A l'avènement de Charles X au trône de France, rien ne fut changé dans l'organisation du gouvernement. Le ministère Villèle, Corbière, Peyronnet était un ministère d'affection. Le Roi le garda. Le vicomte de Chateaubriand était sorti du cabinet, disgracié, par l'influence du comte de Villèle, qui ne lui pardonnait pas sa supériorité personnelle. Il en était sorti par un simple billet, qui lui annonçait brutalement que le Président du conseil, ministre des finances, allait remplir l'intérim du ministère des affaires étrangères. Son ami, Bertin l'aîné, lui ouvrit la porte du Journal des 'Débats, où il fit à la royauté une opposition vigoureuse et fatale. Le règne de Charles X est un chapelet de drames politiques et parlementaires, chapelet dont chaque grain est un épisode émouvant, qui a perdu tout son intérêt rétrospectif et qui n'est plus qu'un souvenir lointain, écho affaibli de luttes et de passions oubliées. Il y eut sur plusieurs points du territoire des conspirations réelles que fomentait le carbonarisme ou la charbonnerie, dont Louis Blanc a lui-même avoué, dans son Histoire de dix ans, le but révolutionnaire et décrit la puissante organisation. Il y eut les funérailles du général Foy, suivies d'une souscription retentissante, qui était un acte de flagrante hostilité. Puis il y eut celles de l'avocat Jacques-Antoine Manuel, violemment, mais justement, expulsé de la Chambre de 1825, où il avait eu le cynisme de faire l'éloge du régicide. Ce furent autant d'occasions de manifestations populaires au milieu desquelles soufflait le vent des révolutions et où semblaient renaître les âmes des conventionnels. Le ministère Villèle, Corbière, Peyronnet se dressait en face comme une contrepartie plus courageuse qu'habile et prudente. Il y eut la loi du sacrilège, dont on attribua la pensée à ce que l'on appelait la Congrégation, mot vague, dont on faisait le pendant de la Ligue, mot de guerre comme les partis ont toujours su en trouver pour ameuter le peuple, pour aviver l'opinion contre les gouvernements qui ne veulent pas séparer la religion de l'ordre et de la liberté. Il y eut la loi qui accordait aux émigrés dont les biens avaient été confisqués et vendus, une juste et légitime indemnité d'un milliard, restitution et réparation équitables, mais contraires au sentiment public du moment. Il y eut aussi un projet de loi de rétablissement du droit d'aînesse, qui avait pour but la création d'une aristocratie territoriale nouvelle, ce qui eût été une chose juste, si cette aristocratie nouvelle avait 'été rendue accessible aux classes moyennes, arrivées à la fortune par le travail et l'intelligence. Enfin, le comte de Peyronnet, en sa qualité de ministre de la justice, eut la malheureuse idée de présenter, en 1827, une loi sur la police des journaux, loi très restrictive de la liberté de la presse. L'opposition que cette loi rencontra à la Chambre des pairs le força de la retirer, bien que la Chambre des députés l'eût votée. C'est dans la discussion de cette loi que Royer-Collard prononça ce mot si connu : La démocratie déborde. — C'est justement parce qu'elle déborde, répliqua instantanément Peyronnet, qu'il lui faut une digue. Y avait-il une digue efficace qu'on pût élever alors légalement contre la démocratie révolutionnaire ? Charles X voulait la construire. Il n'était pas entouré d'hommes qui fussent de taille à l'aider dans cette laborieuse et difficile entreprise. Cependant Charles X avait été sacré, le 29 mai 1825, dans la cathédrale de Reims, d'après l'antique usage de la monarchie. Le clergé l'avait encensé selon l'usage. Deux grands poètes, qui ont varié ensuite dans leurs opinions politiques, Lamartine et Hugo, chantèrent cette solennité religieuse en vers magnifiques. Le parfum de cette poésie s'était dissipé, en 1830, comme la fumée de l'encens. A son avènement, Charles X avait eu un peu de popularité. C'était la première fois que l'ordre de succession n'était pas troublé. Charles X succédait régulièrement à Louis XVIII. Il fit, à cette occasion, une entrée solennelle dans Paris, alla entendre un Te Deum à Notre-Dame, supprima la censure établie sur les journaux et, le soir, les Parisiens illuminèrent et crièrent : Vive le roi ! La sérénité du règne n'avait pas été de longue durée. Les orages étaient venus très vite. L'un de ces orages fut suscité par François-Dominique de Reynaud, comte de Montlosier, qui se mit en tête de faire sortir de France quelques jésuites, rentrés individuellement, sous le patronage de quelques évêques. Le 7 août 1814, Pie VII avait autorisé, par sa bulle Sollicitudo omnium ecclesarium, la société de Jésus à se reconstituer dans son ancienne organisation et avec sa mission primitive. C'était l'annulation du bref d'abolition de Clément XIV. Seulement, la société de Jésus restait, légalement, en France, sous le coup de l'arrêt d'expulsion de 1762. C'est en s'appuyant sur cet arrêt que le comte de Montlosier adressa à la chambre des pairs, contre les jésuites domiciliés en France, une pétition qui fut renvoyée au ministre de la justice et au ministre de l'intérieur. Dans la discussion, le comte de Villèle avait pourtant tenu un langage qui aurait dû modifier les sentiments hostiles de la Chambre des pairs : Oui, dit-il à ses contradicteurs, oui, les jésuites existent, mais ils ne veulent pas plus que vous le rétablissement de cette corporation en France. Mais pas plus que vous, quand vous aurez le pouvoir, nous ne croyons devoir user de celui qui nous est confié pour persécuter des individus, sous prétexte d'opinions religieuses. De nouvelles tempêtes étaient proches. La loi sur la police de la presse retirée, on illumina dans plusieurs quartiers de Paris. On cria : Vive le roi ! mais on cria aussi : A bas Villèle ! On cria : Vivent les pairs ! et A bas les ministres ! C'était le commencement de la fin. Le 29 avril 1827, Charles X passait au Champ-de-Mars une revue projetée et annoncée précédemment de la garde nationale. Elle cria à son tour, quoique sous les armes, en même temps que : Vive le roi, vive la charte, à bas Villèle ! Un grenadier sortit même des rangs pour crier plus près du Roi qui alors poussa son cheval contre lui et dit : Je suis venu ici pour recevoir des hommages et non des leçons. Les voitures de la duchesse d'Angoulême et de la duchesse de Berry stationnaient devant l'École militaire. On poussa autour d'elles les mêmes cris. Le lendemain, une ordonnance royale, publiée par le Moniteur, prononçait la dissolution de la garde nationale. Quelques semaines après, les journaux étaient de nouveau soumis à la censure. La Chambre des députés était dissoute. Les élections nouvelles étaient défavorables au cabinet Villèle, Corbière, Peyronnet. Tous trois échangeaient leur portefeuille de ministre contre la dignité de pair de France. C'est alors que fut formé le ministère de conciliation, que présida Jean-Baptiste-Silvère Gaye, vicomte de Martignac. De ce ministère, on peut dire, ce que Mardochée, dans Esther, de Racine, disait d'Aman : Je n'ai fait que passer. Il n'était déjà plus. Le ministère Martignac tomba devant un vote parlementaire. Le ministère des ordonnances de juillet devait le remplacer. Pendant que le gouvernement du Roi se débattait à l'intérieur contre des hostilités et des difficultés de diverses natures et d'origines différentes, le prestige de la France grandissait en Europe. La dynastie des Bourbons y était aimée et respectée. Elle était représentée à la bataille navale de Navarin. Elle fit seule l'expédition de Morée. Elle devait enfin purger la Méditerranée des pirates qui recommençaient à l'infester. La Grèce, tyrannisée par les sultans, plus encore par les pachas qui les représentaient dans l'ancienne patrie de Léonidas et de Thémistocle, s'était révoltée contre la domination ottomane. L'Europe, ou tout au moins la France, d'accord avec la Russie et l'Angleterre, était intervenue pour arrêter l'effusion du sang dans ces contrées historiques. La Turquie n'avait même pas daigné répondre à leurs propositions conciliantes. On décida d'envoyer trois escadres, qui combinèrent leurs efforts, croiser devant Navarin où elles trouvèrent, le 22 octobre 1827, une nombreuse flotte de vaisseaux turcs et de vaisseaux égyptiens rangée en ligne de bataille. Elles lui livrèrent bataille. Le soir, il ne restait plus un seul navire turc, un seul navire égyptien. Tous avaient été détruits après un long et sanglant combat de plusieurs heures. L'escadre française était commandée dans cette mémorable journée par le comte Henri-Gautier de Rigny, alors contre-amiral, qui frit immédiatement nommé vice-amiral. La guerre de l'indépendance n'était pas terminée. La victoire de Navarin n'avait pas suffi à désarmer la Turquie. Elle continua à opprimer par la violence et la force l'ancien Péloponnèse, qui s'appelait alors la Morée. Dans l'été de 1828, Charles X, agissant au nom de l'Europe, envoya le général Maison, à la tête d'un corps d'armée, au secours de la Morée, avec mission de la délivrer de la domination ottomane. Cette expédition fut couronnée par un plein succès. Le général Maison chassa de la Morée les soldats du croissant. Rentré victorieux en France, il y reçut le bâton de maréchal. La France, qui avait aidé, sous Louis XVI, les États-Unis à secouer le joug pesant de l'Angleterre, venait d'aider, sous Charles X, la Grèce à secouer la longue tyrannie de la Turquie. Enfin, l'expédition d'Alger était en préparation. Le Dey, qui était alors Hussein-Pacha, avait insulté le gouvernement du Roi dans la personne du consul de France. Un plénipotentiaire lui fut envoyé ensuite comme parlementaire. Il ne voulut même pas écouter la demande en réparation qu'il était chargé de lui présenter. Le plénipotentiaire ainsi éconduit, quittait le port d'Alger pour revenir en France. Hussein-Pacha fit tirer sur le vaisseau qui le ramenait à Toulon. C'était une grave insulte au pavillon français. L'expédition d'Alger fut immédiatement décidée. Le ministre de la marine était alors le baron Lemercier d'Haussez, qui mit une grande vigueur et une rare activité à combiner cette expédition, le dernier souvenir de gloire de la branche aînée de la dynastie des Bourbons, et qui avait d'autant plus de mérite à donner tout son esprit à cette affaire nationale, que les orages politiques et parlementaires qui grondaient autour de lui auraient pu en détourner et absorber sa pensée. Le prince Auguste-Jules-Armand-Marie de Polignac était président du conseil et ministre des affaires étrangères. Le baron d'Haussez était resté dans ce cabinet et gardait le portefeuille de ministre de la marine, qu'il avait déjà dans le précédent ministère, uniquement pour réaliser et diriger l'expédition d'Alger en préparation. Le comte de Peyronnet rentra dans les conseils du gouvernement pour recevoir le portefeuille de ministre de l'intérieur. Celui de ministre de la guerre était confié au général Louis-Auguste-Victor comte de Ghaisne de Bourmont, qui était pair de France. Il se réserva le commandement en chef des troupes de débarquement et laissa au prince de Polignac l'intérim du ministère de la guerre. Le commandement en chef de la flotte qui devait transporter les troupes à Alger et seconder les opérations militaires, fut donné au vice-amiral Victor-Guy Duperré. L'Angleterre s'opposait à l'expédition d'Alger. Elle alla même jusqu'à intimer à Charles X l'ordre d'y renoncer. Elle aurait dû se rappeler qu'il était de la dynastie des Bourbons. Il ne daigna même pas répondre à cette insolente injonction. L'ambassadeur anglais lord Stuart de Rothsay eut à cette occasion de violentes altercations avec le baron d'Haussez. A sa dernière visite, il déclara au ministre de la marine que si la flotte française appareillait à Toulon, elle rencontrerait la flotte anglaise qui lui barrerait le passage. Le baron d'Haussez rédigea aussitôt une dépêche au vice-amiral Duperré. C'était l'ordre de prendre la mer, et la montrant à lord Stuart de Rothsay : Voici, dit-il, ma réponse à votre menace. Au dehors, on allait à une victoire. Au dedans, on marchait à une catastrophe. Les esprits étaient très agités. La cour royale de Paris avait acquitté le Journal des Débats, poursuivi à raison d'un article que le procureur général avait jugé offensant pour la personne du Roi. Aux réceptions du 1er janvier 1830, le pair de France, baron Jean-Antoine-Mathieu Séguier, qui en était le premier président, la présenta à Charles X et à la duchesse d'Angoulême. Elle fut reçue avec une froideur glaciale. Le 6, une ordonnance du Roi convoquait les chambres pour le 13 mars. Le discours de la couronne n'avait certes pas une allure provocante. L'Adresse de la chambre des députés en réponse à ce discours était, au contraire, un véritable cartel au roi. Le 18, entouré des grands officiers de la couronne, Charles X reçoit le Président de la chambre des députés, M. Royer-Collard, qui lui présente, comme on le sait, l'Adresse, votée la veille, par 221 voix contre 181, respectueuse dans la forme, révolutionnaire au fond. J'avais droit, dit Charles
X, de compter sur le concours des deux chambres pour
accomplir tout le bien que je méditais ; mon cœur s'afflige de voir que les
députés des départements déclarent que, de leur part, ce concours n'existe
pas. Messieurs, j'ai annoncé mes intentions dans mon discours d'ouverture de
la session. Ces résolutions sont immuables. L'intérêt de mon peuple me défend
de m'en écarter. A dater de ce moment, les événements, comme les morts de la ballade allemande, vont vite. Le 1er avril, les chambres sont prorogées. Le 16 mai, celle des députés est dissoute. Le 9 juillet, on avait appris à Paris qu'Alger était au pouvoir de l'armée française. Le 11, on avait célébré cette conquête à Notre-Dame, où on avait chanté le Te Deum. Le lieutenant-général de Bourmont recevait le bâton de maréchal. Duperré entrait à la chambre des pairs et devenait amiral. Mais le bruit des cent un coups de canon que l'on avait tirés pour annoncer i la cour et à la ville la prise d'Alger, où flottait le drapeau de la France, se perdait bientôt dans le tumulte des agitations politiques. Les 221 sont réélus. Il y a 270 opposants contre 144 ministériels. C'est alors qu'ayant relu la charte de 1814, qu'il ne voulait pas déchirer, Charles X s'arrêtait à l'article 14, qui pouvait s'interpréter dans le sens du droit de l'autorité royale. Cet article lui ouvrit une voie où il entra résolument, et où il fallait vaincre ou tomber. Le 25 juillet 1830, il fit les quatre célèbres ordonnances dont il serait sans but de discuter l'opportunité et la légalité, à cette place où nous devons nous borner à constater qu'autant elles démontraient de la virilité dans la résolution, autant elles prouvèrent de l'imprévoyance, de l'impéritie et de la légèreté dans l'exécution. Le prince de Polignac trompa son roi, trompa ses collègues, trompa la cour en affirmant que tout était prêt pour combattre l'insurrection, si une insurrection éclatait, alors qu'il ne pouvait disposer que de sept mille hommes ! Il est vrai que dans son ignorance de la situation, il croyait à peine à une émeute. Si l'on eut attendu le retour du maréchal de Bourmont, ramenant à Paris des troupes victorieuses, si une armée de trente à quarante mille hommes eut été concentrée sur le théâtre de la lutte probable, avant de rendre et de publier les ordonnances du 25 juillet 1830, le dénouement de cette lutte eut peut-être été tout autre. Mais cette question à laquelle il est facile et permis à chacun de répondre selon son sentiment personnel, est sans objet, puisque l'événement a prononcé, puisque le fait est accompli. Il y eut plus qu'une émeute, il y eut une insurrection qui fut une révolution. Cependant, la bataille des trois journées qui renversa le trône de Charles X, s'était mollement engagée. Il fallut y pousser le peuple. Le drapeau tricolore reparut dans le cours de cette sanglante mêlée, de ce combat meurtrier où le duc de Raguse commandait l'armée de la défense et de la résistance, à regret, d'après d'irrécusables témoignages. Ce drapeau entraîna dans la rue les classes ouvrières qui, en le voyant, commencèrent à élever des barricades. Pendant que l'on se battait dans Paris où le sang coulait, Charles X était au château de Saint-Cloud avec toute la famille royale, entretenu, jusqu'à la dernière heure, dans un funeste optimisme par le prince de Polignac, qui avait moins l'attitude d'un ministre que celle d'un illuminé, aventureux dans le conseil, incapable dans l'action. Il y eut bien des projets différents, bien des avis contraires sur la direction qu'il convenait d'imprimer au mouvement insurrectionnel qui, décidément, tournait à la révolution, dont on a dit que le quartier général était à l'hôtel du banquier Jacques Laffitte, où se trouvait le célèbre chansonnier Béranger, son conseiller officieux et intime. Quel continuel échange de vues opposées entre l'hôtel de ville où trônait Lafayette, redevenu commandant en chef de la garde nationale de la Seine, et l'hôtel Laffitte où Casimir Périer, le futur grand ministre de la monarchie de 1830, déjà en enfantement, jouait le rôle de modérateur, au nom de l'ordre social menacé. Que de négociations entamées et rompues qui tendirent à une transaction impossible, parce qu'elle eut été tardive ! Que de personnages, animés de sentiments contradictoires, couraient de Paris à Saint-Cloud et de Saint-Cloud à Paris, sans aboutir à aucun résultat, à aucune solution. Ce sont là des détails qui appartiennent plutôt aux préliminaires de l'avènement du chef de la branche cadette de la dynastie des Bourbons : Louis-Philippe Ier au trône de France ; nous devons donc les réserver. Éclairé enfin, mais trop tard, sur la situation que le prince de Polignac lui avait cachée, Charles X retira d'abord les ordonnances du 25 juillet, puis abdiqua avec le duc d'Angoulême, en faveur du duc de Bordeaux, par une lettre autographe, adressée de Rambouillet, le 2 août 1830, au duc d'Orléans qualifié, sur la suscription, de lieutenant général du royaume. C'est le premier paragraphe de cette lettre que tous deux avaient signée, qui constitue le double acte d'abdication de Charles X et du duc d'Angoulême. Il n'était plus temps. La branche aînée de la dynastie des Bourbons était irrémédiablement condamnée. Charles X tomba, mais il tomba sur une conquête, sur une victoire, et le drapeau blanc qu'il devait emporter pour toujours dans l'exil, flottait encore sur la terre d'Afrique, le jour où il s'embarquait à Cherbourg pour l'Angleterre avec le duc et la duchesse d'Angoulême, la duchesse de Berry, Mademoiselle et le duc de Bordeaux. Charles X s'était déjà retiré du château de Saint-Cloud où commençait à régner l'épouvante, du château de Saint-Cloud vers lequel pouvaient marcher inopinément des bandes d'insurgés, au château de Rambouillet. C'est de là qu'après une nouvelle alerte, après une halte nocturne au château de Maintenon où il reçut l'hospitalité du duc Paul de Noailles, il dut partir pour Cherbourg, accompagné d'une escorte militaire que commandait le maréchal Maison. Singulier jeu des hasards de la politique ! Ce maréchal Maison qui allait donner la main à Charles X pour l'aider à descendre du port de Cherbourg sur le vaisseau destiné à l'emmener hors de France, en Angleterre, son premier asile, était le général Maison qui, dans le port de Calais, avait donné la main à Louis XVIII pour l'aider à descendre du navire qui le ramenait d'Angleterre, son dernier séjour, en France. Le drapeau tricolore était redevenu le drapeau de la France. Nous ne devons pas fermer le règne de Charles X, sans rappeler l'éclat qui a rejailli sur la Restauration du radieux mouvement littéraire dont Chateaubriand avait été le précurseur, sous Napoléon Ier. Mais nous devons nous borner ici à l'indiquer sommairement, car son rayonnement qu'a complété l'avènement d'une brillante pléiade artistique, s'est étendu jusqu'à la fin du règne de Louis-Philippe, où nous le retrouverons dans tout son resplendissement, dans toute sa gloire. Après s'être arrêté au château d'Holyrood, en Angleterre, Charles X est allé mourir en Autriche, au château de Goritz, qui semble être devenu, à l'étranger, le Saint-Denis de la branche aînée des Bourbons. Là reposent, en effet, avec ses cendres, celles de son fils le duc d'Angoulême, de sa nièce la duchesse d'Angoulême, du duc de Bordeaux, mort, comme sa tante, au château de Frosdhorff, qu'il habitait sous le nom de comte de Chambord, le 24 août 1883, sans laisser de postérité. La descendance directe de Louis XIV s'est donc éteinte ce jour-là dans sa personne, et ses droits héréditaires à la succession royale de Hugues Capet, de saint Louis et de Henri IV sont passés à la minute même où son âme s'envolait au ciel, au comte de Paris, chef actuel de la maison de France. |