HISTOIRE DES LAGIDES

TOME QUATRIÈME. — LES INSTITUTIONS DE L'ÉGYPTE PTOLÉMAÏQUE. - (suite et fin)

 

CHAPITRE XXVIII. — LE DROIT.

 

 

§ III. — CONTRATS ET CRÉANCES.

L’histoire des institutions nous oblige à empiéter sur le domaine des jurisconsultes. Nous leur laisserons le soin de relever toutes les particularités, de principe ou d’application, concernant le transfert de la propriété par vente, donation, héritage, créances hypothécaires, chirographaires et autres matières à jurisprudence. Nous nous bornerons à l’indispensable, en usant le moins possible de la terminologie technique à l’usage des spécialistes et évitant les recoins où un profane ne peut mettre le pied sans risquer de se voir accusé d’incompétence par les gardiens jaloux des subtilités juridiques.

Nous savons en gros que, pour intéresser l’autorité à la loyale exécution des contrats, les Égyptiens et Gréco-Égyptiens avaient l’habitude d’introduire dans les actes y relatifs la stipulation d’une amende à verser au fisc par la partie contrevenante[1]. Ou encore, le débiteur consentait à ce que le recouvrement se fit, comme pour les créances royales[2]. Cette clause leur permettait d’exercer sur les débiteurs récalcitrants , devenus les débiteurs du Trésor, la contrainte par corps, bien que la contrainte par corps pour dettes particulières eût été abolie par Bocchoris[3]. La même clause, introduite dans les quittances, servait aussi à protéger le débiteur qui s’était acquitté contre de nouvelles réclamations[4]. A côté de cet usage, qui persévéra jusque sous l’Empire, il y eut une autre façon d’escompter l’intervention de la force publique : c’était d’insérer dans les contrats une clause exécutive par laquelle le débiteur, en cas de non-paiement, se déclarait condamné d’avance, sans autre forme de procès, et se soumettait à la peine que lui eût infligée un jugement[5]. Cette clause, dite d’exécution parée, est souvent complétée, dans les actes de rédaction libre, par la mention : Que ce contrat soit valable en tout lieu avec adjonction facultative : πανταχή έπιφερομένη : mention confirmée par le gardien du contrat ajoutant à sa signature : έχω κυρίαν.

Il résulte des textes nombreux portant ces formules que le droit grec, coutumier de ces exécutions, a été introduit assez brutalement, dès le début de l’ère des Lagides, au moins dans la jurisprudence applicable aux immigrés, et sans doute étendu par la suite à toute la population[6]. Le rescrit initial est passé en force de loi abrogeant la loi plus humaine de Bocchoris. L’acte de vente rédigé en l’an V de Ptolémée Soter pour deux contractants dont l’un est Athénien et l’autre Chalcidion n’invoque pas encore ce règlement : il est dit seulement que, au cas où le vendeur ne livrerait pas les 30 artabes de blé en bonne qualité et bonne mesure, l’acheteur, qui a payé d’avance, lui réclamerait 4 dr. par artabe et aurait droit de les recouvrer sur ses propriétés de la façon qu’il lui plaira[7]. Si l’on fait abstraction de la formule équivoque et susceptible d’un autre sens (πράξις πρός τά βασιλικά) usitée au temps de Philadelphe, — formule qui emporte nécessairement la contrainte par corps, — on rencontre le rescrit royal nettement invoqué dans un document de l’an 263, que nous citons en entier plus loin, et dans des actes du règne d’Évergète Ier. Que la contrainte par corps y fût explicitement autorisée, on n’en peut douter en lisant la singulière pétition d’un certain Antigone, probablement un gendarme, qui se plaint au roi de ce que, ayant conduit en prison, le 25 Méchir an IV (15 avril 243 a. C.), un débiteur, le Cyrénéen de la classe des épigones Callidromos, et cc sur l’ordre de l’épistate Dorion, il a été désavoué par son supérieur immédiat, l’archiphylacite Patron, lequel a relâché le prisonnier, pour que l’exécution ne se fit pas sur la personne. Antigone veut que, conformément au rescrit, Patron, qui l’a violé, soit condamné à payer la dette au triple et que ordre soit donné à l’huissier ou exacteur des dettes privées Xénocrate de percevoir l’argent[8]. Il est bon de noter qu’un Cyrénéen épigone n’est pas le premier venu, et que sa dette, le prix d’un âne, était au plus de 20 drachmes.

Ce même rescrit, appliqué au temps de Philadelphe, avait réglé aussi, sur le mode rigoureux, une matière connexe, la responsabilité des cautions. Voici un document d’avril 263 a. C., précieux à plus d’un titre, et comme élément de comparaison pour les deux calendriers concurremment employés, et comme le plus ancien témoignage connu de ce genre de stipulation :

Sous le règne de Ptolémée fils de Ptolémée et de son fils Ptolémée, l’an XXII, Pélops fils d’Alexandre étant prêtre d’Alexandre et des dieux Adelphes, Mnésistrata fille de Tisarchos étant canéphore d’Arsinoé Philadelphe, le 14 du mois Xandicos, qui est Méchir pour les Égyptiens, à Mounicharoo du (nome) Oxyrhynchite. Mnason fils de Simos, Thrace de l’épigonie, et Hégé[mon fils de Théo]timos, Crétois de l’épigonie, se portent garants pour Timoclès fils de Simos, Thrace de l’épigonie, en ce que ils le mèneront à comparaître à Héracléopolis devant le stratège Crisippos jusqu’à décision concernant le litige dans lequel Apollonios, en vertu d’un contrat, l’a rendu responsable pour 300 dr. en capital et 100 dr. d’intérêts. S’ils ne le livrent pas comme il est écrit, ils paieront et les 300 dr. et les dixièmes et les frais, et exécution sera permise à Apollonios ou à tel autre des appariteurs de Crisippos ou de l’huissier conformément au rescrit[9].

Conformément au rescrit, à l’ordonnance suffisamment désignée par ce mot employé au singulier, signifie à n’en pas douter que la contrainte par corps pouvait être appliquée au recouvrement des dettes encourues par les cautions, principales ou substituées. La production de cautions ou de garants n’était pas ou n’était pas toujours facultative. Dans deux contrats qui emportent exécution parée κατά τό διάγραμμα, une amende est stipulée pour le cas où le preneur ne fournirait pas de garanties[10]. Ce régime, importé du dehors et bien propre à rendre la dynastie impopulaire, fut aboli par Évergète II, qui aurait sans doute meilleure réputation auprès de la postérité si son histoire avait été écrite par les indigènes. Vers la fin de son règne, par une ordonnance que l’on a justement comparée au bill d’habeas corpus anglais, Évergète II interdit formellement aux fonctionnaires de tout grade, même aux stratèges, d’emprisonner qui que ce fût, sous aucun prétexte, pour dette particulière ou délit d’ordre privé[11].

Pour les contrats égyptiens, l’obligation de l’enregistrement, déjà signalée plus haut, constituait pour les intéressés une garantie accordée par l’État ; et c’était un avantage qui fit prendre l’habitude d’enregistrer même les contrats de langue grecque contresignés par un agoranome[12]. On a vu plus haut, comme fait surabondamment démontré par les documents démotiques, que le droit égyptien ne tolérait que des conventions unilatérales et que, des deux actes constituant le contrat de vente pour les immeubles, le premier seul avait besoin d’être authentiqué par la mention de l’enregistrement, avec les signatures du receveur et de son contrôleur[13]. Pour les actes grecs, il n’y avait pas de choix à faire, les deux actes unilatéraux étant remplacés par un contrat bilatéral.

Mais le droit égyptien avait imaginé pour les créances d’autres garanties, plus anciennement connues que le recours à l’État sous forme d’amende stipulée pour le fisc et l’enregistrement[14]. De tout temps, les créanciers ont eu l’idée de prendre des précautions contre la mauvaise foi ou l’insolvabilité des débiteurs. La plus simple était de se faire remettre par le débiteur, au moment où il contractait sa dette, un objet de valeur à peu près équivalente à la dette, un gage, que le créancier s’engageait à restituer le jour où il serait remboursé. On a vu plus haut que des gens acculés aux derniers expédients mettaient en gage la momie de leur père. Mais le gage ne petit être qu’un objet mobilier, matériellement livré au créancier. Pour faire entrer les immeubles dans la série des gages possibles, il fallut remplacer la tradition réelle par la reconnaissance d’un droit pour le créancier soit d’occuper l’immeuble et d’en recueillir les fruits aux lieu et place du propriétaire, soit d’en devenir lui-même propriétaire en cas de non-paiement. L’antichrèse pouvait même servir à l’extinction de la dette, s’il était convenu que le surplus du produit de l’immeuble, une fois les intérêts payés, entrait en déduction de la dette elle-même, dont le capital se trouvait ainsi peu à peu remboursé[15].

L’antichrèse avait l’inconvénient de dessaisir réellement le débiteur et d’obliger le créancier à faire valoir les immeubles engagés ; ce qui pouvait être une source d’embarras pour l’un et pour l’autre, surtout pour le débiteur, privé d’une source de revenus au moment où elle lui eût été le plus nécessaire. Aussi ce mode de nantissement fut-il souvent ou le plus souvent remplacé par l’hypothèque (ύποθήκη, en égyptien aouo).

L’hypothèque, au sens juridique du mot[16], est un droit réel sur un immeuble qui reste aux mains du débiteur, mais dont la valeur garantit l'acquittement d'une obligation, le créancier hypothécaire ayant le droit de le mettre en vente, avec l'autorisation des tribunaux, en cas de non-paiement, et de prélever sur le prix de vente le montant de sa créance avant tout autre créancier simplement chirographaire. C'est une conception raffinée, qui n'est entrée que tard dans les ressources de la jurisprudence grecque et romaine[17]. Appliquée à des contrats entre particuliers, elle suppose, en réalité, une convention latente avec l'État, qui intervient en tiers comme garant de l'hypothèque enregistrée dans ses bureaux. En Égypte, elle a été surtout employée par l'État lui-même dans ses contrats de fermage[18]. On a vu que, lors de l'adjudication des fermes d'impôts, le fisc se réservait le droit de récupérer les déficits éventuels sur les biens des soumissionnaires et de leurs cautions. Il n'y a pas de raison de douter que l'hypothèque ait conféré les mêmes droits aux particuliers[19]. Ceux-ci pouvaient donc en user ; mais ils préféraient, ce semble, un expédient plus simple et constituant pour le créancier une garantie plus tangible que celle de l’État, la vente fiduciaire d’un immeuble pris en gage. Le débiteur est censé avoir vendu l’immeuble au créancier, qui le restituera une fois la dette acquittée. Nous avons un exemple d’έπίλυσις succédant à une vente fiduciaire dans un acte notarié où les juristes ont le plaisir de rencontrer le terme technique désignant l’hypothèque et de saisir ainsi la transition entre l’aliénation fiduciaire et l’hypothèque proprement dite.

Voici le document en question[20].

En l’an VI, 29 Mésori (13 sept. 111 a. C.), à Pathyris, devant l’agoranome Ammonios. Panobchounis fils de Totoeus a libéré la vente d’un terrain nu sis dans la partie sud de Pathyris, de deux coudées solides[21], qu’il avait hypothéqué à Patoûs fils de Pélaios et Bokénoupis fils de Patoûs par contrat de vente fiduciaire passé au dépôt d’archives de Pathyris devant l’agoranome Héliodore en l’an V, 27 Mésori (11 sept. 112 a. C.), pour la somme de 1 talent 1.000 dr. Lequel Patoûs et Bokenoupis étant présent au dépôt d’archives a reconnu avoir reçu et ne réclamer au sujet de toutes les écritures concernant la vente en aucune manière.

Suit la signature de l’agoranome Άμμώ(νιος) κεχρη(μάτικα), et, au verso, le titre de la pièce : Έπίλυσις Πανοβχού(νιος).

La différence entre l’aliénation fiduciaire et l’hypothèque est si peu sensible que l’on rencontre accolés dans un autre document les termes techniques πίστις et ύποθήκη sans mention de vente[22]. Celle-ci doit être sous-entendue, et il semble, en somme, que la vente fiduciaire ait été la forme usuelle de l’hypothèque dans les contrats entre particuliers.

En pratique, ces divers modes de nantissement pouvaient se combiner au gré des contractants. L’antichrèse était applicable à des objets qui n’étaient ni meubles ni immeubles ; à des biens abstraits, par exemple, à des droits lucratifs que le créancier était autorisé à exercer comme substitut du débiteur. C’est ainsi qu’un archentaphiaste ou directeur des pompes funèbres, prêtant une somme d’argent à un confrère, se fait céder par lui l’exercice des droits d’archentaphiaste privilégié pour un quartier, et, d’une autre part, une hypothèque générale sur tous les biens de son emprunteur[23]. L’antichrèse, emportant jouissance actuelle du bien mis en gage, pouvait aussi servir et servait sans doute ordinairement de loyer ou intérêt de l’argent prêté, ce que ne faisait pas l’hypothèque pure et simple. L’hypothèque, de son côté, étendue à un gage généralement de valeur bien supérieure au montant de la dette, avait besoin d’être limitée dans ses effets, de telle sorte que le créancier impayé pût se rembourser sur la valeur du gage, mais ne pas excéder son droit en revendiquant le tout. Il est aisé d’imaginer les combinaisons possibles entre le gage, l’antichrèse, l’hypothèque ; les opérations possibles sur ces valeurs représentatives de la dette, comme la cession à des tiers par vente ou héritage[24], le renouvellement ou novation des contrats ; les garanties supplémentaires assurant la solidité du gage lui-même, telles que les serments, les cautions fournies par des tiers, etc. Nous n’avons pas à entrer dans ce labyrinthe juridique, qui, dans l’Égypte ptolémaïque, était compliqué encore par la coexistence de deux droits. Il nous semble rendu plus inextricable, en droit égyptien, par le moyen même qu’on avait adopté pour rendre les transactions plus intelligibles, chaque convention étant unilatérale et ne visant qu’un seul objet. Avec ce procédé de simplification, toute clause connexe exigeait une convention spéciale, et ainsi se multipliaient les circuits et les paperasses, au grand bénéfice des scribes de toute sorte, monographes, commis d’enregistrement et greffiers des tribunaux.

Une question qui ne pouvait manquer d’être débattue entre créanciers et débiteurs, au moment où intervenaient les stipulations, était celle de l’intérêt de l’argent. Elle pouvait être résolue de deux manières différentes, suivant que le remboursement était stipulé à échéance fixe ou le prêt consenti pour une durée non définie. Dans le premier cas[25], le mode le plus simple de régler le loyer de l’argent — un moyen bien connu encore des usuriers modernes — était de ne pas stipuler d’intérêts, mais de les comprendre dans le capital à rembourser, l’emprunteur se reconnaissant débiteur pour une somme supérieure à celle qu’il avait réellement reçue[26]. Tel est le sens de bon nombre des actes de prêt sans intérêts que nous ont conservés les papyrus et qui feraient supposer chez les prêteurs égyptiens un rare désintéressement[27]. En général, ces contrats contiennent des clauses très rigoureuses : s’il s’agit d’un prêt à rembourser en nature, le blé doit être nouveau, pur, sans fraude, mesuré à la même mesure, transporté à la maison du prêteur aux frais de l’emprunteur[28]. Pour le moindre retard dans le paiement, la dette est immédiatement majorée de 50 %, et il semble que les prêteurs aient vu là leur principale chance de bénéfice. Les contrats renouvelés à échéance deviennent fort onéreux pour l’emprunteur. Un papyrus du 13 avril 99 avant notre ère nous offre un contrat de novation passé devant Dionysios, l’agoranome de Diospolis-la-Grande[29]. Asclépias dite Sénimouthis reconnaît devoir au choachyte Arsiésis 22 ½ artabes de blé prêtées sans intérêt, comme substituée, à son (défunt ?) père Panas, qui avait emprunté au père d’Arsiésis, par contrat égyptien, 14 artabes ; le tout à restituer dans le délai d’un mois à courir du surlendemain, faute de quoi, Asclépias paiera les artabes an prix du marché et l’ήμιόλιον en sus.

Il arrive aussi que l’intérêt soit expressément stipulé, soit comme courant à partir de l’emprunt, soit comme payable en sus de l’ήμιόλιον à partir de l’échéance en cas de non-remboursement[30]. Le revenu de la terre l’est toujours dans les contrats de location d’immeubles. Quand ils s’agit de terres ou d’immeubles pris à bail, il n’est pas facile de calculer la proportion de la rente exigée au capital loué : d’abord, parce que les contrats de location donnent bien la description et le bornage des terrains, mais non pas l’estimation de leur rapport, variable suivant l’étiage de l’inondation ; ensuite, parce qu’ils peuvent contenir des clauses diverses, des restrictions à la liberté du locataire, des servitudes onéreuses qui ont dû entrer en ligne de compte pour fixer le taux de la rente[31].

Voici un contrat de sous-location, passablement compliqué, conclu à Kerkéosiris le 10 novembre 103 a. Chr. et enregistré le relue jour, entre un appariteur du stratège, le Macédonien Horion, bailleur, et le Perse de la classe épigone Ptolémée dit Pétésouchos, preneur[32]. Horion sous-loue à Ptolémée trois lots de terres appartenant au catœque  Maron fils de Dionysios, lots désignés par tenants et aboutissants dans l’acte, mais dont on n’indique pas la contenance. L’affaire est conclue pour cinq années[33], moyennant une rente de 120 artabes de blé, mesure locale du temple de Souchos[34], livrables chaque année en nature au mois de Payni, sans décompte de la semence, garanties de tout risque et franches de tout déchet. Sur cette stipulation principale se greffent une foule de conditions et prévisions particulières, que le rédacteur de l’acte a dispersées sans ordre apparent dans son lexie. On dirait que le scribe a écrit sous la dictée des parties, celles-ci réfléchissant et se ravisant au fur et à mesure. D’abord, le blé devant être fourni nouveau, pur et franc, Ptolémée supportera les frais de battage et criblage sur raire banale, soit 3 artabes en sus de la rente, ainsi que les frais de transport. Mais, comme on l’a vu, les κλήροι assignés aux catœques étaient, en totalité ou en partie, de la lande qu’il fallait défricher. Horion exige donc que Ptolémée, au bout des cinq ans, lui rende la terre défrichée, nivelée, endiguée, nette de joncs, roseaux sauvages et autres broussailles, sauf un coin nommément désigné. Il est aussi convenu que Ptolémée défrichera la lande à ses frais ; mais Horion lui accorde néanmoins pour ce travail une subvention de 4 tal. 3.000 dr. de cuivre en don gratuit, dont 2 tal. 3.000 dr. payables de suite, les autres 2 tal. en deux années, à raison de 1 tal. par an, payable au mois de Pachon. Si même Ptolémée veut s’engager à terminer le défrichement dans la seconde année du bail, les 2 talents restants lui seront comptés au mois de Nichon qui suivra la signature du contrat. Ce n’est pas tout : le bailleur n’entend pas laisser son locataire libre d’épuiser le sol par un assolement continu en céréales. A partir de la seconde année, Ptolémée devra laisser reposer la moitié du domaine en y semant diverses graines à son choix, sauf les graines oléagineuses[35]. A ces conditions, Horion doit garantir à Ptolémée et à ses employés ou associés la libre jouissance des terres louées jusqu’à expiration du bail, que Ptolémée n’aura pas le droit de transférer à un autre sous-locataire[36].

Mais les promesses, même écrites, ne sont pas des garanties. En cas d’inexécution de quelqu’une des clauses du contrat, l’acte prévoit des sanctions pécuniaires à infliger à la partie contrevenante. Si Horion trouble ou laisse troubler la jouissance assurée au locataire, il sera passible d’une amende de 30 talents de cuivre ; s’il ne verse pas l’argent promis pour le défrichement, sa dette sera augmentée de 50 % et de dommages-intérêts. De même, si Ptolémée manque à s’acquitter de la rente stipulée, le bail sera résilié de plein droit et Ptolémée frappé d’une amende de 30 talents, avec dommages-intérêts[37] ; s’il contrevient à la règle de l’assolement, il devra 10 artabes de blé en sus de la rente ; s’il rend la terre en mauvais état à la fin du bail, 10 talents de cuivre. Enfin, il est une éventualité qu’un Égyptien devait prévoir, l’intervention du fisc. Si Ptolémée est obligé de payer des taxes pour le propriétaire Maron ou le locataire Horion, il déduira de la rente le montant des sommes portées sur les quittances, et, si le total dépasse la valeur de la rente, Horion remettra l’excédent à Ptolémée[38]. De ce chef, Ptolémée exige une garantie supplémentaire, à savoir, que, s’il n’est pas indemnisé, il aura le droit ou de poursuivre Horion ou de prolonger le bail jusqu’à ce qu’il soit rentré dans ses débours[39].

Les principales clauses du contrat sont résumées dans un extrait qui figure en tête avec la signature du συγγραφοφύλαξ et témoin Timostrate ; et à la fin, sur le verso, mention est faite des parties, de la durée du contrat et des six témoins, comme déclaration et acquiescement de Ptolémée. Au bas du recto, le certificat de Timostrate Τιμόστρατος έχω κυρίαν et la mention de l’enregistrement : έτους ιε τοΰ καί ιβ Φαώφι κδ τέ(τακται) είς άναγρ(αφήν), de la même main qui a écrit le corps de l’acte. Dans ce nome Arsinoïte où l’on n’a pas rencontré jusqu’ici d’agoranome, les receveurs de l’enregistrement se chargeaient sans doute de remplacer les notaires officiels. En Thébaïde, le ministère de l’agoranome rendait la formalité de l’enregistrement à l’άρχεΐον inutile ou du moins facultative. -

Il a déjà été question plus haut de prêts à restituer en nature, généralement à courte échéance et sans intérêts. La forme la plus simple et la plus ordinaire de ces actes est celle d’une reconnaissance signée par l’emprunteur, lequel se soumet d’avance aux exactions usuraires en cas de non-restitution à l’échéance. La forme solennelle est l’acte notarié. Les quittances constatant le remboursement faisaient foi sans autre formalité. Nous en avons cependant de notariées, qui emportent levée d’hypothèques ; une entre autres rédigée par Sosos, agoranome de Pathyris, acte constatant le rare désintéressement d’un certain Erianoupis, lequel, pour un prêt de 56 artabes de blé remontant à deux ans, se contente de la restitution pure et simple et fait remise de l'ήμιολία à son débiteur[40]. Dans les règlements de compte entre plusieurs créanciers et plusieurs débiteurs solidaires, on voit parfois s’introduire les sanctions les plus redoutées, l’amende, aggravée par le don de drachmes sacrées en argent monnayé à verser au Trésor, contre ceux qui tenteraient de revenir sur l’arrangement consenti[41]. Les prêts de céréales, consentis le plus souvent au moment des semailles et remboursables après la moisson, forment la majeure partie des obligations de cette espèce[42].

Les prêts d’argent sont plus rares. Ils peuvent prendre la forme d’une vente, dont le prix est versé quelque temps avant la livraison de l’objet vendu. C’est une avance qui, durant ce délai, est un véritable prêt. Ainsi, en 93 a. Chr., le 9 Choiak (22 déc.), un ménage de Perses à court d’argent vend à un certain Pétésouchos fils de Marrès 3 artabes de blé livrables au mois de Payni, c’est-à-dire dans six mois pleins, et reconnaît en avoir reçu le prix, 6.000 dr. ou 1 talent de cuivre[43]. Pétésouchos a largement payé la valeur du blé, et il n’exige pas d’intérêts ; mais, au moindre retard, il aura droit à l'ήμιολία et à tous les moyens d’exécution que lui assurerait un jugement en forme.

Nous avons, de Pathyris en Thébaïde, un acte notarié qui montre jusqu’où pouvaient aller les exigences des prêteurs d’argent. La femme de Dryton, Apollonia, qui s’entendait en affaires, prête 1 tal. 4.000 dr. de cuivre, remboursables dans quatre mois et demi, portant intérêt à 5 dr. la mine par mois, c’est-à-dire au taux de 60 % par an. Il va sans dire que, faute de remboursement à l’échéance, la dette sera augmentée de 50 % plus les intérêts du temps écoulé en surcroît, et tout recours sur les biens ouvert au créancier[44]. L’intérêt exigé par Apollonia est le double du taux usuel, qui parait avoir été de 24 à 30 %[45]. Une quinzaine de jours avant, en la même étude, un prêteur moins âpre, le Perse Thoteus, avait prêté à un ménage de camarades 5.600 dr. de cuivre pour trois mois sans intérêts. C’est seulement faute de remboursement à l’échéance et à partir de l’échéance que l’argent porterait intérêt à raison de 2 dr. la mine par mois, soit 24 % par an ; sans préjudice, bien entendu, de l'ήμιόλιον usuel[46].

Ces taux élevés s’expliquent assez bien par la rareté du numéraire dans un pays habitué aux échanges en nature, au paiement de l’impôt foncier et de la rente agricole en nature. Il y avait pourtant certains impôts qui devaient être payés en monnaie, et même en monnaie d’argent : c’est expressément le cas pour les amendes stipulées au profit du Trésor. On ne voit pas que l’État soit intervenu, du moins au temps des Lagides, pour fixer un taux légal d’intérêts ; mais il s’était préoccupé, dès le temps des Pharaons, d’empêcher qu’une créance fût indéfiniment accrue par l’accumulation des intérêts eux-mêmes capitalisés. Bocchoris avait, dit Diodore, interdit à ceux qui prêtent sûr contrat de porter par ce moyen le capital au-delà du double, comme il avait défendu aussi de saisir, pour le recouvrement de créances hypothéquées, les bœufs de labour et instruments de labourage et aboli la contrainte par corps[47]. La loi pouvait être tournée, et elle l’était, en effet, par-des stipulations d’amendes ajoutées à l'ήμιόλιον[48].

Le contrat de prêt, prêt en numéraire ou prêt d’immeubles sous forme de location, était, on l’a dit, la forme ordinaire à laquelle se ramenaient la plupart des transactions. Les contrats de vente, soit donnés dans leur texte même, soit cités et analysés au cours de procès engagés devant les tribunaux, sont assez nombreux aussi sous les deux formes imposées l’une par le droit grec, l’autre par le droit égyptien[49].

Pour les biens-fonds et immeubles en général, les ventes les plus minimes donnent lieu à des actes notariés, avec datation protocolaire et signalement des contractants ainsi que des témoins[50]. Un document de la fin du IIe siècle a. Chr. relate des ventes portant sur des parcelles de 1 1/4 ou même ½ aroure[51]. La vente d’un sycomore pour la somme de 1 talent 4.000 dr. de cuivre, prix à partager également entre les deux propriétaires de l’arbre, est conclue par devant Dioscore, l’agoranome de Pathyris, qui, dans un acte ou extrait très court, a su faire entrer un contrat de vente et un contrat de prêt. En effet, l’acheteur Zmenoûs verse le prix total à Patoûs, qui remettra dans six mois à sa sœur Takmeotts ou Takmoïs, copropriétaire, la moitié à laquelle elle a droit, sous peine d’ήμιόλιον en cas de retard[52].

Les contrats de vente, comme tous autres, pouvaient être régis par le droit égyptien ou le droit grec. Un des plus anciens, pour l’époque ptolémaïque, est celui que nous a conservé un papyrus démotique, acte pour argent, daté de Tybi an XII du comput égyptien, an XIII suivant le comput grec du règne de Philopator[53], et enregistré le 4 Tybi (15 févr. 209 a. Chr.) pour le paiement de la taxe de l’έγκύκλιον au bureau des recettes de Thèbes (Diospolis Magna). L’acte a été rédigé par un μονογράφος sacerdotal, Chesthout fils de Hor, qui écrit au nom des cinq ordres des prêtres d’Amonrasonther et des dieux dynastiques. Le scribe indique la filiation paternelle et maternelle des contractants, le Grec Nicon et l’Égyptien Thoteus, et il se dispense des longs signalements dont les agoranomes encombrent leurs minutes[54]. Le vendeur Nicon, cédant la propriété de 11 5/8 aroures, déclare en avoir reçu le prix ; dont, suivant la formule traditionnelle son cœur est satisfait, et se répand en protestation redondantes, prêt à défendre l’acquéreur Thoteus contre toute réclamation ultérieure faite en son nom ou au nom de tiers quelconques. L’enregistrement au τελώνιον de Thèbes offre des particularités intéressantes. Il est fait sans doute à la banque, appelée ici τελώνιον parce qu’elle est le bureau de recettes des fermiers[55] ; la taxe du décime, évalué à 8 dr. 2 ob. 2 chalc., est perçue έξ άμφοτέρων, c’est-à-dire versée à frais communs par le vendeur et l’acheteur ; enfin, il est fait mention ensuite de taxes supplémentaires, soit 3 ob. δωρεάς et 4 dr. 1 ob. comme χαλκιαία, une expression qui ne s’est pas encore rencontrée ailleurs et qui doit signifier l’appoint pour le change (mars). Sans doute l’appoint équivaudrait ici à la moitié de la taxe elle-même[56], si celle-ci était estimée en drachmes de cuivre ; mais il n’est pas possible qu’un terrain de la contenance de 11 5/8 aroures ait été cédé au prix d’environ 83 drachmes de cuivre. Le décime est donc bien calculé en drachmes d’argent.

Dans les contrats de vente égyptiens, l’acte principal, l’écrit pour argent, mentionne parfois un point de droit sous-entendu ailleurs : à savoir, que le vendeur cède à l’acheteur le dossier de l’immeuble vendu, les titres de propriété antérieurs. Que nous te garantissions cette propriété par toute pièce, par toute parole au monde, en tout temps. A toi appartiennent les pièces la concernant, en quelque lieu qu’elles soient, ainsi que tous les écrits qu’on a faits sur elle, et tous les écrits dont nous justifierons à son sujet. Tous ils sont à toi, ainsi que le droit en résultant. Ainsi parlent les vendeurs dans un acte dressé à Hermonthis par le notaire sacerdotal Éreias fils de Phétar, le 18 Pachon de l’an XXVIII de Philométor (14 juin 153 a. C.)[57].

Nous n’avons pas l’acte de cession qui complétait celui-ci, mais nous en rencontrons plusieurs types dans les pièces qui ont dû être versées au procès d’Hermias. Comme dans l’écrit pour argent, c’est le vendeur ou les vendeurs qui prennent la parole et s’épanchent de nouveau en verbeuses protestations. On y reproduit le protocole fixant la date des immeubles vendus, confirmant celle de l’écrit pour argent ; et la cession s’opère en ces termes, que nous empruntons à un acte du 29 Choiak an XXIII de Ptolémée Épiphane (3 févr. 182 a. C.) :

Ont dit d’une seule bouche NN. Il est à toi ce tiers de la maison en ruines ci-dessus, et ce tiers de tout ce qui en dépend. Nous n’ayons plus aucune parole à te faire à ce sujet. Personne au monde n’a rien à y voir. Nous seuls, nous nous chargeons d’écarter de toi (quiconque t’inquiéterait). Celui qui viendra à toi, à ce sujet, en notre nom, nous le ferons s’éloigner de toi[58]. Tu nous as fait reconnaître le droit de l’écrit pour argent que nous t’avons fait sur cette maison en Choiak an XXIII du Roi à la vie éternelle, pour que nous observions le droit en résultant, en dehors de celui de l’écrit de cession ci-dessus, ce qui complète deux écrits. Que nous observions le droit en résultant, en tout temps, de force, sans délai, sans opposition quelconque !

A écrit Pabi fils de Kloudj, qui écrit an nom des prêtres des cinq classes d’Amon-Ra roi des dieux et des dieux Adelphes, des dieux Évergètes, des dieux Philopators, des dieux Épiphanes[59].

L’acte de cession eût été complètement inutile s’il n’avait eu le caractère particulier d’un acte religieux à l’origine, impliquant l’adjuration ou prestation de serment en présence des prêtres ; plus tard, un caractère officiel que n’avait pas l’écrit pour argent. C’est là que l’on insérait les clauses pénales prévoyant contre les violateurs du pacte une indemnité pour la partie lésée et une’ amende à versa. en monnaie d’argent au Trésor royal[60]. Quand la vente avait lieu à terme ou à crédit, ne comportant pas de cession ou de paiement immédiats, les deux actes pouvaient être remplacés par un contrat de prêt à échéance fixe. L’acheteur est censé avoir emprunté au vendeur le prix de l’acquisition[61].

Le dédoublement des contrats de vente en deux actes distincts, l’un privé, l’autre public, était si bien entré dans les mœurs que les notaires grecs durent en tenir compte. Nous possédons au moins un type complet de vente en deux actes distincts, passés le même jour, le 2 Choiak an XIV de Ptolémée Alexandre (17 déc. 101 a. Chr.), par devant Hermias, agoranome de Pathyris[62]. L’acte de cession fixe les amendes à verser à l’acheteur et au roi au cas où la prise de possession serait entravée. Le plus souvent, pour ne pas s’obliger à dresser deux actes distincts, les agoranomes ont fait entrer dans le contrat de Vente à la grecque la substance des for-. mules égyptiennes par lesquelles le vendeur s’obligeait à ne plus réclamer en son nom et à couvrir le vendeur contre toute réclamation des tiers. L’éventualité visée ici et particulièrement redoutée en un temps où il n’y avait point d’enregistrement ou transcription obligatoire des contrats, avec possibilité de consulter les archives, c’était le cas où serait contestée par des tiers la propriété du vendeur lui-même, en vertu d’actes antérieurs à la vente effectuée par lui. Cette clause protectrice, avec pénalités à l’appui, ils l’ont même introduite dans de simples quittances. En même temps, ils conservaient dans les actes de vente les garanties que le droit grec demandait aux répondants, βεβαιωταί et προπωληταί, garanties réduites à une simple formule quand le vendeur était son propre répondant, ce qui est la règle[63].

Les agoranomes grecs nous ont laissé des spécimens plus accessibles de leur savoir-faire. La datation protocolaire d’un acte du 21 oct. 139 a. C., dressé pour la vente de 1/12 de 10 aroures, autrement dit 5/6 d’aroure, par l’agoranome Apollonios en son étude de Latonpolis, occupe dix lignes sur trente-deux au total ; et encore le notaire — suivant l’usage désormais courant — a supprimé les noms des titulaires des divers sacerdoces d’Alexandrie et de Ptolémaïs. Le signalement des contractants tient aussi une large place, et la mention de l’enregistrement pour la perception du vingtième, opéré le même jour à la banque de Latonpolis, reproduit les clauses du contrat. Il a été perçu, pour un prix de vente de 2 talents 3.000 dr. de cuivre, 750 dr., sur bordereau et pour le compte du traitant Agathinos[64].

Le chef-d’œuvre du genre et le plus anciennement connu est le papyrus Casati, trouvé non loin de Thèbes, rive gauche, au quartier des tombeaux, dans une jarre de terre cuite, avec nombre d’autres pièces constituant les archives domestiques de toute une famille de choachytes[65].

Il s’agit de la cession faite par le choachyte Horos fils d’Horos aux choachytes Osoroéris fils d’Horos et ses frères Nechmonthès, Pétosiris et Tagès, moyennant la somme de 20 talents, de tout un cimetière contenant la clientèle du vendeur, c’est-à-dire les corps des défunts confiés à sa surveillance et pour lesquels les familles intéressées payaient un droit de garde. L’acte de vente est passé le 9 Épiphi de l’an IV de Ptolémée Soter II (25 juillet 113 a. C.), à Hermonthis du nome Pathyrite en Thébaïde, par devant Hermias, agoranome de la région, et enregistré à Hermonthis le 28 Mésori (12 sept.). Le protocole, abrégé par la suppression des noms des prêtres et prêtresses éponymes, et le signalement minutieux des contractants, n’ont rien de particulier ; mais le catalogue des centaines de momies qui passent ainsi sous de nouveaux maîtres jette un jour curieux sur les mœurs égyptiennes, surtout si l’on en rapproche la plainte en violation de sépulture formulée une douzaine d’années auparavant (127/6 a. C.) par le même Osoroéris. Cette année-là, des voleurs avaient mis à sac un des tombeaux, dépouillé les momies, emporté le mobilier que le choachyte estime à 10 talents de cuivre, et, pour comble d’impudence sacrilège, laissé toute grande ouverte la porte, si bien que des corps en bon état ont été en partie dévorés par les loups[66]. On voit que cette mésaventure, bien faite pour nuire à la réputation du gardien, n’avait pas empêché Osoroéris d’étendre son commerce. La δεκάτη (1200 dr. pour 2 talents de cuivre), taux de l’έγκύκλιον à l’époque, fut payée le 28 Mésori à la banque d’Hermonthis, d’après le bordereau et pour le compte du fermier Ptolémée.

Le contrat dit de Ptolémaïs ou papyrus Anastasy, publié dès 1821 par Bœckh[67], est un acte du même genre, daté du 29 Tybi an XII/IX (14 févr. 105 a. C.), concernant aussi les Memnonia ou nécropoles de Thèbes, enregistré le 20 Pharmouthi (5 mai) à la banque d’Hermonthis. Ce document n’a plus aujourd’hui le même intérêt qu’au temps où il était le joyau du Musée de Leide et l’objet de commentaires où s’est exercée la sagacité laborieuse des premiers papyrologues.

Les deux non moins célèbres papyrus du Musée de Vienne ou papyrus de Zoïs[68], dont il a déjà été question plus haut, nous donnent un exemple de vente d’immeubles exigée par l’État pour récupérer un déficit dans le rendement d’une ferme sur les biens des répondants. Lorsqu’un fermier ne remplissait pas ses engagements, le Trésor avait recours sur ses biens, sur ceux de ses associés et de ses cautions, à la diligence de l’économe[69]. Dorion, fermier de nitrières pour l’an XXIX[70] dans le nome de Memphis, n’ayant pu payer au règlement de comptes en fin d’année, le fisc s’était rabattu sur ses biens, hypothéqués en vertu du contrat d’adjudication. Ceux-ci n’ayant pas suffi à couvrir le déficit, le fisc avait fait jouer la garantie des cautions. Parmi les répondants mis en cause se trouvait une femme, Thanoubis, qui s’était engagée pour la somme de 11 talents 4.000 dr. de cuivre. Comme Thanoubis, mise en demeure de s’exécuter, n’avait pu verser que 4.000 drachmes à la banque royale de Memphis, elle s’était substituée, pour répondre des 11 talents restants, sa fille Zoïs. Celle-ci, par vente publique aux enchères, entre en possession d’un jardin appartenant à sa mère et devient débitrice du Trésor pour la somme de 10 talents 4.000 dr., payables en quatre annuités de 2 talents 4.000 dr. chacune. Le reliquat de 2.000 dr. à percevoir pour éteindre la dette de Thanoubis est soldé par Thanoubis elle-même.

Ce qu’il y a de plus intéressant pour nous dans cette affaire, c’est la procédure suivie et la complication des écritures. Les papyrus conservés ont trait aux versements effectués par Zoïs et ne mentionnent que pour mémoire les faits antérieurs. Le premier document a trait au paiement de la deuxième annuité due par Zoïs en l’an XXXI, et le second au versement de l’an XXXIII, les reçus étant datés tous deux de Pharmouthi, c’est-à-dire du huitième mois de l’année. De cette date, on peut conclure que les opérations de recouvrement effectuées en l’an XXX, à la requête et par les soins du Trésor, avaient pris une bonne partie de l’année. L’initiative avait dû partir de l’économe (?) Théodore[71], sur le vu du  bilan en déficit de l’an XXIX. Le contrôleur Dorion — homonyme du fermier Dorion[72] — a été chargé, comme curateur des intérêts de l’État dans l’affaire, de faire vendre les biens hypothéqués, vente exécutée en Pharmouthi de l’an XXX. Il en a fourni le compte détaillé et nominatif duquel résultent les conventions signalées plus haut, Zoïs ayant acquis le jardin pour la somme de 10 talents 4.000 dr., et sa mère ayant versé les 2.000 dr. restantes. Le pacte avait été sans doute réglé d’avance et la vente rendue publique pour la forme, car, après l’annonce faite par le crieur Démétrios, personne n’avait enchéri sur le prix offert par Zoïs.

Les versements annuels de 2 talents 4.000 dr. faits par Zoïs mettent en jeu le mécanisme de la comptabilité. Théodore en l’an XXXI, Héliodore en l’an XXXIII, sur le vu des pièces fournies par le contrôleur et épimélète Dorion, envoie à Héraclide, directeur de la banque royale de Memphis, le mandat de la somme à percevoir contresigné par le contrôleur Dorion, d’après un certificat d’exactitude délivré par le topogrammate de la région, Pétéarendotis, avec ordre d’encaisser. Le versement est fait par Zoïs ès mains du commis d’Héraclide, Chérémon en l’an XXXI, Asclépiade en l’an XX XIII, en présence d’un assesseur Chrysippe, lequel déclare avoir constaté le paiement intégral de la somme due. Cette somme, de 2 talents 4.000 dr. de cuivre soumis au change, se trouve augmentée de taxes dont la raison est encore discutée. Théodore, dans sa lettre au banquier Héraclide, après avoir fixé la somme due comme annuité à 2 talents 4.000 dr., ajoutait : Exige en sus le 1/60 et le 4 %, et tout autre droit qui appartiendrait au Trésor. Le banquier, en effet, donne quittance de 2 talents 4,426 dr. 2/3, à savoir 2 talents 4.000 dr. de principal, 266 2/3 dr. pour le soixantième et 460 dr. pour le centième. Il ne s’agit évidemment pas du τέλος έγκύκλιον, qui aurait été de 5 ou 10 % ; et le taux de 1/60 est aussi beaucoup trop bas pour l'άλλαγή, qui, comme on l’a vu, était de 9 à 10 % pour les contribuables[73].

On a pu autrefois donner de ces faits une explication plausible en disant que le τέλος έγκύκλιον n’était pas perçu sur les ventes dont le Trésor encaissait le prix, ou que le taux en était abaissé dans de fortes proportions. En renonçant à percevoir les droits de mutation en pareil cas, l’État aurait facilité les ventes faites à son profit sans y rien perdre, les prix de vente pouvant être majorés de la somme dont les acheteurs faisaient l’économie par la remise ou le dégrèvement des taxes. Le fisc se serait contenté des droits réduits dont il est ici question, droits dont aucun n’est versé par Zoïs comme impôt d’achat, mais sans doute comme frais de bureau[74]. Cette explication, considérée comme suffisante, faute de mieux, ne peut plus être maintenue en présence d’un document du temps d’Épiphane relatant un cas tout à fait semblable, la vente, à la requête du Trésor, des propriétés d’un certain Théotime, lequel avait répondu pour un fermier de l’άπόμοιρα et se trouvait insolvable. La pièce de comptabilité atteste que l’acheteur, en outre du prix immédiatement exigible, a versé à la banque de Crocodilopolis en Fayoum, deux mois après, le montant du vingtième, moyennant quoi, la vente doit être ratifiée selon l’usage[75]. Il faudrait donc ou que, entre le règne d’Épiphane et celui de Philométor, le régime eût été changé au détriment du fisc, ce qui est improbable ; ou que Zoïs ait bénéficié par faveur spéciale d’un dégrèvement, ce à quoi on ne voit point de raison ; ou que le τέλος έγκύκλιον ait été payé aussitôt après la vente et qu’il n’en soit plus fait mention, ce qui, pour des comptes aussi précis, serait au moins singulier. Enfin, aucune de ces interprétations n’explique la nature des taxes si minutieusement dédoublées. On se demande pourquoi, dans l’έγκύκλιον réduit à 4 p. 100, ii y aurait eu aussi abaissement de l’άλλαγή au 1/60. Reste l’hypothèse suggérée plus haut, ni plus ni moins aventurée que les inductions précédentes : à savoir, que la vente adjugée à Zoïs était une vente à terme, produisant pour l’adjudicataire les effets d’une location jusqu’à versement intégral du prix, et que les droits susdits, échelonnés sur les versements partiels, étaient perçus comme droits de rédaction et d’enregistrement des pièces y relatives[76]. L’έξηκοστή serait le droit de mutation prélevé sur des baux de cette espèce, droit calculé d’après le nombre des annuités, c’est-à-dire produisant un total égal ou supérieur au vingtième ; et l'έκατοστή représenterait le coût des écritures, ce γράφιον ou droit de transcription dont nous avons souvent cherché la trace.

 

SECTION B. — LE DROIT PÉNAL.

Nous avons passé en revue les principes généraux et les applications les plus usuelles du droit civil : du droit pénal nous avons peu de chose à dire, car les papyrus ne nous ont point transmis d’acte de procédure de cette espèce, mais seulement des requêtes, pétitions et dénonciations signalant des délits, comme vols et voies de fait, et demandant que justice soit faite par qui de droit, sans désigner autrement ni la juridiction compétente, ni les pénalités prévues par les lois. Il faut mettre à part et laisser de côté, comme étrangères à la législation proprement dite, les sanctions pénales prévues par les actes privés ou les règlements administratifs contre ceux qui contreviendraient aux dispositions y contenues. La sanction habituelle est l’amende, applicable sur simple constatation du fait. La liste serait longue des amendes édictées contre les débiteurs du fisc, à titre quelconque, et aussi, il faut le reconnaître, contre les fonctionnaires rapaces, pour la protection des contribuables. Les Lagides n’ont négligé aucun moyen d’exploiter leurs sujets, mais ils étaient aussi intéressés à ne pas les laisser exploiter par d’autres.

En fait de lois pénales appliquées ou applicables en Égypte, nous ne connaissons que celles que Diodore nous donne comme édictées par les Pharaons, lois remarquables par leur antiquité et surtout intéressantes à ses yeux par leur caractère original. Ce sont précisément les lois les moins conformes aux habitudes gréco-romaines qui attirent son attention. Chez tous les peuples, le droit criminel dépend étroitement des idées religieuses et morales, d’après lesquelles s’estime la gravité des fautes et des sanctions et se fixe le rapport des unes aux autres. Le départ entre le droit criminel et le droit civil, confondus dans leur origine commune, s’opère lentement aussi, et la séparation n’est jamais complète. Il reste toujours des questions qui appartiennent à la fois à l’un et à l’autre, des sanctions pénales appliquées à des cas posés par le droit civil ou frappant les propriétés derrière les personnes, comme les amendes et confiscations. Il n’y a pas si longtemps qu’a disparu de nos codes la contrainte par corps infligée aux débiteurs qui n’avaient commis d’autre crime ou délit que d’être insolvables ; cette contrainte par corps fut théoriquement abolie en Égypte par Bocchoris. La loi d’Asychis[77], qui permettait aux emprunteurs de mettre en gage le cadavre de leur père, condamnait le débiteur insolvable qui aurait emprunté sur ce gage à la privation de sépulture, c’est-à-dire à une peine considérée en Égypte comme pire que la mort elle-même[78]. Ici, la valeur du gage et la gravité de la peine étaient estimées uniquement d’après les croyances religieuses. Il en allait de même pour le parjure, puni de mort comme offense aux dieux. La peine du parjure atteignait les auteurs des fausses déclarations, faites à l’autorité sous la foi du serment[79]. Il est douteux que, même dans la dévote Égypte, la loi ait été appliquée régulièrement et dans toute sa rigueur : mais le serment, débarrassé des imprécations qui lui donnaient un caractère terrifiant, n’a jamais cessé d’être une garantie légale, et l’on a vu comment le βασιλικός όρκος était exigé à tout propos, même par écrit, dans l’Égypte ptolémaïque. Du reste, tant que le droit criminel demeure sous la tutelle de la religion, les diverses formes de sacrilège sont au premier rang des crimes passibles de la peine capitale. Le meurtre des animaux sacrés était en Égypte le sacrilège par excellence, puni, au besoin, par la justice expéditive du peuple indigné[80]. Les décrets d’amnistie rendus par les Lagides les plus indulgents exceptent nommément de la grâce octroyée l’ίεροσυλία, au même titre que le φόνος έκούσιος[81].

D’après Diodore, la peine de mort, outre les cas précités, était prévue pour l’homicide volontaire[82], perpétré soit sur un homme libre, soit sur un esclave : la peine de mort aggravée par une torture préalable et le supplice du feu pour le parricide. Pour les parents qui avaient tué leurs enfants, la peine capitale était remplacée par une exhibition déshonorante. Ils devaient, durant trois jours et trois nuits, demeurer auprès du cadavre et le tenir embrassé, sous la surveillance d’une garde publique[83]. Une femme enceinte, condamnée à mort, ne subissait sa peine qu’après l’accouchement. Diodore, qui aime à philosopher, en donne au moins trois raisons, dont une seule, de sens commun, suffisait largement. La peine capitale pouvait être et était sans doute le plus souvent commuée par le roi en celle des travaux forcés, plus utile que l’autre à la société. Hérodote raconte que Sabacon, au lieu de faire exécuter les coupables, les condamnait à exhausser le sol de leur ville natale[84]. L’exploitation des mines et autres monopoles royaux employait évidemment beaucoup de forçats, qui étaient tous ou des criminels condamnés ou des prisonniers de guerre[85]. Diverses peines corporelles s’approchaient autant que possible du système du talion. On coupait la langue à l’espion, les deux mains aux faux monnayeurs, les parties génitales à l’auteur d’un viol, le nez à la femme adultère. La bastonnade était administrée au complice de la dite femme, et de même à ceux qui, témoins d’un assassinat ou de violences criminelles, n’auraient pas dénoncé les malfaiteurs. Encore devaient-ils prouver qu’ils n’avaient pu secourir les victimes, sans quoi ils étaient passibles de la peine de mort[86].

La loi égyptienne, si sévère pour les attentats sur les personnes, montrait une indulgence que Diodore trouve singulière pour les voleurs[87]. Elle ordonnait, dit-il, que ceux qui voudraient se livrer à cette industrie se fissent inscrire chez le chef des voleurs et qu’ils lui apportassent immédiatement les objets dérobés. Les personnes an préjudice desquelles le vol avait été commis devaient à leur tour faire inscrire chez ce chef chacun des objets volés, avec indication du lieu, du jour et de l’heure où ces objets avaient été soustraits. De cette façon on retrouvait aussitôt toutes les choses volées, à la condition de payer le quart de leur valeur pour les reprendre. Dans l’impossibilité d’empêcher tout le monde de voler, le législateur a trouvé un moyen de faire restituer, contre une modique rançon, tout ce qui a été dérobé[88]. En revanche, l’indulgence n’était plus de mise envers ceux qui, fraudeurs ou insolvables, faisaient tort au fisc. Pour ceux-là, la contrainte par corps, tant de fois abolie sur le papier, ressuscitait d’elle-même. La plupart des prisonniers dont les doléances nous sont parvenues s’adressent aux administrateurs du fisc, épimélètes et diœcète, pour obtenir la liberté ou au moins pour ne pas mourir d’inanition dans leur geôle[89].

Nous ne saurions dire dans quelle mesure a été conservé ou modifié le code pénal égyptien à l’époque ptolémaïque, ni s’il y en a eu un autre pour les habitants de race étrangère[90]. Il n’est pas probable que les indigènes et les étrangers, distingués pour le civil, aient été traités absolument de même au criminel. Les Romains, qui ont tant emprunté aux institutions de l’Égypte, ont peut-être pris en ce pays l’habitude, déplorable au point de vue de l’équité, de distinguer dans l’application des peines  entre les humiliores et les honestiores[91].

La solidarité ou, si l’on vent, l’indivision entre le droit civil et le droit criminel se manifeste surtout par la compétence des tribunaux chargés d’appliquer l’un et l’autre. Nous rencontrerons bien deux juridictions, l’une pour le droit égyptien, l’autre pour le droit gréco-égyptien ; mais non pas, dans chacune de ces catégories, des tribunaux à compétence exclusive, les uns jugeant au civil et d’autres au criminel[92].

 

 

 



[1] Voyez les textes dans L. Mitteis, Reichsrecht, pp. 528-529, notamment les Pap. Leid., n. C. O. Pap. Taur., IV et VIII. Pap. Grenf., II, n.26. Cf. à Rome les amendes au profit de l'arca Pontificum pour violation de sépulture, et de même en Grèce. Hirschfeld, Die Grabschriften welche Geldstrafen anornden, Königsb., 1888. Merkel, Ueber die sogenannten Sepulcralmulten (Fest. d. Gött. Jurist., Leipzig, 1892). La stipulation ordinaire, avec ou sans cette clause spéciale εΐς τό βασιλικόν (Pap. Grenf., I, n. 27. II, n. 25. 26. 28. 33. BGU., 998. Tebt. Pap., n. 110. Pap. Reinach, n. 13. 14. 15), est une amende de 50 % ajoutée au principal. Cf. Mitteis, pp. 310-512, avec références aux Pap. Leid., n. A. C. O. Pap. Par., n. 7. 8. 13. Pour un simple prêt de 24 ½ artabes de blé, déjà grevé de l’ήμιολία et remboursable en nature dans moins de quatre mois, l’emprunteur s’engage, s’il n’est pas prêt à l’échéance, à payer 3.000 dr. de cuivre par artabe, plus 60 dr. d’argent à titre d’amende et autant au Trésor (Tebl. Pap., n. 110, an XXII de Ptolémée XI ou XIII ?). Acte démotique de l’an 121 a. C., prévoyant amende de 5 deben d’argent monnayé pour les sacrifices des rois (Révillout, Procès d’Hermias, p. 145).

[2] Pap. Petr., I, n. 16 (2), l. 14, contrat de prêt de l’an XVII d’Évergète I (230 a. C.). Même clause, écourtée et devenue équivoque par omission de ώς (?), dans Hibeh Pap., n. 94. 95. Les contractants étant ici des fermiers de taxes, on peut les considérer comme débiteurs du Trésor : mais on retrouve la formule ή πράξις έστω πρός βασικά et πράσσοντι πρός βασιλικά dans des contrats de prêt entre particuliers (n. 124. 126 : vers 250 a. C.). De même, à la même époque, ή διάγνωσις έστω πρός βασιλικά (n. 93). Aussi, les éditeurs (ibid., p. 262) considèrent la formule comme a rather more general equivalent of κατά τό διάγραμμα. L’interprétation est plausible, mais je ne crois pas devoir m’y rallier pour tous les cas, notamment lorsque le texte porte ώς.

[3] Diodore, I, 79.

[4] Par exemple, Pap. Leid., C.

[5] Pap. Amherst, II, n. 43, an. 173 a. C., formule périphrastique équivalant (?) à καθάπερ έκ δικής. Dans le droit grec macédonien, la πράξις comme s’il y avait eu jugement remplaçait l’hypothèque et représentait ce qu’on appelait dans notre ancien droit l’exécution parée (Révillout, Précis, p. 1309, 1. Cf. p. 1350). L. Wenger (in Archiv. f. Ppf., II, pp. 52-53), constatant que la dite clause est absente de Pap. Grenf., I, n. 10, du 5 Thoth an VIII de Philométor (10 oct. 174 a. C.), contrat de prêt rédigé par l’agoranome  de Périthèbes et Pathyrite s, supposait qu’une loi était intervenue au cours de l’année 173, avant la rédaction de l’acte Pap. II, 43. Les Hibeh Papyri ci-après mentionnés ont éliminé cette hypothèse. L’expression πράξις καθάπερ έκ δικής se rencontre encore dans les Pap. Grenf., I, n. 28 (108 a. C.), 29 (105 a. C.), 31 (104 a. C.). Pap. Par., n. 7 (99 a. C. ?). Tebt. Pap., n. 109 (93 a. C.) Pap. Leid., O (89 a. C.). Pap. Reinach, n. 8. 9. 11. 10. 14. 15. 16.20. 22. 23. 28. 28. 29. 30. 31. 33 (entre 113-10 environ a. C.).

[6] Il y a là, ce semble, une explication peut-être définitive, en tout cas préférable à celles qui ont été données plus haut, du titre de πράκτωρ ξενικών ou ξενικός. C’est un recors opérant par contrainte à la mode étrangère, introduite par les Lagides. Le Pap. Taur., XIII (de 147 a. C.) nous montre l’exécution d’un jugement en matière civile et entre indigènes confié dit τώι έν Μέμφει ξενικών πράκτορι. L’ordonnance d’Évergète II (Hibeh Pap., n. 34) ne distingue pas entre Égyptiens et étrangers.

[7] Hibeh Pap., n. 34 a (de 301/0 a. C.).

[8] Hibeh Pap., n. 34. Le titre de πράκτωρ τών ίδιωτικών est nouveau pour nous. Antigone l’emploie sans doute, officiel ou non, pour bien affirmer que Patron doit payer de ses deniers, ou que l’argent, en surplus de la dette, doit lui revenir à lui Antigone, cette amende n’étant pas de celles que perçoit le πράκτωρ ό έπί τών βασιλικών προσόδων τεταγμένος (Pap. Petr., II, a. 22). Cela n’oblige pas à distinguer entre ίδιωτικών et ξενικών, les ξενικά étant aussi, et peut-être même exclusivement, des dettes particulières.

[9] Hibeh Pap., n. 92. Cf. d’autres cautionnements, de la même époque, n. 93. 94. 95. 112. Sur la responsabilité des cautions je ne connais encore que le titre d’une étude toute récente de G. Bortolucci, La fideiussione nell’ Egitto Greco-Romano (Bull. d. Istit. di Diritto Rom., XVII [1906], pp. 265-316).

[10] Hibeh Pap., n. 90 (de l’an XXV d’Évergète Ier, 223/2 a. C.) et 91 (de l’an IV soit d’Évergète [214/3 a. C.], soit de Philopator [219/8 a. C.]). Un détail curieux, relevé dans ces deux actes (et restitué dans Pap. Par., II, 44 : Grenfell-Hunt, ad Hibeh Pap., p. 257), c’est que les contractants prévoient opposition possible de la part de l’État. Et le plus singulier, c’est que, dans le contrat n° 90 (et dans Pap. Petr., II, n. 44), l’amende tombe de ce fait ; mais, dans l’acte n. 91, en cas d’empêchement, l’amende stipulée en argent demeure payable en nature.

[11] Tebt. Pap., n. 5, l. 233-261. Cf. Grenfell, ad loc., p. 58. On a vu plus haut que cette ordonnance n’a pas rassuré par la suite tous les débiteurs. Le roi protégeait surtout ses puante maigri. Défense est faite aux huissiers de saisir leur maison, leur outillage et leur bétail (ibid., l. 221 sqq. 231 sqq.). En oct. 108 a. C., ordre est donné aux πράκτορες de surseoir à toute poursuite contre Dionysios fils de Képhalas jusqu’à ce qu’il ait achevé ses semailles (Pap. Reinach, n. 18-19).

[12] Les formalités d’enregistrement sont les mêmes, ou à peu près, pour les actes grecs que pour les actes égyptiens (Wilcken, in Archiv. f. Ppf., II, pp. 308-9).

[13] Cf. Wilcken, ibid., p. 143.

[14] Cette garantie n’existait pas pour le prit de la main à la main sans écrit, qui est chose rare. En pareil cas, le créancier n’a d’autre moyen de contrainte que le serment déféré en justice au débiteur (Pap. Magdol., n. 25, lig. 1). Le Pap. Leid., O (p. 71 Leemans) est un procès-verbal du 14 Thoth an XXVI de Ptolémée Alexandre (21 sept. 89 a. C.), constatant que Pétémouthés a reçu de Conouphis τό δανεΐον διά χερός έξ [ό]ρκου παραχρήμα. Lumbroso (Rech., p. 168) lit έξ οΐκου.

[15] C’est l'antichrèse in solutum (cf. Révillout, Précis, p. 1236). D’après ce savant, l’antichrèse était d’invention chaldéenne, instituée pour mobiliser les immeubles, et c’est par comparaison entre le produit de la terre et sa valeur en argent que l’intérêt de l’argent fut fixé au taux légal de 20 % en Chaldée, de 30 % en Égypte au temps de Bocchoris. La rente en nature était cotée un peu plus haut, au tiers (33 1/3 %) de la récolte (ibid., pp. 1223-1226).

[16] Le mot ύποθήκη n’est pas à lui seul une définition. Il signifie proprement dépôt, et, dans un sens plus restreint, dépôt en nantissement ou gage. Ainsi, Patoûs reconnaît avoir reçu de sa sœur Takmeoûs κώνον σιδηροΰν έν ύποθήκη  (Pap. Grenf., II, n. 17). Il faut restreindre encore le sens pour en faire la définition de l'hypothèque légale ou gage sur immeubles garanti par l'État. Mais le mot signifie encore, dans un autre ordre d'idées, « supposition », prévision hypothétique, et c'est dans ce sens qu'on le trouve employé par les administrateurs qui, établissant le budget annuel, inscrivent sur les chiffres des contributions les quantités prévues, sauf à modifier les chiffres, suivant l'état des récoltes, pour les quantités percevoir.

[17] Cf., dans les Mélanges Perrot (Paris, 1903), la dissertation de P. Guiraud sur la date de l'ύποθήκη à Athènes, postérieure à Dracon.

[18] Pap. Petr., II, n. 48 a, de l'an 209 a. C. A Délos, tous les prêts faits par le Trésor du temple sont hypothéqués (Homolle, in BCH., XXVII [1903], pp. 78-79 : inventaire de 250 a. C.).

[19] Mitteis (Z. f. Rechtsgesch., XXIII [1902], p. 301) en doute, parce qu'on ne la rencontre pas dans les papyrus de vente ex pacto. Naber (Archiv. f. Ppf., III, pp. 20-21) conteste la valeur de cet argument négatif et cite comme exemple positif la vente de la maison de Tagès par Horos, père et créancier de la dite Tagès (Pap. Par., n. 5). Dans une pétition du 29 Athyr an IV (13 janv. 218 a. C.), il est question d'une créance mal hypothéquée sur une terre sans valeur (Pap. Magdol., n. 31),

[20] Pap. Heidelb., n. 1278, publié et commenté par G. A. Gerhard et O. Gradenwitz, ΩΝΠ ΕΝ ΠΙΣΤΕΙ (Philologus, LXIII [1904], pp. 498-583). Autre modèle de quittance par devant l’agoranome Sosos à Pathyris, du 16 Athyr an V (5 déc. 113 a. C.), dans Pap. Grenf., I, n. 26.

[21] Ce texte ne nous apprend pas encore ce que peuvent bien être des  coudées solides , c’est-à-dire cubiques (?), appliquées à la mesure des surfaces. Cf. Gerhard, op. cit., pp. 571-572.

[22] Pap. Reinach, n. 18-19, des 12-13 oct. 108 a. C. Révillout (Précis, p. 694 sqq.), constatant que l’écrit pour argent est le même pour les ventes réelles et les ventes fictives, signale un moyen employé pour assurer la restitution de la chose vendue par fiducie. C’était un engagement du créancier réputé acheteur, reconnaissant avoir en main un dépôt ou gage (akar), de valeur au moins égale, qu’il s’engageait à restituer lorsque le débiteur éteindrait sa dette.

[23] Révillout, Obligations, p. 173 ; acte fait à Memphis, le 9 Méchir de l’an XXI de Ptolémée Épiphane (15 mars 184 a. C.).

[24] A la différence des Babyloniens, chez les Égyptiens, la transmission de la créance n’était pas prévue ou l’était à peine... Pourtant la cession de créance, sinon à des tiers,ce qui est encore très douteux pour l’Égypte,du moins au débiteur lui-même, s’était introduite avec le temps dans les habitudes du droit (Révillout, Oblig., pp. 88-87. Cf. Précis, p. 1293).

[25] Pour que tout fût certain (dans la créance à terme fixe), il fallait non seulement un terme précis, mais un montant définitivement précis. Les intérêts devaient donc être compris dans la somme à payer. Le débiteur ne pouvait se libérer avant terme. Il n’avait pour cela qu’un seul moyen, celui de se faire céder sa propre créance, qu’il pourrait exercer à loisir, étant à la fois débiteur et créancier (Révillout, Précis, p. 1295. Cf. pp. 1328. 1344, 3). Le paiement avant terme eût été nul. La formule dans les actes est : Je ne puis le fixer d’autre temps ou jour (Ibid.).

[26] Cf. le texte cité par Révillout (Oblig., p. 87) : un créancier abandonne ses droits sur 1.440 deben ayant leur accroissement (houo) en eux, c’est-à-dire avec les intérêts incorporés au capital. Le cas-type est celui du prêteur et de l'emprunteur ; les autres peuvent se ramener à celui-là. L’acheteur qui ne se libérait pas immédiatement s’obligeait par un contrat de prêt envers le vendeur. Cf. Révillout, Oblig., p. 66. De même, le mari qui constitue une rente à sa femme est censé avoir reçu d’elle, à titre de prêt, le capital correspondant à ce revenu. A peu près tout ce que les Romains effectuaient au moyen de la stipulation, les Égyptiens pouvaient l’effectuer au moyen d’un acte de prêt (Révillout, Oblig., p. 81). Cf. Mitteis, Reichsrecht, pp. 270. 477. 479.

[27] Voyez la statistique des συγγραφαί par P. M. Meyer. A placer en tête des documents connus depuis 1900, par ordre chronologique, les Hibeh Pap., n. 88-89. Le premier (de 263/2 a. C.) est un prêt d’argent à intérêt : le second (de 239 a. C.) est un prêt d’argent άτοκον. Cf. Pap. Petr., III, n. 55 a (de 235/4 a. C.).

[28] Pap. Grenf., I, n. 18. 31, etc. Hibeh Pap., n. 84 a. Tebt. Pap., n. 105. 109. Lee formules complètes, νέον στιρεόν καθαρόν άδολον, dans les Pap. Reinach, n. 8-10, 14-16, etc. Στερεόν, traduit par compacter, doit signifier blé sec et dur, de bon poids, le mesurage ne donnant que le volume. On lit άμυλον (?), non moulu, dans Pap. Par., n. 7.

[29] Pap. Par., n. 7, en date du 29 Phamenoth an XVI ; restitution stipulée pour le 1er Pachon suivant.

[30] Cf. Pap. Grenf., I, n. 31, de l’an 104/3 a. C. Prêt de 5.600 dr. de cuivre, sans intérêts pour trois mois, mais avec ήμιόλιον et 2 dr. par mine et par mois (soit 112 dr.) à partir de l’échéance (Pap. Grenf., II, n. 18, de 127 e. C.). Mêmes conditions pour un prêt de 2 tal. 2.300 dr. de cuivre (ibid., II, n. 21, de 113 a. C.).

[31] Le taux ordinaire est de 5 à 6 artabes par aroure (cf. Tebt. Pap., n. 107. 103, et ce qui e été dit plus haut de la rente payée par les βασιλικοί γεωργοί). On rencontre à l'époque romaine (Pap. Amh., II, n. 88, de 128 p. C.) un maximum exceptionnel de 9 artabes de blé par aroure. La rente peut être stipulée en argent. Ainsi, le σικυήρατον de Pap. Petr., II, n. 44 rapporte au propriétaire 40 dr. de cuivre par aroure.

[32] Tebt. Pap., n. 103 ; date 24 Xandicos = 24 Phaophi de l’an XV (de Ptolémée Soter II) et XII (de Ptolémée Alexandre), 10 nov. 103 a. C. Il est contresigné par 6 témoins, y compris le συγγραφοφύλαξ Timostrate. C’est bien un contrat bilatéral et non plus, comme dans les contrats démotiques, une obligation contractée par le preneur seul : les deux parties imposent et acceptent des conditions réciproques. Les plus anciens contrats de location en langue grecque actuellement connus sont le bail précité concernant un σικυήρατον au temps de Ptolémée III : de la même époque, locations d’un κλήρος et d’autres préalablement confisqués (Pap. Petr., III, an. 74 a. 104-106) : location pour un an d’un îlot έκ τοΰ ίδίου κλήρου (Hibeh Pap., n. 90, de 223/2 a. C.) d’une terre quelconque (ibid., n. 91 ; de 244/3 ou 219/8 a. C.).

[33] Il faut assouplir la règle posée par Révillout (Précis, p. 4374), à savoir que  pour les champs, la location annuelle était réglementaire à l’époque ptolémaïque, les baux à plus longue échéance étant réservés aux terrains bâtis ou à bâtir, aux fermes complètes et maisons de ville. La règle de droit égyptien restait dans les habitudes, l’inondation pouvant modifier chaque année la qualité des terrains, mais elle était théoriquement abrogée. Le Pap. Petr. précité (II, n. 44) est un bail de sept ans. Location pour dix ans, dans Pap. Grenf., II, n. 33. Dans un papyrus de Magdola (n. 29), de l’an 218 a. C., un ψιλός τόπος, terrain à bâtir, est loué pour 99 ans. C’est une emphytéose. Avec les baux à long terme, le droit grec a introduit la faculté de sous-louer, que le droit égyptien réservait aux baux emphytéotiques.

[34] μέτρωι έξαχοινίκωι δρόμου τοΰ έν τήι προγεγραμμένηι κώμηι Σουχιείου (l. 40-44), c’est-à-dire l’artabe contenant six ou sept mesures de 6 chœnices chacune, ou 36 ou 42 chœnices (Grenfell-Hunt, ad loc., p. 462 ; et p. 232).

[35] πλήν έλαΐκών φορτίων (lig. 21). Ceci sans doute pour échapper aux tracasseries du monopole des huiles. Dans Tebt. Pap., n. 107, le tiers sera έν άναπαύσει.

[36] Un contrat de location du temps de Ptolémée III, portant sur un terrain à concombres, impose aux locataires, Métrodore et Épicure (homonymes des philosophes), une servitude bizarre. Ils ne doivent s’absenter ni jour, ni nuit, sous peine d’une amende de 2 oboles par jour (Pap. Petr., II, n. 44).

[37] Une courte lacune (l. 45) rend assez obscur le cas où, le bail n’étant pas résilié, Ptolémée devrait à Horion 3.000 dr. par artabe et lui abandonnerait toutes les récoltes jusqu’à ce que celui-ci fût complètement remboursé (l. 46-48). Ce tarif exceptionnel (qui se retrouve au n. 110) est une clause pénale.

[38] Dans Tebt. Pap., n. 107, le bailleur fournira la semence. C’est un usage général que le bailleur soit responsable des δημόσια (cf. Waszynski, Bodenpacht, pp. 115-118), sauf les réquisitions de balles et déchets pour fabrication des briques et chauffage.

[39] Le bail pardi avoir été résilié et repris par le propriétaire Maron, qui loue la même terre (?) au même Ptolémée, à meilleur marché (80 artabes), deux ans plus tard (Tebt. Pap., n. 106).

[40] Pap. Grenf., I, n. 26, du 5 déc. 113 a. C. Quittances notariées, II, n. 19 (118 a. C.), 22 (110 a. C.), 30 (102 a. C.), 31 (104 a. C.). Toutes portent la mention ός καί παρών έπί τοΰ άρχείου, le créancier étant présent au bureau des hypothèques.

[41] V. g. Pap. Grenf., II, n. 26.

[42] Les Pap. Reinach contiennent 21 actes de prêts de blé ou quittances de l’époque ptolémaïque. Cf., à titre de rareté, un prêt par acte notarié (Pathyris) de 6 artabes de sel, consenti sans intérêt pour trois mois pleins, avec amende éventuelle en artabes de blé, payables au bout de trois autres mois (fin mars-avril), après la moisson (Pap. Grenf., I, n. 29, du 12 sept. 105 a. C.).

[43] Tebt. Pap., n. 109. En Payni (juin-juillet, à l’époque), échéance ordinaire, le moisson était faite depuis deux ou trois mois.

[44] Pap. Grenf., I, n. 20, ann. 127 a. C. (7 novembre).

[45] Cf. Révillout, Lettres sur les monnaies égyptiennes, 1895, pp. 167 sqq. Grenfell, ad loc. cit., pp. 35. 43. Comme le fait observer Grenfell, nous ne connaissons probablement que des taux usuraires, les intérêts de l’argent non remboursé à l’échéance impliquant une pénalité. A l’époque romaine, l’Intérêt légal dans tout l’empire était de 12 %.

[46] Pap. Grenf., II, n. 18, an. 127 a. C. (21 oct.). Mêmes conventions pour prêts d’argent I, n. 20 (127 a. C.), II, n. 21 (113 a. C.), 27 (103 a. C.). Dans les Hibeh Pap., n. 88-89 cités plus haut, le prêt d’argent άτοκον parait être consenti pour une durée non limitée (?), mais à restituer dans les dix jours après avis de la créancière. Cf. les quittances de dettes transmises des grands-parents aux petits-fils, dettes qui avaient donné lieu à quantité de συναλλαγμάτων Αίγυπτίων καί Έλληνικών (Pap. Grenf., II, n. 28, du 10 déc. 103 a. C.). Paoûs avait payé 5.000 dr. pour sa part, καί τούς τούτων τόκους (II, n. 31, du 20 avril 104 a. C.).

[47] Diodore, I, 79. D’après Révillout (Précis, p. 1226), Bocchoris aurait fixé un taux légal de 30 % pour le numéraire et de 33 1/3 % pour les céréales. Le taux usuel, sinon légal, était de 24 % sous les Lagides.

[48] Révillout (Oblig., p. 219 sqq.) cite un contrat du temps d’Artaxerxès, où, en vertu du droit religieux (il s’agit d’une victime à fournir), sont stipulées des amendes usuraires, avec intérêts des intérêts, au taux énorme de 120 %, en cas de retard.

[49] Voyez la statistique, si souvent visée plus haut, de Wilcken (in Archiv. f. Ppf., I, p. 11), et celle de Paul M. Meyer.

[50] Ventes ou cessions gratuites v. g. Pap Grenf., I, n. 27, cession de 5 ½ aroures γής ήπείρου σιτοφόρου par Sebtitis à sa fille Naamsésis, de l’an 109 a. C., avec paiement de la δεκάτη, comme pour les ventes. Acte passé à Pathyris. Les ventes d’objets mobiliers donnaient rarement lieu à des actes en forme. Le Hibeh Pap., n. 84 a (probablement de 301/0 a. C.) est un acte de vente de 30 artabes de blé en double exemplaire ; le n. 109 des Tebt. Pap. (93 a. C.), un acte de vente de 3 artabes de blé à 2.000 dr. de cuivre l’une. Sous cette quantité insignifiante à si haut prix se dissimule sans doute quelque convention secrète.

[51] Pap. Grenf., I, n. 33, ann. circa 103/2 a. C. Cf. I, n. 36, la δεκάτη montant à 1.200 dr. de cuivre. Cf. les actes démotiques cités par Révillout (Le procès d’Hermias), en entre autres (p. 171) où Néchoutès vend 1/35 d’une propriété qui n’avait en surface que 14 πήχεις (aroures ?), soit 1/3 + 1/15 de πήχυς.

[52] Pap. Grenf., II, n. 16, ann. 137 a. C. L’acte peut être un extrait : il n’y est pas question de l’είκοστή.

[53] Révillout, Un papyrus bilingue du temps de Philopator (in Proced. of Soc. of Bibl. Archeol., XIV [1891], pp. 60-120.228). Griffith, A sale of land in the reign of Philopator (ibid., XXIII [1901], pp. 294-302). L’acte démotique est daté du XII et l’enregistrement grec du 4 Tybi XIII, le commis de la banque ayant soin de faire observer que l’acte a été rédigé έν τώι Τυβί ιγί. Il est maintenant démontré que le comput à la mode égyptienne faisait commencer le règne ou bien au 1er Thoth après l’avènement, ou bien à partir de la date réelle de l’avènement. On devrait donc réviser à ce point de vue les dates des actes rédigés par les notaires sacerdotaux. Si, d’autre part, l’on tient compte des scrupules qu’exposent les éditeurs des Hibeh Papyri (App. II. The systems of dating by the years of the King, pp. 358-461), relativement à l’avance de l’année financière sur l’année régnale, c’est tout un remaniement de la chronologie en perspective.

[54] Comme signalements démotiques, cf. celui d’Onnophris dans une συγγραφή Αίγυπτία μεθηομηνευμένη (Pap. Brit. Mus., I, p. 46). Ceux des agoranomes relatent une foule de détails, jusqu’à une dent cassée (?) (Pap. Petr., II, n. 32. BGU., n. 999).

[55] La banque de Thèbes fonctionnait déjà sous Philadelphe : cf. la quittance du 13 Pachon an XXXI (ap. Wilcken, Ostr., I, p. 66, 2). Cf. l’enregistrement d’un contrat égyptien de l’an 99 a. C. (Pap. Grenf., II, n. 34).

[56] C’est l’objection de Wilcken (Ostr., I, pp. 403. 718, 1), qui déclare ignorer ce que peut bien être la χαλκικία.

[57] Pap. dem. Louvre, n. 2416 : écrit pour argent, avec promesse d’adjuration et d’investiture que l’on fera dans le lieu de justice (Révillout, Le procès d’Hermias, pp. 40-48 : cf. p. 62). Voyez la traduction d’un texte égyptien (BGU., n. 1002, ann. 53 a. C.).

[58] Répétition de formules déjà employées dans l’écrit pour argent.

[59] Révillout, Le procès d’Hermias, pp. 23-26, d’après le Pap. dem. Berl., 114. L’écrit pour argent, du même jour, rédigé par le même Pabi, pp. 10-14. Le contrat de vente en deux actes était déjà une simplification. Dans le roman de Setna, la femme dont Setna est épris ne se livre qu’après avoir obtenu de lui abandon total de ses biens par écrit pour argent, écrit d’adjuration, l’acte d’oui ou de dessaisissement étant ajourné à plus tard. L’écrit d’adjuration est mentionné au futur, ainsi que l’acte d’oui, dans l’écrit pour argent, pour compléter trois écrits : mais il était souvent omis comme désormais superflu (Révillout, op. cit., pp. 20. 21).

[60] L’acte de partage cité par Révillout (op. cit., pp. 142-146), du 18 Choiak an XLIX (8 janv. 121 a. C.) est un acte d’oui. S’il a été enregistré le lendemain à la banque de Thèbes, pour la perception des droits, c’est qu’il résume les actes pour argent conclus entre les sept contractants.

[61] Révillout, Précis, p. 1344.

[62] BGU., n. 998.

[63] Cf. Pap. Grenf., I, n. 33. 34. 36. II, n. 15. 32. 35 etc. C’est une clause de style. Sur la βεβαιώσεως δίκη, voyez Pollux, VIII, 34. Harpocration, s. v. p. 44 Bekker. Sur la βεβαίωσις en droit égyptien, voyez Révillout, Chrestom. Démot., pp. CII-CXXVII. Mitteis, Reichtrecht, pp. 583 sqq. Waszynski, Bodenpacht, pp. 82-90.

[64] Pap. Grenf., II, n. 15. Cf. les prix de vente de 1 aroure à 2 talents en 101 a. C. (Ibid., n. 32), et de un quart de παστοφόριον, en l’an 98 a. C., au prix de 3.000 dr. (n. 35), avec perception de la δεκάτη pour l’un et l’autre acte.

[65] Acquis par Casati en 1822, reproduit en partie dans un papyrus du Musée de Leide (M). Voyez le texte et les notes de Brunet de Presle, d’après les travaux de Hase, Letronne, Reuvens, Leemans et Brugsch, dans les Pap. Par., n. 5, pp. 129-160. Le texte contient 561 lignes en 50 colonnes. Cf. les traductions latines de Leemans (1843) et de Brugsch (1850), avec commentaires. Le contrat, ou tout au moins le catalogue des momies, avait été rédigé en démotique (Pap. Berl., 3116, ap. Spiegelberg, Berl. Demot. Pap., taf. 42-44) et a été retrouvé par Brugsch.

[66] Pap. Par., n. 6 (papyrus Salt). Tous ces choachytes appartiennent à la famille connue par le célèbre procès d’Hermias.

[67] Erklärung einer ægyptischen Urkunds auf Papyrus, Berlin, 1821. Jomard, Éclaircissements sur un contrat de vente égyptien, Paris, 1822. Champollion-Figeac, Éclaircissements sur le contrat grec de Plolémaïs, Paris, 1823. L’enregistrement publié par Bultmann, Erklärung einer Beischrift auf einem ægypt. Pap., Berlin, 1824. La collection Anastasy est au musée de Leide : le contrat, qu’on avait cru de Ptolémaïs, parce qu’il y est fait mention des sacerdoces de Ptolémaïs (cf. la protestation de A. Peyron, II, p. 14 a : desinant tandem docti viri aura appellare contractum Ptolemaïdis), est le Pap. Leid. N., traduit par Révillout, Le procès d’Hermias, p. 200, 1, d’après le texte établi par Reuvens et Leemans. La copie récemment connue d’un acte de vente de l’an 99 a. C., passé à Crocodilopolis en l’étude de l'agoranome Paniscos (2 aroures pour 1 tal. de cuivre), n’offre aucune particularité nouvelle (Chr. Blinkenberg, Un contrat de vente de l’époque ptolémaïque, in Bull. Acad. Copenhague [1901], pp. 119-126. Cf. Wilcken, in Archiv. f. Ppf., I, p. 559).

[68] A. Peyron, Papiri greco-egizi di Zoide (Mem. d. R. Accad. d. Sc. di Torino, XXXIII [1828]). Textes publiés en 1826 par G. Petrettini, et à nouveau en 1885 (dans un Gymn.-Progr.) par C. Wessely.

[69] Cf. Reven. Laws, col. 34, 19.

[70] A choisir entre Ptolémée Philadelphe (39 ans de règne), Philométor (36 ans), Évergète II (54 ans), Soter II (31 ans). J’opterais volontiers pour Philométor et les dates de 153-148 a. C.

[71] Économe (Wilcken) ou peut-être ό έπί τών προσόδων (Peyron). Dans le second papyrus, Théodore est remplacé par Héliodore.

[72] On pourrait signaler à tout propos les méfaits de l’homonymie : ici, deux Dorion, et deux Héraclide, le trapézite et le père de Zoïs. Dans le procès d'Hermias (ci-après, ch. XXIX), deux Hermias, le demandeur et le stratège, deux Héraclide, etc.

[73] Taux confirmés par les textes réunis desquels Smyly (in Pap. Petr., III, p. 86) tire la conclusion que l’appoint variait de 2 ob. 1/8 à 2 ob. 5/8 au statère, c’est-à-dire de 8,83 à 10,9 p. 100. Mais les Hibeh Pap. (n. 51. 67. 68) nous apprennent que, quand le Trésor avait à payer au lieu de recevoir, il baissait le change à 3/4 d’obole au statère, c’est-à-dire à un peu plus de 3 p. 100 (n. 51, lig, 6).

[74] Lumbroso, Recherches, p. 305. Lumbroso parait accepter implicitement les solutions proposées par A. Peyron pour l'έκατοστή (rapprochée de la centesima rerum venalium), et par Droysen (de Lagidarum regno, p. 44) disant de l’έξηκοστή et έκατοστή : nescio an tributa sigillaria, scribarum præmium etc. fuerint. Ct. Wilcken, Aktenstücke, p. 40.

[75] Pap. Par., II, n. 46 c. III, n. 57 6. La vente de la maison de Théotime avec ses dépendances eut lieu le 10 Épiphi an III (18 août 202 a. C.) ; le versement des droits, le 12 Thoth an IV (24 oct. 202). De même, dans BGU., n. 992 : vente au profit de la cassette royale, avec taxe du vingtième.

[76] Il y a là des questions qui se discutent encore. Un document nouveau (Hibeh Pap., n. 66 : du 29 juin 228 a. C.) suggère aux éditeurs (ibid., pp. 213-214) des comparaisons avec le cas de Zoïs et des conclusions inattendues. Un certain Protarque écrit au banquier Clitarque qu’il a sous-loué aux fermiers de la δωρεά la perception des taxes de 1 et ½ p. 100, et que Clitarque est tout désigné pour être son caissier, puisqu’il reçoit le produit du vingtième dans la même région. La δωρεά serait donc ici une taxe (Pap. Petr., III, n. 53 s) ou un ensemble de taxes dont faisaient partie l'έκατοστή et la διακοσιοστή susmentionnées. Ces taxes auraient été perçues non pas au lieu, mais en sus de l’έγκύκλιον, et, loin d’être allégées pour Zoïs, elles auraient été aggravées. Mais, dans l’hypothèse, Zoïs devait payer les droits de mutation, et the absence of the έγκύκλιον in P. Zoïs then remains unexplained.

[77] Hérodote, II, 136. La prison n’est pas une peine légale, mais un moyen de contrainte. Nous la trouvons appliquée à toute espèce de débiteurs et prolongée des mois durant (cf. Pap. Par., III, n. 36).

[78] Cambyze fit brûler les momies d’Amasis et de sa femme. Ce genre de pénalité posthume reparut dans les abominables lois de majesté que l’Empire romain transmit à l’Inquisition du moyen âge.

[79] Diodore, I, 77. 78.

[80] Diodore, I, 83.

[81] Cf. Tebt. Pap., n. 5, l. 4-5. La décapitation prévue pour violation d’une charte royale de la XXIIe dynastie : Celui qui s’attaquera à cette stèle sera châtié par le roi fort. Il sera abattu sur le billot de Sekhet (Révillout, Précis, p. 188).

[82] D’après Philostrate (V. Apoll. Tyan., V, 6), les lois de Memphis ordonnaient à l’auteur d’un meurtre involontaire de s’enfuir chez les gymnosophistes, de se faire purifier par ces cénobites, et de ne rentrer chez lui qu’après avoir sacrifié une petite hostie sur le tombeau de sa victime.

[83] Les Égyptiens paraissent avoir coté très haut les peines infamantes. D’après Diodore (I, 78), le code militaire n’en infligeait pas d’autres aux déserteurs et insoumis, qui pouvaient se réhabiliter par des actions d’éclat. C’est à peu prêt tout ce que nous savons des lois concernant les soldats.

[84] Hérodote, II, 137. Cf. Diodore, I, 63.

[85] Diodore, III, 11.

[86] La peine de mort pour les individus ayant fait de fausses déclarations sur leurs moyens d’existence et ceux qui gagnaient leur vie par des moyens illicites (Diodore, I, 11) me parait être un article de fantaisie.

[87] Diodore, I, 80. A moins que le vol n’eût été commis au détriment du roi des dieux, auquel cas il était sacrilège. Révillout (Précis, p. 136) cite un procès du temps de Ramsès III, à la suite duquel le voleur fut torturé et écartelé. Procès d’un intendant du temple d’Amon, sous la XXIe dynastie (ibid., pp. 157-162), se terminant par absolution.

[88] Je ne voudrais pas faire de comparaison désobligeante, mais il y a bien quelque analogie entre ces pratiques et la sécurité que la loi britannique assure aux agences de voleurs qui, protégées contre l’extradition, centralisent sur sol anglais le produit des vols commis à l’étranger et restituent contre une rançon les titres que les voleurs ne pourraient négocier, mais pourraient détruire.

[89] Pap. Par., III, n. 36.

[90] Sur une liste de recensement, on trouve la curieuse mention φώρες θ, qui ferait supposer que la profession de voleur était légalement reconnue (Pap. Par., III, n. 59 a). L’explication donnée par l’éditeur Smyly : searchers for stolen property, est satisfaisante.

[91] Cette distinction, comme on sait, n’apparaît que dans la jurisprudence des légistes impériaux.

[92] Dans le droit royal des Ramessides, d’après Révillout (Précis, p. 138, 2), les causes civiles étaient jugées par les tribunaux sacerdotaux, — les juges des prêtres d’Amon, — ou la Haute-Cour des Trente suteni ; les causes criminelles déférées au dja ou préfet assisté de deux assesseurs, c’est-à-dire aux agents du pouvoir exécutif.