LES GRANDS ILLUMINÉS - NOSTRADAMUS

 

IX.

 

 

L'impression des Prophéties de Maître Michel Nostradamus fut achevée le 4 mai 1555 et le volume parut à Lyon, chez Macé Bonhomme, la même année. Ce qui prouve qu'il se vendit très bien, c'est qu'il fut réimprimé immédiatement en Avignon — peut-être par un contrefacteur —, et que les éditions s'en succédèrent en 1556, 1557, 1558, 1560 et vraisemblablement plus souvent encore, car il en est sûrement qui sont aujourd'hui perdues. Son succès fit même rééditer coup sur coup en 1555, 1556 et 1557 l'opuscule des fardements.

Cette première édition ne contenait encore qu'une faible partie de l'ouvrage : les trois premières Centuries seulement, c'est-à-dire trois séries de cent quatrains, plus cinquante-trois quatrains de la quatrième, le tout précédé d'une longue épître liminaire adressée par l'auteur à son fils César, qui n'était encore qu'un petit enfant. Or l'épître, dont nous avons cité plus haut quelques fragments, n'est pas beaucoup plus claire que les quatrains : Nostradamus s'est appliqué à rendre le tout à peu près inintelligible, selon la tradition de tous les prophètes et sibylles, y compris celle de Panzoust : que possible fera retirer le front à quelques-uns, dit-il lui-même et il ajoute : La plupart des quatrains prophétiques sont tellement scabreux que l'on n'y saurait donner voie ni moins aucuns interpréter. Enfin le dernier de la sixième Centurie, qui par extraordinaire est en latin, se trouve conçu en ces termes où l'on sent encore je ne sais quel relent du jargon magique :

Quos legent hosce versus mature censunto,

Profanum vulgus et inscium ne attrectato,

Omnesque astrologie blenni, barbari procul sunto !

Qui aliter facit, is rite sacer esto ![1]

Or, nous avons pu constater en lisant l'Opuscule des fardements que, même lorsque Nostradamus ne le fait pas exprès, son français laisse cruellement à désirer ; à plus forte raison, lorsqu'il construit ses phrases à la latine ; lorsqu'il accumule les amphibologies ou additionne des mots sans suite, du moins en apparence, à la façon de nos récents poètes dada qui pourraient

pourraient en lui un précurseur[2] ; lorsqu'il emplit ses quatrains de métaphores obscurissimes, d'anagrammes vrais ou supposés. Joignez que les vers sont à l'ordinaire plus que rocailleux et très souvent faux. On croirait qu'il les a mêlés au hasard, comme on mêle un jeu de cartes ; c'est un fouillis universel ; puis une phrase claire, ou un fragment de phrase, brille comme un feu follet... Mais ces scintillements douteux justement, ce clair-obscur, ces sens miroitants, cet habile mélange ont exercé une attirance sur les esprits imaginatifs et crédules que le mystère excite. Les Centuries de Nostradamus, a écrit l'un d'eux, forment une sorte de jeu de tarots en vers ou de kaléidoscope cabalistique, dont le miroitage fatigue, mais dont la singularité fascine, et dans les combinaisons multiples duquel un regard scrutateur finit par découvrir des myriades de tableaux empreints d'une magique grandeur. Faisons nos réserves quant à la magique grandeur, mais on vit rarement mosaïque plus habile que celle-là.

Aussi le succès que remporta l'ouvrage ne doit-il pas nous étonner. Le prophète fut presque tout de suite connu à la Cour même, où l'astrologie était fort en vogue, et à ce point qu'Henri II voulut le voir. On raconte que le roi avait été frappé par ce quatrain de la première Centurie où l'on veut trouver la prédiction de sa mort dans le tournoi fameux, et que voici :

Le lion jeune le vieux surmontera

En champ bellique par un singulier duelle :

Dans cage d'or les yeux luy crèvera,

Deux classes une, puis mourir, mort cruelle.

Mais, à vrai dire, que ce soit ce quatrain qui ait décidé Henri II à mander Nostradamus, cela ne s'accorde guère avec ce que nous disent Brantôme et Mme de La Fayette.

J'ai ouï conter, écrit le premier, et le tiens de bon lieu que, quelques années avant qu'il [Henri II] mourût — aucuns disent quelques jours —, il y eut un devin qui composa sa nativité et la lui fit présenter. Au dedans, il trouva qu'il devait mourir en un duel et combat singulier. M. le connétable [Anne de Montmorency] y était présent, à qui le roi dit : Voyez, mon compère, quelle mort m'est présagée !Ah ! Sire, répondit M. le connétable, voulez-vous croire ces marauds qui ne sont que menteurs et bavards ? Faites jeter cela au feu. — Mon compère, répliqua le roi, pourquoi ? Ils disent quelquefois vérité. Je ne me soucie de mourir autant de cette mort que d'une autre ; voire l'aimerais-je mieux, et mourir de la main de qui que ce soit, mais qu'il soit brave et vaillant, et que la gloire m'en demeure. Et sans avoir égard à ce que lui avait dit M. le connétable, il donna cette prophétie à garder à M. de l'Aubépine, et qu'il la serrât pour quand il la demanderait.

 

La réponse du roi est fort noble. Mais, si même nous admettons la vérité de cette anecdote rapportée par Brantôme longtemps après l'événement, il est fort douteux que le prophète dont il y est question soit Nostradamus, car le quatrain que nous venons de citer était publié et le roi n'y était nullement désigné : le lion vieux, c'est vague. Faut-il admettre que l'astrologue de Provence lui ait fait tenir sa prédiction en lui indiquant formellement qu'il s'agissait de lui ? C'est difficile. D'autre part, il paraît qu'en 1552 Luc Gauric avait recommandé au roi d'éviter tout combat singulier en champ clos, et notamment aux environs de la quarante et unième année, parce qu'à cette époque de sa vie il était menacé d'une blessure à la tête qui pouvait entraîner la cécité ou la mort. Je croirais volontiers que c'est à cette prédiction-là que se rapporte l'anecdote de Brantôme.

Mme de La Fayette, dans sa fameuse Princesse de Clèves, où elle a recueilli des traditions de la Cour des Valois, fait ainsi parler Henri II peu avant sa mort :

J'ai eu autrefois beaucoup de curiosité pour l'avenir, mais on m'a dit tant de choses fausses et si peu vraisemblables, que je suis demeuré convaincu que l'on ne peut rien savoir de véritable. Il y a quelques années qu'il vint ici un homme d'une grande réputation dans l'astrologie. Tout le monde l'alla voir ; j'y allai comme les autres, mais sans lui dire qui j'étais, et je menai M. de Guise et d'Escars ; je les fis passer les premiers. L'astrologue néanmoins s'adressa d'abord à moi, comme s'il m'eût jugé le maître des autres. Peut-être qu'il me connaissait ; cependant il me dit une chose qui ne me convenait pas s'il m'eût connu. Il me prédit que je serais tué en duel. Il dit ensuite à M. de Guise qu'il serait tué par derrière et à d'Escars qu'il aurait la tête cassée d'un coup de pied de cheval. M. de Guise s'offensa quasi de cette prédiction, comme si on l'eût accusé de devoir fuir. D'Escars ne fut guère satisfait de trouver qu'il devait finir par un accident si malheureux. Enfin nous sortîmes très malcontents de l'astrologue. Je ne sais ce qui arrivera à M. de Guise et à M. d'Escars, mais il n'y a guère d'apparence que je sois tué en duel. Nous venons de faire la paix, le roi d'Espagne et moi, et quand nous ne l'aurions pas faite, je doute que nous nous battions et que je le fisse appeler comme le roi mon père fit appeler Charles-Quint.

 

L'astrologue dont il est ici question — Mme de La Fayette écrit d'ailleurs plus de cent ans après la mort d'Henri II — est-il Nostradamus ? Cette visite que lui auraient faite le roi, Guise et d'Escars ne s'accorde nullement avec ce que nous dit de son séjour à la Cour son propre fils César, qui avait des raisons d'être bien informé... Non, tout porte à croire que ce n'est qu'après coup qu'on découvrit le quatrain de Nostradamus et qu'on s'avisa que le lion vieux devait être Henri II.

César rapporte que le roi écrivit au gouverneur de Provence — c'était alors Claude de Savoie, comte de Tende — de lui envoyer le devin et que Nostradamus se mit en route le 14 juillet 1555. Les voyages étaient longs en ce temps-là : notre homme n'arriva à Paris qu'un mois plus tard, le 15 août, jour de l'Assomption de Notre-Dame.

Il descendit à une auberge qui portait l'enseigne de saint Michel, son patron, et qui pour cette raison lui parut de bon augure. Il se trouvait si démuni d'argent qu'il dut emprunter deux nobles à la rose et deux écus à un gentilhomme qui se trouvait là, M. de Morel, et à qui il les rendit fidèlement, cinq ans plus tard en les accompagnant d'une lettre[3]. Le connétable Anne de Montmorency, en personne, le vint prendre à son logis pour le présenter au roi. Celui-ci l'envoya loger à l'hôtel de l'évêque de Sens, qui existe encore comme on sait. Là, la goutte le tint bien fâcheusement au lit ou à la chambre pendant dix ou douze jours. Mais pour le consoler le roi lui envoya cent écus dans une bourse de velours et la reine presque autant.

A peine guéri, il lui fallut, par le commandement de Henri II, gagner Blois pour voir les enfants de France et tirer leur horoscope. Que prédit-il ? On ne sait. Selon la tradition il annonça qu'ils seraient couronnés tous quatre successivement — en ce cas c'était un de trop —, et il se peut qu'il ait dit quelque chose de vrai, car il garda toute sa vie la faveur de la reine Catherine, qui ne se plaignit jamais de ses prophéties. D'ailleurs, les princes étaient d'aspect maladif et Nostradamus était médecin autant qu'astrologue : plus tard, avant de tirer l'horoscope du futur Henri IV, il lui fera passer une visite médicale ; il se peut qu'avec les enfants de France, il ait procédé pareillement, auquel cas la médecine serait venue utilement en aide à l'astrologie.

Il tira d'ailleurs bien d'autres horoscopes ; une foule de seigneurs et dames de la Cour voulurent avoir le leur ; la reine aussi, je pense. Il était habile : il réussit fort bien. Des anecdotes couraient sur sa faculté merveilleuse ; on disait qu'un soir un page de M. de Beauvau, qui avait perdu un beau lévrier qu'on lui avait confié et craignait fort les suites de son étourderie, était allé frapper à son logis, criant qu'il venait de la part du roi. Le page de Nostradamus faisait des difficultés pour le laisser entrer, lorsqu'on entendit le devin crier à travers la porte close ces mots mémorables : Qu'est-ce donc ? Page du roi, vous menez grand tapage ! Allez-vous en sur la route d'Orléans, vous trouverez votre chien qu'un valet mène en laisse. Ainsi fit le page et il rentra en possession du lévrier. Si cette histoire est fausse — c'est en 1789 qu'on nous la conte pour la première fois ! —, il n'en est pas moins vrai que le succès de Nostradamus fut grand, car il rapporta de son voyage beaucoup d'argent. Quant aux honneurs, dépouilles royales, joyaux et magnifiques présents qu'il reçut de Leurs Majestés, des Princes et des plus grands de la Cour, j'aime mieux les laisser au bout de ma plume que de les dire par trop d'exquise vanité, craignant d'en avoir plus dit que ne requiert la modestie, écrit César de Nostradamus.

On peut imaginer qu'en rentrant à Salon ainsi muni, maître Michel eut bon accueil de sa femme et de ses amis, mêmement d'Adam de Craponne, second fils de Guillaume, à l'ouvrage duquel il s'intéressait fort. Ce jeune homme avait pour les arts du génie et de la fortification, et surtout pour l'hydraulique, une passion singulière, et il en avait fait la plus complète étude. Mais sous Henri II l'italionomanie régnait aussi absolument que fera quelques siècles plus tard l'anglomanie, et les ingénieurs d'outre-monts, attirés par la reine Catherine, occupaient toutes les places, de manière que le jeune Adam eut quelque peine à percer. Les travaux d'assèchement de marais qu'il fit à Fréjus et dans le comté de Nice, puis la part qu'il prit à la levée du siège de Metz en 1552 le distinguèrent ; néanmoins, lorsqu'il conçut son grand projet, c'est bien vainement qu'il demanda de l'aide pour l'exécuter : il n'en reçut aucune.

Au XIIe siècle le roi d'Aragon, marquis de Provence, avait autorisé l'archevêque d'Arles, seigneur de Salon, Raymond de Bolène, à prendre l'eau de la Durance pour la conduire à Salon, et ensuite à la mer. Mais c'étaient là travaux formidables et qui dépassaient du tout au tout la capacité de l'archevêque, en sorte que rien n'avait été fait et que la ville demeurait plus sèche que jamais au milieu de la Crau. Adam de Craponne eût voulu reprendre le projet, mais les personnes compétentes haussaient les épaules lorsqu'il leur en parlait : quelle apparence qu'on pût amener la Durance par la main, comme une petite fille, alors que les terres où elle devait passer semblaient plus élevées que la vallée ? Si les écluses étaient fort connues en Italie, elles étaient à peu près ignorées en France, à cette époque-là... Et le pauvre Adam avait beau parler, presque personne ne l'approuvait.

Il ne se découragea pourtant pas et obtint du Parlement de Provence qu'une enquête fût ordonnée sur son projet. Même il sut persuader les enquêteurs, si bien que le 17 août 1554 permission lui fut donnée d'entreprendre les travaux. Il ne manquait plus que l'argent ; mais Adam avait cette flamme passionnée qui échauffe les capitalistes : il en trouva. Le 27 juillet 1556, notamment, maître Michel Nostradamus lui avançait deux cents écus par devant maître Laurent, notaire ; deux des parents d'Adam, Paul Girard et Jehan Suffren, se portant garants. C'est ainsi qu'un premier canal, au lit étroit, un canal d'essai fut creusé depuis Cadenet, au bord de la Durance, jusqu'au rocher de la Baume — le Paradou, comme on l'appelle aujourd'hui —. Le dimanche 13 mai 1557, jour fixé pour l'inauguration, les bonnes gens de Salon et des environs couvraient les nouvelles berges, hochant la tête et doutant fort que l'eau arrivât. Soudain on entendit crier : c'était elle ! Elle courait à une telle vitesse et le canal s'emplissait avec tant d'aisance, que tout le monde en resta ébahi d'admiration. Vous verrez qu'elle usera ses berges : la pente est trop forte ! murmuraient les médisants. Mais Craponne avait ménagé habilement mille coudes et détours pour modérer le courant. Il n'y avait plus qu'à agrandir le canal et le prolonger, et Nostradamus, qui s'était bien probablement rendu à cette inauguration avec émoi, dut rentrer chez lui content de son jeune ami et rassuré quant à son argent.

Cependant il continuait sa vie studieuse. En cette même année 1557, il publie deux ouvrages à Lyon, chez Antoine du Rosne. L'un est daté du 1er février et dédié à ce prodigieux marin et guerrier que fut le capitaine Polin, en ces termes : A très haut, très illustre, très magnanime et très héroïque seigneur Monseigneur le baron de la Garde, chevalier de l'Ordre du Roy, admiral des mers du Levant, Michel de Nostredame, son très humble et très obéissant serviteur, baisant la main dextre de son trident, envoie salut et fraternité. L'ouvrage est une traduction de la Paraphrase de Galien sur l'exortation de Menodote aux estudes de bonnes artz, mesmement médecine, non pas, certes, une traduction du grec, que Nostradamus n'a vraisemblablement jamais su, mais du latin en français. L'autre volume est une nouvelle édition des Prophéties, très augmentée, comprenant les quarante-sept derniers quatrains de la quatrième Centurie, les Centuries V et VI, et les quarante premiers quatrains de la septième. Car notre homme ne renonce pas plus à son activité médicale qu'à son activité prophétique. Sous peu il va donner Le Remède très utile contre la peste et toutes les fièvres pestilentielles avec la manière d'en guérir, aussi la singulière recepte de l'oint dont usoit l'empereur Maximilien[4]... Toujours ces recettes !

Il est célèbre, d'ailleurs. Les étrangers qui viennent en France font le voyage de Salon pour le voir avant que de s'en retourner dans leur pays et les bonnes gens s'ébahissent des modes singulières de certains de ces visiteurs. Bien entendu l'on conte mille anecdotes. On conte qu'un jour que le médecin-astrophile prenait le frais à l'ombre de sa maison, les yeux fermés, une jeune voisine vint à passer devant lui :

— Té ! bonjour, monsieur de Nostredame ! dit-elle.

— Bonjour, fillette.

La fille allait rejoindre son amoureux et il paraît qu'elle sut très bien employer son temps avec lui ; après quoi elle s'en revint, sage et modeste, et refit poliment, en passant devant le médecin :

— Té ! bonsoir, monsieur de Nostredame !

— Bonsoir, petite femme, répondit-il sans lever les paupières.

On conte qu'ayant rencontré un jeune cordelier nommé Félix Peretti, il descendit aussitôt de sa mule et s'agenouilla.

— Pourquoi faites-vous cela ? lui demanda-t-on.

— Parce qu'il convient de se soumettre et ployer le genou devant le pape, répondit-il.

Ce qu'entendant, tous ceux qui se trouvaient là le crurent fou. Quelle apparence que ce petit frère, né de pauvres gens dans un village de la marche d'Ancône, fût promis à de si hautes destinées ? Il n'en devint pas moins par la suite cardinal, puis pape en 1585 sous le nom de Sixte-Quint.

Un certain nombre de ces prédictions légendaires qu'on lui attribue se rapportent à la Lorraine, et il se peut qu'il ait fait un voyage dans ce pays ; mais à quelle époque, c'est ce qu'il n'est pas facile de savoir.

Un jour, dit-on, les domestiques de Mme de Lesdiguières vinrent le quérir en toute hâte à son hôtellerie : leur dame venait d'accoucher d'un fils dans son village de Bonnet, près Gondrecourt — Meuse — et il était requis d'accourir au plus tôt pour tirer l'horoscope du nouveau-né. Il prédit que l'enfant deviendrait l'un des premiers du royaume. Ce qui advint, en effet, puisqu'il fut connétable. Or, c'est en 1543 que naquit le connétable de Lesdiguières et voilà l'anecdote datée. Mais en 1655 vivait à Bar-le-Duc une vieille dame, Mlle Ferry, dont le fils est avocat au Présidial, et qui se souvenait fort bien d'avoir été soignée par lui et de l'avoir ouï exhorter les catholiques à tenir ferme contre les luthériens et à ne permettre qu'ils entrassent dans la ville. Si vieille qu'on la suppose, elle ne pouvait guère avoir plus de cent ans, cette Mlle Ferry. Cela date le voyage de Nostradamus à Bar-le-Duc de 1565 au plus tôt. Et les deux dates concordent mal.

Par ailleurs on lui attribue les prophéties dites d'Orval, qui est une abbaye sise à deux lieues de Montmédy, où on les aurait trouvées pendant la Révolution. Il est vrai qu'elles sont signées Olivarius, mais cela n'est pas pour gêner ses biographes : Ne venait-il pas du fond de la Provence, pays des oliviers ?...

Laissons cela. Toutefois non sans avoir conté l'histoire des cochons du château de Faim, en Lorraine encore. Elle est en quelque sorte classique. Le seigneur de Florinville l'avait appelé dans son château pour y traiter sa femme malade. Un jour qu'il se promenait dans la basse-cour en devisant de présages avec le médecin, il lui montra deux cochons de lait, l'un blanc, l'autre noir, et lui demanda : Eh bien, quels seront leurs destins, à ceux-là ?Vous mangerez le noir et le loup mangera le blanc, répondit Nostradamus. Le sieur de Florinville n'eut rien de plus pressé que de commander à son cuisinier de servir le blanc à souper. Celui-ci tue le cochon, l'habille, le met à la broche. Mais, étant sorti un moment, un louveteau apprivoisé entre dans la cuisine et met le rôti dans un tel état que le cuisinier dut égorger le cochon noir, l'apprêta et le fit servir à table au lieu du blanc. Vous devinez la suite. Le rôti expédié, Florinville dit à Nostradamus : Le loup ne touchera pas au cochon blanc car nous l'avons mangé. A quoi le médecin réplique : Non, c'est le noir que nous avons mangé. On mande le cuisinier qui avoue tout... Il n'y a pas de devin sur lequel on n'ait conté des dizaines d'historiettes de ce genre.

 

 

 



[1] Que ceux qui lisent ces vers y réfléchissent longuement ! Que le vulgaire profane et ignorant n'en approche ! Que tous les astrologues, les sots, les barbares s'en tiennent loin ! Qui fait autrement, qu'il soit maudit selon le rite !

[2] Mallarmé aussi, mais autrement. Non du tout Paul Valéry, dont l'obscurité ne tient pas, comme Mallarmé, à la syntaxe et au vocabulaire, mais à ce qu'il rend en images des idées abstraites qu'on n'entendrait pas sans réflexion si même elles étaient exprimées en prose.

[3] L'abbé Torné-Chavigny avait lu cette lettre manuscrite ; mais elle ne se trouve plus à la Bibliothèque nationale, non plus que cette abondante correspondance dont parle la Grande Encyclopédie, ou du moins nous n'avons pas su les retrouver.

[4] Paris, 1561 ; mais ce n'est pas là la première édition, puisque Brunet déclare qu'il y avait de l'ouvrage une traduction anglaise dès 1559.