LA RÉGENCE GALANTE

 

VI. — LE BEAU JOHN LAW.

 

 

Portrait physique et moral de John Law. — Les aventures du huguenot. — Gains au jeu. — Ses plans de finances. — Noailles, Daguesseau, d'Argenson. — Banque particulière ; succès. — Compagnie d'Occident. — Lutte avec le parlement. — Conseil nocturne. — Banque royale. — Compagnie des Indes. — Encore le petit conseil. — Le Mississipi et la Louisiane. — Estampes. — Enthousiasme général. — Law dans son hôtel. — Proverbe.

 

Si John Law de Lauriston eût été, laid, déjà vieux, pédant, bourré de chiffres seulement, simple faiseur de balances financières, sans nul doute le Régent et ses amis n'eussent pas même voulu entendre parler de ses projets, et l'eussent éconduit, comme avaient fait le roi de Savoie et l'empereur d'Allemagne.

Mais cet Écossais, grand-père du général marquis de Lauriston, militaire et diplomate distingué sous l'empereur Napoléon Ier, était un don Juan d'affaires, pourvu de charmes irrésistibles, surtout aux yeux des courtisans et des belles dames de son temps. Quoiqu'il eût quelque chose d'étrange dans son maintien, dans ses expressions et dans son accent, ou peut-être à cause de cela, il produisait de l'effet.

Il avait la beauté physique, rehaussée par l'esprit, par une éducation soignée, par la grâce séduisante et par cette active éloquence, pleine de clavé et de netteté, qui pénètre les âmes abâtardies et paresseuses. Il excellait dans tous les exercices du corps, et jouait, merveilleusement de la paume. Enfin, il était passionné, joueur et prodigue : c'étaient là d'immenses qualités pour un contemporain de la Régence.

On citait ses aventures de jeunesse, ses gains considérables, ses dépenses plus considérables encore, ses dettes payées par Jeanne Campbell sa mère, ses succès auprès des femmes de l'Écosse où il était né en avril 1671, son audacieux caractère, ses voyages, ses écrits sur la finance.

Un duel, que lui avait valu l'amour d'une jeune dame, et dans lequel il avait tué son adversaire gentilhomme, l'avait fait condamner à mort, à Londres, et le gracieux libertin s'était échappé pour passer en Hollande.

Dès 1708, il était venu en France, à Paris, et Nicolas Desmaretz, le neveu de Colbert, avait accueilli un grand projet de banque organisée par John Law, qui, en cas d'insuccès, avait offert cinq cent mille francs pour les pauvres. Mais Louis XIV n'avait pas voulu entendre seulement parler des plans de cet aventurier huguenot.

Que faire alors dans Paris John Law y avait joué beaucoup, et, grâce à ses calculs appliqués au jeu, il avait gagné des sommes incroyables. Il jetait le pharaon chez la célèbre courtisane Duclos, chez laquelle il entrait avec cent mille livres dans sa poche : pour arriver à compter plus vite, il avait fait fabriquer des jetons en or de dix-huit louis.

Les bruits assuraient qu'il avait amené avec lui une femme qu'on disait être la femme d'un autre, et enlevée en Angleterre.

Il étalait un si grand luxe, il gagnait de si fortes sommes aux seigneurs de la cour, qu'on suspecta le brillant étranger, et que d'Argenson, alors lieutenant de police, lui fit signifier de quitter Paris sous vingt-quatre heures.

Notre charmant cavalier s'était dirigé vers l'Italie, et avait gagné au jeu, soit à Gênes, soit à Venise. A Turin, il avait prêté de l'argent au célèbre Vendôme ; de plus, toujours appliqué, à ses calculs, même au milieu des plaisirs, il avait fait présenter ses plans de finance à Victor-Amédée, qui n'était pas assez puissant pour se ruiner.

A la mort de Louis XIV, notre financier d'imagination féconde avait entretenu immédiatement le Régent de l'organisation du crédit. La fortune du riche Écossais, se montant à 1.600.000 francs (à 28 fr. le marc), était passée en France, que Law choisissait pour patrie adoptive.

Mais le Régent, en 1715, avait reculé devant les plans du beau financier ; il espérait sauver la situation avec Noailles.

John Law présentait d'ailleurs des moyens trop radicaux, tant sur les monnaies que sur les banques. Et puis, il s'élevait contre l'accroissement du luxe en France, contre les dépenses excessives, contre la grande illégalité des biens. Cela sentait trop son réformateur. Mieux valait encore se livrer aux expédients, et ne pas accepter les projets d'un homme dont le parlement redoutait les actes, dont les combinaisons avaient été regardées comme de l'improbité sept ans auparavant.

Loin de se rebuter, l'Écossais se lia avec des gens influents auxquels il ouvrit son âme, et il se rapprocha de l'abbé Du bois, dont il devenait la ressource secrète. Dubois le favorisa, pour flatter le Régent et porter indirectement des bottes à Noailles qu'il voulait perdre.

Dans la situation extrême où depuis longtemps se trouvaient les finances, Law comprenait bien que, tôt ou tard, le duc de Noailles serait écarté il travailla à le déconsidérer auprès de personnages considérables des conseils, et lin beau jour le Régent, importuné des entraves amoncelées contre le financier novateur, essaya de rapprocher Law, el Noailles ; afin de savoir au moins les raisons de l'un et de l'autre.

Pour y travailler sans distraction, mec plus d'application et de loisir, le duc d'Orléans décida d'aller passer avec eux toute une après-midi dans la maison de la Roquette, appartenant à Noailles, située au faubourg Saint-Antoine et entourée de vastes jardins.

Law se rendit de bonne heure, avec le chancelier Daguesseau, à la Hoquette. La séance y fut longue et appliquée de tous côtés, écrit Saint-Simon ; mais elle fut l'extrême-onction des deux amis — Noailles et Daguesseau —. Le Régent prétendit n'avoir trouvé que mauvaise foi dans le duc de Noailles, aheurtement aveugle dans le chancelier esclave de toutes formes contre des raisons péremptoires et les ressources évidentes de Law. L'éloquence de l'Écossais persuada le Régent. Il gagna la bataille, — et Noailles paya la carte, en donnant à souper.

Ce fut le 6 janvier 1713. Vingt-deux jours après, Daguesseau perdait les sceaux et était exilé à Fresnes, et Noailles perdait la direction des finances.

Leur remplaçant cumulait le contrôle général et les sceaux. D'Argenson occupait cette double position.

On le voit, le génie de Law avait été è peu près méconnu jusqu'a la chute du duc de Noailles, à l'époque où nous en sommes, les finances, malades, se donnèrent à l'empirique. L'emplâtre était préparé ; d'Argenson, ou plutôt le Régent la gardait comme ressource suprême. On l'appliqua en 1718. Law obtint presque libre carrière ; il marcha de l'avant, aux applaudissements des roués et des galantes.

L'État devint banquier, el le papier succéda au numéraire ; l'État devint commerçant, et reçut tous les effets commerçables du royaume. De la sorte, on rembourserait la dette publique avec des actions de la Compagnie générale ; plus tard môme, on abolirait les impôts, car l'État pourrait vivre avec les escomptes de sa banque et avec sa part dans les bénéfices de la Compagnie.

John Law avait été autorisé à fonder une banque particulière par association ; le 2 mai 1716, il reçut par lettres-patentes, pote vingt années, le privilège d'une banque de dépôt et d'escompte, autorisée à gérer les caisses des négociants, sans pouvoir faire le commerce ni contracter d'emprunts. Les opérations furent surveillées, les billets visés par un inspecteur du roi, et le Régent daigna être officiellement le protecteur de la banque, d'ailleurs moins étendue que celle dont Desmaretz, en 1708, avait approuvé les bases.

Avec quelques millions de capital, Law fit merveille, malgré les moqueries des usuriers et des traitants. Il y eut en

France une métamorphose extraordinaire. On ne souffrit plus de la dernière refonte des monnaies ; l'intérêt de l'argent diminua ; le change haussa ; l'exportation et l'industrie prospérèrent. En un mot, la stagnation des affaires cessa comme par enchantement.

Le nom de Law passa clans toutes les bouches, escorté d'une aigrette flamboyante d'épithètes louangeuses.

Comment reculer sur cette pente rapide ? Pouvait-il ne pas essayer de mettre à exécution ses projets grandioses ? Et la vanité ! et l'amour-propre ! et l'entourage du novateur ! et les traitants et les usuriers qui étaient vaincus, plus par l'Écossais que par la malencontreuse chambre de justice que vous savez ! Il n'y a que le premier pas qui coûte ; or, le premier pas de Law avait été un triomphe.

Il alla plus loin.

Une déclaration royale ordonna à tous les comptables de recevoir les billets de la banque pour le paiement des impôts, plus même, d'acquitter à vue, et sans escompte, les billets en argent (10 avril 1717). Cinq mois après (12 septembre), on obligea les comptables de Paris à opérer en billets de banque leurs recettes et leurs paiements.

Ajoutons que Crozat, effrayé par la chambre de justice, ainsi qu'on l'a vu, avait renoncé au monopole du commerce de la Louisiane, et que cette colonie avait été offerte à Law, qui l'avait acceptée, en formant une Compagnie d'Occident (août 1717).

Habile homme, assurément. Tout lui souriait : on lui avait sacrifié Noailles ; il réalisait son rêve, il possédait une compagnie commerciale et une banque ! Il tenait le pouvoir parle crédit. Il commandait en maitre. Un sourire de Law exaltait maint courtisan.

Bon prince, cependant, il avait des faiblesses, faisait des concessions, et subissait l'influence occulte des hommes d'État, de d'Argenson, et du Régent qui avait un besoin d'argent immédiat.

Un édit ordonna la refonte des monnaies (fin mai 1718), sans être soumis à l'enregistrement du Parlement. De là une lutte entre le Régent et ce corps si longtemps annihilé, opposé aux plans de Law. Des mécontentements éclatèrent de tous les côtés, et plus d'un ancien noble appartenant au camp des dévots sous Louis XIV se mit à clabauder contre le duc d'Orléans et ses roués.

A propos d'un terrible incendie du petit Pont (27 avril 1718), un mandement de l'archevêque de Paris disait que c'était un malheur et en même temps une punition du ciel, à cause des Vices qui se répandaient comme un déluge (6 mai). Le Parlement fit des remontrances, et, par arrêt, suspendit l'édit de refonte des monnaies (20 juin 1718) : son arrêt fut aussitôt cassé par un arrêt du conseil. Mais, le 30 juin, la chambre des comptes et la cour (les aides risquèrent aussi leurs remontrances, tandis que le pouvoir ne cessait pas d'exécuter son édit de refonte.

Une grande agitation régnait à Paris et dans les provinces, où toutes les haines contre le Régent se reproduisaient, où les princes légitimés entretenaient la désunion, espérant de pêcher en eau trouble.

Le 12 août, par un nouvel arrêt, le Parlement réduisit la banque de Law à sa première institution, et s'empara, en fait, de l'administration des finances de l'État.

C'était une levée de boucliers des ennemis de Law, unis avec ceux de Philippe d'Orléans. Chose sérieuse, que les bruits de la ville exagérèrent, en circulant. On prétendit que les parlementaires voulaient faire arrêter Law, pour le juger, pour le pendre à l'instant.

Notre héros du crédit eut peur, et chercha refuge au Palais-Royal. Il y trouva de puissants et nombreux soutiens, le garde des sceaux d'Argenson, d'abord, puis l'abbé Dubois, Saint-Simon et le jeune duc de Bourbon.

L'hésitation du Régent à porter un coup contre les gens de robe cessa.

Il y eut un lit de justice aux Tuileries ; le Parlement reçut ordre de ne plus s'immiscer dans l'administration des finances, et de ne prendre connaissance des affaires d'État que dans le cas où le roi lui demanderait son avis. Les parlementaires étaient venus à pied, à travers les rues, espérant sans doute que les Parisiens épouseraient leur cause ; ils s'en retournèrent tête baissée, forcés par l'indifférence du peuple à obéir au roi (fin août 1718).

Dorénavant, les édits de finance furent regardés comme enregistrés au bout de huit jours, et le Parlement, en s'abstenant d'enregistrer, protesta tout simplement.

Cependant le gouvernement se modifia ; les six conseils disparurent (24 septembre) ; les ministères prirent leur place, et les formes de l'ancien régime, plus expéditives, furent adoptées.

L'abbé Dubois, qui s'était distingué dans des négociations diplomatiques en Angleterre, et qui avait travaillé beaucoup à la suppression des conseils, objet idolâtré des esprits creux de l'ancienne cour, devint ministre des affaires étrangères.

La rouerie triompha de plus en plus, en même temps que Law.

Celui-ci ne se fiait que médiocrement aux hommes de la Régence, et ses hésitations mêmes avaient capté le duc d'Orléans, vaincu par la nécessité.

Des réunions préparatoires eurent lieu entre John Law, qu'on ne regardait plus comme un aventurier, le Régent, qui faisait des instances auprès du dispensateur futur de magiques richesses, et le duc d'Antin, ce joueur peu scrupuleux des salons de Versailles, qui espérait déjà s'enrichir au moyen du nouveau système.

Comme le duc de Bourbon, aussi avide qu'ignorant, eût pu faire avorter la chose par une opposition bruyante manifestée au moment même de l'installation de Law, on le mit dans la confidence, en offrant sans doute un apprît à son avarice.

Puis on appela d'Argenson au dernier conseil tenu, la nuit, dans un cabinet retiré du Palais-Royal.

C'était comme un guet-apens.

D'Argenson, contrôleur des finances et garde des sceaux, sans la participation duquel tous les matériaux d'un immense système financier avaient été disposés, pet à la lecture du travail terminé.

Il eût dû se retirer, faire un éclat, s'il n'approuvait pas les plans de John Law. En lui le courtisan l'emporta. Il cacha son trouble, car il prévit une destitution s'il résistait.

Malgré les refus du parlement, qui rejeta la délibération sortie de cette espèce de conjuration nocturne, dit Lemontey, la banque de Law fut déclarée royale.

Le 27 décembre 1718, on décida que, dans Paris et dans les villes où des comptoirs étaient établis, on ne pourrait plus payer en argent que les sommes au-dessous de 600 francs, qu'il faudrait payer en or ou en billets les sommes dépassant ce chiffre.

John Law s'occupa de faire monter les actions de la Compagnie, afferma les tabacs, acheta les droits de la Compagnie du Sénégal, réunit les Compagnies des Indes-Orientales et de la Chine à celle de l'Occident, et forma ainsi un immense monopole du commerce extra-européen, sous le nom devenu célèbre de Compagnie des Indes.

Une foule d'actions nouvelles furent émises ; Law afferma pour neuf ans la fabrication des monnaies, et l'agiotage s'organisa sur une grande échelle.

Le 27 juillet 1719, la prospérité de Law était complète ; le 7 août, le bail des fermes générales fut donné à la Compagnie des Indes, dont les privilèges furent prorogés jusqu'au terme de cinquante années.

Il se passa, en cette occasion, une seconde représentation de la scène nocturne rapportée plus haut.

Dans le même cabinet du Palais-Royal se trouvaient les mêmes acteurs, — Law, le Régent, le duc d'Antin, le duc de Bourbon, plus Henri Jacques Nompar, duc de La Force, membre de l'Académie française et vice-président du conseil des finances, gentilhomme qui devait, comme on le verra, se compromettre gravement en faisant l'agiotage.

Tout était décidé ; les personnages de la comédie tombaient d'accord sur la réunion des fermes générales à la Compagnie des Indes.

D'Argenson, appelé au petit conseil du Palais-Royal le 26 août, prit connaissance des actes accomplis. Non moins courtisan qu'en décembre 1718, il dévora ce nouvel affront, lui qui avait fait le bail des fermes, sous le nom d'Anti-système, et créé une compagnie des fermes générales au bénéfice des frères Pâris, si opposés aux combinaisons de John Law.

A qui ne se résout pas un ambitieux d'honneurs ou d'argent ? D'Argenson fils nous dit dans ses Mémoires que son père n'a jamais été la dupe de Law ; soit, mais il a bien été le complaisant des princes agioteurs, il a passivement endossé la responsabilité. du système. Celui qui, étant lieutenant de police, avait justifié la définition donnée par le premier président du Harlay, netteté, sûreté, clarté, semblait prendre pour devise, étant ministre, les mots complaisance et hypocrisie.

Au reste, souterrainement d'Argenson épiait toutes les occasions de nuire à John Law, et de se venger.

Le beau John Law tenait en main tous les fils de l'administration, du gouvernement. Il se proposait d'opérer le remboursement de la dette publique, jusqu'à concurrence de douze cent mille francs prêtés au roi. Les actions de la Banque, émises à 500, en valurent 5.000.

Les plus incrédules au génie de l'Écossais lui rendirent alors les armes. On ne parla plus que du Mississipi, où, disait-on, des mines d'or et de pierreries avaient été découvertes ; que de la Louisiane, dont la Compagnie distribuait aux fidèles des terres, des duchés et des marquisats.

Le Régent donna la noblesse au neveu de Cavelier de La Salle, qui avait fait la découverte du Mississipi. Par ordonnances des 8 janvier et 12 mars 1719, on avait prescrit de transporter dans la Louisiane, pour la peupler, les vagabonds et les condamnés libérés en rupture de ban ; le 9 mai 1720, on s'en tint aux colons volontaires, en continuant l'embarquement pompeux des ouvriers qui s'empressaient d'aller recueillir les trésors de ce monde nouveau. Des estampes répandues parmi le peuple firent envier le bonheur de ces colons, qu'un burin lascif représentait partout jouissant de plaisirs sans obstacle et de richesses sans travail, au milieu des nudités de l'âge d'or, des présents d'une terre vierge et des licences de la vie sauvage[1]. Une grande gravure de la Bibliothèque impériale nous montre Le commerce que les Indiens du Mexique font avec les Français au port du Mississipi. Le nom de Mississipiens resta aux gens qui trafiquaient des actions ou qui partaient pour la splendide colonie.

L'enthousiasme engendrait les illusions folles, et John Law fut dépassé dans ses espérances, autant qu'inquiet sur les résultats d'un succès si dangereux. On calcula la quantité de soie que produirait l'industrie de dix mille femmes de la nation des Natchez ! Et, sur la foi d'un visionnaire, la Compagnie s'occupa, à grands frais, de rechercher un rocher d'émeraude placé, prétendait-on, dans la rivière des Akansas !

Nulle voix s'élevant contre de tels entraînements n'était écoutée : il existait à Paris un vieil officier qui avait autrefois commandé clans la Louisiane. Cet homme, appelé La Mothe-Cadillac, pouvait commettre des indiscrétions, démentir les merveilles que l'on assurait être partout dans la colonie. Le gouvernement prévint la chose : La Mothe-Cadillac fut embastillé par précaution.

Voilà l'œuvre du beau John Law, dont les roués en général exaltaient le sublime génie. Maintenant, il était assiégé de suppliants et de soupirants, dans son hôtel de la rue Neuve-des-Petits-Champs ; il voyait forcer sa porte, entrer du jardin par ses fenêtres, tomber dans son cabinet par sa cheminée.

Par lui, les ressources financières se multipliaient. En octobre 1719, il prêta encore trois cent mille francs au Régent, et vit, en échange, supprimer les receveurs généraux, si bien qu'il perçut tous les impôts directs ou indirects.

Personne ne voulait plus de numéraire ; l'argent et l'or étaient trop lourds ! Ils perdirent jusqu'à dix pour cent sur le papier. Avez-vous de l'or ? rien de fait !

Tel était le proverbe du moment. En octobre aussi, les actions valurent 10.000 francs ; et elles augmentèrent de beaucoup encore.

 

 

 



[1] Histoire de la Régence, par Lémontey, tome I, p. 305.