LES CÉSARS DU TROISIÈME SIÈCLE

TOME DEUXIÈME

LIVRE V. — LE RÈGNE DE L'ARMÉE - 235-249

CHAPITRE III. — BALBINUS, PUPIENUS ET LE JEUNE GORDIEN - 238-244.

 

 

Malheureusement pouvait-il en être ainsi ? Les soldats, ces redoutables électeurs de l'Empire, se laisseraient-ils ainsi détrôner ? N'aspireraient-ils pas bientôt à reprendre le sceptre que Septime Sévère avait mis en leurs mains et que l'énergie momentanée du Sénat venait de leur ôter ?

Les nouveaux empereurs ne se dissimulaient pas le péril. Au jour de leur élection, Pupienus avait dit à Balbinus : Si nous donnons la mort à cette bête féroce, quelle sera notre récompense, à toi et à moi ?Un amour immense du Sénat, du peuple romain et de toute la terre, avait dit le confiant Balbinus. — Oui, répondit Pupienus ; mais aussi je le crains, la haine des soldats et la mort.

Pupienus connaissait le soldat romain. Il savait combien ses haines étaient profondes, combien l'esprit d'arrogante indiscipline et de despotisme vénal était chez lui enraciné, combien il tenait, par cupidité plus encore que par orgueil, à cette royauté qui était un legs de Septime Sévère ou plutôt encore un vice inhérent à l'Empire romain. Pupienus avait songé dès l'abord à opposer à la milice prétorienne une autre milice, et, pendant sa marche contre Maximin, sachant être populaire auprès des armées du Rhin, il avait appelé autour de lui bon nombre de soldats de ces armées.

A Rome, pendant son absence, des querelles sanglantes avaient déjà éclaté entre les soldats et le peuple. Les prétoriens, vaincus sans avoir osé combattre, murmuraient de leur défaite. Deux d'entre eux, qui avaient pénétré un jour dans la salle du Sénat, où les sénateurs ne venaient qu'armés, avaient été saisis et poignardés par des sénateurs. Croyant à un complot contre le Sénat, le peuple s'était soulevé, avait couru sus aux prétoriens, les avait tenus assiégés dans leur camp. Balbinus était en vain intervenu, promettant amnistie aux soldats, prêchant la modération au peuple. Les combats se renouvelaient sans cesse ; ils amenaient après eux l'incendie et le pillage. Balbinus multipliait en vain les proclamations, se jetant même dans la foule, saisissait par le bras les plus fougueux ; le vieil empereur recevait des coups et n'était pas écouté. Une fois cependant, le jeune César Gordien, vêtu de la pourpre, apparut porté sur les épaules d'un homme de haute taille. La vue de cet empereur enfant, aimé de tous parce qu'il n'y avait pas de prétexte pour le haïr, amena l'attendrissement et même l'apaisement. Pour un jour, peuple et soldats s'embrassèrent.

Le retour de Pupienus vainqueur sembla apporter un apaisement plus durable. Pupienus avait traité avec douceur les soldats de Maximin, leur avait promis l'oubli du passé, les avait renvoyés paisibles dans leurs cantonnements. Il amenait avec lui ses soldats de Germanie, liés à sa cause et qui pouvaient faire contrepoids à la milice du prétoire. Lui et Balbinus étaient des hommes sages, graves, modérés. Leurs mesures furent dignes et populaires. Rome les aima, Balbinus à cause de sa dignité, de sa bonté, de sa libéralité personnelle ; Pupienus à cause de son triomphe d'Aquilée, et de cette douceur que le peuple, en le voyant davantage, découvrait sous son apparente sévérité ; tous deux à cause de leur politique intelligente et modérée. Le peuple de l'Empire n'avait pas été gâté par ses gouvernants, et il suffisait, pour se faire aimer de lui, de n'être ni fou ni bête féroce. Ces deux vieillards eussent été deux Marc-Aurèle s'il leur eût été permis de vivre.

Et cependant l'accord entre eux n'était pas complet ; il y avait non pas dissentiment, mais jalousie. L'Empereur patricien Balbinus, de mœurs plus distinguées, de vie plus ouverte, plus ancien dans les affections populaires, se sentait un peu froissé par le récent triomphe de l'Empereur forgeron, Pupienus, qui avait triomphé du reste sans avoir combattu. Ces froissements d'ailleurs n'avaient pas une grande importance ; car les deux empereurs allaient se séparer. Les luttes intérieures de l'Empire avaient donné courage aux barbares, et il y avait maintenant à se défendre ou au moins à veiller, d'un côté sur le Danube contre les Goths ou les Scythes, de l'autre côté sur l'Euphrate contre les Perses. Balbinus partait pour l'Orient, Pupienus pour le Nord ; leur désaccord eût été donc vite oublié ; et le Sénat, gouvernant, sous le nom du jeune Gordien resté à Rome, eût maintenu la paix de l'Empire.

Mais les prétoriens, eux, n'oubliaient pas. Et ceux d'entre eux qui, ayant suivi Maximin en Pannonie, lui avaient don né la mort sous Aquilée, et ceux qui, restés à Rome, avaient été en perpétuelle et sanglante lutte avec le peuple, tous réunis, murmuraient ensemble de ce règne du Sénat, de cette domination des gens pacifiques, de cette abolition de la souveraineté militaire ou, pour mieux dire, de la souveraineté prétorienne. Le départ des Empereurs les eût probablement séparés en trois camps dont l'un resté auprès du jeune Gordien eût été bien faible devant le peuple de Rome, dont les deux autres, avec Balbinus et Pupienus, mêlés aux soldats des légions, eussent vu et leur importance diminuer et leurs fatigues s'accroître. Ils résolurent donc, pendant qu'ils étaient encore réunis et nombreux, de ressaisir d'un seul coup leur pouvoir perdu. Tandis que le peuple était aux jeux capitolins (juillet 238), ils marchent en tumulte vers le palais. Les deux Empereurs, avertis de leur approche, ne s'entendent pas sur ce qu'il y a à faire. Balbinus demande à Pupienus de lui envoyer les soldats de Germanie, Pupienus croit que Balbinus veut les lui enlever. Pendant que d'un côté du palais à l'autre ces dissentiments se font jour, les prétoriens arrivent avant que les soldats de l'armée de Germanie, casernés à une autre extrémité du palais, aient été même avertis. Balbinus et Pupienus sont saisis, dépouillés de leurs vêtements, emmenés, insultés, maltraités ; et, quand on apprend que les soldats de Germanie enfin avertis approchent pour délivrer leurs princes, on les met à mort. On s'est également emparé du jeune Gordien ; mais celui-ci est un enfant, il a été accepté plutôt que choisi par le Sénat ; il n'était que César, on le fait Auguste[1]. C'est Gordien qui régnera désormais ; les soldats de Germanie n'ayant plus d'Empereur à défendre sont obligés de subir celui qui leur reste ; le peuple, de même. Tout rentre dans l'ordre, l'Empire n'aura de maître qu'au nom des prétoriens et par la volonté des prétoriens.

On pouvait dès lors prévoir la fin de ce règne. Il y eut cependant, sous ce César enfant, quelques années paisibles. Ce n'est pas qu'au début, une mère qui ne ressemblait pas à Mammée, des eunuques et des favoris dont elle entourait son fils, ne paraissent avoir tenu le sceptre et mécontenté le peuple romain. L'Afrique même, la remuante Afrique, qui avait fait un Empereur pour renverser Maximin, essaya d'en faire un à l'encontre du jeune Gordien ; Sabinianus y porta la pourpre durant quelques jours (240). Mais le gouverneur de Mauritanie put s'enfuir dans une ville forte, y tenir quelque temps, appeler des secours de Rome ; la rébellion fut vaincue, et Sabinianus, cet empereur d'un jour, fut livré par ses propres adhérents qui obtinrent à ce prix leur pardon.

De plus, une influence meilleure commençait à conduire le jeune Gordien. Un homme s'était rencontré, dont les antécédents, grâce à la pénurie des monuments historiques, nous sont peu connus, mais qui peut compter parmi les rares patriotes de l'Empire romain. Son origine était obscure ; une inscription antérieure à l'époque de son pouvoir nous le montre voué pendant de longues années à des fonctions de procurateur en diverses provinces, fonctions plutôt puissantes qu'honorées[2]. On nous parle de sa science et de son éloquence. Quoi qu'il en soit, c'est dans cette famille obscure que Gordien encore adolescent prit une femme ; et en même temps qu'il épousait la fille (241)[3], il voulut que le père devint préfet du prétoire.

Le vrai chef de l'Empire, à côté du César de dix-huit ans, fut alors ce préfet du prétoire, Témésithée. Sous lui, la face du gouvernement changea ; les eunuques furent expulsés ; les trafiquants de la faveur impériale furent punis. L'armée fut, comme elle devait l'être, honorée, mais contenue. Son mode de recrutement fut surveillé (on y enrôlait auparavant et les vieillards et les enfants) ; les camps furent tenus en ordre, les villes frontières approvisionnées afin de pourvoir aux besoins d'une guerre. Les généraux apprirent à aimer, niais aussi à craindre le préfet du prétoire qui lui-même au besoin faisait les rondes de nuit dans le camp ; l'armée, comme toujours, devint meilleure, par cela même qu'elle fut moins traitée en souveraine. En même temps la vie civile reprenait son cours interrompu par tant de révolutions intérieures. La juridiction personnelle de l'Empereur qui était comme une législation vivante, si active sous Septime Sévère, même encore sous Caracalla, si tutélaire et si importante sous Alexandre, presque complètement délaissée sous le sauvage Maximin, troublée par les révolutions des dernières années, se releva sous le jeune Gordien. Le Conseil de l'Empire siégea à côté du prince adolescent et recommença ce travail destiné à faire cheminer dans une voie de progrès les intérêts de la vie privée que trop souvent les hommes politiques délaissent. On marcha dans le même sens où avait marché Alexandre, protégeant l'esclave[4], favorisant l'affranchissement[5], favorisant la restitution de la liberté à l'homme né libre[6] ; relevant la condition de la femme[7] et l'appelant la compagne de l'homme en toute chose divine et humaine[8].

A côté des choses sérieuses, les divertissements n'étaient pas oubliés. Le cirque était muni de trente-deux éléphants, dix élans, soixante lièvres apprivoisés, trente léopards apprivoisés, un hippopotame, un rhinocéros, dix girafes, vingt onagres, mille autres bêtes, deux mille paires de gladiateurs. Un portique, des promenades, des basiliques nouvelles allaient bientôt décorer le Champ-de-Mars. Gordien était jeune, beau, aimable, gai, agréable à tous, en même temps instruit et cher aux lettrés ; il n'y avait qu'à attendre pour lui la maturité de l'âge. De tout ce qui se faisait Témésithée avait le mérite ; mais il aimait à en reporter la gloire à celui qu'il appelait son fils vénéré. Je rends grâces aux dieux, lui écrivait-il, de ce que par ta volonté la république a été réformée. Je suis heureux d'avoir pour gendre un bon prince, un prince qui s'inquiète de tout et qui veut tout savoir, un prince enfin par qui ont été expulsés les hommes qui avaient mis le pouvoir à l'encan. — Et le prince répondait : Si les dieux tout-puissants n'eussent veillé sur l'Empire, des eunuques vendus me mettraient encore aujourd'hui aux enchères... Mon père, tâche de te faire dire le vrai en toute chose. Malheureux empereur que celui à qui on cache la vérité !

Cependant il fallait veiller à la sécurité extérieure aussi bien qu'à l'ordre du dedans, et depuis longtemps la sécurité de l'Empire était menacée. Les triomphes de Maximin sur les barbares avaient été interrompus par sa chute soudaine, et les barbares en avaient profité pour reprendre l'offensive. Les Alemans, que Maximin avait abattus, avaient pu demeurer tranquilles ; mais les Francs avaient passé le Rhin et, pour la première fois peut-être, ce nom, depuis si redouté, avait retenti aux oreilles romaines. Les Goths étaient entrés dans la Mésie, la Thrace, la Pannonie, et avaient détruit la ville d'Histria à l'embouchure du Danube[9] ; au moment où Pupienus et Balbinus avaient été tués, ils allaient partir pour défendre les frontières, l'un du Rhin, l'autre de l'Euphrate. Gordien et Témésithée se préparèrent donc à partir. Les présages, disait-on, étaient favorables. Après des tremblements de terre répétés qui avaient consterné tout l'Empire, on avait, à force de sacrifices et de prières, obtenu des oracles cette réponse que les fléaux qui avaient désolé le monde étaient enfin apaisés. On rouvrit le temple de Janus (242), fermé depuis des années, et dont, à partir de ce jour, les historiens ne parlent plus. On chemina par la Mésie et la Thrace ; on rencontra là les Sarmates et les Goths ; on les vainquit et on les rejeta sur leur territoire, peut-être pas sans leur acheter par un tribut la paix de l'avenir[10]. On rencontra les Alains dans l'intérieur même de l'empire, et il y eut contre eux un combat malheureux en Thrace ou en Macédoine, près d'une ville du nom de Philippes[11].

Mais on avait hâte de passer en Asie on il était temps de relever la puissance romaine. La race persique, dans l'ardeur de sa liberté récemment conquise, était pour Rome un voisinage plus dangereux encore que les Parthes ses maîtres ne l'avaient été. Le second roi de ce nouvel Empire, Sapor[12], fils d'Artaxerxès, était entré en Mésopotamie, puis en Syrie ; Nisibe, Carrhes et enfin Antioche étaient tombées entre ses mains, Antioche la capitale orientale de l'Empire. Mais Rome avait pour se venger une armée ardente et disciplinée, un habile général, un trésor que la sagesse de son gouvernement avait rempli. Antioche fut reprise, puis Carrhes, puis Nisibe, et toutes les villes que les Perses avaient envahies : Les garnisons ennemies quittaient même sans combat les cités qu'elles occupaient. Gordien écrivait au Sénat ces merveilles dont il rapportait toute la gloire à son beau-père ; le Sénat décrétait un quadrige d'éléphants à l'Empereur, un quadrige de chevaux au préfet du prétoire, quand tout à coup celui-ci mourut (243).

Mourut-il de mort naturelle, laissant, comme Capitolin l'avait lu dans certains historiens, tout son patrimoine à la ville de Rome ? Sa fin fut-elle hâtée, comme d'autres le disent, par celui qui allait être son successeur ?

Son successeur fut un Arabe, fils d'un bandit, mais qui avait fait son chemin dans l'armée et qui était devenu Romain sous le nom de M. Julius Philippus. Il était ambitieux, et son ambition ne fut pas satisfaite même par la seconde place de l'Empire ; il lui fallut bientôt la première. Faut-il croire les historiens ou plutôt l'unique, bien laconique et bien tardif historien de cette époque ? Selon lui, la perte du jeune et malheureux Gordien aurait été décidée dès l'abord par celui-là même qui venait d'être placé par lui sur le plus haut échelon de la fortune. Les sages mesures de Témésithée auraient été frauduleusement entravées, les navires chargés de vivres pour l'alimentation de l'armée auraient été détournés de leur route ; l'armée conduite dans des régions qui ne pouvaient la nourrir : tout cela pour que l'armée souffrit et s'en prît de ses souffrances au jeune Empereur. Quoi qu'il en soit, le mécontentement commença à se répandre ; Philippe avait soin de faire répéter de côté et d'autre que Gordien n'avait que dix-neuf ans, qu'il était bien inexpérimenté dans la vie militaire, bien ignorant de la vie politique. Par argent ou par promesses, Philippe gagnait quelques-uns des chefs de l'armée. Il y eut une sédition et on demanda Philippe pour empereur. Ce n'était pas l'avis de tous, Gordien avait des amis ; mais le soldat, souffrant de la faim, était irrité, et les légions proclamèrent Philippe empereur avec Gordien et tuteur de Gordien.

C'était beaucoup ; ce ne fut pas encore assez pour l'insatiable parvenu, et la discorde ne tarda pas à se produire entre les deux princes. L'orgueil du bandit arabe, la fierté du fils de Gordien se heurtèrent ; ne pouvant souffrir cette association trop inégale, le jeune César appela les soldats à l'assemblée, demanda que l'Empire fût retiré à Philippe, se plaignit, flatta les chefs, supplia ; mais en vain. Le parti de Philippe l'emporta. Qu'au moins, s'écria le prince déchu, le pouvoir soit égal entre nous ! — On refuse. — Qu'au moins on me laisse le rang de César ! — Les soldats souverains refusent encore. — Qu'au moins je sois préfet du prétoire sous  Philippe ? — Nouveau refus de ce Sénat cuirassé. — Qu'au moins on me laisse vivre sous Philippe empereur ! fut le dernier cri de désespoir de ce malheureux enfant. Philippe, en prince humain, jugea à propos d'accorder cette humble demande. Sans dire un mot (car il était resté muet pendant toute cette scène), il fit dire par ses amis qu'il était bon que les soldats fissent grâce. Mais peu après, pensant que Gordien n'était pas sans appui dans l'armée et avait aussi des appuis ailleurs, que le Sénat et le peuple l'avaient choisi et l'aimaient ; que l'Afrique, la Syrie, toutes les provinces lui étaient attachées, que son nom avait été celui de deux empereurs, que la guerre glorieuse accomplie sous son règne l'avait rendu populaire, qu'une émeute militaire pouvait défaire ce qu'une émeute militaire avait fait ; Philippe jugea qu'il était impossible de laisser vivre un Empereur déchu (en effet dans l'empire romain jamais empereur déchu n'eut la permission de vivre) ; il le fit donc amener devant lui, dépouiller et frapper de la hache. Les cris de douleur et les protestations du jeune prince restèrent dans l'esprit des soldats comme le dernier souvenir de cette famille qui, chose rare, avait compté trois empereurs (mars 244). Et c'est ainsi, dit Capitolin, que Philippe arriva à l'empire, par suite d'un crime, non en vertu du droit[13]. Qui du reste était arrivé en vertu d'un droit à l'empire de Rome ?

Que l'on admette ou que l'on n'admette pas la vraisemblance de ce récit, une chose est certaine, c'est que Gordien, un des rares empereurs qui trouvèrent dans le choix du peuple et du Sénat, une sorte de légitimité pour leur pouvoir ; un Empereur aimé du plus grand nombre, dit l'historien, comme prince n'avait jamais été aimé ; un Empereur que le Sénat appelait son fils, que l'armée elle-même appelait son fils, que le peuple de Rome appelait ses délices, fut renversé par une émeute ou plutôt par une intrigue de caserne. Un empereur romain ne pouvait guère finir autrement. La situation immorale de cette société politique, qui ne se fondait sur aucun principe de justice et tenait pour bon tout ce que la force avait fait, ne permettait guère que le pouvoir fût transféré autrement : et en effet nous en verrons à peine deux ou trois exemples.

Aussi le Sénat n'eut-il garde de s'insurger contre cette décision des tout-puissants soldats. Philippe écrivit que Gordien était mort de maladie et que lui-même avait été élu à sa place ; et le Sénat, enregistrant cet arrêt, proclama aussitôt Auguste l'arabe Philippe. L'unique consolation qu'il osa se donner, ce fut, sans que Philippe le trouvât mauvais, de mettre Gordien au rang des dieux. Telle était la faiblesse et l'inanité des institutions de l'Empire romain. Du reste, élection ou hérédité, souveraineté du peuple ou souveraineté du prince, peu importe, nulle institution politique n'est durable et sérieuse que là où règne le respect du droit, et le respect du droit n'est pas autre chose que le respect de Dieu. En dehors de la foi religieuse, vous avez le suffrage universel des soldats comme dans l'Empire romain, ou comme en 1793, le suffrage universel des bandits.

 

 

 



[1] M. Antonins Gordianus, fils de Junius Balbus, consulaire, et de Metia Faustina, fille du premier Gordien, né le 20 décembre (Kalendarium apud Marini vers l'an 225, — proclamé César avec Pupienus et Balbinus, 9 juillet 237 ; — Auguste et seul Empereur, juillet 238 ; — Consul 239 et 241. — Ses titres : pius, invictus, felix, pontifex maximus, tribun. potest., pater patriæ, imperator trois fois, — déposé et tué en mars 244.

Il se donne dans un rescrit de l'an 233 le titre de nostra serenitas, inusité jusque-là. 2 C. J., de jure dominii impetrando (VIII, 34).

Quelques écrivains anciens le disaient fils du second Gordien, mort en Afrique. Mais c'était le petit nombre, dit Capitolin (in Gordian. tertio, 1). De plus, ils sont démentis par une inscription, qui porte IMP. M. ANTONIO GORDIANO... DIVI GORDIANI NEPOTI ET DIVI GORDIANI SORORIS FILIO (Henzen, 5529). Même une paternité adoptive n'est pas supposable d'après ceci.

Historiens : Hérodien VIII, Jul. Capitolin, In Gordian tertio. Zosime, I. Eutrope, etc.

[2] D'après cette inscription (Henzen, 5530), C. Furius Sabinius Aquila Temesitheus successivement procurateur dans la Lyonnaise et l'Aquitaine, puis dans l'Asie où il remplaça le proconsul, puis dans la Bithynie, le Pont, la Paphlagonie, puis dans la Belgique et les deux Germanies où il remplaça le gouverneur de la Germanie inférieure, puis dans la Syrie Palestine, puis à Rome, puis en Arabie, où il eut les fonctions de gouverneur, puis de nouveau en Belgique et en Germanie ; préfet d'une cohorte en Espagne. Cette inscription lui est consacrée à Lyon par deux de ses clients, l'un d'Auvergne, l'autre de Metz.

Une inscription mutilée, portant... V S. TIMISITHEVS PRAEF PRAETORIO... (Henzen, 5531), atteste l'identité du personnage nommé ci-dessus avec le ministre et le beau-père de Gordien, quoique Capitolin écrive Misitheus et Zosime Témésicléè.

[3] Furia Sabinia (et non Sabina ?) Tranquillina, fille de Témésithée, mariée en 241 ou 242 à l'Empereur Gordien, morte en... Ses monnaies où elle est figurée portée sur un croissant, au revers elle et son mari se donnent la main, CONCORDIA AVG. FELICITAS TEMPORVM — la tête radiée (Monnaie d'Alexandrie, 7 année de Gordien.) — Inscriptions de Velleia (Orelli, 969) de Sigus en Afrique (Renier, 2167 ; Henzen, 6321, en l'an 342) : de Rome (Orelli, 976) ; du Sénat de Detulo en Catalogne (Orelli, 978) ; du Sénat d'Illibéris (Orelli, 971).

[4] Cod. Just., 3 De lege Aquilia (III, 35) : double voie civile et criminelle pour se plaindre du meurtre d'un esclave.

[5] C. J., An servus pro suo facto (IV, 14) ; 4 Si mancipatus fuerit (IV, 57) ; 6 De testament. manumiss. (VII, 2) : donnant à l'esclave affranchi par testament, si la succession est refusée à cause des dettes, le droit d'exiger sa liberté en payant aux créanciers sa propre valeur. — 7 De servo pignori dato (VII, 8) ; affranchissement de l'esclave dotal par le mari. — 13 De inoffic. Testam. (III, 18) : maintien des libertés testamentaires, quoique le testament soit cassé pour inofficiosité. — 1 De servis reipublic. manumittendis (VII, 9) : l'esclave public affranchi ne doit pas être remis en esclavage pour ce seul fait que le vicarius qu'il avait donné à sa place s'est enfui. — 2 ibid. et 11 De operis libertorum : les enfants de l'affranchi sont ingénus, citoyens romains et soumis à la puissance paternelle. L'affranchie qui se marie avec le consentement de son patron, n'est plus débitrice du travail qu'elle devait à celui-ci comme condition de son affranchissement.

[6] C. J., De ingenuo manum. (VII, 14) : la femme ingénue, pour avoir été nourrie par un maître et avoir rempli les conditions de l'esclavage, ne devient pas pour cela esclave, de même que, pour avoir été affranchie, elle ne devient pas sujette aux obligations envers le patron. — 4 De ordine cognitionum (VII, 19) : droit pour le libre réduit en servitude à des dommages-intérêts contre son prétendu maître. — 5 Ne de statu hominum (VII, 21) : facilités pour celui qui veut soulever la question de liberté. — 2 De postliminio (VIII, 51) : le prisonnier racheté n'est pas esclave de celui qui l'a racheté, mais il est en son pouvoir comme gage jusqu'à ce qu'il ait payé le prix de son rachat. Son droit d'ingénuité n'est donc pas éteint. La femme épousée dans ces conditions n'est pas concubina, mais uxor.

[7] C. J., 7 Ad S. C. Velleian. (IV, 29) : incapacité pour le mari d'obliger le bien de sa femme, même du consentement de celle-ci ; la fille émancipée ne peut pas non plus s'obliger pour son père.

[8] Quia socia rei humanæ ac divinæ domus suscipitur, Cod. Just., 4 De crimine expilatæ hæreditatis (IX, 32).

[9] Capitolin, In Maximo ei Balb., 61. Vopiscus, in Aureliam, 7.

[10] Capitolin, in Gord. tert., 26, 34.

[11] Phillippi en Macédoine ou Philippopolis en Thrace ? V. Capitolin, in fine.

[12] Schah-por ou Schaver, surnommé Tirdeh, fils d'Ardschir, régna de 238 à 271. Sa capitale fut Ganda-Schavar, bâtie par lui sur les ruines de Persépolis.

[13] Ita Philippus impie, non jure, obtinuit imperium.