MADAME LA MARQUISE DE POMPADOUR

 

XX. — Malheurs de la guerre. - Grandeur des arts, embellissements de Paris.

 

 

La guerre s'était poursuivie avec vigueur et succès jusqu'à la convention de Closter-Seven, si odieusement violée par les Anglais. Ce manquement à la parole donnée avait changé les combinaisons de la campagne : l'hésitation des cercles allemands, la défection de l'armée saxonne, avaient amené la triste bataille de Rosbach, où le prince de Soubise trahi par les Allemands s'était couvert de gloire : néanmoins la bataille était perdue ; il y avait eu un mouvement de concentration exagéré par les journalistes de Paris parlementaires et jansénistes[1]. Le conseil rappelait le maréchal de Richelieu, autant pour avoir signé la convention de Closter-Seven, que parce que l'Allemagne se plaignait de la manière dont le maréchal faisait vivre ses troupes sur le sol conquis, presque à discrétion. On avait alors besoin de ménager l'Allemagne travaillée par les subsides de l'Angleterre. Comme dans toutes les guerres avec la France, le ministère anglais, craintif devant une invasion, semait l'or à pleines mains sur le continent pour s'attirer les cabinets et les peuples. Les wighs faisaient toutes sortes de sacrifices ; ils intriguaient à Tienne, à Pétersbourg, à Munich, à Dresde, afin de compromettre la glorieuse campagne des Français, en les isolant dans un pays ennemi.

A Paris, l'opposition des parlements et des jansénistes servait admirablement les ennemis du pays ; on chansonnait les généraux, spécialement ceux que protégeait la marquise de Pompadour. Le prince de Soubise surtout, qui s'était si vaillamment relevé de Rosbach par deux faits d'armes victorieux (la bataille de Lutzelberg), on le raillait par de vives moqueries :

A Rosbach, le Prussien si fier

Pouvait-il jamais espérer

Me vaincre en bataille rangée.

Moi qui me m'y rangeai jamais !

Je m'en épargne tous les frais,

L'éclair dissipa mon armée,

Battez chaud, j'ai bon dos.

Poisson soutient Soubise

La France paye ma sottise[2].

Ainsi Poisson, c'est-à-dire madame de Pompadour, était signalée comme la cause des défaites publiques. On l'accusait aussi de la disgrâce du maréchal de Broglie, brave sans doute, mais d'un caractère maussade, entier, insubordonné ; Victor de Broglie, coryphée du parti janséniste, était l'espérance de tous les parlementaires. Lors de sa disgrâce, on le salua de mille applaudissements sur les théâtres, et Mlle Clairon, dans Tancrède, dit avec un ton pénétré :

On exile Tancrède, on l'insulte, on l'outrage.

et tous les yeux se tournèrent vers le maréchal. Lors de la glorieuse victoire de Lutzelberg, gagnée par le prince de Soubise, il fut encore fait des couplets sur le prince, élevé par le Roi à la dignité de maréchal.

Je finis an pauvre maréchal

Et je redeviens général

Depuis que Broglie en son village

Est renvoyé par Pompadour[3].

Ces excitations de l'opinion publique énervaient singulièrement les opérations du conseil. Tandis que les armées se couvraient de gloire, les mécontentements de la bourgeoisie, avocats, marchands, éclataient en murmures. On appelait la paix de toutes les forces, et madame de Pompadour elle-même fut d'avis de sonder le terrain, pour obtenir une pacification de l'Europe. M. de Bussy, fort habile négociateur, fut envoyé à Londres. Le duc de Choiseul fit pressentir par les états-généraux de La Haye quelles seraient les conditions possibles. Celles qu'imposa l'Angleterre par l'organe de M. Pitt étaient si dures, si inflexibles, que le conseil du Roi, unanimement, décida que la guerre serait continuée. On put remarquer à cette époque un fait bien triste encore pour notre histoire, c'est que les plus vigoureux, les plus intrigants des adversaires de la paix avec la France, ce furent les réfugiés protestants et jansénistes, alors à La Haye, à Londres et à Berlin. Leur haine se montra inflexible, implacable pour le drapeau de leur vieille patrie. Leurs intrigues secondèrent les oppositions insensées, coupables des parlements qui suspendaient la justice dans le royaume, avec un grand éclat, comme pour profiter des embarras nouveaux du royaume. Le Roi en était irrité profondément ; lorsque la marquise de Pompadour conseillait la mesure, le calme, Louis XV s'écria en plein conseil : Il y a trop longtemps que cela dure ; je ne suis plus jeune, il faut en finir[4]. La marquise croyait encore possible un arrangement qui pourrait donner au Roi la force, l'appui des parlements dans la crise de guerre.

Le roi Louis XV, à cette époque, grandit en énergie, en activité ; il passait les revues des gardes suisses et de sa maison militaire, qui partit pour la campagne avec un zèle et une ardeur incomparables. Les gravures contemporaines, si parfaitement réussies, ont gardé le souvenir et retracé les moindres détails de ces revues au Trou d'Enfer, près de Marly, ou bien à la plaine des Sablons, passées par le Roi en personne[5] avec toute sa famille. Quelle belle armée ! que de grâces sous ces uniformes tout brillants, et si glorieusement portés : mousquetaires, gendarmes, chevau-légers, grenadiers à cheval ! Après ces revues royales, les troupes partaient pleines d'ardeur pour la Flandre ou l'Allemagne. La marquise assistait assidûment à ces belles fêtes militaires : il y avait tant de curieux en carrosses que la tête des voitures était déjà vers la porte Saint-Honoré, que la queue se développait encore à Versailles. Les gentilshommes ne faisaient pas défection à la cause de la France : ils couraient se sacrifier pour elle, sans observations ni remontrances. Cette gaieté, cet entrain des gentilshommes passa aux soldats, et c'est pour exprimer ce joyeux entrain, que Favart composa sa jolie chanson de Relan tan plan, tambour battant.

Brayes garçons que l'Amour mène,

Prenez parti dans Orléans.

Notre coronel, grand capitaine,

Est le patron des bons enfants.

Dam ! il fallait le voir en plaine

Où le danger est le plus grand,

Et le r'li, et r'lan.

Lui seul en vaut une douzaine,

Relan tan plan, tambour battant.

Un officier dans la bataille

Est pêle-mêle avec nous tous.

Il n'en est point qui ne nous vaille

Et les premiers ils sont aux coups.

Un général fût-il un prince,

Des grenadiers se met au rang,

Et r'li, et r'lan,

Fond sur les ennemis et vous les rince,

Relan tan plan, tambour battant.

Quand le Roi n'était pas occupé à ses devoirs de guerre et de conseil, sa plus grande distraction, c'était la chasse. Cette agitation qu'elle imprime au corps et les loisirs qu'elle laisse à l'esprit convenaient parfaitement au caractère du Roi, profondément affecté de l'état du royaume. La chasse lui donnait le temps de réfléchir, de comprimer les élans impétueux de certains conseils, d'attendre les nouvelles, de distraire ses tristesses et de consulter ses amis dans la plus haute intimité. Il passait rapidement de Compiègne à Fontainebleau, puis de la forêt de Sénart à Rambouillet. Presque partout, au milieu de ces vastes forêts, il faisait élever ou embellir des rendez-vous de chasse, vastes pavillons où il soupait et couchait souvent[6]. Dans ces pavillons, au milieu des grands bois, se tenait le conseil. La solitude inspirait les esprits, comme dans l'antiquité les forêts peuplées de Nymphes murmuraient les oracles ; autour d'un feu pétillant, sous les sifflements des vents d'automne, le Roi aimait à écouter les avis, les histoires belliqueuses de la campagne, comme au moyen-âge le seigneur oyait les grands dires des batailles et les faits et gestes de chasse.

Ce fut une époque très-difficile pour le crédit de madame de Pompadour. Elle déploya une capacité infinie. Le Roi ne s'était pas mis à la tête de ses armées comme en 1745. Il fallait incessamment le distraire et secouer cette tristesse maladive qui dévorait sa joie, ses plaisirs. La marquise comprit la nécessité de créer des occupations attrayantes. Le Roi aimait à bâtir, à féconder par ses encouragements les voyages, les découvertes des sciences. La marquise y joignit l'amour infini des arts. Madame de Pompadour, dans cette voie, fut parfaitement, secondée par son frère, le jeune marquis de Marigny, intendant des bâtiments de la Couronne. Le Roi avait une tendre affection pour ce jeune homme si modeste, et qui d'abord créé marquis de Vandière et cordon bleu[7], obtenait la confiance du Roi par son activité à construire, à déblayer la ville de Paris. Chaque fois qu'il y a crise publique, suspension de la vie industrielle, il faut que l'État occupe la multitude, et de là les gigantesques monuments des cités pour lesquels le concours des masses d'ouvriers est indispensable. Rome ne fut jamais si embellie que sous les empereurs qui avaient concentré la vie de l'État et la liberté des individus. Les Césars firent bâtir une nouvelle Rome, pour occuper l'oisiveté des multitudes. La guerre de sept ans fut l'époque des grands travaux à Paris, parce que le peuple était privé de toute industrie par la suspension du commerce au dehors.

Les plans de la marquises de Pompadour et de son frère le marquis de Marigny pour les embellissements de Paris subsistent encore ; il en reste même encore un témoignage dans les splendides bâtiments du garde-meuble, la place Louis XV, le pont, les dessins du palais Bourbon et de la Madeleine ; le Louvre achevé devait se réunir aux Tuileries. On voit dans une gravure contemporaine, le marquis de Marigny lui-même présider aux travaux avec un zèle attentif[8]. Les architectes de prédilection de la marquise étaient Soufflet, Gabriel et Servandoni, admirables artistes, qui nous ont laissé de beaux monuments : le Panthéon, la place Louis XV, les hôtels des Champs-Élysées, Saint-Sulpice. Les souvenirs de la Grèce et de Rome se mêlaient aux goûts élégants et commodes du XVIIIe siècle, les colonnades sévères aux fantaisies chiffonnées.

De grandes voies ornées d'hôtels avec jardins, comme les rues de Bourbon, de l'Université et Grenelle, devaient couper Paris dépouillé de ses remparts qu'on transformait en boulevards : la Grange-Batelière se peuplait de beaux hôtels de financiers avec des jardins qui s'étendaient jusqu'à la butte Montmartre. Les boulevards furent l'œuvre la plus favorisée par la marquise de Pompadour. Elle les fit planter jusqu'à la porte Saint-Martin ; on lui dut la plupart des hôtels de la rue Bergère, si parfaits, si gracieux[9]. Mais son plan le plus vaste après le Panthéon, Saint-Sulpice et la Madeleine[10] dut s'étendre à cette partie de la ville de Paris qu'on appelle la Cité. Tout le vieux Paris devait être vendu à une compagnie financière qui s'engageait à sa transformation. Toute l'île de la Cité devenait une ville nouvelle avec Notre-Dame sur un point et le Palais-de-Justice[11] sur l'autre. Pour lier les deux rives de la Seine, on construirait des galeries couvertes sur les ponts, avec des arbustes en fleurs et des peintures murales, sortes de jardins suspendus.

Le Palais-Royal devait ainsi s'unir au Luxembourg par cette galerie d'hiver, où les passants seraient abrités contre le vent, le soleil et la pluie. Au centre de Paris, les boulevards se développeraient successivement jusqu'à la porte Saint-Honoré par d'élégants hôtels, dont le pavillon de Hanovre était comme le modèle. Les financiers quittaient un peu la place Vendôme, la place des Victoires, pour les belles et nouvelles constructions de la Grange-Batelière et des rues Bergère. Chaque hôtel était alors un objet d'art ; peintres, sculpteurs, travaillaient des années sur les plafonds, les dessus de portes, les ornements des salons et des riches galeries : ainsi Vernet avait peint ses tableaux du matin, du midi et du soir, comme dessus de portes pour Choisy.

C'est à madame de Pompadour et au marquis de Marigny, son petit frère, que Ton doit le développement de récole de Rome et l'institution des grands prix de peinture et d'architecture. Le cardinal de Bernis obtint les privilèges de l'école et les immunités dont les élèves jouissaient comme s'ils avaient été sur la terre de France même. On dut aussi à la marquise la première exposition des tableaux dans le Louvre, afin de créer l'émulation parmi les artistes ainsi royalement abrités.

La première exposition publique ou premier salon de peinture au Louvre se reporte à l'année 1758, époque de la toute-puissance de madame de Pompadour : ce fut une grande fête artistique, où brillèrent les œuvres de Vanloo, Boucher, Greuze, Vernet et Vien[12]. Le compte-rendu de ce salon fut fait par tous les critiques, spécialement par Diderot lui-même[13]. Brillante lignée d'artistes que les Vanloo, qui unissaient à une origine flamande une éducation méridionale ; ils avaient vécu à Nice, à Aix en Provence où leur famille s'était établie. Jean-Baptiste Vanloo s'était fait remarquer par une succession de portraits : Louis XV enfant, Marie Leczinska, celui de madame de Sabran (Provençale comme lui) et de madame de Prie. Le frère de Jean-Baptiste, l'ami du duc de Bourbon, Charles-André Vanloo s'était aussi fait connaître par une remarquable peinture, Apollon qui écorche le satyre Marsyas, œuvre de maître qui révèle l'étude des camées antiques, si protégée par la marquise. Ses deux charmants tableaux d'Un concert d'instruments et de La conversation espagnole, œuvre moitié flamande et moitié castillane, l'avaient vivement recommandé à la marquise de Pompadour qui le chargea du portrait de Louis XV (depuis exposé au salon de 1763).

Vanloo, logé au Louvre avec une pension de 6.000 livres, resta le peintre en faveur auprès de la marquise jusqu'à l'exposition de ses Trois Grâces enchaînées par l'Amour. Madame de Pompadour jugea très-sévèrement[14] cette œuvre aux chairs rebondies et flamandes. L'idéal que la marquise se faisait des Grâces, de la beauté, était quelque chose de suave, de svelte, d'élancé comme les Grâces antiques. Elle ne put s'empêcher de pousser une exclamation peu favorable au peintre qui avait trop étudié Rubens.

François Boucher, l'artiste de prédilection de madame de Pompadour, méritait cette faveur par la grâce facile de ses dessins et de ses chairs un peu trop nourries de roses. Expression de cette société du XVIIIe siècle, toute riante et sensualisme, Boucher fut le vrai peintre de cette manière charmante, digne de reproduire les marquises, race perdue et remplacée par ces figures de bourgeoisie emblasonnée, avec cette spécialité de nez épatés et rougis de races sémitiques. Boucher travailla beaucoup et conquit une grande fortune, ne dédaignant ni la peinture des enseignes, ni les estampes des rues ou les enluminures d'éventails, le plus gracieux ornement des femmes, et alors d'un prix inestimable ; les paravents, les chaises à porteurs, les porcelaines de voitures, tout était enluminé de belles peintures de la main du grand maître. Les plus gracieuses productions de Boucher furent peintes pour l'ornement des châteaux de Crécy et de Bellevue, résidences privilégiées de madame de Pompadour.

Les salons de 1758 à 1763, je le répète, furent décrits par Diderot, ce matérialiste ordurier, porc d'Épicure dans la coterie des encyclopédistes Le premier salon de 1758 fit événement parce que l'époque était aux arts, à la vie facile ; l'artiste du XVIIIe siècle était honoré, reçu, fêté partout. Madame de Pompadour n'était-elle pas une artiste elle-même ? Ses plus doux moments n*étaient-ils pas consacrés à l'art. Le marquis de Marigny n'était pas seulement le protecteur des choses de l'esprit, il était artiste travailleur : ses traits ont été reproduits à la fois par Greuze, Vernet et Vien ; il n'avait rien d'élégant et de svelte comme sa sœur la marquise, mais ses yeux étaient spirituels et vifs, son front était haut ; il corrigeait la lourdeur d'un ventre un peu proéminent (origine financière), par une certaine légèreté de pose, et son justaucorps de velours noir amincissait sa taille : on peut le voir en pied dans la gravure qui le représente assistant à la reprise des travaux du Louvre. Le marquis de Marigny porte le cordon bleu sur la poitrine. Le Roi avait ainsi voulu honorer le protecteur des artistes : ceux-ci ont gardé un long souvenir du marquis de Marigny. Les marines de Vernet lui furent dédiées ; un des ronds-points de la vaste promenade du vieux Cours-la-Reine, ces Champs-Élysées, œuvre de madame de Pompadour, a pris le nom de carré de Marigny, en mémoire de celui qui avait si bien exécuté les vues de sa sœur. Hélas ! il n'existe pas un seul monument dans ce Paris ingrat pour la marquise de Pompadour. A Bellevue, à Versailles, à Meudon, à Étioles, nous foulons les gazons qu'elle dessina, nous parcourons les allées qu'elle fit planter, nous admirons ses jaspes, ses porcelaines, ses meubles, ses salons, les belles soies de ses robes de damas ; ensuite quelques grossiers historiens de nos annales rappellent la Pompadour, à la façon des courtisanes, comme jugement définitif et pédant sur les grâces et l'esprit.

 

 

 



[1] Voir mon Louis XV et le Maréchal de Richelieu.

Barbier prend plaisir à exagérer les défaites et les pertes des divers corps de l'armée française, années 1760-1761. A tous ces grands censeurs, je préfère l'aimable Favart, toujours aux aguets pour chanter nos gloires :

Cumberland sur son belvéder

Nous voyant passer le Weser,

Se fit apporter sa cuirasse,

Son grand sabre et son catogan ;

Et puis il dit, d'un ton d'audace :

Courage, amis, fichons le camp.

[2] Recueil Maurepas. Manuscrits Bibliothèque Impériale.

[3] Recueil Maurepas. Fort curieux depuis l'année 1761 à 1763 sur madame de Pompadour.

[4] Voir mon Louis XV.

[5] Bibliothèque Impériale. Collection des estampes, 1760.

[6] Comme le Saint-Hubert de Compiègne, et le pavillon de la Muette. Voyez le Livre des chasses de Louis XV.

[7] Cette promotion d'un roturier au cordon bleu souleva de grandes oppositions, et l'on fit des épigrammes sur le Poisson, nom du marquis de Marigny, qu'on passait au bleu.

[8] Bibliothèque Impériale (Collection des estampes).

[9] La plupart de ces hôtels ont été gâtés par des constructions modernes.

[10] La Madeleine et le palais Bourbon ne furent commencés qu'un peu plus tard, mais ils sont sur le plan.

[11] Le révolutionnaire Soulavie donne quelques-uns des plans de madame de Pompadour.

[12] On trouve le salon en miniature dans les collections de gravures. Bibliothèque Impériale.

[13] Un recueil a publié ce compte-rendu (1857).

[14] Cela des Grâces ! L'artiste en conçut un profond chagrin.