Les annales des peuples présentent à de rares périodes ces renommées qui résument la civilisation de tout un siècle, et laissent, en s'abîmant dans les âges, une longue chaîne de souvenirs, d'institutions et de gloire. Ainsi fut Charlemagne. Mais la société des ville et siècles n'était point façonnée aux formes générales d'une administration régulière, et ce fut en vain que le fils de Pépin, le chef des Austrasiens, voulut l'élever jusqu'à lui et fonder un empire dans les proportions de son vaste esprit : la société refusa de marcher aussi vite et de seconder son immense pensée. L'empire d'Occident, création extraordinaire en dehors des habitudes franques et germaniques, resta un groupe de peuples improvisé par la conquête ; aussi tomba-t-il avec la puissante tête qui l'avait fondé. Là où Charlemagne avait placé l'unité surgit la dissolution ; l'empire d'Occident né tout d'un coup, tomba tout d'un coup : prodigieux enfantement d'un seul homme qui en emporta le secret dans sa tombe d'Aix-la-Chapelle. Le règne de Charlemagne est comme un pont immense et lumineux jeté entre deux époques barbares. Les destinées de la période mérovingienne étaient accomplies, il en fut à peine question dans les lois, dans les actes des Carlovingiens ; mais quand l'histoire s'élèvera à une certaine hauteur sur les temps des Mérovées, elle s'attachera surtout à un seul point qui explique et grandit ces vieux temps : elle reconnaîtra que rien ne fut plus vaste et plus civilisateur que l'action des évêques depuis le Ve jusqu'au VIIIe siècle. Au milieu de ces guerres sanglantes entre les Barbares qui soulèvent le cœur, et sont toujours la lutte de hordes sauvages qui se disputent le butin, ou le tableau des passions, des haines de tribus avec leur instinct et leur férocité natives, apparaissent les évêques, ces grands municipaux de l'époque mérovingienne ; ils deviennent comme les gardiens, les protecteurs des villes et des populations : quelle admirable histoire que celle de Martin de Tours, de Marlou le civilisateur de la Bretagne, de Fortunat, des deux saints Germain d'Auxerre, d'Honorat de Marseille, de Rémy de Reims, de Césaire d'Arles, de Waast d'Arras, de Grégoire de Tours lui-même, et de tant d'autres magnifiques vies qui se sont consacrées à la défense de la cité gauloise. On pourrait justement dire que la première race est dominée par deux grands faits chrétiens : l'organisation de l'épiscopat et la vaste fondation de saint Benoit. Tant qu'on ne se placera pas à ce large point de vue dans les travaux de l'histoire, on ne pourra comprendre et reproduire le véritable caractère de la première race. La Gallia christiana est la plus haute explication des quatre siècles francs. A l'autre extrémité de l'époque carlovingienne est le commencement de la troisième race, et celle-ci n'a pas plus de ressemblance que la première avec l'œuvre conçue par Charlemagne. Le Xe siècle voit l'origine de la féodalité, développement de ce système qui rattache les terres les unes aux autres dans une longue hiérarchie : l'alleu, le fief, l'arrière-fief. Il s'opère alors un changement complet dans l'état des personnes et des propriétés. Les institutions carlovingiennes n'ont pas laissé de traces ; des devoirs nouveaux sont imposés ; les bénéfices, je dirai presque les alleux et les propriétés libres, ont disparu ; l'idée romaine du fisc, le système pénal des compositions s'affaiblissent et se retrouvent à peine. Rien ne ressemble moins aux temps carlovingiens ; mille redevances bizarres s'établissent ; la servitude devient générale : tout se lie et s'enchaîne ; les cités prennent une autre physionomie, les institutions un autre aspect avec les relations d'homme à homme, de fief à fief, à ce point que les capitulaires eux-mêmes sont tombés profondément dans l'oubli. Qu'est-ce donc que l'époque carlovingienne ? Quel est sou esprit, son empreinte ? L'empire de Charlemagne est le résultat d'un effort extraordinaire, commandé par un génie puissant. Le suzerain austrasien emprunte un peu de toutes mains ; il organise et centralise une multitude d'institutions mérovingiennes ; il imprime à son pouvoir un caractère d'énergie qui lui fait dominer les faits de son temps ; comme tous les hommes supérieurs, il prend à tous leurs idées et leurs institutions : à Rome, à l'église, aux Mérovingiens, aux souvenirs mêmes de la Germanie ; il les façonne à sa taille. Il crée moins qu'on ne croit, car on ne change pas du jour au lendemain l'esprit des sociétés ; mais ce en quoi il est admirable, c'est qu'en constituant quelque chose d'immense, il laisse à chaque peuple sa forme, sa coutume particulière ; il réunit sous sa main les Francs neustriens et austrasiens, et au lieu de s'attaquer à leurs mœurs primitives, de briser leurs lois, de bouleverser leurs vieilles institutions, il fait à peine quelques modifications aux lois salique et ripuaire, il leur donne même une nouvelle force par ses propres capitulaires. Dès qu'il a conquis la Lombardie et placé sur son front la couronne de fer, il consacre la loi des Lombards. Aux Bavarois, aux Allemands, aux Visigoths, il laisse leurs codes ; il s'inquiète peu des habitudes privées, des coutumes civiles de chacun ; seulement, il leur impose les lois générales de son gouvernement et de sa politique, et en cela, il imite complètement les Romains. Son génie puissant semble avoir deviné que la chose à laquelle tiennent le plus les nations, même vaincues et abaissées, c'est la coutume ; on peut changer de gouvernement sans s'en apercevoir ; mais le foyer, c'est tout : ne touchez pas aux dieux domestiques, si vous ne voulez point soulever les peuples. Ainsi fit Charlemagne dans sa large organisation ; il soumit les nations à quelques formes .générales de ses capitulaires ; niais il leur laissa la pleine jouissance de leurs lois civiles. Nulle personnalité historique n'a laissé une empreinte et des souvenirs plus profonds que Charlemagne. En fouillant dans les vieilles chroniques, vous le trouvez à chaque page ; dans les légendes, dans les chansons de gestes, dans les chartres, dans les diplômes[1] : ici, il est grand ; là, il est saint. Si vous parcourez les bords du Rhin, les vieilles cités d'Aix-la-Chapelle, de Cologne, de Mayence, les vastes forêts de la Thuringe, de la Westphalie, partout vous retrouvez l'empreinte de ses pas, de ses monuments, de ses lois. Sa statue gigantesque est sur les places publiques, il porte aux mains sa bonne épée Joyeuse et son diadème d'empereur au front. Si vous visitez les villes de la Lombardie, la Monza, Pavie et Ravenne, vous le trouverez encore roi à la couronne de fer, et les ruines de ses monuments se distinguent à peine des débris de l'empire romain[2] : les pierres de ses basiliques se mêlent aux pierres des grands cirques élevés par les consuls et les césars. Aux Pyrénées, d'autres traditions se perpétuent ; Charlemagne a partout laissé trace : les vallées répondent au nom de Roncevaux ; les muletiers des Asturies récitent encore les chants de gestes, les lamentations de dona Alda, la esposa de don Roland ; et les chants belliqueux des Basques redisent comment les ossements blanchis des hommes du Nord sont venus réjouir l'aigle des pics et des montagnes... Quand on veut un peu préciser ces traditions et classer tous ces faits, on est frappé par deux caractères essentiels, qui forment comme deux périodes distinctes : 1° l'époque conquérante ; 2° l'époque organisatrice. Charlemagne passe une grande moitié de sa vie à conquérir des terres, à grandir son domaine. En ceci, il ne fait qu'obéir l'esprit hardi, aventureux de la nation franque et à son instinct belliqueux : il est ce qu'ont été ses ancêtres, les Pépin d'Héristal, les Charles Martel d'Austrasie ; il conduit les hommes de guerre, il conquiert. Sa guerre de Lombardie, sa rapide soumission du Milanais, son invasion par les deux passages des Alpes supposent un haut degré d'intelligence stratégique, empruntée sans doute encore aux Romains ; trente-trois années de guerre dirigée contre les Saxons disent assez combien était persévérant son besoin de répression et de conquête. L'invasion de l'Espagne par la Navarre et la Catalogne avait été le fruit de savantes combinaisons ; le désastre de Roncevaux fut une surprise que nul capitaine ne pouvait éviter ou prévoir. Cette période de la conquête, qui dure quarante-trois ans, fut donc constamment heureuse ; Charlemagne eut à lutter contre presque toutes les populations de l'Europe, et partout il triompha et soumit les peuples à ses lois. Ses armées passèrent les hautes montagnes, traversèrent les grands fleuves ; on les vit dans la Frise, la Saxe, la Pannonie, et battre tour à tour les Lombards, les Sarrasins et les Grecs. A quoi devait-il donc une si constante supériorité militaire ? Dans de si longues guerres, on expliquerait parfaitement des succès habituels, alternés par quelques revers ; mais lorsque le succès est constant, n'en faut-il pas rattacher la cause à des conditions exceptionnelles ? Charlemagne fut un puissant capitaine, ceci est incontestable ; il joignait une force de corps gigantesque à une infatigable activité ; ses conceptions furent généralement heureuses et habilement combinées : ces mérites eussent été encore insuffisants, s'il n'avait su grouper sous sa main des instruments dignes de lui, et fournir à la bravoure instinctive des Francs des moyens militaires d'une grande énergie. Les Francs, même sous les Mérovingiens, avaient conservé une supériorité militaire incontestable, mais ils s'étaient usés dans les guerres civiles en se baignant dans les flots de sang. L'habileté de Charlemagne fut de faire taire ces haines et de réunir sous la même enseigne toutes les forces de ces nationalités barbares. S'il y eut encore des Goths, des Bourguignons, des Francs séparés par la coutume et les lois, il n'y en eut plus sous les étendards ; Charlemagne les réunit tous à ses desseins, et les fit également servir à sa conquête : ils fraternisèrent pour ainsi dire sous la tente, et la guerre civile s'éteignit dans la victoire. Énergique organisateur des services militaires, il sut par ses actes, ses lois, ses capitulaires les régler avec une impitoyable sévérité ; les possesseurs de bénéfices, d'alleux, durent irrévocablement marcher à la convocation du suzerain ; l'empereur fixait les armes de guerre, les chariots, le nombre des chevaux de bataille qui devaient le suivre aux combats ; il avait ses légionnaires, ses vétérans, sa puissante discipline ; ses armures ressemblaient à celles des Romains, et la formation de ses troupes de leudes se modelait sur les cohortes et les légions romaines. A ces causes de supériorité venait se joindre l'infériorité relative des populations qu'il avait à combattre. Les Aquitains efféminés, les Goths purent-ils jamais résister aux fils des antiques forêts germaniques brandissant la framée ? Quand il attaqua les Lombards, ceux-ci étaient épuisés, leur empire était en décadence ; il suffit de quelques victoires et tout tomba. La défense des Saxons fut plus énergique, mais Charlemagne sut, avec sa ruse accoutumée, les attaquer par leur moyen de faiblesse ; ces peuples primitifs se dévoraient par la guerre civile, ils formaient comme une république militaire toujours en armes ; Charlemagne sépara les chefs, morcela les tribus, et, après trente-trois ans de travaux, il vint à bout de son œuvre. Quand il marcha en Espagne jusqu'à l'Èbre, il n'eut en face que la civilisation énervée des Sarrasins ; l'époque de conquêtes et d'invasions pour ces peuples était passée. Au milieu de ces actes de domination, ce qui distingua surtout Charlemagne, ce fut l'organisation de la conquête, l'unité dont il voulut empreindre ses lois, les rapports diplomatiques qu'il sut créer avec Constantinople et la Syrie, les empereurs byzantins et les califes ; ce grand code de lois qu'il imposa aux peuples, la vaste création des missi dominici, institution grande et forte, qui, donnant une commune voix au pouvoir central, rendait présente en tous lieux l'autorité de l'empereur. C'est là surtout ce qui plaça Charlemagne au dessus des conquérants ordinaires de peuples ; il organisa, il régla, il gouverna en même temps qu'il réunit de nouvelles terres à son empire : il fonda, et c'est dans cette mission seulement que se révèle le génie. Sans se laisser égarer par l'esprit trop absolu de théorie, on peut nettement apprécier le système administratif et politique de Charlemagne. Il se divise en deux branches principales, et c'est parce qu'elles ont été trop souvent confondues, qu'il en est résulté des erreurs fort graves. Les capitulaires embrassent le gouvernement public de la société et l'administration du domaine privé de l'empereur ; il faut constamment les séparer pour arriver à la juste appréciation des chantres et des capitulaires. L'administration générale repose d'abord sur le système permanent des comtes ; ceux-ci, Charlemagne les n trouvés établis ; ils ne sont pas une création de sa pensée, mais une institution presque mérovingienne, et plus anciennement romaine. Seulement, le puissant empereur leur donne une organisation régulière, complète, et leur assigne des districts mieux précisés ; il les fait assister par des propriétaires élus, c'est l'idée saxonne du gouvernement représentatif. Rien n'est ici distinct, tout se lie pour concourir au même but ; le comte administre, juge et perçoit les revenus du fisc ; c'est le fonctionnaire principal ; autour de lui se groupent les assesseurs, les jurés, tout ce qui doit à seconder dans l'administration et la justice. Mais ce qui est bien réellement l'institution purement carlovingienne, c'est l'organisation des missi dominici. Il a été soutenu par un érudit de science et d'intelligence[3] que les missi dominici apparaissaient déjà sous la première race, à laquelle Charlemagne les avait empruntés. Qu'il y eut alors des traces de cette institution, nul n'en doute ; ce n'était pas une idée neuve que cette délégation d'envoyés extraordinaires pour surveiller l'administration ; elle était vieille comme Rome républicaine et impériale, et les papes aussi n'avaient-ils pas leurs légats ? Il put donc se trouver sous les Mérovingiens quelques exemples de délégués ou d'envoyés chargés d'examiner l'administration des districts ; mais l'institution permanente, vaste des missi dominici appartient exclusivement à Charlemagne ; c'est lui qui conçut la forte pensée d'une centralisation du pouvoir, constamment surveillé par les missi dominici. Il fallait un immense empire, pour songer à une si admirable forme d'examen ; habituellement ces commissaires étaient deux, un comte, un évêque ; quelquefois quatre, lorsque la mission était plus importante. Puissant concours de surveillance et de formes ! L'administration particulière du domaine de l'empereur n'avait aucun rapport avec le gouvernement général de la société ; il y avait pour cela une gestion intime et particulière ; les capitulaires indiquent une série de fonctionnaires d'un ordre inférieur, qui s'occupaient de la gérance des vastes fermes modèles qui composaient les seuls revenus des Carlovingiens ; ces fonctionnaires sont appelés habituellement judices ; classés dans les rangs subalternes, ils administrent les affaires fiscales du domaine et jugent les différends entre les hommes de l'empereur. A cette époque, rien n'est distinct dans les fonctions : administrer et juger sont choses confondues, et cette juridiction domestique va si loin, que l'impératrice elle-même préside un tribunal dont le ressort lui appartient, et qui doit prononcer sur certaines classes de personnes. On trouve ainsi dans cette organisation carlovingienne quelque chose à la fois de grandiose et de minutieux ; la pensée est active et travailleuse, on voit que Charlemagne veut employer tous les ressorts pour faire marcher la génération qui l'environne ; il se retourne sans cesse vers Rome et Byzance ; il leur emprunte la science et les arts. Où va-t-il chercher les premiers éléments de sa littérature ? Quels sont les hommes qu'il fait venir autour de lui pour éclairer les peuples et grandir les intelligences ? Les papes lui confient les décrétales et les canons, ces sources de la civilisation morale ; Constantinople lui envoie le code Théodosien ; aux califes, il doit les premières horloges ; aux artistes lombards et romains, les orgues qui viennent se marier à la voix des chantres dans les cathédrales. Cette espèce d'aréopage qu'il réunit autour de lui : Alcuin, Théodulfe, Leidrade, Paul Warnefride ne sont-ils pas tons destinés à donner un large mouvement aux études ? Il les encourage ; il travaille incessamment avec eux, cet homme si vigilant de tète, si actif de corps, qu'on le voit à la fois sur l'Elbe, sur le Rhin, aux Pyrénées, à Rome, à Saragosse, à Aix-la-Chapelle, occuper ses veilles à faire transcrire les manuscrits, à reformer l'écriture ; il fait imiter ces beaux caractères grecs et romains, et il les substitue aux lettres gothiques et saxonnes ; il veut qu'on lise Homère et Virgile ; il répand les saintes écritures. Tout se réforme, le protocole des lois, les formules des actes de sa chancellerie : rien n'échappe à son active intelligence. Au milieu de cette œuvre de civilisation, Charlemagne n'abandonne pas un seul moment son caractère germanique, il reste lui-même ; s'il emprunte quelques idées à Rome, il ne se plait que dans les habitudes de la patrie ; il vit aux bords du Rhin, de la Meuse, dans la Souabe et la Thuringe ; il reste avec son type des forêts, avec la grandeur sauvage de son origine. Il protège les lettres, et il reste presque illettré ; il étudie les lois de Rome, et il promulgue des codes barbares ; il fait tout ce qu'il peut pour se détacher de sa nature, mais elle revient sans cesse : fier coursier des forêts, la civilisation veut vainement lui mettre un frein, il bondit, et d'un saut brise tous les lieus pour retourner dans ses steppes sauvages. L'œuvre de Charlemagne fut grande, mais on ne doit pas l'attribuer à lui seul, ce ne serait pas justice ; la race carlovingienne offre une série de hautes et fortes intelligences. Il y eut trois hommes remarquables qui se suivirent et se succédèrent : Charles Martel, chef purement de guerre, n'organisant rien, ne préparant rien pour l'avenir ; il a des soldats, il les mène contre l'invasion, et quand les Sarrasins sont vaincus aux plaines de Poitiers, il distribue les terres, même ecclésiastiques, à tous ceux qui l'ont suivi aux batailles. C'est dans l'ordre ; lui n'a pas une pensée de durée, il ne fonde pas un gouvernement. Pépin est bien plus habile, il n'a pas ses formes puissantes, sa taille gigantesque ; mais si Charles Martel, caractère violent, blesse les clercs, s'empare des biens de l'église, si sa conquête passe comme un torrent, Pépin, qui veut fonder une dynastie, sent que l'église est la base de tout ordre politique, qu'il ne peut avoir la couronne qu'en se posant bien avec les clercs, et que pour briser le culte domestique des Francs pour les Mérovingiens, il a besoin d'une alliance avec le pape ; de là ses relations avec Borne et la protection qu'il accorde aux pontifes. Cette politique, Charlemagne l'a comprise et il la continue ; roi et empereur, il ne cesse d'entretenir une parfaite intelligence avec les papes, et il trouve précisément pour le seconder deux pontifes éminents : Adrien, expression du patricial romain, et Léon, habile politique, qui concerte avec Charlemagne la reconstitution de l'empire d'Occident. Cet empire est fondé tout à la fois contre la domination grecque et sarrasine ; c'est un glaive que Saint-Pierre met aux mains de Charlemagne pour défendre la nationalité italique, que menacent les mécréants d'Afrique ou d'Espagne et les empereurs de Byzance. La grandeur de Charlemagne a été souvent mesurée ; il n'est pas un seul historien qui n'ait jeté quelques phrases sur ce vaste règne ; on a improvisé de brillantes sentences pour caractériser sa politique. Les uns l'ont élevé très haut, et certes qui ne reconnaît et ne salue cette puissante intelligence ? d'autres, au contraire, l'ont tout à fait abaissé au profit de Louis le Débonnaire, qu'on a présenté, je crois, comme le Christ, le martyr de cette époque ; à les entendre, l'empereur Charlemagne est presque un charlatan, un fabricateur de mauvaises lois ; ses conquêtes ne sont rien, ses capitulaires moins encore, et les générations du moyen âge se sont trompées en gardant de l'empereur une vieille et grandiose empreinte. Je n'ai pas ce courage de système ; je n'aime pas, à dix siècles de distance, me poser en juge plus instruit que les contemporains ; je préfère vingt lignes d'Éginhard à tous les symbolismes modernes. En histoire, j'aime les faits, je les inventorie et les classe ; je mets tout le mobilier d'une époque devant des lecteurs qui peuvent l'apprécier aussi bien que moi ; je me fais garde enthousiaste des trésors du vieux temps, de la chaise de pierre où Charlemagne s'asseyait, de la couronne de fer lombarde, de ces Chartres poudreuses conservées à travers les figes, de ces scels de cire jaune empreinte de camées antiques ou de figures de rois ou d'empereurs, la tête presque rasée et la barbe crépue ; je compte les rares deniers d'argent et ces colossales pièces d'échecs que la tradition lui donne comme un présent du calife Aroun-al-Raschild[4]. Dignes et bons chanoines d'Aix-la-Chapelle, montrez-moi une fois encore les châsses bénites et les trésors de Charlemagne, sa large main, son immense crâne enchâssé d'or. Seraient-ce là de pieux mensonges ; je les préférerais encore aux plus belles théories de l'art. Qui peut avoir la témérité d'évoquer les ossements de Charlemagne pour lui dire : Empereur, tu n'es qu'un charlatan ! Et pourtant cela a été dit. L'indispensable travail qu'il a fallu réaliser pour définir la période carlovingienne a été de la séparer de la première et de la troisième race ; la confusion de ces trois époques avait été la source de beaucoup d'erreurs. Je sais bien qu'en histoire les temps se suivent et se succèdent ; il n'y a jamais rien de complètement isolé, le passé se confond dans le présent, et le présent dans l'avenir ; une chaîne mystérieuse attache les générations les unes aux autres ; mais, je le répète, la période de Charlemagne est quelque chose à part. Ainsi, lorsqu'on a voulu expliquer le système mérovingien par les capitulaires, et les capitulaires par la féodalité, on est entré en pleine confusion. L'étude des capitulaires est à elle seule un travail des plus laborieux ; l'examen attentif de cette vaste compilation, due aux soins de Benoît, diacre de Mayence[5], a dit faire connaître plusieurs faits importants ; à cette époque, on compilait sans méthode, sans critique, et Benoît le diacre a copié des fragments du code Théodosien, des titres entiers de conciles au milieu des capitulaires. Les érudits même les plus sûrs et les plus fermes, Baluze, par exemple, n'ont pas échappé à cette confusion, d'où il est résulté qu'on a pris des institutions romaines pour des créations de Charlemagne. Sans doute le grand empereur a beaucoup emprunté à Rome, il connaissait le code Théodosien, les papes lui avaient fait présent des décrétales ; mais ce serait méconnaître sa législation particulière que d'y comprendre tout ce que Benoît a puisé dans les décrétales et les codes Théodosien et Justinien. Les capitulaires doivent s'éclairer par la comparaison des chartres et diplômes, par le codex Carolinus, dont l'original est à Vienne, et par les quelques débris épars des lois barbares. Ces capitulaires sont venus un à un, la collection s'est accomplie dans un long espace de temps. Au dernier siècle encore, on fit 'de nouvelles découvertes ; les Bénédictins avaient adopté un mède de pèlerinage scientifique qui grandit leur vaste collection ; dignes voyageurs de science, ils s'en allaient avec la robe de bure de saint Benoît de bibliothèque en bibliothèque, au Mont-Cassin, à Rome, dans le Nord, en Belgique, à Vienne, et tout cela pour recueillir les fragments épars de nos époques historiques. Dom Marlène et dom Durand s'unirent fraternellement dans leurs pèlerinages d'Italie et d'Allemagne, et dom Mabillon voyagea pendant dix ans pour recueillir les Analecta, ces pièces d'une curiosité immense, qui ont servi d'éléments à nos annales. Ils trouvaient épars des capitulaires, des chartres, des diplômes, des cartulaires ; ils en faisaient présent à notre France, à notre France chrétienne et croyante[6]. Et moi aussi, j'aime ces voyages d'érudition et de recherches ; les impressions des lieux se gravent profondément dans l'esprit, et tous ces faits, ces épopées du moyen âge apparaissent à vos yeux avec le cortège des siècles écoulés. La découverte de quelque pièce de notre histoire est l'objet d'une joie naïve pour l'érudit ; nul ne sait comme le cœur bat à la vue d'une chartre qui rectifie un fait jusqu'alors faussement rapporté ; toutes les peines sont payées, et de la poussière d'un cartulaire sort quelquefois tout un système. Plusieurs éléments sont entrés dans la composition de cet ouvrage, la base en est toujours la chronique : Eginhard, le moine de Saint-Gall, le poète Saxon et les chroniques de Saint-Denis en France, toutes recueillies dans le cinquième volume des Bénédictins, et dont Pertz[7], le grand collecteur germanique, a donné des textes plus purs et plus exacts ; il y a de la nationalité persévérante dans cet érudit allemand qui a consacré sa vie à la seule mission de rechercher tous les monuments qui se rattachent au héros de l'Allemagne, car Charlemagne est tout germanique ; c'est un Austrasien qui aime à vivre sur les rives du Rhin, dans les forêts des Ardennes, dans les fermes royales de la Moselle, aux monastères de Fulde et de Saint-Gall. Pertz s'est donc efforcé de restituer à l'Allemagne son vieil empereur, et il a rempli sa tâche avec une sérieuse intelligence. Le travail d'érudition à l'aide des chroniques seules serait trop facile, et généralement il serait mal éclairé ; en effet, la plupart de ces chroniques sont dessinées sur un calque semblable ; comme elles émanent toutes d'une même source monastique, il y a naturellement une même pensée sur les faits, et c'est pourquoi il faut les expliquer par des documents, j'oserai dire plus officiels. Le règne de Charlemagne ne se compose pas d'événements tous d'intérieurs ; il ne s'absorbe pas dans la vie de guerre, ou dans les actes du palais. Le suzerain germanique a été en rapport avec les papes, les empereurs de Constantinople ; il est resté des fragments de ses correspondances diplomatiques, des lettres qui peuvent faire connaitre le sens précis d'une multitude d'évènements politiques ; ces éléments, il a fallu les réunir. Cette époque est pontificale. Sous les Mérovingiens, ce sont les évêques qui donnent l'impulsion civilisatrice ; à l'époque de Charlemagne, ce sont les papes Adrien et Léon qui concourent avec lui à l'avancement des idées de pouvoir et d'intelligence ; il est dès lors facile de comprendre toute l'importance de la correspondance pontificale ; il ne s'agit pas seulement des récits de la chronique, des ouï-dire plus ou moins exactement rapportés par un pauvre moine ; ce sont des actes émanés des grands acteurs mêmes des événements. Les lettres de Charlemagne sont rares, mais celles d'Adrien sont nombreuses ; elles indiquent le véritable sens de la conquête de l'Italie sur les Lombards, et nous font pénétrer dans la politique intime qui présida à la création de l'empire d'Occident. Ce n'est pas Adrien qui réalisa ce projet, ce fut le pape Léon ; Adrien, particulièrement occupé d'assurer la domination franque en Italie, voulut avant tout se délivrer des Lombards. Quant au pontife qui lui succéda, ce Léon, l'ami et le confident de Charlemagne, la création plus vaste de l'empire d'Occident fut pour lui un principe puissant d'opposition contre l'empire d'Orient. Par qui était menacée l'Italie ? Par les Grecs et les Sarrasins. En plaçant le glaive des empereurs dans la main de Charlemagne, Léon ne donnait-il pas à l'église un protecteur puissant contre les ennemis qui la menaçaient ? Plus tard, la pensée pontificale s'agrandit, et c'est alors que par un mariage entre Charlemagne et Irène, la papauté voulut unir les deux empires pour faire cesser le schisme, et rappeler l'unité là où il n'y avait eu jusqu'alors que désordre et morcellement. Tous ces enseignements résultent de la correspondance des papes, du code Carolin pour Adrien, et des archives du Vatican pour Léon ; ils nous sont aussi révélés par quelques fragments curieux des historiens byzantins, et particulièrement par Théophane. J'en ai donné les textes grecs, parce que ces faits m'ont paru tellement curieux et décisifs, que j'ai cru indispensable de les justifier. Ce que l'on doit remarquer encore, c'est qu'à ce caractère purement pontifical du règne de Charlemagne vient se mêler L'incontestable influence des abbés de l'ordre de Saint-Benoît. Sous les Mérovingiens, les évêques brillent et agissent presque exclusivement ; sous Charlemagne, ce sont les papes et les chefs des grandes fondations monastiques ; les évêques sont placés en seconde ligne, et on dirait qu'ils s'en vengent contre Louis le Débonnaire. Les abbayes, protégées par l'empereur d'Occident, prennent quelque chose de royal, une empreinte d'autorité et de puissance : Saint-Denis, Saint-Martin de Tours, Saint-Bertin, Corbie, Fontenelle, Ferrières, les deux Saint-Germain de Paris exercent la plus haute influence sur la société, et cela résulte du caractère de généralité que prennent les institutions monastiques ; l'influence de l'évêque avait quelque chose de local, de borné ; c'était le grand, municipal de la ville, du diocèse. Cette fonction ne suffisait plus à la pensée carlovingienne ; l'empire marchait à une destinée si vaste qu'elle embrassait l'Occident. Charlemagne dut alors s'entendre avec le pape, représentant le monde catholique ; il se servit aussi des abbés qui, correspondant directement avec les papes, s'empreignaient de leur pensée d'universalité, témoin la règle de Saint-Benoît. Aux chroniques ajoutez les Chartres, les diplômes, documents de la vie privée de cette société. Il y a bien des révélations dans la simple vente d'un alleu et de ce que la Polyptyque de l'abbé Irminon appelle un aripennum de terre, dans le testament d'un Lomme de guerre, dans la manumission d'un serf. Qui n'aime à voir la société dans ce qu'elle a d'intime ? Les chroniques parlent des faits généraux, les Chartres vous disent la vie de la famille et du toit domestique. Puis vient la biographie des saints, les légendes, précieux documents sur la première et la deuxième races ; l'histoire des mœurs se trouve dans les Bollandistes ; avec la vie de sainte Geneviève et de saint Éloi, on peut reconstruire les habitudes de deux siècles. On a beaucoup raillé les légendes, on les a traitées avec dédain, comme si chacun ne portait pas avec lui-même sa légende : légende qui nous remue le cœur, qui nous brûle la tète, légende d'enfance ou d'amour ; et quand nous n'en avons plus, c'est que nous sommes bien vieux, bien usés et finis. C'est à l'aide de ces documents particuliers qu'il est possible de fixer l'état des personnes et des propriétés, questions si intéressantes du moyen âge ; l'esprit de système s'est emparé de ces idées, cela devait être. Au temps des mœurs élégantes, des habitudes de gentilhommerie, au XVIIIe siècle, les Sainte-Palaye, les comtes de Caylus s'occupaient des romans de chevalerie ; ils ne voyaient que les grands coups d'épée, les merveilleuses prouesses. Puis vint l'école encyclopédiste, les disserta-leurs de philosophie ; ceux-ci ne cherchèrent dans les temps reculés que des armes moqueuses pour lutter contre les croyances. Comme l'époque actuelle s'est faite politique, on a examiné surtout l'état des personnes et des institutions ; on a voulu trouver partout des assemblées, des représentations nationales. Autrefois, on ne s'occupait que de blasons, de titres nobiliaires ; aujourd'hui, la bourgeoisie qui gouverne la société a imposé également la recherche de ses titres ; elle a fouillé jusque dans les institutions de la Germanie ; on a rêvé l'histoire du tiers-état là où il n'y avait pas même encore un symptôme de liberté ; c'est une de ces manies qui passeront comme tant d'autres, un de ces orgueils qui s'effaceront : la bourgeoisie a ses vanités, et il lui faut des généalogistes pour la servir dans l'enivrement de sa puissance. L'état des personnes et des propriétés, sous la deuxième race, diffère peu de ce qu'il était sous les Mérovingiens ; les gouvernements peuvent se modifier avec rapidité, mais les mœurs de la famille, l'état des propriétés sont soumis à des révolutions lentes. Il serait difficile de distinguer précisément ce qui séparait les différentes classes de colons, de serfs au temps des Mérovingiens, quand les distinctions s'établissaient plutôt par l'origine des peuples que par la condition des individus : on était Franc, Romain, Lombard, Gaulois, et la condition résultait de la valeur, de la composition pécuniaire. Sous Charlemagne, on ne voit pas que cet état social se soit beaucoup modifié ; l'esclavage embrasse une partie considérable de la société ; il y a des serfs attachés au fisc, d'autres aux églises, le plus grand nombre aux comtes, aux leudes ; le colon n'est pas encore devenu vilain ; les cités sont considérables et se ressentent de l'origine gauloise et romaine. On ne voit pas de tours féodales de clocher en clocher, et le titre de comte est plutôt une fonction qu'un honneur. La propriété est restée dans les conditions du bénéfice romain et germanique ; l'un possède une terre libre ou alleu, l'autre la terre du fisc ; point de traces de la féodalité régulière ; il n'existe rien de cette hiérarchie qui constitue le droit public de la troisième race. On peut suivre, à l'aide des cartulaires et des chartres, le mouvement de la propriété carlovingienne et des fermes royales ; mais ceux qui cherchent là l'origine de ta bourgeoisie, ceux qui font remonter aussi loin dans l'histoire les titres de la liberté actuelle, se préoccupent trop des idées contemporaines. A chaque temps laissez son caractère, à chaque chose morte son sépulcre, à chaque génération du passé sa physionomie : il n'y eut pas plus de tiers-état sous les Carlovingiens, que de pairs du royaume sous Charlemagne. Il est encore, un genre de documents qui m'a beaucoup servi dans la composition de ce livre ; ce sont les épopées ou les chansons de gestes, poèmes considérables formant l'objet d'études nouvelles et spéciales. Nul ne peut ajouter une foi entière à ces compositions épiques, qui ne furent généralement complétées qu'au Alpe siècle, mais ils nous révèlent l'idée que l'on se faisait de Charlemagne quelques générations après lui, l'immense impression que ce génie avait laissée sur ses contemporains. Il est en histoire des noms propres qui grandissent en passant d'âge en âge. J'ai peu disserté sur les chansons de gestes, je me suis borné à les analyser ; je me suis borné au rôle de greffier pour les temps écoulés et pour Les générations mortes ; j'ai recueilli les témoignages des tombeaux. Des travaux utiles ont été faits tout récemment sur les documents carlovingiens ; indépendamment de la collection de Pertz et des Bénédictins, on a publié des cartulaires originaux, et principalement celui de Sithieu ou de Saint-Bertin ; le livre des cens de l'abbaye de Saint-Germain a pu donner une juste idée de la situation des propriétés et des personnes à l'époque carlovingienne. Il m'a été permis de consulter tous ces recueils, et j'en ai tiré des renseignements précieux qui pourront imprimer à ce livre une physionomie nouvelle. La publication des textes est une œuvre considérable, et je regrette que l'esprit du temps ait souvent mêlé quelques pensées mondaines et frivoles à ces collections sérieuses, autrefois le patrimoine dés monastères. Maintenant, venez tous à ces enquêtes, vieux chroniqueurs, trouvères, légendaires, chanceliers et protonotaires de Charles, asseyez-vous une fois encore aux banquets des cours plénières, aux diètes du champ de mai, videz de vos lèvres desséchées par la mort la large coupe du vin de Rhin ; contemplons ensemble ces batailles de Saxe, de Lombardie, cette triste défaite de Roncevaux. Je veux faire connaitre Charlemagne comme je l'ai compris, comme je l'ai vu, comme je l'ai touché. La pensée de ce livre m'est venue en visitant à deux reprises la basilique d'Aix-la-Chapelle[8], en foulant de mes pieds la large pierre qui contient le sépulcre vide du grand empereur : sur ma tête était le vieux lustre en cire jaune donné par Frédéric Barberousse, en l'honneur de saint Charlemagne. J'ai touché de mes mains le siège de pierre où il s'assit, partout je voyais le grand empereur, ses yeux me regardaient si fixement que je m'en sentais épouvanté. C'est ainsi qu'il devait regarder ses paladins quand il leur commandait les batailles. La boule qu'il tenait à la main était celle du monde ; son épée était la bonne Joyeuse. Au milieu de ces souvenirs et de ces ombres, j'ai conçu la pensée de cette histoire, et je la termine cette année à Ravenne, la ville de l'exarchat grec, la cité des Lombards. A Aix-la-Chapelle, c'est le souvenir de Charlemagne empereur sous la couronne d'Occident ; à Pavie, à la Monza, c'est le roi de Lombardie sous la couronne de fer. Ainsi ce génie extraordinaire se révèle partout et plane sur la triple civilisation franque, germanique et Lombarde ! Ravenne, le 25 août 1841. |
[1] La plus riche collection des diplômes de Charlemagne est évidemment celle des Archives du royaume. L'époque carlovingienne se trouve dans trois cartons ; il y a une multitude de chartres originales avec le monogramme Karolus ; je les ai activement parcourues, car j'aime cette poussière des chartres.
[2] J'ai eu le bonheur cette année de visiter simultanément et encore une fois Aix-la-Chapelle, Ravenne et l'abbaye du Mont-Cassin.
[3] M. Guérard.
[4] Ces échecs, qui sont au cabinet des antiques de la Bibliothèque royale, sont évidemment orientaux et appartiennent aux arts arabes du IXe siècle, ainsi que l'a jugé M. Reinaud ; ils faisaient partie de l'ancien trésor de l'abbaye de Saint-Denis.
[5] Benoît vivait au IXe siècle ; Angésise, abbé de Fontenelle, avait fait une première compilation des capitulaires.
[6] En traversant cette année Genève, la capitale des Bourguignons, le séjour de sainte Clotilde, j'allai visiter un homme considérable dans les études historiques, M. de Sismondi, qui habitait alors sa délicieuse et modeste maison de campagne au bord du Léman. M. de Sismondi n'a pas mes opinions en histoire, mais nul ne lui accorde plus que moi le respect et la vénération qu'on doit aux études et au savoir ; c'est le bénédictin de l'école protestante. Comme je parlais à M. de Sismondi de mon pèlerinage carlovingien, il me fit l'honneur de me communiquer une lettre qu'il venait de recevoir. Un jeune homme qui porte en héritage le nom de Napoléon lui demandait de lui indiquer les sources où il pourrait trouver les éléments d'une histoire de Charlemagne. Cette pensée était noble et belle dans une existence déjà éprouvée par la fortune et froissée par le malheur.
[7] La grande collection de Pertz porte le titre de : Morumenta Germaniæ historica ; le 1er volume a été publié à Hanovre en 1826, et le 3e en 1840.
[8] Aquis-Granum de la géographie gallo-romaine. On appela chapelle l'oratoire des rois, à cause de la chappe de saint Martin : Quemdam in capellam assumpsit, quo nomine Francorum reges propter cappam sancti Martini... sancta sua appelare solebant. (Monach. St-Gall.)