LEÇONS D’HISTOIRE  ROMAINE - RÉPUBLIQUE ET EMPIRE

 

IX. — LE BAS-EMPIRE[1].

 

 

Le terme de Bas-Empire, employé d’abord comme cadre chronologique, par opposition à l’époque antérieure, dite du Haut-Empire, a pris peu à peu, de par l’équivoque impliquée dans cette malencontreuse épithète, un sens injurieux. Il évoque l’idée d’affaissement, de décadence, de décrépitude. Il conviendrait peut-être, en cette acception vulgaire, à l’empire byzantin, débris mutilé de l’empire romain qu’on voit surnager comme une arche dorée sur le flot des invasions barbares ; mais il risque d’être injuste, si on l’applique déjà à la période qui va de Constantin à Théodose le Grand. Il n’a manqué à ce siècle tumultueux ni les fortes passions, ni les péripéties imprévues, ni les grandes crises morales et religieuses qui attirent et retiennent le regard de l’historien.

Et pourtant, la dénomination de Bas-Empire peut rester sans inconvénient à la place où l’usage l’a mise, ou même étendre son ombre un peu en deçà, sur la période d’élaboration comprise entre la réorganisation de l’empire par Dioclétien et la fondation de Constantinople. Elle a l’avantage d’indiquer qu’à un moment donné s’ouvre une ère nouvelle : que l’empire constitué par Auguste et étayé sur des fictions surannées se tasse brusquement et retrouve un équilibre plus stable, mais à un niveau inférieur, le niveau que prenait d’elle-même la civilisation gréco-romaine diluée dans les goûts et les habitudes de vingt races affublées du nom, étrangères à l’esprit des vrais Romains. Avant même que le Bas-Empire ail tout à fait rompu avec ce qui restait encore de traditions républicaines, on sent que quelque chose de grand, de noble, a disparu de cette société stratifiée en couches régulières, divisée en compartiments géométriques, de ces cours somptueuses où tout est réglé par une étiquette savante. Ce quelque chose qui était et qui n’est plus, c’est l’esprit romain, héritage et souvenir de l’ancienne République, l’idée que le citoyen romain se faisait de sa dignité, la conviction — qu’il avait encore entière au temps des Antonins — d’obéir non pas à une volonté individuelle, mais à l’autorité des lois interprétées et appliquées par le prince, c’est-à-dire par le premier des citoyens : c’est le goût et l’illusion de la liberté, illusion entretenue chez le Romain par ses rapports familiers avec le chef de l’État et par la fragilité même du pouvoir attaché à la pourpre impériale ; c’est enfin le patriotisme, flamme généreuse qui, l’histoire le démontre par maint exemple, grandit et meurt avec la liberté. Asservissement des fumes, non pas tant par contrainte que par abandon d’un idéal antérieur ; comme conséquence, indifférence de l’individu à l’égard du tout où il se trouve enchâssé à l’état de molécule inerte ; ce sont bien là les caractères saillants du Bas-Empire, ceux qui se sont développés de plus en plus dans son sein, en vertu de sa constitution même.

Mais, d’autre part, la Nature, comme dit l’adage aristotélique, ne fait pas de sauts : le présent sort du passé par une évolution graduelle et doit y trouver sa raison suffisante. La loi de continuité a en histoire la valeur d’un axiome. Quelque respect qu’il ait pour le libre arbitre, si large qu’il fasse, dans l’enchaînement des causes et des effets, la place due à l’initiative individuelle, l’historien a le devoir de mettre en évidence les faits qui orientent pour ainsi dire les volontés et les poussent à agir dans un sens déterminé. Après avoir assigné une date au commencement du Bas-Empire, il faut maintenant effacer à demi cette ligne de démarcation trop précise et la remplacer par des transitions, montrer enfin que les innovations réalisées sous le règne de Dioclétien avaient été préparées, rendues possibles, essayées même dans une période antérieure.

I

Ab Jove principium. Commençons par le chef de l’État, qui, sous le Bas-Empire, ressemble de très près à la divinité. On sait que Dioclétien, imitant les usages des cours orientales, s’entoura d’une pompe, d’un cérémonial, d’un essaim de fonctionnaires à titres sonores que ne connaissait pas le palais des Césars. Depuis lors, tout ce qui touche à la personne de l’empereur est sacré : son chambellan est préposé à la chambre sacrée ; sacré est son palais, sacré son vestiaire, sacrées les largesses qu’il puise dans son Trésor, sacré le conseil d’État qui s’assemble autour de lui ; enfin, sa maison est divine, comme les paroles tombées de sa bouche et les décisions transmises par ses secrétaires sont des oracles divins. Ceux qui paraissent devant sa majesté divine l’adorent, c’est-à-dire fléchissent les genoux et portent à leurs lèvres le bas de sa robe brochée d’or.

Que nous voici loin de la simplicité parcimonieuse d’un Auguste, d’un Tibère, d’un Vespasien ! Qu’est devenu le temps où les citoyens frayaient avec le prince sur le pied d’une familiarité non seulement supportée, mais souvent encouragée par lui ; le temps où les empereurs, les uns par goût, les autres par calcul, affectaient de vivre de la vie commune et de ne connaître d’autre majesté que celle du peuple romain ? Auguste avait un logement et une table modestes, un mobilier dont bien des particuliers ne se seraient pas contentés, — vix privatæ elegantiæ, dit Suétone ; — il ne portait que des vêtements confectionnés par sa sœur, sa femme et sa fille. Parmi ses successeurs, les prodigues et les extravagants ne manquent pas : mais les bons empereurs, les politiques avisés, restèrent fidèles pour la plupart au système d’Auguste ; ils ne cherchaient pas à rehausser par la pompe extérieure et les graves puérilités de l’étiquette un prestige qu’ils croyaient devoir à leur valeur personnelle ainsi qu’aux grands noms de César et d’Auguste. C’était la façon romaine de comprendre et d’exercer le pouvoir. La tradition n’en était pas encore perdue au temps même de Dioclétien, car un de ses prédécesseurs immédiats, Probus, fait songer aux Fabricius et aux Cincinnatus d’autrefois. On peut même dire que l’opinion publique voyait là une marque de supériorité, la supériorité de l’homme civilisé sur le Barbare. On reproduit encore à propos de Probus une légende qui a beaucoup servi aux Grecs et aux Romains, la scène piquante des ambassadeurs orientaux introduits dans le camp et qui n’en peuvent croire leurs yeux quand, amenés en face d’un vieux soldat en casaque de laine, assis par terre et occupé à manger sa ration de légumes, on leur dit que c’est là l’empereur.

Il semble donc que, sur ce point, la transformation des habitudes ait été soudaine, et que le monarque solennel du Bas-Empire ait créé de toutes pièces le culte dont sa personne sera désormais l’objet. Mais, en y regardant de près, on s’aperçoit que l’innovation porte ici principalement sur la forme et que les idées ainsi traduites par des symboles extérieurs étaient entrées depuis longtemps dans les esprits. Cet ensemble de cérémonies interposé entre le souverain et ses sujets, c’est une liturgie nouvelle, sans doute, mais logiquement dérivée de croyances et de pratiques importées à Rome même dès le début du régime impérial. Déjà, en revenant d’Égypte, le pays où les Pharaons étaient des dieux incarnés et où Alexandre avait cru devoir se donner Ammon pour père, Jules César s’élan laissé transformer en Jupiter Julius. Auguste, plus prudent, avait mené moins vite l’affaire de son apothéose. Il permit de révérer non pas sa personne, mais son Génie, associé dans chaque quartier aux Lares Compitales, dans chaque corporation au patron divin de la société. Hors de Rouie et de l’Italie, son Génie était adoré conjointement avec la Déesse Rome, de telle sorte que la dévotion à l’empereur s’identifiait avec le patriotisme romain. Enfin, après sa mort, la consécration officielle fit de lui un Divus, c’est-à-dire quelque chose comme un dieu, un être assimilé aux dieux et comme eux immortel.

La religion impériale, la seule qui fût commune à tons les habitants de l’empire, resta durant des siècles constituée sur ces bases équivoques, mais elle tendit naturellement à se simplifier. Il y avait là des raffinements théologiques qu’auraient pu expliquer peut-être les casuistes du collège pontifical, mais qui pour le peuple étaient parfaitement inintelligibles. Qu’était-ce que ce Génie impérial, distinct de la personne de l’empereur et divinisé par la dissolution de son enveloppe vivante ou la quittant pour s’incarner dans un nouvel Auguste ? Quelle différence imaginer entre un Divus et un deus, et comment concevoir cette nuance que la langue grecque elle-même était impuissante à exprimer ? Chacun pouvait entendre tout cela à sa manière et accommoder un dogme aussi élastique à ses habitudes d’esprit. Ce que le peuple et surtout les peuplés y voyaient, c’est que l’empereur était un dieu, ou, si l’on veut, une forme humaine habitée par un esprit divin, parce que la dignité impériale était chose divine. Pour eux, la véritable apothéose n’était pas un décret du Sénat conférant au prince défunt la qualité de Divus ; c’était la prise de possession d’un pouvoir providentiel et surhumain qui transformait miraculeusement le premier venu en maître du monde. Aussi l’apothéose officielle et posthume fut-elle peu à peu reléguée au rang des formalités sans conséquence : ce qui resta, ce fut le culte de l’empereur vivant, l’habitude de jurer par son Génie et de brûler de l’encens devant ses images. Ce titre de dieu, que Virgile et Horace donnaient déjà, par hyperbole ou par métaphore, à Auguste, que Tibère repoussait, que Caligula voulait prendre, que Vespasien raillait dans l’intimité, que Hadrien acceptait des Grecs tout en s’efforçant de paraître plus modeste à Rome, ce titre, dis-je, les courtisans l’emploient dès le début de l’empire ; on le prodigue au Ille siècle, en Orient surtout, à tous ceux que le caprice clos légions élevait au faite dangereux de la grandeur romaine.

Nous n’avons pas à rechercher si cette religion d’État a jamais eu pour fondement une foi réelle et si ses fidèles ont jamais fait les raisonnements théologiques postulés plus haut. On risquerait cependant de se tromper en n’y voyant qu’une hypocrisie obligée et une des formes les plus répugnantes de l’adulation. Le christianisme et la métaphysique ont donné depuis à l’idée du divin une précision qu’elle n’avait nulle part autrefois, et il nous est malaisé de concevoir ce qu’un soldat montant la garde autour des images sacrées entendait an juste, par la divinité de l’empereur. Que ce dieu ne fût pas semblable et égal de tout point à ceux auxquels les consuls allaient tous les ans au 1er janvier faire des vœux pour le salut du prince, l’esprit le plus obtus le comprenait sans peine : mais il n’en restait pas moins l’idée vague que l’empereur était plus qu’un homme. Cette idée, gravée et renforcée par l’habitude, suffisait pour donner une certaine vitalité à la religion officielle. Une preuve entre autres, c’est que, de toutes les pratiques religieuses du paganisme, aucune n’opposa à la propagande chrétienne un plus sérieux obstacle. On eût pardonné aux chrétiens de railler les vieilles mythologies, — tant d’autres l’avaient fait avant eux, — mais on s’indignait de les voir refuser un grain d’encens aux images impériales. Le serment par le Génie de César, placé à l’entrée de la carrière militaire, était comme une barrière qui en interdisait l’accès aux chrétiens. En vain ceux-ci offraient de jurer par le Salut du prince ; en vain Tertullien disait : Nous révérons l’empereur de la façon qui nous est permise et qui lui est avantageuse à lui-même, comme un homme qui est le second après Dieu, qui lient de Dieu tout ce qu’il est et n’est inférieur qu’à Dieu seul. Au fond, Tertullien va plus loin que ses adversaires. Son vicaire de Dieu tiendrait dans la conception chrétienne de l’univers une autre place que le prince divinisé selon la formule païenne : mais cela ne suffit pas. L’opinion publique et, dans l’armée, le règlement militaire exigent que l’empereur soit tenu pour fils adoptif des dieux et dieu lui-même.

Mais laissons là ces analyses de sentiments confus et de nuances fuyantes. One le culte des empereurs ait eu pour support une croyance implantée dans la conscience ou une coutume empruntée aux vieilles monarchies orientales, le fait est que de l’empereur dieu des trois premiers siècles à l’empereur idole du Bas-Empire la transition était facile. Dioclétien n’eut qu’à substituer pour ainsi dire sa personne à ses images et à revêtir les insignes appropriés à ce rôle de Jupiter vivant qu’il avait pris avec le surnom de Jovius.

Encore n’était-il pas le premier qui eût songé à prendre ces allures olympiennes. On pourrait remonter jusqu’aux plus vieux souvenirs de Rome et rappeler que, pour monter au Capitole, les triomphateurs prenaient le costume, la couronne, le sceptre de Jupiter Capitolin lui-même. C’était une apothéose éphémère, mais complète. Le titre d’Imperator, que les généraux de la République portaient le jour du triomphe, était devenu sous l’Empire la propriété du chef de l’État : l’empereur était quelque chose comme un triomphateur perpétuel. Caligula était fou : mais il n’était peut-être pas aussi brouillé avec la logique qu’avec le bon sens quand il s’habillait en Jupiter Latiaris et s’offrait dans un temple aux adorations de la foule. Commode, qui n’était guère plus sain d’esprit, préférait jouer le rôle d’Hercule, et il pouvait s’y essayer sans grande dépense de costume. Héliogabale, prêtre, émule et homonyme du dieu solaire Elagabal, se montrait fardé et constellé de pierreries dans un palais sablé de poudre trot.. Des esprits sérieux s’approprièrent, ce qu’il y avait de raison au fond de ces extravagances. Aurélien, qui. à part sa dévotion an Soleil, n’a rien de commun avec Héliogabale, Aurélien prit officiellement le titre de dieu : il portait, aux jours de solennité, le diadème royal, des vêtements brochés d’or et ornés de pierres précieuses. Ce n’était certes pas par goût, car il avait horreur du luxe et il appliquait à son train de maison les lois somptuaires qu’il avait édictées. Ce qu’il voulait, c’était rehausser par l’éclat extérieur le prestige de l’autorité et convertir en respect ou en crainte l’éblouissement des yeux. C’est aussi tout ce que voulait Dioclétien. Le fondateur du Bas-Empire avait vu appliquer en quelques années cieux systèmes tout différents : s’il préféra le faste oriental à la simplicité républicaine de Probus, nous pouvons croire qu’il se décida en connaissance de cause. L’empire, il le sentait, n’avait plus de romain que le nom : résolu comme il l’était à en transporter le centre en Orient, il se transforma résolument en monarque asiatique. Mais il ne risquait pas en cela d’étonner et de scandaliser l’opinion : il n’eut qu’à convertir en règles fixes ce que d’autres avaient essayé avant lui.

On peut en dire autant du titre de dominus (δεσπότης), qui est comme l’auréole des souverains du Bas-Empire. Ce titre était autrement significatif que la qualification métaphorique, devenue banale à la longue, de sacré, de divin, de dieu. Le mot n’était à sa place que dans la bouche des esclaves, et il avait conservé toute l’énergie qu’y attachait la langue de la jurisprudence. Le dieu se contente d’hommages et s’en passe, au besoin : le dominus, le maître, a droit à l’obéissance passive : il est le propriétaire des personnes. Aussi nous verrons les empereurs chrétiens renoncer sans se diminuer à la divinisation qui avait épuisé sou effet utile en engendrant l’étiquette de la cour : mais ils gardent et étalent plus encore que par le passé leur titre de dominus.

Il semble à première vue que ce soit là une innovation de Dioclétien. Le premier de tous après Caligula et Domitien, dit Aurelius Victor, il supporta qu’on l’appelât publiquement dominus, qu’on l’adorât comme un dieu et qu’on lui en donnât le nom. De l’aveu même d’Aurelius Victor, dont le témoignage est confirmé par d’autres textes, Dioclétien avait déjà des précédents à invoquer. Mais Caligula et Domitien avaient été d’affreux tyrans, et. il n’est pas probable que Dioclétien ait tenu à les prendre pour modèles. Examinons si par hasard il ne s’agit pas encore d’un usage accepté, d’une tradition déjà assise et qu’il suffisait de sanctionner.

Étant donné le sens précis que la langue latine attachait au mot dominus, on éprouve une certaine surprise à constater quo les empereurs ont eu longtemps plus de pudeur que leurs sujets : ils étaient moins pressés de se dire maîtres que ceux-ci de s’avouer esclaves. A la suite d’une ovation qui lui avait été faite au théâtre, Auguste, dit Suétone, riposta le lendemain par un édit très sévère, où il défendait qu’on l’appelât désormais maître, fût-ce même parmi les siens. Tibère, appelé maître par un certain personnage, enjoignit à son interlocuteur de ne plus lui adresser pareille injure. Cette modestie, qui était de bonne politique, n’empêcha pas l’expression de passer dans le langage courant et de lit dans les inscriptions honorifiques, sur les monnaies, et enfin dans les discours officiels et le style des chancelleries. Sans doute, l’empereur ne prend pas lui-même ce titre suspect, mais il permet qu’on le lui donne. C’est ainsi que Pline le Jeune, qui dans son Panégyrique loue Trajan d’avoir voulu être un prince et non pas un maître, ne manque jamais, dans sa correspondance avec l’empereur, d’appeler celui-ci mon maître. Dans un document épigraphique daté de 133 après J.-C., le pontife Velius Fidius appelle Antonin dominus noster. On entend bien dire encore qu’Alexandre Sévère protesta contre l’usage, mais les inscriptions prouvent qu’on ne prit pas ses scrupules au sérieux. A mesure qu’on avance, la formule perd ce qu’elle avait d’odieux ou d’humiliant à l’origine : elle est entrée dans les mœurs. Bientôt même on sent le besoin de la renforcer. On lit sur les monnaies d’Aurélien : deo et domino nato Aureliano Aug. ; sur celles de Carus, deo et domino Caro Aug. De ce côté encore, Dioclétien n’eut qu’à suivre la tradition. Il mit simplement la théorie d’accord avec la pratique, en considérant comme acquis au chef de l’État un titre qu’on lui offrait depuis si longtemps.

Ainsi, l’empereur du Bas-Empire est un dieu et un maître. Ces qualités, il les tient non d’une usurpation récente, d’une violence faite à l’opinion, mais d’une longue accoutumance qui a façonné les esprits à la servitude. Elles sont si bien inhérentes à sa dignité que le christianisme lui-même ne pourra pas lui enlever complètement le titre malsonnant de dieu. Voici comment Végèce, un écrivain militaire contemporain de Théodose le Grand, trace aux recrues leur devoir. Le serment est prêté, dit-il, au nom de Dieu, du Christ, du Saint-Esprit, et par la majesté de l’empereur, laquelle doit venir après Dieu dans l’amour et le respect du genre humain. Car dès que l’empereur a reçu le nom d’Auguste, il faut lui être fidèlement dévoué, comme à un dieu présent et corporel. C’est Dieu, en effet, que sert le civil et le militaire, quand il chérit fidèlement celui qui règne par la volonté de Dieu. Bossuet ne parlera pas autrement. Ô rois, dira-t-il, vous êtes des dieux, c’est-à-dire vous avez dans votre autorité, vous portez sur votre front un caractère divin. Le christianisme transforme le dieu en vicaire de Dieu, en Christ ou Oint du Seigneur. Il suffit d’ouvrir les Codes et Novelles pour se convaincre que ce vice-dieu prend couramment la qualité de divin et appelle ses décisions des oracles. A plus forte raison le christianisme laisse-t-il au souverain le titre de maître, qui, usuel jusqu’à Constantin, devient obligatoire depuis. Dans la théorie chrétienne, l’empereur est le maître, parce que Dieu lui a délégué toute autorité sur les personnes et les choses extérieures, comme il a confié aux prêtres le gouvernement des consciences. Les dons les plus précieux conférés aux hommes par la clémence de Dieu, dit Justinien, sont le sacerdoce et l’empire ; fun occupé des choses divines, l’autre présidant aux choses humaines et y veillant avec diligence ; l’un et l’autre, procédant du même principe, ornent la vie humaine.

La vie humaine n’a que trop senti, au cours des siècles, le poids de ces ornements que les Romains d’autrefois n’auraient jamais consenti à potier. Quel qu’ait été le despotisme des successeurs d’Auguste, il n’atteignait pas du moins le for intérieur, l’asile de la conscience, où les religions antiques n’avaient pas la prétention de pénétrer. Pour achever la défaite de la liberté, pour façonner au joug l’homme du Bas-Empire et, plus tard, l’homme du moyen âge, il a fallu la puissante étreinte du christianisme devenu religion d’État, d’une Église exigeant l’adhésion à ses dogmes et, pour maintenir l’orthodoxie, contractant avec l’Empire un pacte gros de dissensions futures. C’est là, en fin de compte, ce que nous avons trouvé de plus nouveau jusqu’ici clans le régime fondé par Dioclétien, achevé par Constantin et ses successeurs.

II

Il reste à relever, dans l’administration et l’organisation sociale du Bas-Empire, quelques traits caractéristiques et à en rechercher les origines dans le régime antérieur.

La marque propre du Bas-Empire, c’est, dans l’administration, la savante et rigide hiérarchie des fonctions ; dans la société, le travail de cristallisation qui tend à immobiliser l’individu à sa place et à rendre toutes les professions héréditaires. Ce sont deux manifestations à peine différentes du même esprit, de cette lamentable tendance à fonder l’harmonie générale sur la destruction de l’initiative individuelle et à faire de l’État le régulateur de toutes les destinées particulières. Cet esprit s’est développé peu à peu au sein de l’empire romain, à mesure que l’impossibilité de gouverner un si vaste agrégat de peuples avec les principes de la cité antique obligeait le pouvoir à renforcer ses moyens d’action. Peut-être est-il vrai de dire que la liberté est impuissante à maintenir la cohésion au sein d’une trop grande masse d’hommes, à plus forte raison, de peuples hétérogènes. Dans les États de proportions démesurées, le besoin de raffermir sans cesse une stabilité sans cesse menacée tend à accroître l’énergie du pouvoir central et à diminuer l’autonomie de chaque molécule sociale. Ce double mouvement se manifeste dès le début du régime impérial : il aboutit, après trois siècles de poussée continue dans le même sens, à la centralisation administrative et à la stratification non moins géométrique des diverses couches sociales. On ne saurait exposer en quelques lignes les origines, les causes et les phases de ces deux grands phénomènes dont les conséquences ont survécu à l’empire romain lui-même : il suffira de quelques indications pour en esquisser l’histoire rétrospective.

La centralisation administrative est tellement inhérente au régime monarchique qu’elle se serait établie pour ainsi dire d’un seul coup avec l’Empire, si Auguste, l’homme des transactions et transitions, ne lui avait créé des obstacles artificiels, comme pour l’obliger à graduer son développement. Au lieu de substituer ouvertement la monarchie aux institutions républicaines, il imagina un système intermédiaire que les érudits contemporains appellent la dyarchie. Dans ce système, l’État parait avoir deux têtes, le Sénat et le prince, et comprendre — en dehors de l’Italie — deux domaines distincts, le territoire civil, administré par les proconsuls sénatoriaux, et le reste de l’empire, confié à des légats impériaux, c’est-à-dire à des commandants militaires. C’étaient comme deux gouvernements juxtaposés, ayant chacun son trésor et ses fonctionnaires.

Mais cette dyarchie n’était guère qu’un décor destiné à dissimuler l’omnipotence réelle du prince. Chaque jour en emportait un lambeau. L’administration sénatoriale étant à la fois plus calleuse et moins bien surveillée que celle des fonctionnaires impériaux, les provinces demandaient elles-mêmes à passer du domaine du Sénat dans celui du prince, et, de temps à autre, le prince faisait droit à leurs vœux : il envoyait même ses procurateurs dans les provinces qu’il n’administrait pas encore, pour y contrôler la perception de l’impôt. Peu a peu, le Sénat, dépouillé de ses prérogatives, en vient à n’être plus que le Conseil municipal de Rome. Après le règne de Septime Sévère, il ne reste plus de l’ancienne dyarchie qu’une théorie en vertu de laquelle certains empereurs complaisants rendaient parfois au Sénat le droit de nommer quelques gouverneurs de provinces. Probus, un des prédécesseurs immédiats de Dioclétien, essaya même de revenir à l’ancienne coutume : mais sa déférence envers le Sénat parut ce qu’elle était réellement, un anachronisme, et les soldats lui en gardèrent rancune. Dioclétien lit cesser le désaccord entre la théorie et la pratique en débarrassant les institutions de toutes les équivoques imaginées par Auguste. Avec lui, l’Empire avoue franchement son caractère monarchique, et le Sénat perd jusqu’à l’illusion de compter encore parmi les collaborateurs du souverain.

On pense bien qu’au cours des trois siècles qui précèdent et préparent le Bas-Empire, le pouvoir central s’est pourvu de tous les organes nécessaires. Il n’en est pour ainsi dire pas un seul que Dioclétien ait créé de toutes pièces : il s’est contenté de les mieux ordonner, de régler d’une façon plus précise leurs rapports réciproques et de les décorer de noms plus pompeux. Ce qu’il y a de plus saillant clans le système, la séparation des pouvoirs civil et militaire, n’a été ni imaginé par Dioclétien, ni achevé par lui. Cette distinction, qui est restée un des principes de la politique moderne, les anciens Romains ne la connaissaient pas ou, pour mieux dire, n’en voulaient pas faire usage. Ils avaient bien des magistrats dépourvus de l’imperium militaire ; mais tout magistrat en possession de l’imperium exerçait l’autorité dans sa plénitude, soit sous forme de commandement, soit sous forme de juridiction. S’il y avait des garanties constitutionnelles opposées à un plein exercice de imperium, elles ne valaient que pour Rome et l’Italie : dans sa province, le magistrat était à la fois général, grand juge et intendant. Le régime impérial une fois institué, le départ des compétences va se faire peu à peu. Sous Auguste, on ne toucha pas aux principes en ce qui concerne le gouvernement des provinces : mais, en fait, les proconsuls sénatoriaux n’ont plus de commandement militaire, et, d’autre part, les légats impériaux ont près d’eux des procurateurs qui les déchargent de l’administration financière. L’autorité ne revêt plus indistinctement toutes les formes ; on ne la considère plus comme une essence homogène, mais comme un faisceau de pouvoirs qui, réunis, pourraient être séparés. Lorsque les proconsuls ont été partout remplacés par des gouverneurs impériaux, la poussée des Barbares fait sentir le besoin d’établir tout le long des frontières une zone de confins militaires placés sous le commandement de généraux ou ducs des frontières (duces limitanei). On rencontre de ces ducs à partir du règne d’Alexandre Sévère, et, même alors, on ne fit que reprendre une idée déjà ancienne. On pouvait se souvenir que, près de deux siècles auparavant, Caligula avait institué, pour couvrir la province sénatoriale d’Afrique du côté de la Mauritanie, une zone militaire confiée à un légat impérial.

Les provinces de l’intérieur une fois abritées derrière un rempart de milices frontières et de détachements empruntés aux légions, il devenait inutile ou dangereux de laisser aux gouverneurs (præsides) l’imperium militaire. Il valait mieux en faire des magistrats purement civils et leur donner, en échange des prérogatives qui leur seraient enlevées, une partie tout au moins de l’administration financière gérée jusque-là par des procurateurs. C’est précisément ce que fit Dioclétien. Il tira les conséquences logiques des précédents posés avant lui. Désormais, la hiérarchie des fonctionnaires comprend deux catégories nettement séparées, administration et juridiction civile d’une part, commandement et juridiction militaire d’autre part. Ces catégories avaient encore pour chefs communs les préfets du prétoire. Constantin acheva la réforme en dépouillant les préfets du prétoire de leurs attributions militaires, — de ce qu’il leur en restait, — et en confiant la direction suprême de l’armée à des maîtres de la milice (magistri militum).

Si sommaires qu’elles soient, ces indications suffisent à montrer que l’organisation administrative du Bas-Empire est issue, par un développement graduel et normal, de nécessités antérieurement reconnues, de mesures et d’expédients qui avaient déjà donné aux innovations .la sanction de l’expérience. A plus forte raison n’admettrons-nous pas un instant que Dioclétien ait pu improviser l’organisation sociale du Bas-Empire. Quelle société que celle-là, et quel beat ; sujet de prosopopée que l’indignation de quelque héros de l’ancienne République en face d’un pareil spectacle ! On peut définir en deux mots l’état social de l’époque : ni liberté, ni égalité devant la loi. La société est partagée en couches superposées qui ont des droits et des devoirs distincts. Chacune de ces classes se trouve comme emprisonnée dans une foule de règlements, d’exceptions, de privilèges, qui lui constituent comme une charte spéciale. Au bas, l’esclave ; au-dessus, le colon attaché à la glèbe ; un peu plus haut, les artisans et marchands. Colons et artisans constituent la plèbe ou classe des petites gens (humiliores). Puis viennent les propriétaires fonciers (possessores), à qui incombent les onéreuses fonctions de conseillers et magistrats municipaux. Ceux-ci se trouvent sur la ligne de démarcation qui sépare les humiliores des gens comme il faut ou honestiores et sont les plus misérables de tous, car l’État fait peser sur eux presque tout le poids des impôts. A la fois contribuables, répartiteurs, percepteurs, ils cumulent le rôle de victimes avec celui de bourreaux. Parmi les honestiores, privilégiés qui sont les uns exempts de l’impôt (immunes), les autres soustraits à la juridiction des tribunaux ordinaires, tous exceptés par les lois criminelles des pénalités les plus graves, parmi les honestiores, dis-je, figurent, à côté des décurions municipaux et des sénateurs de l’empire, les fonctionnaires, décorés de prédicats fastueux comme egregii, perfectissimi, clarissimi, spectabiles, illustres. Le but avoué des empereurs est de maintenir ce bel ordre, d’obtenir que chacun reste à sa place, le colon à sa charrue, l’artisan ou marchand à sa corporation, le curiale à sa curie municipale, et cela, de père en fils. Les fonctions publiques ne peuvent devenir héréditaires et il faut bien laisser de ce côté un peu de champ au mérite, à l’initiative, à l’ambition ; mais il est entendu que les fils de fonctionnaires se destineront à la même carrière. Il n’est pas jusqu’à l’armée qui ne subisse la pression du système. Le fils du vétéran est soldat dès l’âge de dix-huit ans et doit servir dans le même corps que son père. Les empereurs accumulent édits sur édits pour empêcher les fils d’employés d’entrer dans l’armée et les fils de militaires d’entrer dans les bureaux : ils redoublent de vigilance à l’endroit des fils de propriétaires, dont ils ne veulent ni dans les bureaux, ni dans l’armée, ni dans le clergé, car les carrières pourvues d’immunités offriraient à ces malheureux curiales un moyen d’échapper à leur office propre, qui est de pourvoir aux besoins du pouvoir et des communes. Voilà ce que le despotisme impérial érigé en Providence avait fait de la société romaine.

Mais il n’avait pas fait cela en un jour : il était arrivé progressivement à cet excès de déraison, qui rejoint les rêveries malsaines de Platon et de tous les constructeurs de sociétés modèles. Remettons-nous en quête des origines, sans remonter, comme nous pourrions le faire, au delà de l’établissement du régime impérial. A peine maître de l’empire, Auguste institue une aristocratie de censitaires, divisés, suivant le chiffre de leur fortune, en deux ordres privilégiés, l’ordre sénatorial et l’ordre équestre. Le fils y suit la condition du père, et chaque ordre voit s’ouvrir devant lui une série de fonctions publiques qui constituent la carrière sénatoriale et la carrière équestre. Le principe de l’inégalité voulue, graduée, transmissible avec le patrimoine, s’affirme déjà d’une manière éclatante : le reste n’est plus qu’affaire de temps. Chaque municipe étant organisé sur le modèle de la métropole, il s’y forme aussi des ordres de censitaires : en haut, l’ordo proprement dit ou ordre des décurions, seuls éligibles aux magistratures ; au-dessous, les membres de corporations, religieuses et autres, reconnues d’utilité publique et élevées par là au dessus du niveau commun. Tout ce qui reste en dehors des ordres et corporations n’est plus qu’une masse anonyme, une plèbe à peu près dépourvue de droits civiques, même là où ses membres ont individuellement le droit de cité romaine. Du reste, le droit de cité n’est, bientôt plus qu’un mot banal. Caracalla l’étend à tous les hommes libres sans rien changer à l’état de la société. La plèbe des grandes villes, nourrie par l’assistance publique, ne demandait que du pain et les jeux du cirque ; celle des campagnes finit par ne plus compter que des coloris, autrement dit des cultivateurs rivés au sol de père en fils et incapables de devenir jamais des propriétaires. Ceux-ci n’ont pas le droit de cité, soit qu’ils l’aient perdu comme débiteurs insolvables, soit qu’ils descendent de Barbares transplantés sur le sol romain. Ainsi, de bonne heure, l’inégalité est partout, l’inégalité non seulement au point de vue politique, mais au point de vue du droit civil et criminel, car les légistes ont institué des juridictions, des procédures, des pénalités, des incapacités, des régimes de propriété différente suivant les castes dont ils consacrent ainsi l’existence.

Pour maintenir en place les pièces de ce mécanisme compliqué, on ne voit pas de meilleur moyen que l’hérédité, et on s’ingénie à l’introduire partout. Quand Alexandre Sévère institue les milices frontières, il donne des terres aux chefs et aux soldats, à la condition que le devoir militaire se transmettra avec la propriété à leurs héritiers. Plus tard, au moins dès le règne de Probus, on applique le même raisonnement aux vétérans légionnaires. En leur allouant une dotation et des immunités, l’État prétend acquérir le droit de disposer de leurs enfants. Constantin, en 326, déclare que les fils de vétérans, vu les privilèges accordés à leurs parents, ne doivent pas rester sans emploi (vacare) : il ordonne de les rechercher partout et de les contraindre soit à supporter les charges du décurionat, soit à entrer dans l’armée. Mais c’est surtout la fiscalité impériale qui travaille à figer la société dans les compartiments où ses agents tiennent les contribuables sous clef. L’aristocratie municipale n’a même pas le droit d’aliéner librement, par vente, donation, legs ou abandon pur et simple, ces biens maudits sur lesquels le fisc a pris pour ainsi dire hypothèque à perpétuité. Les corporations chargées d’un service d’utilité publique, comme celles des armateurs dont les navires transportent les grains nécessaires à l’alimentation des grandes villes, des boulangers, charcutiers, bouchers de la capitale, doivent aussi maintenir au complet leurs effectifs et leurs ressources. Tous ces corporati sont attachés, eux et leurs descendants, à leur profession. Nous connaissons assez mal l’histoire des curiales et des corporations avant le Bas-Empire : nous en savons assez cependant pour nous convaincre que les légistes du ive siècle ont perfectionné, mais non pas inventé leur déplorable système des castes héréditaires. Loin d’are une réaction contre le passé, le régime du Bas-Empire en est la continuation et l’achèvement.

C’est dans ses exemples et ses codes qu’il faut chercher les origines des constitutions et législations qui ont discipliné l’enfance de la plupart des nations modernes et ont imposé à leur âge mûr le joug de la monarchie de droit divin. Quant aux mœurs et croyances, on sait que chaque génération les apprécie à sa manière : c’est une étude qui est toujours à refaire, pour peu qu’on ait la prétention de penser par soi-même et de ne pas accepter sans contrôle les jugements d’autrui. Cette étude est particulièrement délicate, et aussi particulièrement attachante, dans la période qui va de Dioclétien à Théodose. C’est le moment où le christianisme, qui fait dater de la première année de Dioclétien (284) son Ère des Martyrs, devient à son tour religion d’État, et se trouve en mesure d’accabler ses adversaires. Son triomphe  été si complet qu’il est resté seul pour en écrire l’histoire. Sincère, cette histoire l’est, sans doute, car elle reproduit fidèlement les idées et les sentiments de ceux qui nous Font transmise ; impartiale, elle ne peut pas l’être, car le propre des querelles religieuses est de faire que les adversaires ne peuvent se combattre sans se mépriser et se mépriser sans se haïr. Voltaire appelait cela du fanatisme. Les mots importent peu : néanmoins celui-ci a le tort de rejeter sur les individus une responsabilité qui appartient aux religions elles-mêmes. La foi est un phénomène psychologique qui produit l’évidence dans les choses indémontrables. Dans les grandes religions cosmopolites, le croyant identifie sa foi avec la vérité absolue, les doctrines contraires avec l’erreur, et quiconque mis en présence de la vérité lui préfère obstinément l’erreur est aussitôt à ses yeux un être dépravé et malfaisant. Plus la foi est vive, plus l’animosité qu’elle engendre est redoutable. Si elle se dit indulgente pour les personnes et implacable seulement pour les doctrines, ne l’en croyons qu’il demi : c’est toujours aux personnes qu’elle applique les mesures destinées à extirper ou à contenir l’erreur. Il est prudent de se tenir en garde — ne fût-ce qu’à propos de cette trop fameuse persécution de Dioclétien — contre les exagérations et calomnies inconscientes des écrivains ecclésiastiques. L’historien a le devoir de viser, sinon d’atteindre, à l’impartialité désintéressée, à la pleine indépendance de son jugement. Même quand il s’agit d’histoire ancienne, ce devoir est toujours malaisé à remplir. Si loin de nous que suit le siècle de notre ère, les questions politiques, sociales, religieuses, qui ont été débattues alors sont de tous les temps. Il se pourrait même que les solutions auxquelles on s’est arrêté à l’époque n’aient pas épuisé autrefois toutes leurs conséquences, Bien des lois portées, des principes affirmés, des dogmes consacrés alors ont régi nos pères ou sont encore debout. N’oublions pas que nos sociétés modernes sont issues de la civilisation romaine et que nous pouvons dire, en modifiant à notre usage le mot du poète : Rien de romain ne nous est étranger.

 

 

 



[1] Leçon du 9 décembre 1887.