Cette étude historique et nationale ne commence réellement qu'à Henri IV, aïeul de Louis XIV, souche de la branche aînée, qui s'est éteinte dans la personne du duc de Bordeaux, et de Philippe d'Orléans, souche de la branche cadette, que représente aujourd'hui le comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe et chef actuel de la maison de France. Mais Henri IV avait des ancêtres, qui sont aussi les ancêtres du comte de Paris. Il est maintenant de mode d'afficher un profond dédain, qui n'est pas toujours sincère, pour les vieilles origines des anciennes familles. Tous ne partagent pas ce dédain. Les traditions et les souvenirs légendaires du passé ont encore un naturel et puissant prestige pour les esprits d'élite, qui se complaisent dans ces lointaines et attractives perspectives de l'histoire. Nous ne devons donc pas rejeter complètement dans l'ombre les prédécesseurs de Henri IV. Si l'on en croit les savants Bénédictins qui ont écrit et publié l'Art de vérifier les dates, la troisième race ou race capétienne aurait un lien de commune origine avec la seconde race ou race carlovingienne. Des historiens modernes ont contesté ce fait généalogique. Sans prétendre intervenir dans ce débat, nous devons cependant constater que d'après des preuves qu'on a le droit de juger irrécusables, il nous a paru vraisemblable. Un jour vint où la descendance de Charlemagne était dégénérée au point que le dernier héritier du glorieux Empereur d'Occident, Charles de Lorraine, s'était déclaré le vassal d'Othon de Saxe, qui se qualifiait empereur héréditaire d'Allemagne. Cet acte d'insigne faiblesse et de trahison nationale le fit prendre en mépris par la France entière. La noblesse et le clergé, qui étaient en ce temps-là les seuls corps délibérant sur les affaires générales du royaume, prononcèrent sa déchéance. Le trône était vacant. En 987, à la fin de mai, les Barons et les Prélats, réunis à Noyon, en une sorte de Constituante de fait, décernèrent unanimement la couronne à HUGUES, surnommé Capet : selon les uns, à cause de la grosseur de sa tête ; selon les autres, parce qu'il portait une cape. C'était un riche et puissant seigneur, connu par sa bravoure, qui possédait le duché de France, dont dépendait le comté de Paris. HUGUES CAPET avait pour bisaïeul Robert, surnommé le Fort, parrain historique du duc de Chartres, lorsque le second fils du duc d'Orléans prit, en 1870, la patriotique résolution de combattre, sous le voile de l'anonyme, l'ennemi qui envahissait sa patrie. HUGUES CAPET prit le titre de Roi des Français, titre que Louis-Philippe devait adopter. Il fixa sa demeure à Paris, siège de son vaste domaine qui se composait de toutes les terres qu'arrosent la Seine, l'Oise et la Marne, depuis Corbeil jusqu'à Pontoise, Vernon et Chartres et qui comprenait, avec l'abbaye de Saint-Denis, Étampes, Compiègne et Melun. Il y ajouta plus tard le comté d'Orléans. C'était tout le domaine de la couronne. La royauté, à ce moment là, donnait moins de droits qu'elle n'imposait de devoirs. Sous les derniers règnes carlovingiens, le système féodal avait pris une extension considérable. Les possesseurs de fiefs, devenus indépendants, les administraient et les gouvernaient au gré de leur seule volonté. Ils s'étaient même attribué le droit de rendre la justice. Hugues Capet n'était, en réalité, qu'un chef militaire. Après cinq règnes intermédiaires qu'il suffit de signaler, ceux de Robert Ier, de Henri Ier, de Philippe Ier, de Louis VI et de Louis VII, le système féodal, qui était l'annulation de la royauté et le fractionnement du royaume, eut un intelligent et vigoureux adversaire dans PHILIPPE II, surnommé Auguste, parce qu'il était né dans le mois d'août. PHILIPPE-AUGUSTE occupe une grande place dans l'histoire de France. Il est celui des rois de la troisième race qui a le premier, et dans de vastes proportions, accru le domaine de la couronne. A ce domaine, déjà agrandi depuis 987, du Gâtinais, du Vexin et de la vicomté de Bourges, il a successivement réuni les comtés d'Auvergne, de Meulan, d'Évreux et d'Alençon, l'Amiénois, le Vermandois, le Valois, l'Artois, la Normandie, la Touraine, l'Anjou, le Maine et le Poitou. Philippe-Auguste avait d'autres titres à la popularité que le renom d'un vaillant soldat. Il avait aussi des qualités d'administrateur. On lui doit les premiers travaux d'embellissement et d'assainissement de Paris qu'il entoura d'une enceinte dont on retrouve encore des vestiges. Enfin il organisa sur de larges et fortes bases une Cour des Pairs, institution politique et judiciaire qui l'aida puissamment à vaincre les obstacles que la féodalité créait, avec autant d'énergie que d'opiniâtreté, à l'action réformatrice et bienfaisante de la royauté. Le fait capital du règne de Philippe-Auguste, c'est l'éclatante victoire qu'il remporta, en 1214, le 27 juillet, selon les uns, le 27 août, selon les autres, sur la première coalition européenne qui ait menace la France dont les coalisés rêvaient le partage. Quelques-uns de se : vassaux révoltés, traîtres envers leur roi et leur patrie, étaient entré : dans cette coalition qu'avaient fomentée, d'un commun accord, à roi d'Angleterre, Jean II, et l'empereur d'Allemagne, Othon IV. Le combat fut livré un dimanche, dans les plaines de Bouvines, village situé sur une petite rivière, aux environs de Lille. La déroute des coalisés fut complète. Après des alternatives diverses, Philippe. Auguste resta maître du champ de bataille. Cette journée fut décisive Elle consolida le trône que les descendants de Hugues Capet allaient occuper pendant une longue suite de siècles ; elle fortifia l'autorité royale et créa la nationalité française. La bataille de Bouvines a sa légende. On raconte qu'avant
de donner le signal du combat, Philippe-Auguste posa la couronne sui l'autel
où on venait de dire la messe. Puis il s'écria d'une voix forte : Généreux Français, voici le plus beau diadème de l'Europe.
S'il est quelqu'un parmi vous plus capable que moi d'en soutenir la gloire,
nommez-le moi, et je le mets sur sa tète. Mais si vous ne m'en croyez pas
indigne, songez que vous défendez en ce jour, vos biens et vos familles. Toute l'armée répondit par cette acclamation : Vive Philippe ! Qu'il règne sur nous tous ! Nous mourrons sous ses drapeaux. De graves historiens démentent cette légende. On aimerait pourtant à y croire. Elle est d'ailleurs très ancienne et très vraisemblable. Après Philippe-Auguste, mort le 14 juillet 1223, la troisième race compte encore, dans la ligne directe, qui a gouverné la France trois cent quarante et un ans, sept règnes, ceux de Louis VIII, de Louis IX, de Philippe III, de Philippe IV, de Louis X, de Philippe V et de Charles IV, le dernier roi de cette ligne. Pendant ces règnes, le domaine de la Couronne continua de s'accroître. Louis IX surtout l'a beaucoup agrandi. Il lui a donné les vicomtés de Béziers et de Nîmes, les comtés de Blois et de Chartres, le Velay, l'Albigeois, le duché de Narbonne, le Gévaudan et le Perche. Philippe III y avait ajouté le comté de Toulouse, le Rouergue et le Quercy, lorsque Philippe IV y réunit encore la Champagne, la Brie, la Flandre française, l'Angoumois, la Marche et le Lyonnais. Ce Philippe IV eut le premier l'heureuse idée de reconnaître officiellement l'existence du Tiers État, prédestiné à jouer en 1789 un rôle si considérable, en l'appelant dans les assemblées nationales de l'époque. Mais le règne important de cette période est celui de Louis IX, qui a été canonisé sous le pontificat de Boniface VIII, par une bulle datée du II août 1297. Ainsi la troisième race compte un saint dans sa généalogie. Saint Louis ne fut pas uniquement un roi très chrétien. Ce fut encore un roi très habile. On lui doit des progrès très sérieux dans le domaine de la justice et de l'administration. Il mit dans toutes les affaires du royaume de l'ordre et de l'unité. Il raffermit les conquêtes de l'épée et il développa les institutions de paix de son aïeul Philippe-Auguste dont il adopta le système de gouvernement qu'il sut appliquer, en l'étendant, avec autant de bonheur que de sagesse, de prudence et de fermeté. L'art ne lui était pas étranger. C'est lui qui a fait construire la Sainte Chapelle, ce bijou d'architecture dont le temps n'a altéré ni le caractère religieux, ni la beauté mystique. L'une des principales préoccupations de saint Louis, c'était de remplacer dans les contestations privées, le droit de la force par la force du droit. Il ne se borna pas à instituer des Parlements ou Cours di ces contestations devaient être jugées selon la loi. Il voulut prêcher d'exemple, et il lui arriva souvent, lorsqu'il était à Paris, de se rendre dans la forêt de Vincennes où, assis sous un chêne légendaire, il rendait la justice à ses vassaux avec une rigoureuse impartialité. L'histoire a justement qualifié saint Louis de dernier héros des croisades. Il a participé à la septième et à la huitième. Il ambitionnait la gloire de rendre aux chrétiens la possession du tombeau du Christ Deux fois il s'embarqua à Aigues-Mortes dans ce but pieux et avec cette pensée grandiose. La seconde fois il partit pour ne plus revenir. Il mourut de la peste, le 25 août 1270, sur le sol de l'Afrique, au milieu des ruines de l'ancienne Carthage. L'extinction de la ligne directe dans la personne de Charles IV, mort en 1328, fit monter sur le trône, dans la personne de Philippe VI, fils du comte Charles de Valois, frère puiné de Philippe IV, la première brandie collatérale de la troisième race qui ait régné. PHILIPPE VI avait pour bisaïeul saint Louis dont le fils ainé, Philippe III, était le père du comte Charles de Valois, souche de la branche de ce nom. L'héritage royal de Hugues Capet restait donc dans la descendance masculine. Sous le règne de Philippe VI, la France acquit le Dauphiné et la seigneurie de Montpellier. Mais il fut suivi d'autres règnes, fréquemment troublés par des vents d'orage, qui soufflaient i1 la fois du dedans et du dehors, et qui déchaînèrent sur le royaume de violentes tempêtes au milieu desquelles la royauté faillit sombrer. Ces règnes sont ceux de Jean il, de Charles V, qui pourtant ajouta au domaine de la couronne le Limousin, l'Aunis et la Saintonge, et de Charles VI. Mais Dieu qui protège la France veillait sur elle. Il suscita, pour la relever de ses malheurs, une héroïne, Jeanne d'Arc, qu'il suffit de nommer pour éveiller les grands souvenirs que la vierge de Domrémy a laissés dans l'histoire. Charles VII, fils et successeur de Charles VI, était monté sur un trône très ébranlé, très amoindri. La vaillante et victorieuse épée de Jeanne d'Arc, dont la gloire devait être couronnée par un martyre, lui rendit son royaume, affranchi de la tutelle de l'Angleterre. La branche des Valois a eu trois rameaux, qui ont successivement gouverné la France. Le premier ne comprend, après Charles Vil, que deux règnes, ceux de Louis XI et de Charles VIII. Le second commence et finit avec Louis XII. Le troisième commence avec François Ier et finit avec Henri III, mort le 1er août 1589, dans le palais de Saint-Cloud, assassiné par Jacques Clément. Sans entrer dans de longs détails généalogiques inutiles, nous devons simplement constater que ces trois rameaux appartiennent, par une filiation authentique et certaine, à la descendance masculine de Hugues Capet, puisque tous trois ont eu leur racine dans la personne du comte Charles de Valois, petit-fils de saint Louis. Pendant cette période, deux règnes seulement ont exercé une action sérieuse sur les destinées de la France. Ce sont ceux de Louis XI et de François Ier. Louis XI, qui est mort en 1483, ne doit pas être jugé avec le cœur. Il fut très national, très tenace, dans ses luttes quotidiennes contre la féodalité qui essayait de renaître sous une forme nouvelle. S'il n'eut pas les qualités de l'homme privé, s'il mit trop souvent en pratique la fameuse maxime : Le but justifie le moyen, du moins il ne poursuivit que la consolidation du pouvoir royal et l'établissement de l'unité territoriale. Le domaine de la couronne lui dut l'annexion de la Bourgogne et de la Provence, deux vastes et puissants fiefs de l'ancienne France. FRANÇOIS Ier, qui est mort en 1547, eut surtout un caractère chevaleresque et un grand amour des lettres, des arts et des sciences dont il favorisa la renaissance. Il eut aussi un culte trop passionné pour les femmes. On le pardonne volontiers aux princes et aux hommes d'État comme aux poètes. Le règne de François fer a été très accidenté. Il poursuivit longtemps la possession du Milanais. Il y battit d'abord les Suisses à Marignan. Plus tard il y perdit contre les impériaux la bataille de Pavie où il devint le prisonnier de Charles-Quint, mais où il combattit si vaillamment de sa personne qu'il put écrire à sa mère, Louise de Savoie, cette lettre restée célèbre : Madame, tout est perdu, hors l'honneur. On doit à François Ier la fondation du collège de France, l'établissement de l'Imprimerie royale et la reconstruction d'un manoir féodal de Louis VII, devenu le palais de Fontainebleau. Sous son règne le domaine de la couronne s'accrut du Bourbonnais, du Forez et de la Bretagne. De François Ier à Henri III, l'histoire enregistre trois règnes intermédiaires ; celui de Henri II qui donna à la France les cités épiscopales de Toul et de Verdun et l'importante place de Metz qu'elle a récemment reperdue ; celui de François II, qui abandonna toute la direction des affaires de l'État au duc de Guise et au cardinal de Lorraine, ou à sa femme, l'infortunée Marie Stuart ; celui de Charles IX, qui ordonna, le 24 août 1572, le massacre des protestants, massacre qui a gardé le nom de la Saint-Barthélemy, et qu'on ne peut justifier ni par le fanatisme religieux, ni par un calcul politique. Mais la responsabilité de ce sanglant et terrible épisode pèse surtout sur la mémoire de la veuve de Henri II, Catherine de Médicis. Henri III a été le dernier des Valois, qui ont régné deux cent soixante-un ans. La fin de la vie de Henri III est trop mêlée au commencement de la vie de Henri IV, pour que nous ne fermions pas ici le chapitre préliminaire des origines de la maison de France, péristyle de ce livre. |