CHARLEMAGNE

TOME PREMIER. — PÉRIODE DE LA CONQUÊTE

 

CHAPITRE V. — CHARLES-MARTEL.

 

 

Origine et naissance de Charles Martel. — Son nom. — Son enfance. Mairies de Neustrie et d'Austrasie. — Sa captivité. — Ses premières guerres.-Invasion de la Neustrie. — Guerre méridionale d'Aquitaine. — Développement de la puissance des Sarrasins au midi des Gaules. — Ravage des cités. — Défaite de Munuza par Guillaume de Poitiers. — Alliances des Sarrasins. — Nouvelle invasion. — Abd-Alrahman. — La race germanique en Aquitaine. — La bataille de Tours ou de Poitiers. — Récits des Arabes. — Des auteurs occidentaux. — Terres d'église. — Terres des soldats. — Légendes sur Charles Martel. — Ses rapports avec Rome. — Chartes et documents. — Traditions chevaleresques. — Chansons de gestes. — Premier chant de l'Épopée de Carin le Loherain.

713-741.

 

Pépin d'Héristal venait d'accomplir l'envahissement de la Neustrie et de l'Aquitaine à l'aide des fiers hommes d'Austrasie, qu'il conduisait lui, leur chef, les anciens Francs s'étaient ramollis dans les villes du centre et du midi de la Gaule ; ce n'étaient plus les guerriers du Rhin et de la Meuse : devenus trop Romains, leurs mœurs militaires étaient dégénérées sous l'influence de la civilisation plus douce des évêques, des clercs et des Gaulois. Pépin d'Héristal, parti de la Souabe, de la Thuringe assura la supériorité des mœurs et des coutumes germaniques : duc d'Austrasie, maire du palais de toute la nation des Francs, il fit reconnaître pour rois trois jeunes hommes de la race de Mérovée : Clovis III, Childebert III et Dagobert III.

Dans sa vie tant agitée, Pépin d'Héristal avait plusieurs femmes en ses palais ; les évêques luttaient en vain contre cette habitude des temps primitifs de la Germanie ; les rois et les ducs austrasiens avaient des femmes, des concubines, leurs compagnes, leurs esclaves, qu'ils changeaient et répudiaient à leur gré[1]. Deux fils, Drogon et Grimoald, étaient nés d'une de ces femmes, Plectrude ; deux autres d'une seconde concubine ou épouse, Alpaïde. Le premier eut nom Charles ou Karl, familier dans la race d'Austrasie : Charles, élevé auprès de son père fut, tout enfant, le plus chéri, car sa mère était belle et lui le dernier né. Saint Lambert, évêque de Maëstricht, dénonça l'union de Pépin et d'Alpaïde comme un adultère et un inceste : sa voix chrétienne ne fut pas écoutée, Alpaïde resta chérie et caressée. Odon, comte australien, frère de la femme outragée, frappa de son glaive, dans le sanctuaire, le pieux saint Lambert, et le tua sur le seuil de la cathédrale. Drogon et Grimoald moururent avant Pépin, laissant des enfants tout jeunes encore, qu'on voulut appeler par lois d'hérédité à gouverner les Austrasiens, les Neustriens et les Bourguignons. C'était contre la coutume, car les maires du palais devaient être forts, capables de conduire les hommes d'armes : était-il possible à une intrépide génération telle que les Francs d'avoir des rois sans puissance et des maires du palais enfants ? Pour accomplir ses projets de donner aux Francs des ducs sous la tutelle d'une femme, Plectrude fit enfermer Charles dans une des tours de Cologne, comme le fils d'une concubine.

Charles ne resta point captif en la tour de Cologne sur le Rhin ; il se sauva par le zèle des serviteurs de Pépin d'Austrasie, qui le reconnurent ; il s'empara du titre de due d'Austrasie ; bientôt les Francs le saluèrent, car il était à l'image de son père, Pépin d'Héristal. Ainsi chef militaire austrasien, Charles renferma dans un monastère Plectrude, la femme altière qui avait voulu se poser comme régente, et partagea les trésors entre les hommes d'armes[2]. Voilà donc Charles, duc d'Austrasie : or, les Neustriens, qui ne voulaient pas non plus avoir un enfant pour maire, élurent Rainfroy pour leur chef. Rainfroy et Charles se déclarèrent la guerre ; c'était homme d'armes contre homme d'armes. Rainfroy, à l'aide des Frisons, nation rivale des Austrasiens, attaqua Charles avec vigueur ; le duc éprouva d'abord un premier échec ; mais bientôt il reparut sur le champ de bataille, et les Neustriens et les Frisons tombèrent sous le glaive des Francs germaniques. On parla de paix ; Charles disait à Rainfroy : Laisse-moi les terres d'Austrasie, toi retiens la Neustrie, et trêve d'armes sera faite. Rainfroy, qui parlait au nom de Chilpéric, un des Mérovée, refusait ces offres, car il voulait tout gouverner. A un roi il fallait opposer un roi, telle était la coutume des Francs ; et Charles, duc d'Austrasie, prend aussi un Mérovée, qu'il fit roi sous le nom de Clotaire. Cette élection faite, il part avec ses guerriers de race germanique ; il livre à Viney une première bataille aux Neustriens, qu'il défait, marche sur Reims, trouve dans la plaine les hommes de Neustrie réunis aux Aquitains, leur livre bataille, et à l'aide de ses hommes du Nord moins ramollis, moins faits aux douceurs de la vie, il remporte encore une éclatante victoire[3].

Charles est donc maître comme Pépin des deux royaumes d'Austrasie et de Neustrie : ici comme duc, là comme maire du palais. Clotaire, qu'il avait fait roi, meurt, et, habile politique, Charles offre aux deux peuples de les gouverner comme Pépin son père, sous la simple autorité de maire. Chilpéric, que les Neustriens ont élevé à la couronne, restera roi des Francs. Rainfroy vaincu accepte ces conditions et devient duc d'Anjou ; il abdique sa mairie du palais, et Charles gouverna simultanément la Neustrie et l'Austrasie. Maintenant il doit se défendre contre tous les ennemis des établissements francs dans les Gaules ; ils sont nombreux. Ici commence sa vie laborieuse et militaire pour la défense de la nationalité ; les peuples hostiles aux Francs sont en grand nombre : les Saxons indomptés attaquent les Gaules du côté de la Belgique, Charles s'y porte avec ses compagnons, et force les Barbares à rentrer dans leurs terres de l'Elbe et de la Frise. Cinq fois les Saxons viennent sur le Rhin, et cinq fois Charles Martel lance contre eux les Francs Austrasiens et Neustriens[4]. Les chroniques racontent aussi ses guerres d'Aquitaine ; Charles est successivement sur l'Elbe, sur la Loire, sur le Rhin et le Rhône ; c'est le type le plus complet des guerriers francs, race vagabonde : la vie des cités lui déplaît, il n'est bien que dans les expéditions lointaines[5] ; digne maire du palais, il n'en conserve que mieux son autorité sur les Francs, peuple qui n'habite les villes qu'à regret ; on dirait que cette génération étouffe derrière les murailles et sous le poids des tours et des châteaux forts ; il lui faut comme à ses ancêtres les vieilles forêts, les champs spacieux.

Une renommée plus grande va maintenant s'unir au nom de Charles ; les invasions des Sarrasins, partis d'Afrique et d'Espagne, menacent le centre des Gaules ; ce n'est plus seulement au Midi qu'ils marchent, ils attaquent le Nord. En Espagne, la race des Goths est tombée sous cette rapide conquête[6] ; si l'on en excepte de vieux chrétiens retirés dans les montagnes des Asturies et les comtes de Castille, les peuples d'Espagne sont courbés sous les lieutenants des califes : Cordoue, Séville sont devenues la résidence des émirs, que les commandeurs des croyants désignaient pour occuper les terres infidèles. Depuis quinze années les Sarrasins avaient passé les Pyrénées : que de ravages ils avaient exercés sur le monde chrétien ! Il faut lire dans les légendes et les cartulaires des abbayes les désolations que subirent les villes d'Arles, de Nîmes, incessamment menacées par ces bandes implacables. Ici les basiliques détruites ; là les reliquaires pillés. Les villes de Languedoc, si brillantes déjà, les municipes, sœurs de Rome, livrées à toutes les désolations !

La première invasion régulière dans les Gaules fut conduite par un émir du nom de Moussa[7] : le vent de l'islamisme, s'écrie une chronique arabe, commença à souffler contre tous les chrétiens. Le Rhône entendit sur ses bords le hennissement des chevaux d'Afrique et d'Espagne. Dans ces expéditions hardies, les Sarrasins étaient aidés par la faiblesse et la division des chrétiens et par la trahison des Juifs[8], très nombreux dans les cités des Gaules méridionales ; familiers avec la langue arabe et syriaque, ils prêtaient la main aux fils de l'Orient : on voit les traces du passage des Sarrasins à Vienne, à Lyon, à Mâcon, et jusqu'à Châlons-sur-Saône. Les annales de Dijon même racontent leurs ravages dans le royaume de Bourgogne ; quelquefois les chroniques qui ne sont pas contemporaines confondent les invasions des Hongres, sorte de Vandales, qui vinrent aux IXe et Xe siècles, avec celles des Sarrasins du VIIIe siècle[9] ; les sectateurs du prophète, peuple à l'imagination ardente, avaient conçu un vaste plan de conquête, ainsi que Mahomet savait les tracer dans sa pensée de domination. Les armées arabes devaient s'emparer au pas de course, comme les cavaliers du désert, du royaume des Francs — Austrasie et Neustrie — ; sur le Rhin, ils devaient faire une halte d'un moment, puis passer à travers les terres des Allemands, fondre sur l'Italie et sur la Grèce, de manière à transformer la Méditerranée en un lac inféodé à la race du Prophète.

Ce plan était parfaitement en harmonie avec les vastes idées de conquêtes nomades, que les Arabes avaient accomplies déjà dans l'Afrique et dans l'Espagne. Partis de la Syrie, l'Égypte avait subi leurs lois ; ils avaient refoulé les Berbers d'Afrique jusque dans les sables brûlants ; rien n'avait arrêté ce torrent dévastateur ; maitres de l'Afrique, ils avaient en moins de deux ans soumis l'Espagne ; les Goths obéissaient désormais à leurs lois ; ils passaient les Pyrénées ; beaucoup de villes du Rhône leur étaient soumises[10], et ils convoitaient l'Allemagne, l'Italie et la Grèce, pour prendre Constantinople à revers. Le tracé de cette marche immense existe encore dans les géographies arabes ; les Sarrasins, employant leurs forces d'invasion, étaient aussi rusés qu'intrépides sur un champ de bataille. Quand la guerre sacrée était annoncée, tous montaient à cheval, car le commandement du Prophète était la loi des musulmans ; ils se servaient des pays conquis pour grandir leurs masses ; comme auxiliaires de la conquête, les émirs menaient à leur suite des nuées de Berbers africains qui formaient leur cavalerie légère et intrépide ; avec eux aussi étaient les Juifs, toujours si disposés à la trahison dans les cités méridionales. S'il faut en croire les chroniques, les Juifs se mettaient en rapport avec les ennemis des Francs, par haine contre les chrétiens, qu'ils aimaient à livrer comme Judas avait livré le Christ. Presque toutes les cités de la Gothie furent vendues par les Juifs ; ces innombrables armées de Sarrasins menaient avec elles des femmes, des enfants, tout ce qu'il fallait pour fonder des colonies[11], avec la pensée de s'établir dans le centre de l'Europe, en donnant à l'islamisme des milliers de sectateurs. A cette époque, la lutte était toujours de race contre race, de domination contre domination, de foi contre foi ; qui occuperait cette terre ? qui seraient vainqueurs ou vaincus ? la victoire en décidait.

Le premier chef de guerre qui s'opposa d'une manière vigoureuse à l'invasion rapide des Sarrasins fut Eudes, duc d'Aquitaine ; il faut lui restituer une partie de la gloire que la postérité a réservée à Charles Martel seul. Les Sarrasins, sous l'émir Alsamah, avaient fait de Narbonne le siège de leur puissance — Narbonne située près de la mer, entre les Pyrénées et l'Aquitaine — ; des masses d'infidèles se répandirent dans la Septimanie, et vinrent assiéger Toulouse ; Eudes, de la race des Francs, quelques-uns disent même issu des Mérovingiens, fit un appel aux populations méridionales. Tandis que les Sarrasins assiégeaient Toulouse, il tomba sur leurs camps et les défit ; leurs masses confuses se retirèrent dans les Pyrénées vers Narbonne, leur place d'armes[12] ; l'émir Alsamah déploya un grand courage ; il répétait en combattant comme un lion ce verset du Koran : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il fut renversé d'un vigoureux coup de lance par les hommes d'Aquitaine. Abd-Alrahman, que les vieilles chroniques appellent Abdérame[13], prit le commandement des débris des Sarrasins, qui se réfugièrent au delà des Pyrénées ou à Narbonne.

La victoire du comte Eudes, et dont il rendit compte au pape, fut tellement décisive, que depuis ce moment l'on ne voit plus les Sarrasins que dans des expéditions isolées, plutôt comme troupes livrées au pillage que comme armée régulière. On peut suivre leur itinéraire dans les tristes lamentations des monastères ; ils, dévastaient les d'Uses couvertes d'or, rançonnant toutes les abbayes de l'Aquitaine. Cependant quelques années plus tard, Ambissa, gouverneur de l'Espagne pour le calife, résolut de traverser les Pyrénées avec une formidable armée couverte d'armes brillantes et précédée d'une nuée de Berbers ; Ambissa adopta moins le système de la conquête violente que la méthode d'imposer des tributs aux races vaincues comme en Espagne ; la plupart des villes du Languedoc se rançonnèrent pour apaiser sa cupidité. Ambissa envoya des masses d'or à Séville, à Cordoue[14] ; il fut tué dans une de ces expéditions. A sa mort, les Sarrasins recommencèrent leurs pillages, et puis il se lit un mélange de peuples ; le comte Eudes, naguère vainqueur des Sarrasins, consentit une alliance de peuples et de famille ; Munuza, émir plein de tolérance dans ses expéditions contre l'Aquitaine, avait enlevé la propre fille d'Eudes, du nom de Lampegie, et d'une mâle beauté ; amoureux de cette enfant de race franque, il l'épousa quoique chrétienne. Le duc et l'émir se lièrent ainsi d'intérêts, de famille, symbole de cette fusion toujours naturelle entre les races envahissantes et envahies, comme cela s'était produit en Espagne entre les Sarrasins et les Visigoths, et dans les Gaules entre les Francs et les Romains. Il n'y a jamais d'anéantissement absolu d'une vieille société, même par la conquête violente ; des transactions arrivent toutes seules entre les races. Les Sarrasins fervents et les chrétiens dévoués au culte de l'église[15] n'admirent pas la fusion des cultes et des âmes ; la conduite de Munuza fut blâmée dans les mosquées de Cordoue et de Séville ; on le dénonça comme un parjure ; à son tour, le comte Eudes fut fatalement excommunié.

A ce moment, Abd-Alrahman fit annoncer la guerre sainte dans les villes d'Afrique et d'Espagne, et bientôt des masses immenses de Sarrasins passèrent encore les Pyrénées ; désordonnées, confuses, comme toutes les expéditions de peuple, ces bandes d'infidèles conduisaient des femmes et des enfants, du butin et des troupeaux, pour s'établir en pasteurs dans les terres conquises. Abd-Alrahman détruisit la puissance de Munuza au delà des Pyrénées, et le renversa, car il avait été traître à la loi ; sa tête fut envoyée à Damas, et Lampegie, sa jeune femme, mise aux mains des filles de Cordoue, fut destinée au sérail du calife. Les Sarrasins se répandirent du liant des montagnes dans toute la Septimanie ; on les vit également à Arles, à Bordeaux, cités qui s'abaissèrent devant eux ; ils prirent la route de la Loire ; rien ne put résister à leur première attaque ; un comte de Poitiers, qui seul s'opposa à l'invasion, fut pris et décapité ; les topazes, les émeraudes de son trésor, les reliquaires de ses églises furent envoyés à Damas : Abd-Alrahman, dit un historien arabe, était comme une tempête qui renverse tout ; un glaive à deux tranchants[16].

Le comte Eudes d'Aquitaine, impuissant pour résister à ces forces confuses, vint trouver Charles, duc d'Austrasie, maire du palais des Francs, et qui tenait sa cour plénière à Cologne. La Neustrie était menacée ; après la Loire, l'empire des Francs serait attaqué ; si la guerre des Saxons était terrible au nord, celle des Sarrasins ne l'était non moins au midi ; et Charles fit retentir le bruit d'une belliqueuse expédition en Aquitaine. Sa voix bien connue des races d'Austrasie eut bientôt réuni les hommes du Danube, de l'Elbe, du Rhin, de la Seine, de l'Océan, à la stature forte, aux armures de fer, à la niasse d'armes pesante ; et Charles les conduisit en traversant Paris et Orléans sur la Loire, car les Sarrasins s'avançaient vers Tours ; ils savaient que dans cette cité était renfermé un riche butin, des vases d'or, des ornements de soie, et tous voulaient en orner les mosquées. Abd-Alrahman hésita ; inquiet du résultat de la bataille, il était tristement frappé du luxe que déployaient ses troupes, de la mollesse et de l'indiscipline qui s'étaient introduites parmi elles : ce n'étaient plus les Sarrasins conquérants de l'Espagne, mais des masses confuses, un pêle-mêle de Berbers, d'Arabes, de Juifs ; et tous avaient à combattre les hommes d'énergie et de force du Rhin et de la Meuse ; ce n'étaient plus des Aquitains ramollis, des habitants paisibles des cités romaines, de Nimes, d'Arles, de Toulouse, de Narbonne, mais les fils de la race germanique, à la stature élevée, à la puissante main. Là, nul n'était dégénéré[17] !

Quel fut le champ de bataille où se décida la lutte entre les chrétiens de race germanique et les Sarrasins énervés dans les sérails de Cordoue et de Séville, sous le soleil d'Espagne ? Les Arabes placent ce terrible choc des deux armées tout près de Tours ; les cartulaires des monastères indiquent Poitiers et une vaste plaine non loin de ses faubourgs Que faut-il croire entre ces deux versions ? La bataille peut-être commença à Tours et finit à Poitiers. Ce fut une de ces longues actions dont l'histoire moderne a été témoin, qui s'étendent sur un espace de plusieurs lieues et embrassent plus d'un champ de bataille. A Tours, les Sarrasins furent chassés dés faubourgs par une violente irruption ; Charles passa la Loire, s'étendit sur la Vienne, toujours victorieux, et Poitiers devint le grand sépulcre des infidèles. La bataille qui se donna au mois d'octobre fut remarquable par la fermeté des nations septentrionales : qui résistèrent aux coups comme des murs immobiles et se tinrent comme des zones de glaces[18]. Les Sarrasins avaient une nombreuse cavalerie légère, composée d'Arabes, de Berbers, qui se portaient de droite et de gauche en caracolant, et ces cavaliers ne purent entamer les hommes forts d'Austrasie. Ces gens du Nord, continue Isidore de Beja, combattaient vigoureusement, et le glaive des Arabes venait s'émousser sur leurs poitrines.

Le combat dura plusieurs journées ; les Sarrasins attaquèrent de droite et de gauche sans succès, tandis que la race germanique s'avançait toujours ferme dans ses rangs et sans laisser d'intervalle. Une hardie diversion décida la victoire ; au moment où les Sarrasins hésitaient dans leurs efforts, repoussés par Charles Martel, Eudes, avec les Aquitains, parut sur leur flanc, s'empara de leur camp et de la tente de l'émir, et cette surprise mit une profonde confusion au milieu des Sarrasins[19]. Abd-Alrahman voit le danger, il lance sa cavalerie berbère sur les Aquitains ; percé d'une flèche lancée d'une main vigoureuse, il tombe et expire. Charles voit le moment décisif, marche en avant avec impétuosité ; la confusion est dans les rangs des infidèles, et bientôt ce n'est plus qu'un sanglant pêle-mêle ; Charles victorieux distribua le butin entre ses soldats, c'était la coutume ; mais il ne marcha point au delà de Poitiers ; ces pays du midi n'étaient point de son domaine, et il avait d'autres ennemis à repousser au nord. Après la défaite d'Abd-Alrahman, le surnom de Martel fut confirmé à Charles : Car, dit la chronique de Saint-Denis, comme le martiaus debrise et froisse le fer et l'acier et tous les autres métaus, aussi froissait-il et brisait par la bataille tous ces ennemis et toutes ces estranges nacions[20]. Le duc des Francs avait en effet bien frappé comme le martiaus, car le nombre de Sarrasins tués fut immense, des myriades d'hommes tombèrent ; les chroniqueurs chrétiens les portent à plusieurs cent mille ; les chroniqueurs arabes, toujours fatalistes, sans se plaindre de la destinée, se contentent d'appeler le champ funèbre de ce combat le Pavé des Martyrs. Aujourd'hui encore, dit Maccary, on y entend le bruit que les anges du ciel font dans un lieu si saint, pour y inviter les fidèles à la prière[21].

La race d'Austrasie avait ainsi conservé son caractère de supériorité militaire dans la bataille de Tours et de Poitiers ; la perte des hommes de Germanie fut peu considérable, il était si difficile de les atteindre sous les armures de Souabe si bien trempées ! et le nom de Charles Martel acquit grande renommée. Le caractère religieux de cette expédition le rendit populaire dans tous les pays de chrétienté ; duc d'Austrasie, maire des Francs, ne pouvait-il pas aspirer à la royauté ? Dans un Champ de Mars à Cologne, il sonda les hommes d'armes qui l'avaient suivi ; le ferait-on roi ? Soit que le vieux nom des Mérovées eût encore une certaine puissance sur les Francs, soit que l'autorité de duc ou de maire du palais fût indispensable pour le service de la guerre, Charles ne put changer ce titre militaire en la dignité de roi, alors plus religieuse et respectée ; il s'y prit par tous les moyens, et le meilleur de tous fut de gagner les soldats par de larges distributions de butin et de terres[22] ; seule solde militaire, le partage entrait dans les mœurs de ces races germaniques ; Charles avait conduit ses comtes sur le champ de bataille, quelles récompenses leur donnerait-il ? Il fallut prendre les biens des clercs, ou pour mieux dire, faire camper les hommes de bataille dans les terres bien cultivées des évêques et des abbayes. Le partage fut fait : à tel évêché on donna un comte, à telle abbaye un Austrasien fier et aux blonds cheveux. Ce fut un cri universel parmi les hommes de prières ; mais la force matérielle l'emportait : comment résister à ces invasions d'hommes d'armes ? Beaucoup d'évêchés furent donnés à des laïques, des abbayes de femmes même tombèrent au pouvoir de guerriers de race franque[23]. Cela ne fut pas un système général comme on l'a supposé, car les usurpations se limitèrent ; niais il fallait récompenser ceux qui avaient fait la guerre, et l'on dépouilla les clercs. Quel moyen restait-il aux religieux pour réclamer à la face du ciel ? Quand une grande injustice est commise, quand le colon paisible est dépouillé par l'homme de guerre, il récite les lamentables églogues comme Virgile à l'époque des vétérans d'Auguste, ou bien il invoque contre les violences Dieu, le juste vengeur des injustices humaines. Ainsi firent les clercs ; Charles Martel les avait dépouillés des terres qu'ils cultivaient de leurs mains et qu'ils défrichaient de leurs sueurs ; les Austrasiens barbares étaient maitres de leurs églises et de leurs monastères ; alors ces clercs firent cette célèbre légende de damnation qui dit les tourments du spoliateur aux enfers ; ils semblaient annoncer au peuple, aux Romains, aux Gaulois, aux colons, voués à la culture de la terre : Voyez-vous cet homme injuste, il a pris vos biens, et il est damné dans l'autre vie. Quel gage de sécurité pour les travailleurs faibles et sans protection ! L'Austrasien armé ne pouvait les chasser de leur domaine sans être frappé par la main de Dieu ! Les légendes qui damnent Charles Martel étaient une garantie pour les pauvres colons contre les hommes de force et de violence[24].

Toutefois il existe encore quelques chartes de Charles Martel, maire du palais, et presque toutes sont des donations aux monastères, aux abbayes ; il dote les cathédrales de plusieurs domaines ; Saint-Denis, en France, reçoit un petit champ tout à côté du monastère : cette charte est écrite le jour de Pâques. C'est par un diplôme de Charles Martel aussi que saint Boniface, l'apôtre de Germanie, est recommandé aux ducs, aux comtes, partout où il portera la prédication évangélique[25]. Ceci fait croire que le système de spoliations s'appliqua principalement aux abbayes vacantes, aux biens fiscaux ; Charles Martel les confiait aux Francs dont il avait besoin dans les batailles, aux hommes dont il disposait. Il cachait sa politique de race, car la pensée du maire du palais fut un moment de s'élever à la royauté comme l'avait essayé déjà son père et prédécesseur, Pépin d'Héristal. Charles Martel, après sa grande victoire sur les Sarrasins, crut mériter la couronne ; la tentative fut encore impuissante ; la dignité royale en ce temps était empreinte de quelque chose de religieux et de clérical ; il n'en était pas d'elle comme de la mairie du palais, fonction toute belliqueuse et de conquête ; le plus fort, le plus ferme était duc et maire. Les clercs et le peuple faisaient les rois ; les comtes, les Francs, les soldats faisaient les maires du palais ; ce caractère religieux de la royauté protégea donc les derniers Mérovingiens, faibles et captifs. Charles Martel avait trop blessé les évêques et les clercs pour oser définitivement se substituer aux Mérovingiens ; il y renonça dans l'assemblée du Champ de Mars ; seulement les Francs ne firent point de roi, et l'on vit un grand interrègne ; Charles Martel, gouverna sans les Mérovées, mais il ne fut point couronné.

Duc et maire du palais, il se trouva en rapport, comme tous les Carlovingiens, avec trois grandes puissances à l'extérieur : les empereurs grecs à Constantinople, le pape et les Lombards. A Byzance, c'était Léon l'Isaurien, soldat comme Charles Martel, l'ennemi des images[26], le barbare qui brisait les statues d'or des saints dans les sanctuaires, et les reliquaires enrichis de topazes et d'émeraudes. Il écrit à Charles Martel pour l'entraîner dans l'hérésie des iconoclastes : qu'il brise les images, cela lui donnera les moyens d'entretenir ses soldats, et de leur distribuer en pièces de monnaie l'or qui orne inutilement les châsses bénites. Charles n'ose s'arrêter à cette pensée ; il ménage les Grecs, mais il ne veut point rompre avec les papes, car il se trouve en correspondance spirituelle avec Grégoire III qui règne à Rome ; le pontife redoute à la fois les Grecs, les Lombards, les Sarrasins, et la politique des papes a déjà recours à l'intervention des Carlovingiens. Il faut frapper les imaginations des Barbares par des objets sensibles ; Grégoire envoie à Charles Martel les clefs de saint Pierre[27], les liens qui attachèrent l'apôtre dans la prison sombre ; c'est ici un symbole : les liens expriment la sujétion du Saint-Siège, les clefs les moyens de le délivrer ; et c'est un chef fier et brave que le pape invoque comme le protecteur de l'église de Rome. Grégoire lui donne le titre d'exarque, que décernent à Charles Martel le sénat et le peuple réunis dans les basiliques comme autrefois dans le Forum ; l'exarchat est un titre grec. Le pape veut détruire la domination byzantine en Italie ; il confère l'exarchat au chef des Francs, trop éloigné des intérêts italiques pour être redoutable.

La renommée de Charles Martel est si grande après la victoire de Tours et de Poitiers, que les Lombards sollicitent son alliance contre les Sarrasins qui menacent leurs possessions méditerranéennes : Que les Francs viennent donc sur l'Adriatique, ils y trouveront des riches cités qui les attendent et de fertiles campagnes où des milliers de chevaux peuvent paître en pleine liberté.

Charles Martel commença donc la véritable illustration des Carlovingiens ; Pépin et Charlemagne ne firent que continuer son œuvre avec les papes, les Lombards et les Grecs. Il mourut jeune encore, car il avait à peine atteint sa cinquantième année[28]. Il fut inhumé en terre sainte, et les légendes de damnation sur sa mort ne vinrent que plus tard, comme exemple, pour arrêter la violence militaire des chefs d'armes. Charles le Martel, écrit un siècle plus tard l'archevêque de Rouen, fut damné éternellement, parce que, le premier des rois francs, il sépara des clercs les possessions des églises. Or, saint Euchaire, évêque d'Orléans, qui fut enlevé à la terre dans l'autre siècle, vit Charles Martel tourmenté dans l'enfer[29] ; interrogeant son ange, il lui fut répondu :Qu'ainsi Dieu l'avait jugé digne des peines éternelles, car il avait enlevé des choses consacrées à l'amour de Dieu, à son culte divin, aux pauvres et aux serviteurs du Christ[30]. Cette chose connue, saint Boniface et Fulrade, abbé de Saint-Denis, visitèrent le tombeau de Charles Martel ; ils le trouvèrent vide[31], à la place du corps était un dragon, tout l'intérieur du sépulcre était dégradé comme s'il avait été brûlé. Nous avons connu des hommes, ajoute le légendaire, qui ont vécu jusqu'à notre âge, et ils ont ainsi témoigné ce qu'ils avaient vu et entendu[32]. Ce grand symbolisme d'un dragon qui remplit un tombeau vide est une leçon donnée à l'injustice et à la violence ; il dit aux hommes forts du Rhin et de la Meuse : Vous ne toucherez pas aux biens consacrés à Dieu et aux pauvres ; autrement vous aurez votre sépulture vide, et un serpent impur dans la fosse de la mort dévorera votre chair.

Comme Pépin d'Héristal, Charles Martel eut plusieurs femmes ; de Rotrude, ainsi nommée dans les annales, il eut Carloman et Pépin, qui furent élevés dans les batailles comme lui ; d'une seconde femme nommée Sonnichilde, naquit un troisième fils du nom de Griffon. Selon les habitudes germaniques, on régla le partage ; l'Austrasie, les terres du Rhin et de la Meuse furent données à Carloman ; la Neustrie à Pépin[33] : tous deux avec le titre de duc ou conducteur d'hommes ; Griffon, le troisième fils, reçut quelques comtés entre les états de ses deux frères. Ainsi finit le pouvoir de Charles Martel ; il prépara tout l'avenir de la race carlovingienne, lui créa une immense renommée, et la plaça au-dessus des Mérovingiens. A cette époque, les implacables adversaires de la race franque et germanique étaient les Sarrasins, ces multitudes conquérantes qui arrivaient de Syrie, d'Afrique et d'Espagne ; Charles-Martel les avait arrêtés à Poitiers, et ces services-là, les Francs de Neustrie et d'Austrasie ne les oublièrent point.

Le nom de Charles Martel fut assez éclatant pour être chanté plus tard par les ménestrels et les trouvères ; on le rencontre noblement célébré dans la première chanson de l'épopée chevaleresque de Garin le Loherain ; tout y est confondu comme dans les chants de gestes du moyen âge ; les Sarrasins avec les Vandales et les Hongrois, tous ces barbares qui ont laissé de tristes empreintes sur la société par la conquête sont mis en présence de Charles Martel qui les poursuit par la victoire et meurt sur le champ de bataille ; on ne tient compte ainsi ni des dates ni des faits. Vieille chanson voulez-vous ouïr, dit le trouvère, voulez-vous savoir grande et merveilleuse histoire, comment les Vandales vinrent en ce pays, détruisirent Reims et assiégèrent Paris[34]. Charles Martel s'oppose à ces invasions, il marche contre les infidèles ; en ce temps les moines noirs de Saint-Benoît prenaient terres et moulins, le monde était appauvri et les clercs riches. Charles Martel part et va trouver le pape droit à Lyon ; là, il y eut plus de 3,000 clercs et de 20,000 chevaliers ; Charles se précipite aux genoux du pape, et lui dit : Sire apostole, mon pays est envahi, les archevêques et les évêques sont tués, et avec eux mes chevaliers. L'apostole pleure à ce récit ; il demande conseil à ses clercs : Vous êtes riches, et vous pouvez bien souffrir quelques dons pour la chrétienté. L'archevêque de Reims et les prélats refusent ce que demande le pape, alors le Loherain Hervis se lève, le visage courroucé : Les clercs ont tous les fours et les moulins, il faut donc prendre une résolution pour avoir de l'argent[35]. — Foi de saint Martin, dit l'archevêque, je n'y mettrais pas un angevin. — L'abbé de Cluny répond : Nous sommes riches de bonnes terres, que chacun y mette du sien, un seul sou petit. Le pape, fort affligé de tout ce qu'il voit, se tourne vers Charles Martel : Beau fils, je vous octroie l'or et l'argent dont les clercs sont saisis, les palefrois, les mules et les roncins, et pour ces temps les Mmes, jusqu'à ce que vous ayez vaincu les Sarrasins. Et alors le Loherain Hervis s'écrie encore : Et aussi les armures des clercs ! Charles Martel fait rassembler son armée, il marche avec les Français contre les Sarrasins, il combat de destre et de senestre, comme un loup qui chasse les brebis. Confondant les Vandales et les Sarrasins, la bataille de Soissons et celle de Poitiers, le poète raconte de glorieuses scènes de chevalerie des hommes de Lorraine, de France et de Bourgogne ; Charles Martel brandit sa lance, les tambours sonnent, et là, au milieu de ce grand carnage, il est atteint de deux épieux, l'un à l'épaule, l'un à la poitrine ; quelle désolation dans l'armée de France ! Le Loherain Hervis s'écrie : Allons secourir Martel, le roi de Saint-Denis ! Bientôt on venge sa mort, Marsoufle à la taille gigantesque, émir des Sarrasins, est atteint d'un coup de lance : Frappés ! frappés, seigneurs ! crient les Français, car le roi est mort[36]. Et les chevaliers en pleurs font à Charles Martel de grandes funérailles.

Cette chanson de gestes sur Charles Martel n'a aucun caractère de vérité historique. Tout y est confondu comme dans la plupart des épopées du moyen âge : les temps, les lieux, le nom des personnages ; on les fait vivre et mourir au milieu des événements auxquels ils sont demeurés étrangers. Il en résulte néanmoins une grande vérité d'histoire, c'est que le nom de Charles Martel brillait trois siècles après d'un vif éclat : quand cette chanson de Garin le Loherain fut écrite, la race des Carlovingiens était éteinte, on vivait sous les Capétiens ; il n'y avait plus de flatteries pour elle, et cependant il restait au fond des âmes le souvenir des grandes choses que la dynastie avait faites, et le nom de Charles Martel fut populaire comme ceux de Pépin et de Charlemagne dans les manoirs de la noble chevalerie.

 

 

 



[1] Comparez : Annal. de Metz, ad ann. 706-712. — Le second continuateur de Frédégaire, ch. 101 à 104. — Gest. reg. Francor., ch. 51-52.

[2] Les trois sources principales à consulter sur l'enfance de Charles Martel sont toujours : Gest. reg. Francor., continuateur de Frédégaire, c. 100, et les Annales de Metz, si brèves mais si exactes.

[3] Ad ann. 718-719.

[4] On n'a pas assez suivi ces guerres de Charles Martel contre les Saxons ; elles préparent les expéditions de Charlemagne.

[5] Charles Martel a une grande ressemblance avec Charlemagne par l'activité de corps et le besoin de conquêtes.

[6] La bibliothèque du roi possède un MSS. arabe, anc. fonds, n° 706, sous ce titre Histoire de la conquête de l'Espagne par les Musulmans ; il est d'Ibn-Alcouthya (son nom, selon M. Reinaud, signifie fils de la Gothie). Maccary est encore fort curieux sur cette conquête ; il faut comparer les Arabes avec le recueil espagnol : Cartas para illustrar la historia de la Espana arabe.

[7] Maccary, n° 704, fol. 62, verso, et 73, recto.

[8] On ne peut rien ajouter sur l'histoire du Languedoc ou de la Gothie à ce que dom Vaissète et dom De Vic ont écrit dans leur œuvre admirable, t. Ier.

[9] M. Reinaud a parfaitement établi cette distinction dans son travail sur les Invasions des Sarrasins en France ; je l'avais moi-même indiquée dans mon Hugues Capet.

[10] Comparez Conde, Historia, t. Ier, p. 71 ; Isidore de Beja, p. 50. Isidore est aussi curieux pour l'histoire des Sarrasins que les chroniques arabes mêmes.

[11] Voyez Chronique de Moissac (Historiens des Gaules, par dom Bouquet, t. II, p. 654).

[12] Anastase le bibliothécaire, Vie de Grégoire II, dans Muratori, t. III, part. 1re. — Chronique de Moissac (Hist. des Gaules, de dom Bouquet, t. II).

[13] M. Reinaud, p. 20.

[14] Vectigalia christianis duplicata exagitans, fascibus honorum apud Hispanias valdé triumphat. — Isidore de Beja (dans la collection précieuse : Cartas para illustrar la historia de la Eeparia arabe, p. 62).

[15] Consultez Isidore de Beja, p. 56, et Rodéric Ximénès, p. 12. Le continuateur de Frédégaire ajoute que ce fut Eudes qui, à l'imitation du comte Jullien, appela les Sarrasins dans les Gaules. Voyez Conde, t. Ier, p. 83.

[16] Cette invasion des Sarrasins est indiquée par les chroniques du temps : Tunc Abderraman multitudine sui exercitus repletam prospiciens terram, montana Vaccœorum dissecans, et fretosa ut plana percalcans, terras Francorum intus experditat. Isidore de Beja. Il faut comparer ce texte avec la Chronique de l'abbaye de Moissac et la Gall. christian., t. II, p. 858.

[17] Pour tout ce qui tient à l'expédition d'Abd-Alrahman, il faut comparer Conde, Historia, t. Ier. — Cartas para la Histor. de la Espana arabe, Isidore de Beja, et Rodéric Ximénès.

[18] Isidore de Beja est souvent très poétique : Atque dum acriter diminicant gentes septentrionales in ictu oculi ut paries immobiles permanentes, sicut et zona rigoris glacialiter manent adstrictæ, Arabes gladio enecant.

[19] Voyez Paul Diacre, Muratori, Rerum italicar. script., t. Ier, part. 1re. S'il était permis de comparer les vieux temps aux époques modernes, c'est la même manœuvre de Blücher à Waterloo.

[20] Voyez l'édition et les notes de M. Paulin Pâris. Voyez le chapitre : Comment Charles Martiaus occist en une bataille 385 mille Sarrasins.

[21] Maccary, n° 704, fol. 63 recto, et n° 705, fol. 3 verso.

[22] Pour la raison de grant besoing prist-il les dismes des eglyses pour donner aus chevaliers qui deffendoient la foi crestienne et le royaume. (Chroniq. de Saint-Denis, ch. 26, ad ann. 732.)

[23] Voyez Chronic. Centulens., lib. 2.

[24] Vero Carlus princeps, Pippini regis pater, qui primus inter omnes Francorum reges ac principes, res ecclesiarum ab eis separavit atque divisit, pro hoc solo maxime est æternaliter perditus. (Voyez Bolland. 20 février.)

[25] Bréquigny a recueilli quelques-uns des diplômes de Charles Martel ; table, t. Ier, p. 84-88.

[26] Voyez ces fragments de lettres dans les codes Carolins.

[27] Epistol. Grégoire III. — D. Bouquet, Hist. de France, t. IV, p. 92 et 93. Droit en ce temps lui envoia saint Grigoire, l'apostole de Rome, les clés du Saint-Sepulcre et les liens dont saint Pierre l'apostole fu lié, et tant de présens et si grans que nul n'avait onques veu ni oy parler de tels. (Chroniq. de Saint-Denis, ad ann. 740.)

[28] Peu de tems après, lui prist une trop forte fievre en une ville qui a nom Carisi, si sied sur la riviere d'Aise. C'est Quierzy-sur-Oise. (Chroniq. de Saint-Denis, ad ann. 740.)

[29] ... Vidit ilium in inferno inferiore torqueri... (Bollandist., 20 février.)

[30] ... Alimontis servorum Christi ac pauperum... (Bollandist., 20 février.)

[31] ... Visus est exisse draco, et totum illud sepulchrum interius inventum est denigratum, ac si fuisset exustum... (Bollandist., 20 février.)

[32] ... Sunt testati quæ audierunt atque viderunt. (Bollandist., 20 février.)

[33] Par le conseil de ses barons departi-il son royaume a ses fils a son vivant : a Carlomanne l'aisné donna Austrasie, Souave et Thoringe ; a l'autre plus jone, qui Pepin avait nom, donna France, Bourgoigne, Provence et Neustrie ; au tiers, qui Grifon avait nom et estait l'aimé de tous, n'assena point de terre. (Chroniq. de Saint-Denis, ad ann. 740.)

[34] Je donne le texte de M. Paulin Pâris :

Vielle chanson voire volez oïr.

De grant istoire et de mervillous pris,

Si com li Wandre vinrent en cest païs.

(Li romans de Garin le Loherain, I.)

Il n'y a que la première chanson de Garin qui se rapporte à Charles Martel.

[35] Evidemment le poète se fait l'écho des plaintes des hommes d'armes contre les clercs :

Aus moines noirs que Saint Beneois fist

Donnait sa terre et rentes et molins :

N'en avait riens la fille ne li fils,

Partant, en fu li mondes apauvris,

Et li clergiés si en fu enrichis.

(Garin le Loherain, I.)

[36] Garin le Loherain, XV.

Charles Martiaus, fut iluec desconfis ;

Navrès i fut de deus expiés fourbis,

L'un enl'espaule et l'autre emmi le pis.

Tout le monde sait que Charles Martel ne mourut pas à la bataille de Poitiers, comme le dit le romancier.