1789 L'ANNÉE CRUCIALE

 

INTRODUCTION.

 

 

I

 

Au seuil de cette étude, qui sera moins un récit de faits qu'une discussion d'idées, nous avons deux prières à adresser au lecteur.

Nous voudrions d'abord solliciter son indulgence pour l'audace avec laquelle nous aurons à distribuer le blâme, aussi bien à droite qu'à gauche. Nous nous rendons parfaitement compte du risque que nous courons en entreprenant la critique méthodique de tout ce qui a été fait en 1789 par les uns comme par les autres. Le rôle de Mentor est ingrat, surtout en matière politique, et il est si aisé de tourner les censeurs en ridicule ! Mais, sans vouloir jouer à l'homme d'Etat, un simple mortel ne peut-il pas, pourvu qu'il connaisse les choses dont il parle, se permettre de tout discuter, même les géants de la grande époque ? La haute politique doit être à la portée de tout le monde si elle n'est vraiment, comme l'a dit Bonaparte, que le bon sens appliqué aux grandes choses.

Nous demandons ensuite à ceux qui nous liront de vouloir bien dépouiller toute prévention à notre égard. Nous ne voulons servir ici aucun parti politique. Mais, bien que nous soyons décidé à rester dans le domaine de l'histoire, nous ne nous croyons pas tenu de professer pour la grande Révolution prise en bloc les sentiments d'idolâtre ferveur dans lesquels nous avons été élevé.

Non que nous songions le moins du monde à rompre avec l'idéal laïque et démocratique, l'esprit de vérité, de justice et de raison qui a toujours été le nôtre. Nous prétendons au contraire lui rester fidèle en le délivrant de certaines admirations autant superstitieuses que compromettantes, comme de certaines préventions aussi aveuglantes qu'injustifiées. L'école historique que l'on peut appeler l'école du centenaire, celle qui a fleuri chez nous à partir de 1889 et dont nous avons reçu les enseignements, professait pour les grands ancêtres et pour leurs œuvres une admiration sans bornes, et tout le monde lui emboîtait le pas. Seuls les partisans attardés de l'ancien régime, formant en quelque sorte repoussoir, pouvaient se permettre d'observer une attitude différente.

Pour nous, nous réclamons le droit de qualifier la Révolution d'immense catastrophe sans être pour cela taxé d'égoïsme de classe. L'ancien régime était condamné en 1789 : ni les privilèges, ni le bon plaisir n'étaient plus défendables. Une transformation profonde, radicale, une rénovation rapide et complète devait avoir lieu, et, si c'est cela qu'on entend par le mot Révolution, une Révolution était inévitable et ne pouvait être que bienfaisante.

Mais précisément notre grande Révolution n'a pas été que cela. Elle a aussi été — nous le rappellerons tout à l'heure — une ère de persécutions et de violences, une époque de querelles intestines, enfin le point de départ de la grande déchirure nationale. Et, si l'on ne peut qu'applaudir au principe même du grand changement, on est bien obligé de formuler les plus expresses réserves sur la manière dont il s'est fait.

Cette attitude de raison et de sagesse, bien peu d'historiens l'ont jusqu'ici adoptée. La plupart ont préféré épouser les querelles de ceux dont ils racontaient l'histoire et subordonner leur manière de voir à leurs préférences politiques. Ceci les a tous également empêchés de se demander si ces luttes mortelles n'auraient pas pu être évitées et si les grands changements, indispensables au salut commun, n'auraient pas pu sortir d'un commun consentement. Nul d'entre eux n'a, un seul instant, envisagé l'idée d'une transformation radicale accomplie sans tous ces heurts violents, et, pour tous, partisans comme adversaires, Révolution est restée synonyme de coups de force et de terreur.

Les innombrables réquisitoires dressés par les ennemis de la liberté, du Consulat à la veille de 1848, sont tous fondés sur les excès sanglants que son établissement a entraînés — et qu'il devait nécessairement entraîner, à les entendre. De même, et en sens contraire, ceux qui ont fait l'apologie de l'œuvre révolutionnaire ont cru devoir excuser comme inséparables de celle-ci, d'abord timidement quelques-uns de ces mêmes excès, puis, avec toujours plus d'audace, un nombre d'entre eux de plus en plus grand, comme on a pu le voir tout au long de ces soixante-dix dernières années.

Le temps ne serait-il pas venu de séparer enfin le mouvement de réformes lui-même de toutes les violences dont se sont rendus coupables les hommes qui l'ont dirigé ? De ne plus considérer la Révolution comme un bloc dont il faut accepter ou rejeter en même temps les réformes et les excès ? L'outrance même des critiques ou des éloges a déjà amené des réactions salutaires. A la suite des haineuses et stupides calomnies répandues à l'envi sous la Restauration par les folliculaires ultras, on a généralement compris toute l'absurdité de la légende contre-révolutionnaire, jusque-là seule en honneur, et l'on s'est dégagé de ces préjugés haineux et étroits qui faisaient voir, dans chaque acteur du grand drame révolutionnaire, un véritable malfaiteur public, et dans la réforme la plus nécessaire et la plus juste, un crime contre le bien. De même, aujourd'hui que certains ne se contentent plus d'excuser la Terreur, mais qu'ils l'érigent en système et qu'ils exaltent jusqu'à Marat, cet apologiste du meurtre et de la dictature, nous commençons à ne plus professer envers la grande Révolution le même superstitieux respect que nos devanciers immédiats, et c'est la simple constatation d'un fait indiscutable qu'a soulignée récemment un journaliste — pourtant de gauche — en écrivant, à propos des fêtes officielles, et bien froides, du récent Cent-cinquantenaire : Le grand Pan est mort.

Décidément il faut renoncer à cette solution, par trop facile, de tous les problèmes, qui consiste à identifier le bien avec une certaine direction politique, à croire qu'aucun progrès ne peut être réalisé que par la révolte, et que, pour être toujours plus social, il faut être toujours plus à gauche, toujours plus à gauche. La loi morale, elle, ne distingue pas entre une droite et une gauche, et, pas plus pour Robespierre que pour Loyola, la fin ne saurait justifier les moyens — lesquels d'ailleurs, dans les deux cas, ne peuvent que compromettre cette fin, car de tels crimes, qui restent toujours des crimes, sont, de plus, des fautes.

 

II

 

Mais, nous ne nous le dissimulons pas : il est impossible de convaincre les fanatiques que le mirage de la Révolution intégrale fascine. Le propre de ces fanatiques est l'aveuglement. Aucun mécompte ne les déconcerte. S'il en survient au cours de leurs expériences, ils les mettent sur le compte d'un excès de timidité, et le seul enseignement qu'ils consentent à tirer de l'échec d'une Révolution, c'est la nécessité d'une Révolution complémentaire. Il est donc parfaitement vain d'essayer de discuter avec eux. Mais il n'est pas superflu de les discuter eux-mêmes devant les autres. Et c'est à l'adresse de ces derniers, qu'au risque de faire sourire, nous voudrions rappeler ici, sur la genèse d'un état d'esprit qui fut trop courant chez nous, quelques solides vérités premières.

C'est d'abord affaire de caractère, de tempérament. Pour certaines personnes particulièrement sûres d'elles-mêmes, la discussion n'est pas un moyen de rechercher en commun la vérité, mais un simple instrument de propagande. Elles s'y prêtent volontiers avec les humbles qu'elles cherchent à éblouir ; mais, à quiconque leur présente des objections sérieuses, elles opposent, à défaut d'arguments solides, des affirmations péremptoires, et elles suspectent tout de suite la bonne foi du contradicteur. Ambitieux et autoritaires, imbus de leur supériorité, ces gens veulent tout faire plier devant eux et le bon droit qu'ils réclament est la négation de celui des autres. Criant volontiers à la tyrannie et à l'injustice dès qu'il leur faut s'incliner, il n'y a pas de despote plus ombrageux qu'eux lorsqu'ils sont à leur tour les maîtres, et ils revendiquent leur place au soleil en piétinant leurs voisins. Ce genre de caractère est classique : c'est le type bien connu du persécuté-persécuteur. Entre les principes et la conduite de ces hommes, il y a une perpétuelle contradiction. Hostiles au galon qui s'étale, fût-il de laine, ils sont avides des galons qu'on ne voit pas. Antimilitaristes impérieux, fanatiques anticléricaux et disciplinés partisans de la révolte, ces ennemis jurés des aristocrates et des bourgeois invoquent avec hauteur, au bénéfice de leur talent, un nouveau droit de naissance. Ils ont sans cesse à la bouche les grands mots d'humanité, de justice, de fraternité universelle et de raison, mais ils apportent partout la discorde, sèment la zizanie et se montrent les moins équitables, les plus passionnés des hommes. L'amour de leur prochain est sur leurs lèvres, et ils ont dans le cœur la haine de certains de leurs prochains. Cette haine, qu'ils prétendent féconde pour la justifier, c'est, déclarent ces nouveaux Alcestes, la seule haine du mal ; mais la liberté qu'ils réclament n'est pas simplement celle d'être homme d'honneur, et ils n'ont jamais songé à se retirer dans le désert. Aussi leur misanthropie a-t-elle des effets autrement graves que celle du personnage de Molière. Ô liberté, que de crimes on commet en ton nom !

C'est ensuite une question de nature d'esprit. On dédaigne comme insuffisante toute réforme qui ne serait pas radicale, systématique, et l'on écarte comme impossible l'hypothèse qu'un progrès sérieux puisse s'exécuter sans violence.

En s'obstinant, d'abord, à n'admettre que des solutions intégrales, ces sortes d'esprits témoignent de leur absolu mépris des contingences. Or, il n'est pas sage de vouloir pousser la logique à l'extrême en toute circonstance. Les réalités dédaignées se vengent, et tout pas en avant, fait dans ces conditions, est généralement suivi d'un ou deux pas en arrière, le résultat final, au bout d'un temps donné, se trouvant sensiblement le même qu'avec une méthode plus prudente et plus sûre tout en étant beaucoup moins coûteuse. Mais ceci n'arrête pas les impatients qui estiment que rien n'est fait tant qu'il reste quelque chose à faire, ni les orgueilleux qui prétendent achever la Révolution au lieu de se contenter modestement de la continuer, comme les camarades.

De telles gens vivent en plein rêve, et l'on peut vraiment parler d'une mystique révolutionnaire. En opposition avec la vie réelle, où se coudoient sans se heurter la foule des contraires, ils prétendent tout ordonner suivant la seule logique et ne croient qu'à la vertu créatrice de la raison édifiant sur une table rase. Ce sont des esprits à système, qui détiennent la recette du bonheur, qui connaissent, du grand problème politique et social, la seule solution infaillible, une solution, non seulement universelle, mais définitive. Pangloss de l'avenir, ils sont convaincus qu'avec leur formule magique, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Les vices et les vertus ne sont-ils pas des produits comme le sucre et le vitriol ? Une fois donc la grande raffinerie sociale installée, aucune amélioration ne sera plus concevable, et, nouveaux Josués, ces grands architectes auront arrêté la marche du Progrès. Quel programme alléchant : au lieu de l'effort éternel, le Paradis pour demain... Décidément, ces esprits forts sont restés, au fond, des croyants.

Et, d'autre part — et justement parce qu'ils ne parviennent à concevoir la Révolution que comme le triomphe intégral d'un système — ces mêmes esprits déclarent toute réforme sérieuse impossible autrement que par les voies de la violence et de la terreur, par le triomphe brutal de ceux qui ont des revendications à présenter sur ceux qui ont des réserves à faire. N'admettant pas la légitimité de ces dernières, ils rejettent en même temps l'idée même d'un compromis obtenu par l'arbitrage du gouvernement entre les groupes d'intérêts opposés. Pour eux, les pouvoirs publics doivent prendre en mains la cause d'un seul de ces groupes, et toute Révolution consiste dans la conquête de l'autorité, au besoin par la guerre civile. Seule, soutiennent-ils, la force est féconde : c'est la grande accoucheuse des sociétés. Et la politique, simple expression de la lutte naturelle des classes, doit poursuivre le renversement des valeurs par l'enrichissement des déshérités. Toute tentative d'amélioration sociale faite d'une autre manière serait, d'après eux, vouée à l'échec, car, à les entendre, on ne saurait discuter avec des maîtres, des supérieurs ou des patrons sans en devenir les dupes : chacun ne défend-il pas ses intérêts par tous les moyens et la justice est-elle de ce monde ? Et de conclure : non, décidément, il ne saurait y avoir de réforme un peu sérieuse, d'affranchissement un peu substantiel, sans la révolte, la bonne, la saine révolte des opprimés.

Les personnes qui raisonnent de cette manière ont, en somme, des classes dominantes, la même opinion fâcheuse qu'on nourrit, dans l'autre camp, à l'égard des masses populaires. Ce sont des autoritaires à rebours, des oppresseurs en puissance, qui comptent bien employer avec leurs adversaires les mêmes mauvais procédés dont ceux-ci ont usé à leur égard. Ceux qui poussent à la Révolution violente sont donc, au sens propre du terme, les réactionnaires des conservateurs, comme les conservateurs sont les réactionnaires de ceux qui prônent la révolte. Les uns et les autres poursuivent des fins opposées à l'aide de moyens identiques. Ce sont, quand on va au fond des choses, des esprits de même nature.

 

III

 

Mais revenons à la grande Révolution dont l'exemple fameux semble hanter les esprits de tous les partisans de la manière forte. Si ceux-ci prônent avec tant de conviction la violence et la dictature, n'est-ce pas, en effet, parce que toute son histoire semble une illustration de cette méthode ?

Elle est pleine, en effet, de ces épisodes sanglants qui ont fait la triste célébrité de la période appelée Terreur. Quand on cherche à délimiter chronologiquement celle-ci, on s'aperçoit qu'il est à peu près impossible d'en fixer les bornes d'une façon précise et qu'elle dépasse de beaucoup, dans tous les cas, vers le haut comme vers le bas, les termes qui lui sont généralement assignés.

La Révolution violente a commencé bien avant la promulgation de la loi des suspects du 5 septembre 1793, bien avant la création ou la réorganisation, vers cette même époque, de l'armée révolutionnaire, du Tribunal révolutionnaire et des comités de surveillance révolutionnaires, bien avant aussi la grande loi du Maximum du 3 septembre de la même année, puisque, avant la grande Terreur, celle de l'automne tragique, il y a eu une autre Terreur, celle de mars et d'avril 1793, qui a créé le Tribunal révolutionnaire du 8 mars ainsi que le Comité de Salut public, et qui a fait prendre, dès le 4 mai, le décret sur le prix maximum des blés, tandis que déjà, dans tout le pays, s'organisaient spontanément les premiers comités de surveillance, ceux d'avant la lettre. Et, avant cette époque même, six mois déjà auparavant, n'y avait-il pas eu les horribles massacres de septembre 1792 et le Tribunal du 17 août, précédés eux-mêmes de toutes les violences populaires qui ont préparé, accompagné et immédiatement suivi la Révolution du 10 août ? Ce serait donc peut-être jusqu'à la journée du 20 juin qu'il faudrait faire remonter la Terreur[1].

Celle-ci n'a pas non plus pris fin au lendemain du 9 thermidor, ainsi qu'on l'admet généralement. Elle n'a fait d'abord, comme on l'a dit, que changer de mains. Puis, après la fameuse Terreur blanche du printemps 1795 — compagnons du Soleil, de Jésus, de Jéhu — qui a ensanglanté le Midi et Lyon, il y a eu un retournement nouveau, et le Directoire a vu successivement deux nouvelles Terreurs rouges : celle de septembre 1797, à la suite de l'échec du coup d'état royaliste du 18 fructidor an V, et celle de l'été 1799 après le coup d'état des Conseils du 30 prairial an VII (18 juin 1799) : emprunt forcé, suppression de la liberté de la presse, loi des otages, enfin persécution religieuse, qui, elle, a duré, sans interruption, du mois de septembre 1797 au coup d'état du 19 brumaire, c'est-à-dire jusqu'au mois de novembre 1799.

Ainsi la Révolution a été violente à presque tous les moments de son histoire, et c'est pourquoi, pour la plupart de nos contemporains, Révolution est synonyme de violence et de Terreur.

Et, de même que nous trouvons la violence tout au long de la Révolution, de même nous rencontrons l'arbitraire, la dictature, le mépris de la légalité d'un bout à l'autre de celle-ci. On sait en quoi consistait le despotisme aux yeux des hommes de cette époque : dans la confusion des pouvoirs. Or, cette confusion des pouvoirs, nous la rencontrons, d'abord, après le 9 thermidor, en tant d'occasions qu'il est inutile d'insister : ce n'est pas précisément une ère de légalité continue qui sépare le coup de force de thermidor du coup d'état de brumaire ! Et, dans l'autre direction, nous trouvons, en fait, la confusion des pouvoirs bien avant sa proclamation ouverte, lors de l'établissement du gouvernement révolutionnaire de l'an II : dès 1793, en effet, elle avait été réalisée, lors de la création des grands Comités et l'envoi, en province et aux armées, de membres de l'Assemblée chargés de pouvoirs dictatoriaux. Pour saisir la première atteinte aux principes chers aux hommes de cette époque, il faut même remonter plus haut que l'année 1793, non seulement jusqu'au début de la Convention, à laquelle la Nation avait délégué la souveraineté toute entière, mais encore jusqu'à la fin de la Législative qui, depuis le 20 juin 1792, n'a cessé de fouler aux pieds les prérogatives de l'Exécutif[2].

Mais faut-il s'arrêter là, tant pour la confusion des pouvoirs que pour la Terreur ? C'est ce que nous ne croyons pas, du moment qu'il ne s'agit pas d'un système, même provisoire, mais bien d'un état de fait. Les actes de violence ont commencé, en effet, dès le 14 juillet 1789[3], et, si, dans l'article que nous allons citer, Aulard a pu présenter la prise de la Bastille comme une mesure de défense préventive, il a dû reconnaître lui-même le caractère terroriste au fameux mouvement municipal qu'on a appelé la Grande Peur. La force n'a-t-elle pas été employée aussi aux journées d'octobre 1789 pour obliger le Roi à s'établir à Paris, comme elle devait l'être au mois de juin 1791 pour l'empêcher de quitter la France ? Quant aux empiétements du pouvoir législatif sur l'exécutif et le judiciaire sous la Constituante et sous la Législative avant le 20 juin 1792, la liste en serait longue à dresser[4] et nous ferait remonter au moins jusqu'au 28 juillet 1789[5], date de la création du Comité primitivement désigné sous le nom de Comité des rapports ou d'informations et qui devait bientôt prendre le titre officiel de Comité des recherches de l'Assemblée nationale.

On le voit : en fait, la violence a été employée et la dictature exercée presque d'un bout à l'autre de la Révolution, et c'est bien ce qui, aux yeux de tant de personnes, rend inséparables l'idée de révolution de celles d'abus de la force et de tyrannie.

 

IV

 

Or, à l'emploi de la force, à la tyrannie, les hommes de la grande Révolution eux-mêmes répugnaient.

Dans une étude originale et suggestive, publiée en 1923, et qui fut d'abord un discours prononcé au Congrès des sociétés savantes de cette année, sur La Théorie de la violence et la Révolution française[6], étude qui constitue l'un des premiers réquisitoires contre les modernes partisans de cette théorie, notre regretté maître, A. Aulard, a cherché à dégager le plus largement possible notre grande Révolution de sa réputation de violence. Après avoir constaté qu'il s'était formé peu à peu une théorie de la violence d'après laquelle la violence serait féconde, théorie qui s'appuie sur l'exemple de la Révolution française, où, à Moscou et ailleurs, on voit, on montre une école de violence, il prétend démontrer la fausseté de cette vue, en tant qu'historique. Dans sa tentative de démonstration, Aulard, à notre sens, va trop loin. Il ne retient, en effet, comme actes de violence à la charge de la Révolution, que cinq ou six faits seulement : la prise de la Bastille, la Grande Peur, la journée du 10 août 1792, la dictature de la Commune de Paris qui a triomphé aux 31 mai et 2 juin 1793, enfin les comités révolutionnaires, qui, dit-il, offrent peut-être à qui les regarde superficiellement l'image d'une dictature du prolétariat. Encore ne veut-il voir dans ces événements que des actes de défense. Car c'est un véritable plaidoyer en faveur des hommes de la Révolution que présente cet historien, plaidoyer qui est, en même temps, un réquisitoire contre les adversaires de celle-ci : Louis XVI, les privilégiés, et, plus tard, Napoléon, lequel, nous dit-il, par une brutale déviation..., ramena la France à l'antique ornière de violence. L'homme de parti perce un peu trop ici sous la plume de l'historien. Mais, ce qu'il y a, dans cet exposé, de tout à fait exact et, en même temps, de profond, c'est la démonstration qui y est faite de la volonté primitive de concorde et de paix qui animait nos ancêtres, et de leur horreur foncière pour la violence, cette violence qu'ils n'ont jamais érigée en système — à l'exception de Marat et de quelques agités éphémères — alors même qu'ils se sont vus contraints d'y recourir[7].

Et, de même qu'ils n'ont jamais admis et justifié la violence, jamais non plus les hommes de la Révolution n'ont justifié et admis l'arbitraire et la dictature, lesquels sont intimement liés à la violence, comme l'a très bien dit Aulard[8]. La concentration dans les mêmes mains des trois genres d'autorité leur était en horreur, et cette confusion, en quoi précisément ils faisaient consister l'état de choses révolutionnaire, leur apparaissait comme une extrémité fâcheuse, imposée par des circonstances difficiles, et essentiellement transitoire, comme le marquent bien les deux célèbres décrets, du 10 octobre 1793 déclarant le gouvernement de la France révolutionnaire jusqu'à la paix, et du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) sur le gouvernement provisoire et révolutionnaire qu'il organise. Le despotisme, c'est-à-dire l'arbitraire, l'absence de contrôle, auquel les députés aux Etats-généraux[9] avaient reçu mission de mettre fin, était resté à l'opposé de l'idéal des Conventionnels. La Révolution est finie, disait-on à chaque instant. On le disait et on le croyait. Le seul Marat excepté, aucun des grands chefs des partis démocratiques de l'époque n'a proposé la dictature comme idéal aux Français. Les accusations de Triumvirat lancées contre certains d'entre eux n'étaient — sauf celle qui concernait Marat — qu'une manœuvre de leurs adversaires. D'ailleurs, ces accusations mêmes, destinées à faire perdre tout crédit à ceux qu'elles visaient, constituaient un témoignage indirect du besoin de légalité si général alors chez nous. De là cette légende fameuse relative à la tragique journée du 9 thermidor qui nous représente Robespierre arrêté par un tel scrupule et laissant tomber la plume qui lui aurait assuré la victoire sur ses adversaires. Au nom de qui, en effet, aurait-il légitimement pu donner la signature qu'on lui demandait ?

Ainsi donc, ni la violence, ni l'arbitraire n'ont été systématiquement prônés par les hommes de la Révolution : ces moyens, au contraire, sont opposés à leur but. Ce qu'on voulait, c'était affranchir l'individu dans toute la mesure du possible, et non pas renforcer encore à ses dépens les pouvoirs d'un Etat dont la tyrannie était devenue insupportable.

Et ceci fait bien voir l'erreur des historiens qui, dans ces derniers temps, nous ont présenté le marxisme contemporain comme la continuation, la conséquence et l'achèvement de l'œuvre de la Révolution française. Rien n'est plus contraire à la vérité historique. Entre la doctrine marxiste, matérialiste, autoritaire, grégaire, ennemie du suffrage universel, et qui prétend établir entre les nations comme entre les individus un classement des valeurs, une véritable hiérarchie d'autorités, de circonscriptions de commandement — d'une part, et l'idéal de notre Déclaration des droits issue, par la philosophie du XVIIIe siècle, de la tradition spiritualiste de l'Evangile, de cette Déclaration qui veut affranchir l'individu, limiter les pouvoirs de l'Etat et soumettre ce dernier par le bulletin de vote au contrôle des citoyens, Déclaration à compléter plus tard par la reconnaissance aux différents peuples du droit de disposer librement et également d'eux-mêmes — d'autre part, la contradiction est complète, l'antinomie absolue. A l'opposé du marxisme tyrannique qui brime l'homme isolé, la Révolution se refuse à reconnaître la force comme source de la loi. Elle veut simplement en faire l'instrument de celle-ci, amener par elle le règne de la loi, c'est-à-dire le contraire même d'un état de violence et de dictature.

 

V

 

Comme on le voit par tout ce qui précède, l'histoire de la grande Révolution nous présente le désolant spectacle d'une opposition constante entre la fin poursuivie et les moyens employés. Une telle attitude, que condamne la morale — la fin ne justifiant pas les moyens — a aussi trouvé sa condamnation dans les faits — les moyens ayant fini par compromettre la fin. Toutes les réalisations successivement tentées à cette époque ont dû successivement disparaître. La Constitution de 1791, bien plus imposée que sincèrement consentie, n'a même pas duré un an. La Révolution qu'elle représente a été suivie, pendant de nombreuses années, de toute une série de secousses, dont chacune a établi un système nouveau, éphémère lui aussi, jusqu'à l'instauration, par la Charte de 1814, d'un système à peu près équivalent au premier.

A quoi tient la fragilité de chacune de ces constructions ? Une réponse vient tout d'abord et naturellement à l'esprit : à l'emploi de la contrainte, de la violence. Mais les constructions de la force peuvent durer longtemps, aussi longtemps que la force même d'où elles sont sorties : quinze ans, par exemple, pour le premier empire, contre sept pour la première république et trois pour la monarchie constitutionnelle, et il n'a pas fallu moins que toutes les forces coalisées de l'Europe pour y mettre un terme. L'explication est donc autre. C'est la contradiction entre le caractère des successives constitutions de la Révolution et les moyens employés pour les faire adopter qui est la véritable cause de la fragilité de celles-ci. La garantie de durée d'un régime, quel qu'il soit, réside dans la fidélité de ses fondateurs au principe sur lequel il est fondé : celle d'un régime autoritaire dans le maintien de la force, celle d'un régime reposant sur le droit, dans le respect de la liberté. Et si, à un régime d'autorité, on veut substituer un régime libéral, il faut que celui-ci, au lieu d'être imposé par la contrainte, soit accepté volontairement par tous.

La chose n'est pas aussi impossible qu'elle en a l'air. Sans doute les hommes se divisent-ils sur les moyens à employer pour éviter les catastrophes qui menacent les sociétés : guerre civile et guerre étrangère. Mais leur horreur de celles-ci est, à tous, si grande qu'ils doivent pouvoir s'entendre, au moins provisoirement et sur un programme limité. Sans doute, les uns et les autres, optons-nous bien, chacun suivant notre tendance, entre les deux sortes de remèdes qui se présentent à l'esprit pour écarter tout danger d'explosion : renforcement des parois de la chaudière ou fonctionnement d'une soupape de sûreté. Mais nous sommes d'accord sur le but final à atteindre, qui est d'éviter que la communauté ne subisse un sort funeste, et, pour cela, de faire en sorte que chacun de nous soit employé au mieux de l'intérêt général. C'est bien ce qui fait qu'en d'exceptionnelles circonstances et en présence de difficultés particulièrement graves, on ait pu voir des hommes de droite et des hommes de gauche collaborer quelque temps, pour le plus grand bien de tous, à un programme unique, précis et limité, en vue d'un but défini. Pourquoi nierait-on la possibilité d'un changement radical, d'une véritable Révolution obtenue de la même manière ?

Beaucoup trop de gens s'imaginent qu'il ne saurait y avoir de transformation profonde sans désordres et sans dégâts. On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, a-t-on coutume de dire. Erreur profonde. Pour faire une omelette, on ne casse pas les œufs, on se contente de les mélanger, en se gardant au contraire d'en perdre la moindre parcelle. Ce sont les coquilles qu'on brise. De même pour la réforme sociale : il ne faut employer la force qu'à bon escient, et seulement pour rompre les cloisons étanches qui s'opposent à l'interpénétration des éléments constitutifs de la société. Mais il ne faut abîmer aucun de ceux-ci, car ils ont tous leur importance.

Aussi bien commence-t-on à venir à cette idée qu'il puisse y avoir deux types différents de Révolution : la Révolution pacifique obtenue grâce à des concessions mutuelles inspirées par le commun amour de la patrie, et la Révolution sanglante, réalisée au moyen de la force par une fraction seulement de la nation. Ecrivains et journalistes de gauche eux-mêmes tendent aujourd'hui à l'admettre. C'est ainsi que, dès 1930, le regretté H. Sée, en comparant entre elles les Révolutions anglaises du XVIIe siècle, la grande Révolution française du XVIIIe, les Révolutions du XIXe et enfin la Révolution russe du XXe, donnait à son ouvrage le titre significatif d'Evolution et Révolutions. C'est ainsi que, dans le journal l'Œuvre du 2 mai 1937, nous avons pu noter au passage les réflexions suivantes : Ce ne sont pas les hommes qui font les Révolutions. Elles se font, les événements les font. Ce qui dépend des hommes, c'est qu'elles soient torrentielles et dévastatrices pour tout le monde — sauf pour quelques profiteurs et aventuriers — ou progressives et fécondes pour les plus grandes masses possibles.

La question se pose donc de savoir comment nos grands ancêtres de la Révolution ont été amenés à choisir le premier de ces deux genres de Révolution, pourquoi ils ont rejeté la méthode des transactions pacifiques, pourquoi ils ont si souvent tourné le dos à leur idéal de liberté et de droit en recourant, en tant d'occasions, à cette violence et à cet arbitraire qu'ils détestaient et qu'ils s'étaient précisément proposé pour but de faire disparaître.

Evidemment, pour chacun de ces cas pris en particulier, l'explication réside dans les cas antérieurs, car la force appelle la force, soit pour des réactions, soit pour des prolongements. Mais une telle réponse ne fait que déplacer la difficulté, elle ne la résout pas vraiment.

On n'en aura la solution qu'en examinant avec soin les circonstances du premier cas d'application de la méthode de dictature et de violence. Que vaut, au juste, en cette première occasion, le prétexte de la raison d'Etat, du salut public loi suprême, invoqué par tant d'hommes politiques à toutes les époques de l'histoire ?

Ici le problème change de caractère. Dans la succession de petites Révolutions dont l'ensemble compose l'histoire de la grande et qui sont pour ainsi dire sorties les unes des autres, celle qui s'est produite en 1789 a un caractère très particulier, au moins jusqu'au coup de force du 14 juillet. Ni dans son origine, ni dans les moyens essayés, ce prélude de Révolution, ou, si l'on préfère, cette tentative préalable de réforme par négociations, n'a été marqué — et cela durant un temps assez long — par la confusion des pouvoirs ou par l'emploi de la violence. C'est la méthode des compromis et de l'arbitrage qui s'est offerte aux responsables pendant cette période. Et c'est bien à cette méthode, et non pas à celle de la dictature et de la force, que les électeurs avaient songé. Pourquoi, de ces deux voies opposées, a-t-on donc, au bout de quelques semaines ou de quelques mois, abandonné la première ?

La question vaut la peine d'être posée. Si, comme nous venons de le dire, tous les coups de force de la Révolution sont sortis les uns des autres, et presque fatalement, à partir du premier, et si, en fin de compte, on s'est trouvé ramené à peu près au point de départ, n'eût-il pas mieux valu éviter la première des atteintes portées à la méthode pacifique, même au prix de sacrifices momentanés, même en abandonnant quelque chose à l'avenir, et faire ainsi l'économie de toutes les guerres, tant civiles qu'étrangères, de tous les abus de la force et de l'arbitraire, dont est tissée notre histoire nationale de 1789 à 1815 ?

 

VI

 

Nous allons donc examiner de près les débuts de notre grande Révolution en nous mettant bien dans l'esprit que celle qui s'imposait à nous à cette époque et dont tous reconnaissaient la nécessité, ne devait pas nécessairement se faire par la violence et par l'arbitraire, qu'elle pouvait être autre qu'elle n'a été, que deux chemins, en réalité, s'ouvraient alors devant nous, dont l'un seulement conduisait fatalement à la Terreur et à la guerre, — et nous nous demanderons par suite de quelles circonstances nous nous sommes trouvés engagés sur ce dernier.

Nous n'aurons pas besoin, pour résoudre ce problème, d'envisager les origines lointaines du grand mouvement déclenché par la convocation des Etats-généraux. L'exposé des causes générales et profondes de la Révolution française, sur lesquelles tout a déjà été dit et depuis longtemps, n'est nullement nécessaire à la recherche que nous voulons entreprendre. Il n'est pas non plus indispensable pour nous de descendre très loin dans le temps. Sans doute, nous devrons dépasser sensiblement la Révolution de juillet, car, si les chances d'un compromis véritable sont déjà notablement plus réduites après cette date, celles d'une solution pacifique ne sont pas encore épuisées. Mais nous n'irons pas beaucoup plus loin que le 1er janvier 1790, bien qu'après ce moment encore la mauvaise direction prise par le cours des événements eût pu être redressée en plus d'une occasion. C'est, en effet, dans la deuxième moitié de l'année 1789 qu'ont été prises par la Constituante presque toutes les décisions capitales qui ont engagé l'avenir. La suppression de la dîme ecclésiastique par les décrets du 11 août, la mainmise de l'Etat sur les biens du Clergé le 4 novembre, enfin les décrets du 19 décembre pour la vente d'une partie de ces biens et l'émission des 400 premiers millions d'assignats, ont conduit à peu près sûrement à l'assignat-monnaie et à la Constitution civile. D'autre part, à la Saint-Sylvestre, la destruction de l'autorité et la ruine de l'administration sont choses acquises depuis de longs mois. Enfin, dès les premières semaines de l'année 1790, le comte d'Artois, réfugié chez son beau-père à Turin, et les émigrés du premier ban, auprès des cours étrangères, sont à l'œuvre pour pousser les souverains des pays voisins à envahir le royaume, comme le fait voir la conspiration du général de Maillebois, dénoncée en mars 1790 et qui avait pour objet de faire marcher sur Paris trois armées venant, l'une de Turin, la deuxième du Brabant, et la troisième d'Allemagne. Dès ce moment donc, après ces premières mesures de la Constituante et leurs conséquences immédiates, la Révolution était franchement engagée sur la pente fatale, et l'on peut dire qu'étant donné cette situation, la fameuse expérience s'est déroulée, à partir de cette époque, de la manière la plus logique et la plus probable. Pour comprendre 92 et 93, le renversement de la royauté, la Convention, la Terreur, c'est donc en 1789 qu'il faut et que nous allons nous placer.

Nous comprendrons notre sujet moins en philosophe qui s'occupe du passé qu'en historien qui raisonne. Il ne saurait être question pour nous d'épiloguer sur les causes abstraites des événements. Notre dessein est tout autre :

Mettre en pleine lumière les faits les plus décisifs pour l'avenir parmi tous ceux de l'année en question ; méditer sur les événements auxquels il convient d'attribuer l'échec de la tentative de compromis et de Révolution pacifique ; voir si, et à quelles conditions, celle-ci n'aurait peut-être pas pu réussir ; rechercher enfin par. la faute de qui nous avons été entraînés à la Révolution violente que nous avons proposée ensuite pour modèle au monde entier.

Voilà ce que nous allons essayer de faire dans les pages qui vont suivre.

 

 

 



[1] C'est, en effet, à cette date que Mortimer-Ternaux, l'historien de la Terreur, a fait commencer son récit.

[2] Décret du 2 juillet, approuvant la réunion à Paris des fédérés (décret illégal puisque le véto avait été apposé par le Roi sur celui, antérieur, du 8 juin pour la formation d'un camp de 20.000 hommes sous Paris). Décret du 13 juillet, qui levait la suspension, prononcée par l'autorité départementale, du Maire et du Procureur de la Commune de Paris. Enfin, décrets du 10 août, qui ouvraient la période proprement révolutionnaire.

[3] On peut même en signaler d'autres auparavant, l'émeute Réveillon par exemple, pour s'en tenir à la capitale. Mais il s'agit là seulement de faits isolés, assurément symptomatiques de l'état général des esprits, mais qui n'intéressaient pas le pays entier et n'engageaient pas encore l'avenir.

[4] Voici les principaux de ces faits : Constituante : Création puis fonctionnement du Comité des recherches (mandats d'arrêt dans toute la France), du Comité des finances (émissions d'assignats), du Comité d'aliénation (vente des biens nationaux), du Comité ecclésiastique (application de la Constitution civile élaborée par lui), du Comité féodal (affaires de droits féodaux), du Comité diplomatique (surveillance des ambassadeurs et de leur courrier) ; mesures révolutionnaires prises après la fuite à Varennes pendant l'intérim républicain du 21 juin au 15 juillet 1791 ; envoi en province, pendant la même période, de commissaires de l'Assemblée en mission. — Législative : Création, le 25 novembre 1791, puis fonctionnement, du Comité de surveillance (réplique du Comité des recherches de la Constituante) ; Commission extraordinaire, dite des Douze, créée le 6 mars 1792 et qui deviendra, le 18 juillet, la Commission des Vingt-et-un (elle jouera alors un rôle éminemment révolutionnaire) ; commissaires aux départements du 15 février 1792 (suivis de nombreux autres : le 31 juillet, le 9 août, et surtout après la Révolution du 10 août) ; mise en accusation du ministre des affaires étrangères Delessart, le 10 mars 1792 ; décrets révolutionnaires de mai, juin et juillet, jusqu'à la période du gouvernement, véritablement révolutionnaire, qui va du 10 août au 21 septembre 1792.

[5] Ceci, bien entendu, à la condition de ne pas adopter le point de vue, du reste plus juridique qu'historique, qu'il n'a pas pu y avoir d'empiétement d'un pouvoir sur l'autre avant le moment où ont été adoptées les bases de la future Constitution, c'est-à-dire avant octobre 1789.

[6] La Théorie de la violence et la Révolution française, Discours au Congrès des sociétés savantes à la Sorbonne, le 6 avril 1923, par A. Aulard, dans la revue La Révolution française, 1923, pp. 97-118.

[7] Jamais, écrit Aulard, la Convention... ne se décida à mettre formellement la Terreur à l'ordre du jour, comme la Commune le lui demandait. Tout au contraire : Le 2 germinal an II, elle mit solennellement la justice et la probité à l'ordre du jour.

[8] Violence et dictature, ces deux mots, ces deux choses, sont inséparables, et la violence, si elle s'affirme féconde, ce ne peut être que pour ou par la dictature, dictature d'un homme ou dictature d'un groupe, d'une classe. Aulard, loc. cit.

[9] Conformément à l'usage du temps, nous écrirons avec un trait d'union les mots : Etats-généraux et Tiers-Etat.