LES CÉSARS JUSQU'À NÉRON

TABLEAU DU MONDE ROMAIN SOUS LES PREMIERS EMPEREURS

LIVRE PREMIER. — DE L'EMPIRE

CHAPITRE PREMIER. — PAIX ROMAINE.

 

 

§ III. — DU DROIT DE CITÉ.

Tandis que, dans la province nouvellement conquise, s'élevaient les murs de la colonie, que la charrue romaine ouvrait le sol barbare, le magistrat de la ville reine avait d'autres devoirs à remplir. Chaque nation, chaque cité, chaque homme, pouvait avoir des droits à la reconnaissance de Rome ou à sa colère : et Rome, exacte dispensatrice des récompenses et des peines, par le code provincial (forma provinciæ), que décrétait son proconsul[1], assignait à chacun sa place, donnait ou retirait aux villes l'indépendance, le droit de cité, la souveraineté sur d'autres villes ; émancipait celle qui avait été sujette, rendait sujette celle qui avait été souveraine ; augmentait ou diminuait le domaine, l'autorité, la puissance des rois : loi suprême, à laquelle Rome seule, si l'avenir lui offrait de nouveaux motifs de rétribution ou de châtiment, pouvait ajouter ou changer quelque chose.

Par cette diversité des conditions, Rome créait des intérêts divers ; une ligue contre sa puissance était moins à craindre. La cité libre et la cité tributaire, le municipe et la ville barbare, la ville jadis souveraine et sa sujette émancipée, les rois et les républiques pouvaient plus difficilement conspirer vers le même but.

Et de plus, Rome tenait à poser les degrés par lesquels on arrivait jusqu'à elle, à constituer l'ordre hiérarchique de son empire, à séparer d'elle, par une gradation de servitude ou de privilèges, les hommes, le sol, la cité. C'est cette hiérarchie qu'il s'agit de connaître.

Ceux que Rome gouvernait étaient ou sujets ou alliés, ou citoyens. Le monde sujet (τό ύπήκοον), le monde allié (τό ένσπονδόν), le monde romain, voilà comment se divise la société que Rome tient sous sa loi.

Au dernier rang était donc le monde sujet, le peuple captif, la ville tributaire, le sol provincial[2] ; en un mot, ceux que Rome avait déclarés déchus de leur liberté. La plupart, après une longue résistance ou une coupable révolte, s'étaient rendus à merci (dedititii), et gardaient, par une grâce singulière de la miséricorde romaine, la possession de leurs biens, la sainteté de leurs temples, la liberté de leurs personnes. Mais leur sol était déclaré propriété du peuple romain, leur bien payait le tribut, leur liberté publique avait été échangée contre le pouvoir du proconsul. Ces peuples, à proprement parler, composaient l'empire.

Mais, par la prépondérance de l'unité romaine, le monde allié commençait à être considéré lui-même comme une portion de l'empire[3]. C'étaient les peuples, les républiques, les princes, qui, tacitement ou formellement, avaient accepté ce vasselage désarmé dont Rome faisait la condition de son alliance (civitates fœderatæ, reges amici, socii). C'étaient aussi les peuples et les cités, jadis tributaires,que Rome, en récompense de leur fidélité, avait affranchis (civitates liberæ, libertate donatæ)[4]. De droit, ils étaient libres : ils envoyaient à Rome leurs députés ; ils ne subissaient point la loi du proconsul ; Rome ne se réservait, je l'ai dit, que le droit de paix et de guerre, la souveraineté extérieure.

En face de Rome, sans doute, cette liberté se rapetissait ; l'antique constitution des peuples se réduisait aux proportions d'une charte municipale ; leurs magistrats étaient des lieutenants de police ; leur aréopage, un hôtel de ville. Mais enfin, l'aréopage existait dans Athènes vaincue ; les villes grecques avaient toujours leur sénat (βουλή) et leurs assemblées populaires (έκκλησία)[5] ; Marseille gardait cette constitution que Cicéron a tant admirée[6]. Certaines cités, Marseille, Mmes, Sparte[7], n'étaient pas seulement libres, mais souveraines ; d'autres villes étaient demeurées sous leur loi. Les ligues sérieuses, les confédérations puissantes avaient été brisées[8] : mais que la Grèce, en souvenir de ses anciennes amphictyonies, se rassemblât à Élis ou à Olympie pour y danser en l'honneur de ses dieux[9] ; que le temple du Panionium réunit tous les peuples de l'Ionie pour des sacrifices ou pour des jeux ; peu importaient à Rome ces innocents souvenirs d'une origine commune ou d'alliances héréditaires. Il y a plus : que les bourgades cariennes, ou les vingt-trois villes de Lycie, rassemblassent leurs députés, non-seulement pour des fêtes et pour des jeux[10], mais pour délibérer sur leurs affaires : pourvu qu'on ne parlât point de paix ou de guerre, ces traces de liberté politique n'inquiétaient pas le libéralisme romain[11]. Rome savait merveilleusement quelle part d'indépendance suffit aux peuples pour qu'ils soient contents, sans être dangereux : et j'ignore si telle ville libre et souveraine dans notre Europe, Cracovie, par exemple (1843), est maîtresse chez elle, autant que pouvaient l'être sous Auguste Rhodes et Cyzique ; si elle a un sénat respecté autant que l'était la curie de Tarragone ou le conseil des six cents à Marseille, un bourgmestre dont la police soit souveraine comme pouvait l'être celle du suffète à Carthage[12] ou celle de l'archonte à Athènes.

Les rois n'étaient pas aussi bien traités : souverains et indépendants au même titre, Rome les voyait avec une défiance toute différente de cet amour presque fraternel qu'elle portait aux libertés républicaines. Sans cesse humiliés, trop heureux de s'abriter sous la toge d'un sénateur, leur patron ; quand par hasard le sénat rémunérait de longs services ou payait de magnifiques présents par l'envoi du sceptre d'ivoire et de la robe prétexte, ils se hâtaient de quitter le diadème et la pourpre pour revêtir ces insignes d'un préteur romain[13]. Antiochus écrit au sénat qu'il a obéi au député de Rome comme il eût obéi à un dieu, et le sénat lui répond qu'il n'a fait que son devoir[14].

Pourquoi cette différence ? Est-ce seulement sympathie républicaine, haine classique de Rome pour les rois ? Non. Mais une république n'était qu'une cité, une ville, un seul point (πόλις, ville, πολετεία, gouvernement) : toute sa force politique résidait dans une étroite enceinte dont Rome pouvait facilement demeurer maitresse. Un royaume, c'était un pays, une plus vaste unité ; son centre politique n'était pas un point du sol ; c'était un homme, une dynastie, une institution. Rome traitait bien la ville parce qu'elle s'en défiait peu ; elle abaissait le royaume parce qu'elle le craignait. Elle était heureuse, quand un royaume lui tombait entre les mains, d'émanciper les peuples, c'est-à-dire de substituer à une monarchie forte vingt petites républiques. C'est ainsi qu'elle affranchit la Cappadoce, qui, au grand étonnement des Romains, ne voulut point de la liberté républicaine, et vint leur demander un roi. Ce que Rome respectait, ce n'est point l'État, mot tout moderne, ce n'est point le pays ; c'est la cité, je dirais presque la commune ; car ce mot parfois, sous la domination romaine, serait la meilleure traduction du mot civitas. Les villages même pouvaient avoir sous son règne quelque ombre de gouvernement et de liberté[15], par cela seul que, sous son règne, il n'y avait ni un grand peuple, ni un grand royaume.

Telle était donc la condition des étrangers, des alliés ; mais parmi eux Rome en distinguait quelques-uns. Les Latins, ses premiers frères, avaient autrefois reçu d'elle avant d'être admis à lm plénitude de la cité romaine[16], une certaine participation au droit civil, le pouvoir d'acquérir, de posséder, de contracter avec un Romain selon la loi romaine[17]. Des colonies latines répandues dans l'empire, des affranchis latins à Roule et dans les provinces, jouissaient encore du même privilège. Et enfin, quand un homme, une cité, un peuple avait bien mérité des Romains, Rome, par la concession du droit de latinité, le rapprochait d'elle-même[18]. Ce droit de latinité était comme le vestibule de la cité romaine ; les portes dès lors étaient ouvertes, l'accès facile ; tout magistrat d'une ville latine devenait de droit citoyen romain[19]. De cette façon l'élite des peuples et des cités de l'empire était successivement admise au droit du Latium ; et à leur tour, les cités, les peuples, les colonies latines, en élisant leurs magistrats annuels, donnaient tous les ans à la cité romaine l'élite de leurs familles. Ainsi les villes latines avaient la gloire de recruter le peuple-roi ; et Mmes citait les sénateurs et les magistrats qu'elle avait donnés à la métropole du monde[20].

Nous arrivons maintenant au monde romain. Dans le monde romain lui-même, il y avait, non pour l'homme, mais pour la cité, des conditions différentes. — La préfecture, bourgade disgraciée, qu'administrait un magistrat envoyé de Rome, n'avait ni son libre gouvernement, ni ses lois, ni son droit civil[21] ; elle était parmi les Romains ce qu'était parmi les étrangers la ville tributaire. — La colonie romaine, au contraire, cette ville que Rome avait fondée à son image, gardait, avec les lois et le droit civil de Rome, son gouvernement et ses magistrats à elle. —Enfin le municipe, .la cité libre et romaine par excellence, possédait et son gouvernement, et ses lois propres, et ses magistrats[22]. La colonie, fille du sang romain, était plus brillante et plus glorieuse ; le municipe, fils d'adoption, était plus indépendant et plus libre[23].

De plus, quand Rome voulait accorder une nouvelle faveur au peuple son allié, après avoir anobli et le citoyen et la cité, elle anoblissait le pays, et déclarait le sol terre italique. Cette terre alors, eût-elle été au bout de l'empire, était réputée sise en Italie. Elle était terre romaine, terre consacrée ; elle ne devait plus d'impôts ; elle était possédée selon le meilleur droit de Rome, transmise avec les formes solennelles des Douze-Tables[24] ; et là, comme en Italie, quatre enfants suffisaient pour assurer au père de famille les récompenses de la loi[25].

Par ces conditions diverses de l'homme, du sol, de la cité, tout s'échelonnait dans l'empire, depuis le barbare des bords du Zuyderzée, qui payait son impôt en cuirs de bœufs[26], jusqu'à Rome, la commune patrie et la capitale du genre humain.

Mais si, dans cette vaste hiérarchie, une condition méritait d'être enviée, c'était celle de la colonie, plus encore peut-être celle du municipe. Libre comme la ville étrangère, privilégiée autant que Rome elle-même, le municipe était une véritable république distincte et séparée au milieu de la grande république romaine[27], vivant par elle-même et par ses lois, affranchie du proconsul et de l'impôt, investie du droit de gouverner et de punir[28], adorant avec les dieux de Rome ses dieux héréditaires. Le municipe retraçait, en général, les formes de la liberté romaine. Il avait, ainsi que Rome, ses magistrats suprêmes (duum viri juri dicundo)[29], appelés quelquefois préteurs, dictateurs, peut-être même consuls[30] ; — son sénat de cent décurions[31], que Cicéron ne craint pas de nommer Pères conscrits, ordre très-noble, très-saint, très-respectable[32] ; — ses censeurs (duumviri quinquennales)[33] ; plus tard ses tribuns (defensores civitatis) ; — ses chevaliers, dont nous voyons encore les places marquées dans les amphithéâtres[34] ; — son peuple, législateur[35], électeur[36], factieux, turbulent, ayant la joie des comices, celle des jeux, celle des émeutes, et dont on achète les suffrages par des spectacles. Cicéron nous parle des querelles parlementaires d'Arpinum, où son aïeul lutta sur la question du scrutin secret contre l'aïeul de Marius[37]. Pourvu que le sang ne coule pas, Rome se gardera d'intervenir[38]. Ainsi, l'habitait du municipe, ce citoyen romain vivant selon les lois qui lui sont propres, appartient à la fois à une double patrie, au municipe par sa naissance, à Rome par le droit[39]. Dans l'une et dans l'autre, le chemin des honneurs lui est ouvert[40] ; dans l'une et l'autre, il jouit de toute son indépendance et de tous ses droits.

Il y a plus ; sous les empereurs, la liberté du municipe, moins redoutable que celle de Rome, fut plus respectée. Tandis que la loi de Rome n'était guère que le caprice de César, les jurisconsultes nommaient et reconnaissaient la loi du municipe[41]. Quand Rome n'avait plus de comices, on s'agitait encore aux élections de Naples et de Pouzzoles[42]. A Rome, un Lentulus ou un Crassus, trop pauvre ou trop suspect, n'eût osé bâtir un portique ni construire un théâtre[43] : à Pompéi, les Holconius et les Arrius, patriciens de village, élevaient les temples, bâtissaient des cirques, et ne demandaient pour récompense qu'une place parmi les décurions. A Rome, César était le seul héros, comme il était le seul électeur : mais à Herculanum et à Pompéi, dans le théâtre et dans le Forum, s'élevaient les images des Nonius, des Cerrinius, grands citoyens, gloires de province, héros obscurs, que leur obscurité sauvait de la jalousie de César[44].

Remarquons une dernière fois l'analogie des institutions militaires et de la constitution civile de Rome. Autour de l'armée romaine voltigent les cohortes étrangères, le cavalier numide, l'archer crétois, le frondeur des fies Baléares, milice irrégulière, soldats sans discipline, que Rome appelle, qu'elle renvoie, dont elle augmente d'un jour à l'autre ou diminue le nombre[45]. Leurs armes ne sont pas consacrées par la religion, ni légitimées par le serment ; ils n'ont point de place marquée dans le camp romain, point de rang déterminé au champ de bataille ; le général les jette sur ses ailes, les dissémine en éclaireurs, les disperse au loin entre les rangs de la légion.

La légion, au contraire, c'est toujours Rome militante ; c'est la milice romaine par excellence, avec tout œ que l'esprit romain a de régulier, de permanent, de hiérarchique, de religieux. Autorisée par les augures, consacrée par les sacrifices, elle garde au milieu de son camp solennellement orienté, le tribunal et l'autel, le signe du commandement et celui de la religion. Elle a ses rangs marqués au champ de bataille, et cette triple ligne de hastati, de princes et de triaires, inébranlable infanterie (robur peditum), rempart humain, contre lequel le monde s'est brisé. Le serment est le lien de la légion ; nul ne devient soldat que par le serment[46], sans lequel il ne peut tuer légalement, et sans lequel chacun de ses hauts faits serait un meurtre.

La légion est donc, comme Rome, une cité régulière, où tous les rangs sont fixés, depuis le dernier des hastati jusqu'au tribun ; — comme Rome, une cité progressive, où le dernier conscrit peut arriver de grade en grade au rang de primipile et à l'anneau de chevalier ; — comme Rome, enfin, une cité permanente : les soldats changent, la légion reste. Son nom, ses souvenirs, son glorieux surnom[47], son emblème[48], son histoire, demeurent. Ses campements eux-mêmes sont pour des siècles. Le soldat la connaît et il l'aime ; il l'aime comme une de ces mères sabines, austères et dures, qui imposaient de rudes fardeaux aux épaules de leurs fils. Il l'aime, parce qu'avec elle il a vécu, combattu, souffert vingt ans ; parce que, privé, pendant vingt ans, des joies de la famille et du mariage, il a fait sa famille de la légion[49]. L'aigle, le symbole et le dieu de la légion[50], l'aigle a son culte et ses autels, patrimoine révéré que se sont passé l'une à l'autre plusieurs générations de soldats.

L'Espagnol ou le Gaulois, si la gloire militaire lui sourit peu, se laissera donc enrôler dans sa milice nationale, sera pendant quelques années, à titre d'auxiliaire, conduit à la suite de la légion romaine ; puis, sa dette acquittée,. reviendra cultiver son champ et payer comme auparavant le tribut au publicain. Mais si l'honneur le touche davantage, il comprendra que l'honneur ne s'acquiert que sous les drapeaux de la cité romaine. Il tâchera d'entrer dans la légion pour devenir Romain, ou d'être Romain pour avoir place dans la légion. Ainsi la force, le courage, l'ambition guerrière, que Rome devrait redouter chez ses sujets, elle sait les tourner à son profit. La nation étrangère, déshabituée de la milice, s'affaiblit de tout ce qui accroit la force de Rome, et bientôt il n'y aura plus au monde de patriotisme et de vaillance que la vaillance et le patriotisme romains.

Ainsi, soit dans la milice, soit dans l'empire, l'allié, l'auxiliaire, l'étranger, nous apparaît avec sa diversité, sa bigarrure, son indépendance ; Rome, avec son esprit d'ordre, de régularité, de permanence. L'unité, la perpétuité, la loi n'est qu'en elle ; elle seule est centre ; vers elle doit marcher qui veut parvenir. Le soldat provincial, le sénateur de Marseille ou de Cordoue, le commerçant enrichi qui veut mettre sa fortune à l'abri des exactions du proconsul, le rhéteur qui veut briller sur un plus grand théâtre, l'homme, en un mot, qui veut être quelque chose, je ne dirai pas dans Rome, mais dans la dernière des colonies, tâche de conquérir ou d'acheter la cité romaine. Vers Rome converge tout ce qu'il y a d'ambition, de talent, de ressource, d'énergie[51]. Rome est le grand but. Cette liberté, cette dignité romaine, l'Italie a combattu soixante ans pour les obtenir (663). La Gaule Cisalpine et quelques villes[52] hors de l'Italie seules les ont acquises avant la fin de la république. Le reste du monde lutte pour y arriver. Le monde qui a renoncé à être autre chose que Romain veut être Romain le plus possible. Lois, libertés, privilèges, droits politiques et civils, c'est à Rome qu'il demande tout cela ; c'est en communauté avec Rome que tout cela peut avoir quelque prix.

Mais Rome à son tour, quand elle a revêtu de sa toge l'Espagnol ou le Gaulois, acquiert sur lui une autorité nouvelle. A cet homme qu'elle a grandi elle impose de nouveaux devoirs, ceux de la dignité, de la piété, du patriotisme romains. Qu'il rende son hommage aux dieux de Rome ; qu'il s'éloigne des autels sanguinaires que Rome a condamnés ; Auguste interdit à tout citoyen romain de prendre part au culte druidique[53]. Qu'il se garde d'ignorer la langue de sa nouvelle patrie ; Claude a dégradé un citoyen qui ne parlait pas la langue latine[54]. Qu'il se garde enfin d'en dépouiller le costume et de reprendre l'habit barbare. Qu'il chérisse, Rome le lui permet, son ancienne patrie ; mais qu'il se rappelle que sa patrie nouvelle est plus auguste et plus grande, et que le municipe, cette étroite cité, n'est qu'une portion de l'empire, commune cité des nations[55]. En un mot, Rome lui impose, en échange de tout ce qu'il reçoit d'elle, son culte, son costume, sa loi, ses mœurs. Elle l'a conduit par la civilisation à vouloir et à conquérir le droit de cité ; elle le conduit, en vertu du droit de cité qu'il a reçu, à recevoir en toute chose la loi de sa civilisation.

En tout ceci, où est la force ? où est le commandement ? où est le souvenir de l'origine militaire du pouvoir romain ? Comment ce qui était un monde est-il devenu une seule cité ? Comment Rome a-t-elle su donner une même patrie à tant de peuples divers[56] ? C'est qu'elle agit comme centre et non comme force, par l'attraction plus que par la contrainte. Elle a eu bon marché des nationalités en les respectant, et pour ne pas avoir obligé le monde à venir à elle, elle a vu le monde la forcer presque à le recevoir[57].

Telle a été la politique romaine. Avais-je tort de dire que la notion du pouvoir était tout autre pour Rome que pour nous. En voici, ce me semble, une preuve remarquable. Si dans le sein d'une nation moderne une révolte était près d'éclater, que dirait-on pour faire comprendre au sujet rebelle toute l'imprudence de son entreprise ? On lui parlerait sans doute de la puissance du souverain, du nombre de ses régiments, de l'immensité de ses flottes. — Les Juifs sont prêts à se soulever contre Rome ; Agrippa veut les arrêter ; est-ce là ce qu'il va leur dire ? Tout au contraire : Voyez ce peuple romain, leur dit-il. Il est presque sans armes, et le monde lui obéit. Il n'a de soldats que contre les barbares. Ses troupes sont au loin dans les montagnes et les déserts ; les pays civilisés lui restent soumis par la certitude de sa grandeur. Le Parthe même lui envoie des otages. Si vous vous révoltez contre le peuple romain, son épée sortira du fourreau, et c'est Rome armée que vous aurez à combattre quand Rome désarmée fait trembler le monde. Soumettez-vous à Rome ; Dieu est pour elle. Sans le secours de Dieu eût-elle vaincu le monde, et tant de nations belliqueuses eussent-elles pu subir son joug ? Sans le secours de Dieu gouvernerait-elle le monde, auquel il n'est pas même besoin qu'elle montre l'armure de ses soldats ? Étrange pouvoir que l'on rendait redoutable en rappelant l'exiguïté de ses forces matérielles[58] !

 

 

 



[1] C'est ce qu'on appelait proprement réduire en province.

Ainsi la Sicile, organisée une première fois par Marcellus (Tite-Live, XXV, 40), le fut de nouveau en 648 de R. après les guerres serviles. (Cicéron, in Verr., II, 13. Valère Max., VI, 9, § 8.) On y reconnut dix-sept villes ou peuples tributaires, trois villes alliées, cinq villes libres et exemptes d'impôts. Cicéron, in Verr., IV, 65 ; V, 22.

Ainsi encore, lorsqu'en 730 la Ligurie fut réduite en province, plusieurs de ses habitants furent soumis à l'autorité des préfets ; d'autres furent libres (αύτονόμοι) ; quelques-uns eurent les droits du Latium (Ίταλιώται) ; d'autres eurent des gouverneurs spéciaux et furent constitués en préfectures. (V. plus bas.) Strabon, IV.

Ainsi, en Grèce, Auguste affranchit 24 cités qui avaient été soumises à Sparte ; rend également Messène indépendante, puis la défavorise parce qu'elle a suivi le parti d'Antoine ; laisse Patra seule libre dans toute l'Achaïe, repeuple certaines villes. Pausanias, III, 21 ; IV, 1, 31 ; VII, 22 ; VIII, 7 ; X, 38.

César organise les provinces de Syrie, de Cilicie et d'Asie (de Bello Alex., 65) ; laisse libre Antioche, Tarse, Laodicée, Éphèse, Aphrodise, Stratonice (Appien, de Bel. civ., V), Ilion (Strabon, XIII. Tacite, Annal., III, 62). Il s'arrête dans toutes les villes principales, récompense celles qui avaient bien mérité ; décide les contestations ; reçoit les rois, tyrans et dynastes voisins, leur impose des conditions d'alliance ; appelle à Tarse les députés de toute la Cilicie et y règle les affaires de cette province. B. A., 66, 67.

Gabinius, et après lui Pompée, organisèrent la Judée, la partagèrent en cinq conventus (Jérusalem, Gadara, Amath, Jéricho, Séphora). Pompée rendit Jérusalem tributaire, émancipa les villes ses sujettes, déclara libres Gaza, Joppé, etc. Josèphe, Antiq., XIV, 10, 13.

[2] Stipendiarius, tributarius, vectigalis.

[3] Cicéron met sur la même ligne : Omnes provinciæ, omnia regna, omnes libers civitates. In Verr., III, 89 ; V, 65 ; pro Dejotaro, 5. Le Rationarium d'Auguste comprenait les rois alliés. Tacite, Annal., I, 11 ; mais ils ne faisaient pas partie de la province. Dion, XLIII. V. aussi Suet., in Vespas., 8. Quant aux rois, Auguste, dit Suétone, ne les traita pas autrement que comme membres et portions de l'empire. In Aug., 48.

[4] Voici quelques-unes de ces concessions de liberté : Quelques cantons de l'Illyrie sous la république (Tite-Live, XLV, 26). — Rhodes (Justin, XLIII). — Marseille, et Leptis en Afrique (César, B. A., 7). — Plusieurs villes d'Asie, après la défaite de Mithridate (Cicéron, Tacite, Appien). — Mitylène rendue libre par Pompée (Velleius, II, 8. Plutarque, in Pomp.). — Les Thessaliens par César (Appien, de Bell. civ., II). — Une loi Julia (de César, an 693) confirma toutes les concessions pareilles faites à différents peuples.(Cicéron, in Pisone, 16, 36.) — Tarse, Laodicée, Plarasa, Aphrodise et Stratonice, en Carie, déclarées libres par César, Antoine et Auguste. (Pline, Hist. nat., IV, 29. Tac., Annal., III, 62. S.-C., rapporté par Chishull d'après une inscription.) — Quant aux concessions faites depuis César, V. plus bas.

[5] Pline, Ép., X, 3, 85, 115. Cicéron, in Verr., II, 21.

[6] Pro Flacco, 26. Cæsar, B. A., 7.

[7] Villes μητροπόλεις, πρωταί, ναυάρχοι : Marseille gouvernait ses colonies, Athénopolis, Olbia, Tauroentum, Nice. — Nîmes était souveraine de 24 bourgs latins, dont l'un était Beaucaire (Ugernum). — Alexandrie de Troade avait six villes incorporées à elle, et dont le territoire lui appartenait. Strabon, XIII. — Sparte gouvernait toute la Laconie, excepté 24 villes qu'Auguste lui avait retirées. Strabon, VIII. Pausanias, III, 21. — Cyzique, lorsqu'elle était libre, gouvernait aussi plusieurs villes. Strabon. - Patra de même. Pausanias, VII, 32 ; VIII, 37 ; X, 38. — Villes données à d'autres villes. Dion, LIV, 7 ; LXIX, 16. Pausanias, III, 16. Pline. Hist. nat., III. — V. dans Eckhel les monnaies des métropoles.

[8] Ainsi avait cessé la grande assemblée amphictyonique d'Argos, Lacédémone et Athènes à Caloré. Strabon, VIII, 6. Pausanias, X, 8.

[9] Restes de la ligue des Achéens. Pausanias, V, 12 ; VII, 14 ; — des Béotiens, IX, 31 (et les inscriptions) ; — des Phocéens, X, 5 ; — de la ligue amphictyonique, VII, 24 ; X, 8 (et les inscriptions).

[10] Strabon, XIV. Il y avait des Asiarques, Bithyniarques, Cappadociarques, chefs de ces réunions. V. Dig., 6, § 14, de Excusat., (XXVII, I) ; Cod., I, de Naturalib. liberis (V, 27). Les peuples et villes ainsi réunis aux mêmes fêtes s'appelaient κοΐνον. Dig., 37 de Judiciis (V, 1) ; 5, § 1, ad Legem Juliam de vi (XLVIII, 6) ; 1, § 1, 25, de Appellat. (XLIX, 1), et de nombreuses monnaies portant KOINON ΑΣΙΑΣ ΠΑΝΙΩΝΙΟΝ, ΚΡΠΤΩΝ, etc... (Eckhel.)

[11] Strabon.

[12] Des magistratures électives dans les municipes d'Afrique. Cod. Théod., Quemadmod. muner.

[13] V. leurs médailles, et, de plus — Beaufort, République romaine, VII. Nulle part, peut-être, les distinctions des sujets romains n'avaient été mieux expliquées.

[14] Tite-Live, XLV, 13. — La loi déclare coupable de lèse-majesté celui par la faute duquel le roi d'une nation étrangère se serait montré peu obéissant envers le peuple romain. Scævola, Dig., 4, ad Leg Jul. Majest. (XLVIII, 4).

[15] Præfecturæ eæ appellabantur in Italia in quibus et jus dicebatur et nundinæ agehautur et erat quædam earum respublica. Neque tamen magistratus suos habebant, in quas legibus præfecti mittebantur quotannis. (Festus, v° Præfecturm.) — Sed ex vicis partim habent rempublicam et jus dicitur, partira nihil eorum, et tamen ibi magistri vici, item magistri pagi quotannis fiunt. (Id., v° Vici.)

[16] En 663, par la loi Julia. Asconius, in Pisone, 2. Florus, III, 21.

[17] C'est ce qu'on appelait commercium. Gaius, I, 79. Ulpien, V, § 4. V. aussi XI, 16 ; XIX, 4 ; XX, 8 ; XXII, 3. — Autres droits des Latins : nexus, mancipium, annalis exceptio.

[18] Le droit de latinité fut accordé, par Pompeius Strabo, en 665, aux habitants de la Gaule Transpadane (Asconius, in Pison., 2. Strabon. V) ; — par César, à plusieurs villes de Sicile (Cicéron, Attic., XIV, 12. Pline, Hist. nat., III, 14) ; — par Auguste, à beaucoup de villes de Gaule ou d'Espagne (Strabon, III, IV. Pline, Hist. nat., III, 3, 4, 5 ; IV, 35), à quelques peuples de la Ligurie et des Alpes Cottiennes (Pline, ibid., III, 20. Strabon, V) ; — par Néron (an 64), aux six peuples des Alpes maritimes (Tacite, Annal., XV, 32. Pline, ibid., III, 24) ; — par Vespasien, à toute l'Espagne (Pline, ibid., III). — Villes ou colonies latines dans la Gaule (Pline, ibid., III, 5), en Espagne (III, 3, 4 ; IV, 35), dans les Alpes, en Afrique, etc. Id., passim.

[19] Cette loi existait dès l'an 664 de Rome. Asconius, in Pisone, 2. Appien, de Bell. civ., II, 26. Pline, Panégnr., 37. Caïus, Instit., I, 96. Strabon, IV. — Sur les autres moyens d'arriver de la Latinité au droit de cité, au temps de l'empire V. tome II ; — au temps de la république : par le cens (Tite-Live, XLI, 8) ; en changeant son domicile pour se transporter à Rome, pourvu qu'on laissât un fils dans la ville latine (Tite-Live, XXXIX, 3. Cicéron, pro Archia, 5) ; par une dénonciation vérifiée contre un magistrat romain coupable de malversation (Cicéron, pro Balbo, 23). Sur les droits des villes latines, V. les lois nouvellement découvertes des deux cités de Salpensa et Malaca, publiées par M. Giraud, 1855. Herzen, 7421.

[20] Strabon.

[21] V. ci-dessus, la définition de Festus.

[22] Les habitants des municipes sont défiais : Cives Rom. legibus suis et suo jure utentes. (Gellius, XIV, 13.)

[23] Quæ conditio (coloniarum) cum sit magis obnoxia et minus libera, propter amplitudinem tamen et potestatem Pop. Rom. potior et preastabilior existimatur. (Id., ibid.)

[24] Dig. 8, de Censibus (L, 15). Ulpien, Reg., XIX, 1. Instit., II, 6, de Usucap. — Villes revêtues du droit italique : en Espagne (Pline, III, 3) ; en Illyrie (III, 21). D'autres sont citées 1, 2, 6, 7, 8, 10, 11. Dig., de Censibus, et les inscriptions portant CIVES ROM. IVRIS ITALICI.

[25] V. les récompenses accordées par les lois d'Auguste au père de trois enfants à Rome, de quatre en Italie, de cinq dans les provinces.

[26] Tacite, Annal., IV, 72.

[27] Municipes qui ea conditione cives Romani fuissent ut semper rempublicam a populo Romano separatam haberent. (Festus, Municipes.) — Le municipe était res publica : Hi qui rempublicam gerunt, dit Ulpien, Dig., 5, de Legatis (XXXII). Mêmes expressions : Dig., 2, ad Municip. (L, 1) ; 8, 14, de Muneribus (L, 4). Pline, Ép., V, 7, et alibi passim.

[28] Tabulæ Herac. pars altera, lin. 15. (Orelli, 3115.) Velleius Paterculus, II, 19. Appien, de Bell. civ., IV, 28.

[29] II VIR. I. D. Voyez les inscriptions de Pompéi. — Quelquefois quatuor viri ou seviri. Cicéron, pro Cluentio, 8 ; Attic., X, 13 ; Fam., XIII, 76. — Demarchus (à Naples). — Suffete (à Carthage). — Ailleurs, Magister.

[30] Préteurs à Capoue. Cicéron, in Rull., II, 34. — Dictateurs à Lanuvium. Pro Milone, 10. — Édiles à Arpinum. Fam., XIII, 2. — Consul à Pise (?) Orelli 3775, 3778.

[31] Ordinairement. V. Cicéron, in Rull., II, 25, et les inscriptions. V. aussi Cicéron, pro Roscio Amer., 9. — L'ordre des duumvirs est appelé parfois sénat : SENATVS POPVLVSQVE TIBVRS, TIMILIGENSIS, LAVRENS. Inscrip., Orelli 3728. — Ailleurs : EX S(senatus) C(onsulto), 3730.

Ils sont appelés quelquefois centumviri. Id., 3737, 3738.

[32] Cicéron, pro Cœlio, 2. Un cens était exigé comme à Rome. A Côme, 100.000 sesterces (25.000 fr.) Pline, Ép., I, 19.

[33] V. les médailles. Spart., in Hadrian., 19. Tabulæ Herac. Ils avaient quelquefois les faisceaux.

[34] V. les amphithéâtres de Pompéi, Nîmes, etc. Il y avait un ordre de chevaliers à Pouzzoles, Teanum, Nucérie ; à Cadix, ils avaient quatorze bancs, comme à Rome. Cicéron, Fam., II, 32. Equiti arretino, florentino, etc. Inscr. Orelli 3713.

[35] Cicéron, de Leqibus, II, 1, 16.

[36] Cicéron, pro Cluentio, 8 ; Lex tabulæ Herac.

[37] De Legibus, III, 16.

[38] Intervention du sénat dans les querelles de Pompéi et de Nucérie. Tacite, Annal., XIV , 17.

[39] V. Aulu-Gelle, cité plus haut. — Omnibus municipibus duas esse censeo patrias, unam naturæ, alteram civitatis ; ut ille Cato, cum esset Tusculi natus, in Populi Rom. civitatem receptus est ; ita cum ortu Tusculanus esset, civitate Romanus, habuit alteram loci patriam, alteram juris. (Cicéron, de Legibus, II, 2.)

[40] On pouvait exercer des charges à Rome en même temps que dans le municipe. Cicéron, pro Milone, 10 ; pro Cœlio, 2.

[41] Lex municipalis. Scævola, Dig., 6, de Decrelis ab ord. fac. (L, 9). Ulpien, 3. Ibid., I, de Albo scrib. (L, 3). Modestin., 11, de Munerib. (L, 4).

[42] Sur les élections des municipes, V. Cicéron, pro Cluentio, 8 ; Lex tabulæ Herac. — In Urbe hodie cessat lex (ambitus) quia ad curam principis magistratnum creatio pertinet... Quod si in municipio contra hanc legem, magistratum aut sacerdotium petierit, per S.-C. 100 aureis cum infamia punitur. (Modestin., Dig., I, ad Legem Juliam amb. (XLVIII, 14). — Sur les intrigues électorales des municipes, V. Tertullien, de Pœnitentia, 12 ; de Pallio, 8 ; Cod. Just., loi 51, de Decurion. (X, 31).

[43] Etiam tum in more erat publica munificentia, dit Tacite (Annal., III, 72) en parlant du temps de Tibère. Ainsi, elle a cessé depuis.

[44] Inscription du temple d'Isis, à Pompéi :

N. POPIDIVS N. F. CELSINVS

ÆDEM. ISIDIS. TERRÆ. MOTV. CONLAPSAM

A. FVNDAMENTO P. S. (pecunia sua) RESTITVIT

HVNC. DECVRIONES. OB. LIBERALITATEM

CVM. ESSET. ANNORVM. SEXS.

ORDINI. SVO. GRATIS. ADLEGERVNT.

Inscriptions de Pompéi :

L. SEPVNIVS. L. F. SANTILIANVS

M. HERENNIVS A. F. EPIDIANVS

DVO. VIR. I. D. SCOL. ET HOROL (scolam et horologium)

D. S. P. F. C. (de sua pecunia facienda curaverunt).

Inscription du tombeau de Scaurus, à Pompéi :

. . . . SCAVRO

II VIR. I. D.

DECVRIONES. LOCVM MONVM

CXC CXC IN FVNERE. ET STATVAM EQVESTREM

ORO. PONENDAM. CENSVERVNT.

Inscription trouvée à Pompéi, non loin des fragments d'une statue équestre :

M. LVCRETIO. DECIDIANO

RVFO II VIR. III. QVINQ.

PRÆF. FABR. EX D. D. (decurionum decreto)

POST MORTES.

V. encore sur ces munificences : à Herculanum et à Pompéi, les statues et les inscriptions de Nonius ; — inscriptions qui accordent une statue ou un siège d'honneur (bisellium), ou un lieu de sépulture ou d'autres hommages en récompense de services rendus ou d'actés de libéralité. Gruter, 354, 404, 484, 496. Marini, Atta dei fr. Arval., 576. Orelli, 3994. 4034-4051, etc. Concession d'hospilium par les villes. Henzen, 6413. Orelli, 3056-3057.

Inscription de Véies (de l'an 26 après J.-C.). accordant à C. Julius Gelos, affranchi d'Auguste, à cause des services qu'il a rendus au municipe et des jeux qu'il a fait célébrer, par son fils, le titre d'Augustal, un bisellium (siège d'honneur) dans les spectacles, une place dans les festins publics avec les centumvirs, exemption d'impôts... Orelli, 4046.

[45] Et apud idonea provinciarum sociæ triremes alæque et auxilia cohortium, neque multo secus in eis virium ; sed persequi incertum fuerit, cum ex usu temporis, huc illuc mearent, gliscerent numero, et uliquando minuerentur. (Tacite, Annal., IV, 5.)

[46] Primum militiæ vinculum est religio et signorum amor et deserendi nefas. (Senec., Ép. 95.)

[47] Adjutrix, pia, fidelis, victrix, fulminatrix, rapax, etc.

[48] Ainsi l'alouette (alauda) pour la fameuse légion de César.

[49] Tite-Live, XLIII, 34. Dion, LX, 24. Tacite, Annal., III, 33 ; XIV, 27. — Le mariage n'était pas interdit au soldat, mais il ne pouvait conduire sa femme avec lui. V. 61, Dig., de Donation. inter vir. et uxor. (XXIV , I).

[50] Propria legionum numina. (Tacite, Annal., II, 17.)

[51] Additis provinciarum validissimis fesso imperio subventum. (Tacite, Annal., XI, 23.) Et le rhéteur Aristides : Vous avez fait citoyens et admis dans votre nation les plus distingués, les plus nobles, les plus puissants d'entre vos sujets... Dans chaque cité, un grand nombre d'hommes appartiennent à votre race plutôt qu'à celle dont ils sont sortis ; beaucoup de ces Romains n'ont jamais vu Rome. Et cependant vous n'avez pas besoin de garnison pour conserver les villes sous votre obéissance, parce que dans chaque ville les citoyens les plus puissants vous appartiennent et vous gardent leur propre cité... Il n'y a pas de jalousie dans votre empire. Vous avez proposé tout à tous, etc. De Urbe Roma.

[52] En 665 (Asconius, in Pisone), 702 (Dion, XLI, 24 ; XLIII, 39. Tite-Live, Ép. 110) et 705 (Dion). — Cadix et plusieurs autres villes espagnoles sous la dictature de César. Tite-Live, Ép. 110. Dion, XLI, 24 ; XLIII, 39. — Je ne parle pas des concessions d'Antoine qui, pour la plupart, furent révoquées par Auguste.

[53] Suet , in Claud., 25.

[54] Suet., in Claud., 43.

[55] Roma illa una patria communis. (Cicéron, de Legib., II, 2.) Roma communis patria nostra est. (Modestinus, Dig., liv. XXXIII, ad Municip.) — Nous appelons donc également notre patrie et la cité où nous sommes nés et celle qui nous a recueillis dans son sein. Notre amour doit nécessairement s'attacher davantage à celle qui est la cité universelle, pour laquelle nous devons mourir, à qui nous nous devons tout entiers, à qui nous devons donner et consacrer tout ce qui est à nous. Mais à son tour celle qui nous a enfantés n'est guère moins douce à notre cœur que celle qui nous a accueillis, et je ne nierai jamais qu'Arpinum ne soit ma patrie, tout en reconnaissant que Rome est la grande patrie dans laquelle mon autre patrie est contenue. Cicéron, Ibid.

[56] Fecisti patriam diversis gentibus unam ;

Profuit injustis te dominante capi,

Dumque offers vietis proprii consortia juris,

Urbem fecisti qui prius orbis erat.

(RUTILIUS.)

Breviterque una cunctarum gentium in toto orbe patria fieret. (Pline, Hist. nat., III, 5.)

[57] Hæc est in gremium victos quæ sola recepit

Humanumque genus communi nomine fovit,

Matris, non dominæ ritu, civesque vocavit

Quos domuit, nexuque pio longinqua revinxit.

(CLAUDIAN.)

Rome, dit Aristide, est au milieu du monde entier comme une métropole au milieu de sa province... De même que la mer reçoit tous les fleuves, elle reçoit dans son sein les hommes qui lui arrivent du sein de tous les peuples... De Orbe Roma.

[58] V. tout le discours d'Agrippa dans Josèphe, de Bello, II, 16.