ROME ET LA JUDÉE

AU TEMPS DE LA CHUTE DE NÉRON (ANS 66-72 APRÈS JÉSUS-CHRIST)

TROISIÈME PARTIE. — SOULÈVEMENT DES ARMÉES

CHAPITRE VIII. — GALBA (68-69).

 

 

Le même vent qui soufflait en Judée soufflait à Rome. Il y avait là aussi des prophètes, des pressentiments superstitieux, des ambitions démesurées, des craintes profondes, de folles espérances.

Pour le comprendre, il faut penser d'abord par quelles épreuves avaient passé les hommes de cette époque, ceux, par exemple, qui avaient quarante ans, surtout s'ils possédaient le rang ou la richesse. Ils avaient vu finir la sombre royauté de Tibère ; ils avaient subi, pendant trois ans, le règne d'un épileptique et d'un maniaque, mais d'un maniaque sanguinaire, Caligula. Ils avaient été témoins ou complices de la tentative de résurrection républicaine qui, après la mort de ce prince, avait, pendant une journée et demie, troublé les têtes du sénat. Ils avaient accepté, toléré, adoré tour à tour, en les maudissant, Claude, ses affranchis, ses deux femmes, Messaline et Agrippine. Ils avaient, parmi les autres péripéties de ce règne, vu la prostituée Messaline, femme de l'empereur, épousant publiquement un autre homme ; puis le lendemain mise à mort sans le consentement et presque à l'insu de l'empereur qui l'aimait toujours. Ce gouvernement des femmes, plus désordonné, aussi sanguinaire que celui des hommes, leur avait donné Néron ; et ils avaient eu treize années entières pour contempler et redouter ce phénomène d'un maitre du monde, danseur, cocher, pantomime, incendiaire, meurtrier de son frère, de sa femme, de sa mère, meurtrier, s'il l'eût pu, du genre humain tout entier. Ils avaient vu le crime arrivant à des proportions artistiques et- grandioses, comme ces colosses monstrueux de l'Inde, hideux et difformes, si on les regarde de près, mais auxquels leurs proportions gigantesques impriment un certain prestige et une certaine majesté.

Ce long cauchemar n'avait pas rendu leur jugement plus sain, tant s'en faut ! mais bien leur imagination plus ardente, leurs peurs et même leurs ambitions plus exaltées. Leurs craintes et leurs chimères prenaient ces proportions supérieures qui, de tout temps, dans le bien et dans le mal, dans son élévation et sa décadence, ont été propres au génie romain. Même le Romain d'aujourd'hui ne conçoit rien qui n'ait une certaine grandeur. L'immensité de cet empire qui englobait, disait-on, le genre humain tout entier, élevait singulièrement les proportions de la politique et le diapason de toutes les espérances[1]. Le jour où cet empire serait mis en question, où ce colosse branlerait, où cette masse immense semblerait vouloir se déplacer, il n'y aurait rien de si surhumain que l'on ne dût espérer et que l'on ne dût craindre.

A cette redoutable grandeur des événements, la superstition ajoutait des proportions plus vastes encore. Rome, elle aussi, avait ses faux christs et ses faux prophètes. Elle avait vu Simon le magicien s'élevant dans les airs ; elle lui dressait des autels, elle devait en déifier bien d'autres. Le monde était semé de merveilles et de présages comme de crimes et de calamités. Il se dédommageait des souffrances par des chimères. Le courant d'idées ou plutôt de pratiques superstitieuses qui, un instant arrêté, avait repris son cours sous Auguste, à l'issue des guerres civiles de la République, avait acquis une nouvelle force sous le régime de terreur des premiers Césars ; il devait en acquérir une nouvelle après Néron et sous l'influence des guerres civiles de l'empire.

Cette superstition n'était pas seulement celle du peuple. Les plus élevés en dignité, plus exposés, étaient souvent plus superstitieux. Néron, plein d'une passion étourdie de gloire et d'immortalité[2], se livrait à la magie, immolait des hommes à cet art, adorait une statuette de jeune fille qui lui avait, disait-il, révélé un complot. Les grands de ce siècle-là peuvent être dévots comme Auguste, épicuriens comme César, déistes comme Sénèque, fatalistes comme Tacite, blasphémateurs comme Pline, athées comme Tibère. Mais toujours par un coin ou par un autre, le surnaturel s'empare d'eux et les domine. César a son talisman, Tacite croit aux présages, Pline aux enchantements, Tibère aux astrologues.

Car l'astrologie, la moins religieuse des superstitions, était celle qui dominait le plus. Comme le fatalisme était leur dogme, l'astrologie était leur culte. Néron avait étudié cette science comme toutes les autres sciences occultes. Poppée, son intrigante épouse, moitié juive, moitié superstitieuse, se partageait entre les rabbins et les astrologues ; elle avait fait à ceux-ci un sanctuaire dans sa maison, où elle les gardait précieusement. Othon, premier mari de Poppée, avait hérité de ses astrologues ; et ce sera l'un d'eux, Séleucus, qui le poussera à se faire empereur. Plus tard, Vespasien, héritera des astrologues d'Othon, et le même Séleucus sera son conseiller. Les astrologues, à Rome, sont éternels ; le pouvoir les chasse, mais le pouvoir les consulte. Vitellius les expulse de Rome, mais il en garde quelques-uns dans son palais. Bientôt revenus, Vespasien les chassera encore, mais il n'en aura pas moins foi en eux[3]. Les astrologues sont les grands politiques de ce siècle. Ils commandent les guerres, les trahisons, les complots. Le monde est gouverné par le sceptre et par l'épée, moins que par l'astrolabe.

Encore une fois, il en était de Rome comme de Jérusalem. La nuée des faux prophètes s'était abattue sur l'une comme sur l'autre. Dans l'une comme dans l'autre, la superstition s'alliait à la politique, prête à enfanter les ambitions et les tentatives révolutionnaires. Ici, c'était l'espérance trompée du Messie ; là, c'était une recrudescence de toutes les superstitions païennes. De part et d'autre les rêves étaient grandioses ; il s'agissait, non d'un coin de la terre, mais du monde. Les zélateurs de Jérusalem préméditaient la domination du globe, l'hommage rendu par tous les peuples au temple de Salomon, et toutes les magnificences qu'avaient annoncées les prophètes. A Rome, il n'était si petit génie qui ne rêvât la pourpre. En bien et en mal, rien ne semblait impossible. Othon, disgracié et exilé, rêvait d'être César. Néron, César, rêvait sa propre chute, et, pour son retour, la domination de l'Orient et la royauté de Jérusalem[4]. Tant Jérusalem tenait une grande place dans ces aspirations de l'avenir ! Tant il est vrai que le même souffle de révolution soulevait l'Orient et l'Occident, Jérusalem et Rome !

Cette exaltation de toutes les âmes que le christianisme n'éclairait point, cet affolement de l'astrologie et des superstitions païennes, celte exaltation de l'esprit juif, ces désespoirs du rabbinisme, expliquent bien les révolutions multiples dont nous allons raconter l'histoire. Elles expliquent en même temps le caractère superstitieux dont ces révolutions sont particulièrement empreintes. Pendant les dix-huit mois qui vont suivre, pas un événement qui n'ait son avant-coureur, pas une révolution qui ne soit prédite ou présagée, que n'annonce quelque signe, équivoque peut-être au moment où il parait, mais que l'avenir rendra indubitable. Rome croit tout, interprète tout, cherche un sens aux accidents les plus frivoles[5]. De l'histoire, cette foi passe aux historiens ; ces faits sont rappelés avec aplomb et sans ironie par des écrivains graves comme Tacite, Suétone et Plutarque, contemporains et appuyés sur des autorités contemporaines[6]. Rechercher des fables, dit Tacite, amuser le lecteur par de vaines fictions serait peu digne de la gravité de mon œuvre ; mais je n'ose pas non plus mettre en doute des faits connus et qui ont été transmis par d'autres à la postérité[7]. Tels sont les instincts superstitieux qui dominent cette époque, pendant laquelle les magiciens de Néron, la prophétesse de Galba, le tireur d'horoscope d'Othon, la captive germaine que consulte Vitellius, les vingt et quelques prophètes interrogés et exploités par Vespasien, seront plus que Néron, plus qu'Othon, plus que Galba, plus que Vitellius, et autant que Vespasien, les vrais Césars.

Après ce caractère superstitieux, un autre caractère de cette période de révolution mérite d'être remarqué. Dans cette guerre qu'il faut bien appeler une guerre civile, la puissance militaire apparaîtra seule sur la scène. Il semble qu'elle soit seule au monde. Tout se passera de légion à légion. Le premier cri de la lutte sera : Arrière les bourgeois (facessite, pagani), et les bourgeois en effet ne compteront pour rien. Nous verrons le sénat et les riches, toujours occupés à flatter l'empereur d'aujourd'hui, tout en ménageant l'empereur de demain, se cachant aux jours de crise chez quelque client pauvre, ou hors de Rome, dans quelque ferme retirée. Nous verrons le peuple, moins exposé, mais non plus puissant, réduit à une stérile commisération pour le pouvoir qui tombe. Le peuple moins compromis sera davantage pour l'empereur d'hier ; le sénat, plus menacé, penchera davantage pour l'empereur du lendemain. Mais la pitié des uns sera stérile autant que la peur des autres ; l'épée seule des légions pèsera dans la balance.

Sont-ce donc ici de pures querelles de casernes ? Dans ces luttes qui, pendant près de deux ans, vont agiter le monde, n'y a-t-il rien de plus sérieux et de plus profond que des ambitions, des rivalités, des cupidités soldatesques ?

Non ; mais ici il faut bien comprendre ce qu'était l'armée romaine, afin de pénétrer le sens d'une lutte où elle joue seule tous les rôles.

Les forces de l'empire se composaient à peu près par moitié de légions romaines et de troupes auxiliaires ; les unes formées de citoyens romains, les autres, comme on disait, de provinciaux, de tributaires, de sujets de l'empire. Mais les unes et les autres appartenaient par des liens étroits à la province de l'empire occupée par elles. Les campements de la légion étaient permanents. Ses garnisons ne changeaient pas. Avec le temps son camp devenait une ville, et ses vétérans formaient une colonie. Elle se recrutait dans la province, de citoyens romains, il est vrai, mais de citoyens romains originaires et habitants de la province[8] ; elle se rattachait à la province par des mariages ; elle se liait aux cités provinciales par des signes officiels d'amitié[9] ; elle avait les mœurs, la religion, la langue, l'esprit de la province.

A plus forte raison en était-il de même des auxiliaires, sujets de Rome, mais non Romains, étrangers, alliés, barbares même. Ceux-là conservaient officiellement et leurs langues et leurs costumes et leurs emblèmes et leur caractère national. Rome redoutait si peu la nationalité des peuples vaincus, elle avait une telle confiance dans l'ascendant de son nom et de son drapeau, qu'elle gardait chaque province en grande partie avec des soldats nés de cette province. L'empire romain, il ne faut pas l'oublier, n'était autre chose qu'une fédération de peuples sous un maître absolu.

Il résulte de là qu'en une certaine mesure chacune des armées de Rome représentait un peuple. Les prétoriens, qui occupaient Rome et qui étaient les privilégiés de l'armée, c'était l'Italie ; les légions, c'étaient les provinces ; l'armée du Rhin, c'était la Gaule ; l'armée de l'Euphrate, c'était la Syrie. Ces querelles de caserne étaient donc au fond des querelles de nations, et en ceci encore devait se vérifier la prophétie de l'Évangile : La nation s'élèvera contre la nation, et le royaume contre le royaume.

Ne nous imaginons pourtant pas que, pour aucune de ces nations armées, il s'agît de briser le lien de l'empire et de reprendre son indépendance. Non, le lien était trop puissant, et, nous pouvons le dire, trop respecté. Il y eut sans doute des velléités d'émancipation ; nous dirons ce qu'elles furent. Mais il n'y eut rien comme ce mouvement général de dislocation qui devait se produire au troisième siècle, puis au cinquième, alors que, le lien de l'empire se relâchant, il devenait nécessaire aux peuples de s'en passer ; que, Rome désertant les nations, les nations devaient déserter Rome. Au siècle que nous racontons, il n'y eut rien de pareil ; ce que les nations se disputèrent, en tant que les nations parurent en armes sur la scène, ce fut une certaine liberté intérieure, une certaine égalité vis-à-vis de la cité maîtresse, la joie de la diminuer, l'orgueil de lui donner et de se donner des maîtres, le plaisir d'avoir des empereurs de leur choix, je ne dis pas encore des empereurs de leur sang. Le prestige du nom romain était assez grand alors pour que les pensées d'ambition locale n'allassent point au delà de ce cercle.

Tel était donc le double sentiment national et superstitieux qui allait agiter les peuples et les armées, ce double instinct s'éveillait dans tout l'empire, absolument comme nous l'avons vu s'éveiller en Juda.

Il éclate du reste dès le début de la crise. C'est un Gaulois qui donne le signal. C. Julius Vindex, propréteur de la Gaule celtique et descendant des rois d'Aquitaine, propose, dans une assemblée des cités gauloises, la révolte, non contre Rome, mais contre Néron ; il la propose avec la franchise d'un Gaulois, avec le patriotisme d'un Romain. Il ne veut pas briser le joug de l'empire ; mais il s'indigne, au nom et pour la dignité de l'empire, contre cet empereur parricide et comédien. Tout le centre et le midi de la Gaule, ces provinces pleines de l'esprit romain, Édues (Autun), Arvernes, Séquanes (Franche-Comté), Viennois, se soulèvent. Le mouvement est provincial et militaire à la fois ; les milices gauloises (l'intérieur de la Gaule ne possédait pas de légions) marchent sans peine avec leurs frères, les gouverneurs romains avec leur collègue ; et Vindex a bientôt cent mille hommes sous ses ordres (mars 68).

La commotion passe bientôt les Pyrénées. La légion qui gardait l'Espagne Tarraconaise, et avec cette légion le peuple de l'Espagne, donne à son proconsul, Servius Sulpitius Galba, vieillard de soixante-dix ans, le titre de lieutenant du sénat et du peuple, un peu plus tard celui de César (avril 68). Un sénat espagnol se forme autour de lui. Comment Galba hésiterait-il ? les dieux s'en mêlent. Une vierge prophétesse lui annonce comment un homme venu d'Espagne doit posséder l'empire et la domination des choses humaines. Et les vers qu'elle lui chante ainsi se retrouvent miraculeusement dans le temple de Jupiter, écrits deux siècles auparavant de la main d'une autre prophétesse[10]. Touché de ces signes, Galba écoute la proposition de Vindex ; il consent à devenir, comme le disait celui-ci, le chef et le libérateur du genre humain. Cette emphase du langage ne laissait pas que d'être proportionnée à la grandeur de l'empire, à celle de l'entreprise, au caractère prophétique de toute chose en ce moment.

Bientôt le branle donné se fait sentir plus loin encore. Tout l'Occident est ému. En Lusitanie, le propréteur Othon se joint à Galba ; en Afrique, le proconsul Clodius Macer proclame ou la liberté de sa province ou sa propre souveraineté ; l'image de l'Afrique et le mot de liberté figurent sur ses monnaies ; il lève une légion macrienne. On se soulève donc ici pour Galba, là pour soi-même.

On se soulève ailleurs, même pour Néron. S'il y a, en effet, une Gaule celtique et aquitaine pleine de l'esprit romain, il y a aussi une Gaule belgique ou germanique, moins romaine et moins policée ; si Autun soutient Vindex, c'est une raison pour que Langres le combatte ; si Vienne s'est indignée contre Néron, Lyon, que Néron a secourue de ses largesses, lui garde une reconnaissante popularité. La Gaule du Nord se soulève contre le soulèvement de" la Gaule du Midi. Elle pousse contre Vindex le général romain Verginius Rufus ; elle le fait marcher, peut-être malgré lui, et elle livre bataille malgré lui ; Vindex, vaincu à Besançon, se donne la mort. Mais aussitôt (tellement l'empire semblait à la merci de toutes les ambitions !) les soldats qui viennent d'écraser un compétiteur en suscitent un autre, déchirent les images de Néron, et proclament empereur Verginius qui a grand peine à refuser.

L'ébranlement à la lin gagne Rome. Là, un de ces misérables que le caprice des Césars pouvait mener à tout, un Nymphidius Sabinus, préfet du prétoire, fils, disait-il, de Caligula, disait-on d'un gladiateur, mais certainement d'une prostituée, prend sur lui de terminer la révolution d'un seul coup. Il savait ses soldats, les prétoriens, fidèles au nom des Césars et attachés à leur service, à moins qu'une forte somme d'argent ne les en détachât. Sans ordre, sans mandat de personne, sans avoir un sou à donner, il promet, au nom de Galba, une récompense impossible — sept mille cinq cents deniers pour chaque prétorien, douze cent cinquante pour chaque légionnaire[11] —. Les prétoriens croient à sa promesse, et, la nuit venue, désertent sans bruit le corps de garde du palais, laissent Néron seul, abandonné, perdu, et tout est fini.

En effet, pendant que Néron, épouvanté de sa solitude, s'enfuyait clandestinement et en tremblant à travers les faubourgs ; pendant qu'avait lieu son suicide, hésitant et larmoyant, dans la petite maison d'un de ses domestiques ; pendant toute cette tragédie bourgeoise que j'ai racontée ailleurs ; le sénat, libre et souverain par la grâce de Nymphidius et des prétoriens, donnait à l'élection faite en Espagne l'empreinte du cachet constitutionnel dont il était dépositaire. Le sénat proclamait légalement et régulièrement Galba empereur (9 juin 68).

Ce fut lit un premier triomphe pour les provinces et pour l'armée. Elles avaient fait un empereur. Ce triomphe provincial est célébré sur les monnaies de Galba ; la Gaule et l'Espagne y sont figurées se donnant la main. Il est constaté également par les édits de Galba : bien qu'avare du droit de cité, il fallut qu'il l'accordât aux villes de la Gaule ; bien que pauvre et parcimonieux, il dut remettre aux Gaulois le quart des impôts[12].

Mais c'était aussi un triomphe pour le sénat. Galba, homme d'une ancienne famille, âgé, consulaire, étranger à la race détestée des Césars, était bien l'homme du sénat et de la vieille Rome. Rome se réjouissait de ce choix qu'elle n'avait pas fait ; elle se couronnait de fleurs ; elle courait les rues le bonnet de l'affranchi sur la tête. Elle écrivait sur ses monnaies : LA PAIX D'AUGUSTE. — ROME RENAISSANTE. — LE SALUT DU GENRE HUMAIN. — LA LIBERTÉ RÉTABLIE[13]. L'ère des Césars était finie, semblait-il, et une ère nouvelle allait commencer, où le prince ne serait que le lieutenant du sénat, et où de ses libertés perdues Rome retrouverait du moins la liberté de se donner un maître[14].

Mais, hélas ! ces applaudissements étaient loin d'être unanimes. S'il y avait un peuple romain qui se réjouissait, il y en avait un autre qui murmurait. Sous les Césars et même avant eux, il s'était formé comme un second peuple romain ; peuple d'étrangers, de provinciaux, d'affranchis surtout ; peuple différent de mœurs, d'allures, d'origine, et même de langue. Ce peuple-là, dégagé et des traditions régulières de l'ancienne Rome et de la clientèle des grandes familles, vivant d'aumônes publiques et de spectacles, faisant ses pénates de l'amphithéâtre, formait la clientèle personnelle du prince. Ce peuple-là, ennuyé d'avance de l'empereur vieux et avare qui lui arrivait d'Espagne, regrettait Néron, jeune, libéral, magnifique, jetait des fleurs sur sa tombe, disait même que Néron n'était pas mort[15]. Ce peuple-là était en bonne partie grec d'origine, et Néron, Grec par ses mœurs et bienfaiteur de la Grèce, avait gagné les affections de tout ce qui était de sang hellénique[16]. Ce peuple souhaitait le rétablissement de la servitude autant que l'autre se réjouissait du rétablissement de la liberté.

Et, pas plus que le peuple, les légions n'étaient unanimes dans leur adhésion. Comme dit Tacite avec un sens profond, le secret de l'empire venait d'être révélé, qu'un empereur peut être fait ailleurs qu'à Rome. Rome et les prétoriens seuls avaient jusque-là fait les princes ; les provinces et les légions se mêlaient maintenant d'en faire. Mais à cette élection, improvisée dans un coin de l'Espagne, n'avaient pu être convoquées ni toutes les légions ni toutes les provinces : pourquoi donc, chacune à son tour, les populations et surtout les armées de Germanie, d'Illyrie, de Syrie, d'Égypte, ne feraient-elles pas leur César ? Aussi toutes les ambitions militaires étaient en éveil. Dans la Germanie inférieure, Fonteius Capito, venant de condamner un soldat, et l'entendant en appeler à César, montait sur un siège plus haut, et disait sans façon : Plaide maintenant devant César[17]. En Afrique, Clodius Macer, appuyé sur je ne sais quelle courtisane vieillie du palais de Néron, continuait à se maintenir indépendant, arrêtait les convois de blé, menaçait d'affamer Rome. Enfin, à Rome même, ce Nymphidius, qui avait si aisément fait tomber Néron, puissant par l'absence de Galba, prenait des airs d'empereur ; le sénat s'inclinait sur son passage ; les palais, les esclaves, les concubines, les trésors de Néron, étaient en sa possession : et, quand il sut par ses espions que Galba commençait à se méfier de lui, il se jugea perdu s'il ne se Taisait César au plus têt.

La situation était donc difficile. Quel était l'homme sur lequel le poids en tombait[18] ?

Servius Sulpitius Galba appartenait, non point à l'ancien patriciat, mais, ce qui était différent, à l'ancienne noblesse. Il descendait même, disait-il, par son père, de Jupiter, par sa mère, de Pasiphaé, fille du Soleil. Cette céleste descendance devait sans doute attirer sur lui la faveur des dieux : Il était encore enfant que Tibère, savant astrologue, avait annoncé qu'à son tour il goûterait de l'empire. Cela ne me regarde pas, ajoutait Tibère, je puis le laisser vivre. De plus, on avait un jour, d'après les entrailles des victimes, révélé à son père que sa famille aurait l'empire, et le père, incrédule, avait répondu : Oui, sans doute, quand une mule mettra bas. Or, plus tard, Galba vit une mule enfanter. Un jour qu'il faisait un sacrifice, les cheveux d'un enfant qui y assistait changèrent tout à coup du noir au blanc, ce qui voulait dire sans nul doute qu'à la jeunesse de Néron succéderait brusquement la vieillesse de Galba. Enfin, il avait vu jadis en rêve la Fortune se plaignant de ce qu'elle était à sa porte, fatiguée, sans qu'il s'inquiéta d'elle, et que, s'il ne la recueillait au plus tût, le premier-venu s'emparerait d'elle : en ouvrant sa porte, il avait trouvé en effet une statuette en bronze de la Fortune qu'il avait recueillie, conservée, placée dans un sanctuaire, honorée par des sacrifices. En un mot, sa vie antérieure n'avait manqué d'aucun de ces présages authentiques et infaillibles qui ne manquèrent jamais à la vie antérieure d'aucun César.

Sa naissance et cette désignation des dieux n'étaient pas le seul mérite de Galba. Il avait la renommée d'un magistrat vigilant, d'un général sévère envers ses soldats. C'était un débris de cette aristocratie rigide de l'ancienne Rome, capable de 'vouloir le bien, mais de le vouloir avec dureté, sévère jusqu'au sang, économe jusqu'à l'avarice. Son buste qui nous est resté a une certaine empreinte de dignité et d'austérité patricienne ; mais le visage maigre, les sourcils froncés, le regard dur, indiquent plus de justice que de pitié ; les lèvres minces trahissent l'avare. On cite, en effet, plus d'un trait de sa parcimonie. Lorsque la ville de Tarragone lui offrit une couronne d'or qu'on disait du poids de quinze livres, il la fit fondre, pesa le métal, trouva qu'il y manquait trois onces et se les lit 'donner. Il se plaignait, disait-on, quand sa table était trop abondamment servie ; et après avoir entendu un musicien célèbre, il crut le récompenser magnifiquement en lui offrant cinq deniers (5 fr.), faisant observer qu'il les prenait dans sa poche, et non dans la caisse de l'empire. Sa sévérité dans les provinces avait été effroyable, quoiqu'elle ne laissât pas dans certains esprits romains que de lui faire honneur. Un soldat, en temps de disette, ayant vendu sa ration de blé, Galba défendit qu'on lui donnât de nouvelles rations et le laissa mourir de faim. Un tuteur ayant emprisonné son pupille, Galba le condamna au supplice de la croix ; et, comme le coupable invoquait les privilèges un peu négligés alors du citoyen romain, Galba prétendit lui faire honneur en dressant pour son supplice une croix plus haute que les autres et peinte en blanc pour qu'on la vit de loin[19].

Mais, à l'âge où Galba était venu, de ces qualités bonnes ou mauvaises, il ne lui restait plus guère que des défauts. Cet homme s'était épuisé au travail de vivre. Il faut comprendre ce que pouvait être intellectuellement, moralement, physiquement même, l'homme qui depuis soixante-treize ans j'étudiait au difficile problème d'être noble, riche, honoré marne, et de vivre, sous les Césars. Galba avait accompli ce chef-d'œuvre de circonspection et de prudence. Il avait d'abord su gagner les bonnes grâces de la vieille intrigante Livie, femme d'Auguste et mère de Tibère ; Livie même lui avait légué en mourant cinquante millions de sesterces (12.500.000 fr.) ; il est vrai que, la somme étant écrite en chiffres, Tibère, héritier de Livie, était parvenu à lire cinq cent mille sesterces, et finalement n'avait rien payé. Grâce au refus prudent qu'il avait fait de la pourpre, lorsqu'on la lui offrit pendant les trente-six heures de révolution qui suivirent la mort de Caligula[20]. Galba avait également réussi à se faire bien venir de Claude : honneurs, sacerdoce, proconsulat, ne lui avaient pas manqué sous ce règne où les honneurs n'étaient pas encore absolument dangereux. Sous Néron, il s'était tenu, autant qu'il avait pu, tranquille et obscur, ne voyageant pas sans avoir avec lui un million de sesterces en or. Un gouvernement était cependant venu le chercher dans sa retraite ; il avait été envoyé régir l'Espagne tarragonaise, les trois quarts environ de la Péninsule. Il avait été d'abord administrateur actif et sévère. Mais la prudence avait arrêté ce beau zèle, et comme, ainsi qu'il le disait, à qui ne fait rien, on ne reproche rien, il était devenu fainéant par précaution. Sa révolte même avait été un acte de prudence ; il savait que Néron venait de donner des ordres pour le faire tuer. Et, le jour où cette révolte avait paru menacer d'une funeste issue, où la mort de Vindex avait semblé présager la déroute de toute l'insurrection, Galba avait faibli, il s'était retiré à Clunia (la Corogne), abattu, désespéré, pensant au suicide. Au fond, Nymphidius avait bien quelque droit sur la pourpre de Galba ; car, pour renverser Néron, Nymphidius avait tout fait et Galba rien.

Or, un homme dont la vie s'était passée dans de pareilles transes, sous cinq empereurs successifs, devait être bien usé à soixante-treize ans. Galba était goutteux des pieds et des mains, ne faisait pas un pas, n'allait qu'en litière, ne portait que des pantoufles, ne pouvait tenir une épée, pas même déployer un papier. Son âme, on peut le croire, portait aussi bien que son corps la trace de ces cinquante et quelques années de précautions et d'angoisses. Jugez si un tel homme était eu état de tenir tête à ses adversaires et surtout à ses amis.

Car Galba était, comme la plupart des grands de Rome, déplorablement entouré. Les gens importants de cette époque et de bien d'autres époques ont aimé à voir des roués autour d'eux. Les roués de Galba étaient trois aides de camp, on disait à Rome trois pédagogues, qui gouvernaient celui qui gouvernait le monde. L'un était Cornelius Laco, son préfet du prétoire, le plus lâche, dit Tacite, et le plus arrogant des hommes ; l'autre, un Icélus, son affranchi, homme de mœurs détestables, qu'il éleva pourtant à tous les honneurs ; le troisième, T. Vinius[21], était entaché d'un double crime : d'abord d'adultère commis au camp avec la femme de son général ; ensuite, du vol d'une coupe d'or à la table de Claude. La morale antique, fort différente de la morale moderne, jugeait très-diversement ces deux faits. Pour l'adultère, Vinius avait été mis aux fers et avait risqué une sentence de mort. Pour le vol, Claude volé n'avait fait que rire, et le lendemain avait de nouveau invité Vinius, en recommandant de ne mettre devant lui que de la vaisselle de terre. C'était ce triumvirat très-roturier qui gouvernait l'aristocrate Galba ; effaçant par leur cupidité impudente ce qu'il pouvait y avoir encore chez lui de dignité sévère ; pires que lui, d'autant plus qu'ils étaient moins responsables et moins exposés.

On ne tarda pas, même avant l'arrivée de Galba à Rome, à savoir ce qu'était ce gouvernement. Le voyage du prince se faisait avec lenteur. Il avait parfaitement conscience des difficultés du pouvoir et ne se hâtait pas d'aller au-devant. Elles venaient assez au-devant de lui sous les formes diverses de courtisans, de solliciteurs, d'espions. C'était un envoyé ou un dénonciateur de Nymphidius ; c'était un ancien agent de Néron qu'il fallait gagner ou dont il fallait se défaire ; c'était Verginius qu'on ne savait trop comment recevoir, le craignant trop pour lui faire injure, le détestant trop poulie bien accueillir[22]. La marche de Galba était si lente, que les députés qui lui apportaient le décret du sénat, ne rencontrèrent qu'à Narbonne la litière qui leur apportait leur empereur.

Chemin faisant cependant, il régnait, c'est-à-dire il faisait tuer. La tradition de Tibère, sa propre dureté, les habitudes et les peurs impériales, jointes aux vengeances de ses conseillers, l'empêchaient de comprendre que le successeur de Néron avait besoin à tout prix d'être clément. Il imposait des tributs aux villes qui avaient tardé à le proclamer ; aux plus récalcitrantes, il faisait abattre leurs murailles et confisquer leurs revenus[23] ; il faisait mettre à mort les fonctionnaires indociles, et leurs familles, ajoute-t-on. Il pratiquait cette maxime, pratiquée et même professée plus d'une fois par les cours modernes, que le prince a le droit de faire assassiner ceux qu'il serait dangereux de faire juger : il se débarrassait ou se laissait débarrasser par un assassin commandé ou obligeant de ses compétiteurs armés. Ainsi Macer, son concurrent africain, fut tué par son ordre exprès[24]. Ainsi Fonteius Capito, en Germanie, suspect plutôt que coupable, fut tué par ses propres lieutenants qui se firent honneur de ce meurtre auprès de Galba[25]. Ainsi, enfin, périt Nymphidius, de tous le plus redoutable, parce qu'il était à Rome. Celui-ci, décidé à se faire empereur, devait une certaine nuit aller au camp des prétoriens, les enlever, comme on dit en style moderne, et se faire proclamer César ; il avait dans sa poche une harangue qu'on lui avait composée tout exprès pour les séduire. Mais, quand il vint à la caserne, en grand cortège et entouré de flambeaux, il trouva la porte fermée. Les prétoriens avaient été prévenus, harangués en faveur de Galba avant de l'être en faveur de Nymphidius, et sous les armes pour repousser celui-ci. On lui cria : Vive Galba ! Il cria : Vive Galba ! Il n'en fut pas moins tué, et Rome perdit le curieux spectacle dont elle aurait joui si elle eût vu, sous la pourpre d'Auguste, Nymphidius, bâtard d'une prostituée et d'un gladiateur.

Quand Galba se sut délivré par le meurtre de ces trois compétiteurs, il éprouva un grand soulagement. Il cessa pour la première fois de porter l'habit de guerre ; il reprit la toge et quitta l'inutile poignard qui pendait sur sa poitrine et que sa main n'aurait pu tenir. Sa sécurité n'alla pourtant pas jusqu'à se passer de supplices, et, en apprenant la chute de Nymphidius, son premier soin fut d'écrire en toute hâte à Rome pour qu'on exécutât, sans forme de procès, tous ceux qui passaient pour ses affidés.

Cependant son interminable voyage allait finir. Au bout de trois mois de route, ou peu s'en faut, il arriva aux portes de Rome (automne 68), déjà plus attendu que désiré. On vit apporter par la voie Flaminia une litière contenant un vieillard perclus des pieds et des mains, alourdi encore par une tumeur qui s'était formée au côté et qu'il fallait soutenir par un bandage. C'était bien le plus parfait contraste avec Néron jeune, élégant, danseur, athlète et cocher. De sinistres présages le précédaient. On racontait que sur sa route, un des taureaux que l'on immolait de loin en loin, à son passage, avait échappé aux victimaires, s'était jeté sur la voiture impériale et avait souillé le prince de son sang.

Mais un autre sang allait autrement assombrir l'avènement de Galba. A une lieue en avant de Rome, près du pont Milvius, l'attendait une légion de marins transformés en soldats, légion levée récemment et à la hâte par Néron au moment de son péril. Elle demandait à être maintenue. Elle le demanda en tumulte, entourant l'empereur et ne permettant à personne de l'approcher. Il fallut que la cavalerie qui escortait Galba tirât l'épée. Les malheureux fantassins furent foulés aux pieds, dispersés ; plusieurs périrent ; et Galba, le lendemain, eut la maladroite dureté de faire décimer ce qui restait. Ce fut donc au milieu du sang et des cadavres que le nouveau prince fit dans Rome sa joyeuse entrée. Rome superstitieuse crut entendre le sol trembler et la terre pousser un mugissement sous les pieds de Galba[26].

Ces présages, ces cruautés, celte impotence de l'homme, cette tyrannie de ses valets, eurent, dès les premiers jours, complètement décrédité le nouveau pouvoir. Galba pouvait à la rigueur faire quelque bien, mais il n'était capable de plaire à personne. Au peuple des largesses, de l'amphithéâtre et du cirque, il offrait la royauté la plus parcimonieuse qu'on eût vue depuis Tibère. Pour les amis de Néron, il institua une chambre ardente destinée à recouvrer les deux milliards et deux cents millions de sesterces (550 millions de francs) que Néron avait distribués en largesses, et dont Galba prétendait ne leur laisser que 10 pour 100 ; mais ces braves gens avaient si bien mené leur éphémère fortune, que même ces 10 pour 100 ne se retrouvaient pas entre leurs mains ; Galba voulut rechercher ailleurs ces chers écus, il s'en prit à des tiers, chicana des acquéreurs, résilia des contrats, remplit Rome de ventes forcées et d'inquiétudes. Aux ennemis même de Néron, Galba ne donnait guère plus de contentement : il laissait vivre Tigellin : celui-là était détesté de tons, soit pour avoir servi Néron, soit pour l'avoir trahi ; mais il avait des millions ; il donnait à Vinius des soupers magnifiques ; en portant la santé de la fille de Vinius, il ajoutait à son toast un don de deux cent cinquante mille deniers (250.000 francs) ; il détachait du cou d'une de ses concubines un collier de cent cinquante mille deniers qu'il mettait au cou de cette heureuse Vinia[27] (c'est ainsi qu'on gagnait les gens alors) ; et Galba, soufflé par Vinius, protégeait Tigellin contre les clameurs du peuple. Enfin, à tous les hommes de quelque honnêteté et de quelque sens, Galba inspirait lé dégoût et la terreur par les exécutions arbitraires dont il ne se faisait pas faute : sous prétexte de punir, les complices de Nymphidius, des hommes respectés, des consulaires, avaient été mis à mort, sans procès et sans défense. En vérité, qu'avait-on gagné à détruire Néron, si ce n'est d'avoir un tyran vieux et morose, au lieu d'un tyran jeune et magnifique ? Nous finirons, disait un sénateur, par regretter Néron ![28]

On peut s'étonner, chez un homme qui aurait dû être sage et dont le pouvoir était si précaire, de ces allures si imprudemment violentes et si inutilement sanguinaires. Il faut répondre que d'abord Galba avait ses affranchis et ses favoris, comme Néron avait eu les siens. Il faut répondre, de plus, que ces allures, depuis cinquante ans, étaient devenues habituelles au pouvoir. Tous les dérèglements d'une puissance qui se croit invincible et qui n'est qu'insensée, ce que les Romains désignaient par le mot admirablement juste d'impotentia, tout cela était devenu l'essence du gouvernement. Pour la démocratie, pour le désordre, pour l'avilissement du nom romain, Néron avait employé ces moyens. Galba, à qui une certaine probité, un certain honneur, une certaine volonté du bien, ne manquaient pas, les employait pour l'ordre, pour l'aristocratie, pour ce qu'il croyait l'honneur de Rome et du sénat. Il proscrivait pour faire le bien, parce que proscrire était pour lui l'équivalent de gouverner. Ce ne fut que plus tard, après des révolutions multipliées, qu'une pensée différente commença à germer sous la pourpre, et que le pouvoir, se sentant si effroyablement éphémère, eut l'idée de devenir clément. Cette époque de révolution devait être une leçon pour les Césars.

Et cependant, pour le moment, tout eût passé si Galba eût ménagé les soldats. Mais telle était sa malencontreuse fortune, que, tout en prenant à l'égard de la cité les allures de la Rome nouvelle, il prétendait maintenir au camp les habitudes de l'ancienne Rome. Galba était un vrai soldat, au point de vouloir traiter en soldats les électeurs de l'empire. Avare et sévère pour la discipline, il punissait beaucoup et payait peu ; chargé par Nymphidius d'une promesse gigantesque, il ne voulait ni acquitter ni même reconnaître cette dette : Les soldats, disait-il avec une fierté malheureuse, je les lève, je ne les achète point[29]. Ainsi, malheureux par ses vertus comme par ses vices, il heurtait la vieille Rome par les allures sanguinaires de la Rome nouvelle, et la Rome nouvelle par la rudesse militaire de l'ancienne ; le sénat par ses procédés arbitraires, les riches par des enquêtes sur les fortunes, les provinces par les impôts qu'il levait sur elles, tout le monde par ses exécutions violentes, et, ce qui était pis que tout le monde, l'armée par sa sévérité et son avarice. Il était clair pour tous que cette première étape dans les voies de la révolution ne pouvait être longue et qu'il fallait se préparer à une seconde.

On s'y préparait si bien, qu'elle se complotait en partie double, et sur le Rhin et sur le Tibre, ici dans le sein d'une armée et d'une province qui avaient déjà combattu le mouvement de Vindex et de Galba, là chez ces prétoriens à qui l'élection de Galba avait ravi leur meilleur privilège, celui de fa ire les empereurs.

Sur le Rhin, cette armée qui avait déjà presque forcé Verginius à accepter l'empire, qui avait laissé Capiton concevoir de folles espérances, avait cependant prêté serment à Galba ; mais elle l'avait prêté à contrecœur et avec cette addition menaçante : S'il en est digne ! Puis, quand aux kalendes de janvier (1er janvier 69), il fallut, selon l'usage, renouveler ce serment, l'armée de la Germanie inférieure (Cologne) murmura, jeta des pierres aux images de Galba, jura pourtant. L'armée de Germanie supérieure (Mayence) alla plus loin. Elle brisa les images du Prince et ne voulut prêter fidélité qu'au sénat et au peuple. Hais le lendemain, se repentant de ce serment trop patriotique, elle jugea qu'elle pouvait faire un empereur, un peu mieux, disait-elle, que ne l'avait fait la légion d'Espagne[30]. Elle proclama, non son général à elle, mais le général de l'armée voisine, Vitellius. Vitellius soupait à Cologne quand on lui apporta cette embarrassante nouvelle. Comme Galba, il était beaucoup plus prudent qu'ambitieux. Accepter était dangereux, refuser l'était peut-être davantage. Il aurait eu à combattre les révoltés d'abord, ensuite les soupçons et les défiances de Galba. Il y eut tel proconsul qui, sollicité d'accepter la pourpre, s'y refusa et paya son refus de sa vie. Enfin, que ce fût ambition, prudence, ou même, comme le prétend Plutarque, l'animation d'un bon repas, Vitellius accepta et fut reconnu par les deux armées[31] (2 et 3 janvier).

Mais en même temps, et dans un sens opposé, on complotait sur le Tibre, et ce dernier complot, placé plus près du but, l'atteignit plutôt. Galba avait compris qu'à sa royauté sénile il fallait un jeune appui ; à sa vieillesse isolée, un fils. adoptif. L'ami disgracié de Néron, M. Salvius Otho, l'un des premiers soutiens de Galba, comptait bien sur cette survivance. Il courtisait Galba, l'invitant à des festins magnifiques, tels que Galba se fût gardé d'en donner ; il courtisait les soldats, donnant ces jours-là cent sesterces (25 francs) à chaque prétorien de garde ; il courtisait même Vinius à qui il promettait, une fois César, d'épouser sa fille. Il avait besoin d'être César ; il devait deux cents millions de sesterces (cinquante millions de francs) et n'avait pas un sou : Si je ne deviens prince, disait-il, je fais banqueroute[32].

Son espérance fut pourtant trompée. Quand arriva à Rome la nouvelle des troubles de Germanie, Galba sentit qu'il fallait hâter son choix ; mais il eut cette fois, pour son malheur, une vertueuse inspiration. Il n'écouta ni Othon ni Vinius ; au lieu de l'élégant aventurier, il choisit un honnête homme malheureux, un Licinius Crassus, appartenant par sa mère à la race de Pompée, par adoption à celle des Pisons, réunissant ainsi trois noms illustres et malheureux. Il était jeune, mais attristé par l'exil qu'il avait subi et par la proscription de tous les siens. Son père, sa mère, avaient été tués par ordre de Claude ; un de ses frères avait payé de son sang le nom de Pompée qu'il portait. Un autre frère avait péri sous Néron. Lui-même devait bientôt entraîner dans sa chute tout ce qui restait de cette illustre famille. A cette époque les grands noms étaient mortels et le nom de Crassus plus que tout autre[33].

A la maladresse de ce choix Galba ajouta une autre maladresse. Il mit les présages et les soldats contre lui. Dès le 1er janvier, jour où les légions de Germanie lui refusaient le serment, comme il sacrifiait, la bandelette était tombée de sa tête. Sa petite statuette de la Fortune, à qui il avait fait tort d'un collier de perles, était fâchée contre lui et se plaignait clans ses songes. Enfin, le jour même où se fit l'adoption de Pison, tout fut malheureux. Galba crut bien faire d'en accomplir la cérémonie modestement, gravement, avec la simplicité des temps antiques. Il n'y eût pas un divertissement pour le peuple, pas un denier, pas une promesse pour le soldat. Et de plus ce fut un jour de pluie et d'orage, jour néfaste, où les rites défendaient de rien entreprendre[34]. Dès lors les dés furent jetés. Cette infraction aux rites alarma les superstitieux, c'est-à-dire tout le monde. Ce défaut de libéralité irrita les soldats, c'est-à-dire les maîtres du monde. L'espérance déçue décida Othon à tenter le jeu des révolutions et à s'entendre avec les prétoriens. Désappointés, lui, de son adoption, eux, des profits de l'adoption ; lui, pour payer ses créanciers, eux, pour toucher le salaire de la révolution première ; ils en vinrent à penser à une révolution nouvelle. Il y eut dès lors, en Germanie et à Rome, ouvertement ou secrètement, en fait ou en espérance, trois empereurs.

L'affaire marcha vite. Othon était poussé par ses créanciers et par ses astrologues. Ce Séleucus, que Poppée lui avait légué, lui avait prédit qu'il survivrait à Néron ; il lui prédisait qu'il serait empereur ; il se fût bien gardé de lui dire, quand il l'eût su, qu'il ne serait empereur que trois mois. Du haut de son observatoire domestique, toute sa cour d'astrologues voyait au ciel des constellations merveilleuses et marquait sur ses almanachs une glorieuse année pour son maître.

Mais ce maitre avait pour lui des astres, non des écus. Comment conspirer sans un sou ? Heureusement un esclave (il y avait des esclaves riches), à qui il avait fait obtenir une place chez Galba, lui paya ce bienfait un million de sesterces (250.000 fr.). Ce fut le capital de sa révolution. Avec cet argent, l'affranchi qu'Othon chargea du soin de cette affaire lui gagna deux officiers inférieurs de la garde du prince (spiculatores). Ces deux sous-officiers, qui, selon le mot de Tacite, entreprirent de changer de main l'empire de Rome et le changèrent, gagnèrent trois de leurs camarades ; chacun de ces cinq amena deux complices, au prix de 10.000 sesterces comptant et 500.000 plus tard. Quand il y en eut 15, la révolution parut assez mûre, et Séleucus, qui jusque-là disait d'attendre, déclara que la conjonction favorable se manifestait[35].

L'histoire de cette chute ressemble à celle de tous les pouvoirs qui tombent. Galba, lui, ne se doute de rien ; et, quand au milieu de son sacrifice, l'aruspice déclare que les entrailles sont menaçantes, que l'ennemi est présent, Galba voit Othon présent, et ne soupçonne pas Othon (15 janvier). Othon, au contraire, se tient pour averti et se hâte d'autant plus. Il quitte le palais, fait un détour, arrive au Forum, où le personnel de sa révolution l'attend. Ce personnel n'est que de vingt-trois soldats ; et ce petit nombre ne laisse pas que de le troubler. Néanmoins ces vingt-trois le saluent empereur, le prennent sur leurs épaules, mettent l'épée à la main, et le portent au camp. Les prétoriens, à qui on apporte cet empereur, sont surpris, mais se laissent séduire. Le peuple s'étonne, regrette même, mais ne résiste pas, et court aux fenêtres pour voir la révolution passer.

Cette révolution, si maigrement commencée, l'indifférence et l'hésitation l'achèvent. Galba, à la nouvelle du mouvement, hésite, consulte ; il a près de lui des honnêtes gens impopulaires ou de malhonnêtes gens qui le trahissent. Un bruit se répand qu'Othon a été tué, et voilà au palais une irruption de courtisans, de sénateurs, de peuple même, brisant tout pour Tenir féliciter Galba. Mais le bruit vient qu'Othon est vivant ; le flot se retire ; Galba, avec Vinius et Pison, demeure presque seul.

Cependant les soldats insurgés, dont pendant ces heures on a laissé le nombre se grossir, débouchent sur le Forum, descendant de leur camp du mont Esquilin, et leur cri : Arrière les bourgeois ! (Facessite pagani) fait fuir la foule de tous les côtés. Galba, qui, après bien des irrésolutions, s'est décidé à venir au Forum, ne voit plus personne auprès de sa litière. Ses porteurs même l'abandonnent : il reste dans un coin de la place, roulé à terre, incapable de se mouvoir, emprisonné dans sa cuirasse rembourrée comme une tortue dans sa carapace. Un seul centurion, au risque de sa vie, essaya de le défendre[36]

Sa fin ne fut pourtant pas sans quelque dignité. Peu d'instants auparavant, quand un soldat était venu se vanter à lui d'avoir tué Othon : Par quel ordre, mon camarade ? avait répondu cet austère champion de la discipline. Quand les Othoniens se jetèrent sur lui, il leur tendit la gorge, en leur disant : Si c'est pour le bien de la république, tuez-moi !

Pendant qu'il périssait ainsi près du gouffre de Curtius, Vinius était tué dans le temple de César. Pison était arraché, pour être massacré, du temple de Vesta où on lui avait donné asile. Tous trois mouraient à peu de distance et, pour ainsi dire, dans le même coin du Forum[37]. La soldatesque insulta leurs dépouilles ; leurs tètes coupées furent portées au bout des piques sur le front de bataille, à côté du drapeau : le soldat révolté ne vaut pas mieux que le peuple. La piété de leurs affranchis et de leurs familles racheta à prix d'or ces misérables restes. Vinia paya dix mille sesterces (2.500 fr.) la tête de son père. La piété envers les morts était fréquente et savait être courageuse.

Telle fut cette première phase de la crise révolutionnaire, commencée par un sentiment national, aboutissant à une orgie soldatesque. Rome et les prétoriens reprenaient avec Othon le droit d'élection qu'avec Galba les provinces et les légions leur avait disputé. Il en devait être de même pendant toute cette crise ; le caractère militaire du mouvement devait effacer promptement son caractère national, et ce fut le malheur des provinces de ne trouver d'autre instrument que les légions et de n'avoir de vie que par l'armée. Cette insurrection de l'armée anéantissait le peuple. Le peuple, lui, sait quelquefois s'armer contre la force militaire ; mais, quand la force militaire se fait révolutionnaire à son tour, quand les rôles sont renversés, quand le soldat, défenseur de l'ordre, joue le personnage d'insurgé, le peuple, à qui on Prend son rôle, n'a plus rien à faire ; il se tait et il subit. C'est ainsi que tant de révolutions se sont faites de nos jours, en Italie, en Espagne, en Portugal, et chez nous en 1815.

Quoi qu'il en soit, tout avait marché vite. L'insurrection de Vindex avait eu lieu au mois de mars. Galba avait été proclamé en Espagne, le 3 avril ; à Rome, vers le Il juin. Il avait pu y arriver en septembre. Vitellius avait été proclamé en Germanie, le 3 janvier ; Pison avait été adopté le 10 ; Galba fut tué et Othon devint empereur le 15. La révolution romaine se hâtait ainsi de prendre les devants sur la révolution germanique, sauf à compter plus tard avec elle.

 

 

 



[1] Vetus ac jampridem insita mortalibus potentim cupido cum imperii magnitudine adolevit. Tacite, Hist., II, 38.

[2] Erat illi æternitatis perpetuæque famæ cupido, sed inconsulta. Suétone, in Nerone, 55.

[3] Voir Tacite, Hist., II, 62, 78. — Suétone, in Vitell., 14, in Oth., 4, 6.— Xiphilin, LXV, 1. — LXVI, 9. — Plutarque, in Oth., in Galba, p. 1063 (éd. Xylander).

[4] Suétone, in Ner., 40.

[5] Apud civitatem cuncta interpretantem. Tacite, II, 91. Inclinatis ad embusdum animis loco ominum etiam fortuita, II, 1... Occulta fati lege et ostentis ac responsis destinatum Vespasiano imperium post fortunam credidimus, I, 11.

[6] Diversis auctoribus vulgata. Tacite, Hist., I, 86.

[7] Tacite remarque encore que l'anxiété publique augmentait la superstition. — Plura alia, rudibus sæculis etiam in pace observata, nunc tantum in metu audiuntur. I, 86.

[8] Et encore, à cette époque du moins, grand nombre de non-citoyens entrèrent dons les légions. — Voir les trois inscriptions d'un contexte semblable dans lesquelles Galba, Vespasien et Domitien accordent un congé honorable (honesta missio) et le droit de cité à des vétérans de la légion adjutrice, de la flotte de Ravenne et de la cohorte des volontaires romains. Gruter, 573, 574. — Orelli, 737.

[9] Députation de la cité des Lingons aux légions de la basse Germanie, leur apportant, selon un ancien usage, des mains droites (dexteras), en signe d'amitié. Tacite, I, 54. Exercitus linguis moribusque dissoni, dit Tacite, II, 38 ; III, 335. — Quippe et provinciales sueto militum contubernio gaudebant, plerique necessitudinibus et propinquitatibus mixti ; et militibus vetustate stipendiorum nota et familiaria castra in modum penatium ditigebantur. III, 80. — Superstitions orientales dans les légions de Syrie, etc. — Voir Tacite, III, 12, 25, 50 ; IV, 17, 74.

[10] Suétone, in Galba, 4, 8, 9, 10, 19. — Xiphilin, LXIV, 1.

[11] Plutarque, in Galba. C'était à peu près 228 millions de francs.

[12] Ces faveurs ne s'étendirent pas à la Gaule Belgique, à Lyon, Langres et Trèves, qui avaient pris parti pour Vindex. Tacite, Hist., I, 8, 53, 65. — Les monnaies : GALLIA, une femme avec des épis, deux lances et un bouclier. — TRES GALLIAE, trois femmes avec des épis (les trois provinces, narbonnaise, aquitaine et lyonnaise). — HISPANIA, une femme avec des épis et des pavots. — HISPANIA CLVNIA SVL. (pitia.) S. C. (la ville de Clunia avait pris le nom de Sulpitia, qui était celui de Galba). — GALLIA HISP., deux génies se donnant la main. — Voir Eckhel, de Doctrina nummorum.

[13] Monnaies de Galba : LIBERTAS. Une femme les mains élevées entre deux épis. — LIBERTAS RESTITVI. L'empereur relevant une femme à genoux devant lui. — PAX AVGVSTI. Une femme brûle des armes. — ROMA RENASC (ens). — SALVS GENERIS HVMANI. — HONOR ET VIRTVS. — CONCORDIA PROVINCIARVM (!). SIGNVM LIBERTATIS RESTITUTAE, dit une inscription en l'honneur de Galba. — Rome, Gruter, p. 238.

[14] Loco libertatis exit quod eligi cœpimus, dit Galba. Tacite, Hist., I, 16.

[15] Suétone, in Ner., 57.

[16] Voyez le curieux passage de Plutarque, où il peint Néron aux enfers, et son supplice commué en un supplice plus doux : Quelque bien lui était dû par les dieux pour avoir affranchi et exempté d'impôt, parmi les peuples de l'empire, le meilleur et le plus aimé des dieux, le peuple grec. De sera numinis vindicte, in fine.

[17] Voyez sur Capiton, Tacite, Hist., I, 52, 58. Xiphilin, LXIV, 2. — Sur Macer, Suétone, in Galb., II. Tacite, I, 7. II, 27, 73. IV, 49. — Sur Nymphidius, Plutarque, in Galb., 9, 10, 14, 18. Suétone, in Galb., 4. Tacite, Hist., I, 5. — Il existe des monnaies de Cl. Macer. ; il n'y prend pas de titre impérial ; les emblèmes sont une femme coiffée du bonnet de la liberté ou l'Afrique revêtue des dépouilles d'un éléphant : les exergues LIMITAS, LIBERA (trix ?) LEG. I. LIB. MACRIANA. Eckhel, ibid., p. 288.

[18] Tacite, Hist., I, 15. — (Et tu, Galba, quandoque degustabis imperium). Annal., VI, 20. — Voir Suétone, in Galb., I, 4, 8. — Plutarque, in Galb., p. 1054. — Sa naissance auprès de Terracine, le 9 des kal. de janvier (24 décembre an 3 avant J.-C.). — Adopté par sa belle-mère, il prend d'elle le nom de L. Livius Ocella. (Inscription dans Gruter, p. 331.)— Préteur en 20 après J.-C. — Préfet d'Aquitaine en 30, par la faveur de Livie. — Consul en 32. — Commande la Germanie supérieure en 36. — Pressé de se révolter à la sort de Caligula en 41. — Proconsul d'Afrique de 42 à 44. — Reçoit les ornements triomphaux et un triple sacerdoce. — Commande l'Espagne Tarraconaise en 60. — Proclamé César en 68. — La plupart des historiens lui donnent soixante-treize ans à l'époque de son avènement ou de sa mort, ce qui ne s'accorde pas avec les dates ci-dessus données, par Suétone. (Voir Tacite, Hist., I, 49. — Dion, LXIV. — Eutrope, VII, 10. — Suétone, 25.)

[19] Suétone, 12. — Plutarque, in Galb.

[20] Suétone, in Galb., 5.

[21] Voir sur Vinius : Tacite, Hist., I, 15, 37, 4i, 48. Plutarque, in Galba, 10. Suétone, in Galb., 14. Sur Icélus : Tacite, I, 7, 12, 13. Suétone, ibid. Sur Laco, Tacite, I, 15, 57. Plutarque, 8, 9. Suétone, ibid.

[22] Plutarque, in Galb., 3.

[23] Les revenus de Lyon adjugés à Vienne. — Voir du reste Suétone, in Galb., 12. Tacite, I, 37.

[24] Tacite, I, 7, 75 ; IV, 49.

[25] Tacite, I, 7, 52, 58 ; III, 62. — Xiphilin, LXIV, — Suétone, in Galb., II.

[26] Suétone, in Galb., 18. — Tacite, I, 27.

[27] Tacite, Hist., I, 20. — Suétone, in Galb.,15.

[28] Tacite, Hist., I, 72. — Suétone, in Galb., 15. — Plutarque, in Galb., p. 106.

[29] Xiphilin, LXIV, 5. — Tacite, Hist., I, 5, 7, 56, 58. — Suétone, in Galb., II, 16. — Plutarque, in Galb., 9, 10, 14, 18.

[30] Plutarque, in Galb., p. 1063.

[31] Suétone, in Galb., 2 ; in Vit., 8. — Tacite, Hist., I, 12. — Plutarque, in Galb., 5, 6.

[32] Non posse se stare nisi principem. — Suétone, in Othon.

[33] L. Calpurnius Piso Frugi Licinianus, fils de A. Licinius Crassus (consul en 780, et tué par Claude), et de Scribonia, petite-fille du grand Pompée, aussi tuée par Claude. Ses trois frères, Cn. Pompeius Magnus, M. Licin, Crass. et Licin. Crassus Scribonianus. Celui–ci, quoique soupçonné, survécut aux guerres civiles. Tacite, Hist., I, 15, 47, 48 ; IV, 39.

[34] Suétone, in Galb., 18. — Plutarque, in Galb., 7. — Tacite, Hist., I, 18. L'adoption de Pison par Galba est mentionnée dans une inscription du frère Arvales. Tab. XX. Marini, Alti dei frati Arvali.

[35] Tacite, Hist., I, 22 et 25. — Suétone, in Oth., 4, 5. — Plutarque, in Galb., 7, p. 1063. — Suscepere duo manipulares imperium Pop. R. transferendum et teanstulerunt. Tacite, 25.

[36] Tacite, I, 27 et suiv. — Plutarque, in Galb., 7. — Suétone, in Galb., 19, 20.

[37] Le temple de Vesta est aujourd'hui l'église de Saint-Théodore, située au pied du mont Palatin, et en arrière de l'angle S.-O. du Forum. Le temple de César et le lac de Curtius étaient vers cet angle, sur le Forum même, et dans le voisinage de ces beaux fragments que l'on désigne aujourd'hui sous le nom de Grécostase. L'emplacement et la forme du Forum sont à peu près certains aujourd'hui, par suite de la découverte de la basilique Julia, qui le limitait à l'ouest : chose très-fâcheuse pour les antiquaires, pour qui ces questions topographiques étaient l'occasion de nombreuses et savantes dissertations. — Voyez du reste l'explication topographique du récit de Tacite dans le travail de M. Ampère : l'Histoire romaine à Rome (Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1857), travail plein de la connaissance et du sentiment de l'ancienne Rome, bien que certaines appréciations historiques puissent être contestées. Pour ce qui touche notre sujet, ses indications locales rendent pleins de vie les récits de l'histoire. Je me permets seulement de rappeler à l'auteur a la remarquable conformation du jardin de Salluste, qui rend si présent aux yeux le combat raconté par Tacite au livre III, 84.