ROME ET LA JUDÉE

AU TEMPS DE LA CHUTE DE NÉRON (ANS 66-72 APRÈS JÉSUS-CHRIST)

SIXIÈME PARTIE. — ÉTAT DES ESPRITS

CHAPITRE XXI. — DE L'ÉGLISE.

 

 

Le contraste entre l'Église et la société païenne est un thème qui a été mille fois traité. Notre siècle, qui se lasse de tout, même des meilleures choses, semble le prendre comme un lieu commun. Je serai donc court sur ce sujet, et je tâcherai surtout d'être précis pour éviter les redites, et d'être simple pour me les faire pardonner.

D'ailleurs, si nous touchons ici à ce qu'il y a de plus beau, nous touchons à ce qu'il y a de plus simple. Dans la vie chrétienne, tout est simple parce que tout est droit ; tout est grand sans être grandiose, lumineux sans être éblouissant. Tout est sage et tout est sobre. L'Église reste en dehors de tout excès, même de l'excès de sagesse. Sois sage avec sobriété, dit saint Paul.

De ces révolutions qui avaient troublé le monde, quelle impression avait reçue l'Église ? Quelle était son attitude vis-à-vis des Juifs ? vis-à-vis des hérésiarques ? vis-à-vis du monde païen ?

Vis-à-vis des Juifs d'abord. La chute de Jérusalem était pour l'Église une éclatante confirmation des promesses qu'elle avait reçues. Annoncée par Moise et par les prophètes de l'ancienne loi, prédite par le Sauveur dans ses préludes, dans son achèvement, dans ses conséquences, rappelée à satiété dans les admonitions des apôtres, cette chute avait justifié toutes les prophéties. Et, pour ajouter en même temps à la confirmation de la foi et à la consolation des cœurs, ceux-là seuls, parmi les habitants de Jérusalem, avaient échappé au désastre qui, devenus chrétiens, avaient suivi les conseils divins, et, dès les premiers symptômes de cette moisson redoutable, s'étaient enfuis sur la montagne sans même descendre dans la maison pour prendre leur manteau.

De plus, la synagogue abolie faisait place à l'Église. Les prophètes n'avaient jamais montré un peuple rejeté, sans faire voir l'élection d'un autre ; une bénédiction éteinte, sans la faire voir transportée ailleurs. Le Seigneur dit d'abord à Isaïe : Tu es mon serviteur pour ramener à moi Israël... Mais, lorsque le prophète a en vain épuisé ses forces auprès d'Israël : C'est trop peu, lui dit alors le Seigneur, que tu sois mon serviteur pour réveiller les tribus de Jacob, et convertir la lie d'Israël. Je t'ai placé pour être la lumière des Gentils, afin que tu sois jusqu'aux extrémités de la terre le salut qui vient de moi[1]. Lorsque ceux qui ont été appelés n'ont pas répondu, le Seigneur leur annonce que leur nom sera un nom de malédiction et que désormais sous un autre nom il appellera d'autres serviteurs[2]. En même temps le Seigneur rendra son jugement par le feu et par le glaive sur toute chair, et des milliers d'hommes périront ; il rassemblera de toute nation et de toute langue d'autres témoins de sa gloire[3].

Je n'ai pas besoin de dire comment la même concordance entre les menaces et les persécutions se retrouve plus marquée encore dans le Nouveau Testament C'est le père de famille qui, à la place des conviés ingrats dont il a détruit et dépeuplé les cités, envoie dans les rues et les carrefours recueillir les boiteux, les aveugles, les pauvres, pour les pousser dans la salle du banquet[4]. C'est la sentence qui rejettera les fils du royaume dans les ténèbres extérieures, et appellera, de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi, de nouveaux venus pour se reposer dans le royaume céleste avec Abraham, Isaac et Jacob[5].

Les promesses en elles-mêmes sont donc éternelles ; elles peuvent être transportées, elles ne périssent pas. Et maintenant, où se continuaient-elles ? Où était le royaume de Dieu qui n'était plus à Jérusalem ? Qui héritait des promesses après que Juda en était déshérité ? En quel coin du monde étaient réunis, et ces restes de la nation élue que les prophètes montrent toujours surnageant au milieu de son naufrage, et ces nouveaux venus des nations disgraciées, appelés à leur tour pour remplacer ceux qui avaient failli ? La vraie synagogue est immortelle ; où était-elle donc ? La loi de Moïse finie, où était la loi de Dieu ? Le temple détruit, où était le temple ? Le sacrifice aboli, où était le sacrifice ? Où étaient les élus dont la semence ne devait jamais périr ? Où est le Seigneur ? disaient et les païens railleurs et les Juifs désespérés.

Or, il y avait maintenant ce qui n'existait pas quarante ans auparavant, un peuple en dehors de la synagogue mosaïque, mais conservant la foi de Moïse, son dogme du Dieu un et du Dieu créateur, ses livres saints, sa tradition. Ce peuple, il est vrai, n'était pas un peuple dans le sens charnel, un peuple sorti d'un père commun et uni par une même origine. Ceux qui le composaient étaient venus de toutes les nations ; mais cela même avait été prédit vingt fois par les prophètes : La loi du peuple de Dieu deviendra la loi de toute la terre... Et par delà la mer, et dans Tharsis (la Cilicie), et chez les fils de Lud (Lydie) armés de flèches, et dans Thubal (Ibérie), et dans Javan (Ionie et Grèce), et dans les îles lointaines (l'Europe), le Seigneur sera nommé à ceux qui ne l'ont pas entendu nommer jusque-là[6]. Ceux qui composaient ce peuple étaient, pour la plupart, les païens, les disgraciés, les maudits, les derniers devenus les premiers. Car il avait été dit : Dieu fera miséricorde à celle qu'il avait nommée sans miséricorde ; dans les lieux où il disait jadis Vous n'êtes pas mon peuple, il dira : Vous êtes les fils de Dieu. Au peuple qui n'était pas le sien, il dira : Vous êtes mon peuple, et ce peuple lui dira : Vous êtes mon Dieu[7].

Il est vrai que ce peuple n'était pas uni par le lien de la circoncision charnelle ; mais, au lieu de la circoncision, il avait été, selon la prophétie d'Isaïe, marqué du signe sacré par les envoyés du Seigneur[8]. Il était un spirituellement, comme Israël l'était corporellement ; il avait été consacré spirituellement, comme Israël l'avait été corporellement ; il était fils d'Abraham par la foi, au lieu de l'être par la chair.

Il est vrai encore que ce peuple ne gardait plus exclusivement ni le nom, ni la langue du peuple d'Israël. Quoiqu'il se proclamât et pût se proclamer le véritable Israël[9], il ne s'appelait pas Israélite, mais chrétien. Sans se borner à.la seule langue de Moise, fait pour réunir tous les hommes, il parlait toutes les langues humaines. Mais cela aussi avait été prophétisé : Un nom nouveau te sera donné, à Jérusalem ! que prononcera la bouche du Seigneur... Le Seigneur appellera ses serviteurs d'un autre nom ; et qui sera béni en ce nom sur la terre sera béni du Dieu de vérité ; qui jurera sur la terre par ce nom jurera par le Dieu de vérité... Dieu parlera à ce peuple avec la parole d'une lèvre étrangère et avec une langue nouvelle[10].

Il est vrai enfin que ce peuple n'avait rien d'exclusif ni de fermé. Il n'était comme Israël ni d'une seule race, ni d'un seul pays, ni d'une seule cité. Il s'ouvrait à quiconque venait à lui. Ce n'était pas la synagogue d'une race et d'un pays ; c'était l'Église du monde. Mais les prophéties justifiaient encore cette abrogation du nationalisme exclusif d'Israël : Le fils de l'étranger qui voudra s'attacher au Seigneur ne dira plus : Le Seigneur me séparera par une barrière d'avec son peuple... Mais les fils de l'étranger qui s'attacheront au Seigneur, je les réjouirai en ma maison de prière, parce que ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples[11]. Vous partagerez votre terre entre vous et les étrangers qui seront venus parmi vous, et ils seront pour vous comme des indigènes[12].

C'est qu'en un mot ce peuple, quoique héritant des mêmes promesses, en était investi par une alliance nouvelle. C'est pour cela qu'il portait un nouveau nom, qu'il parlait une langue nouvelle, qu'il sortait d'une source nouvelle. Cette alliance était celle que Daniel annonçait lorsqu'il disait qu'à la soixante-dixième semaine le Christ confirmerait à plusieurs son alliance[13]... Voici que viennent les jours... avait dit Jérémie ; et je ferai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle, non selon le pacte que j'ai fait avec leurs pères... ce pacte qu'ils ont brisé et pour lequel je les ai traités en maitre[14]... Et, allant plus loin, le prophète avait peint ce renouvellement de toutes choses : Comme des cieux nouveaux et une terre nouvelle que je ferais apparaître devant moi, ainsi apparaîtra votre race et votre nom. Ne vous rappelez plus le passé, ne regardez pas aux choses antiques. Je fais toutes choses nouvelles ; elles naissent d'aujourd'hui[15].

Seulement, ce peuple nouveau et cette alliance nouvelle reproduisaient, tout en les transfigurant et en les traduisant pour ainsi dire dans la langue des cieux, tous les traits de l'ancienne alliance. Le Juif que Dieu éclairait de sa lumière retrouvait là tout ce qu'il avait perdu ; désolé de la perte de sa terrestre Jérusalem, il retrouvait une Jérusalem nouvelle. Il y retrouvait la synagogue, le lieu d'assemblée, l'Église (car tous ces mots veulent dire une même chose), dans laquelle la prière, la lecture et l'interprétation des Livres saints, l'enseignement de la loi, se faisaient comme dans les synagogues du judaïsme. Il y retrouvait bien plus : il y retrouvait son temple détruit ; car, dans l'alliance nouvelle, tout lieu d'assemblée était un temple : Les vrais adorateurs, avait-il été dit, n'adoreront ni sur la montagne de Garizim ni à Jérusalem, mais ils adoreront le Père en esprit et en vérité. En d'autres termes, le culte parfait de Dieu ne devait avoir de limites ni dans le temps ni dans l'espace. Tout lieu d'assemblée était un temple ; car dans tout lieu d'assemblée se célébrait le sacrifice, qui avait cessé d'être célébré dans le temple juif, même avant le jour de sa ruine. Le juif baptisé retrouvait là le sacrifice, se renouvelant aussi chaque jour ; mais, au lieu d'être limité à un certain pays, à une certaine cité, à un certain autel, donné à tous les peuples, présent dans toutes les cités, possible dans tous les lieux : il le retrouvait tout autrement saint, pur, efficace, conformément à la prophétie de Malachie : Ma volonté n'est pas avec vous, a dit le Seigneur aux fils de Juda, et je ne recevrai pas l'offrande de vos mains. Mais du lever du soleil à son coucher, mon nom est grand parmi les nations, et, en tout lieu, on sacrifie et on offre en mon nom la pure victime[16].

Dans ce temple nouveau, le Juif retrouvait encore, sous une forme nouvelle, des trésors mystérieux pareils à ceux du tabernacle mosaïque. Dans le tabernacle, sept objets sacrés demeuraient couverts d'un voile, visibles aux seuls prêtres, maniés par eux seuls : l'arche d'alliance, la table des pains de proposition, le chandelier à sept branches, l'autel des parfums, l'autel des holocaustes, la mer d'airain, les vases du ministère sacré[17]. Dans l'Église aussi, sept sacrements, sept grands mystères, confiés aux mains de l'évêque et du sacerdoce, cachés en ces premiers temps par une prudente réserve, formaient le trésor de la communauté chrétienne. La mer d'airain se retrouvait dans la source baptismale ; la table des pains de proposition dans la table mystique de l'Eucharistie ; le candélabre sacré n'était qu'une figure des lumières de l'Esprit-Saint et des sept dons qu'il porte aux fidèles. Au sac du temple, et au triomphe de Titus, le véritable Israël, s'il savait le don de Dieu, n'avait donc rien perdu.

Dans l'Église chrétienne se retrouvait aussi pour lui et son pontificat anéanti et son sacerdoce perdu et ses tribus effacées. Un autre grand prêtre, qui était, lui, le pontife des biens futurs, était lui aussi entré dans le tabernacle et avait passé sous le voile du sanctuaire, en ce sens que, Dieu, il était entré dans le tabernacle de l'humanité et s'était caché sous le voile de la chair. Il y était entré comme le pontife descendu d'Aaron, en versant le sang de la victime ; mais cette victime était lui-même, et ce sang était un sang divin. Il avait pénétré dans le Saint des saints, c'est-à-dire dans le ciel, et- il avait montré aux hommes la voie, nouvelle pour eux, qui y conduit. Étranger, il est vrai, à la tribu de Lévi, il n'était pas selon l'ordre d'Aaron ; mais il était grand prêtre de ce sacerdoce éternel et universel, selon l'ordre de Melchisédech, dont le sacerdoce aaronique n'avait été que la continuation locale et temporaire. Il était le grand prêtre, seul créé tel par un serment de Dieu même, saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs, plus haut que les cieux, impeccable et offrant une victime pour les péchés des hommes, non pour les siens, mais s'offrant lui-même, prêtre et victime[18].

Et du Christ grand prêtre naissait le sacerdoce chrétien, comme le sacerdoce judaïque était né du grand prêtre Aaron. Seulement au peuple juif, formé par le lien de la parenté charnelle, avait été donné un sacerdoce, sorti du sang et de la Chair ; au peuple chrétien, peuple d'adoption et formé par la génération spirituelle, était donné un sacerdoce spirituellement engendré. Là, la maison d'Aaron et la tribu de Lévi, au lieu de se conserver par le mariage, se multipliaient bien autrement par la paternité spirituelle de la parole. Ce nouveau sacerdoce avait été prophétisé : Ils vous amèneront de toutes les nations de nouveaux frères en don au Seigneur  et je prendrai parmi eux des prêtres et des lévites, dit le Seigneur[19].

Enfin, outre la tribu sainte, il se retrouvait dans l'Église un souvenir des autres tribus qui dans Israël se perdaient. Les douze apôtres avaient été placés auprès du Christ, roi et grand prêtre d'Israël, comme les douze chefs de tribus qui jugeaient assis autour du trône royal ; les soixante-douze disciples avaient été comme les soixante-dix vieillards de Moïse, ou les soixante et onze membres du sanhédrin[20]. Le jour où le Fils de l'homme devait apparaître assis sur le siège de sa majesté, ses apôtres, assis sur douze sièges, devaient juger les douze tribus d'Israël[21] : et il était dit qu'au jour de ce. jugement solennel, les élus d'Israël devaient être marqués, tribu par tribu, au nombre de douze mille pour chacune[22]. Quel est le sens mystique de cette distinction des tribus dans le peuple chrétien ? Origène, quoiqu'il ne se charge pas de l'expliquer, semble le rapporter à la nature différente des grâces données à certains fidèles[23].

Le Juif accablé des maux de sa patrie pouvait donc, s'il comprenait le sens mystique de la loi, retrouver là tout entière sa patrie perdue. Sa synagogue, qu'il avait crue détruite, lui apparaissait là, pure, complète, bénie de Dieu. Il retrouvait là la montagne de Sion, la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste habitée par les anges. Il se retrouvait parmi les vrais circoncis de la circoncision du cœur, parmi les vrais fils d'Abraham, non par le sang, mais par la promesse[24]. Tout cela, il est vrai, en un sens mystique et sous une forme plus épurée, transporté de la terre au ciel, du symbole à la chose, de l'ombre au corps, de l'image à la réalité. Tout était identique, mais tout était renouvelé ; tout était ancien, bien que tout fût nouveau. Selon la parole de l'Apôtre, ce que la loi avait de muable était transformé ; ce qu'elle avait d'immuable demeurait toujours[25]. Le mosaïsme littéral n'est que le serviteur, l'enfant d'Agar ; le mosaïsme spirituel, le christianisme, c'est l'enfant de Sara, le fils de la maison, le légitime héritier[26]. Jouissant ainsi de la perfection de la loi, le Juif pouvait enfin se consoler de la chute tant de fois prédite de Jérusalem et de son temple de pierre.

Il y avait donc, et dans les souffrances d'Israël une vérification des prophéties, et dans le salut des fidèles un affermissement des espérances, et, dans la destruction du temple, comme une nouvelle investiture donnée à l'Église.

Et cependant à ce triomphe de la foi se mêlaient les douleurs de la charité. La nouvelle Sion ne fut pas sans donner des larmes aux souffrances de la première. Un grand nombre de ses fidèles étaient nés dans le judaïsme et en gardaient encore les observances. Les SAINTS DE JÉRUSALEM étaient dans toute l'Église l'objet d'une affection toute particulière. Même envers la synagogue déicide, incrédule, persécutrice, mais non encore ouvertement rejetée, une sorte de pitié filiale se retrouvait parmi les chrétiens. Et, quand Jérusalem tomba, cette effroyable chute inspira aux chrétiens une douleur pareille à celle qu'inspire, malgré tout, à une fille pieuse la mort d'une mère même dénaturée.

On peut facilement s'en apercevoir quand on voit avec quels ménagements et avec quelle douceur les écrivains orthodoxes parlent aux Juifs convertis, qui au sein du christianisme restent encore attachés aux pratiques judaïques. Jérusalem est tombée, visiblement sortie de ses propres voies, visiblement condamnée par le Seigneur. Les pratiques judaïques au sein de l'Église n'ont plus de but ; tôt ou tard, elles doivent disparaître. L'Église n'imitera pourtant pas ces docteurs qui s'éloignent du judaïsme jusqu'au point de méconnaitre la divinité de son passé ! Pleine de ce respect de l'antiquité qui est propre aux grandes institutions, au lieu de rompre brusquement avec le judaïsme, elle tiendra, selon le mot des saints Pères, à enterrer la synagogue avec honneur. Elle laissera les Juifs qui sont au milieu d'elle observer la circoncision, pourvu que la dignité du baptême n'en soit pas diminuée ; le sabbat, pourvu que le dimanche ne soit pas méconnu ; les œuvres de la loi, pourvu qu'ils ne mettent pas les œuvres de Moise au-dessus de la foi du Christ. Elle les laissera libres, pourvu qu'eux mêmes laissent libres les autres chrétiens et ne fassent pas un devoir pour tous de ce qui est la libre observance de quelques-uns.

Mais, en même temps, elle cherchera à les faire sortir doucement de cette voie stérile, en leur montrant quel en est le sens caché ; à les faire passer sans violence de la lettre de la loi telle qu'ils la pratiquent à l'esprit de la loi tel que le réalise le christianisme. Elle les initiera par ces interprétations à la loi chrétienne de liberté dont les habitudes serviles

du pharisaïsme leur rendaient l'acceptation difficile. Du reste, cette sorte de version de la loi en un sens spirituel avait été pratiquée même par des Juifs. Aristobule et Philon dans la synagogue en avaient donné l'exemple. Dans l'Église, saint Paul en avait admirablement posé les bases. On continuait le labeur, y employant parfois les pensées les plus haute, quelquefois aussi quelque chose comme les subtilités du rabbinisme et les faiblesses de la science populaire.

Une épître, attribuée, à tort sans doute, à saint Barnabé, mais digne en certaines choses d'une main apostolique, et écrite peu après la chute de Jérusalem[27], témoigne de ce pieux labeur. Il cherche à consoler ces Juifs qui pleurent la perte de Sion ; il cherche aussi à les détacher de ces minutieuses observances, signes de nationalité devenus plus chers depuis que la nation à péri. Il n'y a plus de sacrifices au temple, mais le sacrifice vraiment divin dont les holocaustes n'étaient que l'image s'accomplit et s'accomplira toujours. Pourquoi faire encore la distinction des viandes pures et impures ? Observons-la dans son sens allégorique, c'est-à-dire évitons le contact du voluptueux qui nous est représenté par le pourceau, du cupide que figure l'épervier, de l'adultère dont l'hyène est l'image[28] (tout cela, il faut le dire, selon la zoologie populaire ou la zoologie des rabbins). A quoi bon l'observation servile du sabbat ? Le sabbat n'est que l'image de ce repos parfait qui après le dernier avènement sera donné aux élus. Alors, après les sept grands jours que doit durer le inonde, le Seigneur entrera dans son repos le huitième jour, t'est-à-dire le premier jour d'un monde nouveau. Voilà pourquoi les chrétiens célèbrent le huitième jour, c'est-à-dire le premier jour de la semaine qui commence[29]. Tous les rites du judaïsme avaient un sens caché qui, en se montrant, les abroge. Le bouc émissaire était l'image du Christ[30] ; le bâton garni de laine qui sert à jeter au peuple les cendres de la victime est une image à la croix ; le serpent d'airain, les bras étendus de Moïse, en sont aussi des figures ; le baptême est symbolisé dans vingt passages[31].

Ces explications, sans doute, n'ont pas toutes la même Na-leur ; mais elles ont toutes le même but. Faire voir dans à judaïsme un vaste symbolisme dont le sens demeure, après que les symboles ont péri, plus dégagé et plus éclatant. Les Juifs pareils aux Gentils avaient mis leur espérance en un temple matériel. ils avaient cru enfermer la sainteté de Dieu dans un sanctuaire... Mais ce temple vient d'être ruiné par leurs ennemis ; et, conformément à la parole, le temple sera rebâti par ceux mêmes qui l'ont détruit ; ces Gentils qui ont renversé Jérusalem vont à leur tour élever à Dieu son véritable temple, le temple spirituel[32]. Tout périt donc, mais tout revit ; dans le sens extérieur et terrestre où l'entendait la synagogue, le mosaïsme est détruit ; dans le sens intérieur et céleste où l'entend l'Église, le mosaïsme revit. Jacob a supplanté Ésaü. Dieu a fait comme le patriarche à qui ou présentait ses petits-fils à bénir ; il a croisé ses mains et donné à celui qui était à gauche les bénédictions de la droite, c'est-à-dire les plus abondantes[33]. Le judaïsme évacué, comme le dit admirablement saint Paul, tombe après avoir porté son fruit ; comme l'écorce qui se dessèche quand la noix, devenue mûre, en a été ôtée, comme l'œuf où l'oiseau a été couvé et qu'il brise pour éclore.

Et cependant (telle était la tolérante compassion de l'Église) les pratiques juives, l'abstinence des viandes, la circoncision, l'observation du sabbat, les néoménies, subsistèrent longtemps encore au milieu d'elle. Cent soixante ans après Notre-Seigneur, les Juifs chrétiens les pratiquaient toujours[34]. On leur demandait seulement de ne pas les imposer aux autres chrétiens. Telle était, vis-à-vis du judaïsme souffrant dans la synagogue ou converti dans le christianisme, l'attitude de l'Église et son miséricordieux triomphe.

Maintenant, vis-à-vis des hérésiarques et de cette nouvelle effusion de l'esprit de mensonge que les perturbations du monde avaient évoquée, que faisait l'Église ?

Contre ces novateurs, Dieu s'était réservé saint Jean. Il fit échapper miraculeusement le disciple bien-aimé au martyre de la Porte Latine ; il le fit vivre près d'un siècle, pour que l'Église troublée pût s'adresser à lui. Quand les Ébionites et les Cérinthiens se mirent à nier l'humanité du Sauveur, quand d'autres en Asie contestèrent la création du monde par la main de Dieu, les Églises de toute l'Asie députèrent au vieillard, comme on appelait ce dernier survivant des apôtres. Jean ordonna un jeûne et des prières, puis, sous l'inspiration divine, l'aigle évangélique, le fils du tonnerre (boanergès) écrivit cette magnifique révélation des mystères divins : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu... Toutes choses ont été faites par lui, et, sans lui, rien n'a été fait de ce qui a été fait... Et le Verbe a été fait chair et il a habité parmi nous[35]... Plus tard, quand il faudra rassurer les fidèles troublés par de prétendues révélations de l'avenir, l'ange reviendra à saint Jean dans son exil de Pathmos, et, un jour de dimanche, dans une mystérieuse extase, lui fera entendre sa voix comme celle de la trompette, et lui dévoilera cette magnifique et effrayante révélation qui termine, par le récit de la fin du monde. la collection biblique dont la création du monde forme le début[36].

Ainsi les trente premières années du christianisme avaient donné au monde, avec les trois premiers évangiles, les épîtres de saint Pierre, de saint Paul et de saint Jacques, premiers monuments écrits d'une foi qui s'établissait surtout par les paroles. Et à leur tour, pendant les trente années qui suivirent la seconde génération chrétienne, vint d'en haut, dans les écrits de saint Jean et de saint Jude, pour combattre de nouvelles erreurs et calmer, après la chute de Jérusalem, de nouvelles angoisses, une nouvelle effusion de l'Esprit-Saint.

Ces écrits en effet sont pleins du souvenir des hérétiques qui troublaient alors l'Église. Saint Jude-écrit principalement contre les Nicolaïtes, ces hérétiques livrés à la folie de leurs rêves, qui souillent la chair, qui méprisent l'autorité, qui blasphèment la majesté de Dieu[37]. Saint Jean dans ses épîtres condamne surtout ceux qui, comme Ébion et Cérinthe, nient l'humanité du Christ, et veulent que son corps n'al été qu'un fantôme. Dans son évangile, il maintient, contre les judaïsants et les paganisants, à la fois l'humanité du Sauveur et sa divinité[38].

Du reste, il discute peu ; saint Pierre, saint Paul, saint Jacques, discutent davantage. Maintenant la tradition était assez évidente, l'autorité de l'Église assez établie. La doctrine vraie avait été donnée aux chrétiens une fois pour toutes ; il n'y avait plus qu'à y demeurer. Ceci est un commandement que vous marchiez dans la voie qui dès le principe vous a été enseignée... Celui qui se retire de cette voie et ne demeure pas dans la doctrine du Christ n'a pas Dieu en lui ; celui qui demeure dans cette doctrine a en lui le Père et le Fils[39]. Le novateur était ainsi condamné par cela seul qu'il était novateur. Et, comme le danger était pressant, les chrétiens isolés, la séduction facile, la sentence était sévère : Si quelqu'un vient à vous et ne vous apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne lui dites pas : Salut. Celui qui lui dit salut participe à son œuvre mauvaise[40].

Il suffisait donc aux apôtres d'opposer à l'hérésie deux choses, un témoignage et un jugement. Comme témoins, ils attestent que la vérité est tout autre : Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché... (cette chair du Seigneur dont on nie la réalité) la vie qui s'est manifestée à nous... nous l'attestons, nous l'annonçons... Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus soit le Christ ?... Tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair est de Dieu ; et tout esprit qui détache Jésus de la chair, n'est pas de Dieu ; celui-là est l'antéchrist[41]. Comme juges, ils réprouvent le docteur infidèle ; ils l'excluent de la société des saints : Mes enfants, il a paru beaucoup d'antéchrists. Ces hommes se disent apôtres, mais ne sont pas des apôtres... Beaucoup de séducteurs ont paru qui ne confessent pas que Jésus-Christ soit venu en la chair. Celui qui parle ainsi est un séducteur et un antéchrist[42]... Parmi nous se sont introduits quelques hommes dont la condamnation est depuis longtemps écrite, des impies... qui nient notre seul Maitre et Seigneur Jésus-Christ... Rappelez-vous les paroles qui vous ont été dites à l'avance par les apôtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vous disaient qu'au dernier jour viendront des imposteurs marchant selon leurs désirs dans les voies de l'impiété. Ce sont eux qui se séparent eux-mêmes de l'Église, sensuels et qui n'ont pas l'esprit en eux[43].

C'est ainsi qu'entre les hérésies diverses et contradictoires qui l'attaquaient, l'Église restait inébranlable. Mille tombaient à sa gauche, et dix mille à sa droite ; mais le fléau de l'erreur n'approchait pas jusqu'à elle.

Restait cependant un point qui agitait et la synagogue des Juifs et l'assemblée des fidèles, sur lequel les hérétiques de toute espèce semblaient faillir d'un commun accord, qui était, pour ainsi dire, le trouble commun de toutes les âmes. La pensée de la fin prochaine de ce monde agitait même les païens. Lorsque, quelques années plus tard, la première éruption historique du Vésuve couvrit la Campanie de cendres et de ténèbres, on redouta de nouveau cette nuit éternelle qu'on avait redoutée du temps de César. Un grand nombre, dit Pline, levaient les mains vers les dieux ; d'autres prétendaient qu'il n'y avait plus de dieux et que c'était pour le monde la dernière nuit[44].

Et, de plus, comme je l'ai dit, cette commune attente était fortifiée chez les Juifs par la pensée d'une vengeance divine sur Rome leur ennemie, chez les chrétiens par les espérances du règne du Christ et de la céleste Sion.

H faut comprendre du reste en quel sens cette préoccupation devait être particulièrement puissante sur les chrétiens de cette époque. La félicité de l'âme bienheureuse dès le jour où il lui sera permis d'apparaître devant Dieu, telle est aujourd'hui l'idée qui domine le chrétien dans ses vœux et dans ses pieuses espérances.11 n'a pas de peiné à dégager par la pensée son âme de son corps, et à la voir paisible et glorieuse auprès de Dieu, tandis que ses membres achèvent de se dissoudre dans le tombeau. Les chrétiens d'alors entraient peut-être un peu moins aisément dans cette pensée. Leur éducation première avait été peu métaphysique ; ni les philosophes de la Grèce, ni les rabbins juifs qui avaient formé leur enfance, ne les avaient doués de cette facilité d'abstraction qui sépare aisément l'âme des membres, ce qui est abstrait de ce qui est corporel. Les langues même, plus concrètes que les langues modernes, se prêtaient mal à ces distinctions. La félicité qu'ils se plaisaient davantage à envisager, c'était la félicité de l'homme tout entier, de l'homme ressuscité ; le jour qu'appelait leur espérance, c'était le jour, prochain, ils aimaient à se le dire, où la vie rentrerait dans ces os desséchés, où l'âme et le corps se réuniraient après la courte séparation du tombeau.

Je l'ai dit aussi, le spectacle du martyre fortifiait encore cette tendance. La pensée de la résurrection soutenait le courage des confesseurs. Ils souriaient avec joie au sein des tortures, en se disant que, de cette chair brisée, rompue, déchiquetée par le bourreau, pas un atome ne périrait ; et que, l'homme tout entier ayant souffert sur la terre, l'homme tout entier refleurirait glorieux dans l'éternité. Ils se raillaient de ces tyrans, incapables de leur ravir, si ce n'est pour un jour, une parcelle de leur chair ou un cheveu de leur tête. C'est là ce qui explique l'importance si grande donnée dans /a controverse contre les païens, au dogme de la résurrection de la chair. C'est par lui qu'on encourageait les âmes, qu'on, faisait honte au paganisme, que l'on confondait les philosophes, que l'on défiait les persécuteurs.

Mais on comprend alors que le jour de la résurrection fût, pour certaines âmes, l'objet d'une héroïque impatience. C'était le jour qui devait justifier les martyrs, confondre les bourreaux, honorer à la fois et ces âmes qui avaient sacrifié leurs corps pour Dieu, et ces corps qui avaient souffert pour lui. C'était. le jour du triomphe où la guerre serait enfin terminée, où serait enfin jugé le procès qui se débattait entre le christianisme et le paganisme sur les bûchers et les chevalets. Le chrétien, qui payait de sa chair et de ses membres, n'attendait sa complète rétribution que pour le moment où sa chair et ses membres, eux aussi, seraient glorifiés. Ne nous étonnons pas si ce jour, le second avènement du Christ, le règne de Dieu, la Jérusalem céleste, étaient ardemment désirés, et chaque soir, pour ainsi dire, attendus pour le lendemain.

A cette attente souvent impatiente, nous avons dit quelle avait été la réponse de saint Pierre et de saint Paul. Lorsque l'hérésie de Cérinthe introduisit l'idée d'un règne de mille ans sur la terre, et d'un règne où les voluptés corporelles avaient leur part, .les révélations de Pathmos furent la réponse du Saint-Esprit et de l'Église. Nous n'avons pas à nous arrêter ici sur ce livre, postérieur de plus de vingt ans à l'époque que nous traitons. Mais nous pouvons y lire en un seul mot la réponse aux inquiétudes qui agitaient tant de chrétiens.

L'apôtre y parle en effet de la chute de Rome, des prodiges des derniers jours, de la Jérusalem nouvelle, toutes choses que l'imagination hâtive de bien des chrétiens réunissait en un même temps ; il dit même que tout cela aura lieu bientôt[45], parce que pour Dieu tous les temps sont courts. Mais il indique aussi que, si l'on compte selon la mesure humaine, il faut s'attendre à des délais : Je vis sous l'autel les âmes de ceux qui ont donné leur vie pour la parole de Dieu et pour lui rendre témoignage. Et ils jetaient un grand cri en disant : Seigneur, qui êtes saint et véritable, jusqu'à quand différerez-vous à faire justice et à venger notre sang de ceux qui habitent sur la terre ? Et on leur donna à chacun une robe blanche. Il leur fut dit qu'ils attendissent en repos encore un peu de temps, jusqu'à ce que le nombre de ceux qui servaient Dieu comme eux fût accompli, et celui de leurs frères qui devaient souffrir la mort aussi bien qu'eux[46]. Il y avait donc un délai, un temps d'attente, un ajournement dont l'homme ne pouvait avoir la mesure.

Par ces enseignements, l'attente fut moins empressée sans être moins vigilante. Le chrétien sut toujours le Christ à la porte et prêt à frapper. Sans se désespérer de ne pas le voir encore, il n'oublia pas non plus son approche. La préoccupation de la fin des temps resta toujours, moins inquiète, moins étonnée, mais toujours utile et salutaire, tenant les âmes en éveil, à la pensée de cette heure qui pouvait tarder, qui pouvait être imminente ; que les apôtres n'avaient pas sue, que les anges ignoraient, et dont le Père céleste garde seul le secret.

Mais, du reste, les impatiences de quelques-uns, les rêveries de Cérinthe, furent bien assez souvent renouvelées. Cette idée d'un règne de mille ans du Christ sur la terre, dans Jérusalem, capitale des élus ressuscités, s'alliait trop bien avec les affections nationales de bien des Juifs, avec les pensées un peu terrestres de quelques chrétiens. De siècle en siècle, on en voit dans le christianisme de nombreuses traces. Dans le moyen âge, la pensée de la fin imminente du monde vint plus d'une fois effrayer les esprits ; et, dans le protestantisme surtout, plus d'une secte au dix-septième siècle, au dix-huitième, et de nos jours, a enseigné le règne de mille ans et la royauté prochaine du Christ.

Quant au paganisme et au monde en général, que dire de l'Église en face de lui, si ce n'est ce qu'il en faut dire partout et dans tous les temps ?

Seulement, ce qui ressort principalement, en face de cette société exaltée et troublée, c'est la simplicité et le calme du christianisme. Il ne s'isole pas comme les Juifs que séparent du reste du monde, et leur origine propre, et des pratiques étranges et choquantes, et un éloignement dogmatique pour les étrangers. Il ne se singularise pas comme les philosophes qui affectent de se distinguer du vulgaire par l'attitude, l'habit, la barbe, le manteau. Il ne ressemble pas à ces groupes de soi-disant inspirés dans le paganisme, qui pratiquent, sous l'empire d'une inspiration fébrile, des cérémonies ténébreuses, souvent obscènes, parfois sanglantes.

Rien de tout cela ; et, pour parler avec un chrétien de cette époque, les chrétiens ne diffèrent point des autres hommes ; ils n'habitent pas de cités à eux ; ils n'ont pas d'idiome à eux... Habitant selon le hasard de leur naissance, celui-ci une ville grecque, celui-là une ville barbare, ils suivent dans leur vêtement, leur nourriture, tout l'ensemble de leur vie, les habitudes de leurs concitoyens[47]. Ils ne fuient point le commerce de ceux qui ne sont pas chrétiens ; ils ne rompent ni les liens de la famille, ni la société, ni l'État. Ce sont les moins affectés parmi les hommes. Comment la singularité pourrait-elle s'accorder avec l'universalité du christianisme ?

Il est bien vrai que la persécution leur a imposé la retraite et le silence. Ils ont commencé par vivre au grand air de la publicité et de la liberté ; le christianisme aime le jour[48] Il s'est retiré dans l'ombre, parce que les persécutions l'y refoulaient. Il est descendu dans les catacombes, parce que la place publique lui était interdite. Il a eu ses assemblées dans la nuit, parce que l'espionnage le poursuivait dans le jour. Il a gardé le silence sur certains points de sa doctrine, parce qu'il savait que, sur ces points, la parole appellerait l'outrage, la calomnie, la persécution. Du reste, il n'accepte les ténèbres, le silence, le secret, que dans la mesure où ils sont nécessaires. Comme une plante exilée dans les ténèbres, il pousse autant qu'il peut ses rameaux vers le grand jour.

Cet esprit de rectitude et de paix est bien sensible dans les manifestations surnaturelles du christianisme. La théurgie païenne est violente et maladive, mauvaise et menteuse ; elle opère par le désordre du corps et de l'âme ; le prétendu inspiré est dominé par l'esprit inspirateur ; il ne s'appartient plus, il bondit, il écume. Mais la thaumaturgie chrétienne, parce qu'elle est pure et vraie, opère dans le calme des sens et dans la paix de l'âme. Le Seigneur n'est pas dans la commotion. Elle fait des croyants ; elle ne fait pas, selon l'expression païenne, des enthousiastes et des énergumènes. Un passage de saint Paul, d'une simplicité vraiment surhumaine, règle l'ordre dans lequel les miracles doivent se produire, et fait, pour ainsi dire, la police de l'inspiration. Le prophète chrétien est calme, paisible, sain ; il sait parler, et il sait se taire ; son inspiration peut attendre. L'esprit du prophète est soumis au prophète[49].

Avec ce calme marchait la confiance. Vespasien, avant d'accomplir son miracle, hésite, discute avec son amour-propre, a près de lui des flatteurs qui l'encouragent, un empire à gagner, un parti politique prêt à tout croire. Saint Pierre et saint Jacques rencontrent un paralytique aux portes du temple. Je n'ai ni or ni argent, lui dit saint Pierre ; ce que j'ai, je te le donne. Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche[50] ; et avec cette simplicité, cette certitude, cette tranquillité, Dieu se manifeste, et l'homme est guéri.

On peut donc le croire : les révolutions de ce siècle purent toucher, affliger, effrayer même les vrais chrétiens ; elles ne les troublèrent pas. Eux échappèrent à la pensée superstitieuse qui aggravait pour les autres l'impression des malheurs publics ; ils ne furent agités, ni comme les Juifs, par la recherche désespérée du Messie, puisque le Messie était pour eux depuis longtemps trouvé ; ni comme ;es païens, par cette crédulité qu'exploitaient tous les imposteurs, puisque pour eux l'imposture était démasquée par avance ; ni comme les hérétiques, par ces retours vers la synagogue ou le temple des idoles, puisque la route était tracée loin de l'une et de l'autre ; ni comme tous, par cette observation inquiète des astres, des divinations, des .présages, dont la vanité leur était connue. A eux aussi avait été donnée la bonne nouvelle d'un Dieu venu sur la terre ; mais cette nouvelle, consolante parce qu'elle était certaine, affermissait leurs âmes loin de les troubler. Chez les chrétiens aussi, et chez eux bien plus qu'ailleurs, se manifestaient des prodiges et des inspirations surnaturelles ; mais ces prodiges rassuraient parce qu'ils étaient divins, et, au lieu d'un délire enthousiaste, amenaient l'admiration, la reconnaissance et la joie. Au milieu des épreuves communes, ils pleuraient avec ceux qui pleuraient, ils craignaient peut-être avec les timides ; mais ils ne déliraient pas avec ceux qui étaient eu délire. Le chrétien gardait le calme de sa raison, parce qu'il avait le calme de sa foi.

Terminons en cherchant les traces de cet esprit dans les monuments qui nous restent du christianisme de cette époque. Outre les écrits inspirés, nous en avons deux qui peuvent passer pour contemporains des événements que nous venons de raconter. L'un est la lettre attribuée à saint Barnabé, un peu postérieure à la prise de Jérusalem, et dont nous avons déjà cité quelques passages. L'autre est l'épître à Diognète, qui serait, elle, antérieure de peu d'années au désastre des Juifs[51].

Ces deux écrits, quoique dans la même langue, sont d'origine différente. L'épître attribuée à saint Barnabé, bien que destinée à combattre l'esprit judaïque, est évidemment d'origine juive. Il s'y trouve, je l'ai fait voir, plus d'une trace même des allégories subtiles et de la fausse science du rabbinisme. Mais, une fois sur le terrain net de la foi chrétienne, que de simplicité et de lumière ! Il y a deux voies, dit l'auteur : celle de la lumière, celle des ténèbres. La voie de la lumière est celle-ci : Tu aimeras ton Créateur, tu glorifieras celui qui t'a racheté de la mort. Tu seras simple de cœur et riche d'esprit... Tu auras en haine toute dissimulation. Tu ne t'exalteras pas ; tu seras humble. Tu ne t'attribueras aucune gloire... Tu pardonneras à ton frère. Tu ne t'inquiéteras pas de savoir ce qui doit ou ne doit pas arriver... Tu aimeras ton prochain plus que ta vie... Tu ne feras pas périr un enfant par l'avortement ; tu ne le feras point périr après sa naissance... Ton âme ne s'attachera pas aux superbes ; mais tu te rangeras avec les justes et les humbles. Les souffrances qui t'arrivent, reçois-les comme des joies. Tu n'auras ni une double pensée ni un double langage ; la duplicité de la langue est le lacet de la mort. Tu seras soumis au Seigneur. Tu le seras aux maîtres (terrestres), comme aux envoyés de Dieu, dans le respect et dans la crainte. Tu ne commanderas pas avec amertume à ta servante ou à ton esclave qui espèrent au même Dieu que toi ; mais tu craindras Dieu qui est au-dessus des maîtres et des serviteurs et qui est venu appeler, sans distinction de personne, tous ceux qui étaient préparés par l'Esprit-Saint. En toute chose, tu seras en communauté avec ton prochain ; tu ne réclameras rien comme toit bien propre ; car, si vous possédez en commun les biens incorruptibles, à plus forte raison en est-il de même des biens corruptibles... Autant que tu le pourras, tu seras chaste par l'âme... Tu aimeras comme la prunelle de ton œil celui qui t'apportera la parole du Seigneur. Nuit et jour, tu te rappelleras le temps du jugement. Tu chercheras sans cesse le visage des saints ; tu approfondiras leurs discours, et, lorsque tu penseras à exhorter les autres, tu te demanderas comment par la parole on peut sauver une âme. Et tu travailleras de tes mains pour l'expiation de tes péchés. Tu n'hésiteras pas à donner et tu ne murmureras pas en donnant. Donne à quiconque te demande[52] ; tu connaîtras plus tard celui qui te rendra tes dons avec usure. Tu ne susciteras pas de rupture ; mais tu rétabliras la paix entre ceux qui se querellent. Tu confesseras tes péchés. Tu n'iras pas à la prière avec une conscience mauvaise. Telle est la voie de lumière. (18, 19). Et en finissant : Tandis que vous êtes encore dans cette enveloppe précieuse, ne manquez à aucune de ces maximes, recherchez-les toutes, accomplissez tous les préceptes. Et tous méritent d'être observés. Aussi me suis-je étudié, autant qu'il était en moi, à vous écrire ceci, afin de vous réjouir. Salut, fils de dilection et de paix. Que le Seigneur de toute gloire et de toute grâce soit en votre esprit. Ainsi soit-il (21)

L'autre écrit appartient à un chrétien d'une autre origine. Il a été composé avec les habitudes de l'esprit grec, avec cette forme de la pensée hellénique, simple, nette, sobre, lumineuse, qui allait si bien au christianisme, et qui s'est si facilement mariée à l'esprit chrétien. Nulle trace des idées rabbiniques ; il y a bien plutôt une réprobation de la synagogue, absolue et excessive (chap. 3 et 4). L'auteur écrit au païen Diognète, curieux de connaître les dogmes des chrétiens ; il les lui expose en réservant cette partie intime qui n'est enseignée qu'après le baptême et que nul chrétien ne doit révéler[53]. Les chrétiens, dit-il, forment sous nos yeux une société admirable autant qu'elle est incompréhensible. Ils habitent chacun leur patrie, mais ils y habitent comme des étrangers ; soumis à toutes les lois comme des citoyens, ils subissent toutes les rigueurs comme des hommes venus du dehors. Tout pays étranger est pour eux une patrie, toute patrie un pays étranger. Comme les autres, ils se marient et ils ont des enfants ; mais ces enfants, ils ne les abandonnent jamais. Leur table est commune, leur couche ne l'est pas[54]. Ils vivent dans la chair, mais non pas selon la chair. Ils vivent sur la terre, mais leur patrie est au ciel. Ils obéissent aux lois écrites ; mais leur vie est plus sainte que les lois. Ils aiment tous les hommes, et tous les hommes les persécutent. On ne les connaît pas, et on les condamne. On les met à mort, et, en les faisant périr, on leur donne la vie. Ils sont mendiants et ils enrichissent les autres. Tout leur manque, et tout leur abonde. On les déshonore, et ce déshonneur fait leur gloire. On les accuse, et cependant on les justifie. On les maudit, et ils bénissent. Ils font le bien, et on les punit comme des coupables ; mais, au milieu des supplices, ils se réjouissent comme si on leur rendait la vie. Les Juifs leur font la guerre, les Grecs les persécutent ; mais nul ne saurait dire la cause de cette haine ?[55]

Et, pour tout dire en un mot, ce qu'est l'âme dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L'âme est répandue dans tous les membres, les chrétiens le sont dans toutes les cités. L'âme habite le corps, sans être du corps ; les chrétiens habitent le monde, sans être du monde... Le corps est ennemi de l'âme et lui fait la guerre, quoiqu'il n'ait pas été provoqué par elle, mais parce qu'elle lui interdit les voluptés ; le Inonde que les chrétiens n'ont pas provoqué leur fait la guerre, parce qu'ils blâment ses voluptés. L'âme aime le corps dont elle est haïe ; les chrétiens aussi aiment ceux qui les haïssent. L'âme, enfermée dans le corps, conserve le corps ; les chrétiens, enfermés dans le monde comme dans une prison, conservent le moi-de. L'âme immortelle habite un tabernacle mortel... L'âme, lorsqu'elle souffre le jeûne et l'abstinence, devient plus forte ; les chrétiens, lorsqu'on les livre au supplice, croissent en nombre chaque jour. Tel est le poste qui leur a été assigné de Dieu même, et qu'il ne leur a pas permis d'abandonner...

Or l'enseignement qu'ils ont reçu n'est pas une invention terrestre ; ce n'est pas la pensée d'un mortel qu'ils gardent avec tant de soin. Ce ne sont pas des mystères humains qui leur ont été confiés. Dieu, invisible, maître et créateur de toutes choses, a fait descendre du ciel, parmi les hommes, sa Vérité, son Verbe saint et incompréhensible... Celui qu'il a envoyé aux hommes n'est pas, comme on pourrait le croire, un messager, un prince, quelqu'un de ceux qui gouvernent le monde terrestre ou exercent une certaine puissance dans les cieux. Mais c'est l'ouvrier et le créateur de toutes choses, celui par qui Dieu a fondé les cieux, enfermé la nier dans ses limites... L'a-t-il envoyé, comme on pourrait le penser, dans un but de rigueur et d'épouvantement ? Non, il l'a envoyé dans sa clémence et dans sa douceur. Il l'a envoyé comme le roi envoie le roi son fils ; il l'a envoyé comme Dieu vers les hommes ; il l'a envoyé pour sauver, pour persuader, non pour contraindre... Il l'a envoyé dans son amour, non dans sa justice. Il l'enverra un jour pour nous juger, et alors qui pourra soutenir sa venue[56].

Je n'ai cru pouvoir mieux faire connaître que par de simples citations ces vénérables monuments de l'antiquité chrétienne. L'un et l'autre, avec des formes différentes, montrent quelle était la rectitude du sens chrétien.

Cherchez ailleurs, à cette époque, chez les philosophes, les sectaires, les hérésiarques, les soi-disant prophètes et les soi-disant dieux, quelque chose de pareil à cette précision dans la doctrine, à cette fermeté brève dans la morale, à cette simplicité dans la vertu.

Ainsi le christianisme grandissait de ses propres épreuves et des épreuves du monde. L'ambition des chefs et la cupidité des soldats, en amenant les révolutions de l'empire ; le fanatisme des Juifs, en soulevant la guerre de Jérusalem ; l'esprit d'indépendance des peuples, en excitant la guerre contre Rome ; l'impiété des faux prophètes, l'orgueil des hérésiarques, la mensongère audace des imposteurs, la superstitieuse folie des nations qui se manifestait par de tels égarements ; la puissance elle-même des ténèbres, en suscitant ces impostures, ne faisaient que justifier les prophéties et servir involontairement la cause de Dieu. Les oracles divins avaient été vérifiés ; la synagogue avait été abolie au profit de l'Église ; la destruction de Jérusalem, de son temple et de son culte avait rendu plus manifestes que jamais le culte, le temple, la cité spirituelle, destinés à les remplacer. Les hérésies, mal nécessaire, en appelant à elles des chrétiens demeurés juifs ou païens après leur baptême, avaient servi à épurer l'Église et à trier l'ivraie de la céleste moisson, selon la parole de saint Paul : Il faut qu'il y ait des hérésies, afin de manifester parmi vous ceux qui auront été éprouvés[57]. Enfin les folies même de la superstition païenne, les mystagogues, les prétendus thaumaturges, les dieux terrestres, toute cette grande perturbation des rimes, incapables de résister au choc des événements politiques et à la déception de leurs mystiques espérances ; tout cela avait servi à faire ressortir la paix et le bon sens des chrétiens, la sincérité de leurs thaumaturges, la légitimité de leurs inspirations, leur pleine et heureuse possession du Messie reconnu. L'épreuve avait été rude et pour les croyants et pour le monde ; mais elle laissait les croyants plus fermes, et le monde, s'il le voulait, plus éclairé.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Dominus ab utero vocavit... — Et dicit mihi : Servus meus es tu in Israel quia in te gloriabor. — Et ego dixi : In vacuum laboravi et sine causa, et vane fortitudinem meam consumpsi ; ergo judicium meum cum Domino et opus meum cum Deo meo. — Et nunc dicit Dominus formans me ex utero servum sibi ut reducam Jacob ad eum, Israel non congregabitur... — Et dixit : Parum est ut sis mihi servus ad suscitandas tribus Jacob et faces Israel convertendas. Ecce dedi te in lucem Gentium, ut sis salus mea usque ad extremum terræ. XLIX, 1-6, cité Actes, XIII, 47.

[2] Isaïe, LXV, 12-15.

[3] Isaïe, LXVI, 15 et suiv.

[4] Matthieu, XXII, 1-10. — Luc, XIV, 16-24.

[5] Matthieu, VIII, 11-12. — Luc, XII, 25-30.

[6] Isaïe, LXVI, 18-20.

[7] Osée, I, 10 ; II, 25, 24 (cité Rom., IX, 25, 26. — I Petr., II, 10).

[8] Isaïe, LXVI, 19.

[9] Hebr., XII, 22. — S. Justin, in Tryphone, 123.

[10] Isaïe, LXII, 2 ; LXV, 15-16 ; XXVIII, 11. — Voyez I Cor., XIV, 21.

[11] Isaïe, CVI, 3-7.

[12] Ézéchiel, XLVII, 22, 23. Et alii alibi.

[13] Daniel, IX, 27.

[14] Jérémie, XXX, 31-33. (Voir Hebr., VIII, 8 ; X, 16.) — Sur la prophétie d'une nouvelle alliance, voir encore Isaïe, XLII, 6 ; XLIV, 8.

[15] Isaïe, XLIII, 18, 19 ; LXV, 17 ; LXVI, 22. — Voir Apoc., XXI, 1. — II Cor., V, 16.

[16] Malachie, I, 10-11. Le Seigneur sera adoré dans chaque pays et dans toutes les îles des nations. Sophonie, II, 11. — Voir S. Justin, in Tryph., 106, 107.

[17] Origène, Hom. 5, in Num.

[18] Hebr., VI-X ; Ps. CIX.

[19] Isaïe, LXVI, 20-21.

[20] Ps. CXXI, 5, 6. — Isaïe, III, 14 ; XXXII, 1. — Ézéchiel, VII, 27.

[21] Matthieu, XIX, 28.

[22] Apoc., VII, 9.

[23] Origène, in Matth., XIX, 28. Autres commentaires sur cet évangile attribués à Origène, et réunis aux œuvres de saint Jean Chrysostome. Dans le livre d'Hermas, l'Église est figurée par une forteresse bâtie sur le rocher, et dont la porte est gardée par douze vierges. Chacune de ces vierges représente une vertu, et aussi une des tribus d'Israël.

[24] Rom., II, 28, 29. IX, 6-8.

[25] Voir surtout l'épître aux Hébreux :

Translato enim sacerdotio, necesse est ut et legis translatio fiat. Hebr., VII, 12.

Nihil enim ad perfectum adduxit lex. 19.

Qui exemplari, et umbræ deserviunt cœlestium. VIII, 5.

Nondum propalatam esse sanctorum viam. IX, 8.

Justitiis carnis usque ad tempus correctionis impositis. 10.

Declarat mobilium translationem tanquam factorum, ut maneant ea quæ sunt immobilia. Itaque regnum immobile suscipientes, habemus gratiam. XII, 27, 28.

[26] Galat., IV, 22-31. Rom., IX, 7-13.

Cognoscite ergo quia qui ex lide sunt, ii sunt filii Abrahæ. Gal., III, 7.

Si autem vos Christi, ergo semen Abrahæ estis, secundum promissionem hœredes. Galat., III, 29.

[27] La date de cette épitre peut s'induire du passage (voyez plus bas) où il mentionne la ruine du temple, et d'un autre, qui me parait contenir une allusion contemporaine au règne de Vespasien et de ses trois prédécesseurs éphémères.

[28] Ch., 7-10.

[29] Voir aussi S. Paul, Hebr., IV, 4, 9.

[30] Nemo vos judicet in cibo, aut in potu, aut in parte diei festi, aut neomeniæ aut Sabbatorum, quæ sunt umbra futurorum, corpus autem Christi. Col., II, 16, 17.

[31] Voir. Ép. Barnabé, 11, 12. — Par suite d'explications alphabétiques dans le genre des rabbins, l'auteur trouve aussi une figure de la croix dans le nombre (318) des serviteurs qu'Abraham a fait circoncire (Genèse, XIV, 14 : XVII, 25). 318 s'écrit en grec ΤΙΗ. Le Τ figure la croix, les deux autres lettres sont les initiales du nom de ΙΗΣΟΥΣ (ch. IX). Clément d'Alex. (Stromat., VI, circa medium) fait la même remarque.

[32] Ép. Barn., 16.

[33] Ép. Barn., 13.

[34] S. Justin, Dial. cum Tryphone.

[35] Voir Hieronym., in Matth.

[36] Apoc., I, 9, 10.

[37] Jud., 8.

[38] Hieronym., in Matth.

[39] II Jean, 6, 9.

[40] II Jean, 10, 11.

[41] I Jean, I, 1, 5 ; II, 22 ; IV, 1-4.

[42] I Jean, II, 18. — Apoc., II, 2. — II Jean, 7.

[43] Jud., 4, 17-19.

[44] Pline, Ép., VI, 16-20. — Xiphilin, LXVI, 23.

[45] Apoc., I, 1.

[46] Apoc., VI, 9, 10, 11.

[47] Ép. ad Diognet., 5.

[48] Dieu est lumière, et en lui il n'y a point de ténèbres. Si nous disons que nous sommes avec lui et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons. I Jean, 1, 5, 6.

[49] Voyez I Cor., XIV, 26-33, 39, 40.

[50] Actes, III, 6.

[51] Elle parle des sacrifices judaïques comme encore usités, et du christianisme comme d'une religion nouvelle. Voyez ch. I, III, V, VI, VII. — L'auteur, dans le ch. XI, se déclare disciple des apôtres ; mais les deux derniers ch. XI et XII, qui se lient peu à ce qui précèdent, sont d'une authenticité douteuse. Le style est pur et a un parfum d'antiquité.

[52] Matthieu, V, 1, 2. — Luc, VI, 30.

[53] N'espère pas que nul homme t'enseigne le mystère du culte divin, qui est propre aux chrétiens. 4.

[54] Le texte de ce passage est douteux. Sur l'abandon des enfants, voyez ci-dessus le passage analogue de S. Barnabé.

[55] Ch. V. Comparer tout ceci aux passages de S. Paul, II Cor., X, 5 ; Rom., VIII, 12 et suiv. ; Phil., III, 18-20 ; II Cor., VI, 9, 10 ; I Cor., IV, 12 ; II Cor., VI, 10.

[56] Chap. VI, VII.

[57] I Cor., XI, 19, et S. Jean : Ils sont sortis de nous, mais ils n'étaient de nous ; car, s'ils eussent été de nous, ils fussent toujours restés avec nous. Mais il a fallu qu'il devint manifeste que ces hommes n'étaient pas avec nous. I Jean, II, 18, 19.