LES CÉSARS JUSQU'À NÉRON

TABLEAU DU MONDE ROMAIN SOUS LES PREMIERS EMPEREURS

LIVRE TROISIÈME — DES MŒURS

CHAPITRE PREMIER. — LA SOCIÉTÉ.

 

 

§ II. — L'ESCLAVE[1].

La réponse est tout entière dans un seul mot : l'esclavage I Non-seulement l'esclavage proprement dit est la base pratique de la société, de sorte que sans lui il n'y aurait ni république, ni fortune, ni famille, ni liberté, telles qu'elles sont constituées ; mais encore, dans tous les ordres et à tous les degrés, existe un esclavage plus déguisé, aussi réel : et tous les rapports sociaux sont modelés sur le rapport de l'esclave au maître, de même qu'au moyen âge ils se modelèrent tous sur le rapport du vassal au suzerain.

Pour le comprendre, parcourons les quatre degrés de la hiérarchie romaine : l'esclave, le client, le sujet et César.

Voyez l'esclave ; je ne dis pas l'esclave chéri de son maître, le chanteur ou le comédien spirituel, le médecin heureux, le précepteur érudit ; je dis encore moins la folle, le bouffon, l'eunuque, le joueur de lyre, l'improvisateur habile : mais le pauvre esclave ordinaire, plébéien de cette nation domestique qui habite le palais d'un riche ; celui qui, perdu dans cette foule, connaît à peine son maître et n'en est certes pas connu ; celui qu'on a acheté 500 francs au Forum[2], sur les tréteaux d'un maquignon ; — le janitor, immeuble par destination et qu'on vend avec la maison, scellé, pour ainsi dire, dans le mur de sa loge par une chaîne qui le prend à la ceinture, comme le chien dont la niche fait face à la sienne ; — ou le vicarius, l'esclave d'un esclave[3] ; — ou celui qui, debout à la table de son maître pendant les nuits d'orgie, voit la verge prête à le punir pour une parole, un sourire, un éternuement, un souffle ; qui, courbé aux pieds des buveurs ivres, essuie les ignobles traces de leur intempérance[4]. C'est bien là celui sur lequel tombent et toute l'ignominie domestique et tout le mépris légal ; c'est l'être méprisé auquel pour ne point profaner sa parole, son maître quelquefois ne parle que par signes et au besoin par écrit[5] : vrai gibier de fouet et de prison, dont la loi compte la vie pour si peu de chose, que dans une enquête judiciaire, accusé ou même témoin, on ne l'interroge que sur le chevalet[6], et que, sur la réquisition d'un plaideur, son maître l'envoie sans difficulté au tortureur, se faisant seulement donner caution pour le déchet qui pourra résulter de la torture[7].

L'esclave est au-dessous de l'homme ; les plus généreux le considèrent comme faisant partie d'une seconde espèce humaine[8]. Selon le droit, ce n'est plus un homme, ce n'est plus une intelligence, c'est une chose. Si l'esclave ou le bœuf cause un dommage, le maître en est responsable, et le plaignant, à titre d'indemnité, se fait adjuger l'animal nuisible. Réciproquement, si on le tue, on le paie au maître ; si on casse une jambe au cheval, si on diminue la valeur de l'un ou de l'autre, la loi donne action pour esclave ou pour cheval gâté[9], et le déchet se paiera double.

L'esclave n'est pas homme ; — il n'a, par conséquent, aucun droit, l'esclavage est assimilé à la mort[10]. Tout est permis envers l'esclave ; nul engagement ne lie vis-à-vis de lui, on est envers lui sans devoir comme il est envers vous sans droit[11].

L'esclave n'est pas homme ; — il n'y a, par conséquent pour lui, ni mariage, ni famille, ni paternité, ni parenté[12]. C'est là la plus dégradante conséquence du droit de propriété de l'homme sur l'homme, mais une conséquence tellement rigoureuse, qu'à celle-ci pas plus qu'aux autres n'ont échappé les peuples chrétiens qui ont eu le malheur de tolérer l'esclavage. En compensation de toutes les libertés qu'il ôte à l'homme, l'esclavage lui donne la liberté de la débauche. Entre esclaves, on n'est ni mari, ni femme, ni père, ni fille, ni fils, ni frère, ni sœur ; il n'y a donc ni adultère, ni inceste, ni polygamie punissable[13]. Également nulle prostitution, nulle violence n'est punissable quand elle s'exerce sur l'esclave, à moins, ajoutent les jurisconsultes, que le maître n'en éprouve quelque dommage[14].

L'esclave n'est pas homme ; — il n'y a, par conséquent, pas de Dieu pour lui. Il est en dehors du culte public ; il y a pour lui tout au plus quelques rites illégaux, clandestins, superstitieux, que l'on tolère en. les méprisant. L'homme libre peut seul offrir aux dieux un encens légitime. Sache, dit le vieux Caton, que le maître seul peut accomplir pour toute sa maison les rites religieux... Que la villica — la femme esclave qui est à la tête d'une exploitation rurale — n'accomplisse donc aucun acte religieux, ou ne le fasse accomplir par autrui, sans l'ordre de son maître ou de sa maîtresse[15]. L'esclave est ainsi sans droit, sans famille, sans Dieu.

La générosité du maître, il est vrai, viendra au secours de l'esclave. Malgré la loi qui éloigne l'esclave du temple, le maître lui permet quelques rites qui amusent sa superstition ; il permet à ses bergers quelques sacrifices champêtres, les saturnales à ses esclaves de la ville, les matronales aux femmes de sa maison. Malgré la loi qui interdit le mariage à l'esclave, le maître lui permettra un quasi-mariage, un concubinage (contubernium), illégale et passagère union qu'il n'accordera parfois que pour de l'argent[16] : mais pour ses enfants, ou plutôt les enfants de sa concubine — car le droit ne reconnaît pas de paternité entre esclaves —, ils sont le croît d'un, animal domestique, incontestable propriété du maître ; on a disputé seulement sur la question de savoir s'ils appartiennent à l'usufruitier. — Malgré la loi qui ne reconnaît à l'esclave aucune propriété, le maître tolère qu'après bien des veilles, bien des jeunes volontaires, bien des labeurs ajoutés aux labeurs de la maison, il garde quelque chose de l'argent qui paie son industrie, qu'il ait une sorte de propriété illégale, que parfois il en dispose par un quasi-testament, toujours sous l'approbation et le veto sans appel de son maître[17] : en six ans, s'il est laborieux et sobre, et toujours si le maître le veut bien, il peut se racheter. Mais il faudra qu'il souffre et travaille, qu'au besoin il demande au vol et à la débauche l'argent que l'industrie ne lui donne pas. Il faudra qu'il renonce à sa seule consolation, aux joies de la popina, où, pendant que le maître prend part à un festin, ses esclaves l'attendent, jouent aux dés, médisent de lui, en soupant pour deux as. Il faudra encore que, sur ce mince pécule, la 'future générosité de son maître s'achète par des présents : présents pour le jour de sa naissance, présents pour le mariage de son fils, présents pour les couches de sa fille[18]. Après tout cela, si dans l'intervalle son maître ne l'a pas vendu, gardant le pécule qui, selon le droit, appartient au maître ; si quelque clause de son achat ou du testament qui l'a légué n'interdit pas l'affranchissement[19] ; s'il trouve dans son pécule de quoi payer et sa valeur à son maître et le vingtième de sa valeur à l'État[20] ; si son maître ne lui manque pas de parole[21] ; si enfin les lois contre les affranchissements, lois méchantes et jalouses[22], ne lui disputent pas sa liberté, l'esclave sera libre.

Cette attente lui paraîtra-t-elle trop longue ? prendra-t-il la fuite ? Tout est en éveil pour l'atteindre : reprendre le fugitif est affaire d'État ; toute la civilisation va lui courir sus. Des fugitivaires, dont c'est le métier, l'auront bientôt ramené à son maître, et la lettre F, marquée sur son front avec un fer rouge, avertira qu'on prenne garde à lui[23].

Je l'ai déjà dit, l'excès du mal avait fini par amener un commencement de remède ; la police impériale était intervenue entre le maître et l'esclave. Mais le fouet et les fers restent toujours dans les droits du maître ; l'ergastule n'est point détruit[24] ; le maître peut toujours envoyer l'esclave bêcher la terre ou creuser les mines, la chaîne aux pieds et la tête rasée à moitié, pour qu'on le reconnaisse s'il s'enfuit. Lemaître peut le vendre sous la condition qu'on ne l'affranchira pas, qu'on l'emploiera aux travaux les plus durs, qu'on l'emmènera dans une province lointaine. La loi même, toujours alarmée, ajoutera à ces rigueurs : l'interdiction d'une province quelconque entraîne toujours celle de l'Italie ; l'interdiction d'une ville, quelle qu'elle soit, entraîne celle de Rome[25].

Une coutume plus atroce encore s'est introduite récemment et se développe chaque jour. Les eunuques ont commencé de paraître dans le palais des Césars au temps de Tibère. Ils apparaissent bientôt chez tous les grands, chez tous les élégants, chez tous les riches. Les religions de l'Orient ont introduit cette horrible coutume, inconnue à la Grèce ; la mode s'en est saisie. C'est affaire de caprice, de luxe, de dépense[26].

Il y a plus, la peine de mort subsiste : si le maître n'est plus en droit de la prononcer, du moins il la provoque et va la demander au préteur : Ou plutôt, malgré un instinct d'humanité chez Auguste ou chez Claude, le droit arbitraire de vie et de mort sur l'esclave n'est point aboli ; il est tout au plus diminué[27].

L'esclave peut donc prévoir le terme probable de sa vie. Le vivier de Pollion, dont les murènes s'engraissent d'hommes vivants, les infâmes croix toujours debout et les corps abandonnés auprès de la porte Esquiline, l'avertissent sérieusement de ne pas offenser l'omnipotence du maître. Si on le laisse vieillir, je vous ai dit cette île du Tibre, où l'on abandonnait, à la grâce d'Esculape, les esclaves malades et infirmes. D'ailleurs, il s'use si vite que l'esclave qui n'a qu'un an de service dans la ville a déjà moins de valeur que l'esclave qui commence à servir ; le marchand d'esclaves est coupable de fraude s'il a vendu un veterator pour un novitita[28]. Aussi le vieux Caton, un sage dont j'admire peu la sagesse, disait : Sois bon ménager, vends ton esclave et ton cheval quand ils sont vieux[29]. On le revendra donc pour quelques deniers à un maître plus pauvre et par suite plus dur, jusqu'au jour où son corps, jeté hors de son étroite cellule, sera enterré par ses compagnons d'esclavage dans quelque recoin mal famé des Esquilies[30].

Et l'opulent Romain, au milieu de cette multitude qui lui appartient, de cent, de mille esclaves[31], tremble cependant pour sa vie. Les uns veillent à l'entrée de sa demeure, d'autres gardent les corridors ; des cubicularii défendent sa chambre à coucher : mais qui le gardera contre ses propres gardes ? Écoutez : le Forum est troublé ; le peuple ému, presque en révolte, assiège les degrés du sénat ; voyez passer une multitude de condamnés, hommes, femmes, enfants, quatre cents personnes. Un consulaire vient d'être tué par son esclave, à cause, dit-on, d'une rivalité d'amour infâme ; et la loi veut que tout ce qu'il y a d'esclaves sous le toit qu'il habitait, innocent ou coupable, soit mené à la mort[32].

Tout Romain qu'il puisse être, l'homme est toujours homme. Le peuple s'apitoie, résiste aux licteurs ; dans le sénat même (Tacite s'en étonne), quelques faibles esprits reculent devant l'exécution de cette horrible loi. Mais un vieux Romain, un homme savant dans la science du juste et de l'injuste, le jurisconsulte Cassius, se charge de gourmander ces novateurs, et de donner force aux bonnes et saintes maximes des aïeux : Chercherons-nous des raisons, quand nos aïeux plus sages que nous ont prononcé ?  Sur quatre cents esclaves — remarquez comme les sophistes de toutes les cruautés ont toujours la même dialectique à leur usage —, nul n'a donc soupçonné ? nul n'a entendu ? nul n'a vu le coupable ?... Nul ne l'a arrêté ni trahi ? Et puis enfin : Il périra des innocents ! dites-vous. Quand une armée a manqué de courage et qu'on la décime, les braves comme les lâches courent les chances du sort. Il y a quelque chose d'injuste dans tout grand exemple ; mais l'iniquité commise envers quelques hommes est compensée par l'utilité que tous en retirent[33]. Remarquable parole, et qui contient toute l'antiquité ! C'est Caïphe disant : Il est utile qu'un homme meure pour tout le peuple[34].

 

 

 



[1] Je ne peux pas parler de l'esclavage antique sans renvoyer à l'excellent livre de M. Wallon, Histoire de l'esclavage dans l'antiquité (1847), et à celui de M. Paul Allard, Les esclaves chrétiens (Paris, 1876). Là se trouve exposé avec une rare plénitude de science et de philosophie ce que je ne puis que résumer ici.

[2] 500 drachmes (quingentis empto drachmis. Horace, II, Sat. VII, 43), ou plutôt 500 deniers (538 fr.). M. de la Malle, dans son chapitre sur le prix des esclaves, croit pouvoir fixer, d'après Columelle et d'autres autorités, le prix de l'esclave cultivateur à 1.500 ou 2.000 fr. Mais cet esclave, qui produisait un revenu, devait valoir plus que l'esclave improductif de la ville. Dans un autre passage d'Horace, II, Ép. II, V, 5, on demande 8.000 sesterces (1.600 fr.) d'un esclave urbain, mais celui-là a de l'éducation et des talents.

[3] V. Loi 17, Digeste, de Peculio (XV, I) ; Plutarque, in Catone. Cicéron, in Verrem, III, 33. Le vicarius était parfois affranchi par l'esclave son maître ; mais on conçoit que cette liberté était, comme la possession du pécule, de tolérance et non pas de droit. Sur les vicarii, V. Orelli 2860, 2918, 2920.

[4] Senec., Ép. 47 ; de Ira, III, 35.

[5] Nil unquam se domi nisi nulu aut manu significasse, vel si plura demonstranda essent, scripto usum, ne vocem consociaret (Tacite, Ann., XIII, 23.) C'est l'affranchi Pallas que Tacite fait ainsi parler.

[6] Senec., Epist. 47 ; de Ira, III, 35. Ainsi, on soumettait à la torture les esclaves d'une succession, afin de connaître l'état du patrimoine : c'était une manière de faire inventaire.

[7] C'est ce qui s'appelait l'action deterioris facti servi. Paul., Sent., V, 16, § 3, lire tout ce titre sur la torture des esclaves.

[8] Florus, III, 20. (Servi per fortunam in omnia obnoxii, quasi secundum hominum genus sunt). — L'esclave est souvent appelé homo, mais dans un sens méprisant ; homo meus. (Cicéron, pro Quincio, et les jurisconsultes, passim.) Souvent on affecte de désigner l'esclave par des noms neutres, servitium, mancipium, ministerium, corpus. L'esclave est un outil animé, et l'outil un esclave inanimé. Scholiaste d'Homère, in Iliade, XVIII, 86. Julien, in Cæs., V. Creuser, Mémoire sur les esclaves, Académie des Inscriptions, t. XIV, p. 1.

[9] Action servi corrupti. — Le droit romain fournirait au sujet des esclaves tout un volume de passages curieux, dans lesquels, du reste, on ne trouve que les conséquences d'un même principe déduites avec cette logique qui caractérise les jurisconsultes de Rome. En voici un seul : 210. Par le premier chef de la loi Aquilia, il est pourvu à ce que tout homme qui aura tué sans droit soit un homme, soit un des quadrupèdes qualifiés animaux domestiques, appartenant à autrui, soit condamné à payer au maître une somme égale à la plus grande valeur de cet objet depuis un an. — 212. On ne doit pas seulement tenir compte de la valeur corporelle ; mais, au contraire, si la perte de l'esclave occasionne au maître un dommage plus grand que la valeur propre de l'esclave, il faut en tenir compte. Ainsi, si mon esclave a été institué héritier, et s'il est tué avant que, par mon ordre, il n'ait accepté l'hérédité, il faut encore, outre son prix, me payer la valeur de l'hérédité perdue. De même, si de deux jumeaux, de deux comédiens ou de deux musiciens on a tué l'un, on doit compter et le prix du mort et la dépréciation que sa mort a occasionnée sur la valeur du survivant. De même, si d'un attelage on a tué une mule, ou d'un quadrige un cheval. — 213. Celui dont l'esclave a été tué a le choix ou de poursuivre par la voie criminelle, ou de réclamer une indemnité en vertu de la loi Aquilia. (Caius, Instit., III.) On se demandait si le cochon est au nombre des animaux que cette loi assimile aux esclaves. Caïus pense que oui. Loi 2, Digeste, ad Leg. Aquiliam (IX, 2). Sur l'assimilation de l'esclave à l'animal V. Sénèque, Ép. 47. — Un esclave ou tout autre animal, dit Ulpien, 15, § 3, Digeste, VI, I. — Dans le tarif douanier de Julia Zaraï, en Afrique, les esclaves, chevaux, mules, etc., paient le même droit. Rénier, Inscript. de l'Algérie, 4111.

[10] Ibid., 59 ; de constit. et Demonst. (XXXV, 1).

[11] Servile caput nullum jus habet. (Loi 3, Digeste, de Capite minutis, 32 (IV, 5) ; de Regulis juris (L, 17), 20, § 7, Qui testament.) — Incapable de toute propriété. Caïus, Instit., I, 52 ; II, 86-89, 91, 95. — Servus non caput habet. (Instit., I, 16, § 4.) Senec., de Clem., I, 18. In personam servilem nulla cadit obligatio. (Digeste, 22, de Reg. jur. Cod. 13, de Transact. (II, 4). L'esclave est appelé corps une enceinte où se vendent des outils et des corps (σκεύη καί σώματα), Hésyhe. — Inscriptions, etc.— Tobie, X, 10 et 11. Macchabées, VIII, 11 (dans le grec). Valère Maxime, VII, 6. Ovide, Amor., IV, 33-34. Par opposition dans les passages cités ci-dessus, les hommes libres sont qualifiés âmes, ψυχαι. (Apocalypse, XVIII, 13.)

[12] Ad legem serviles cognationes non pertinent. Digeste, 10, § 5, de Gradib. 6, (XXXVIII, 10), pro ad Leq. Jul. de Adult. Est-on père quand on est esclave ? Plaute, Captivi, III, 4 ; V, 508. Le maître fait à l'esclave don des enfants de celui-ci, et cela par pure libéralité. Ulpien, 18. Digeste, XXXII, 3.

[13] Paul., Sent., II, 19, § 6 ; V, 16. Cod. 3, de Incestis nuptiis. Tombeau érigé par Thalassus et Ionicus à Anthussa, conjugi bene merendi (Muratori, 1297), — par Sabinus et Primus à Félicitas conservæ et contubernali (Id., 1582, V. encore Orelli, 2830. Henzen, 6294), — par deux femmes à leur mari (Muratori, 1373), — par un esclave à sa sœur dont il a fait sa femme (Mommsen, Inscript. Neapol., 7072).

[14] Ancillarum stuprum citra noxam habetur, nisi deteriores fiant sut per has ad dominam affectet (Paul., Sent., II, 26, § 16. V. encore 23 Cod. Justin., IX, 9 et 6. Digeste, XLVIII, 5). Sur la prostitution obligée, V. Senec., Controv., V, 33 ; Plaute, Pseud., I, 11 ; V, 174. L'impudicité, dit Sénèque (Controv., V, 33) chez l'ingénu est une honte, chez l'esclave une nécessité, chez l'affranchi une complaisance (officium). — Ce que le maître ordonne n'est point une honte. (Pétrone, 75). Sur la violence, Paul., ibid., § 12 ; 23-25 Cod. ad Leg. Jul. de Adult. ; 215 Digeste, de Verbor. signif. Gaius, Instit., I, 54.

[15] Scito dominum pro tota familia rem divinam facere... Rem divinam ne faciat (villica) neve mandet qui pro ea faciat, injussu domini aut dominæ. (Caton, de Re rust., V.)

[16] C'est ce que faisait Caton l'Ancien. Plutarque, in Catone M., 21. V. aussi Tertullien, ad Uxorem, 8. Ce qui n'empêche pas les esclaves, quoiqu'ils ne fussent que contubernales, de se servir parfois dans les inscriptions des mots uxor et conjux.

[17] Cicéron, Philipp., VIII, 11. C'est ce que Pline permettait à ses esclaves par un acte tout particulier de sa générosité. VIII, Ép. 7. Sur l'état des esclaves en général, V. ci-dessus, t. II, Claude, § II.

[18] Térence, Phormion, acte I, scène 1. Senec., de Benef., VII, 4.

[19] Loi 7, de Manumiss. (XL, 1) ; loi 9, § 2, qui et a quibus manumill. (XL, 9).

[20] Impôt du vingtième sur les affranchissements. Tite-Live, VII, 16 ; XXVII, 10, etc.

[21] Negata libertate cui pretium pepigerat. (Tacite, Annal., XVI, 42.)

[22] Libertates impedientem et quodam modo invidam. (Justinien, Instit.)

[23] V. sur les fugitifs, Paul., Sent., I, 6 ; Digeste et Cod., ad legem Fabiam. Sur la marque des esclaves, voyez Valère Maxime. Inexpugnabili litterarum nota inustus. VI, 8, § 7. — Litteratus. Plaute, Casin., II, 6, v. 293. — Inscripti vultus. Martial, VIII, 85, v. 9, et Pline, Hist. nat., VII, 4. — Stigmatiæ. Cicéron, Offic., II, 17.

[24] Horace, II, Sat. 8. Senec., de Ira, III, 32. Apulée, Métamorp., IX. On retrouve sur des plaques de cuivre des inscriptions analogues à celles que nous mettons au collier de nos chiens :

Petronia, tene quia fugi bis, et revoca me... ad dominum meum N...

Januarius dicor servus Dextri exceptoris...

Tene me ne fugium...

Ou en abréviation :

T. m. q. f. e. rev. me. p. Rubrio Lat. dom. meo.

(Retenez-moi parce que j'ai fui et ramenez-moi à mon maître.)

Orelli, 2830-2833.

Et encore ce dernier usage est-il un progrès dû à la législation des princes chrétiens, qui interdisait la marque au front. V. 2 Cod. Théod., IX, 40. M. de Rossi, Bulletin d'archéol. chrétienne, 1874, p. 61.

[25] V. Digeste et Cod., de Servo exportando.

[26] V. Tacite, Annal., IV, 10 ; Senec., de Ira, I, in fine ; Pline, Hist. nat., VII, 40 (39). Labienus apud Senec., Controv., V, 33. Sur les Galls, prêtres de Cybèle, V. saint Augustin et toute l'antiquité.

[27] V. Gaius, I, 52. ; Macrobe, I, 11. Juvénal (VI, 219) nous peint une femme qui, sans motif, fait mettre son esclave en croix, et à qui l'on reproche sa cruauté :

Pone crucem seruo !Meruit quo crimine servus

Supplicium ? quis testis adest ? quis detulit ? Audi ;

Nulla umquam de morte hominis cunctatio longa est. —

O demens ! ita servus homo est ? Nil fecerit, esto :

Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.

Malgré l'esprit déclamatoire de cet écrivain, on ne peut guère supposer qu'il se bit exprimé ainsi, si la loi Paroi :lia et les édits de Claude eussent été de son temps pleinement observés. La loi Pétronia, du reste, interdisait seulement certains supplices. Claude ne punissait l'homicide des esclaves que dans un cas déterminé. Antonin le premier assimila d'une manière générale celui qui aurait tué son esclave sans motif, non pas au meurtrier d'un homme libre, mais au meurtrier de l'esclave d'autrui. Gaius, Institut., I, § 53. Esclaves immolés à la magie. Suet., in Ner., 56. Pline, Hist. nat., XXX, 2. Juvénal, V, 551. — aux dieux. Juvénal, XII, 115.

[28] Digeste. Loi 19, § 6, 37, 44, § I, 47, § 1, 65, § 2, de ædilitio edicto (XXI, 1). — 16, § 3 de public. et vectigal. (XXXIX, 4).

[29] Plutarque, in Catone, 5.

[30] Horace, I, Sat. 8 :

. . . Augustis ejecta cadavera cellis

Conservas vili portanda locabat in arca.

[31] Démétrius, l'affranchi de Pompée, qui n'eut pas honte d'être plus riche que Pompée lui-même, se faisait apporter chaque soir, comme à un général, l'effectif de ses esclaves, lui qui aurait dû se trouver riche d'avoir deux vicarii et une cellule un peu plus large. (Senec., de Tranq. animi, 8.) Pedanius Secundus (V. plus bas) avait 460 esclaves dans sa seule maison de Rome. Et Sénèque dit que, si on eût fait porter aux esclaves un costume distinct, on fût resté effrayé du petit nombre des hommes libres. (De Clem., I, 24.)

Une inscription du second siècle parle d'un esclave de l'empereur, payeur du fisc des Gaules pour la province lyonnaise, auquel un tombeau est érigé par ses esclaves à lui (vicarii) au nombre de quinze, parmi lesquels deux secrétaires, deux cuisiniers, un médecin, deux argentarii, deux valets de pied (pedissequi), etc. (Inscr. d'un columbarium découvert en 1852, près de la porte Saint-Sébastien. Desjardins, Latium, etc., p. 97.)

C. Cæcilius Isidorus, simple affranchi sous Auguste, quoique ayant perdu une partie de sa fortune, laisse en mourant 4116 esclaves (Pline, Hist. nat., XXXIII, 47). — Crassus avait coutume de dire qu'on ne mérite pas le nom de riche si l'on n'est en état de lever une armée (Plutarque, in Crasso). Et Trimalcion, dans Pétrone, se fait apporter le registre des naissances qui ont eu lieu dans ses domaines, lequel lui donne pour un jour 60 garçons et 40 filles (Satyricon, 53). Tigellin sortait souvent escorté de 200 esclaves (Horace, Sat., I, 3, V, 11). La loi ne permet pas à un exilé d'emmener avec lui plus de 20 esclaves. —Voyez M. Wallon dans l'ouvrage cité plus haut. Partie II, ch. 2.

[32] Le principe de cette loi était ancien. V. la lettre de Servius. Sulpitius à Cicéron. Famil., IV, 12. — Sous Auguste, le sénatus-consulte Silanianum confirma ce principe (an de Rome 761) ; — il fut encore développé par un sénatus-consulte de l'année suivante (Digeste, 13, ad S.-C. Silanian. (XXIX, 5) ; — par une loi Cornelia, peut-être la loi Cornelia de Sicariis (ibid., 25) ; — par le sénatus-consulte Néronien ou Pisonien (an de J.-C. 58), qui ordonna de comprendre au nombre des esclaves exécutés après le meurtre du mettre les esclaves de sa femme et vice versa, et ceux même qui étaient affranchis par testament. — Droit de suite sur les esclaves vendus. Tacite, Annal., XIII, 32. Paul., III, Sent., V, 5 ; lois 3 et 8, Digeste, ad S.-C. Silanian. — Tous les esclaves qui se trouvaient dans le voisinage devaient être interrogés sur le meurtre du maître ; s'ils ne dénonçaient pas le meurtrier, ils étaient mis à mort. Avant que cette enquête ne fût achevée, on ne devait ni ouvrir le testament, ni prendre possession de l'hérédité, sous peine de dévolution au fisc. (V. Paul., III, Sent., V ; Digeste, ad S.-C. Silanianum. Cod., loi 3, de His quibus ut indignis. Pline, Ép. VIII, 14.) Les jurisconsultes adoucirent un peu la rigueur de ces S.-C.

[33] V. Tacite, Annal., XIV, 42 et suiv.

[34] Joan., XII, 50.