CHAPITRE I. – NOTES COMPLÉMENTAIRES.

 

 

[note 1] — On ignore à quel moment Séleucos Ier prit ou reçut le surnom de Νικάτωρ qui n’apparaît sur ses monnaies qu’à la fin de son règne. Appien (Syr., 57) rejette l’opinion de ceux qui le lui donnaient, dès 311, pour avoir tué Nicanor, stratège de Médie : il l’attribue à l’ensemble de ses succès militaires, et de même Ammien Marcellin (Seleucus cui victoriarum crebritas hoc indiderat cognomentum, XXIII, 6, 3) ; ce qui est, en effet, beaucoup plus vraisemblable.

 

[note 2] — Sur le synœkisme de Téos et Lébédos, nous avons la grande inscription de Sevri-Hissar (Téos), publiée et commentée par LEBAS-WADDINGTON (n. 86 = Ch. Michel, 34. Dittenberger, SIG2., n. 126). Antigone règle toutes les questions de droit privé et public que soulève la transplantation des Lébédiens dans la cité désormais commune de Téos, Les immigrants recevront des terrains d’étendue égale à ceux qu’ils quittent, pour y bâtir leur demeure, dans un délai (le trois ans. En attendant, ils sont logés gratuitement. La cité de Téos prend à sa charge les dettes de la cité de Lébédos. Comme ces arrangements se heurtent à bien des difficultés, Antigone, qui est pressé d’aboutir, décide que l’on élira des experts, liquidateurs et législateurs, choisis parmi les citoyens de Cos, lesquels devront être rendus sur les lieux dans les cinq jours après leur élection et faire les estimations et règlements nécessaires. On sait par Pausanias (I, 9, 7) que Lysimaque repeupla aussi Éphèse — déplacée et appelée Arsinoé (Strabon, XIV, p. 640). — avec des Lébédiens et des Colophoniens, dont il aurait détruit les villes. Enfin, une inscription de Magnésie du Méandre (O. KERN, Inschr. von Magnesia am Maiander, Berlin, 1900, n. 53) mentionne sur une liste des villes ioniennes, entre Phocée et Smyrne, des Πτολεμαιεΐς οί πρότερον καλούμενοι Λεβέδιοι. Et pourtant, Lébédos conservait encore au temps de Strabon une population clairsemée (XIV, p. 6-13). Il est probable que Antigone n’a pas eu le temps d’exécuter son projet de syncœkisme, odieux aux Lébédiens, et que la destruction de Lébédos par Lysimaque n’a pas été non plus aussi radicale que le dit Pausanias. Quant aux Πτολεμαΐεις, la mention suppose que Lébédos fut momentanément occupée par les Égyptiens et dénommée Ptolémaïs.

 

[note 3] — On était à peu près d’accord jusqu’ici pour accepter la thèse de Benndorf (1879), à savoir l’attribution de la Victoire de Samothrace (apportée au Louvre en 1864) à un trophée érigé par Démétrios Poliorcète après la bataille de Salamine, hypothèse suggérée par le fait que le type de la Νίκη, debout sur un navire figure sur les monnaies du Poliorcète. Ceux qui gardaient des doutes (Murray, S. Reinach) se contentaient de faire des réserves sans proposer d’autre solution. Tout récemment, J. HATZFELD (Rev. Archéol., N. S., XV [1910], pp. 132-138) a fait observer que, en 306, Samothrace appartenait à Lysimaque. Or, Lysimaque fut toujours hostile à Antigone, et même il détestait particulièrement Démétrios (Plutarque, Démétrios, 20). En 306, sa sympathie allait à Ptolémée, dont il devait plus Lard épouser la fille. En 301, il envoya des secours à Rhodes assiégée par Démétrios. En 302, il entre dans la coalition qui défit Antigone et Démétrios à Ipsos. Est-il vraisemblable qu’il ait laissé Démétrios ériger dans sou domaine un trophée de victoire ? Il est plus probable que la statue, qui est de style rhodien, a été érigée par les Rhodiens, dans une circonstance encore ignorée. Du reste, en 1891, l’inventeur de la statue, M. de Champoiseau, a découvert un fragment de marbre portant Σ ΡΟΔΙΟΣ. Ces raisons, sans être décisives, — car on peut toujours soutenir que Démétrios érigea son trophée après la mort de Lysimaque, quand il fut lui-même roi de Macédoine en 293, — balancent au moins celles invoquées par Benndorf. Pour commémorer le siège de leur cité, où échoua le Poliorcète, les Rhodiens ont dressé le célèbre Colosse, œuvre de Charès de Lindos. Ces marchands ont pu, en une autre occasion, ne pas regarder davantage à la dépense.

 

[note 4] — Le terme de Cœlé-Syrie (Κοίλη Συρία ou Syrie Creuse) devant revenir perpétuellement à propos du litige pendant entre Séleucides et Lagides, il est bon de le définir. Pour les géographes, la Cœlé-Syrie est proprement la vallée comprise entre le Liban et l’Antiliban, et — par extension — la Syrie méridionale, comprise entre la Syrie Séleucide ou Haute-Syrie au N., l’Égypte au S., l’Arabie à l’E. (Strabon, XVI, pp. 133. 749. 753-756). Les historiens prennent toujours le terme au sens large, mais en exceptant parfois, comme le fait Strabon lui-même, la Phénicie, ou en distinguant la Palestine (Hérodote, IV, 39. VII, 89. Strabon, XVI, pp. 719-776) ou pays des Philistins (Pelislitim). Le géographe Ptolémée (V, 1546) comprend dans la Cœlé-Syrie toute la Syrie septentrionale et moyenne, de la Cilicie et Cappadoce jusqu’à la latitude de Césarée. Le reste s’appelle Palestine ou Judée.

En ce qui concerne Antioche, le témoignage réfléchi d’Appien, qui la dit dénommée par Séleucos έπί τώ πατρί (Syr., 57), doit prévaloir contre celui de Julien, qui, dans le pamphlet improvisé du Misopogon, la croit appelée du nom du fils de Séleucos. Elle n’occupait d’abord qu’un espace restreint. Antioche, dit Strabon, une des quatre villes de la tétrapole syrienne, peut être considérée elle-même comme une tétrapole, car elle se compose de quatre quartiers distincts, dont chacun a sa muraille particulière, bien qu’ils soient tous enfermés dans une enceinte commune. Le premier de ces quartiers fut formé par Séleucos Nicator aux dépens d’Antigonia, ville voisine bâtie peu de temps auparavant par Antigone fils de Philippe, et dont Séleucos transplanta tous les habitants. Devenus trop nombreux à leur tour, ceux-ci se divisèrent et formèrent un second quartier ; puis Séleucos Callinicos en fonda un troisième, et Antiochos Épiphane un quatrième. Daphné était à stades (6 kilom.) d’Antioche (Strabon, XVI, p. 750).

 

[note 5] — A signaler en passant le débat, d’importance secondaire, sur Lysandra, unique ou dédoublée en deux Lysandra, l’une et l’autre filles de Ptolémée, — l’une, épouse d’Alexandre, l’autre, d’Agathocle, — d’après les textes chronologiquement inconciliables de Plutarque (Démétrios, 31) et de Pausanias (I, 9, 6 ; 10, 3). Voyez Hist. des Lagides, I, p. 85, 2. J. BELOCH, Gr. Gesch., III, 2, pp. 127-128. G. CORRADI, Di Seleuco I etc., p. 596, 1 : autant de suffrages pour l’opinion de G. DROYSEN. Une bévue de Pausanias ne suffit pas à faire admettre qu’il y ait eu deux Lysandra, et que Agathocle, alors tout jeune, se soit marié et ait eu même des enfants avant le remariage de son père.

 

[note 6] — La convention intervenue en 298 entre Séleucos, Démétrios Poliorcète et Ptolémée Soter, est un problème dont la difficulté tient à ce que les données en sont contestables et contestées. Quelle était la situation respective des contractants ? À qui appartenait alors, de fait, la Cœlé-Syrie ? Démétrios était-il en train de la conquérir et possédait-il déjà le littoral palestinien, comme semblerait l’indiquer la prise de Samarie, — incident dont la date traditionnelle (296/5 a. C.) ne fait nullement autorité, et qui doit être antérieur au pacte visé ici ? En attaquant ainsi Ptolémée, avait-il l’approbation ou même l’appui de Séleucos ? Outre la Phénicie, Cypre et la Cilicie, dont il venait de s’emparer, avait-il en Asie Mineure une clientèle de villes enlevées à Lysimaque, et lesquelles ? Démétrios étant alors l’allié de Séleucos et en mesure de poursuivre ses succès, soit contre Ptolémée, soit contre Lysimaque, son irréconciliable ennemi, — qui, dit-on, avait marché au secours de Plistarchos (Plutarque, Démétrios, 20), — pourquoi Séleucos entreprend-il de le réconcilier avec Ptolémée, et par un accord qui semble lui être désavantageux, puisque c’est lui Démétrios qui donne des garanties en la personne de son beau-frère, le roi détrôné (301) Pyrrhos, conduit comme otage à Alexandrie ? Séleucos avait-il donc, comme on l’a cru (Stark), lié sa camuse à celle de Ptolémée, contre Démétrios ? Enfin, si Démétrios renonçait à batailler contre Ptolémée, et aussi contre Cassandre, — puisqu’il avait envoyé sa femme, Phila, pour excuser auprès de Cassandre l’expulsion de Plistarchos (Plutarque, Démétrios, 32)[1] et qu’il rappelait de l’Hellade Pyrrhos, son lieutenant dans la région (Plutarque, Démétrios, 31), — que lui promettait-on en guise de dédommagement, à lui qui n’aurait plus d’autre royaume que sa flotte ? Cet aventurier, qui n’a jamais passé pour inintelligent, aurait donc ainsi acquiescé à un marché de dupe ?

On conçoit qu’il n’est pas facile de répondre à toutes ces questions. En ce qui concerne la clause garantie envers Ptolémée par otage, DROYSEN (III, pp. 533-534) pensait que peut-être Démétrios s’engageait à restituer plus tard à l’Égyptien la Cœlé-Syrie, ou à lui céder actuellement, soit la Phénicie, soit Cypre, mais par un accord tenu secret pour Séleucos, lequel aurait été en ce ras la dupe. L’invraisemblance de cette combinaison saute aux yeux. Il est beaucoup plus probable que Démétrios s’est engagé à ne pas essayer de conquérir la Cœlé-Syrie, qu’il ne possédait pas ; moyennant quoi, Ptolémée renonçait à défendre contre lui en Asie Mineure son allié Lysimaque. Mais ici interviennent des hypothèses à large envergure, tendant à transformer l’accord des trois souverains en pacification générale, par adhésion successive de Cassandre et de Lysimaque, auquel Démétrios aurait cédé la Lycie et la Carie. Alors, on ne comprend plus la résignation de Démétrios, à qui Séleucos se réserve de demander la Cilicie et les ports de la Phénicie. Il faut résolument écarter tut pacte avec Lysimaque, qui reste l’ennemi de Démétrios, le rival détesté de Séleucos et l’ami quelque peu délaissé de Ptolémée. Séleucos avait-il dès lors le dessein de prendre pour ainsi dire Démétrios à son service et de l’employer à expulser Lysimaque de l’Asie-Mineure ou même de la Thrace, — ce qu’il exécuta lui-même plus tard, — comme le veut C. KLOTZSCU (Epirotische Gesch., Berlin, 1911, pp. 140-144) — c’est possible, et même probable. Mais, sur la question de fait, la portée actuelle de la convention à trois, j’ai peu de chose à modifier aux conclusions adoptées dans l’Hist. des Lagides (I, pp. 85-6) pour me rallier à l’opinion de C. CORRADI (op. cit., p. 603). Séleucos veut maintenir le statu quo, c’est-à-dire prévenir entre Démétrios et Ptolémée une lutte qui ferait passer la Cœlé-Syrie aux mains de l’un ou de l’autre par droit de conquête, droit annulant les conventions de 301. Provisoirement, la Cœlé-Syrie, ou la majeure partie de la région, reste aux mains de Ptolémée.

En somme, l’analyse hypothétique des intentions intéresse peu l’histoire des faits, car elles ont été déjouées par les événements, et à bref délai. La mort de Cassandre (207) rendit à Démétrios toutes ses chances en Europe : il refusa en même temps les cessions espérées par Séleucos, et son mariage avec Ptolémaïs, indéfiniment ajourné, ne se lit qu’en 287, alors que Ptolémaïs n’était plus que la tille d’Eurydice répudiée.

 

[note 7] — On ignore la date précise de la fondation de Séleucie, la plus importante et la plus prospère de toutes les colonies Séleucides en Orient., mais elle ne doit pas are de beaucoup postérieure à celle d’Antioche (celle-ci entre mars et mai 300 a. C.). Les souvenirs d’un glorieux passé étaient trop vivants dans la cité des Nabopolassar et des Neboucadnézar pour n’être pas importuns aux conquérants étrangers, Perses ou Hellènes. Cyrus et Cambyse y résidaient l’hiver ; mais Babylone se révolta sous Darius et Xerxès. Darius rasa ses fortifications, et Xerxès spolia le temple de Bel. Au temps d’Alexandre, les trois-quarts de la surface comprise dans l’enceinte étaient en terres cultivées (Curt., V, 1, 27). Alexandre projetait d’en faire sa capitale, et il avait commencé la reconstruction du T. de Bel quand sa mort interrompit les travaux. Les bandes de Démétrios Poliorcète durent y commettre bien des dégâts en 311. Séleucos voulut avoir en Orient une capitale neuve, mieux située peut-être au point de vue du commerce, mais surtout hellénique — neque in barbarum corrupta (Tacite, Ann., VI, 42). — affranchie de l’esprit d’opposition entretenu par le sacerdoce babylonien. C’est l’idée qui, en Égypte, amena les Ptolémées à souhaiter d’abord, à accomplir ensuite la ruine de Thèbes. Appien (Syr., 58) parle de la ruse des Mages ou prêtres chaldéens cherchant à attacher un maléfice à la fondation de Séleucie. Pline (VI, § 122. Cf. Mart. Cap., VI, p. 701) affirme que Séleucos Nicator fonda Séleucie pour faire la solitude dans Babylone, comme plus tard les Parthes fondèrent Ctésiphon pour dépeupler Séleucie. D’après Pausanias (I, 16, 3), le drainage forcé de la population ne laissa à Babylone que les murs, le T. de Bel, et les Chaldéens alentour. La solitude de Babylone est une forte exagération, comme le prouve le rôle qu’elle joua encore plus tard dans l’histoire des Séleucides, généralement comme point d’appui des révoltés. Elle figure encore parmi les villes prises par Trajan en 116 p. C. et par Septime Sévère en 195 (Dion Cassius, LXVIII, 26-27. LXXV, 9). Séleucie se trouva être aussi, par le fait, une rivale d’Antioche. Ammien Marcellin, natif d’Antioche, tout en vantant l’activité colonisatrice de Séleucos (XIV, 8, 2-6), appelle Séleucie ambitiosum opus Nicatoris Seleuci (XXIII, 6, 23).

Le nom banal de Séleucie, malgré ses 600.000 habitants (Pline, loc. cit.), est resté obscur à côté de celui de Babylone, qui sert parfois à la distinguer de ses homonymes, comme Seleucia Babylonia.

 

[note 8] — L’assertion d’Appien σατραπεΐαι δ' ήσαν ύπ' αύτώ (Syr., 62), ne concorde pas avec un certain nombre de faits connus, mais connus par des textes qui ne visent pas tous la meule époque. De là des divergences d’appréciation sur le principe et l’étendue de la réforme, générale ou partielle, entreprise par Séleucos Nicator. Σατραπεία, dans le texte d’Appien, parait bien être un terme générique, équivalant au mot provincia, qui ne préjuge pas l’importance de la région ainsi qualifiée, grande ou petite, et ne suppose même pas nécessairement le titre de σατράπης pour le gouverneur.

En ce qui concerne la répartition des satrapies après la mort d’Alexandre, E. SZANTO compare les six listes fournies par les auteurs et relève les divergences, qui portent, le plus souvent non sur les satrapies, mais sur les stratégies. Au partage de 323, il n’est pas question de stratèges. On en peut inférer que, de 323 à 316, on renonça — expressément ou non — au système de la division des pouvoirs, civil et militaire, entre satrapes et stratèges, qui passe pour avoir été institué par Alexandre : — satrape perse, stratège grec (έπίσκοπος = στρατηγός ? ap. Arrien, Anabase, III, 28, 4). J. BELOCH (Gr. Gesch., III, pp. 236-248) rejette la distinction ainsi introduite entre satrapies et stratégies : il n’y avait, dans l’empire d’Alexandre, que des satrapies. Mais la répartition des provinces de cet empire, à la mort d’Alexandre (323) et à Triparadisos (321), entre les Diadoques ne résout pas la question qui nous occupe : à savoir, comment Séleucos a organisé l’administration de ses provinces à lui.

Le chiffre donné par Appien parait à première vue bien exagéré et suggère l’idée qu’il s’agit non pas de satrapies proprement dites, mais de subdivisions dont le nom véritable était peut-être éparchies (ci-après). Les hypothèses ne manquent pas, pour ou contre Appien. Bien que nous ne connaissions aucunement le nombre des anciennes provinces adjugées à Séleucos, on a supposé (Holm) que douze provinces antérieures avaient été divisées chacune en six satrapies : 12 x 6 = 72. C’est de l’arithmétique facile. Comme on rencontre plus tard de grandes provinces ou satrapies non morcelées, on peut accepter le chiffre d’Appien pour le temps de Séleucos Nicator, sauf à admettre que, par la suite, les Séleucides ont peu à peu renoncé au système du fractionnement (Gutschmid). En tout cas, le récolement des textes visés par la Dott. Ad. CORVATTA (Divisione amministrativa etc.) ne fournit qu’une trentaine de noms attribuables à des provinces séleucides.

La comparaison arec ce que l’on sait des satrapies sous les Perses et Alexandre montre que la réforme de Séleucos fut un morcellement sinon rie toutes les provinces, au moins de certaines provinces, celles où il pouvait être dangereux de laisser un gouverneur unique. Ce fut le cas des régions les plus peuplées et les plus remuantes, celles où existaient déjà ou furent fondées de grandes villes, comme la Syrie et l’Asie en deçà de l’Euphrate (NIESE, II, pp. 93-95). Le danger des révoltes dans les grandes provinces au delà du Tigre était encore plus facile à prévoir, mais nous n’y connaissons pas de subdivisions. On estime que le nombre des provinces ou satrapies fut plus que doublé. Il est impossible de préciser davantage. Des remaniements ont dé modifier l’organisation primitive, de sorte que l’énumération des satrapies divisées et non divisées (ap. Niese, op. cit.) peut ne correspondre exactement à aucune époque. Le papyrus Petrie, II, 43 (revu par U. WILCKEN, Grundzüge und Chrestomathie der Papyruskunde, I, 2 [Leipzig, 1912], pp. 1-7) apporte comme renseignement que, en 246 a. C., Aribaze était στρατηγός en Cilicie, et qu’il y avait, réunis à Séleucie sur l’Oronte, des stratèges et des satrapes. Mais les corrections de J. Beloch et de Wilcken, qui lisent, l’un στρατ[ηγών], l’autre, στρατ[ιωτών], là ou le premier éditeur lisait σατραπ[ών] τών [αύ]τόθεν (col. II, lig. 8), ne permettent plus de soutenir, avec KHÖLER (SB. d. Berlin. Akad., 1894, p. 451), qu’il y avait en Cilicie des satrapes ou sous-satrapes subordonnés au stratège Aribaze.

Sur l’autonomie ou l’interdépendance des satrapes et stratèges au Ve siècle a. C., Xénophon ne donne que des renseignements incomplets. Cyrus était satrape de trois provinces (Lydie, Grande Phrygie, Cappadoce) et stratège des troupes qui se rassemblent dans la plaine du Castole (Anabase, I, 1, 2 ; 9, 7), stratège ou κάρανος des provinces maritimes (Hellen., I, 4, 3). Mais Cyrus est en dehors de la hiérarchie normale : c’est un prince royal et un vice-roi. Ailleurs (Oecon., 4, 9-11), Xénophon dit que le Roi constitue parallèlement, dans les provinces, des administrateurs civils et des gouverneurs militaires ; mais il ajoute que, là où il y a un satrape, celui-ci remplit les deux offices à la fois. Ce n’est pas le cas de vanter la clarté de Xénophon. On se serait attendu à trouver deux chefs dans chaque province, et on se demande quel était le gouverneur dans les provinces où il n’y avait pas de satrape.

Les textes d’auteurs montrent une absence complète de précision dans l’emploi des termes σατράπης, στρατηγός, έπαρχος, ϋπαρχος. Le titre d’έπαρχος est attribué par Polybe (V, 46, 7) aux gouverneurs de la Susiane et de l’Érythrée au temps d’Antiochos le Grand. Mais le même Polybe (V, 54, 10) appelle στρατηγός Apollodore, qui remplace en Susiane l’éparque Diogène, et στρατηγός aussi l’éparque Diogène transféré en Médie. A moins d’admettre que les titres d’épargne et de stratège soient attachés non à la fonction, mais à la personne, et constituent des grades hiérarchiques, il semble bien que Polybe les emploie comme synonymes, indifféremment, ou peut-être appelant de préférence stratège l’éparque qui commande des troupes. Diodore dit qu’Antigone, guerroyant contre Eumène et hivernant en Médie, dispersa ses troupes dans toute la satrapie, mais particulièrement dans l’éparchie de Rhagæ (XIX, 44, 4) ; d’où il résulte que l’éparchie était alors, en Médie, une subdivision de la satrapie. Diodore appelle aussi l’Idumée έπαρχίαν (XIX, 93, 2) ; mais plus loin (XIX, 98), à la même époque, — vers 312 a. C., — l’Idumée est une σατραπεία, comprenant même la Judée, car le lac Asphaltite est au beau milieu. Plutarque (Démétrios, 30) emploie έπαρχίαν, au sens général de province, subdivision d’un royaume. Memnon (FHG., III, p. 532) appelle Zipœtès ό Βιθυνών έπάρχων, mais au temps où la Bithynie n’était plus une satrapie perse.

Le sens d’όπαρχος n’est pas mieux fixé. Nicolas de Damas, contemporain d’Auguste, vise la Babylonie au temps de Sardanapale, mais il emploie les expressions usitées de son temps. Arbace sera-t-il satrape de Cilicie ou de Babylone ? Il dit à son interlocuteur : Si je suis nominé satrape de Babylone, je te ferai όπαρχος de toute la satrapie (FHG., III, p. 358). L’hyparchie n’est pas ici une subdivision de la satrapie, mais une fonction administrative exercée par un délégué du satrape dans toute l’étendue de son domaine. Ce n’était certainement pas le cas de l’hyparchie d’Ériza (BCH., XV [1891], p. 556, n. 38 = Dittenberger, OGIS., I, 238), un canton découpé dans la province de Carie, au temps d’Antiochos III probablement. Il importe peu, au fond, que l’inscription soit du temps d’Antiochos II ou d’Antiochos III, ou d’une époque où Ériza pouvait être sous la domination des Lagides ou des Attalides : les institutions sont plus stables que les régimes politiques. Le terme όπαρχος a un sens général qui ne permet pas plus de le spécialiser que le mot subordonné en français. On ne saurait dire quel grade ou quelle fonction avait un certain Télesphoros que Lysimaque mit à mort (Athénée, XIV, p. 616 c), ou Polyxénos, ϋπαρχος Ίωνίας sous Alexandre (Polyen, VI, 49). Par rapport au souverain, satrapes, stratèges, épargnes peuvent être appelés ϋπαρχοι. Tout aussi obscure est la fonction de cet Apollonios, qualifié ϋπαρχος par Josèphe (A. J., XII, § 261) et μυσάρχης (μεριδάρχης ? princeps) dans II Macchabées, 5, 24.           

En somme, ce qu’on peut induire de plus probable de ce locus desperatus, c’est que, — à l’origine tout au moins, — les έπαρχοι étaient les subordonnés du satrape ou stratège, et, comme tels, ϋπαρχοι. Mais, si ces termes ont eu un sens officiel, les historiens n’en ont cure.   

La distinction qu’on essaie d’établir entre satrape, gouverneur civil, et stratège, gouverneur militaire, reste problématique. On n’arrive pas à établir ni la coexistence des deux autorités dans la même province, ni l’organisation de stratégies comprenant plusieurs satrapies, ou inversement, de stratégies subdivisions de la satrapie, ni la distinction entre provinces gouvernées par des satrapes et d’autres gouvernées par des stratèges. Le titre iranien de satrape disparaît peu à peu, et il est remplacé par des équivalents de langue grecque que les historiens emploient au juger. Il est possible, comme le veulent KÖHLER (op. cit.) et DITTENBERGER (OGIS., I, pp. 360 et 392), que les 72 satrapies d’Appien aient été des hyparchies ; tuais, en ce cas, le fractionnement administratif des provinces n’a fait disparaître ni les anciens cadres, ni les anciens titres. Des provinces aussi grandes que la Médie et la Perse ont encore sous Antiochos III leur satrape. La Mésopotamie ne formait qu’une satrapie. Par contre, la Syrie séleucide en comptait quatre (Strabon, XVI, p. 750). De même, dans l’Arménie romaine, où l’on peut supposer que les coutumes dataient. de l’époque antérieure puisque les subdivisions conservaient leurs anciens noms, le territoire était partagé en 120 præfecturas, qua στρατηγίας vocant, quasdam ex his vel singula regna quondam, barbaris nominibus CXX (Pline, VI, § 27). Enfin, on rencontre à Pergame une fonction spéciale, dénommée qui parait avoir un sens assez différent (C. CORRADI, ΣΤΡΑΤΗΓΙΑ, in Bollett. di Pilot. class., XVIII [1912], pp. 157-159. — Gli strateghi di Pergarno (Atti d. R. Acc. di Torino, XLVIII [1913], pp. 719-730).

On n’est pas mieux fixé sur l’organisation du pouvoir central, où l’on voit apparaître de temps à autre, à côté du roi, un fonctionnaire appelé ό έπί τών πραγμάττν [τεταγμένος].

Le fait qu’on rencontre cette espèce de grand-vizir chez les Lagides, les Séleucides et les Attalides, ferait croire qu’il exerce une fonction régulière et permanente ; mais, d’autre part, comme il n’est mentionné qu’en cas de minorité ou d’absence du roi, on en conclut avec plus de raison qu’il est non pas un chef de l’administration, mais un suppléant accidentel du roi momentanément incapable ou empêché, — suppléant qui d’ailleurs cherche à se perpétuer dans ses fonctions et à devenir premier ministre. Tels furent, sous les Séleucides, Hermias auprès de Séleucos III et d’Antiochos III ; Héliodore auprès de Séleucos IV ; Lysias durant l’absence d’Antiochos IV et en concurrence avec Philippe sous Antiochos V ; chez les Lagides, Sosibios sous Ptolémée IV, Aristomène (Polybe, XV, 31, 6-7) sous Ptolémée V ; Ptolémée Sympétésis à Cyrène, exerçant l’έπιμέλειαν τών όλων en l’absence de Ptolémée Évergète II (Polybe, XXXI, 26, 7) ; chez les Attalides, Ménogène, au temps d’Attale Ier (Dittenberger, OGIS., I, 291-290) ; et même une femme, Nicrea, épouse d’Alexandre fils de Cratère, έπί τών πραγμάτων γενομένη après la mort de son mari (Plutarque, Aratus, 17).

La question a été récemment traitée d’ensemble par C. CORRADI, Ό έπί τών πραγμάτων (Saggi offerti a G. Beloch, Roma, 1910, pp. 170- 183). L’auteur distingue entre les vice-rois temporairement investis et ceux qui, comme Hermias, comme Ménogène, comme Sosibios sous Ptolémée IV et Ptolémée V, ont été plutôt des grands-vizirs ou premiers ministres. Il n’oublie pas non plus que, au pluriel, οί έπί τών πραγμάτων τεταγμένοι (Dittenberger, OGIS., I, 231, l. 26) signifie les hauts fonctionnaires ou officiers en général ; mais il conclut que, appliqué à un fonctionnaire nommément désigné, le terme emporte l’idée d’une autorité de nature exceptionnelle, non comparable à celle du διοικητής égyptien ou ministre des finances. Sous Antiochos III, par exemple, au temps où Hermias était προεστώς τών όλων πραγμάτων (Polybe, V, 41, 1), Héraclide était έπί ταΐς προσόδοις (Appien, Syr., 45). En d’autres termes, il appert que la monarchie séleucide n’avait pas de premier ministre en temps ordinaire.

 

[note 9] — L’histoire romanesque, et peut-être roman, du mariage d’Antiochos Ier avec sa belle-mère Stratonice est un des épisodes les plus connus de l’antiquité (Plutarque, Démétrios, 38. Appien, Syr., 50-61. Lucien, De Dea Syria, 17-18. Julien, Misopogon, p. 348) et les moins oubliés des modernes (cf. l’Antiochus de Th. Corneille, la Stratonice de Quinault, le tableau d’Ingres, etc.). Julien fournit une variante, dont on voit trop le motif. Reprochant aux gens d’Antioche d’avoir hérité du tempérament érotique de leur œkiste, mais voulant aussi défendre, contre les chrétiens, la moralité païenne, il prétend que Antiochos refusa l’offre de son père et n’épousa Stratonice qu’après la mort de Séleucos. Il aurait eu fort à faire s’il avait voulu disculper de l’ϊερός γάμος, du mariage entre frères et sœurs, les dieux et souverains d’antan. Stratonice avait eu de Séleucos Nicator, dont elle avait été l’épouse durant quatre ou cinq ans, une fille, Phila, mariée par la suite à Antigone Gonatas. Elle donna à Antiochos Ier deux fils, Séleucos — mis à mort par son père — et Antiochos II Théos. Ses filles, Apama et Stratonice, épousèrent, l’une, Magas de Cyrène (Pausanias, I, 7, 3) ; l’autre, Démétrios II de Macédoine (Eusèbe, I, p. 249 Sch.). D’après les inscriptions cunéiformes (Keilschr. Bibl., III, 2, pp. 137 sqq.), elle vécut au moins jusqu’en 268.

 

[note 10] — Les Diadoques ont opéré çà et là des transplantations violentes et tyranniques, dont le motif n’apparaît pas toujours comme exempt d’arbitraire. A propos du déplacement d’Éphèse, G. RADET (Journ. des Savants, 1906, p. 263) fait observer que si, en 287, Lysimaque a transféré le gros de la population à une demi-lieue plus loin, c’est que le vieux port, comblé par les alluvions, n’était plus qu’une lagune impraticable aux trières. La fondation de la nouvelle Éphèse ne fut donc nullement le caprice d’un despote, mais un acte de prévoyante intelligence. Il y avait plus de caprice et moins d’intelligence dans la prétention de changer le nom de l’antique cité (Άρσινόη, Strabon, XIV, p. 610. Άρσινόεια, Athen. Mitth., XXV [1900], p. 101), et c’est bien un despote qui, pour peupler la nouvelle enceinte, dépeuplait Lébédos et Colophon (Pausanias, I, 9, 7).

 

[note 11] — Le débat sur la mort d’Agathocle peut se continuer indéfiniment sans se renouveler. Il s’agit de donner ou refuser confiance à telle ou telle version (Justin, Memnon) et de deviner la part qu’ont eue dans la tragédie, d’après leurs intérêts ou leurs passions présumés, Arsinoé, Ptolémée Kéraunos, et Lysimaque lui-même. Déjà Pausanias (I, 10, 3) ne savait plus si Arsinoé voulait assurer à ses enfants l’héritage de Lysimaque au détriment de ceux d’Agathocle et Lysandra, ou si peut-être, éprise d’Agathocle, elle se vengeait de ses dédains. On tend de plus en plus à disqualifier Memnon, le seul témoin à charge contre Ptolémée. Ptolémée, en 282 a. C., avait quitté depuis trois ans au moins la cour de Thrace et était l’hôte de Séleucos (Beloch) ; ou bien il était à Lysimachia, mais partisan d’Agathocle contre Arsinoé, cette Arsinoé à qui il infligea par la suite un si cruel châtiment (Klotzsch). En revanche, le dernier historien qui se soit saisi de la question, W. TARN (Antigonos Gonatas, p. 124, 25) professe une telle confiance en Memnon qu’il fonde sur son témoignage, même disqualifié par un anachronisme évident, tout un système d’interprétation. Ptolémée, après la mort d’Agathocle, ne s’est pas réfugié auprès de Séleucos, comme on l’admet généralement depuis DROYSEN (II, p. 609) : il est resté près de Lysimaque, plus en faveur que jamais, le bras droit de Lysimaque et pourvu d’un commandement supérieur dans son armée. Il a combattu à Coroupédion aux côtés de Lysimaque et est tombé ainsi aux mains du vainqueur. La preuve, c’est que, d’après Memnon (c. 12, in FHG., III, p. 553), après la bataille, il ne fut pas traité en prisonnier de guerre, mais en fils de roi. Soit Mais, dans la même phrase, Memnon ajoute que Séleucos poussa l’amabilité jusqu’à promettre à Ptolémée de le ramener en Égypte quand son père serait décédé, et tout le monde convient que, en 281, Ptolémée Soter était mort depuis environ deux ans. W. Tarn eb convient aussi, mais il esquive l’objection en     supposant que Ptolémée a séjourné deux fois à la cour de Séleucos, et que Memnon vise une rencontre antérieure. Les textes opposables à Memnon sont vagues, sans dates, et à première vue quelque peu contradictoires entre eux. Pausanias affirme que Séleucos fut assassiné à Lysimachia par Ptolémée (I, 16, 2. — X, 19, 7). Appien dit que Séleucos accueillit affectueusement Ptolémée (Syr., 62. Cf. Porphyre, in FHG., III, p. 696, 6), et il semble croire que le futur meurtrier n’a pas quitté sa victime.

Ce qui reste probable, en fin de compte, c’est que Ptolémée, fuyant l’Égypte, chercha d’abord un asile près de Lysimaque et de ses deux sœurs (Lysandra Arsinoé), et qu’il quitta la cour de Thrace, soit, pour des motifs inconnus, avant (BELOCH, Gr. Gesch., III, I, p. 228, 1), soit après la mort d’Agathocle. En tout cas, comme le dit W. Tarn, the truth about Agathokles’ death is hopelessly lost.

 

[note 12] — Athénée nous a conservé un certain nombre d’anecdotes sur Lysimaque, sur l’avarice et la brutalité de cet ancien trésorier d’Alexandre (II, p. 51 a. III, 73 d. VI, 246 e. 254 f. 261 b. XIV, 614 e-f. 620 f.). Les philosophes qu’il expulsa de son royaume (XIII, 610 e) n’ont pas laissé de noms, mais ils ont dû contribuer — et Hiéronyme de Cardia plus encore — à faire à Lysimaque une fâcheuse réputation. Sénèque (De Ira, III, 17) fait une description effroyable du supplice infligé à Télesphoros de Rhodes par le même homme qu’Alexandre avait fait jeter dans la fosse aux lions. La barbarie du civilisé contraste avec la façon respectueuse dont le barbare Dromichaitès, roi des Gètes, avait traité Lysimaque et Agathocle faits prisonniers avec toute leur armée, à la suite d’une expédition malheureuse sur le Danube en 292 a. C. (Diodore, XXI, 11-12. Strabon, VII, p. 302). MONTESQUIEU ne connaît Lysimaque que comme un roi débonnaire et philosophe. On pourrait croire que son Lysimaque est un type idéal forgé sur l’étymologie λυσι-μαχος, le Pacifique, ou, dans la langue d’aujourd’hui, le Pacifiste, et se demander pourquoi, si l’on ne savait que, dans cette bluette académique, il entendait faire le portrait de Stanislas Leczinski.          

Comme tous les Diadoques, Lysimaque se plut à fonder des villes, souvent aux dépens des cités préexistantes. On a vu ce qu’il avait fait ou voulu faire d’Éphèse, de Lébédos et de Colophon. Pline (V, § 122) cite une Lysimachea disparue en Mysie. Polybe connaît en Étolie une Arsinoé (IX, 46, 2. XVIII, 18, 9. XXX, 14, 5. Steph. Byz., s. v. Άρσινόη) et une Lysimacheia (V, 7, 7). Pour peupler celle de la Chersonèse de Thrace, Lysimaque détruisit Cardia, qui avait de plus le tort d’être la patrie d’Eumène. Il ne fut certainement pas regretté des villes grecques. Memnon (FHG., III, p. 532) connaît le nom du soldat qui le transperça de sa lance, un certain Malachon d’Héraclée. Alexandre transporta le corps de son père en Chersonèse de Thrace et lui éleva un tombeau près de Lysimachia (Pausanias, 10, 5). Cf. la scène dramatique dans Appien (Syr., 64) : le cadavre de Lysimaque retrouvé sur le champ de bataille par son chien. Plutarque (De anim. intell., 14) sait même le nom de ce chien, Hyrcanos. Lysimaque était âgé de 74 ans d’après Justin (XVII, I, 10), de 80 ans d’après Lucien (Macrob., 11).

Coroupédion. — On discute encore sur l’emplacement et la date de la bataille de Coroupédion, surtout depuis la découverte de l’inscription funéraire de Bazar-Keui, à l’O. du lac de Nicée (G. MENDEL, in BCH., XXIV [1900], p. 380. B. KEIL, Κόρου πέδιον, in Rev. de Philol., XXVI [1902], p. 257-262), attestant que des Bithyniens, commandés par Ménas fils de Bioéris, ont combattu à Coroupédion sur les bords du Phrygios, donc, au N.-W. de Sardes, près de l’endroit où se livra plus tard la bataille de Magnésie, — en Lydie, et non pas, comme le dit Appien (Syr., 62), en Phrygie d’Hellespont. On est un peu étonné que des Bithyniens aient pu combattre pour leur patrie et leurs illustres ancêtres au service de Séleucos. Aussi, R. Bevan et J. Beloch soupçonnent que l’inscription — à en juger par la forme des caractères — pourrait se rapporter à une guerre engagée, un siècle plus tard, entre la Bithynie et Pergame. Cependant, Beloch admet que les Bithyniens ont dû être en 281 les alliés de Séleucos et recevoir de lui, en récompense, la ville de Nicée, près de laquelle a été trouvée l’inscription. Le débat n’est pas de première importance. De la date précise de la bataille dépend non seulement celle de la mort de Séleucos, survenue post menses admodum septem (Justin, XVII, 2, 4), mais aussi celle que l’on assigne à la mort de Ptolémée Kéraunos, et, par conséquent, à l’invasion des Gaulois. Aussi est-elle des plus controversées. Les données du problème ont été longuement débattues par DROYSEN (Hist. de l’Hellén., III, pp. 630-633) et ne se sont pas renouvelées depuis. L’écart des opinions va de juillet-août 282 (De Sanctis, Ferguson, Klotzsch) à avril-mai 281 (Droysen, etc.) et juillet-août 281 (Beloch). Sur ces événements et leurs alentours, voyez B. BEVAN, I, pp. 71. 322-323. J. BELOCH, Die Schlacht bei Kurupedion (Gr. Gesch., III, 2, pp. 384-388). C. F. LEHMANN, Seleukos König der Makedonen (Klio, V [1903] pp. 224-234). IX [1909], pp. 248-251). Fr. REUSS, Das makedonische Königtum des Seleukos Nikator (Klio, IX [1909], pp. 76-79).

 

[note 13] — C. F. LEHMANN (op. cit.) croit pouvoir démontrer que, après la bataille de Coroupédion, Séleucas a succédé officiellement et légalement à Lysimaque, attendu qu’il a été acclamé par l’armée macédonienne (celle des vaincus ?), formalité indispensable que n’avait pu accomplir pour son fils Arsinoé, réfugiée à Cassandreia. De même, plus tard, Ptolémée Kéraunos est proclamé par l’armée (celle de Séleucos ?) : de sorte que ni Arsinoé, ni son fils n’ont jamais régné en Macédoine. Les textes invoqués par Lehmann ne lui fournissent que des expressions vagues, et F. Reuss (op. cit.) a bien montré qu’il en forçait, le sens. Le texte de Borsippa (268 a. C.), où le pète d’Antiochos Ier est appelé Si-lu-uk-ku sarri Ma-ak-ka-du-na-a-a (Keilschr. Bibl., III, 2, pp. 137 sqq.) ne signifie pas roi de Macédoine mais roi Macédonien, absolument comme Appien, (Syr., 52. 67), appelle Macédoniens les Séleucides. Séleucos a succédé à Lysimaque, en Macédoine comme ailleurs, par droit de conquête. Quant aux faits et gestes de Ptolémée Kéraunos, ils s’expliquent assez sans les subtilités protocolaires accumulées par Lehmann.

La date de la mort de Séleucos doit être cherchée dans le courant de l’hiver 281/0 a. C. Beloch propose février 280.

 

 

 



[1] J. BELOCH, Das Reich des Pleistarchos (Gr. Gesch., III, 2, pp. 504-501) pense que Plistarchos, après la bataille d’Ipsos, reçut la Cilicie, Pisidie, Cataonie, toute la région au S. du Taurus, et la Carie, où il aurait fixé sa résidence à Héraclée du Latmos. Il aurait été dépossédé progressivement de ce royaume, entre 298 et 295, par Démétrios, et Lysimaque aurait à son tour, dès 294, chassé Démétrios de l’Asie Mineure.