CHAPITRE II. – NOTES COMPLÉMENTAIRES.

 

 

[note 1] — Le sujet est de ceux sur lesquels les érudits se sont longtemps divisés. C’est que les monnaies de Bithynie, du Pont, du Bosphore, portent des dates qui paraissent incompatibles. On a reconnu (Borghesi, H. Waddington, Th. Mommsen, Th. Reinach, Babelon, etc.) qu’il y eut au moins deux ères différentes, dont le point de départ doit être lié à un événement important de l’histoire de la Bithynie ou du Pont : 1° une ère royale, et 2° une ère proconsulaire, c’est-à-dire en usage au temps des Romains, mais sans rapport aucun avec la date de l’instauration de la province romaine de Bithynie (74 a. C.). On s’accorde à peu près à admettre que l’ère royale date de 298/7 ou 297/6 a. C., — de l’automne, suivant l’usage macédonien ? — et l’ère proconsulaire de 283/2 a. C. Mais, ni à l’une ni à l’autre date on ne trouve de crise faisant époque. Il se peut que le dynaste-roi Zipœtès se soit rendu indépendant en 297, et que l’année 283 soit celle de la fondation de Nicée par Lysimaque : mais ce sont là de simples conjectures. L’ère royale disparaît de la Bithynie après Nicomède III, du Pont après Mithridate VII Eupator, et n’est plus employée que dans le royaume du Bosphore. L’ère proconsulaire la remplace, mais, à ce qu’il semble, pour peu de temps, de 62 à 47 a. C. Cf. Th. REINACH (Trois royaumes...), et, dans la R.-E., les articles Aera, n. XXV (J. W. KUBITSCHEK) et Bithynia (Ed. MEIER et C.-G. BRANDIS).

 

[note 2] — L’inscription dite de Sigée (CIG., 3593. Michel, 525. Dittenberger, OGIS., I, 219) est un décret de la cité d’Ilion en l’honneur d’Antiochos I, bienfaiteur et sauveur du peuple. Le panégyrique rappelle que, dès le début de son règne, le roi Antiochos fils de Séleucos a pacifié et restitué en leur ancienne prospérité les villes de Séleucide, environnées de circonstances difficiles par le fait de séditieux (lig. 4-5). Sur le sens de Séleucide il y a matière à discussion. Strabon (XVI, p. 749) entend par la tétrapole syrienne (Antioche-Séleucie de Piérie-Apamée-Laodicée). Le terme s’oppose chez lui à celui de qui comprend le reste de la Syrie, ou, au gré de certains, exclut la Phénicie et la Palestine (XVI, pp. 749. 753). La Séleucide est donc, dans la géographie politique de l’époque, la Syrie au N. du Liban ou Haute-Syrie (II, p. 134), qui comprenait la Cyrrhestique et la Commagène et Formait quatre satrapies. Ces délimitations sont déjà assez larges. Appien (Syr., 55) y ajoute une Cappadoce Séleucide. Énumérant les provinces conquises par Séleucos Nicator, il fait mention, entre l’Arménie et la Perse, d’une Καππαδοκίας τής Σελευκίδος λεγομένης. On sait, en effet, que, après la bataille de Coroupédion, Séleucos voulut conquérir, ou plutôt eut à défendre, la Cappadoce, — probablement contre Ariarathe II, — et que son lieutenant Diodore y fut battu. C’est donc la partie (laquelle ?) de la Cappadoce restée au pouvoir des Séleucides qui aurait reçu le surnom de Séleucide. Ce texte d’Appien, texte unique et qu’on est tenté d’appeler malencontreux, a contribué à embrouiller l’histoire, déjà si compliquée, du règne de Séleucos II. Il est cependant assez naturel d’admettre que la Cappadoce ayant compris, à diverses époques, toute la région orientale de l’Asie Mineure, depuis le Pont-Euxin (Cappadoce Politique ou Pont) jusqu’au Taurus, l’usage se soit établi sur le tard d’appeler Séleucide la Cappadoce jadis incorporée à l’empire séleucide, pour la distinguer des autres régions de la même province romaine. Encore ne reste-t-il de cet usage aucune trace officielle, et l’on peut être assuré que, vers 277 a. C., les magistrats d’Ilion ne songeaient pas à la Cappadoce. Ils prévoyaient si peu une équivoque quelconque qu’ils se sont dispensés d’écrire les noms de ces villes de Séleucide.     

C’est donc en Syrie que se produisirent des troubles, peut-être fomentés par des agents égyptiens. Il n’est pas encore question d’hostilités entre Antiochos Ier et Ptolémée Philadelphe, mais la querelle qui devait éclater quatre ans plus tard était déjà à l’état latent. Au surplus, il est probable que les Iliens exagèrent, pour mieux louer Antiochos, l’importance des mouvements qu’il eut à réprimer pour reconquérir l’héritage paternel (lig. 81). Autrement, on s’étonnerait que des révoltes généralisées dans la tétrapole syrienne aient fait si peu de bruit.       

Ceci soit dit en maintenant l’opinion, jusqu’ici commune, que l’Antiochos ici visé soit Antiochos Ier. Si, comme le veut TH. SOKOLOFF (Beitr. z. alt. Gesch., IV [1904] pp. 101-110), l’on reporte l’inscription au règne d’Antiochos III le Grand, qui s’est fort agité, mais hors de la Syrie Séleucide, le document prête aux mêmes conjectures qui encombrent l’exégèse de l’inscription de Smyrne, oit l’on cherche la Séleucide envahie par Séleucos Il. Embarrassé de trouver des villes séditieuses dans la Cappadoce Séleucide d’Appien, Sokoloff propose une région spéciale dont le centre aurait été Séleucie sur l’Euphrate.

 

[note 3] — Avant les invasions, les Gréco-romains ne connaissaient que les Κελτοί. C’est sans doute de la bouche des Barbares eux-mêmes qu’ils ont appris le nom de Καλάται ou Γαλάται, réservé d’abord aux Celtes d’Orient et plus particulièrement aux Galates ou Gallo-grecs de Galatie, étendu plus tard même aux Celtes ou Galli d’Occident. Les philologues ne s’accordent pas sur l’étymologie de ces noms, que d’aucuns considèrent comme des vocables différents, et non comme des dérivations d’une même racine (cf. C. JULLIAN, Hist. de la Gaule, I [1908], pp. 316-320). La question n’a pour les historiens qu’un intérêt secondaire, les auteurs anciens employant tour à tour les dits termes, tantôt avec des limitations arbitraires et variables, le plus souvent comme synonymes. Il est possible que, du Ve au IIIe siècle avant notre ère, les Gaulois aient été groupés en un vaste empire comprenant toute la Germanie jusqu’à, l’Oder ou même la Vistule, les Germains étant vassaux des Piges gaulois (H. d’Arbois de Jubainville). Ils avaient envahi d’abord la Gaule (VIe siècle ?), puis l’Italie du N. (Gaule cisalpine), pris Rome (387/6 a. C.), débordé ensuite sur la péninsule des Balkans, et trouvé enfin une demeure fixe en Asie, dans une région comprise entre le Sangarios et l’Halys, conquise peu à peu sur les Phrygiens. On connaît les noms, plus ou moins estropiés, des trois tribus installées en Galatie, les Trocmes, Tolistoages et Tolistoboïes ou Tolistoboges.

Il a dû être de tout temps impossible d’évaluer l’effectif de bandes qui traînaient avec elles femmes et enfants. Diodore (XXII, 9) estime le nombre des envahisseurs de la péninsule balkanique et de l’Asie à 160.000 hommes, sans compter les équipages ; Justin (XXIV, 6, 1) compte 165.000 hommes sous le Brenn en Macédoine ; Pausanias (X, 19, 6) va jusqu’à 213.000 ; Suidas (s. v. Γαλάται) parle de 400.000. Les chiffres s’enflent d’âge en âge. D’autant plus glorieuse est la bravoure impuissante des petits contingents de défenseurs submergés par le flot (Pausanias, X, 20-23). Antiochos n’avait envoyé que 500 hommes aux Thermopyles.

 

[note 4] — S. REINACH (L’attaque de Delphes par les Gaulois, C. R. de l’Acad. des Inscr., 1901, pp. 158-164), commentant une inscription grecque de Cos, découverte et publiée par R. HERZOG (ibid., pp. 164-173), montre que la préservation miraculeuse du temple par l’έπιφάνεια d’Apollon a été tout de suite, dès 278 a. C., en pays grec la vérité officielle. Il pense que, si le temple avait été pillé, les prêtres en auraient fait l’aveu, pour provoquer les libéralités des princes et cités et reconstituer leur Trésor. Ils avaient, d’autre part, un intérêt non moins évident à magnifier leur dieu. Il est probable — comme le disait déjà en 1865 P. FOUCART (Archives des Missions) — qu’ils ont évité le pillage moyennant une rançon. Discussion de la date, ou plutôt de la saison, par J. BELOCH, Der keltische Emfall (in Gr. Gesch., III, 2, pp. 410-414), qui opine pour nov. ou déc. 379 a. C.

 

[note 5] — Je renonce à exposer — et surtout à discuter — les combinaisons d’alliances (Ptolémée, Antigone, voire Sparte. Athènes, Rome, contre Antiochos et Pyrrhos) qui se font, se défont ou se renversent par l’effet de péripéties dans lesquelles entrent la bataille de Cos et la guerre de Chrémonide, — le tout groupé en constellations par C. F. Lehmann-Haupt, qui y fait une large place au génie politique d’Arsinoé II. Il suffit de renvoyer à l’article de Lehmann sur la politique athénienne avant la guerre de Chrémonide (Klio, [1905], pp. 375-391). Quant aux dates, je n’ai rien à modifier aux conclusions adoptées dans l’Histoire des Lagides (I, pp. 173-17). La date initiale de la première guerre de Syrie est bien le printemps 273 a. C., et les hostilités — avec interruption en 273 ? — se terminent au plus tard en 271.

 

[note 6] — Nous n’avons aucun texte historique permettant de définir et de dater, même approximativement, cette paix, que supposent les faits postérieurs. Les contractants doivent avoir gardé, l’un ce qu’il avait pris, l’autre, ce qu’il avait pu défendre. De là, un enchevêtrement chaotique de leurs possessions respectives. Théocrite (Encom. in Ptol., 85-90) alloue en bloc au blond Ptolémée la Phénicie, l’Arabie, la Syrie, la Cilicie, la Pamphylie, la Lycie, la Carie et les Cyclades. Cela veut dire qu’il y eut çà et là dans ces régions des colonies, des garnisons ou des alliances égyptiennes. On ignore quand furent fondées, en Cilicie, Antioche έπί τοΰ Ποράμου, Antioche έπί Κράγω, Séleucie έπί Καλυκάδνω, par les Séleucides ; Bérénice et Arsinoé, d’autre part. On rencontre en Pamphylie une Ptolémaïs, et, dans le voisinage, en Pisidie, une Séleucie. En Lycie, le nom d’Arsinoé, donné à Patara eue Ptolémée Philadelphe (Strabon, XIV, p. 666), peut être l’indice d’une mainmise sur la confédération lycienne. S. Jérôme répète que la Carie appartenait à Philadelphe ; mais Ptolémée ne pouvait dominer que les places du littoral, comme Caunos, Halicarnasse, Milet, Héraclée du Latmos, Éphèse, Lébédos. Les îles surtout, Cos, Samos, Chios, Lesbos, peut-être Samothrace, étaient déjà ou tombèrent peu à peu, alors ou peu après, sous le protectorat des Lagides (BELOCH, Gr. Gesch., III, 2, pp. 271-283). Les villes de la confédération Ionienne, sauf Milet et peut-être Erythræ, paraissent être demeurées fidèles aux Séleucides, à en juger par l’inscription de Clazomènes (Michel, 486. Dittenberger, OGIS., 222), hommage rendu au roi Antiochos (Ier), à la reine Stratonice et à leur fils associé Antiochos (II), par le κοινόν τών Ίόνων.

 

[note 7] — Les flottes égyptienne et macédonienne se sont heurtées deux fois en mer, à Cos et à Andros ; mais les textes — à la fois rares et obscurs — qui mentionnent en passant l’une ou l’autre de ces batailles navales semblent n’en connaître qu’une, livrée par un Antigone à un Ptolémée. Les dates, la personnalité d’Antigone, l’issue même d’une au moins des deux batailles, autant de sujets de discussion.

Sur la bataille de Cos, deux textes explicites, d’ailleurs anecdotiques, où le nom de lieu est mentionné en passant et importe peu aux narrateurs, et quelques autres à l’appui. Plutarque rapporte que, le second Antigone, donc Antigone Gonatas, répondit à son entourage qu’effrayait le nombre des ennemis : Et moi donc, pour combien me comptez-vous ? (De se ips. laud., 15). Il a répété le mot ailleurs et plus d’une fois (Pelop., 2. Apophth., p. 183), mais en l’attribuant au vieil Antigone à la bataille navale d’Andros (Pelop., 2). Antigone Gonatas, qui mourut octogénaire en 240/39 a. C., était assez vieux à l’époque pour que l’on ne songe pas à son père Antigone le Borgne, ou pour que l’on ne corrige pas γέρων en Δώσων, comme le propose J. BELOCH (Gr. Gesch., III, 2, p. 431) : mais il y a ici confusion entre Cos et Andros. Un certain Moschion, cité par Athénée (V, p. 209 e), après avoir décrit un navire colossal construit par Hiéron de Syracuse, ajoute qu’il n’entend pas lui comparer la trière sacrée d’Antigone, celle sur laquelle il battit les stratèges de Ptolémée περί Λεύκολλαν τής Κώας, et dont il fit ensuite [έπειδή mss. όπου δή corr.] un ex-voto à Apollon[1]. La victoire d’Antigone Gonatas (à Cos ou à Andros) est encore certifiée par les félicitations qu’on lui adressait de toutes parts et auxquelles le philosophe Arcésilas refusa de s’associer (Diogène Laërte, IV, § 39). Ce texte confirme la personnalité d’Antigone, car Arcésilas n’a pas survécu à Antigone Gonatas. Il fixerait même un terminus post quem, si peut-être Arcésilas gardait rancune à Antigone de la prise d’Athènes, qui avait terminé (en 263 ou 262 a. C.) la guerre de Chrémonide (Athénée, VI, p. 250 f).

Sur la bataille d’Andros, aucune indication chronologique : à part la mention précitée de Plutarque, un seul texte, et corrompu, dont les correcteurs peuvent retourner à volonté le sens. On lit dans le Prol. XXVII de Trogue-Pompée : Ut Ptolemæos adeum [Adæum ? Achæum ? Ecdemum ? Endemum ?] denuo captant interfecerit et Antigonum [Antigonus ?] Andro prœlio navali oprona [Sophrona] vicerit. On voit d’ici les hypothèses qui pullulent autour de cette phrase entortillée et balbutiante. Ici, Antigone n’est ni ni yiptum, et le Sophron conjectural, connu comme gouverneur d’Éphèse sous Ptolémée III, y est introduit du dehors. Enfin, le Ps.-Aristée (p. 44 Schmidt) et Josèphe (A. J., XII, § 93) parlent d’une grande bataille navale où la flotte de Ptolémée Philadelphe aurait été victorieuse de la flotte d’Antigone. Mais il se pourrait que cette victoire, dont on célébrait l’anniversaire à Alexandrie, fût antérieure aux batailles de Cos et d’Andros (NIESE, II, p. 130).

Là se bornent les données. Les inductions fondées sur les offrandes d’Antigone à Délos en 252 a. C. (HOMOLLE, Archives, pp. 64 sqq.), qui fourniraient un terminus ante quem, ne sont que des hypothèses en l’air. Délos était un κοινός τόπος international, et l’on ne sait pas davantage où Antigone a dédié sa trière sacrée, pas plus qu’on ne sait où était Leucolla. Le Λεύκολλα τής Κώας d’Athénée n’est pas plus sûrement placé que le promuntorium Leucolla en Pamphylie de Pline (V, § 96), ou l’oppidum Leucolla près des îles Pactyes, sur le littoral de la Lycie (V, § 131. XXXVI, § 141). J’en dirais volontiers autant des coïncidences chronologiques cherchées dans les affaires de Macédoine. Par exemple, (in peut supposer qu’à Andros, vers 24.6 on 245, la flotte égyptienne venait au secours du rebelle Alexandre fils de Cratère, et qu’elle battit Antigone (C. De Sanctis).

En résumé, on peut soutenir et on a soutenu :

1° Qu’il n’y a eu qu’une bataille, localisée tantôt à Cos, tantôt à Andros, le nom étant attaché à Leucolla, que les auteurs précités situaient au juger ; 2° qu’il y a bien eu deux batailles, l’une et l’autre livrées par Antigone Gonatas à la flotte de Ptolémée Philadelphe, dans l’ordre indiqué, Cos d’abord, Andros ensuite,— avec variantes sur l’issue de la bataille d’Andros (Antigonus vainqueur — Antigonum vaincu) ; 3° que les deux batailles ont été livrées clans le même ordre, avec ]es mêmes variantes sur l’issue de la dernière : mais, la première par Antigone Gonatas à Ptolémée Philadelphe, l’antre, une trentaine d’années plus tard, vers 227 a. C., par Antigone Doson à Ptolémée Évergète ; 4° que cet ordre doit être renversé, la bataille d’Andros ayant précédé celle de Cos. Les dates extrêmes sont 263/2 a. C., pour Cos et 227 (Beloch) pour Andros.

J’ai déjà dit opter et motiver mon option dans l’Histoire des Lagides (I [1903], pp. 193, 2. 256,4. IV [1907], pp. 311. 316-317), — qui y est plus directement intéressée que celle des Séleucides, — et je ne reviens sur le sujet que pour noter, sans répartir toutes ces redites dans les compartiments ci-dessus, les dissertations y relatives postérieures à 1907, à savoir : M. COSTANZI (Riv. di Filo. class., XXXVII [1909], pp. 516-526). (Klio, XI [1911], pp. 277-283). W. W. TARN (Journ. of Hellen. Stud., XXIX [1909], pp. 264-285. XXX [1910], pp. 209-222). W. SCOTT FERGUSON (XXX, pp. 189-208). Cf. la Bibliographie, où, vu l’écart des opinions, ces études ont été classées sur terrain neutre, au règne d’Antiochos II. Le travail le plus récent et le plus complet sur la question est l’œuvre — malheureusement posthume — d’un jeune érudit, E. POZZI, Le battaglie di Cos et di Andro (Memor. d. R. Accad. di Torino, LXIII [1913], pp. 319-387), dont l’opinion vient — mutatis mutandis — à l’appui de la nôtre. Il conclut 1° que les deux batailles navales ont été livrées dans l’ordre communément admis : celle de Cos avant 250, probablement en 254/3 a. C. ; celle d’Andros, en 243 ou 242 a. C. ; 2° qu’elles ont été l’une et l’autre livrées et gagnées par Antigone Gonatas, Plutarque n’ayant pu appeler ό γέρων Antigone Doson, mort à quarante-deux ans. W. TARN a publié depuis son Antigonos Gonatas (Oxford, 1913), sans connaître le travail de Pozzi. Sa thèse est aussi que les deux batailles ont été des victoires d’Antigone Gonatas, mais de dates très rapprochées, in one campaign, or two consecutive campaigns, at the very beginning of the reign of Ptolemy III (p. 462), c’est-à-dire, Andros en 246 et Cos en 245 a. C. Ce qui importe, c’est que les victoires macédoniennes durent enlever aux Lagides le protectorat du κοινόν des Insulaires. Aussi, à chaque hypothèse concernant les dates correspondent des thèses concernant le transfert de la thalassocratie, des Lagides aux Antigonides, aux Rhodiens, et les faits invoqués ne sont pas assez probants pour mettre lin aux discordances. Il n’est même pas certain que la Confédération des Nésiotes, dont on se dispute l’hégémonie, ait subsisté après l’époque (vers 250 a. C.) où l’on n’en parle plus (P. Roussel).

Tout compte fait, j’accepterais volontiers, comme le fait Ad. REINACH (Rev. Epigr., I [1913], pp. 121-130), les dates de 254/3 pour la bataille de Cos et de 246/5 pour la bataille d’Andros, deux défaites de la flotte égyptienne.

 

[note 8] — Il doit y avoir des erreurs de lecture dans les dates assignées par Strassmaier aux co-régences des deux fils d’Antiochos 1, Séleucos et Antiochos (II). D’après les tablettes, Séleucos est associé à son père depuis l’an 32 Sel. (280/79 a. C.) jusqu’en 38 Sel. (274/3 a. C.), et même, d’après le cylindre susmentionné (trad. Peiser), jusqu’en 43 Sel. (269/8 a. C.). Il est donc impossible que l’association Antiuksu et Antiuksu soit datée de 39 Sel. (273/2 a. C.), comme le veut STRASSMAIER (Zeitsch. f. Assyriol., VI [1891], p. 95. VII [1892], pp. 226-234. VIII [1893], pp. 106-108). Il est encore plus inadmissible que Séleucos ressuscite comme co-régent en 49 Sel. (263/2 a. C.). Pour nous, il n’y a pas grand intérêt à vérifier si ces erreurs incombent à Strassmaier ou au scribe. Cette vérification, mon savant et obligeant confrère le P. SCHEIL a bien voulu la faire pour moi, et il m’apporte au dernier moment la clef de l’énigme. Il n’y a d’erroné dans les textes chaldéens que les erreurs de lecture et restitutions de Strassmaier. Dans la datation Année 39 d’Antikusu et [Antikusu] rois, 21 Nisan (Z. f. Assyr., VI [1891], p. 95), le second Antikusu est une restitution conjecturale, suggérée par une fausse lecture d’un texte de même date où les noms sont en abrégé, les abréviations An et Si étant représentées par des sigles syllabiques qu’il est facile de confondre. Là où Strassmaier a lu : Année 39 d’An et d’An rois (Z f. A., VIII [1893], p. 108), il faut probablement lire d’An et de Si. Inversement, la prétendue réapparition de Séleucos en 263/2 a. C., fondée sur la lecture An 49 d’An et de Si (ibid.), disparaît si le texte porte réellement : An 49 d’An et d’An. L’association d’Antiochos et Séleucos dans les années 37-38 Sel. = 274-273/2 a. C. est garantie par des textes non abrégés : An 37 d’Antiuksu et Siluku, rois, mois d’Adar (Z. f. A., VII [1892], p. 233). — An 38 d’Antiuksu et Siluku, mois de Tesrit (ibid., p. 226).

 

[note 9] — La question concernant la coexistence de Stratonice et d’une seconde épouse d’Antiochos Ier est intimement liée à celle du mariage d’Antiochos II avec sa sœur Laodice, et n’a même pas d’autre raison d’être. Si cette sœur était όμοπάτριος (Polyen, VII, 50), quelle était sa mère, autre que Stratonice ? L’inscription de Sigée, donne la qualité d’άδελή βασιλίσση (lig. 23) à l’épouse d’Antiochos Ier : qualité protocolaire (Niebuhr, Droysen, Beloch, Laqueur, etc.) ou réelle (Radet, Wilcken, Dittenberger, etc.). Mais la date de l’inscription n’est pas tellement assurée qu’on ne puisse la reporter au règne d’Antiochos III (ci-après). Il convient donc d’en user avec discrétion.

On ne peut, soutenir que le mariage entre frère et sœur, l’ίερός γάμος, était interdit chez les Séleucides, puisque Antiochos III marie son fils Antiochos avec sa fille Laodice ; ni qu’ils aient adopté l’usage égyptien d’appeler la reine, quelle que soit son origine, du roi ; ni qu’ils se soient abstenus de la polygamie à la mode orientale. L’assertion de Tite-Live (XXXVIII, 13), à savoir que la ville d’Apamée, fondée par Séleucos Ier, reçut son nom ab Apama sorore Seleuci, — sœur inconnue — n’est qu’une inadvertance de l’historien ou une faute de copiste. C’est cependant sur ce texte, rapproché d’un passage où Malalas (p. 198 Bonn.) attribue à Séleucos Ier deux filles nées d’Apama que. G. RADET (Rev. de Philol., XVII [1893], pp. 56-62) essaie de construire un système qui s’accorde avec le texte d’Étienne de Byzance (s. v. Άντιόχεια), lequel mentionne trois princesses éponymes des colonies d’Antiochos (I) fils de Séleucos : sa mère Antiochis, éponyme d’une Antioche ; sa sœur Laodice, éponyme d’une Laodicée ; sa femme Nysa, éponyme d’une Nysa. L’Apama (II) de Malalas, fille de Séleucos Ier, se serait aussi appelée Laodice, comme sa mère Apama aurait pris le nom d’Antiochis. C’est elle qui, épousant son frère Antiochos I, aurait été la mère de Laodice sœur-épouse d’Antiochos II. Enfin, Nysa serait une dernière femme (ou concubine ?) d’Antiochos Ier.

Vraiment, ni Étienne de Byzance, un lexicographe du Ve siècle p. Chr., qui butine au hasard, ni à plus forte raison Malalas, ne méritent un brevet d’infaillibilité. Revenons maintenant à la généalogie de Laodice épouse d’Antiochos II.

Sur l’identité et l’origine de cette Laodice s’est engagé un débat qui peut durer indéfiniment, car toute solution comporte des postulats indémontrables. Je l’ai déjà résumé dans l’Histoire des Lagides (I, pp. 211-212), et il n’a guère été produit d’arguments nouveaux depuis 1903. On se trouve en présence de deux affirmations bien nettes, mais nettement contradictoires. La première, visée en passant tout à l’heure, est celle de Polyen, un contemporain des Antonins, à propos de la vengeance de Laodice délaissée pour Bérénice (Strateg., VIII, 50) : Άντίοχος ό προσαγορευθείς Θεός έγημε Λαοδίκην όμοπάτριον άδελφήν, έξ ής αύτώ παΐς έγένετο Σέλευκος. Par contre, l’Eusèbe arménien (p. 251 Sch.) affirme que les enfants d’Antiochos II étaient nés ex Laodike Akhaei filia. Il ne saurait être question de peser la valeur des témoignages d’après la compétence présumée des auteurs, ni de préférer le plus ancien. Le dernier a pu vouloir précisément rectifier une erreur de son devancier. C’est dans les circonstances et notions d’alentour qu’il faut chercher des probabilités. Disons seulement que la phrase susdite d’Eusèbe est entachée d’une faute grossière[2], qui n’inspire pas beaucoup de confiance dans la leçon Akhaei filia.

Supposons admise l’assertion de chronographe précité : Laodice fille d’Achœos, épouse d’Antiochos II. De quel Achœos s’agit-il ? On reconstitue à coups d’hypothèses la généalogie des Achæi pour trouver un père à cette Laodice. Comme les noms Achæos et Andromachos paraissent avoir alterné dans la famille, il n’y a pas de difficulté à admettre que Laodice, épouse do Séleucos Il, qui avait un frère Andromachos (Polybe, IV, 51,4. VIII, 22,11), était fille d’un Achæos et à reconnaître cet Achæos dans les στρατηγοί Σελεύκου Άχαιός καί Άνδρόμαχος (Polyen, IV, 17). Le fils de cet Andromachos, Achœos, le rival malheureux d’Antiochos Ill le Grand, est en pleine lumière de l’histoire. Mais il y a loin — trois quarts de siècle — de l’Achœos crucifié en 213 à celui qui aurait été le beau-père d’Antiochos II. Pour trouver un Achœos père d’une Laodice qui aurait épousé Antiochos II, il faut remonter de deux ou trois générations et supposer un Achœos aïeul et bisaïeul de ceux-ci. C’est ce que fait J. BELOCH (Gr. Gesch., III, 2, pp. 151-157), à cette différence près que, pour ne pas avoir trois Achæi, — les textes n’en connaissant que deux, — il ne fait qu’un seul personnage des deux contemporains de Séleucos II et d’Antiochos III. Il soupçonne que ce bisaïeul de l’Achæos historiquement connu devait être un frère d’Antiochos I, un fils cadet de Séleucos Nicator. La reine Laodice, tille de ce premier Achœos, aurait donc été non pas la sœur, mais la cousine de son mari Antiochos II. Si Polyen l’appelle άδελφή, c’est là un titre protocolaire, imité de l’étiquette égyptienne. Le système de Laqueur est analogue, sauf qu’il admet trois Achæi : le premier, père de Laodice I épouse d’Antiochos II ; le second, fils du premier (sans alternance de nom), père de Laodice II femme de Séleucos 11, partisan de son gendre contre Antiochos Hiérax ; le troisième, contemporain, beau-frère et rival d’Antiochos III.

On voit le nombre de postulais accumulés. Il y a une sorte de contradiction à prétendre, d’une part, que les Séleucides ne pratiquaient pas l’ίερός γάμος, d’autre part, qu’ils en assumaient l’apparence, à l’occasion, sans molli’ appréciable et sans eu faire une habitude.

La tâche des partisans de Polyen n’est pas moins laborieuse, mais ils ont plus d’arguments à leur disposition. D’abord la précision même de l’expression όμοπάτριος άδελφή. L’inscription de Durdurkar, publiée en 1885 a paru d’abord lever tous les doutes et confirmer l’assertion de Polyen. Le roi Antiochos II institue un culte en l’honneur de sa chère sœur et compagne Laodice, en raison de la tendresse qu’elle a témoigné à son époux et de sa piété envers la divinité. Le roi nomme, pour desservir ce culte, Bérénice, fille de Ptolémée fils de Lysimaque, celui-ci parent de la famille royale. Mais ce texte soulève quantité de questions sur lesquelles s’exerce la sagacité des exégètes, — j’y reviendrai plus loin, — et ceux-ci sèment les conjectures à pleines mains.

Les inscriptions non datées et dépourvues, comme celle-ci, de toute indication chronologique utilisable (la date Έ[τους...] Άρτεμισίου[ι...] est mutilée) se placent et se déplacent au juger. Bien des rois se sont appelés Antiochos et bien des reines Laodice. On pourrait faire descendre d’une quarantaine ou cinquantaine d’années la date de l’inscription de Durdurkar — aussi bien que celle de l’inscription de Sigée et attribuer l’une et l’autre au renne d’Antiochos Ill, qui était fils d’un Séleucos comme Antiochos I et avait aussi pour épouse une Laodice, comme Antiochos II. Cette Laodice, fille de Mithridate II de Pont, n’était pas la sœur de son époux ; mais le dogme qui déclare άδελφή titre protocolaire écarte la difficulté. C’est la thèse soutenue en dernier lieu par Th. SOKOLOFF, Der Antiochos der Inschriften von Ilion (Beitr. z. alten Gesell., IV [1904], pp. 101-110) et R. LAQUEUR, Quæstiones epigr. et papyrol. ([1904], pp. 61-89), combattue par M. HOLLEAUX, Πτολεμαΐος Λυσιμάχου (BCH., XXXVIII [1904], pp. 408-419).

Si l’on examine de près sur quoi se fonde, en fin de compte, l’argument qui domine toutes ces discussions, le postulat invoqué depuis Niebuhr, — titre protocolaire, — on ne trouve guère que d’autres postulats. On savait, par l’inscription de Sigée, placée vers 278/7 a. C., que le titre d’άδελφή, donné à l’épouse d’Antiochos I est antérieur d’une dizaine d’années au décret de la Confédération ionienne qui, vers 266 a. C., décerne les honneurs divins aux rois Antiochos et Antiochos et à la reine Stratonice. On sait mieux encore aujourd’hui, par une inscription cunéiforme, datée de 43 Sel. = 268, 7 a. C., que Stratonice était encore associée aux rois Antiochos et Séleucos fils d’Antiochos. Il a paru impossible d’admettre que, du vivant de Stratonice, Antiochos Ier ait eu une seconde épouse. Donc, de l’inscription de Sigée est Stratonice, qui n’était pas sœur de son époux. Les Séleucides ont, sur ce point, imité non pas les usages, mais (pourquoi ?) le protocole des Lagides. Pour eux, est synonyme d’épouse. Autant de postulats. Le protocole n’est pas observé dans le décret ionien, où Stratonice n’est pas appelée άδελφή, et c’est une question de savoir s’il a jamais été appliqué par la suite. L’impossibilité, morale plutôt que légale, d’une seconde épouse du vivant de la première n’est pas démontrée, tant s’en faut, par les exemples de Démétrios Poliorcète et autres. En arrivant à Alexandrie, Pyrrhos s’aperçoit que Bérénice est bien l’épouse préférée de Ptolémée Soter, mais non pas la seule. Stratonice pouvait donc être honorée officiellement par privilège spécial, vivante ou morte, tandis que l’άδελφή ou n’est pas nommée ou est passée sous silence. Enfin, l’argument capital, tiré de l’inscription de Sigée, est radicalement infirmé par ceux qui imputent ce texte au règne d’Antiochos III et commettent un cercle vicieux en se prévalant, pour ce faire, d’une opinion qui paraissait plausible quand il s’agissait d’Antiochos Ier et de Stratonice.

Le grand argument — άδελφή titre protocolaire — m’a donc paru devoir être rejeté, et maintenue la qualité de sœur à la Laodice d’Antiochos II. Pour soutenir que les Séleucides, respectueux des mœurs grecques, n’épousaient pas leurs sœurs, il faut oublier d’abord que l’épithète d’άδελφή, eût été à elle seule un scandale ; ensuite, que, Antiochos III γάμους τε τών παίδων έθοεν, Άντιόχου καί Λαοδίκης, άλλήλοις συναρμόζων (Appien, Syr., 4) ; enfin, que les Grecs ne considéraient pas comme incestueux les mariages entre frère et sœur consanguins. Cimon fils de Miltiade épousa ainsi sa sœur Elpinice (Corn. Nepos, Cimon, 1), et Archéptolis fils de Thémistocle sa sœur Mnésiptolème (Plutarque, Themist., 32). Or, tel était, d’après Polyen, le cas de Laodice. Avec les mœurs polygames des Diadoques, qui ne répudiaient pas expressément, ce semble, leur épouse en suivant des goûts ou des intérêts nouveaux, il ne devait pas manquer, dans les familles royales, de sœurs épousables à titre d’όμομήτριοι.

Cette réserve, qui exclut les mariages entre όμομήτριοι, j’ai cru devoir la maintenir et eu croire sur ce point Polyen. Mais comme c’est elle, et elle seule, qui embrouille tant de questions à la fois, je suis tout prêt à n’en pas faire plus à cas qu’Antiochos III ; et alors, il est aisé d’arriver à une solution satisfaisante et en même temps, ce qui n’est pas à dédaigner, fort simple. Ilion de plus commun que les confusions entre homonymes, surtout entre Laodices. Eusèbe a dû confondre Laodice fille d’Achæos, femme de Séleucos II, avec l’épouse de sou prédécesseur Antiochos II. Ce témoignage écarté, celui de Polyen ne saurait être terni pour infaillible de tout point, puisque Polybe lui-même, en matière de généalogie, prête parfois au soupçon (cf. BELOCH, Gr. Gesch., III, 2, p. 157). Polyen (ou ceux qui l’ont renseigné), sachant vaguement que les Séleucides ont été en Orient les champions de l’hellénisme, n’a pas pensé qu’ils y eussent si tôt dérogé sur ce point délicat, et il a cru Laodice όμομήτριος. Ceci admis, il n’y a plus à chercher pour Laodice, fille d’Antiochos Ier et de Stratonice, cette mère que nous n’avions pu trouver.

 

[note 10] — Le problème ici posé ne peut âtre élucidé — vu quelque confusion possible — qu’à propos de la mort d’Antiochos Hiérax.

 

 

 



[1] W. TARN, The dedicated ship etc., rejette la correction de Meineke, όπου δή, qui signifierait dédiée sur place, à Cos ou au Triopion. La trière — ou sa représentation — a dû être dédiée à Délos.

[2] Antiochos II folios habuil II, Seleukum cognomine Kalinikum et Antigonum (leg. Antiochum), filias ut ex Laodike Akhæi filia.