LES CÉSARS JUSQU'À NÉRON

TABLEAU DU MONDE ROMAIN SOUS LES PREMIERS EMPEREURS

LIVRE TROISIÈME — DES MŒURS

CHAPITRE PREMIER. — LA SOCIÉTÉ.

 

 

§ III. — LE CLIENT.

En voilà assez sur l'esclavage. Maintenant avez-vous porté vos pas parmi les constructions irrégulières de l'Aventin ? Avez-vous vu, près du Tibre, ces maisons entassées qui avancent sur le fleuve, et que leurs fragiles étais tiennent suspendues au-dessus des eaux, demeures précaires dont chaque inondation emporte d'un coup tout un quartier ?Êtes-vous monté le long de la Suburra, cette rue tortueuse, infecte et bruyante, au milieu de l'assourdissement populaire, des clameurs des charretiers, des hurlements des chiens ? Là, d'énormes insulæ, vastes maisons de location à sept ou huit planchers, penchent au-dessus de la voie publique leurs étages inégaux et chancelants. C'est là surtout qu'habitent toutes les misères et toutes les corruptions romaines ; c'est là que, dans les sales et obscures popinæ, un pain plébéien, du vin chaud et des têtes de mouton à l'ail, nourrissent le mendiant du pont Sublicius, la courtisane en guenilles, le grammairien sans argent, le petit Grec (Græculus), hâbleur, adulateur, poète, chevalier d'industrie ; c'est là que mendie l'enfant ramassé sur la voie publique, et qui va quêter une obole, estropié par les mains et au profit d'un entrepreneur de misères humaines ; c'est là, en un mot, qu'habite, je ne dirai pas le plébéien, mais celui que l'orgueil aristocratique des parvenus romains appelle tenuis, ignobilis, tunicatus, tribulis.

Il n'est pas jour encore. Cet homme vient de brosser sa vieille toge ; il court à la hâte vers les hautes demeures des Carènes ou du Célius. Client de tout le monde, il va heurter à toutes les portes, fait queue dans la rue au seuil de tous les riches, coudoie et querelle ses camarades de servitude et d'attente, se laisse menacer par la verge de l'ostiarius, sollicite ce misérable enchaîné qu'on appelle le janitor ; entre à grand'peine dans une cour ; en payant les esclaves, pénètre jusque dans l'atrium ; voit passer dédaigneusement devant lui les amis de la seconde ou de la première admission — car l'amitié se classe, et il y a chez le riche de grandes et de petites entrées[1] — souffle au nomenclateur un nom que cet esclave estropie, obtient du patron un sourire distrait, un regard à moitié endormi, un bonjour dédaigneux qui se confond avec un bâillement, et, pour prix de ses peines, emporte dans sa corbeille un peu de saucisson ou une magnifique largesse de vingt-cinq sous[2].

Tel était un salon romain. A des degrés divers, et surtout depuis le règne des empereurs, les rapports de politesse portaient à Rome ce caractère d'un hommage intéressé rendu par un inférieur. C'étaient des devoirs matinaux (antelucana officia), des salutations inquiètes et essoufflées. Un salon moderne, cette politesse d'égal à égal, facile et douce, qui veut bien s'abaisser, mais à condition qu'on la relève, et cesse dès l'instant où elle n'est plus mutuelle ; cette obséquiosité qui sait au besoin être fière ; cette liberté qui se prête à mille choses sans se compromettre jamais : tout cela entrait peu dans les notions de l'antiquité. La courtoisie est d'origine féodale ; c'est l'indépendance noble et courtoise du baron, de l'homme libre, inconnue aux anciens qui ne comprirent guère que l'indépendance de la cité ; c'est sa fierté dans le service, parce que le service est relevé par l'honneur ; c'est, en un mot, cette plus grande valeur que le moyen âge a su donner à l'homme. Il y a de l'un à l'autre la distance de la servitude au vasselage. Dans les temps modernes, ni aristocratie de cour, ni aristocratie d'argent n'ont tout à fait brisé cette tradition féodale ; les Pallas et les Mamurra eux-mêmes, en passant dans le triclinium, cèdent le pas à leur client, et, s'ils le conduisent dans leur essedum, le font poliment monter le premier. Mais les maltôtiers et les gens de cour d'alors, ci-devant esclaves quelquefois, faisaient marcher leurs amis à pied auprès de leur litière, les laissaient attendre à leur porte sur le trottoir ; à table, ils avaient des amis inférieurs, trop heureux de dîner sur des escabeaux, tandis que l'amphitryon était couché sur un lit de pourpre ; et les convives étaient surveillés par un esclave chargé de dire au maître qui avait bien applaudi, bien ri, bien mangé, bien loué l'amphitryon, et mérité ainsi une invitation pour le lendemain[3].

Sans doute il n'en avait pas toujours été ainsi. L'esclavage lui-même, toujours aussi inhumain en principe, avait été moins dégradant par le fait. Au temps où l'on n'avait qu'un ou deux esclaves, avec qui on travaillait côte à côte dans les champs, et qu'on faisait asseoir à sa table, ces noms de familier donné à l'esclave, de père de famille donné au maitre, n'étaient pas, comme ils le furent depuis, une banalité dérisoire. La clientèle à son tour était alors pareille en bien des choses au vasselage féodal : noble protection du pauvre par le riche, récompensée par les services que le nombre peut rendre à l'homme isolé ; institution politique, indispensable instrument de tout succès dans le Forum ; lien sacré, association de tous les intérêts, parenté légale aussi sainte que la parenté réelle ; Virgile met sur la même ligne, aux enfers, celui qui a outragé son père et celui qui a trahi les intérêts de son client[4]. Mais quand le progrès du temps, l'action cosmopolite de la conquête, la civilisation immorale de la Grèce, eurent effacé à Rome ces traditions tutélaires, ce furent, dans toute leur crudité, les rapports du riche qui donne à manger au parasite qui mange, de la supériorité insolente à la servilité fainéante et affamée[5].

Infatigable et perpétuel mendiant, client universel, le peuple romain vécut aux pieds de trois ou quatre mille beati, endurant les aumônes d'une aristocratie financière, comme il avait enduré le pouvoir d'une aristocratie politique, quêtant, sollicitant, souffrant, ayant de la bassesse, de la patience, de l'esprit même, tout, à condition de ne pas travailler. Il avait ses bons et ses mauvais jours. —Aujourd'hui un sénateur marie sa fille, le fils d'un affranchi de César prend la toge virile ; grande fête ! un millier d'hommes est invité ; à chacun une sportule extraordinaire de 14 ou 15 sous. — Demain point de fête ni d'épousailles : pauvre parasite, tu vas aller au bain quêter, parmi les riches qui s'y rassemblent, à force d'adulations et d'humbles services, une invitation à souper. — Un autre jour, Agrippa ouvre gratis cent soixante-dix bains dans Rome ; pendant un an (singulière magnificence !), la barbe et les cheveux du peuple seront coupés gratis dans les tonstrines d'Agrippa : Agrippa est le fils des dieux ! — Les riches sont-ils las de donner ? allons implorer César.  Il faut que de temps à autre quelques-uns des millions de César retournent au peuple. Auguste, dans son douzième consulat, n'a-t-il pas distribué, entre trois cent vingt mille citoyens, un congiarium de plus de 16 millions de francs ? — César n'est pas riche aujourd'hui ? S'il ne donne pas d'argent, au moins donnera-t-il du blé : quiconque est oisif et pauvre a droit à cinq boisseaux de blé par mois, qu'il ne paie pas ou qu'il paie quelques sous : loi suprême de la constitution impériale et la seule qu'il puisse être dangereux de violer. — Mais la Méditerranée est orageuse ; le convoi annuel de blé n'arrive pas d'Égypte ; le peuple redoute la faim ; César redoute le peuple — moment d'angoisse ! il y eut ainsi certaine bourrasque pendant laquelle Auguste pensa à s'empoisonner — ; et, debout sur la pointe de Caprée, une foule pleine d'anxiété épie avec impatience l'instant où apparaîtra le pavillon qui annonce la flotte d'Alexandrie[6].

Mais si l'empereur nourrit l'homme qui a faim, l'empereur ne soigne pas le malade ; et cette population pauvre de Rome et de l'Italie demeure exposée, sans précaution et sans remède, aux influences d'un climat qu'a rendu fatal la dégénération des mœurs romaines. J'ai dit comment par la diminution de la culture et par les dévastations des guerres civiles, depuis les derniers temps de la république, l'Italie était devenue déserte et malsaine[7]. Des maladies nouvelles y avaient été apportées ; de fréquentes épidémies s'y faisaient sentir[8]. Le Latium, terre desséchée par trop de labeur, était déjà le séjour de ces funestes influences que les siècles n'ont pas diminuées. Rome surtout, qui élevait trois temples à la Fièvre[9], Rome avec des vices et des grandeurs inouïs, souffrait d'un jour à l'autre des maux inconnus aux siècles passés[10]. Par des soins multipliés, par les coûteux services de la médecine[11], par la fuite surtout, les riches se mettaient à l'abri. M ais au pauvre n'était donnée aucune de ces ressources : sous l'influence des vents d'automne qui apportaient du midi la dévastation et les maladies[12] ; par les accablantes chaleurs du mois d'août, qui ramenaient les fièvres et entouraient de ses noirs licteurs l'ordonnateur des pompes funèbres[13] ; au temps de ces débordements du Tibre qui remplissaient Rome d'eaux stagnantes[14] ; il fallait toujours que le pauvre restât dans sa demeure malsaine de l'Esquilin ou du Vatican, dans son grenier, où le médecin grec ne montait pas. Ira-t-il demander secours à son riche patron ? il trouvera la maison déserte, le maitre parti pour respirer à Baies un air plus pur. Ira-t-il implorer la pitié de César ? Qu'importe à César le mendiant fiévreux qui rôde au pied des hautes murailles de son palais ? César s'inquiète de l'homme bien portant et robuste, parce qu'il le redoute ; il le nourrit pour qu'il ne se révolte pas. Mais César craint-il le malade ? César paiera-t-il des remèdes pour prolonger la vie de cet homme qui lui coûte par an 800 livres de blé ? César ouvrira-t-il des hôpitaux, de peur que la fièvre ou la peste ne réduise trop le chiffre des 300.000 rentiers qui sont à sa charge dans la ville de Rome ? Qu'il meure plutôt que la masse de ces redoutables prolétaires soit diminuée d'une tête, qu'il meure, moins heureux que l'esclave qu'un maitre entretient, nourrit, soigne quelquefois ! L'esclave du moins représente un capital, l'homme libre ne représente qu'une dépense[15].

Telle était cette servitude de l'homme libre ; et cette servitude romaine eut ses types à elle, inconnus de nos jours, ou qui n'existent que voilés. C'est le parasite relégué au bout de la table, raillé, injurié, battu, qui gagne un repas à force d'affronts. C'est le chasseur aux héritages, assis aux pieds d'un sale et fantasque vieillard, louant jusqu'à sa beauté, applaudissant jusqu'à son radotage, déchirant ses ennemis, lui sacrifiant sa liberté, lui prostituant sa femme. Ces turpitudes sont proverbiales dans les mœurs romaines. Non-seulement la comédie et la satire, mais l'histoire, la philosophie, la jurisprudence, portent témoignage de cet universel appétit de testaments et de legs. Toutes les lois d'Auguste contre le célibat ne parvinrent pas à faire descendre le riche sans enfants de ce trône que la captation lui élevait ; c'est ce que Sénèque nomme la royauté d'une vieillesse sans enfants[16]. Ce que ni la tendresse ni l'amitié ne surent jamais faire, l'orbité (laissez-moi donner le nom romain à cet état privilégié qui n'eut de nom qu'à Rome), l'orbité sauva des proscrits, et Tacite parle d'un accusé sous Claude qui, ayant échappé à la mort par le crédit des prétendants à son héritage, eut l'ingratitude de leur survivre à tous. Enfin, malgré toutes les précautions d'Auguste, il y avait tant d'avantage à ne pas être père, que des hommes, désolés de la fécondité de leurs femmes, abandonnaient leurs enfants nouveau-nés, les reniaient plus âgés, et rompaient avec eux dans le seul but d'avoir aussi leurs flatteurs et leur cour, tout comme ceux dont le ciel avait béni la couche en la rendant stérile[17].

Cette servilité universelle devenait plus dégradante encore pour la nature humaine, en devenant l'instrument et l'encouragement de la débauche. Hideuses turpitudes que je ne puis comprendre ! s'écrie Juste-Lipse commentant un intraduisible passage de Sénèque, Dieu me garde de porter la lumière dans ces ténèbres dignes du Styx ! Mais il est trop aisé de concevoir jusqu'où allaient, grâce à un pouvoir si absolu et si général sur la créature humaine, grâce à une si entière liberté pour les fantaisies de l'homme puissant, la monstrueuse aberration des sens et l'avilissement de notre nature. La prostitution, chez nous l'œuvre de la faim, de la dépravation et de la misère, était chez les Romains affaire de bon ordre intérieur et de règlement domestique ; née dans la maison ou achetée au Forum ; nourrie, instruite, formée dès l'enfance ; commandée par la crainte du supplice, encouragée par l'espoir de la liberté[18].

Il y a plus : elle devenait aussi affaire de spéculation et de lucre. L'esclave était une propriété dont on tirait parti en la prostituant[19]. Des marchands d'esclaves, corrupteurs publics (lenones, mangones, ces deux mots étaient à peu près synonymes), parcouraient les provinces, menant avec eux des troupeaux de courtisanes, ignoble denrée dont ces capitalistes percevaient le bénéfice[20]. La plupart des affranchies, ou du moins des affranchies pauvres, étaient forcément courtisanes[21]. On conçoit à quelle hideuse extension la prostitution arrivait, devenue ainsi nécessaire et obligée ; on comprend dans toute sa laideur cette double et effroyable dégradation : celle des misérables auxquels toute ignominie était infligée, et plus encore celle du puissant qui avait le droit de les infliger toutes.

Sénèque, qui attaque ces désordres, les attaque parce qu'il est ou se fait puritain, et encore ne les met-il guère sur une autre ligne que les excès du luxe. Les oiseaux du Phase et les vases de myrrhe lui paraissent de tout aussi grands crimes. Et au fond, quelque fausse que soit cette censure, il y avait plus de rapport qu'on ne le pense entre les excès du luxe et la corruption des mœurs. Le principe des uns et des autres, c'était une satiété des choses ordinaires, une imagination ennuyée et corrompue ; un desséchement et un rapetissement de l'âme, qui, sans passion et sans vertu, sans instinct vrai, était avide d'inventer et désespérait de jouir ; parce qu'elle était vulgaire, ne trouvait rien que de vulgaire dans ce qu'aiment et admirent. les hommes ; et au défaut du bon, du vrai, du beau, du grand qu'elle ne sentait pas, se traînait vers l'inconnu, vers le monstrum, vers l'impossible.

 

 

 



[1] Caïus Gracchus et Drusus (deux tribuns démocrates) furent les premiers qui classèrent ainsi leurs amis, recevant les uns seuls et en particulier, en admettant d'autres plusieurs à la fois, et tout le reste en masse ; c'est ce qu'on nommait classer son monde, segregare turbam suam. (Senec., de Benef., VI, 33, 34.) Ainsi l'on disait prima, secunda, etc., admissio. (Senec., de Clementia, I, 10 ; de Benef., VI, 33, 34.) Tibère fit trois classes de ses amis, distribua à la première 600 sesterces, à la seconde 400, à la troisième 200. Ces derniers ne s'appelaient pas ses amis, mais ses Grecs. Suet., in Tiber., chap. LVI, LXX, LXXI. — Sur ces compagnons grecs, V. Cicéron, in Milone, 10 ; in Pison., 18. — Alexandre Sévère poussa la bonté jusqu'à visiter ses amis de seconde classe lorsqu'ils étaient malades. (Lampride, in Alex., 20.)

[2] Sur la sportula, V. Pline, Ép., II, 14 ; X, 117, 118. Suet., in Ner., 16 ; in Dom., 7.

[3] Senec., Ép. 46.

[4] Pulsatusve parens vel fraus innexa clienti. (Énéide, VI.)

Aulu-Gelle considère même les devoirs du patron comme plus sacrés que ceux du père (V, 16 ; XXI, 6). V. aussi Denys d'Halicarnasse (II, 9, 10).

[5] Stace loue Pison de sa courtoisie et de sa libéralité envers ses clients, de ce qu'ils ne sont pas l'objet de plaisanteries dédaigneuses, et qu'on ne fait pas rire à leurs dépens. Elle est rare, la maison où il n'y a pas de mépris pour un ami pauvre et qui ne foule pas aux pieds un humble client.

Rara domus tenuem non aspernatur amicum

Rara que non humilem calcat fastosa clientem.

(Paneg. ad Pisonem.)

[6] Senec., Ép. 77.

[7] Les écrivains agronomes sont très-préoccupés des moyens d'éviter l'insalubrité de l'air et du sol. Columelle, III, 2 ; IV, 3 ; V, 4, 8 ; VII, 4. Varron, II, 9 ; IV, 3-5 ; XII, 1-2. Caton, 1, 2, 3. — Les jurisconsultes de même, 49 D., de Ædilit. edicto ; 4, D., de Ædilit. act. ; 2, § 29, D., ne quid in. loc. public.

[8] Vers le temps de Pompée ; l'éléphantiasis (lèpre blanche) fut apportée en Italie. Pline, Hist. nat., XXVI, 1. — Sous Tibère, une maladie de la figure (lichenes sive menlagra). Ibid. Martial. XI, 98. Suet., in Tiber., 34 ; toutes deux venaient d'Égypte. — Sous Tibère également, la maladie appelée colum, dont jusque-là on ignorait même le nom. Pline, ibid. — Sous la censure de L. Paulus et de Q. Martius (an 589), le charbon fut apporté de la Gaule narbonnaise ; il était fort redouté au temps de Pline. (Ibid.)

[9] Valère-Maxime, II, 5, § 6.

[10] En un seul automne, sous le règne de Néron, on enregistra dans Rome, 30.000 décès par suite d'une épidémie. Suet., in Ner., 39. Tacite, Annal., XVI, 13 (an de Rome 819 ; après J.-C. 66.) Selon Eusèbe, une peste sous Titus avait emporté 10.000 hommes par jour. Eusèbe, Chronic.

[11] Sous Tibère, en même temps que les maladies, les médecins arrivèrent d'Égypte et firent à Rome des gains énormes. Manilius Cornutus s'engagea à payer, pour être guéri du mal appelé lichenes, une somme de 200.000 sesterces (53.000 fr.) Pline, loc. cit. — Le médecin Charmis se fit payer autant pour un voyage en province. — Alconte, en peu d'années, amassa 10 millions de sesterces — Q. Stertinius, médecin, fit valoir aux empereurs qu'il se contentait de recevoir d'eux 500.000 sesterces (142.000 fr.) par an, tandis, qu'il pouvait établir que sa clientèle dans Rome lui en rapportait 600.000 (158.000 fr.). — Son frère reçut de l'empereur Claude un pareil salaire. A une époque où leur fortune était diminuée, ils purent encore embellir la ville de Naples et laissèrent à leurs héritiers 30 millions de sesterces (7.900.000 fr.). Arruntius seul, avant cette époque, en avait laissé autant. — Crinas, de Marseille, laissa 10 millions de sesterces (2.630.000 fr.), après avoir consacré une pareille somme à relever les murs de sa patrie. Pline, Hist. nat., XXIX, 1.

[12] Horace, II, Sat. VI, v. 18. Id., II, Od. XIV, v. 15. V. aussi Tacite, loc. cit.

[13] Horace, I, Ép. VII.

[14] Pline, Hist. nat., III, 9. Tite-Live, XXXVIII, 28.

[15] Celui qui le premier trouva l'art de nourrir le pauvre fit beaucoup de malheureux. Il était plus simple, en effet, de laisser mourir l'homme qui ne pouvait vivre sans travail.

Ménandre, les Pécheurs, ap. Stobée, Serm., 71.

[16] Dives regnum orbe senectutis exercens. (Senec., 19.)

[17] Senec., ad Marcian, 19.

[18] V. entre autres, sur ces effroyables détails, Senec., Ép. 95, de Brevitate vitæ ; Tacite, etc.

[19] De là les clauses fréquemment citées par les jurisconsultes, d'esclaves vendues avec défense de les prostituer. La clause contraire avait eu lieu aussi (ut prostituatur) ; mais du moins les jurisconsultes la déclaraient nulle.

[20] Strabon, dans sa description de la Phrygie. — De là l'interdiction au citoyen romain d'épouser l'affranchie d'un leno, ou (ce qui retenait au même) eam quæ corpore quæstum fecerat.

[21] Fecenia eût été digne d'une condition meilleure et n'était courtisane que parce qu'elle avait été esclave. Tite-Live, XXXIX, 9. Sur cette prostitution forcée des esclaves, V. M. Allard, Les esclaves chrétiens, p. 174 et s., — le rescrit de Sévère en faveur de la femme que son maître avait prostituée, déclarant qu'elle ne doit pas être tenue pour entachée. Ulpien, Digeste, III, 2, — le domesticum lenocinium, source de revenus pour les maîtres. Cicéron, Post reditum, 5.