RAVAILLAC

LA MAISON OÙ NAQUIT LE RÉGICIDE - LA TANIÈRE DES RAVAILLARD DANS LA GORGE DE BAUME-LES-MESSIEURS - LE CHÂTEAU DU DIABLE.

 

PAR AMÉDÉE CALLANDREAU

NOTAIRE À COGNAC.

PARIS - ALPHONSE PICARD - 1884.

 

 

INTRODUCTION.

CHAPITRE PREMIER. — Dans quel lieu, dans quelle maison est né le régicide.

CHAPITRE DEUXIÈME. — Famille paternelle de François Ravaillac.

CHAPITRE TROISIÈME. — Famille maternelle du régicide.

CHAPITRE QUATRIÈME. — Angoulême à la fin du XVIe siècle.

CHAPITRE CINQUIÈME. — Le père et la mère, le frère et les sœurs du régicide.

CHAPITRE SIXIÈME. — Les obsessions de Satan.

CHAPITRE SEPTIÈME. — Résolution prise.

CHAPITRE HUITIÈME. — L'attentat. - Le supplice.

CHAPITRE NEUVIÈME. — Parentés du régicide qui, en 1610, portaient son nom. - Leur descendance.

CHAPITRE DIXIÈME. — Les Ravaillard. La gorge de Baume-les-Messieurs. Le Ravaillac-Michaud de Montgeon. Le château du Diable.

NOTES.

PREUVES.

 

INTRODUCTION.

 

Lorsqu'on considère l'attentat de Ravaillac, l'esprit hésite entre les divers mystères qui se dressent devant lui : La main du régicide a-t-elle été poussée par l'Espagne ou par Marie de Médicis, pour ne nommer que ces deux-là ?

L'horreur du mélancolique Louis XIII contre sa mère, n'était-elle que la vengeance d'un fils, épouvanté par le souvenir de l'assassinat de son père, frappé dans les bras et avec la complicité du duc d'Épernon, amant de la Reine ?

Ou bien le cerveau de ce fou a-t-il été vraiment fasciné par l'illusion de faire, en commettant ce forfait, un acte profitable au pape et à la religion ?

Ce sont là des questions des plus intéressantes, d'une grande portée, mais que nous n'avons l'intention d'étudier qu'ultérieurement[1] ; le travail que nous nous proposons présentement a une vue plus restreinte ; nous étudierons simplement les questions qui se rattachent à la personne même de l'assassin.

Jusqu'à ces derniers temps, cette figure de Ravaillac, restée dans la nuit pour ainsi dire, paraissait plus terrible encore.

Dans son procès, le Parlement de Paris ne semble-t-il pas avoir agi avec une bien grande promptitude ?

Certes, le crime était évident, et le châtiment mérité.

Mais s'occupa-t-on sérieusement, comme on eût dû le faire, de rechercher les complices possibles, probables, de l'assassin ? Prit-on le temps de faire des recherches approfondies dans le pays de ce dernier ?

Non, assurément ! On ne voulut aller dans ses soupçons que jusqu'à l'Espagne, jusqu'aux Jésuites ; et peut-être, pour cette complicité, tout au moins morale, aurait-il fallu chercher plus près. N'avons-nous pas nommé tout à l'heure le duc d'Épernon, gouverneur de la ville même habitée par l'assassin ?

Il est difficile de ne pas trouver ces rapprochements tout au moins étranges.

Hé bien ! le Parlement ne chercha à s'enquérir ni de la famille du régicide ni de ses relations ; il se contenta de frapper, et, du même coup, tout ce qui pouvait rappeler l'assassin tomba dans un silence impénétrable parce qu'il était voulu. La maison natale du malheureux fut rasée ; ce nom, qui faisait alors frissonner de rage, fut arraché aux frères et aux sœurs, à l'oncle et aux autres parents du condamné ; il ne devait plus y avoir à tout jamais de famille Ravaillac, et même il devait n'y en avoir eu jamais.

Ce silence, ces mystères, n'irritent-ils pas la curiosité ?

Elle devait attendre longtemps avant que d'être satisfaite.

Durant plus de deux siècles, qu'a-t-on su de l'assassin et de sa famille ? Rien, que ce qu'il avait dit lui-même dans ses interrogatoires : qu'il avait été valet de chambre et clerc ; puis qu'il était resté quelque temps chez les Feuillants ; puis qu'il tenait une école à Angoulême, vivant à peu près d'aumônes, ainsi que son père et sa mère.

Et pendant ce temps le peuple ne cessait de donner à la grande ruine féodale de Touvre le nom de château de Ravaillac, comme si le pauvre magister eût été un des hauts barons du royaume !

Sur le lieu de sa naissance, quels renseignements avait-on ? Aucuns, si ce n'est les poésies, contradictoires et ambiguës, du père Garasse, qui, après avoir fait naître le régicide à Angoulême, semble ensuite mettre le lieu de sa naissance sur les bords de la Touvre, ad ostia, ce qui veut dire la source de la rivière, soit Touvre même, aussi bien que son embouchure dans la Charente, soit le village du Gond Il appartenait à la Société archéologique et historique de la Charente, fondée à Angoulême en 1844, de s'occuper avec fruit de ces questions ; en effet, M. Eusèbe Castaigne, M. le docteur Gigon et M. de Rencogne avaient publié successivement dans les bulletins de cette Société, soit des notes, soit des pièces authentiques, soit même un travail complet — celui de M. Gigon sur le château de Touvre — lorsque M. de Fleury, président de ladite Société et archiviste du département de la Charente, fit faire un pas considérable à ces recherches en publiant, dans le bulletin de l'année 1882, trente-deux titres notariés concernant la famille du régicide ; c'est à cette dernière publication qu'est dû, à peu de choses près, le mérite de nos découvertes.

Mais il n'est pas besoin d'un plus long préambule ; d'ailleurs, notre travail n'est guère qu'un essai, que de nouvelles investigations rendront quelque jour peut-être moins imparfait.

 

 

 



[1] Elles ont d'ailleurs été traitées déjà, notamment par M. Loiseleur, bibliothécaire à Orléans.