concordant d’Ammien (XXV, 1, 19) : ...qui legionem Ziannorum (= Tzannorum) regebat.
[211] Comites sagittarii Armenii (Vexill. palat., Or., V, 30 ; VI, 31). Mommsen leur donne pour lieu d’origine, non l’Arménie romaine, mais l’état client de Grande-Arménie, leur appliquant le texte d’Ammien (XVIII, 9, 4) qui les dit barbari ingenui.
[212] Equites primi (et secundi) clibanarii Parthi, vexill. comitatenses (Or., V, 40 ; VI, 41) ; Equites Persae clibanarii (Or., VI, 32) dans les vexill. palat. du maqister praesentalis d’Orient ; Equités quarti clibanarii Parthi dans les vexill. comit. du magister per Orientem (VII, 32).
[213] En même temps que se restreignait l’armement à la romaine et que se multipliaient les corps s’organisant et s’armant eux-mêmes, à leur façon.
[214] Getch. der Kriegskunst, II, 2 (1902), p. 355 sq.
[215] Loc. cit., p. 242.
[216] Comme les Scythes sous Valens, pour une expédition persique (Ammien Marc., XXX, 2, 6).
[217] M. Diehl (Justinien, loc. cit.) en a très heureusement souligné l’importance : Les souverains de Constantinople n’ont jamais admis les pertes de territoires. Un seul empire, une seule foi ; il n’y n que des princes vassaux. Cette opinion est partagée par les habitants des pays conquis par les princes répulc vassaux. Et ceux-ci ne craignent pas de passer pour vassaux : ils se disent tels, admirent l’empire, placent l’effigie impériale sur leurs monnaies, quand même ils sont en guerre ouverte avec l’empereur.
[218] Conrad Benjamin, De Justiniani imperatoris aelate quaestiones militares, diss., Berolini, 1892 ; p. 4 sq.
[219] Synesios (de regno, 25) fait remonter un peu plus haut, sous Théodose Ier, la véritable invasion de l’élément barbare dans l’armée romaine.
[220] Fr. 7, ap. Müller, FHG, IV, p. 59.
[221] En 541, une fièvre s’éleva dans la brûlante Mésopotamie (côté perse). Les soldats romains, qui pour la plupart étaient des Thraces, ne purent résister ei moururent en nombre (B. P., II, 19, 32). Au moment d’une déroute, heureusement les Goths chargèrent rudement les Perses et les obligèrent à reculer (Ibid., 18, 24). Ailleurs il est dit que Narsès commande les Hérules et les Arméniens (24, 12), et Procope décrit l’armement spécial des Hérules (25, 27-28) ; cf. Agathias, qui nomme (III, 4, 1) un chef des Hérules et distingue aussi l’armement des Maures, Tzanes, Isauriens, Lombards, Hérules (III, 9, 2). Une autre fois, les Romains avaient 2.000 Sabires pesamment armés (III, 8, 1). Aux ambassadeurs de Chosroes, Bélisaire sut présenter habilement ses troupes : Thraces, Illyriens, Goths, Hérules, Vandales, Maures ; ils revinrent étonnés d’avoir vu des soldats si disciplinés (B. P., II, 21, 4 et 14). Le mélange de races si diverses n’eût pas donné une telle impression.
[222] Ou bien on les faisait avec un discernement tout particulier. Julien écrivait à Constance : Je vous fournirai quelques jeunes têtes qui descendent d’une excellente race de barbares en deçà du Rhin ; ils sont bons à mêler avec les scutaires et les gentils (Ammien Marc., XX, 8, 13 — texte du IVe siècle, du reste).
[223] Constitution de Léon (468), C. Just., IX, 12, 10 : Omnibus per civitates et agros habendi bucellarios vel Isauros armatosque servos licentiam volumus esse praedusam.
[224] Hermès, ibid., p. 233 sq.
[225] Cf. Seeck, Bucellarii, Pauly-W. — Joignons à cela l’influence que durent avoir en Orient les usages arabes ; avec eux il ne s’agit pas de bucellarii ; mais il n’est pas question non plus de service d’état ; entre l’ethnarque et ses hommes, pour être imposé par le sang, le lien n’en est pas moins tout personnel.
[226] Tacite, Germ., 13-14.
[227] Tacite, Ann., 1,57 ; II, 45 ; XII, 30.
[228] Ammien Marc., XVI, 12, 60.
[229] Agathias, III, 16 ; Malalas, Fragm., éd. Mommsen, Hermès, VI (1872), p. 369.
[230] Agathias, I, 15. 19 ; II, 8 ; IV, 21.
[231] Procope, B. G., IV, 26, 12.
[232] Malchos, F. H. G., IV, p. 127 (fr. 18). — Un chef a désormais, comme un empereur, son οίκία (domus), qui s’oppose à l’officium et le relègue au second plan (Benjamin, p. 26). D’où le mot έταιρίζεσθαι, qui sert à désigner les fonctions propres du bucellarius (Procope, B. P., I, 25, 7). L’οίκία peut compter encore dans son personnel autre chose que les doryphores et hypaspistes (Id., H. arcan., 4, 13).
[233] Procope, B. P., I, 24, 40 ; 25, 7 ; B. G., IV, 35, 25 et 27.
[234] On a essayé d’en préciser le sens plus que Mommsen ne l’avait fait ; cf. Benjamin, op. cit. Travail très étudié, mais versant peut-être un peu dans les subtilités. Si j’ai bien compris l’auteur (v. p. 27 notamment), il y avait entre les deux groupes cette seule différence que les doryphores et hypaspistes, qui servaient de satellites à un chef, ne pouvaient être, comme les fédérés, loués à l’empereur. Mais pourquoi ? Ne suffisait-il pas que celui-ci et le chef en tombassent d’accord ? Tout au plus ces hommes devaient-ils changer de nom ; et encore ! Benjamin lui-même, pour rendre compte de cette formule de la Notitia : comites cataphractarii bucellarii juniores (sub dispositione magistri militum per Orientem. — Or., VII, 25) explique les choses ainsi, en toute vraisemblance : ce sont d’anciens combattants d’une troupe privée, transférés dans l’armée régulière, mais ayant seulement gardé leur ancien nom (p. 22 sq.). — Pourquoi des doryphores n’en auraient-ils pas fait autant ? C’est tout aussi concevable que la combinaison suivante qui nous est attestée : une distinction enviée consistait à passer de l’armée impériale au rang de bucellarius d’un chef. Celui qui pouvait ainsi priver l’empereur de ses hommes pouvait bien lui louer les siens. V. Procope, B. G., IV, 29, 28.
[235] Cf. Diehl, Justinien, p. 129.
[236] Pline, H. N., XXXIII, 134.
[237] Pline, H. N., XXXIII, 136.
[238] Josèphe, B. J., I, 672 ; cf. A. J., XVII, 198. C’est une pratique dont je ne crois pas, malgré Olympiodore, qu’on se soit, après Honorius, systématiquement écarté.
[239] Cf. Hérodien, V, 4, 8.
[240] V. Schol. Basilic, 60, 18, 29.
[241] Le préfet du prétoire d’Orient (en 395), Rufin avait une prédilection pour les Germains (Claud., in Ruf., II, 71).
[242] Procope, B. G., IV, 31, 13.
[243] Un dux d’Arménie possède ainsi plus de 1.000 hommes (Procope, B. G., III, 27, 3), Bélisaire 7.000 cavaliers (ibid., I, 12) qu’une fois rappelé de Perse fen 5’i2) il envoie hiverner en Cilicie (H. arcan., 3, 5). Par contre, l’escorte se réduit peut-être quelquefois à un seul homme ; tel le doryphore d’Artaban, tribun d’un numerus arménien (B. V., II, 27, 28).
[244] Or., V, 29 à 31 ; VI, 28, 31 ; VII, 25.
[245] Procope, B. P., II, 19, 17.
[246] Procope, B. P., II, 39.
[247] Cf. Seeck, s. u. — Argec, doryphore de Pierre, magister militum, tue de sa main vingt-six Perses (B. P., II, 26, 27).
[248] B. P., I, 12, 20.
[249] Theoph. Simoc., V, 2, 8.
[250] Malalas, loc. cit. ; le même titre est donné à Patriciolus (Theophan., 157, 11), qui prit part à la guerre persique de 508 (Procope, B. P., I, 8, 3).
[251] Benjamin, p. 11 : ..... duces fœderatorum a principio praefuiste numeris quoque vel aliis imperii militibus nunquam uno omisso Dorotheo (cf. Procope, B. V., I, 11, 5) commemoratur. Cette exception suffit à rendre la règle suspecte. Nous n’avons guère que des indices, et qui font entrevoir une organisation bien plus flottante.
[252] Benjamin, p. 17 et 41.
[253] Le mot ne peut avoir d’autre sens dans les provinces qui nous occupent, puisque toutes sont impériales. Cf. Antoine Stapfers, Les milices locales de l’empire romain, leur histoire et leur organisation d’Auguste à Dioclétien (Musée belge, VII (1903), pp. 198-246, 301-334 ; IX (1905), p. 50-79).
[254] Il se produit ainsi un singulier chassé-croisé. Alors que, pour les légions, le système du recrutement sur place l’emporte, les milices locales au contraire doivent s’expatrier. Pour les milices orientales utilisées hors de l’Orient, v. Stapfers, VII, p. 305-317. En Cappadoce néanmoins, pendant les trois premiers siècles, des troupes indigènes renforcèrent les cadres réguliers. Mais c’est d’Afrique principalement que l’armée de Syrie reçut le genre de renforts qui nous occupe : dans la guerre des Parthes de 161, elle avait un contingent maure (Lucian., Quomodo hist. sit conter., 31) ; d’autres prirent part à l’expédition de Caracalla (Hérodien, IV, 15, 1) ; peu après ces cavaliers maures eurent l’occasion de montrer leur fidélité à Macrin, africain comme eux ; tout le reste dos troupes se déclara pour Élagabale (Dion Cass., LXXVIII, 32).
[255] Ammien Marc., XXV, 9, 2 : Manusque tendentes orabant, ne imponeretur sibi nécessitas abscedendi ; ad defendendos penates se solos sufficere sine odiumentis publicis adfirmantes et milite, satis confisi ad futuram justitiam pro genitali sede dimicaturis, ut experti sunt saepe.
[256] Zosime, II, 34, 2. — Josué le Stylite raconte longuement (Chroniq., 93-96) les sauvageries commises dans la région d’Édesse par les fédérés gotha, plus funestes aux indigènes que de véritables ennemis. Les citadins demandèrent qu’on cantonnât ces hommes chez les propriétaires ruraux ; mais ceux-ci s’écrièrent tout d’une voix qu’ils aimaient mieux se racheter à prix d’argent d’une pareille obligation.
[257] Leur participation à la guerre de 297 n’est pas indiquée par nos maigres sources littéraires, mais un passage d’Orose (VII, 25,10, Zangemeister) rend le fait très admissible : Itaque mox per Illyricum Moesiam undique copias (Galerius) contraxit.
[258] Kinch, op. cit., p. 13 sq., pl. IV ; p. 19.
[259] Kinch, op. cit., p. 42 sq., pl. VIII.
[260] Kinch, op. cit., p. 18, pl. IV.
[261] Hérodien, VI, 6.
[262] Galère versa comme vétérans, dans des formations nouvelles, d’anciens soldats des légions du Danube ; on le voit aux épisèmes des boucliers sur l’arc de triomphe : le lion et l’aigle indiquent le V Macédonica et le XIII Gemina (Kinch, p. 17). Sous Constance et Julien, 700 de ces cavaliers (deux escadrons) furent encore envoyés en Mésopotamie (Ammien Marc., XVIII, 8, 2).
[263] Cf. Waddington, 2058.
[264] Je ne crois pas forcer, en l’interprétant ainsi, le passage, du reste discutable, de Zosime (cf. I, 52, 3-4).
[265] Hérodien, IV, 15, 1 ; cf. III, 3, 4.
[266] Hérodien, V, 4, 7.
[267] Ammien Marc., XX, 4, 2 ; cf. Julien, Epist. ad s. p. q. Athen., 282 sq.
[268] Ammien Marc., XIX, 5, 2-3 ; 6, 7-11.
[269] Ammien Marc., XVIII, 9, 3 : Magnentiaci et Decentiaci (ils étaient ainsi dénommés d’après leurs chefs) quos post consummatos civites procinctus, ut fallaces turbidos ad orientem venire compulit imperator, ubi nihil praeter bella timetur externa.
[270] Tacite, Ann., VI, 34.
[271] Ammien Marc., XXV, 8, 1.
[272] Ammien Marc., XXI, 6, 6.
[273] Ammien Marc., XX, 8, 1. Quelques soldats martyrisés en Palestine par les Arabes, au commencement du VIIe siècle, a la suite de la prise de Gaza, ou à Éleuthéropolis, appartenaient à un corps de fantassins Scythes, dont le nom se retrouve dans un manuscrit de Bologne sous la forme barbare devanduscithom = έκ βάνδου Σκυθών (J. Pargoire, Échos d’Orient, VIII (1905), p. 40-43).
[274] Ammien Marc., XXIII, 5, 2 ; Zosime, III, 25, 6.
[275] Meininger, op. cit. — Valens utilise aussi contre le roi Sapor Vadomaire, ex-roi des Alamans (Ammien Marc., XXIX, 1, 2). On apprécie particulièrement les Goths comme gardes du corps : sous Anastase, à Antioche, le nyctéparque a une escorte de Goths (Malalas, XVI, p. 395).
[276] Qui néanmoins n’est pas un descriptif. On chercherait en vain dans son histoire des notices sur l’accoutrement et l’équipement. Voici un renseignement secondaire (XIX, 8, 8) : Nous trouvâmes un puits, mais si profond qu’il fallut couper de longues bandes de nos vêtements de toile, pour en faire une corde, au bout de laquelle nous attachâmes une calote qu’un de nous portait sous son casque.
[277] B. P., II, 24, 12.
[278] B. P., II, 28, 1. — Gutzès et Buzès, qui commandaient dans le Liban, furent dépêchés pour protéger les ouvriers travaillant au château fort de Mindon : c’étaient deux frères, des Thraces (Ibid., I, 13, 5). A la bataille près de Satala se distingue, du côté romain, le Thrace Florentius (I, 15,15) ; autres chefs thraces : I, 12, 23 ; II, 30, 29. Dans la campagne de Lazique, à la tête de la cavalerie romaine sont placés un Gépide et un Arménien (B. G., IV, 8, 15), et Justinien envoie des chefs thrace et hérule (Ibid., 9, 5).
[279] B. P., I, 8, 2, 3 et 5.
[280] B. P., II, 18, 24.
[281] B. P., I, 13, 19 ; 15, 1.
[282] B. P., I, 18, 38-40. Les mots que je souligne accusent avec la dernière netteté l’intérêt attaché aux distinctions de races.
[283] Malalas, XVIII, p. 445 : L’empereur réunit de nombreuses troupes chez les Phrygiens Lycocranites et les lança contre les Perses et les Saracènes... ; en même temps fut envoyé chez les Perses le Scythe Hermogène, ancien magister, homme prévoyant. Evagr., H. ecclés., V, 14, nomme un autre Scythe, Cursus, au service des Romains, et Zosime (I, 60, 1) Saturninus, gouverneur de Syrie, γένει Μαυρούσιος. Theoph. Simoc. (I, 14, 5) cite comme lieutenant de Philippique Apsic le Hun. Cf. Agathias, IV, S, 1 : ...un soldat isaurien. Rusticus, trésorier impérial attaché à l’armée, était un Galate (Id., III, 1, 3).
[284] B. P., II, 25, 27-28 : Selon leur coutume, ils n’avaient point d’armes défensives. Ils ne se couvrent ni de casques, ni de cuirasses, mais seulement d’un bouclier et d’une casaque qui leur tient lieu de ceinture. Les esclaves combattent sans bouclier ; ce n’est pas avant d’avoir donné des preuves de leur valeur qu’ils obtiennent de leurs maîtres la permission d’en porter un.
[285] V. seulement Agathias, III, 9, 2 : Les Romains avaient dans leur armée des Maures, pourvus de longues lances et de petits boucliers, des Tzanes armés de toutes pièces (ce médiocre renseignement n’est pas rare dans les auteurs dont je parle), des Isauriens maniant la fronde et le javelot, des Lombards et des Hérules.
[286] Ainsi pour les Dolomites, venant du milieu de la Perse qu’ils ont de tout temps servi pour de l’argent. Ils vont à pied ; chacun a son épée, son bouclier et trois traits. Ils courent aussi aisément sur les cimes et aux bords des précipices qu’en rase campagne (B. G., IV, 14, 6-9). Agathias, III, 8, 1, qui les appelle Dilimnites, s’exprime littéralement de la même façon.
[287] Procope, B. P., II, 26, 5 et 25.
[288] Procope, B. G., IV, 1, 22 sq. — Il ne pouvait leur faire porter cette somme à travers les lignes ennemies ; ils envoyèrent trois représentants la retirer.
[289] Strabon, XI, 13, 2 et 4, p. 523 C.
[290] Kinch, pl. VIII, p. 42.
[291] Josué le Stylite, Chron., 63.
[292] Ammien Marc. XVII, 5, 1 ; cf. XVIII, 4, 1 : Sapor accrut ses forces avec les races sauvages qu’il avait pacifiées.
[293] Procope, B. P., I, 8, 13.
[294] Cedrenus, I, p. 727 : En l’an 16 (d’Héraclios) Chosroes (II) réunit une nouvelle armée d’étrangers, de citoyens, d’esclaves, d’hommes de toutes sortes.
[295] Macler, Sébéos, p. 9.
[296] V. notamment Arrian., Peripl. Eux., XI, 1-3 : les rois de ces pays tiennent leur pouvoir de l’empereur, mais ils supportent impatiemment le tribut.
[297] Cf. les archers mardes à cheval et les lanciers ibères de l’armée de Lucullus (Plutarque, Lucullus, 31).
[298] Procope rapporte (B. G., IV, 8, 21-24) un épisode plus récent qui montre avec quelle facilité on passait d’un camp à l’autre : Il y avait dans l’armée romaine un Persarménien, Artaban, qui s’était retiré longtemps auparavant dans l’Arménie romaine, en donnant des gages de fidélité par la mort de 120 Perses. Il avait demandé 50 soldats à Valérien, maître de la milice d’Arménie, et était allé dans un fort de Persarménie occupé par 120 Perses, qui, ignorant qu’il eût changé de parti, lui firent bon accueil. Il les égorgea, quitta le fort, retourna auprès de Valérien et demeura depuis parmi les Romains. Les 50 hommes donnés par Valérien ne furent, pas plus qu’Artaban, reconnus pour ennemis, conséquence manifeste du système des condottieri.
[299] Procope, B. G., IV, 9, 8 : Depuis longtemps, par la permission de l’empereur, les rois lazes épousaient des filles de sénateurs (romains).
[300] Tel cet Amazaspos, un Ibère, qui prit part tout jeune à la guerre de Trajan et mourut à Nisibis (CIG, 6856 = IGIS, 1374) ; add. le petit-fils d’Ardobarzane de Médie (CIL, VI, 32264).
[301] On les trouve au siège d’Amida (Ammien Marc., XIX, 2, 3).
[302] Hormis les cas de défense improvisée, el lorsqu’on se battait dans leur pays même : à Singara il y a sous les armes de nombreux indigènes (Ammien Marc., XX, 6, 8) ; Bezabde est défendue par des troupes romaines, cum sagittariis pluribus Zabdicenis, in quorum solo tunc nobis obtemperanlium hoc est municipium positum (Id., XX, 7, 1). Les Lazes sont nommés comme combattants dans la campagne de Lazique (Procope, B. G., IV, passim), ainsi que les Tzanes (B. P., II, 29, 10).
[303] Procope, H. arcan., 24, 16.
[304] Procope, B. P., II, 5, 11 ; cf. le capitaine Péranios, Ibère et chef romain (II, 28, 1).
[305] Procope, B. G., IV, 13, 10.
[306] Procope, B. G., IV, 13, 7.
[307] Procope, B. G., IV, 9, 9, sq. ; 10, 6.
[308] Cf. Theophan., 168, 14 sq.
[309] Après la prise de Pétra, Chosroes reçoit une partie des défenseurs parmi ses troupes (Procope, B. P., II, 17, 28).
[310] Procope., B. V., II, 14, 18.
[311] B. P., II, 19, 25 ; B. G., III, 3, 11.
[312] Le nombre en est si grand à Rome, sous Auguste, que, pour réprimer la révolte d’Illyrie-Pannonie, on put former tout un corps homogène de cavaliers parthes, sous le commandement de l’un d’eux, Ornospades (Tacite, Ann., VI, 37) ; cf. CIL, IX, 137 (Ravenne) : C. Jul. Mygdonius, generi Parthus natus, ingenuus captut pubis aetate datus in terra(m) Romana(m)... ; VI, 31137 : M. Ulp. Cresimus (e)xerc[itator] natione Parthus ; celui-ci est sans doute un prisonnier passé dans la garde impériale. — Gardthausen, Oriental. Studien... Noedelke... gewidmet, loc. cit., p. 851 sq.
[313] Lampride, Vit. Sev. Alex., 38, 3 ; 61, 8 ; confirmé par Hérodien (VI, 7, 17 ; VII, 2, 2).
[314] Capitolin., Vit. Maxim., II, 7-8. Hérodien, VII, 2,1.
[315] Malalas, XVIII, p. 411 sq.
[316] B. P., II, 21, 4.
[317] Procope, B. P., II, 21, 13 sq. La grande peste de 542 (ibid., II, 22-23) dut être pour beaucoup dans cette résolution, comme le suggère Rawlinson (History of Persia, p. 401) ; mais cela ne nous interdit pas de voir dans la description donnée celle de l’armée idéale, selon l’opinion du temps.
[318] Hérodien, VI, 4, 3 ; 5, 1-3.
[319] Ammien Marc., XX, 8, 7. Au IVe siècle encore, tous les soldats ne se laissaient pas volontiers dépayser ; et auparavant, sitôt la guerre finie, ils se plaignaient volontiers, comme ceux de Macrin, d’être έν άλλοδαπή διαιτώμενοι (Hérodien, V, 2, 6).
[320] Procope, B. P., II, 19, 32.
[321] Cedrenus, I, p. 729 ; Theophan., 317, 11 sq.
[322] Procope, B. P., I, 13, 5. Si l’on rapproche II, 16, 17 et II, 19, 32, on sera amené à penser que parmi elles il y avait des Thraces.
[323] B. P., I, 18, 40. — Sous Justin II, Marcien, maître de la milice d’Orient, dut entrer en Mésopotamie avec un petit nombre de soldats mal armés, de bergers et de pionniers qu’il avait pris dans les champs (Evagr., V, 8). Celui-là n’avait même pas trouvé de barbares dans les réserves de guerre.
[324] Sozomène, H. ecclés., V, 4, p. 1224, Migne. Les moines somnolents qui gardèrent si mal une tour d’Amida (Procope, B. P., I, 7, 22) paraissent au contraire avoir fourni ce médiocre serviœ à titre tout bénévole.
[325] V. le résumé qu’en donne Marquardt, Organis. milit., tr. fr., pp. 25 sq., 39 sq.
[326] Végèce allègue que de son temps, et depuis peu, pedites constat esse nudos (I, 20) ; depuis le fondation de Rome jusqu’au règne de Gratien, l’infanterie avait toujours eu casques et cuirasses ; mais, la négligence et la paresse ayant progressivement réduit les exercices militaires, les soldats commencèrent à trouver trop lourdes des armes qu’ils ne portaient plus que rarement et demandèrent la permission de quitter la cuirasse, puis le casque. — Il y a bien de l’exagération dans ces doléances.
[327] L’imitation des Parthes et des Arméniens remonterait jusqu’à Hadrien, d’après la deuxième partie des Tactica d’Arrien.
[328] Cf. Diehl, Justinien, p. 146 sq. — À défaut de monuments figurés, les tacticiens nous renseignent, et particulièrement le Strategicon mis sous le nom de l’empereur Maurice, œuvre d’un homme qui a pris part aux guerres d’Orient.
[329] V. Fiebiger, Clibanarii, Pauly-W. — Sous Hadrien, il y a déjà une ala catatractala de Gaulois et de Pannoniens (CIL, XI, 5632), mais elle est isolée, et du reste sa création se place après la grande guerre parthique de Trajan.
[330] V. Sev. Al., 56, 5.
[331] Add. Ammien Marc., XVI, 10, 8.
[332] Hérodien, VI, 7, 8. — Cf. CIL, III, 60.
[333] Seul Végèce (loc. cit.) dit : ... nam, licet exemplo Gothorum, Alanorum Huunorumque, equilum arma profecerint..., ce qui laisserait croire à une influence encore plus grande des peuples qu’il cite ; Végèce n’aura pas pris garde à celle des Perses, parce que celle-ci avait déjà, de son temps, produit à cet égard plein effet.
[334] Not., Or., VI, 32.
[335] Or., V, 40 ; VI, 40.
[336] Or., VII, 32. Les tertii ne se retrouvent plus ; ils auront été supprimés, ou convertis en un autre corps différemment désigné : soit les Equites promoti clibanarii (VII, 31), soit le cuneus equitum secundorum clibanariorum Palmirenorum (VII, 34). Après la défaite de Zénobie, il est très naturel que des Palmyréniens prisonniers aient été armés à la mode des Parthes.
[337] Dans l’armée d’Orient, le même document ne signale que les comites catafractarii bucellarii juniores (VII, 25), qui marchent avec le magister militum per Orientem.
[338] Constance les a, le premier, réorganisés ; ils firent sensation à son entrée à Rome en 356 (Ammien Marc., XVI, 12, 22 : clibanarius noster).
[339] Cf. Maurice, Strateg., I, 2, p. 20 Scheffer.
[340] Lucilien, avec 1000 vélites, fut chargé d’attaquer Anatba (Ammien Marc., XXIV, 1,6).
[341] XVIII, 6, 8 ; XXI, 13, 4.
[342] XXI, 7, 7. Julien lui-même parle des éclaireurs dans une de ses lettres (Epist., 27).
[343] XXIV, 1, 2 : l’auteur parle de 1500 excursatores ; XXIV, 5, 5 : «trois cohortes de nos coureurs.
[344] Par exception, les Romains eux-mêmes se servent de flèches contre les adversaires dont l’arc est l’arme principale, ainsi dans la guerre juive, au siège de Jérusalem (Suet., Tit., 5). Chez les Byzantins, ce devient une arme estimée ; dans le Strategicon de Maurice (I, 2, p. 20), les jeunes gens qui ne savent pas encore se servir de l’arc doivent recevoir deux lances et un bouclier.
[345] Qui sont peut-être seulement des Νόμαδες ou Scénites d’Arabie. Il se peut aussi que certaines cohortes aient reçu une division d’archers : inscr. de Carnuntum du temps de Vespasien (CIL, III, 13483a) : Proculus, Habili f., Col., Philadel(phia), mil. optio coh. II Italic, c. R., (centuria) F[aus]tini, ex vexil(lariis ?) sagit(tariis) exer(citus) Syriaci stip. VII (Bormann), ou bien ex vexil(lationibus) sagit(tariorum) ; vexillariis s’appliquerait plutôt à un vétéran, et celui-ci n’a que sept ans de service.
[346] Abgar d’Osrhoène, lorsqu’il vint personnellement au devant de Trajan, pour lui rendre hommage, lui offrit en présent 250 chevaux et 60000 flèches (Dion Cassius, LXVIII, 21).
[347] Comites sagittarii Armeni, dans les vexillationes palatinae du praesentatis d’Orient (VI, 31) ; Equités primi sagittarii dans les comitatenses du magister mititum per Orientem (VII, 33). Sous chaque dux, une série d’Equites sagittarii indigenae : Phénicie (XXXII, 24 à 26, 29), Syrie (XXXIII, 18, 20 à 22), Palestine (XXXIV, 25 à 27, 29), Osrhoène (XXXV, 20 à 22), Mésopotamie (XXXVI, 25 à 28), Arabie (XXXVII, 20, 23), Arménie (XXXVIII, 11-12).
[348] B. P., I, 1, 8.
[349] C’est là du moins l’archer byzantin idéal ; Procope lui-même en a connu de moins brillants. Bélisaire, revenu d’Italie, amassait toutes ses troupes en Mésopotamie, équipait des soldats qui manquaient presque tous d’armes et de vêtements et qui tremblaient au seul nom des Perses, B. P., II, 16, 2. Mais voici un détail qui nous est rapporté et qui prouve la dextérité de beaucoup de ces gens de guerre : à la bataille du Yarmook, un grand nombre de musulmans furent blessés à l’œil (v. Pernice, op. laud., p. 274).
[350] Procope, ibid., I, 14, 35.
[351] B. P., I, 18, 46. — Ammien (XXIII, 6,37) fournit des renseignements de tout autre nature : En Chaldée se fait l’huile des Mèdes ; on en frotte les flèches ; si on les fait partir lentement, elles allument, là où elles s’attachent, un feu que le sable seul peut éteindre.
[352] Op. laud., II, 2, p. 364.
[353] Dion Cassius, XL, 22, dit expressément que les flèches des Parthes pénètrent à travers boucliers et vêtements ; mais ce renseignement est donné à propos de Crassus, dont les hommes n’étaient protégés, la plupart, que par des justaucorps de cuir.
[354] Kœchly-Rüstow, Griech. Kriegssckriftsteller, II, 2, p. 198-209. Cf. aussi, dans le Strategicon de Maurice (I, 1, p. 18-19), les conseils qu’il donne pour le maniement de l’arc à la manière romaine ou persique et l’entraînement des archers, qui doivent être exercés à user successivement des flèches et de la lance.