HISTOIRE DES LAGIDES

TOME QUATRIÈME. — LES INSTITUTIONS DE L'ÉGYPTE PTOLÉMAÏQUE. - (suite et fin)

 

CHAPITRE XXVIII. — LE DROIT.

 

 

Chez les peuples à gouvernement despotique, la loi est la volonté du souverain, l’idée d’un droit fondé sur une conception rationnelle du juste et de l’injuste[1] y est remplacée par le respect d’une tradition qui heureusement s’impose au monarque lui-même et est censée remonter à une révélation divine. C’est dire qu’en Égypte, comme chez tous les peuples sans exception dans ce qu’on pourrait appeler la période théologique de leur existence, le droit faisait partie de la morale religieuse, des prescriptions rituelles élaborées par les prêtres, dépositaires de la révélation et investis d’une autorité divine. Au temps où les dieux en personne gouvernaient l’Égypte, le dieu Thot avait assumé le rôle de législateur. Nous savons que les Pharaons passaient pour être non seulement les successeurs, mais les fils des dieux, et avaient pris pour eux, en qualité de dieux vivants et grands-prêtres de la nation, l’autorité qu’ils avaient probablement enlevée aux corporations sacerdotales. Cette autorité, en changeant de mains, n’avait point changé de nature[2].

Après la constitution ancienne qui fut faite selon la tradition, sous le règne des dieux et des héros, dit Diodore, le premier qui engagea les hommes à se servir de lois écrites fut Ménès, homme remarquable par sa grandeur d’âme et digne d’être comparé à ses prédécesseurs. Il fit répandre que ces lois, qui devaient produire tant de bien, lui avaient été données par Hermès (Thot). C’est ainsi que chez les Hellènes, Minos en Crète et Lycurgue à Lacédémone prétendirent que les lois qu’ils promulguaient leur avaient été dictées par Zeus et par Apollon... Le second législateur de l’Égypte a été Sasychis, homme d’un esprit distingué. Aux lois déjà établies il en ajouta d’autres et s’appliqua particulièrement à régler le culte des dieux. Il passa pour l’inventeur de la géométrie et pour avoir enseigné aux Égyptiens la théorie de l’observation des astres[3]. Le troisième a été Sésoosis, qui non seulement s’est rendu célèbre par ses grands exploits, mais qui a introduit dans la classe des guerriers une législation militaire et a réglé tout ce qui concerne la guerre et les armées[4]. Le quatrième a été Bocchoris, roi sage et habile : on lui doit toutes les lois relatives à l’exercice de la souveraineté, ainsi que des règles précises sur les contrats et les conventions. Il a fait preuve de tant de sagacité dans les jugements portés par lui que la mémoire de plusieurs de ses sentences s’est conservée jusqu’à nos jours[5]. Mais on rapporte qu’il était faible de corps et très avide d’argent. Après Bocchoris, Amasis[6] s’occupa aussi des lois. Il fit des ordonnances sur le gouvernement des provinces et l’administration intérieure du pays. Il passa pour un homme d’un esprit supérieur, doux et juste ; c’est à ces qualités qu’il dut le pouvoir suprême, car il n’était pas de race royale... Darius, père de Xerxès, est regardé comme le sixième législateur des Égyptiens. Ayant en horreur la conduite de Cambyze son prédécesseur, qui avait profané les temples d’Égypte, il eut soin de montrer de la douceur et du respect pour la religion. Il eut de fréquentes relations avec les prêtres d’Égypte et se fit instruire dans la théologie et dans l’histoire consignée dans les annales sacrées. Apprenant ainsi la magnanimité des anciens rois d’Égypte et leur, humanité envers leurs sujets, il régla sa vie d’après, ces modèles... Voilà les hommes auxquels on doit ces lois qui font l’admiration des autres peuples. Plusieurs de ces institutions, qui passaient pour très belles, furent plus lard abolies, à l’époque où les Macédoniens s’emparèrent de l’Égypte et mirent fin à l’ancienne monarchie[7].

Dans un autre passage, Diodore analyse de plus près la législation de Bocchoris concernant les contrats. Il en signale au moins les dispositions principales : 1° les débiteurs qui ont emprunté de l’argent sans contrat écrit peuvent se libérer par serment ; 2° les créances écrites ne devaient point s’accroître par accumulation des intérêts au-delà du double du capital, ce qui impliquait interdiction de l’anatocisme ou capitalisation des intérêts ; 3° la contrainte par corps était abolie. C’est un ensemble de dispositions qui, en introduisant le prêt à intérêts, interdit jusque là, parait-il, par la loi religieuse, en prévenait les abus. Seulement, ni le roi ni les prêtres n’entendaient accepter pour eux le droit commun, et les hommes de loi, partout ingénieux à tourner la loi, enseignèrent aux particuliers le moyen de participer au privilège en introduisant dans les contrats, à titre de clause pénale, une amende à payer au Trésor royal. Celui-ci était alors en droit de recouvrer sa créance — et par surcroît de faire rembourser celle du vendeur ou prêteur — par tous les moyens de coercition, saisie des biens et contrainte par corps[8].

Nous n’avons pas à vérifier ici les allégations de Diodore et à rechercher les sources où il les a puisées. II est évident que ni lui’, ni Hérodote avant lui, n’ont eu sous les yeux le code en huit volumes dont un exemplaire était, dit-il, placé-devant les juges de la Haute-Cour du royaume[9]. On s’accorde généralement à lui faire crédit, en le considérant comme un compilateur capable tout au plus de copier ses devanciers, et en supposant que ceux-ci avaient les moyens d’être bien renseignés. Nous citerons au fur et à mesure les fragments du code égyptien épars„ dans son œuvre : pour le moment, nous n’avons qu’à constater l’existence d’un droit égyptien antérieur à la conquête macédonienne, modifié en certaines parties, niais non aboli par les nouveaux maîtres de l’Égypte. Ceux-ci ont continué à l’appliquer à la population égyptienne, se réservant d’importer ou de créer, à l’usage de leurs sujets d’origine hellénique ou de nationalités assimilées, un droit plus en harmonie avec les idées et les habitudes préexistantes des Gréco-Macédoniens[10]. Il est douteux que les Lagides aient éprouvé la même admiration quo Diodore pour l’œuvre des législateurs indigènes ; mais, pas plus en matière de jurisprudence qu’en matière de religion, ils n’ont jamais cherché à effacer la distinction des races au sein de leur empire. Il leur suffisait de les dominer l’une et l’autre, et d’être au sommet des deux juridictions coexistantes, libres d’ailleurs de provoquer des échanges entre les deux traditions par des retouches opportunes. A côté des anciennes lois du pays, il y avait donc une législation gouvernementale, établie et complétée au fur et à mesure par des ordonnances royales qui pouvaient aussi, au besoin, abroger ou modifier certaines dispositions du droit indigène[11]. Dans une pièce de procédure récemment publiée, il est dit que lès parties justiciables du for hellénique seront jugées d’après les instructions du roi Ptolémée, et, pour ce qui n’y serait pas contenu, d’après les πολιτικοί νόμοι[12]. Une esquisse sommaire des principaux thèmes juridiques nous permettra de signaler çà et là les différences, allant parfois jusqu’à l’antagonisme, entre les deux jurisprudences.

 

SECTION A. — LE DROIT CIVIL.

§ I. LES PERSONNES.

La différence entre les deux législations apparaît tout d’abord dans l’organisation de la famille, et même elle n’éclate nulle part avec autant d’évidence.

On sait, par de nombreux exemples et surtout par l’histoire de la transmission du pouvoir royal d’une dynastie à l’autre, que la femme avait en Égypte une valeur sociale et jouissait d’une indépendance que ne lui reconnaissaient pas les coutumes gréco-romaines. Tandis qu’en Occident, sous le régime fortement constitué de la monogamie, l’enfant était avant tout le fils ou la fille de son père légal[13], le droit égyptien, legs d’âges lointains où la paternité n’était pas garantie, attachait la plus grande importance, dans les questions de légitimité et d’hérédité, à la filiation maternelle. Diodore a pu dire qu’en Égypte aucun enfant n’était réputé illégitime, lors même qu’il était né d’une mère esclave[14]. L’historien se méprend sur la raison de ces coutumes, qui est pour lui la théorie grecque de la génération ; mais il ne s’éloigne pas trop de la vérité en ce sens que les enfants nés d’unions considérées ailleurs comme illégales n’étaient point des bâtards s’ils étaient reconnus par leur père, et que même les enfants sans père n’étaient point signalés comme tels dans les actes égyptiens, la coutume étant de n’y inscrire que le nom de la mère[15]. C’est une preuve décisive de l’absence de castes en Égypte, le système des castes entraînant nécessairement une surveillance jalouse de la filiation et des pénalités souvent cruelles contre l’adultère.

La polygamie, interdite aux prêtres[16], mais maintenue en principe pour les profanes[17], avait ainsi, par un effet inattendu, contribué à relever la condition de la femme, devenue le point d’attache légal de sa descendance. Les Égyptiennes passaient pour très séduisantes, expertes aux choses d’amour et sachant très bien exploiter les passions qu’elles inspiraient[18]. Le roman de Setna nous initie aux manèges d’une rouée, Taboubou, qui se fait donner tous les biens de Setna avant de l’épouser et, une fois mariée, obtient de lui qu’il fasse tuer ses enfants d’un autre lit[19]. Diodore va jusqu’à dire que, dans les contrats de mariage, le mari promettait obéissance à sa femme[20]. Hérodote affirmait et Sophocle répétait après lui qu’en Égypte les hommes filent et tissent au logis, tandis quo les femmes vont gagner dehors le pain de la famille[21]. C’est une exagération quo les documents en notre possession permettent de rectifier, mais qui atteste à quel point les mœurs égyptiennes paraissaient étranges à un Gréco-romain.

La femme avait donc gardé le droit de ne se donner qu’à bon escient et à des conditions généralement onéreuses pour le mari. Elle pouvait même, nous le verrons, introduire dans ces conditions des clauses interdisant au mari d’user de la faculté que lui laissait la loi, celle de procréer des enfants avec une ou plusieurs épouses de second rang, du vivant de la première[22]. Ainsi se rapprochaient, dans la pratique et par l’initiative des intéressés, le droit d’origine grecque et le droit égyptien.

En fait de mariage, le droit égyptien laissait aux contractants une liberté pour ainsi dire illimitée, et pour le choix des personnes et pour les conventions matrimoniales. Point d’empêchements résultant de la parenté. Les Lagides ont encouragé par leur exemple et les Romains eux-mêmes n’ont pas supprimé tout d’abord la liberté du mariage entre frères et sœurs, considéré en Europe comme incestueux[23]. Les Romains se gardaient de plier à leurs usages les peuples conquis. Comme ils permettaient la polygamie aux Juifs dispersés dans leur empire[24], ils toléraient en Égypte une forme de mariage passée dans les mœurs et qui, étant donné les droits égaux des frères et sœurs en matière de succession, avait pour effet utile de prévenir le morcellement des héritages[25].

En revanche, le droit égyptien exigeait pour le mariage, comme pour toutes les transactions, qu’il y dit un contrat écrit[26]. Aussi possédons-nous un assez grand nombre de contrats de mariage rédigés en démotique, et quelques-uns, plus intéressants pour nous, en langue grecque. On peut constater dans ces documents une grande variété de stipulations et comme une échelle graduée d’unions plus ou moins serrées, depuis le marché de la femme qui se vend comme concubine ou le mariage sans domicile commun jusqu’au mariage de première classe, qui établit d’emblée maîtresse de la maison la femme en possession d’un douaire ou dot à elle reconnue par le mari et exigible de lui en cas de divorce[27]. En règle générale, cette dot est fictive[28] : elle est, sous un nom peut-être nouveau, le prix d’achat de la femme, obligatoire dans la forme archaïque du mariage et remplaçant le rapt plus archaïque encore[29]. A défaut de dot, on retrouve jusque dans les formes inférieures du mariage — et surtout dans celles-là — l’indemnité que l’homme doit à la femme conquise par lui : elle est alors le don nuptial, le prix de la virginité.

Dans le mariage égyptien à l’ancienne mode, il n’était pas question de dot apportée par la femme ; le mari faisait, au contraire, parade de ses libéralités, promettait d’assurer à sa femme une provision annuelle et s’obligeait à verser une forte indemnité s’il venait à la répudier : le tout garanti par une hypothèque générale sur ses biens[30]. Dans le mariage gréco-égyptien, la dot fictive (dos ex marito) remplace les cadeaux et indemnités. Elle reste dans la communauté tant que l’union demeure, mais elle appartient réellement à la femme : c’est à elle, et non à son père, qu’elle doit être restituée en cas de divorce, restituée en totalité et parfois même, selon les conventions, avec un surcroît de 50 %. Il n’y a là de nouveau que l’entité juridique appelée dot, familière aux légistes gréco-romains : le fonds égyptien demeure sous cette accommodation de pure forme.

Une des formes les plus originales du mariage à la mode égyptienne était le mariage à l’essai, qui, au bout d’un certain temps, se dénoue par une séparation prévue ou se convertit en mariage définitif[31]. Dans un pays où les enfants s’élevaient à si peu de frais et étaient la richesse des familles pauvres[32], la période d’essai permet tait à l’épouse provisoire de faire preuve de fécondité. Cette forme de mariage était considérée comme parfaitement régulière et pouvait, aussi bien que le mariage définitif, emporter interdiction pour-le mari de prendre concurremment une autre femme. C’est apparemment une union de ce genre qu’avait contractée Asclépias, dont le fils réclame la dot. Asclépias s’était mise en ménage avec un certain Isidore, qui lui avait reconnu une dot de 2 talents et s’était engagé à faire un contrat de mariage définitif dans le laps d’un an ; faute de quoi, il restituerait la dot avec 50 % en plus. Jusque-là, les époux vivraient comme mari et femme sous le régime de la communauté[33]. Asclépias étant venue à mourir avant l’échéance, Ptolémée, un fils qu’elle avait eu d’un autre lit, réclame la dot de sa mère avec les intérêts. Le délai fixé pour la conversion du mariage à l’essai en mariage définitif était ici d’un an[34]. Il importe peu de rechercher si ce laps de temps, suffisant pour éprouver la fécondité de la femme, était de tradition ou susceptible de se prolonger au gré des parties[35] ; s’il fallait, pour la conversion, un nouveau contrat stipulant constitution de dot, ou si le mariage à l’essai pouvait se conclure avec reconnaissance du dot, comme il semble quo ce soit le cas pour Asclépias et Isidore. Leur convention montre de quelle liberté jouissaient les parties contractantes et combien flottantes sont les lignes de démarcation que l’on essuie de tracer entre l'άγραφος et l’έγραφος γάμος. Si la réclamation adressée au stratège par l’héritier d’Asclépias était fondée, — ce que nous ne pouvons plus savoir, — les époux auraient contracté un mariage du type έγγραφος, mais ne devant avoir son plein effet que par suite d’une confirmation prévue dans un délai donné.

Au point de vue moral, le plus intéressant pour l’historien, il n’y avait pas grande différence entre le mariage à l’essai où telle autre variété de l'άγραφος γάμος, ressemblant au concubinat, et le mariage de plein droit ou έγγραφος γάμος, celui-ci pouvant aussi être rompu à tout moment au gré de l’une ou l’autre des parties et l’éventualité du divorce étant prévue ou sous-entendue dans tous les contrats.

Avec le régime de l’égalité complète, qui permettait à la femme de disposer librement de sa personne et de ses biens ; régime aggravé, au détriment du mari, par les donations usuelles qui réduisaient parfois celui-ci à demander assistance à sa femme, le droit égyptien renversait les rôles pie les mœurs grecques attribuaient aux deux sexes et brisait l’unité de la famille[36]. Malgré le respect que professaient les Ptolémées pour les coutumes indigènes, ils crurent devoir, sur ce point capital, établir une certaine uniformité entre les deux législations appliquées dans leur empire. Avaient-ils constaté que la contagion du féminisme égyptien, qui trouvait à s’exercer dans les mariages mixtes, tendait à ébranler les principes fondamentaux du droit grec[37], et qua lés femmes grecques, comparant leur sort à celui des Égyptiennes, commençaient à trouver leur condition intolérable ? Toujours est-il qu’une ordonnance que l’on croit pouvoir attribuer à Ptolémée IV Philopator, et presque au début du règne, ‘mit la femme égyptienne sous la tutelle du mari[38]. Il lui fut interdit désormais de se marier sans l’assistance d’un tuteur, de contracter avec des tiers, de tester, de distribuer ses biens entre ses enfants, d’ester en justice, sans l’autorisation du mari. La femme égyptienne n’eut plus sur la femme grecque d’autre supériorité que de n’être pas en tutelle hors mariage.

Les contrats de mariage entre Égyptiens, comme tous les actes en langue démotique, étaient rédigés par des notaires indigènes, scribes appartenant pour la plupart au clergé et appelés μονογράφοι par les Gréco-Égyptiens. Les contrats régis par le droit grec et libellés en langue grecque étaient dressés soit par des rédacteurs libres, soit par les notaires officiels ou agoranomes que les papyrus nous montrent exerçant en Thébaïde. Nous reviendrons plus loin sur les formalités concernant la rédaction et l’enregistrement des actes de toute sorte, détails qui, s’appliquant à la généralité des contrats, encombreraient ici inutilement les questions de statut personnel. Les mariages mixtes se contractaient sous le régime du droit égyptien ou du droit grec, au gré des parties, dont le choix était indiqué par la langue des actes.

Pour montrer à quel point les deux régimes, le grec et l’égyptien, ont réagi l’un sur l’autre, il est à propos de citer, parmi les contrats de mariage parvenus jusqu’à nous, au moins un type de chaque espèce. Pour les contrats démotiques, il est malaisé de faire un choix entre les nombreux textes actuellement disséminés dans divers ouvrages[39]. Ceux de l’époque ptolémaïque, les seuls dont nous ayons à nous occuper, reproduisent les formules traditionnelles en usage sous les Pharaons et attestent ainsi la persistance des coutumes indigènes à côté de celles importées par les étrangers. Ces formules ne diffèrent pas beaucoup des stipulations familières aux contrats de vente. On y retrouve la prolixité fastidieuse, les répétitions inutiles, l’emploi du style direct, -du monologue placé dans la bouche de l’auteur principal, et notamment les paroles sacramentelles constatant l’exécution des clauses : mon cœur en est satisfait[40].

C’est dans les contrats de langue démotique que nous avons chance de rencontrer le mariage spécialement indigène, l’άγραφος γάμος, inconnu du droit hellénique ou gréco-égyptien. La liberté des contractants étant entière, il me parait inutile de chercher à établir des types fixes, nettement différenciés, de l’άγραφος et de l’έγγραφος γάμος[41]. Sans doute, les scribes égyptiens avaient des canevas tout faits et la routine a dû amener dans les actes une certaine uniformité ; mais il est naturel aussi que, sur la demande des parties, ces notaires aient fait passer dans un des deux types des clauses empruntées à l’autre. D’autre part, il est imprudent ou tout au moins prématuré de fonder sur des dénombrements de pièces rassemblées par le hasard des distinctions régionales et d’affirmer que les coutumes étaient différentes dans la Haute et la Basse Égypte. Cependant, le fait est en soi vraisemblable, la Thébaïde ayant gardé de tout temps une certaine autonomie et opposé le traditionalisme sacerdotal aux influences du dehors. Aussi, m’aventurant à regret dans un domaine où je ne puis voir que par les yeux d’autrui des textes imparfaitement élucidés, je suivrai, sous bénéfice des inventaires futurs, la répartition régionale proposée par E. Révillout.

Il y avait donc quelques différences entre le mariage à la mode thébaine et le mariage à la mode memphite ; mais les clauses principales sont analogues dans l’une et l’autre région, à savoir : reconnaissance d’un apport dotal de la femme, d’une créance (sanch, παραθήκη ou παρακαταθήκη)[42] au profit de la femme, créance remboursable par le mari en cas de divorce ; communauté des biens entre les époux ou pension alimentaire assurée à la femme[43] ; régulièrement à Memphis, exceptionnellement à Thèbes, hypothèque générale sur les biens du mari.

Dans le mariage à la mode thébaine, qui semble avoir mieux gardé la tradition des temps primitifs, le mari donne et ne reçoit rien ; il achète sa femme, qui apporte tout au plus un trousseau. Voici un contrat de ce type, daté de l’an XXXIII de Philadelphe[44].

Après le protocole officiel, la parole est au mari :

Le pastophore d’Amon Api de l’occident de Thèbes, Patina fils de Pshelchons, dont la mère est Tahet, dit à la femme Taketem fille de Rehou, dont la mère est Tanetern :

Je t’ai prise pour femme. Je t’ai donné un deben, en sekels 5, un deben en tout, pour tout ton don nuptial de femme.

Que je donne 6 chénices de blé, leur moitié 3, 6 chénices en tout par jour ; plus 3 χους d’huile par mois, 6 par double mois, ou 36 par an ; plus un deben et 2/10, en sekels 6, un deben 2/10 en tout ; pour la toilette d’une année ; plus 1/10 de deben, en sekels un demi, en deben. 1/10 en tout, pour ton argent de poche par mois, ce qui fait un deben et 2/10, en sekels 6, un deben et 2/10 en tout, pour ton argent de poche d’une année. Que ton argent de poche soit en dehors de ton argent de toilette, chaque année. C’est à toi qu’il appartient d’exiger le paiement de ton argent de toilette chaque année. Que je donne cela, chaque année. C’est à toi qu’il appartient d’exiger le paiement de ton argent de toilette et de ton argent de poche, qui doit être à ma charge. Que je te donne cela.

Mon fils aîné, ton fils allé sera le maure de tous mes biens, présents et à venir.

Je t’établirai comme femme[45]. Que je te méprise, que je prenne une antre femme que toi, je le donnerai 20 deben, en sekels 100, 20 deben en tout.

La totalité de mes biens présents et à venir est en garantie de toutes les paroles ci-dessus jusqu’à ce que je les accomplisse. Je n’ai point à alléguer un acte quelconque, une pièce quelconque contre toi. Les écrits que m’a faits la femme Tahet fille de Téos, ma mère, sur la totalité des biens quelconques appartenant à Pshelchons fils de Panas, mon père, et au sujet desquels elle m’a écrit[46], et le reste des écrits qui viennent d’elle et sont dans ma main, tons ces écrits, dis-je, t’appartiennent ainsi que le droit en résultant et dont j’aurai à justifier en leur nom. Le fils ou la fille de moi qui viendrait à t’inquiéter à cette cause aurait à te donner 20 deben, en sekels 100, 20 deben en tout, en t’abandonnant de plus ces biens sans aucune opposition.

A écrit l’écrivain des hommes de Thèbes, prêtre d’Amon, Horpneter fils de Nesmin.

Le contrat ainsi libellé par le notaire sacerdotal porte en grec mention de l’enregistrement simple ou versement des droits de mutation à la banque de Diospolis la Grande, en date du 17 Choiak an XXXIII (8 févr. 252 a. C.)[47].

Dans les contrats thébains, souscrits en général. par des pastophores, gens de condition modeste, les sommes allouées à la femme comme don nuptial et pour son entretien ne dépassent guère 20 à 40 drachmes d’argent pour le don nuptial, et 2 à 4 dr. par mois pour la pension annuelle, en sus des rations à fournir en nature, qui vont de 30 à 60 artabes de blé et de 24 à 36 teins ou kes (χοΰς) d’huile par an[48].

Les contrats du type memphite se rapprochent davantage des coutumes gréco-romaines, en ce sens que la femme apporte ou est censée apporter une dot dont le mari lui donne reçu. Cette constitution de dot, à restituer en cas de divorce, jointe à la pension alimentaire, motive l’hypothèque[49] générale prise au nom de la femme sur les biens du mari et l’enregistrement de la dite hypothèque. A Memphis comme à Thèbes, les scribes avaient des formules toutes faites, et les actes ne diffèrent que par les noms et les chiffres insérés dans le canevas traditionnel.

Soit le contrat suivant, de l’an XL d’Évergète II, rédigé gui mois de Thoth (sept.-octobre), enregistré à l’Anoubiéon de Memphis le 6 Phaophi (30 oct. 131 a. C.)[50]. Après le protocole officiel, le mari piend la parole, selon l’usage :

L’archentaphiaste Pétésis fils de Chonouphis dit à la femme Tétoua, fille de l’archentaphiaste Téos, dont la mère est Tétimouth :

Je t’ai prise pour femme. Tu m’as donné, et mon cœur en est satisfait, 750 deben, en sekels 3750, en deben 750 en tout, ce qui fait deux kerker plus 750 deben en airain, dont l’équivalence est de 24 pour 2/40 (de deben d’argent)[51]. Je les ai reçus de ta main. Mon cœur en est satisfait. Ils sont au complet, sans aucun reliquat.

[Je t’établirai pour femme. A partir du jour ci-dessus, c’est toi qui t’en iras de toi-même. Je te donnerai les 750 deben d’argent ci-dessus dans le délai de 30 jours quand je t’établirai pour femme, ou bien quand tu t’en iras de toi-même, si je ne te donne pas les 750 deben ci-dessus dans les 30 jours ci-dessus][52].

Je te donnerai aussi 4 chénices d’olyre par jour, un χους d’huile de kiki et un χους d’huile fine par mois, plus 7 deben et 5/10, en sekels 37 ½, 7 deben et 5/10 en tout en airain, dont l’équivalence est de 24 pour 2/10, pour ton argent de poche par mois, pendant les douze mois[53]. Tu toucheras de plus 200 deben, en sekels 1000, 200 deben en tout en airain, dont l’équivalent est 24 pour 2/10, pour ton argent de toilette d’une année, au lieu que tu voudras[54]. C’est toi qui prends puissance d’exiger le paiement de ton olyre, de ton huile, de ton argent de poche, de ton argent de toilette, qui seront à ma charge.

Que je te donne tout ce que je possède et tout ce que j’acquerrai en gage de femme, au nom du droit résultant de l’écrit ci-dessus. Je ne puis te dire : je t’ai donné l’argent de l’écrit ci-dessus en ta main[55].

Suit l’adhésion de la mère, qui, s’adressant à sa belle-fille, se dessaisit de ses droits sur les biens de son mari :

... La femme Héribast, fille de l’archentaphiaste Sohet et dont la mère est Héri(bast ?) dit : Reçois l’écrit ci-dessus de la main de Pétésis fils de Chonouphis, dont la mère est Héribast, mon fils aîné ci-dessus nommé. Qu’il agisse envers toi selon toute parole ci-dessus, comme il est écrit ci-dessus. Mon cœur en est satisfait. S’il n’agit pas envers toi selon toutes les paroles ci-dessus, moi-même je les accomplirai de force, sans délai.

A écrit Néchoutès fils d’Hormachis.

L’acte a été enregistré à l’Anoubiéon le 13 Phaophi an XL par Héraclide employé de Théon[56].

Le formulaire memphite, dans les spécimens précités, ne contient pas la clause ordinaire relative aux enfants : Mon fils aîné, ton fils aîné sera ou mes enfants, tes enfants seront les maîtres de tous mes biens présents et à venir. Mais cette omission n’est pas de règle : elle est, au contraire, l’exception[57]. On n’y voit pas figurer non plus l’interdiction pour le mari de pratiquer la polygamie sous peine d’amende, clause qui fait partie intégrante et essentielle du formulaire thébain. Il semble que ce dernier porte plus nette la marque de l’influence sacerdotale, hostile à la polygamie.

La distinction entre les formulaires thébain et memphite ne suppose pas que les usages d’une région n’aient pu être adoptés dans l’autre ou combinés avec ceux du lieu. Un contrat de mariage de Pathyris (Gebelén) daté de l’an XV de Ptolémée Alexandre, en Méchir (mars 99 a. C.)[58], nous offre la combinaison du don nuptial avec l’apport dotal ou trousseau de la femme. A la suite du protocole visant les cultes de Rakotis (Alexandrie) et de Psoï (Ptolémaïs), on lit :

Le Grec né en Égypte Pers[59] fils de Bai et de Eswere dit à la femme Na-nehtes, fille de Pa nab-Bhan et de Kebh-het : Je te prends pour femme. Je te donne 100 deben, en sekels 500, en tout 100 deben, et 10 artabes, — dont la moitié fait 5 artabes — en tout 10 artabes[60], pour ton don nuptial. Ton fils aîné, mon fils alité parmi les enfants que tu m’enfanteras, sera le maure de tout ce que je possède présentement et posséderai dans l’avenir en biens meubles et immeubles. Je te donne !Inventaire des objets que tu as apportés avec toi dans ma maison : un vêtement, en deben 230 ; une tunique, en deben 200 ; une veste, en deben 200 ; un bracelet, en deben 150 ; trois couteaux, en deben 200 ; trois autres couteaux, en deben 100 ; une épingle, en deben 100 ; un réchaud, en deben 100 ; un plat, en deben 50 ; un vase à parfums, en deben 20 ; un filet, en deben 30 (en airain, à l’équivalence de 24 deben pour 2 katis d’argent) ; plus, en argent monnayé : un vase, 6 katis ; un vase, 2 katis ; une bague, 2 katis ; un flacon d’odeur, 2 katis ; plus une cassette contenant 42 statères d’or. Le tout compté avec ton don nuptial de 100 deben et 10 artabes fait en valeur pour tes biens de femme que lu as apportés en ma maison avec toi 1480 deben, en sekels 7400, 1480 deben en airain, dont l’équivalence est de 24 deben pour 2 katis d’argent, plus 1 deben et 2 katis d’argent monnayé, plus 42 statères d’or[61]. J’ai reçu ces choses de ta main, au complet, sans nul reliquat. Mon cœur en est satisfait. Si tu es dedans (la maison), tu es dedans avec elles ; si tu es dehors, tu es dehors avec elles. Tu en es la propriétaire, mais j’en suis le gardien. Le jour où je te répudierais comme épouse, ou bien où tu t’en irais de plein gré pour ne plus rester chez moi comme épouse, je te donnerai tes biens de femme ci-dessus on leur valeur en argent comme elle est estimée ci-dessus. Je ne puis prêter de serment à l’encontre de toi dans le lieu de justice au sujet de tes biens de femme ci-dessus, en disant : tu ne les as pas apportés à ma maison dans ma main. C’est toi qui as puissance sur moi pour ces choses, sans qu’une parole quelconque puisse être alléguée contre toi.

A écrit Neht-Min, fils de Neht-Min, qui écrit au nom des cinq classes des prêtres d’Hathor, dame d’Amoura (Gebelén).

Suivent les signatures de seize témoins.

Ces documents ne nous donnent pas une haute idée du mariage égyptien. Il est représenté comme une affaire lucrative pour la femme, qui ne paraît même pas obligée d’habiter le domicile conjugal et qui, perpétuellement créancière du mari, a en réalité des intérêts opposés aux siens. Dans le formulaire, le mari s’engage seul : la femme est muette et ne promet rien ; elle n’assume aucune des charges du ménage. L’union ainsi conclue garde le caractère d’un mariage à l’essai. Le mari se réserve le droit de répudier sa femme, mais à titre onéreux ; et le plus souvent, il s’excuse ou s’accuse d’avance, en disant : si je te méprise, si je te préfère une autre femme, si je commets cette vilenie, etc.[62] C’est une preuve, soit dit en passant, que la polygamie, sans cesser d’être licite, n’était plus acceptée par les mœurs de la classe moyenne. D’autre part, le mari reconnaît à sa femme le droit de s’en aller, de son plein gré, à tout moment, sans être obligée d’alléguer un motif autre que son bon plaisir. Il a même soin, en terminant, de déclarer que la dot n’est pas fictive et qu’il l’a bien reçue. Le régime de la pension alimentaire, qui détruit la communauté d’intérêts entre époux, était si bien entré dans les mœurs que nous le retrouvons, atténué, mais reconnaissable encore, dans les contrats grecs, et que les Romains eux-mêmes ne parvinrent pas à le supprimer lorsqu’ils firent de tous les hommes libres de l’empire des citoyens romains[63].

Les contrats de mariage grecs parvenus jusqu’à nous sont plus rares à l’époque ptolémaïque. Les papyrus nous en ont rendu tout récemment deux, l’un du IIe siècle[64], l’autre, plus complet, de l’an 92 avant notre ère[65]. Le dispositif est calqué d’assez près sur les types égyptiens, sauf qu’il comporte des obligations bilatérales ; mais le style moins prolixe n’affecte plus la forme du monologue, et une part est faite à des considérations morales d’ordre plus élevé. La perspective du divorce est à peine entrevue, et seulement comme pouvant venir de l’initiative de la femme. La monogamie est de règle, et la concubine est proscrite aussi bien que la concurrence d’une épouse légitime. En revanche, l’épouse est obligée à la résidence au domicile conjugal, qui devient pour elle le gynécée. Les expressions sont les mêmes, à quelques variantes près, dans l’autre document et montrent que les notaires grecs d’autrefois avaient, comme leurs confrères égyptiens et ceux d’aujourd’hui, une terminologie professionnelle à l’usage de la corporation. Nous citerons en entier le plus complet de ces deux actes, en traduction aussi fidèle que possible. En tête figure, suivant l’usage courant à l’époque, le résumé qui dispensait de lire le texte pour en prendre une connaissance sommaire.

L’an XXII, 11 Méchir [22 févr. 92 a. Chr.], Philiscos fils d’Apollonios, Perse de la classe épigone, reconnaît envers Apollonia dite Kellautitis | fille d’Héraclide, Persane, avec son tuteur et frère Apollonios, qu’il a reçu d’elle en monnaie de cuivre 2 talents 4.000 dr., | somme convenue avec lui pour dot d’Apollonia laquelle dot... |

[Signé] Le conservateur des contrats Dionysios. |

Sous le règne de Ptolémée dit Alexandre, dieu Philométor, en l’an XXII, | an du prêtre d’Alexandre et des autres inscrits à | Alexandrie, le 11 du mois Xandicos et 11 de Méchir, | à Kerkéosiris, dans le district de Polémon du nome Arsinoïte. Philiscos fils d’Apollonios, Perse de la classe épigone, reconnaît envers Apollonia | dite Kellauthis, fille d’Héraclide, Persane, avec son tuteur | et frère Apollonios, qu’il a reçu d’elle en monnaie de cuivre | deux talents et quatre mille drachmes, somme convenue avec lui pour dot d’Apollonia. Apollonia devra demeurer avec Philiscos, lui obéissant comme il convient | que la femme obéisse au mari, étant propriétaire en commun avec lui de ce qui leur appartient[66]. | Toutes les choses nécessaires, l’habillement et autres objets convenables pour une femme | mariée, Philiscos les fournira à Apollonia, qu’il soit chez lui ou en voyage |, en proportion de leurs moyens. Philiscos n’aura pas le droit | d’amener chez lui une autre femme qu’Apollonia, ni d’entretenir une concubine ou | un mignon[67], ni de procréer des enfants avec une aigre femme du vivant | d’Apollonia, ni d’habiter une autre maison dont Apollonia ne serait pas la dame, | ni de la chasser, ni de l’insulter ou de la maltraiter, ni | d’aliéner quoi que ce soit de leur avoir au détriment d’Apollonia[68]. S’il est | convaincu d’avoir fait chose semblable, ou s’il ne lui fournit pas l’habillement et le reste | selon qu’il est écrit, Philiscos restituera sur le champ la dot de deux talents et quatre mille drachmes | de cuivre. De même, Apollonia n’aura pas le droit de découcher ou | de passer une journée hors de la maison de Philiscos sans l’aveu de Philiscos, ni | d’avoir commerce avec un autre homme, ni de faire tort à la maison commune, ni de déshonorer | Philiscos par des actes qui portent déshonneur au mari. Si Apollonia veut de son plein gré | se séparer de Philiscos, Philiscos lui rendra sa dot simple | dans les dix jours après celui de la demande[69]. S’il ne la lui rend pas ainsi qu’il est écrit, | il lui devra immédiatement le montant de la dot qu’il a reçue et moitié en sus[70].

Témoins Dionysios fils de Patron, Dionysios fils d’Hermaïscos, Théon fils de Ptolémée, | Didymes fils de Ptolémée, Dionysies fils de Dionysies, Hérakleios Made Dioklès, tons six Macédoniens | de la classe épigone. 

[Signé] Le conservateur des contrats Dionysios.         

[D’une seconde main] Moi, Philiscos fils d’Apollonios, Perse de la classe épigone, je reconnais avoir reçu la dot. de deux talents | et quatre mille drachmes de cuivre, comme il est écrit ci-dessus, et j’agirai | pour la dot comme il est stipulé. Pour lui a écrit Dionysies fils d’Hermaïscos précité, le susdit ne sachant pas écrire : |

[D’une troisième main] (Moi) Dionysios, j’ai (reçu le contrat comme) valable[71]. |

[Première main] L’an XXII, 11 Méchir, enregistré pour transcription. |

[Sur le verso] D’Apollonia envers Philiscos,

reconnaissance du mariage (par consentement ?) commun.

(Signatures)

D’Apollonia, de Dionysios, de Dionysios, de Didymos,

De Philiscos (fils), de Théon, de Hérakléios, deDionysios, d’Apollonios.

On a remarqué que dans aucun des deux contrats n’est visé le cas où la femme serait répudiée par le mari, sans cause on pour quelque faute grave, du genre de celles qui sont discrètement indiquées dans l’acte. Le droit du mari, en cas d’adultère de la femme, était tellement évident, surtout pour des Grecs ou Perses assimilés, qu’on jugeait inutile de le mentionner, ainsi que la compensation due au mari déshonoré, c’est-à-dire — on peut du moins le supposer — le droit de garder la dot fictive dont il avait lui-même fait les frais. Des contrats démotiques moins discrets nous montrent tantôt le mari, tantôt la femme, disant à son conjoint : Si je te méprise, je te donnerai telle somme, en dehors du don nuptial ou de la dot, qui reste au conjoint méprisé[72]. Les contrats grecs précités avaient été rédigés par des notaires privés, dont le ministère remplaçait au Fayoum celui des notaires officiels de la Thébaïde[73].

Les époux qui ont contracté à Kerkéosiris n’ont pas jugé à propos de régler d’avance la question de succession. Ceux que nous connaissons par le papyrus de Genève, Ménécrate et Arsinoé, se sont préoccupés davantage de l’avenir. Cette partie de leur contrat — ce qu’on appelait un testament contractuel — fournira un complément opportun à l’acte précité.

Que la santé soit avec eux |. Mais si l’un d’eux subit la destinée humaine et vient à décéder[74], l’avoir laissé appartiendra | au survivant et aux enfants qu’ils auront eus ensemble. S’ils n’ont pas eu d’enfants | l’un de l’autre, ou si les enfants sont décédés avant | d’être en fige, soit du vivant des parents, soit après la mort de l’un d’eux |, au cas où Arsinoé serait atteinte la première, Ménécrate restituera la dot entière | à Olympias, la mère de celle-ci, si elle vit encore ; sinon aux [plus proches parents ?] de la dite Arsinoé | [lacune d’une demi-ligne]. S’il ne restitue pas, il devra | sur le champ [la moitié en sus]....

Même sous ce régime de communauté, la dot de la femme devient sa propriété personnelle, allant après sa mort à ses héritiers à elle, et le mari veuf sans enfants n’est autorisé en aucun cas à le garder. S’il a des enfants, il leur abandonne la dot et la part de communauté revenant à la mère[75].

Le législateur n’a pas à s’occuper des cérémonies religieuses qui peuvent accompagner le mariage. Il laisse en général le soin de les régler à l’initiative privée ou aux prescriptions sacerdotales. L’intervention de la religion dans l’établissement du lien conjugal étant un fait universel, on pourrait affirmer à priori que les Égyptiens, peuple religieux s’il en fut, n’ont pas fait exception à la règle. Chez les Grecs et chez les Romains, où la religion domestique était fortement constituée, c’était à elle, et non pas à la religion de la cité, qu’il appartenait de conférer le caractère religieux au mariage[76], — à plus forte raison, aux funérailles, dont la vue même était interdite aux prêtres de l’État vaquant à leur office. La famille égyptienne, au moins chez les gens du commun, n’avait point cette autonomie, maintenue par le culte des dieux domestiques et la vénération des ancêtres. Un écrivain de basse époque, Damascius, assure que chez les Alexandrins, un mariage n’était pas légitime, si le prêtre de la déesse (Isis) n’avait pas signé de sa propre main aux contrats de mariage[77]. C’est une assertion vague, inacceptable sous cette forme générale, visant un passé non défini et réduisant le rôle du prêtre à celui d’un notaire sacerdotal. Mais on sait par ailleurs que la forme solennelle du mariage n’allait pas sans l’intervention des prêtres et mention faite par eux du contrat sur leurs registres. Si Amasis a institué le mariage civil, il n’a pas aboli le mariage religieux devenu simplement facultatif. Les Lagides n’ont pu qu’imiter son exemple. Le mariage religieux était pratiqué de leur temps aussi bien par les Grecs que par les Égyptiens, avec cette différence que les Égyptiens avaient recours aux prêtres d’un temple, de la grande maison[78], tandis que les Grecs, pour les raisons que je viens d’exposer, n’avaient que faire de prêtres officiels. Un texte récemment découvert[79] nous laisse dans l’ignorance des détails, mais ne permet plus le doute à cet égard. C’est un fragment, par malheur très mutilé, d’une ordonnance édictée peut-être au premier siècle avant notre ère par un des derniers Ptolémées pour régulariser la procédure du mariage[80]. Ptolémée a ordonné — c’est ainsi que débute le fragment. Dans les lignes tronquées qui suivent, on devine que le fiancé doit avertir l’autorité, et sans doute aussi prévenir ou présenter les sacrificateurs qui doivent l’assister. On s’étonnerait à bon droit qu’un gouvernement comme celui des derniers Lagides ait légiféré pour recommander les pratiques pieuses et pour rendre obligatoire la rétribution allouée aux prêtres. Ce cérémonial religieux devait être d’usage courant, et ce n’est pas là ce qui préoccupe le législateur. Le reste du document laisse voir le but visé. Il est question de dot, vérifiée par des θεσμοφύλακες (?), de déclaration, de versement à faire. Pour qui tonnait la rapacité du fisc égyptien, ces mots incohérents signifient très probablement quo la dot donnait lieu à la perception d’une taxe analogue à l'άπαρχή lors de l’enregistrement du contrat[81]. Le document ne nous apprend pas si cette exigence fiscale était alors une nouveauté. Le législateur s’occupe ensuite de la restitution de la dot en cas de divorce, visant notamment le cas où l’épouse répudiée serait enceinte. C’est là surtout qu’il a pu faire quelque retouche humanitaire et désintéressée à l’ancien droit coutumier.

Duns l’un et l’autre droit, égyptien et gréco-macédonien, la puissance paternelle est singulièrement amoindrie, par comparaison avec celle que les Romains considéraient à juste titre comme un trait caractéristique et original de leur législation[82]. En tout pays, le droit reflète les habitudes d’esprit de la race. Les Grecs émancipaient le fils majeur pour des raisons politiques, afin qu’il pût être un citoyen libre de son vote et n’appartint plus de sa personne qu’à la cité. En Égypte, où la coutume archaïque avait dévolu le rôle-principal dans la famille à la mère, l’autorité paternelle ne s’était substituée que lentement et incomplètement à l’autre. Du vivant de leur père, les fils arrivés à l’âge de puberté pouvaient posséder, contracter sous leur propre responsabilité, disposer librement de leurs biens[83]. Par contre, le père requiert en général le consentement de ses enfants pour aliéner une part notable de l’avoir familial, et leur consentement est mentionné expressément sur l’acté de cession[84]. On le comprend aisément, du reste, vu l’habitude qu’avaient les Égyptiens d’attribuer de leur vivant la nue propriété de leurs biens à leurs enfants et d’en faire entre eux la distribution par contrat spécial pour chaque enfant. Il semble même que le fils aîné ait eu, du vivant du père, une sorte de tutelle sur ses cadets, et pareillement, avant les retouches faites au droit égyptien par les Lagides, la fille aînée.

Dans un acte de vente du temps d’Évergète II, l’aîné de quatre enfants stipule au nom de ses frères et sœurs, et l’acte est reconnu valable dans le partage effectué ensuite par devant l’agoranome, c’est-à-dire sous le régime du droit grec, par le père[85]. Évidemment, le père de famille, précisément parce que la polygamie lui permettait d’avoir en même temps plusieurs familles, n’est pas au même degré que la mère la raison d’être, la cause efficiente du groupe qu’il gouverne plutôt à la façon d’un intendant qu’avec l’autorité d’un maître. Il laisse faire, il ratifie, il donne volontiers le. consentement qu’il ne pourrait guère refuser sans risquer de voir les intéressés passer outre : ou il ne se fait obéir qu’en insérant dans les actes écrits des taux d’amendes pour ceux qui contreviendraient à ses volontés. La plus sûre manière pour lui de disposer de ses biens est d’en faire le partage de son vivant.

Le droit d’aînesse, inconnu des Gréco-romains, était encore en vigueur au temps des Lagides et parfois spécifié formellement dans le contrat de mariage des parents[86] ; mais ne comportait plus guère que des devoirs. L’aîné devait protection à ses frères et sœurs : il jouait le rôle d’un magistrat familial et représentait notamment la famille devant les tribunaux. Sans doute, il pouvait abuser du droit qu’il avait de partager la succession à son gré, si le père ne l’avait pas répartie lui-même, et il n’est pas sans exemple qu’il ait gardé le tout ; les autres reconnaissent qu’il leur donne ce qu’il ne retient pas ; mais, « à côté de ces droits du fils aîné ou de la fille aînée, on conserva la coutume des partages égaux entre les enfants des deux sexes, qui purent, en cas d’abus, déférer le serment à leur frère aîné[87].

On sait à quel point les Égyptiens étaient préoccupés de. la vie d’outre-tombe et comment ils la concevaient, liée à -la conservation du corps et entretenue par les pieuses offrandes des vivants. C’est un souci qui hantait aussi, à un moindre degré, les Grecs et les Romains et qui ne fut jamais Complètement écarté par des conceptions philosophiques ou religieuses moins naïves. Les uns et les autres comptaient, pour satisfaire le besoin impérieux de persévérer dans l’être, sur la piété de leurs descendants, et nous n’avons plus à redire combien celte foi en la solidarité des générations successives a contribué à assurer la perpétuité féconde des familles[88]. Plus d’un sociologue moderne regrette sans doute que nos religions spiritualistes aient rompu le lien de dépendance morale entre les anneaux de la chaîne et enfermé l’individu, dégagé des responsabilités collectives, dans son moi, pour qui la naissance n’est qu’un accident. Les Égyptiens s’occupaient consciencieusement, dans la mesure de leurs moyens, de la conservation des corps et de leurs autres devoirs envers les défunts ; et ils étaient d’autant plus portés à pourvoir aussi, par des unions fécondes, à la perpétuité de la famille qu’ils ne paraissent pas avoir usé de l’expédient familier au droit gréco-romain pour greffer ‘sur un tronc épuisé une branche adventice. Il n’y a pas d’exemple en Égypte, avant l’époque romaine, d’adoption ou adrogation par contrat entre deux pères. de familles (υίοθεσία - adoptio - adrogatio) suppléant à l’œuvre de la nature[89] Du reste, l’adoption d’un enfant sous puissance paternelle était en réalité une sorte de vente, et une loi égyptienne que les Grecs et les Romains auraient bien dû emprunter à l’Égypte, au lieu d’y introduire ce restant de barbarie incrusté dans leur droit civil, défendait aux parents de vendre leurs enfants[90]. La facilité du divorce, le mariage à l’essai, la reconnaissance d’enfants déjà nés de la future épouse au moment du mariage, — équivalent de l’adoption, — offraient à l’Égyptien plus d’un moyen de prévenir l’extinction de sa race et, par suite, l’isolement dans la tombe.

La préoccupation de l’avenir, pour eux-mêmes et pour leur postérité, devait suggérer aux Égyptiens jouissant de quelque aisance le désir de disposer de leur avoir en partageant de leur vivant leurs biens entre leurs enfants, et en prenant alors des précautions pour assurer le culte de leur Double (ka) : mais le droit égyptien ne leur permettait pas de consigner leurs dernières volontés dans un testament faisant loi après leur décès[91]. Le testament, qui permet à la volonté des défunts d’empiéter sur la liberté des vivants et même sur les coutumes légales, instrument dangereux qui peut être employé à désorganiser la famille, n’a été autorisé qu’assez tard par le droit gréco-romain, et les Grecs ont toujours limité, par des restrictions assez étroites, l’arbitraire des testateurs[92]. Les Gréco-Égyptiens semblent même n’avoir eu, au début tout au moins, qu’une médiocre confiance dans l’efficacité des testaments, car ils s’efforçaient d’intéresser le roi à l’exécution des clauses, à peu près comme les contractants qui stipulaient une amende à verser au Trésor au cas où le pacte serait violé, ou comme les auteurs de fondation pour le culte de leur Double, qui prenaient la précaution de s’associer le roi régnant[93].

Les testaments parvenus jusqu’à nous — et ils sont nombreux — sont tous de l’époque ptolémaïque et romaine[94]. Ce ne sont pas les actes originaux, mais des copies, ou peut-être des extraits, conservés dans des bureaux d’enregistrement et retrouvés par fragments dans des cartonnages de momies.

Les formules comprennent ordinairement : 1° La dater par année du souverain régnant et dès prêtres et prêtresses éponymes du culte dynastique, jour du mois et indication de la localité ; 2° préambule et signalement du testateur, certifié sain d’esprit, avec mention de son origine ; de son âge, et, s’il s’agit d’un vétéran, le numéro de son régiment ; 3° Indication — valable à la mort du testateur, lequel spécifie qu’il n’entend pas se dessaisir de son vivant[95] — des héritiers ou légataires, et, s’ils sont plusieurs, de la part faite à chacun d’eux ; 4° Dans les testaments du temps de Ptolémée III, institution du roi, de la reine et de leurs descendants, comme procurateurs ou exécuteurs testamentaires[96] ; 5° Énumération des témoins, ordinairement au nombre de six, avec leur signalement et mention, s’il y a lieu, de leurs titres ou grades dans l’armée.

Les papyrus en question ne contiennent aucune restriction apparente à la liberté de tester ou à la capacité des héritiers. et légataires. Mais il va de soi que cette liberté ne pouvait être entière pour les militaires, clérouques ou catœques, ceux-ci, dotés par l’État, devant transmettre à leur successeur la dotation qui lui imposera les mêmes devoirs. On a vu plus haut que, sous ce rapport, les testateurs du temps de Ptolémée III ne paraissent pas avoir eu une idée très nette de la limite de leurs droits. Qu’un cavalier lègue son cheval à sa femme, on peut dire qu’il en était le propriétaire : mais ceux qui lèguent leur σταθμός à leur veuve oublient le but de l’institution, et les expressions enveloppées dont ils se servent pour désigner leurs propriétés semblent indiquer qu’ils espèrent y comprendre aussi leur κλήρος. Ce sont ces empiètements qui, tolérés, ont fini par rendre la jurisprudence incertaine et les règlements caducs. Mais, au lieu de spéculer sur des thèses abstraites ou des fragments d’actes, examinons brièvement le testament le plus complet qui nous soit parvenu, celui de l’officier de cavalerie Dryton fils de Pamphile[97], un contemporain de Philométor et d’Évergète II.

Dryton se trouvait dans une situation particulière, qui, au surplus, pouvait n’être pus rare ; il s’était marié deux fois, d’abord avec Sarapias, de laquelle il avait eu un fils, Esthladas, devenu fils unique par le fait que, de son second mariage avec Apollonia dite Senmonthis, Dryton n’avait eu que des filles[98]. Ce fils, Esthladas, était seul apte à hériter de ses obligations milliaires, même si d’autres fils étaient issus du second mariage. Dryton ne pouvait donc, l’eût-il voulu, déshériter cet héritier nécessaire : il devait lui transmettre son κλήρος et son équipement militaire. Dans un premier testament notarié, ou plutôt dans un contrat contenant des dispositions testamentaires passé en l’an VI des Philométors (165/4 a. C.)[99], — probablement son contrat de mariage avec Sarapias, — il avait assuré à son héritier éventuel la part qui lui reviendrait. Une quinzaine d’années plus tard, vers l’an XXXIII de Philométor (149/8 a. C.), sans doute au moment où il convolait en secondes noces, par acte passé en l’étude de l’agoranome [de Crocodilopolis] Ptolémée[100], il avait confirmé les droits de son fils Esthladas, à qui il destinait la moitié de son avoir, phis ses armes et son cheval de guerre, réservant l’autre moitié pour sa seconde femme et les enfants qu’il pourrait avoir de celle-ci. Enfin, en l’an XLIV d’Évergète, le 9 Payni (29 juin 126 a. C), devenu père de cinq filles du second lit, il fait de nouveau le partage de ses biens et dicte à Asclépiade, l’agoranome de Pathyris, le testament qui suit[101] :

En l’an XLIV, 9 Payai, à Pathyris, par devant Asclépiade, agoranome. Voici ce qu’a disposé par testament, étant sain de corps et d’esprit, Dryton fils de Pamphile, Crétois de l’ordre des diadoques et | hipparque commandant de la réserve[102].

Tant que je serai bien portant, j’entends être maître de mes biens ; mais si j’éprouve quelque accident humain, je laisse et | donne ce qui m’appartient en biens-fonds et mobiliers, bestiaux et tout ce que je pourrai acquérir en plus, le cheval sur lequel je fais mon service militaire et toutes mes armes, | à Esthladas, né de moi et de la citoyenne Sarapias, fille d’Esthladas fils de Théon, que j’ai eue pour femme légitime, conformément aux lois et au testament | [déposé aux] archives de Diospolis-la-Petite, par devant l’agoranome Dionysios[103], en l’an VI du règne de Philométor, où sont spécifiées toutes les conditions | concernant le représentant de la famille, et, de plus, sur mes quatre esclaves, celles qui s’appellent Myrsine et | [sa fille ?].

Quant aux deux autres domestiques femmes, qui s’appellent Irène et Ampélion, je les lègue à Apollonia et aux autres quatre tilles, soit cinq en tout, ainsi que | le vignoble m’appartenant sur le territoire de Pathyris, avec les citernes en brique cuite qui s’y trouvent et les autres dépendances, et la charrette avec la | vache, le colombier et l’autre à demi achevé et la cour qu’avoisinent au midi les terrains nus du dit Esthladas, au nord la maison voûtée d’Apollonia la cadette, | au levant le terrain nu de Pétrasis fils d’Esthladas, au couchant le terrain nu d’Esthladas jusqu’à la porte ouvrant du côté du couchant.

Quant aux autres maisons, bâtiments | et dépendances diverses, ainsi que le terrain nu attenant au colombier précédemment désigné, au-dessous de la porte d'Esthladas et à partir de la chambre voûtée du côté du couchant, je les donne | à Apollonia et Aristo et Aphrodisia et Nicarion et Apollonia la jeune, les cinq filles nées de moi et d’Apollonia dite aussi Senmonthis, | avec laquelle, comme femme, j’ai été uni selon la loi, ainsi que les deux servantes et la vache. Elles seront propriétaires des maisons sur le pied d’égalité, suivant le partage que j’en ai fait. | Esthladas aura, attenant au terrain qui lui a déjà été-donné, en face de sa porte du côté du couchant, quatre parcelles allant jusqu’à l’emplacement du four. Les autres constructions | et terrains que je possède à Diospolis-la-Grande, dans l’Ammonion et dans les poteries, Esthladas en aura la moitié, Apollonia et ses sœurs la moitié ; et | tout ce qui m’appartient, en fait de créances en blé ou en argent et tous biens mobiliers, sera partagé de même par moitié. Esthladas et les filles en communauté avec Apollonia contribueront en commun | aux dépenses pour la construction du colombier susmentionné, jusqu’à ce qu’ils l’aient achevé. En ce qui concerne Apollonia dite aussi Senmonthis, | ma femme, si elle demeure dans la maison sans donner lieu à reproches, elle recevra durant quatre ans, pour sa nourriture et celle de ses deux filles (cadettes), 2 artabes et ½ de froment, 1/12 d’artabe de croton et 200 dr. de cuivre par mois. | Passé quatre ans, les mêmes quantités seront fournies aux deux plus jeunes filles, au frais de la communauté, durant onze années. A Tachratis (c’est-à-dire Aphrodisia)[104], on donnera comme dot I 12 talents de cuivre pris sur la communauté. Tout ce qui sera reconnu comme acquis par Senmonthis durant son union avec Dryton sera sa propriété. | Ceux qui l’attaqueraient à ce sujet [seront déboutés en justice ?][105].

An XLIV, 9 Payni.

L’absence de la signature de l’agoranome pour légalisation[106], et de même la suppression au début des éponymes de l’année, souverains et prêtres, enfin, les nombreuses abréviations de l’écriture, indiquent que le papyrus est une copie réduite à l’essentiel et non l’original du testament.

Ce Dryton devait appartenir à la classe aisée, à la bourgeoisie de Ptolémaïs, et c’était assurément un homme prudent, qui ne laissait rien au hasard. Il avait fait un partage équitable, ce semble, en donnant à son fils, outre le majorat, la moitié de ce qui lui appartenait et réservant à sa femme le droit à une rente qui s’ajoute à la part de communauté acquise par elle durant le mariage. Et pourtant, nous savons qu’il y eut, environ une dizaine d’années après sa mort, à propos de son héritage, des contestations provoquées peut-être par la minutie même de ses combinaisons[107].

Le fils de Dryton, Esthladas, était alors un homme dans la force de l’âge, car il figure comme témoin âgé de 35 ans dans un testament rédigé, trois ans plus tard (23 mars 123 a. C.), dans le même nome Pathyrite[108]. Nous citerons également en entier ce document, à titre de comparaison et parce qu’il contient une partie supprimée dans la copie du testament de Dryton, c’est-à-dire les noms et signalements des témoins et la signature du notaire représenté par son clerc :

L’an XLVII, 2 Phamenoth, par devant Héliodore, agoranome de la toparchie d’en haut du nome Pathyrite[109] |. Voici ce qu’a disposé par testament Pachnoubis fils de Taskos. Tant que je serai bien portant, j’entends être le maître de mes biens : mais si j’éprouve quelque accident humain, je laisse et donne ce qui m’appartient en biens-fonds | et mobiliers, bestiaux et tout ce que je pourrai acquérir en plus, à Tathotis fille d’Haruotès, Persane, | que j’ai avec moi comme femme légitime, à l’exception d’un tapis et d’un petit lit pour chacun | de mes fils,

Pat...is et Pétésorathis, nés de moi et d’une autre | femme. Tout le reste, dont le détail est présentement consigné ci-dessous, biens-fonds | et bestiaux, je le lègue à la susnommée Tathotis, à savoir : huit moutons, deux vaches et | leur croit à venir, plus une maison bâtie, pourvue d’un toit et de | portes, sise à cet endroit du (nome) Latopolite, avoisinant an midi la maison de Psennésis | fils de Paoùs, au nord le quartier royal, au levant la maison de Thaésis fille de Pulls, au couchant | la maison de Patcormis ; plus douze aroures de terre à blé comprise dans la partie occidentale | du village de...., propriété dans laquelle se trouve une citerne avec une margelle en brique | cuite, bornée sur tout le pourtour, au midi par la maison de Psemminis fils de Callias, au nord par le même, | au levant par les collines du village, (au couchant par la terre ?) dite d’Ammon ; plus, dans un autre | terroir dit de Halébellès, troisième partie, une terre avoisinant | au midi celle d’Arendotos, au nord....., au levant la route, an couchant la montagne ou attenances | quelconques.

Que personne autre n’ait droit (d’invoquer ?) ce testament : | sinon, celui qui l’attaquerait par la suite sera débouté et paiera en sus immédiatement, pour dommages-intérêts... talents de cuivre | et, comme amende consacrée aux rois, 1200 dr. d’argent monnayé. Le testateur | Pachnoubis était 46 de 50 ans, de bonne taille, teint bistré, fluet, chauve sur le devant, visage long, | nez droit, cicatrice |.

Témoins, Hermias, fils d’Asclépiade, Perse de la cavalerie mercenaire, âgé de 25 ans, | de bonne taille, teint bistré, grêlé (?), visage long, nez droit, cicatrice de blessure à droite ; | et ....anos, fils d’Areios, Perse de la cavalerie mercenaire, âgé de 30 ans, teint bistré, grêlé (?), visage long, | nez droit, cicatrice au front ; et Esthladas, fils de Dryton, de Ptolémaïs, âgé de 35 ans, | de bonne taille, teint bistré, grêlé (?), visage long, nez droit ; et Ptolémée fils d’Asclépiade, Perse de la cavalerie mercenaire, âgé de 35 ans, moyen, teint bistré, visage long, nez droit ; | et ...etos fils de Ménéclès, Perse de l’infanterie, âgé de 35 ans, moyen, teint noir, grêlé (?), visage long, nez droit, | tous six militaires à solde fixe.

[Moi] Ammonios, [clerc] chez Héliodore, j’ai certifié.

On reconnaît les mêmes formules que dans le testament de Dryton, mais non plus le même esprit. Tandis que Dryton lègue la moitié de sa fortune au fils issu de son premier mariage, Pachnoubis déshérite les siens au profit exclusif de sa seconde femme, qu’il appelle sa femme légitime, ne daignant pas même faire à l’autre femme, la mère de ses enfants, l’honneur de la nommer. Il se soucie aussi peu du droit d’aînesse, qui ne trouvait plus matière à s’exercer sur la part infime laissée aux fils éconduits. Il n’aurait pas eu sans doute cette liberté si, au lieu d’être simple particulier, il avait été un clérouque ou catœque, obligé de transmettre la dotation reçue de l’État à son fils aîné et successeur.

Nous n’avons pas à revenir sur l’hérédité ab intestat. Le peu que nous en savons a été dit plus haut : à savoir, que, en droit égyptien, le partage sur le pied d’égalité était la règle d’usage, avec faculté pour le fils aîné d’y déroger, étant légalement substitué, comme tuteur de ses frères et sœurs, au père de famille. A plus forte raison le régime de l’égalité était-il légal et même obligatoire en droit grec, qui ne reconnaissait pas le droit d’aînesse.

L’organisation de la famille, considérée sous les divers aspects de la puissance maritale, paternelle, et de la répercussion de ces deux formes de l’autorité domestique sur les lois et coutumes concernant l’hérédité, est fondée en dernière analyse sur le droit de propriété. Dans les sociétés primitives, la femme et les enfants sont la propriété du mari et du père, aussi bien que la terre ou le mobilier. Peu à peu, la prise du chef de famille sur son entourage se desserre, et les personnes humaines, sauf les esclaves, ne sont plus objet de propriété au même titre que les choses. Ce progrès était déjà accompli en Égypte à l’époque qui est pour nous l’aube de son histoire, et peut-être y a-t-il été plus rapide qu’ailleurs, parce que l’autorité paternelle, tenue en échec par le rôle prépondérant de la mère et amoindrie par le régime féodal ou monarchique, n’avait jamais pu se constituer fortement. La famille n’a été ou plutôt n’est restée un groupe compact, despotiquement gouverné, que chez les Romains. C’est chez eux seulement que l’on trouve le nom de famille ou « gentilice » qui se transmet de génération en génération, symbole permanent de la continuité de l’être collectif. Orientaux et Hellènes n’ont connu que le nom individuel, inconvénient aggravé par l’indigence de leur onomastique et mal corrigé par l’adjonction du nom du père.

Dans une population asservie, les enfants appartiennent au mettre plus qu’à leur père. Il y avait peu de différence, en Égypte, entre l’homme libre et l’esclave ; c’est sans doute la raison pour laquelle il y avait si peu d’esclaves en Égypte et point d’esclaves dépourvus de tout droit, tenus en dehors de la catégorie des personnes. L’esclave était bien une personne juridique : il pouvait posséder et fonder une famille légitime[110]. La loi le protégeait contre les sévices : Diodore assure qu’en Égypte, le meurtre d’un esclave était puni à l’égal du meurtre d’un homme libre[111]. Les esclaves proprement dits venaient de l’étranger : on les avait achetés aux marchands du dehors ou ils avaient été saisis dans une razzia et avaient perdu leur liberté par le sort des armes. Le maitre les déplaçait, les vendait, usait d’eux à son gré... Ils se mariaient ; au bout de quelques générations, leurs descendants, assimilés aux indigènes, n’étaient plus que de véritables serfs attachés à la glèbe et qu’on cédait ou échangeait avec elle[112]. Ainsi, la principale source de l’esclavage, la captivité des prisonniers de guerre, déversait son apport dans la masse de la population, parce que les prisonniers de guerre étaient les esclaves du roi, et qu’être esclave ou serf du roi, c’était ressembler à tout le monde. Die autre source de l’esclavage, l’abandon de la personne du débiteur insolvable au créancier, avait été tarie par une loi de Bocchoris, qui abrogea sur ce point les coutumes antérieures[113]. Même violée ou supprimée de temps à autre, cette loi a dû cependant créer des habitudes, rendre très rare la mainmise du créancier sur la personne du débiteur et la faire toujours considérer comme provisoire. Enfin, il est possible que les enfants abandonnés fussent libres ou esclaves, au gré de celui qui les avait recueillis[114] ; mais nous n’avons pas sur ce point de renseignements certains et aucun de l’époque ptolémaïque.

En somme, l’Égyptien ne perdait sa liberté qu’en encourant une condamnation qui faisait de lui un forçat. Suivant Diodore, le roi Sabacon, abolissant la peine de mort, l’avait remplacée par les travaux forcés. Il réalisait ainsi l’idée de diminuer la sévérité de la justice envers les coupables et de faire tourner une peine inutile au profit de la société[115]. La servitude pénale, qui existe encore dans nos codes moderne et qui a chance de remplacer bientôt la peine de mort, n’a rien à voir avec l’esclavage proprement dit. Il y avait donc des esclaves en Égypte, mais de race étrangère et le plus souvent au service d’étrangers qui les avaient amenés avec eux dans le pays. Ceux qui y étaient à demeure y vivaient dans des conditions qui différaient peu du statut personnel des indigènes, protégés par la loi et bientôt confondus avec la population environnante[116].

La meilleure preuve que le nombre des esclaves en Égypte était insignifiant, c’est que, dans l’interminable série des taxes fiscales, on ne rencontre pas d’impôt sur les affranchissements et qu’on ignore même si le droit indigène avait prévu des modes d’affranchissement[117]. Pourtant, si les Ptolémées n’avaient pas eu d’eux-mêmes l’idée de taxer la protection que l’État assurait à l’affranchi, ils auraient pu l’emprunter aux Romains, chez qui l’impôt du vingtième sur les affranchissements (vicesima libertatis) était perçu depuis l’an 357 avant notre ère. On peut dire que cette preuve dispense de toutes les autres. En fait de preuves accessoires, on peut remarquer que les papyrus d’époque ptolémaïque, à une exception près, ne mentionnent pas un genre d’accidents des plus fréquents dans d’autres pays, la fuite d’esclaves et les recherches faites pour retrouver les fugitifs. Le seul cas mentionné vise la fuite de deux esclaves échappés, dont on donne le signalement, avec promesse de récompenses assez fortes pour qui les découvrira ou les ramènera[118]. Mais l’un des esclaves appartenait à un député d’Alabanda, probablement de passage à Alexandrie, et, si l’on promet la forte somme pour sa capture, c’est que lui et son compagnon, esclave d’un άρχυπηρέτης de la cour, ont emporté avec eux des objets précieux. C’était, ce semble, un accident rare en Égypte. Les astrologues gréco-égyptiens, les Pseudo-Néchepso et Pétosiris, qui ont si curieusement fouillé et perfectionné les méthodes de calcul pour dépister les esclaves fugitifs[119], travaillaient pour la clientèle romaine.

L’exposé qui vient d’être fait représente l’état permanent du droit égyptien en matière d’esclavage, tel qu’il était avant l’avènement de la dynastie des Lagides et tel qu’il a été appliqué par la suite aux indigènes. Mais les premiers Ptolémées, ayant sous la main de nombreux prisonniers de guerre de race exotique, parmi lesquels ils ont fait un triage de colons et d’esclaves, n’ont pas introduit tout de suite dans le droit qu’ils créaient au jour le jour des habitudes aussi indulgentes. Un certain nombre de ces esclaves du roi durent être employés, concurremment avec des ouvriers libres, aux travaux publics[120], d’autres vendus ou loués à des particuliers. Un papyrus, malheureusement mutilé, du temps de Philadelphe (vers 265 a. Chr.)[121], nous apprend que, parmi les impôts affermés, figurait alors une taxe sur les esclaves. Ce n’était pas, ce semblé, une taxe sur les esclaves en général, qui dût être payée par tous les esclaves ou leurs propriétaires, mais la rémunération du travail fourni par ces esclaves publics mis au service des particuliers. Les esclaves ainsi embauchés devaient être déclarés aux bureaux des agoranomes et inscrits sur les listes des fermiers de la taxe. En prévision des fraudes possibles dé la part des employeurs, fraudes qui supposent la connivence des esclaves, le roi édicte les pénalités suivantes :

.... Si quelqu’un [laisse évader ?] l’esclave, qu’il paie amende du double. Si quelqu’un [prête ?] l’esclave ou ne le fait pas inscrire aux bureaux des agoranomes ou est convaincu [d’avoir esquivé ?] les droits au détriment du fermier, il sera privé de l’esclave. S’il conteste [la décision], les parties seront jugées par devant le tribunal désigné, et le dénonciateur aura le tiers du montant de la vente de l’esclave. Et si c’est l’esclave en question qui a dénoncé le fait, il sera libre en payant les droits à percevoir[122]. Le grenier des esclaves et le contrôleur et le fermier doivent dresser par écrit ces assignations[123], et le fermier, après avoir écrit ce document en grosses lettres sur un tableau, l’exposera chaque jour devant le bureau de l’agoranome, et pour chaque jour où l’exposition n’aurait pas été faite, il paiera une amende de ... drachmes, et en sus...

La suite, également coupée de fortes lacunes, n’intéresse que les rapports du fisc avec le fermier. Les précautions de toutes sortes y sont multipliées sous forme d’estimations contradictoires, de seings et coutre-seings, de pièces en’ double scellées par les agents de la ferme et ceux de l’État, le tout sous peine d’amendes édictées pour chaque contravention. La clause qui récompense l’esclave dénonciateur par l’octroi de la liberté parait bien exiger de lui le paiement des droits ; mais l’expression est vague et l’interprétation prêta au doute. Fût-elle exacte, elle ne prouve pas qu’il y eût une taxe sur les affranchissements en général, une mesure fiscale prélevant une part de l’avoir des particuliers. L’esclave appartenant à l’État recouvre la propriété de sa personne en désintéressant, par un dédommagement dès lors exigible, son ex-propriétaire. L’autorisation de se racheter est déjà une faveur : l’État peut fixer le taux assez bas pour que l’esclave affranchi soit du même coup largement récompensé.

Le fait qu’on ne rencontre plus par la suite de pareilles mesures ni d’exemples analogues donne à penser, d’abord, que les circonstances exceptionnelles qui avaient multiplié le nombre des άνδράποδα (servi publici) mis à la disposition de Philadelphe ne se sont plus reproduites après lui ; ensuite, que le droit égyptien a assoupli de bonne heure le droit hellénique ; que, laissant aux particuliers leur droit de propriété sur leurs esclaves, l’État n’a ni compliqué de formalités ni taxé pour eux le droit de s’en dessaisir[124] : si bien que, avant la domination romaine, il n’y a plus pour ainsi dire de législation spéciale concernant les esclaves. Sous l’action constante des mœurs égyptiennes, les descendants des esclaves se sont peu à peu confondus dans les rangs des prolétaires, sans qu’il soit fait mention de leur affranchissement.

Il y avait cependant en Égypte une espèce particulière d’esclaves, qui n’étaient pas au service des hommes, mais des dieux : c’étaient les hiérodules ou esclaves sacrés. Les hiérodules étaient ou des esclaves donnés par leurs maures, comme offrande, à quelque corporation sacerdotale ou passant, par une vente fictive équivalant à un affranchissement (?), de l’esclavage domestique au servage sacré[125] ; ou le plus souvent, en Égypte surtout, des enfants voués par leurs parents au service d’une divinité. Telles fondations religieuses comprenaient toute une population d’esclaves des deux sexes, chargés, eux et leur postérité, de servir les dieux et leurs prêtres. Cet usage, commun à toutes les religions orientales[126], remontait aux âges les plus reculés. Une charte d’Aménophis III confirme une donation de ce genre faite par le prince éthiopien Amenhotep fils de Hui au sanctuaire de Kak, chapelle dépendant du grand temple d’Amon[127]. Les hiérodules du temple d’Amon à Thèbes sont cités dans les papyrus de Turin[128], et ceux du Sérapéum de Memphis sont bien connus par, le fait que des personnes libres entraient volontairement dans leurs rangs ou acceptaient une condition analogue, par suite d’un vœu, à titre de reclus[129].

Ces esclaves sacrés devaient être employas à des offices très divers. Il en est un auquel étaient destinées les hiérodules du sexe féminin et qui choque tout particulièrement nos idées et habitudes morales. Il se peut qu’il y ait eu dans les temples égyptiens des vierges considérées comme les épouses du dieu local et intangibles à ce titre[130] ; mais il est certain que les prêtres tiraient de beaux bénéfices de la prostitution de leurs hiérodules. Ils prétendaient même en avoir le monopole et interdire la concurrence. Nous avons analysé plus haut un texte qui ne laisse pas de doute à cet égard. Évergète II, qui n’avait rien à refuser au clergé, sur plainte portée par les desservants d’un temple quelconque, rappelle aux fonctionnaires royaux qu’ils doivent empêcher toute usurpation tendant à diminuer les revenus que les prêtres tirent de leurs biens-fonds, de la vente des offices sacerdotaux, des collectes faites pour offrandes et frais de culte, du travail des esclaves sacrés employés dans les ports et manufactures, et notamment des recettes provenant des établissements appelés άφροδίσια[131]. Certains individus ne paient pas ou paient mal leurs loyers ou les droits d’investiture ; d’autres détournent les recettes ou installent sans autorisation des άφροδίσια, frustrant ainsi le temple de ce qui lui est légitimement dû. Ces abris complaisants se trouvaient d’ordinaire, je suppose, dans les dépendances du temple. On sait que le grand Sérapéum de Memphis comprenait dans son enceinte des hôtelleries pour les voyageurs et que l’auberge des Arsinoïtes était près de l'Άφροδίσιον[132]. Dans un autre papyrus de la même époque[133], il est question de tapage et de rixes dont se plaint Onnophris, ibiobosque et pastophore d’Aphrodite dans le Sérapéum, violences commises dans rétablissement par des gardes appartenant à un άφροδίσιον de Memphis, sans doute une maison rivale. On a vu plus haut que ces prêtres d’ordre inférieur, ibiobosques ou pastophores, achetaient leurs charges, évidemment afin d’en tirer profit. Il est bon de laisser planer un doute sur la nature des bénéfices que pouvait attendre de son double office Onnophris, ibiobosque et pastophore d’Aphrodite. On risquerait de le calomnier, lui et sa corporation, en le classant, sur simple présomption, parmi les tenanciers de maisons publiques.

 

 

 



[1] Voyez la belle page de Gaius (I, 42.45) sur la justice, loi naturelle, mise au-dessus de la légalité et que doit représenter le droit (jus).

[2] On a remarqué que la légende, d’origine sacerdotale, montre une sorte d’animosité contre le fondateur de la royauté humaine, sinon laïque. Ménès est un jour poursuivi par ses propres chiens, sauvé par un crocodile et finalement avalé par un hippopotame, après avoir perdu son fils unique Manéros (Hérodote, II, 79. Diodore, I, 45. 89, 3. Plutarque, Is. et Osir., 17, etc.). A plus forte raison le roi saïtique Bocchoris (Bak-en-ren-f), qui parait avoir codifié et mis à la portée des profanes les principes du droit indigène, fut-il considéré comme un impie. On racontait que le taureau Mnévis s’était un jour rué sur lui (Élien, H. An., XI, 11) et qu’il avait été écorché ou brûlé vif par ordre de son vainqueur Shabacon (FHG., II, p. 593. IV, 539).

[3] Ce Sasychis est probablement l'Άσυχις d’Hérodote (II, 136), l’Aseskaf des monuments (IVe dynastie). D’après Hérodote, Asychis, en un temps d’extrême pénurie, avait porté une loi permettant aux emprunteurs de mettre en gage la momie de leur père.

[4] Sesoosis = Sésostris, peut-être Ramsès II (XIXe dynastie).

[5] Diodore, I, 94. Sur Bocchoris, de la XXIVe dynastie, législateur et juriste, le Salomon égyptien, voyez Alex. Moret, De Bocchori rege, cap. III, De Bocchori judice et legistatore, pp. 51-79, Paris, 1903. Suivant Révillout, c’est Bocchoris qui a créé la propriété individuelle et permis l’aliénation des biens familiaux, au moins entre membres de la même famille : sa législation eut un caractère nettement anticlérical (Précis, p. 215).

[6] Ahmes, de la XXVIe dynastie.

[7] Diodore, I, 91-93 (trad. Hoefer). Révillout trouve aussi et déclare avoir répété souvent qu’en Égypte la morale était la base même du droit (Précis, p.1224), une morale faite de deux éléments, l’idée du devoir, le sentiment de la charité (ibid., p. 1151). La charité et le droit ne vont guère ensemble.

[8] Diodore, I, 79. Cette règle (concernant le taux légal de l’intérêt) a toujours été appliquée en droit égyptien pur. Encore sous les Lagides, nous en avons sans cesse la preuve (Révillout, Précis, p. 1223). Mais les créances royales et sacerdotales étaient privilégiées, portant intérêt à 120 % par an, et même à intérêts composés (Quirites, p. 109. Précis, p. 1238).

[9] Diodore, I, 73. La contrainte par corps fut aussi abolie à Athènes par Solon, défendant de δανείζειν έπί τοΐς σώμασιν (Aristote, Άθ. πολιτ., 9). Seulement, il parait bien qu’en Égypte, au temps des Lagides, la loi de Bocchoris passait pour abrogée, et que, renouvelée par les décrets d’Évergète II (Tebt. Pap., n. 5, lig. 221 sqq.), elle ne fut pas beaucoup mieux respectée par la suite. En 141 a. C., avant les ordonnances d’Évergète, un certain Képhalos, dans une pétition au roi, déclare qu’il risque de devenir esclave par le fait d’un créancier de mauvaise foi (Pap. Reinach, n. 7, I. 4) ; et, en 108 a. C., après les ordonnances, un cultivateur royal, le Perse Dionysies, dont il a été question plus haut (pp. 35. 38, 4. 42, 2), supplie qu’on ne l’arrête pas, sur injonction d’un créancier, avant qu’il ait terminé ses semailles (ibid., n. 14).

[10] Sur le droit égyptien ou pharaonique en général, voyez E. Révillout, Court de droit égyptien, Paris, 1884. Les obligations en droit égyptien, Paris, 1886. Les rapports historiques et légaux des Quirites et des Égyptiens, Paris, 1902 (étude aboutissant à la conclusion, résumée ailleurs, que le droit des XII Tables est pris du code d’Amasis pour tout ce qui ne l’est pas de celui de Solon, Précis, p. 882). Précis de droit égyptien comparé aux autres droits de l’antiquité, 2 vol. Paris, 1902-1903. W. Spiegelberg, Studien und Materialien zum Rechtswesen des Pharaonenreichs, Hannover, 1892. C. Wessely, Studien über dag Verhältniss des griechischen zum ægyptischen Rechte im Lagidenreiche (S.-B. d. Wiener Akadem., 1891, pp. 46-67). Pour l’époque romaine principalement, — en dehors de notre sujet, — L. Mitteis, Reichsrecht und Volksrecht in den östlichen Provinzen d. röm. Kaizerreichs, Leipzig, 1891. J. C. Naber, Observatiunculæ ad papyros iuridicæ (in Archiv. f. Ppf., pp. 85-91. 313-327. II, pp. 32-40. III, pp. 6-21). O. Gradenwitz, Einführung in die Papyruskunde, Leipzig, 1900. L. Wenger, Rechtshistoriche Papyrusttudien, Graz, 1902. P. Garofalo, Sul diritto romano in Editto (Riv. di Storia Antica, VII, 1 [1903], pp. 99-106. Paul M. Meyer, Zum Rechlsund Urkundenwesen im ptolem.-röm. Aegypten (Klio : Beitr. z. alt. Gesch., VI, 3 [1906], pp. 420-465). Pour la terminologie juridique en droit civil et pénal, nous n’avons pas le pendant de l’ouvrage de D. Magie, De Romanorum iuris publici sacrique vocabulis sollemnibus in Græcum sermonem conversis, Leipzig, 1903.

[11] A. Peyron, commentant le Pap. Taur., I, s’était mépris sur le sens de πολιτικοί νόμοι (p. 7, lig. 9), dont il faisait le synonyme de ό τής χώρας νόμος. Lombroso (p. 84) proposait d’entendre par πολιτικός νόμος le droit public, et par τής χώρας νόμος le droit privé. Il y a aujourd’hui unanimité sur le sens de ces expressions. Cf. W. Brunet de Presle, ad Pap. Par., n. 63, p. 953. Robiou, p. 240. Révillout, Chrestom., p. 106. Mitteis, Reichsrecht, p. 50. Naber, in Archiv. f. Ppf., III, p. 7, etc. Plus contestable est la synonymie supposée par Naber (ibid., p. 7) entre έπιχώριος ou έγχώριος (νόμος) et συγγενικός (κατά τό συνγενικόν έπελθόντες Pap Grenf., I, n. 17, 1.6). Pour les édits royaux, ψηφίσματα est évidemment impropre : c’est un hellénisme. Voyez la statistique des lois, édits et pièces de procédure du temps des Lagides, connus par les papyrus jusqu’en 1900, dans le General-Register de Wilcken (in Archiv. f. Ppf., I, p. 4). Il faut y ajouter les textes publiés depuis, notamment les n. 5-7 des Tebt. Papyri ; Fayûm Towns, n. 22 ; Hibeh Papyri, n. 48-32, et les règlements visés par les nombreuses pétitions des papyrus de Magdola.

[12] Pap. Petr., III, n. 21 g, lig. 43-47 : de 228/7 a. C.

[13] Les philosophes grecs ont voulu mettre ici la science au service du droit, en soutenant que le père est l’unique auteur de la génération, la mère n’étant que le terrain de culture. Ce Lieblingsthema der griechischen Philosophie (Mitteis, p. 321) a été popularisé par Eschyle (Eumen., 628 sqq.). Cf. la riposte d’Euripide (fr. XLIX, 883). Euripide songe à la boutade de Télémaque dans l’Odyssée (I, 215-6).

[14] Diodore, I, 80, 3. Révillout (Cours, p. 183) déclare le témoignage de Diodore fort exact sur le point de fait. Seulement, Diodore explique le fait par la théorie grecque ci-dessus mentionnée, théorie que Révillout adopte sans restriction (Précis, pp. 451, 1 etc. 490, 2, 558, 1) et qui conduit à des conclusions inverses. Exemple de νόθος reconnu par son père, sous le régime du droit hellénique : Dion d’Héraclée, qui a femme et enfants, institue légataires pour partie de son avoir et affranchit sa servante Melainis et le fils de celle-ci, Ammonios (Pap. Par., III, n. 2 : de 238/1 a. C.). Il est assez singulier de rencontrer au Fayoum des νόθοι exempts de la capitation comme membres du clergé, inscrits entre les ίερεΐς ; et les ίερογραμματεΐς (III, n. 59 b). Sont-ils des binards de prêtres ou des recrues nées hors classe, fils de laïques ?

[15] Dans les anciens actes démotiques, le père n’est pas nommé et cet usage persiste encore sous les Ptolémée : et au-delà ; si bien que les Gréco-Égyptiens prennent l’habitude d’ajouter le nom de la mère au nom du père (cf. Révillout, Cours, p. 169. Mitteis, Reichsr., p. 57). Il est probable que les individus désignés par le nom de la mère seule dans les actes grecs sont des άπάτορες. Les άπάτορες expressément qualifiés comme tels étaient, du reste, fort nombreux (cf. Wessely, Karanis, p. 30).

[16] Diodore, I, 80, 3. L’aumônier du roi Ptolémée Aulète, le grand-prêtre Pshérenptab, en prenait à son aise avec la règle canonique. Il se vante d’avoir, contrairement aux lois sacerdotales, un sérail de jolies femmes et de mener avec son souverain la vie la plus licencieuse (Révillout, Cours, p. 35). A Babylone, le code d’Hammourabi (art. 148 et 145) n’autorise la bigamie qu’en cas de stérilité de la première femme.

[17] Mitteis (Reichsr., p. 222, 7. Archiv. f. Ppf, I, p. 347) hésite à classer les Égyptiens parmi les peuples polygames. Pour lui, la question reste ouverte. Mais, le texte de Suidas (s. v. Ήφαιστος) qu’il cite comme contenant le principe de la monogamie, vise plutôt l’abolition de la promiscuité ou de la polyandrie à la mode de Sparte (Polybe, XII, 6 b, 8) ou des Celtes (cf. H. d’Arbois de Jubainville, La famille celtique, Paris, 1905, p. 50). Au surplus, la polygamie est un fait universel (cf. Tacite, Germ., 47), toléré par toutes les religions. Seul, le droit gréco-romain a interdit la combinaison polygamique du concubinat avec le mariage et obligé le christianisme à répudier sur ce point, en les excusant, les exemples des patriarches hébreux. Révillout (Mélanges, p. 185) cite un papyrus démotique du temps des derniers Lagides, par lequel Hor fils d’Horselauf consacre à Sérapis ses femmes, ses enfants, etc. Mais, dit-il ailleurs, les Égyptiens, théoriquement polygames, étaient pratiquement monogames, — les princes exceptés (Précis, p. 487, 1).

[18] Sur la moralité des Égyptiennes, trop souvent jugées d’après les romans et la légende biblique de la femme de Putiphar, voyez Maspero, in Revue Critique, 1905, n. 43, pp. 324-326. Cf. le caprice de Cambyse (Ctésias ap. Athen., XIII, p. 560 d), et l’éloge de la beauté des Alexandrines, comparables aux déesses jugées par Péris, dans Hérode, (I, 32-35). Elles étaient de plus extrêmement fécondes et passaient pour avoir des enfants parfaitement conformés au huitième mois de la grossesse (Aristote, Anim., VII, 4) : cela, soi-disant à cause de l’eau du Nil, fetifer potu Nilus amnis (Pline, VII, 433). Cf. Colum., III, 8, 1. Dion Cas., LI, 11, 1.

[19] Révillout, Cours, pp. 177 sqq. Précis, pp. 1010-12. Cf. l’histoire du veuf Patma, qui, remarié avec une jeune femme, lui fait peu à peu abandon de tous ses biens.

[20] Diodore, I, 27. Strabon (III, p. 165) appelle gynœcocratie et régime ού πάνυ πολιτικόν des mœurs analogues chez les Cantabres. Sur le mariage en Égypte, voyez les études sur le droit égyptien en général, mentionnées ci-dessus, et, pour les études spéciales, E. Révillout, Les droits de la femme chez les Égyptiens (Chrestom. démot., [1880], pp. CXXVIII-CLXXVII). La question de divorce chez les Égyptiens. — Les régimes matrimoniaux chez les Égyptiens. — Hypothèque légale de la femme et donation entre époux (Rev. Égyptol., I [1880], pp. 87-136, etc.). — La femme dans l’antiquité (Journ. Asiat., Xe Série, VII [1906], pp. 57-101. 162-232. 345.392). G. Paturet, La condition juridique de la femme dans l’ancienne Égypte, Paris, 1886. J. Nietzold, Die Ehe in Aegypten zur ptolemäisch-römischen Zeit., Leipzig, 1903. R. de Ruggiero, Studi papirologici sul matrimonio e sui divorzio nell’ Egitto greco-romano (Bull. d. fast. di Diritto Romano, XV [1903], pp. 179-282). J. Lesquier, Les actes de divorce gréco-égyptiens (Rev. de Philol., XXX [1906], pp. 1-30). Dans tous ces travaux, la part de l’époque ptolémaïque est relativement minime, les documents de l’époque romaine étant de beaucoup les plus nombreux, et, pour ce qui concerne les actes de divorce, les seuls.

[21] Hérodote, II, 35. Sophocle, Œdipe Colon., 337.

[22] Tebt. Pap., n. 104.

[23] Cf., dans Révillout (Précis, p. 1131), des actes de mariage entre frères et sœurs de père et de mère sous Domitien et Trajan. Sous l’empereur Commode, les deux tiers des habitants d’Arsinoé étaient mariés avec leur sœur (Wilcken, in S.-B. d. Berl. Akad., 1888, p. 903). Il est bon cependant d’avertir que l’usage (égyptien et juif) d’appeler l’épouse άδελφή (cf. W. Max Mener, Die Liebespoesie der alten Aegypter, Leipzig, 1899, p. 8) est de naturel Induire en erreur sur ce point. Je ne suis pas éloigné de penser que les empereurs romains ont pratiqué, eux aussi, une contrefaçon de l’ίερός γάμος au moyen de l’adoptio regia, et que l’exemple de l’Égypte, au moins autant que le droit athénien, a levé sur ce point leurs scrupules juridiques. Auguste maria sa fille Octavie avec son fils adoptif Marcellus (Plutarque, Marc., 87). De même, Claude mariant sa fille Octavie à son fils adoptif Néron. De même, Marc-Aurèle épousant Faustine, fille de son père adoptif Antonin (adoptio regia. Capitolin, M. Ant. Phil., 5). En droit romain, l’adoption valait la filiation naturelle. Le droit athénien permettait, ou même — dans le cas de la fille épicière — exigeait le mariage du ποιητός avec sa sœur adoptive.

[24] L’interdiction légale de la polygamie pour les Juifs ne date que de 393 p. Chr. (Cod. Just., I, 9, 7).

[25] Cependant, le Bas-Empire chrétien interdit en Égypte d’abord (en 384 p. C ?) le mariage entre frère et sœur, puis (en 475 p. C.) le mariage d’une veuve avec le frère de son mari défunt, sorte de lévirat (Cod. Just., V, 5, 5 et 8).

[26] Obligation introduite par Bocchoris, d’après Révillout. Aucun contrat connu ne remonte plus haut. La distinction faite — ou plutôt constatée — à l’époque romaine entre l’έγγραφος et l'άγραφος γάμος parait porter sur le contenu du contrat, qui serait néanmoins écrit dans les deux cas, l'άγραφος γάμος étant un mariage provisoire, sans constitution de dot, analogue au concubinat romain et entraînant pour les enfants certaines incapacités au point de vue du droit civil. Cf. L Mitteis, in Archiv. f. Ppf., I, pp. 344-317. Nietzold, op. cit., pp. 4-12. R. de Ruggiero, op. cit., pp. 240259. W. Spiegelberg, Der άγραφος γάμος in demotischen Texten (Recueil de travaux, etc., XXVIII [1906], pp. 190-195). Spiegelberg, d’après des documents du temps d’Évergète il qu’il considère comme spécimens uniques de l'άγραφος γάμος (trois papyrus du Caire, n. 30607, 30608-9, et un de la Bibl. Nat., in Rev. Égyptolog., II, pl. 44), départage comme suit les deux types :

άγραφος γάμος

 

έγγραφος γάμος

I. Le mari reçoit une somme.

 

I. Formule : Je t’établis (ou t’établirai) pour femme.

II. Communauté des biens, lesquels doivent aller en totalité aux enfants.

 

II. Don du prix d’achat (morgengabe).

III. Allocation alimentaire à la charge du mari, garantie sur son avoir.

 

III. Description et garantie de la dot.

IV. Répudiation libre (non visée dans l’acte).

 

IV. Alimentation à la charge du mari.

 

 

V. Le fils aîné héritier.

 

 

VI. Pénalité pour le mari en cas de répudiation.

Il y a opposition irréductible entre la thèse de Wessely, Mitteis, Nietzold, Spiegelberg, et celle de Ruggiero, qui n’admet pour l'άγραφος que des conventions verbales. Nul doute que la logique grammaticale soit pour Ruggiero ; mais, d’autre part, il semble bien aussi qu’en Égypte, pays de scribes Intéressés à rendre leur ministère obligatoire, tout contrat devait être écrit. Le code d’Hammourabi exige aussi un contrat : si quelqu’un prend femme et ne fait pas de contrat avec elle, cette femme n’est pas épouse (l. 128). La différence entre les deux espèces de mariage — toutes deux résiliables au gré des parties — se serait introduite avec la dot (?). Les preuves sont insuffisantes. Pour l’époque ptolémaïque, le mariage d’Asclépias comporte une φερνή : plus tard (36 p. C.), le mari qui dit : σύνεσμεν άλλήλοις άγράφως (Oxyrh. Pap., II, n. 267) reçoit un apport de sa femme. Enfin, dans un acte qui convertit un mariage άγραφος en έγγραφος (BGU., n. 1045), le mari reconnaît avoir reçu depuis longtemps une φερνή. Aussi, Wilcken (Archiv. f. Ppf., III, p. 507) renonce à soutenir que la φερνή caractérise nécessairement l’έγγραφος γάμος. En tout cas, dans l’une et l’autre thèse, l'άγραφος γάμος est bien un mariage, non un concubinat. Il y entre beaucoup d’arbitraire et d’idées préconçues. La s somme pour alimentation donnée par la femme dans l'άγραφος, sans restitution prévue, et le morgengabe donné par le mari dans l’έγγραφος, me paraissent placés à contre-sens.

[27] Voyez dans Révillout (Cours, pp. 108. 218-219. Précis, pp. 468-7. 429), un acte de l’an IV de Psammétique III, par lequel une femme libre se vend comme servante. Révillout y voit un mariage par coemptio, introduit dans les mœurs par Amasis. On rencontre, vers 113 a. C., une situation analogue résultant d’une συγγραφή Αίγυπτία τροφΐτις (Tebt. Pap., n. 51) entre un cultivateur et une femme contre laquelle il porte plainte. Même συγγραφή τροφΐτις dans Pap. Taur., XIII, l. 9 (7 févr. 136 a. C. ?). Exemples de mariage sans domicile commun (Wilcken, Ostr., I, pp. 446-7).

[28] C’est une question à débattre entre juristes, comme la différence entre la dot (dos ex marito) et le don nuptial, l’une ou l’autre assumant ou non le caractère d’une donatio propter nuptias, etc. Grenfell (Oxyrh. Pap., II, pp. 239-245) conteste, contre Révillout, Wessely et Mitteis, le caractère fictif qui ferait de la dot une donatio propter nuptias. Mais son argumentation, fût-elle probante, ne vaudrait que pour l’époque romaine. Les textes ne disent pas que la dot soit fictive : ils disent même le contraire ; mais une fiction légale n’existe que parce qu’elle est donnée comme réalité. Il y avait bien parfois des épouses φερνηφόροι. Ainsi, Néphoris emprunte de l’argent à Armais, reclus du Sérapéum, sous prétexte de faire circoncire sa fille Tathémis et de la doter (B. Peyron, Pap. Gr., XV. Brit. Mus., I, n. 43. Révillout (Précis, pp. 335 sqq.) cite du temps d’Ouhabra (Apriès) l’histoire d’un intrigant qui recherche la main d’une riche héritière et se fait donner par le père une promesse d’apport dotal, et, de l’époque ptolémaïque, des contrats où la dot est constituée par le père. Le don nuptial, étant pour ainsi dire de droit naturel, a dei exister de tout temps : la dot, au sens classique du mot (dos, φερνή), n’apparaît dans les contrats démotiques que vers la fin de l’époque des Lagides (cf. Nietzold, p. 57), se superposant à la mention du don nuptial, absente des contrats grecs.

[29] Chez les Babyloniens, voyez le code d’Hammourabi (art. 171-172) et le commentaire d’Édouard Cuq, Le mariage à Babylone d’après les lois d’Hammourabi (Paris, 1905 : mémoire analysé dans les C.-R. de l’Acad. des Inscr., 1903, pp. 220-214), qui dénie le caractère de mariage par achat à l’union à laquelle la femme apporte une dot (cheriqtou). Chez les Celtes, cf. H. d’Arbois de Jubainville, La famille celtique (Paris, 1905), pp. 141-145. De même, chez les Cantabres (Strabon, III, p. 165) ; chez les Germains : dotem non uxor marito, sed uxori maritus affert (Tacite, Germ., 18). Les Romains ont fini par pratiquer, eux aussi, à l’époque impériale, la donatio ante ou propter nuptias (Instit., II, 7, 43). D’après Révillout (Précis, p. 503), le régime de la communauté était en Égypte le régime normal.

[30] Cf. Révillout, Cours, pp. 110-111. 177-183. L’exemple cité, p. 177, indique peut-être le moment où le régime dotal a pénétré dans le droit égyptien. Le veuf Patma avait d’abord avantagé la jeune femme avec laquelle il s’était remarié en l’an XXXIII de Philadelphe (253/2 a. C.). Trois ans après, il se reconnut débiteur d’une dette fictive pour laquelle il lui hypothéqua tous ses biens. Cette dette fictive a bien l’air d’être une dot à la nouvelle mode.

[31] Cf. Révillout, in Journ. Asiat., X [1877], pp. 261 sqq. Rev. Égyptol., I, p. 95 sqq. 102 sqq. Chrestom. Demot., préf., p. 132 sqq. J. Krall, Demot. assyr. Contracte, Wien, 1881, p. 14. L. Mitteis, Reichsrecht, p. 223. Nietzold, op. cit., pp. 8-8. Je ne vois pas que le mariage romain par usus, dans lequel la femme tombe au bout d’un an sous la manus, si elle ne découche pas durant trois nuits (usurpatio trinoctii), soit si différent du mariage l’essai. Au temps où il n’y avait pas de mariage légitime sans manus, ce devait être une disposition ayant pour but de transformer au bout d’un certain délai les unions irrégulières en mariages (P. F. Girard, Manuel élem. de droit romain, 4e éd. Paris, 1906, p. 147, 3).

[32] Diodore (I, 80) évalue à environ 20 dr. (d’argent, évidemment) la dépense pour un enfant jusqu’à sa puberté.

[33] Pap. Par., n. 13, vers 157 a. C., d’après Brunet de Presle : entre 157 et 146, d’après Révillout, qui traduit le document (Précis, pp. 1119-1120) et, tout en le trouvant très macédonien dans le fond (?), fait observer que les noms des conjoints pourraient bien être traduits de l’égyptien et portés par un ménage qu’on retrouve ailleurs, dans un texte démotique, sons les noms de Pétésé (Isidore) et Tetimouth (Asclépias). Dans l’expression περί τοΰ θήσεσθαι άυτή έν ένιαυτώ συνοικεσίου, on lisait généralement ένιαυτώ συνοικεσίου et on traduisait (Révillout) par année de cohabitation ou concubinage, en attendant le mariage définitif. Mais θήσεσθαι άυτή sans complément est incorrect et on a rencontré depuis (Pap. Genev., n. 21, de l’époque ptolémaïque, mentionné et-après) συνοικέσιον ou συνοικίσιον employé pour l’έγγραφος γάμος. On admet donc qu’il faut suppléer συνοικεσίου (συγγραφήν), le terme caractérisant le mariage complet, avec domicile commun. Cf. Wilcken, in Archiv. f. Ppf., I, p. 481. 2. Nietzold, op. cit., p. 6.

[34] De même, chez les Celtes d’Irlande et d’Écosse. Ce mariage durait un an et un jour, et la femme ne devenait pas mère dans cet espace de temps. Mais si dans l’an et jour la femme se trouvait enceinte, le mariage continuait (H. d’Arbois de Jubainville, op. cit., p. 154).

[35] Nietzold (op. cit., pp. 5-8) s’évertue à démontrer qu’il y a bien eu en Égypte un mariage à l’essai (Probeche), mais non pas un an d’essai (Probejahr), sous prétexte qu’à l’époque romaine on a vu des άγραφοι γάμοι durer indéfiniment. De même, Mincis et lui ne veulent pas que les 2 talents reconnus Asclépias soient une φερνή, comme le dit Ptolémée, mais un simple don nuptial, inférieur à la dot. Ils font ainsi rentrer ce mariage dans la catégorie de l'άγραφος γάμος. Nous verrons cependant plus loin que 2 talents 4.000 dr. constituent, même entre Grecs, une dot raisonnable. C’est celle qu’apporte au Perse épigone Philiscos sa femme Apollonia. En tout cas, le délai pouvait varier suivant les conventions. Révillout renonce aussi à l’hypothèse de l’année de noviciat matrimonial (Journal Asiat., 1906, p. 385). Dans les actes cités par Spiegelberg comme types de l'άγραφος γάμος, mention est faite au bas du divorce qui a rompu les deux mariages de Paapis. La femme épousée le 6 Méchir an XLII (26 févr. 128 a. C.) a été congédiée le 23 Méchir an XLIII (15 mars 127), à peu près dans le délai d’un an (n. 30607). Au bas de l’autre contrat (en deux actes, n. 30608-9), on lit, sans date : Paapis a renvoyé sa femme.

[36] Les actes nous montrent le mari se mettant absolument sous la puissance de sa femme et lui cédant la totalité de ses biens, en ajoutant seulement, et cela dans plusieurs de nos actes : c’est toi qui prendras soin de moi pendant ma vie, et, si je meurs, c’est toi qui t’occuperas de mon ensevelissement et de ma chapelle funéraire (Révillout, Cours, p. 223). La mère ou belle-mère des Jumelles du Sérapéum est accusée d’avoir manqué à un engagement de ce genre.

[37] Mahaffy (Pap. Petr., I, Introd., p. 3, et p. [58)) constatait que, dans les testaments du recueil, tous antérieurs au règne de Philopator, il n’est fait aucune mention de κύριος pour les héritières : mais, dans la réédition (Pap. Petr., III, n. 1 : de 238/7 a. C.) du testament de Ménon (Pap. Petr., I, n. 21), on voit que des légataires, Mysta, figée de 46 ans, et Ménéia, figée de 60, ont leur κύριος. Enfin, la femme grecque sous puissance paternelle ne pouvait contracter sans l’assistance de son père qualifié κύριος (Hibeh Pap., n. 89, de 239/8 a. C.).

[38] Voyez Révillout, L’omnipotence des femmes et le décret de Philopator sur l’autorité maritale (Rev. Égyptol., I, pp. 136-138). Cours, pp. 203 sqq. Chrestom. démot., Préf., p. 162. L. Mitteis, Reichsrecht, pp. 55, 220. Nietzold, pp. 30.31. Le décret n’est connu que par ses effets. Le nouveau régime est appliqué dès l’an IV (219/8 a. C.), d’après Pap. Louvre, n. 3263 (Révillout, Chrestom., pp. 369 sqq.). Les Égyptiennes contractaient seules, mariées ou non, jusqu’au πρόταγμα de Philopator ; et encore après ce πρόταγμα, quand elles n’avaient pas de mari (Révillout, Précis, p. 604). Même depuis Philopator, les filles non mariées ou veuves n’ont toujours besoin d’aucun κύριος, à la différence des Macédoniennes (Révillout, Précis, p. 1100) et autres de nationalité étrangère, y compris les Περσϊναι qui, veuves, pouvaient retomber sous la tutelle de leur fils aîné. Cf. BGU., n. 994. Pap. Reinach, n. 8. 16. 24, etc.

[39] Notamment dans les livres touffus de E. Révillout, qui a versé dans la circulation une quantité énorme, de documents divers, mais sans souci de faciliter par un ordre quelconque les recherches à travers les circuits ondoyants de ses démonstrations. Ceux qui proviennent de Berlin ou de Strasbourg ont été publiés à nouveau par Spiegelberg. Les divergences entre les interprètes sont malheureusement trop fréquentes.

[40] On les retrouve aussi dans les papyrus araméens de l’époque perse (entre 410 et 410 a. C.) récemment publiés par Sayce et Cowley, Aramaic papyri discovered at Assuan., London, 1906. Le n. G est un contrat de mariage (de 410 a. C.) très complet, analogue à ceux que nous citons plus loin. Le mari verse à son beau-père 5 sicles et constitue à sa femme une dot en espèces, plus un trousseau, et tout est prévu : décès, divorce, droit des enfants, etc. Cf. les comptes rendus de Ch. M. de Voguë (C.-R. de l’Acad. des Inscr., 1906, pp. 499-508) et de Clermont-Ganneau dans la Rev. Crit., 1906, n. 44, pp. 311-354.

[41] On comprend que Spiegelberg, avec ses cadres rigides, ne rencontre dans les contrats démotiques connus Jusqu’ici que des mariages complets et découvre le mariage à l’essai uniquement dans quelques documents du temps d’Évergète II. La pratique devait être beaucoup plus souple, et il serait étonnant que le mariage spécialement égyptien fût si peu et si tard représenté dans la masse des actes démotiques. Spiegelberg lui-même rencontre aussitôt et cite un contrat mixte (Pap. Leid., n. 183), à propos duquel il se demande si ce n’est pas un άγραφος γάμος transformé en γάμος έγγραφος.

[42] D’après Révillout, le sanch était primitivement une adjuration, et devint ensuite une sponsio, une obligatio verbis, puis litteris (cf. Précis, p. 1196 etc.). Le mot sanch, composé de anch (la vie) et d’un s factitif, signifie étymologiquement faire vie, faire serment par la vie [du roi sous-entendu] (A. Moret). Le violer était donc commettre le crime de lèse-majesté. La παρακαταθήκη est la même créance conçue comme assise sur un dépôt.

[43] Révillout insiste (Précis, pp. 1031. 1056) sur le fait que la pension annuelle n’existe que quand il n’y a pas communauté, et réciproquement s. Cependant, on verra les deux garanties assurées à la femme dans un contrat grec inséré ci-après ; mais, il est vrai, sans chiffre fixe pour l’entretien.

[44] Révillout, Précis, pp. 1035-8. Autres visés ci-après, dans les notes. Cf. les contrats de mariage de choachytes thébains, de 225 et 210 a. Chr., dans Spiegelberg, Pap. dem. Berl., n. 3109. 3015, taf. 6-7. Je crois devoir remplacer le mot argenteus, dans la citation de Révillout, par deben (d’un nom hiéroglyphique lu ci-devant outen), qui se divise en 5 sekels et 10 katis.

[45] Cette formule traditionnelle est l’engagement de consommer le mariage (Révillout). Est-elle ici à sa place, c’est ce qui sera discuté ci-après.

[46] La mère, qui était en possession des biens de son mari, avait cédé ses droits à son fils. Le mari se dépouillait même parfois de son vivant en cédant tous ses biens à sa femme, pour les assurer d’une façon plus complète aux enfants qu’il en avait eus. Aussi voyons-nous dans nos actes que, quand la femme était ainsi mise en possession du vivant de son mari, elle cédait également de son vivant l’héritage à ses enfants, quand ils arrivaient en âge de se marier (Précis, p. 1096). C’est sans doute et surtout en pareil cas que le fils devait allouer à sa mère une pension alimentaire, également avec hypothèque, par contrat de formule presque identique à celle des contrats de mariage. Cf. le texte cité par Révillout (Précis, p. 1012), de l’an XXXVI de Philométor (146/5 a. C.).

[47] Révillout explique que le contrat de Patma est d’un type exceptionnel à Thèbes, en ce qui concerne l’hypothèque et la cession des titres de propriété, et que l’enregistrement, exceptionnel aussi, est motivé par la prise d’hypothèque. Il cite d’autres contrats, ceux de Hor fils de Pamenés, de Phamenoth an XXII d’Évergète Ier (avril-mai 225 a. C.) ; de Snachomneus fils de Patma, de Payni an XII de Philopator (juill.-août 193 a. C.) ; de Pétimaut fils de Pabas et de Péchytès fils de Pshelchons, du temps d’Épiphane ; datés par les rois (?) séparatistes Harmachis et Anchemkhou. Dans tous ces actes, il est fait mention du don nuptial, de la pension annuelle et du dédit à payer en cas de divorce, mais sans hypothèque et sans enregistrement.

[48] Révillout, Précis, pp. 1039-1043.

[49] L’hypothèque pouvait être prise au bénéfice de la femme, en fait ; mais au nom de son père ou d’un tiers, qui devient ainsi comme son tuteur. Révillout (Précis, pp. 1013-1019) cite un contrat memphite de l’an VIII du roi Philippe (30 a. C.) par lequel Horsiési s’oblige envers le père de sa femme Djimmou ; et il interprète le Pap. Taur., XIII (jugement rendu par les chrématistes à Memphis, le 5 Tybi an XIII de Philométor 8 = 5 févr. 168 a. C.) en ce sens que Chonouphis est créancier hypothécaire pour le compte de la femme Taué, dite Asclépias, en vertu d’un contrat de pension alimentaire de 500 dr. d’argent prêtés ou soi-disant prêtés par Chonouphis, contrat dûment enregistré.

[50] Révillout, Précis, pp. 1025-6. Journ. Asiat., 1906, pp. 357-358. Texte de Pap. Leid., n. 185 (Rev. Égyptol., I, p. 91), retraduit par Spiegelberg (Recueil de trav., 1906, pp. 194-195). Je décline la tâche de comparer ces traductions divergentes. Spiegelberg ne connaît ni Chonouphis ni Néchoutès. Cf. un contrat tout semblable de l’an III de Ptolémée Aulète (Précis, pp. 1027-8), enregistré à l’Anoubiéon de Memphis le 6 Tybi (15 janv. 18 a. C.).

[51] Soit 2 tal. 3000 dr. de cuivre au total, d’après le savant métrologue. Le rapport de valeur entre les deux métaux, 24 pour 2/10, revient à 1 : 120.

[52] La traduction, d’ailleurs assez obscure, de l'alinéa mis entre crochets a été contestée par Grenfell-Hunt (Oxyrh. Pap., II, p. 240), pour des raisons que Spiegelberg (Berlin. demot. pap., p. 5, n. 1. Strassb., p. 28, n. 3 : cf. Nietzold, p. 4) a confirmées par l’étude du texte. Le sens du passage parait devoir être rétabli sur un modèle de clause analogue fourni par CPR., n. 22. Le mari s’engage à restituer la dot à la femme. Il faut donc lire : Je te donnerai les 750 deben sur le champ, si je te congédie comme épouse, et dans le délai de 30 jours, si tu t’en vas de ton plein gré.

[53] C’est-à-dire 150 dr. de cuivre par mois, 1.800 dr. par an.

[54] Où tu voudras suppose que la femme n’habite pas ou peut ne pas habiter avec le mari.

[55] Précaution prise pour que la dot, une fois reconnue par le mari, ne puisse être réclamée par lui comme fictive.

[56] Pap. Leid., I, p. 88 Leemans Έτους μ' Φαωφί ς' άνα[γέγ]ραπται έν τώι Άνουβιείωι δι' Ήρακλείδου τοΰ Πράσθωπος (sic). En révisant le texte, Spiegelberg a pu rectifier la leçon fautive, sur les indications de Wilcken, et lire : δι' Ήρακλείδου τοΰ παρά Θέωνος. Ce sont, je suppose, d’autres Héraclide que l’on rencontre un peu plus tard à Thèbes : un agoranome en 128 a. C. (Pap. Taur., IV), et un commis d’enregistrement en 124-120.

[57] Je ne suis pas en mesure de contrôler les assertions du savant auteur du Précis de droit égyptien. Il remarque que dans les contrats memphites contenant notre formule, il est toujours question d’enfants déjà nés, les enfants de la femme, dont il fallait régulariser l’état civil (pp. 1030. 1060).

[58] Spiegelberg, Die demol. Pap. d. Strassb. Bibl., n. 43, pp. 27-28. La date Febr.-März 102 v. Chr. conviendrait à l’an XV de Ptolémée Soter II, mais non de Ptolémée Alexandre. Le document a été traduit en entier par Révillout (Précis, p. 1150, 1), en partie par Spiegelberg, qui laisse de côté l’inventaire, inséré ici d’après Révillout. La traduction ci-dessus est éclectique.

[59] Comme Spiegelberg ne signale pas de lacune dans le papyrus à cet endroit, Pers doit être le nom propre de ce Grec, et non pas le titre commun de Πέρσης (?). Révillout écrit : Mesa fils de Bi, mère Esiur, dit à la femme Nechta fille de Panebhehn, mère Khephet.

[60] 10 cor, c’est-à-dire 50 artabes (de blé, sous-entendu), d’après Révillout, le cor étant une mesure thébaine de 5 artabes (cf. Précis, p. 1281).

[61] Il semble que la valeur de la monnaie de cuivre ait singulièrement baissé depuis le temps de Philométor, à supposer que les objets estimés ici soient comparables à ceux du trousseau inventorié dans un contrat du 11 janv. 169 a. C. (Révillout, Précis, pp. 1053-54). La femme de l’orfèvre Psémin apporte à son mari : un vêtement, ci deben 20 ; un autre vêtement, ci deben 10 ; une tunique, ci deben 50 ; une outre tunique, ci deben 25 ; un manteau, ci deben 40 ; des parfums, ci deben 150 ; un plat, ci deben 10 ; une marmite d’airain, ci deben 15 ; un vase à onguent, ci deben 5 ; une aiguille à collyre, ci deben 10 ; un miroir, ci deben 15 ; un porte-bonheur en or, etc. Ces détails nous donnent une idée d’un mobilier égyptien et de la valeur des objets. En ce qui concerne les dépenses de ménage, le papyrus Sakkakini publié en 1883 par Révillout (Rev. Égyptol., III, pp. 118 sqq.) satisfait à demi notre curiosité. Un Égyptien du IIIe siècle a. C. y a noté jour par jour le coût de ses achats de denrées alimentaires (pain, sel et salaisons, viande, légumes, épices), du bois et du charbon pour chauffage, du blanchissage, des bains, des salaires payés aux ouvriers, etc. Wilcken (Ostr., I, p. 676) signale un autre papyrus inédit (de Berlin) où l’on rencontre, à côté de maints détails analogues, plusieurs mentions d’aumônes « à un pauvre.

[62] Cf. les nombreux contrats démotiques cités par Révillout. Dans un procès-verbal du temps d’Aimés relatant la cérémonie du mariage religieux, le mari déclare : si j’aime une autre femme qu’elle, à l’instant de cette vilenie où l’on me trouvera avec une autre femme, moi je lui donne, etc. (Révillout, Quirites, p. 59. Précis, p. 391).

[63] Révillout (Précis, p. 1045) cite le rescrit de Gordien : Cessat petitio quantitatis, quam de suo maritus uxori in menses singulos vel annos singulos proprii ejus gratia promittit (Cod. Just., V, 16, 11 ; an. 241 p. C.), et constate qu’il n’a pu été observé en Égypte. Mais, quoi qu’en dise Dion Cassius, il est douteux que l’Édit de Caracalla (212 p. C., Dio Cass., LXXVII, 9), se soit appliqué aux Égyptiens de race.

[64] Contrat de mariage entre Ménécrate et Arsinoé, publié par J. Nicole (Les Papyrus de Genève [Genève, 1898], n. 21), complété en partie avec deux fragments retrouvés l’un dans les papyrus de Munich, l’autre dans ceux d’Oxford, par Wilcken, Ein Ehevertrag aus dem II Jahrh. v. Chr. (in Archiv. f. Ppf., I, pp. 484-491). Zu den Genfer Papyri (ibid., III, 8 [1905], pp. 381-389). Cf. traduction et commentaire par Révillout (Précis, pp. 1121-1125). On n’avait jusque-là, pour l’époque ptolémaïque, que l’analyse sommaire du contrat de mariage de dame Asclépias par son fils Ptolémée. Cf. les contrats de l’époque romaine dans L. Mitteis, Reichsrecht, pp. 215-282, et Pap. Oxyrh., II, n. 265. 247. Wessely, Studios. Révillout, Précis, pp. 1126-1150. Sur les mariages de régime grec en Égypte, voyez J. Nietzold.

[65] Tebt. Pap., n. 104.

[66] Ici commence la partie conservée et comparable du papyrus de Genève. La formule κυριεύσαν μετ' αύτοΰ κοινή τών ύπαρχόντων αύτοΐς se retrouve dans Pap. Par., n. 13, I. 12, avec mention d’une dot de 2 talents. Suivant Révillout, le régime matrimonial d’usage courant dans l’Égypte pharaonique était le régime de la communauté : mais le régime de séparation complète de biens et d’intérêts était plus fréquent dans les ménages égyptiens au temps de Darius Ier (Précis, p. 1044). Ce n’est pas en tout cas des mariages grecs qu’il peut dire : La dernière trace que nous connaissions d’une stipulation de communauté remonte au règne d'Évergète Ier (p. 559).

[67] La précaution est un témoignage fâcheux pour les mœurs grecques. Elle figure aussi dans le contrat de Genève.

[68] Le contrat de Genève protège mieux la femme.

[69] Dans le contrat de Genève restitué d’après le fragment d’Oxford, le délai est de 80 jours, usage confirmé pour l’époque romaine par Pap. Oxyrh., III, n. 497, 8. Pas de délai spécifié dans le contrat démotique, Pap. Strassb., n. 43.

[70] De même dans le papyrus de Genève et Pap. Par., n. 13. Nous verrons plus loin que l'ήμιόλιον est infligé couramment aux débiteurs en retard.

[71] On se demande, en face de cette pléthore d’homonyme, à quel Dionysios on a ici affaire. Mais on sait, par quantité d’autres exemples (Tebt. Pap., n. 103. [109]. Pap. Reinach, n. 9. 10. 14. 20. 22. 23. 24), que la formule έχω κυρίαν est la déclaration du συγγραφοφύλαξ, qui était lui-même un des témoins chargé de conserver l’acte. Ici, le corps de l’acte et le verso sont de la même main qui a écrit τέτ(ακται) είς άναγρ(αφήν), probablement celle d’un employé du γραφεΐον, lequel aurait rédigé le document, — original ou copie, — sans toutefois substituer son écriture à celle de l’époux et du συγγραφοφύλαξ pour les déclarations qui en attestaient l’authenticité (Cf. Grenfell-Hunt, in Tebt. Pap., pp. 462-3).

[72] Voyez Révillout, Cours de droit égypt., p. 222 sqq. Cf. Corp. Pap. Rain., I, n. 22, 22 sqq. (ép. romaine). — Dans un contrat du temps d’Amasis, l’époux s’engage à tout abandonner à l’épouse à l’instant de cette vilenie où l’on me trouvera avec une autre femme. C’est une précaution contre la polygamie. Ailleurs (Précis, p. 546-550), Révillout cite, de l’an XXX de Darius, un contrat rédigé à l’inverse de la coutume, où c’est la femme qui déclare avoir reçu du mari « un kati » et s’oblige à le lui restituer, avec 9 autres en plus, au cas où elle le mépriserait. Nous n’avons pas d’actes de divorce notariés formant pendant aux contrats de mariage, à l’époque ptolémaïque. J. Lesquier, Les actes de divorce gréco-égyptien (Rev. de Philol., XXX [1906], pp. 5-30), en cite et commente cinq de l’époque romaine (ans 45, 96, 123 ?, 305/6 p. C.). Il n’y est nullement question des causes du divorce, mais seulement des biens : ce sont des quittances de dot, complétées par une renonciation à toute action présente ou future de la part de la femme, qui déclare avoir reçu ses biens dotaux et paraphernaux et recouvre la liberté de se remarier.

[73] Sur ces notaires de village, appelés συναλλαγματογράφοι, plus tard aussi συμβολαιγράφος, voyez H. Erman, in Archiv. f. Ppf., II, p. 455. Wilcken, ibid., III, p. 115. L. Mitteis, Reichsrecht, p. 177. Cf. la plainte portée contre un συμβολογράφος de Tebtynis par un prêtre cultivateur, pour erreur voulue de rédaction dans un bail (Tebt. Pap., n. 42, vers 114 a. Chr.).

[74] Έάν δέ τις αύτών άνθρώπινόν τι πάθη καί τελευτήση — euphémisme de style, d’usage courant. Cf. dans les testaments d’Aristote et d'Épicure, cités par Mahaffy (Pap. Petr., I, Introd., p. 38) d’après Diogène Laërte, les formules, έάν δέ τι συμβαίνηέάν δέ τι τών άνθρωπίνων περί Έρμαχον γινήται. De même, dans le testament d’Épictéta (Inscr. de Théra, CIG., n. 2448. Michel, n. 1001. IG., XII, n. 391).

[75] Cf. l’exemple cité par Révillout (Cours, p. 119) : cession par quatre enfants d’une maison venant de leur mère, acte signé par le père.

[76] Je passe outre à l’objection qu’on pourrait tirer de la présence du P. M. et du flamen Dialis au mariage par confarreatio (Serv., Georg., I, 31) et de l’existence d’un sacerdos confarreationum et diffarreationum à Antium (CIL., X, 6662). C’est un usage dont ni Denys d’Halicarnasse, ni Pline, ni Gaius ne font mention, et qui a pu être introduit sur le tard, non pour consacrer les mariages, mais pour constater la qualité spécifique des mariages dont devaient être issus les titulaires de certains flaminats.

[77] Damasc. ap. Phot., Bibl., p. 338 B, éd. Bekker. Sur le mariage religieux contracté par devant le prêtre d’Amon, à l’époque pharaonique, voyez E. Révillout, Quirites, pp. 22-25. Précis, pp. 329. 391 sqq.

[78] Le choachyte Téos, épousant la choachyte Hatuset, s’engage à répéter ses promesses : En l’an XV du roi Ahmès, je dirai ceci dans la grande maison (Révillout, Précis, p. 392). Ce serait le mariage religieux confirmant le mariage civil déclaré suffisant et légal par Amasis (ibid., p. 358).

[79] Fayûm Towns, n. 22.

[80] Wilamowitz (Gött. gel. Anz., 1904, p. 36) veut que ce soit celle du divorce. Je ne crois pas qu’il y ait eu en Égypte une diffarreatio aussi réglementée, et je maintiens ce que j’ai déjà dit et répété, à savoir que nous n’avons pu de textes concernant la procédure du divorce à l’époque ptolémaïque.

[81] Le roi aurait édicté ainsi, pour les contrats faits en grec et sous le régime du droit gréco-égyptien, l’obligation de l’enregistrement, qui existait déjà pour les contrats en égyptien.

[82] Quod jus proprium civium Romanorum est : fere enim nulli sunt alii homines, qui talem in filios suas habent potestatem, qualem nos habemus (Gaius, I, 53). Gaius dit fere nulli en songeant aux Gaulois, chez qui viri in uxores sicut in liberos vitæ necisque habent potestatem (Cæs., B. G., IV, 19). En droit romain, le père ne perdit le jus necis que sous les Antonins, et Justinien, ratifiant un édit de Constantin, lui conserve encore le droit de vendre les nouveau-nés (Cod. Theod., V, 8. Cod. Justin., IV, 43 : De patribus qui filios distraxerunt). En Égypte, au contraire, les parents étaient obligés de nourrir leurs enfants (Diodore, I, 80), c’est-à-dire qu’il leur était interdit par la loi de les exposer ou de les vendre. Cf. le châtiment infligé aux parents qui auraient tué un enfant : tenir le cadavre embrassé, en public, durant trois jours et trois nuits (Diodore, I, 77). D’après Révillout (Précis, p. 427, 1), Amasis, en l’an XIX de son règne, édicta une loi modifiant l’ancien droit égyptien et instituant une patria potestas qui était ou visait à être « tout à fait à la romaine » (p. 433). Les documents cités, mancipations opérées par des individus aliénant eux-mêmes leur liberté (pour adoption, mariage, abandon noxal), ne prouvent pu cette assertion. Même pour les nexi, il n’est question que de débiteurs qui se livraient en la merci de leurs créanciers (p. 483). La vente et revente du jeune mâle Psenamenapi dont la mère est esclave, en l’an V et VI de Darius, parait bien être une vente d’esclave né dans la maison (verna). C’est en vertu d’un principe contestable — le fils suivant toujours la condition du père — que Révillout fait de Psenamenapi un ingénu (Précis, pp. 481-90) vendu à un créancier. En tout cas, le jeune homme prend la parole dans le contrat pour engager ses enfants et approuver le tout par la formule traditionnelle : mon cœur en est satisfait (p. 499). Enfin, tout cela importe peu s’il est vrai qu’il ne reste plus rien, ni de l’autorité maritale, ni de la puissance paternelle à l’époque classique (pp. 526-533).

[83] Dans une multitude d’actes, nous voyons des enfants, sans doute majeurs, vendre, acheter et faire toutes les transactions possibles du vivant du pater familias et sans qu’il intervienne en rien (Révillout, Cours, p. 188). A l’époque romaine, le fils né έξ άγράφων γάμων n’a pas le droit de tester du vivant de son père (Mitteis, in Archiv. f. Ppf., I, p. 344). C’est dire que ce droit était reconnu au fils né έξ έγγράφων γάμων, à qui les juristes romains n’avaient pas osé l’enlever.

[84] Révillout, op. cit., p. 176.

[85] Révillout, op. cit., p. 186-190. Le droit de contracter pour ses frères était le privilège de l'aîné, κύριος des biens, privilège que ne parait pu avoir possédé à un égal degré le père de famille (ibid., p. 191). Transaction entre deux familles de cousins, au temps de Darius Codoman : La fille aînée de l’une des branches traite au nom de ses frères et sœurs avec le Bis aîné de l’autre branche et fait seulement adhérer sa mère à l’acte (p. 193) : mais dès le début de l’ère des Lagides, le droit de jouer le rôle de κύριος est retiré aux femmes (Précis, pp. 599 sqq. 1100).

[86] Contrats sur cette clause : Mon fils aîné, ton fils aîné sera le maître (neb, κύριος) de tous mes biens présents et à venir. On sait quelle importance avait le droit d'aînesse, peut-être de tradition égyptienne ou chaldéenne, chez les Juifs : cf. l’histoire de Jacob et Ésaü. Ce sont les premiers-nés que Jahveh frappe de mort en Égypte (Exod., 12, 29). Le droit macédonien d’Égypte réduisit le droit d’aînesse à une διμοιρία ou διμοίριον μέρος accordée à rainé (Révillout, Le procès d’Hermias, p. 159. Précis, p. 603). Les filles, une fois dotées, n’avaient plus droit au partage (ibid.). Le Conte des deux frères nous montre le frère cadet dans la dépendance absolue du frère aîné, nourri par lui, logé avec lui, travaillant pour lui. Toutefois, l’indivision n’était pas obligatoire, et les cohéritiers avaient le droit de réclamer leur part devant les tribunaux (Maspero, Rev. Crit., 1903, n. 44, p. 343).

[87] Révillout, Cours, p. 194. Cf. mention d’un υίός γνήσιος καί πρωτότοκος (Pap. Lips., n. 598 : de 381 p. C.). En Égypte, la mort du père ne dissolvait pas le faisceau du groupe formé par ses enfants. Le frère aîné κύριος les représentait tous, administrait le patrimoine commun au nom de tous, et cela, sans que les étrangers eussent affaire à d’autres qu’à lui, sans que rien indiqua une distinction de parts (Révillout, Précis, p. 568). Les parts étaient faites par la suite (ibid.).

[88] Voyez, dans le Pap. Par., n. 5 (papyrus Casati), le dénombrement de tous les corps confiés aux bons soins du choachyte thébain Horos fils d’Horos, qui, en l’an 114 a. Chr., vend à Osoroëris fils d’Horos sa clientèle de défunts, et l'esclandre que produit la violation de sépulture commise au détriment du même Osoroëris, sacrilège à la suite duquel des corps en bon état avaient été en partie dévorés par les loups (Pap. Par., n. 6).

[89] Révillout, Cours de droit, pp. 169-170. Cf., à l’époque romaine, le document commenté par Mitteis (Adoptionsurkunde vom Jahre 381 n. Chr., in Archiv. f. Ppf., III, pp. 173-184). Mais l’Égyptien que son père n’avait pas le droit de manciper pouvait se vendre lui-même à fin d’adoption. Révillout (Précis, pp. 423. 10034) cite, de l’an 32 du roi Ahmès, un acte d’adoption par mancipation dans lequel l’adopté, après avoir reçu l’argent, dit l’adoptant acheteur : moi je suis ton fils, et sont à toi les enfants que j’engendrerai et totalité de ce qui est à moi et de ce que j’acquerrai. C’est ainsi que la femme pouvait se marier par coemptio, en se vendant elle-même (ibid., p. 428). En tout cas, les rois étaient au-dessus du droit commun. Deux stèles de Karnak nous apprennent que, pour mettre la main sur la principauté de Thèbes, Psammétique fit adopter sa fille Nitocris par la sœur de Tabraka, et que Nitocris adopta la princesse Ankhnasofiribri (Maspero, in An. du Service des Antig. Egypt., V [1904], pp. 84-92).

[90] L. Mitteis, Reichzrecht, p. 53. Toutefois, la sollicitude de l’État n’allait pas jusqu’à exiger des déclarations de naissances, un souci que les Romains n’avaient pas non plus, quoi qu’en ait dit Denys d’Halicarnasse (IV, 15), jusqu’au temps de Marc-Aurèle (Capit., Ant. Phil., 9). La composition, de la famille s’établissait par le recensement, qui avait pour but principal de dresser la liste des contribuables, et c’est une question de savoir si les filles y étaient comprises. De l’Égypte romaine, on a un certificat officiel de professio liberorum daté du 3 nov. 148 p. C., concernant une naissance du 30 août, déclarée le 14 sept., dans un diptyque publié par S. de Ricci et P. F. Girard (N. Rev. Hist. de Droit, 1906, pp. 411-498). D’après Révillout (Quirites, pp. 79 sqq.), la loi de Bocchoris interdisant le nexus du débiteur avait été abrogée par Amasis. Pendant le temps d’application du code d’Amasis, sous Darius, par exemple, les pères engageaient souvent, comme à Rome, leurs enfants pour dettes (p. 81). Seulement, le plexus conservait ses droits civils et « pouvait, au moment du cens quinquennal, recouvrer sa liberté » (p. 87). Mais il y eut réaction populaire contre les abus du code d’Amasis : la loi de Bocchoris fut rétablie (pp. 89-90). En ce qui concerne la famille, la morale égyptienne fait un heureux contraste avec la tache qui souille l’histoire du droit gréco-romain, complice, comme la philosophie de Platon et d’Aristote, de l’infanticide et du malthusianisme passé dans les mœurs. Cf. G. Glotz, Études sociales et juridiques sur l’antiquité grecque (Paris, 1906) : ch. IV. L’exposition des enfants, pp. 187-227. La suppression des enfants. miles hébreux décrétée par un Pharaon appartient à la légende, et, au surplus, les textes (Exod., 1. Act. Apostol., 7) y voient une mesure de défense nationale.

[91] De même, chez les Germains, heredes successoresque sui cuique liberi et nullum testamentum (Tac., Germ., 20). D’après Révillout (Quirites, p. 118), Amasis ne voulut pas reconnaître en Égypte le droit de tester, que Solon avait introduit à Athènes. Jamais le testament sur l’hérédité... n’a existé en droit égyptien (Précis, pp. 14. 602). L’Égyptien pouvait disposer de sa propriété par donation sous forme d’inventaires (àmi-pa) et de ventes fictives, mais sans pouvoir déshériter ses enfants et aliéner le bien de famille (ibid.). Révillout cite ailleurs (Mélanges, p. 421. Précis, p. 126), de l’époque pharaonique, une fondation port mortem qui est censée avoir été faite par le défunt, et il ajoute : c’est tout ce qui se rapproche le plus d’un testament dans les documents égyptiens. Le partage des biens d’une mère on d’un père entre ses enfants, partage théorique, si l’on veut, mais très important au point de vue légal, puisqu’après cela les parents ne jouissaient plus quo pour leurs fils, suivant l’expression si fréquente dans nos contrats grecs et démotiques, ce partage s’effectuait toujours par autant de contrats séparés qu’il y avait de co-partageants (Révillout, Précis, p. 480). Cette habitude a dû suggérer de bonne heure la distinction entre les actes d’oui et les actes de cession (voyez ci-après) : c’est peut-être aussi la raison pour laquelle le fisc n’admettait pas le testament, qui eût fait le partage en bloc. Nous avons fait remarquer souvent que le code égyptien permettait aux enfants d’aliéner leurs hérédités futures, sur lesquelles ils avaient droit réel du vivant de leur père et tout autant que lui (Révillout, Précis, p. 482). D’autre part, L. Griffith admet la liberté de tester sous la XIIe dynastie, doctrine acceptée, avec quelque hésitation, par Maspero (Journ. des Savants, 1898, pp. 24-32).

[92] Dans son testament, Dryton lègue à son fils son cheval et ses armes κατά νόμους (Pap. Grenf., I, n. 21, l. 4) : ergo fortasse ne poterat quidem alii legare (Naber, in Archiv. f. Ppf., III, p. 11). Il s’agit, il est vrai, d’un clérouque, que le fils devait remplacer comme militaire. D’autre part, on voit un isionome instituer héritières sa femme et sa fille, à l’exclusion de son fils, et leur cédant même la rente de ses ήμέραι άγνευτικαί (BGU., 993), c’est-à-dire d’un office sacerdotal qu’elles ne pouvaient pas remplir.

[93] Cf. Révillout, Précis, p. 128.

[94] Voyez la statistique dressée par Wilcken (Archiv. f. Ppf., I, p. 17). Pour l’époque ptolémaïque : Règne de Ptolémée II ? (Pap. Par., I, n. 12) ; de Ptolémée III (ibid., I, n. 13-21. III, n. 1-19). Sur le contenu et les formules, voyez l’Introduction de Mahaffy (On the Pl. Petr. Pap., I, pp. 35-42) et Révillout, Mélanges, pp. 396-408. Règnes de Philométor et d’Évergète II (Pap. Grenf., I, n. 12. II, 24. Pap. Gizeh Mus., n. 10388, in Archiv. f. Ppf., I, pp. 62-65. Cf. les fragments Pap. Brit. Mus., II, n. 229 a-b. Les Pap. Petrie (Gourob) sont des testaments du Fayoum ; les Pap. Grenfell, des testaments de la Thébaïde (Gebelén = Pathyris). Les papyrus de Tebtynis et ceux publiés sont les titres Fayûm Towns, Amherst Pap. et Hibeh Pap. (Part. I) n’ont pas fourni d’actes testamentaires. Testament de femme, à Théra, en pays de protectorat égyptien : Épictéta, assistée de son κύριος (CIG., n. 2148. Michel, n. 1001 : vers 200 a. C.). Il faut faire entrer en ligne de compte pour les études juridiques les testaments auxquels il est tait allusion dans les nombreux procès relatifs aux héritages.

[95] Pap. Petr. et Grenf., passim.

[96] Pap. Petr., I, n. 19, ann. 225 a. C.

[97] On a son signalement dans un acte notarié d’emprunt fait par lui en 171 a. C. : taille moyenne, peau blanche, mince, visage long, cheveux en brosse, nez aquilin, cicatrice au sourcil droit (Pap. Grenf., I, n. 10). Il est encore nommé comme tuteur de sa femme Apollonia dans des transactions négociées par celle-ci (Pap. Grenf., I, n. 18-20). Enfin, on a de lui une pétition datant approximativement de 133 a. C., alors qu’il était caserné à Diospolis Parva, pétition adressée à Boéthos, épistratège et stratège de la Thébaïde (Pap. Amherst, II, 36). On voit qu’il était citoyen de Ptolémaïs, dème de Philotéra, propriétaire de terrains irrigués à Thèbes et dans le nome Pathyrite, sans compter le surplus.

[98] Révillout (Précis, pp. 764-767), commentant les testaments de Dryton, — sans aucune référence, suivant sa regrettable habitude, — échafaude toute une construction juridique sur un ou deux postulats, à savoir : que le premier mariage avec la citoyenne Sarapias était seul contracté sous le régime du droit grec, tandis que le second, contracté avec une Égyptienne, de sang mêlé était un concubinat, valable seulement au point de vue du jus gentium. Mais nous savons, par les actes passés au nom d’Apollonia mentionnés ci-dessus, que cette seconde femme était Cyrénéenne, fille de Ptolémée fils d’Hermocrate, et le fait, si banal à l’époque, qu’elle a un surnom égyptien ne prouve aucunement qu’elle fût Égyptienne, même par sa mère. Dryton, parlant de ses deux mariages, les dit tous deux légitimes en employant des expressions équivalentes : κατά τοΰς νόμους pour le premier, sorti çà, κατά τόν νόμον pour le second. Enfin, Révillout semble ne connaître que deux testaments, et il reporte à l’an VI de Philométor (serait-ce 176/5 a. Chr. ?) la dévolution du κλήρος, des armes et du cheval de guerre, à Esthladas, seul représentant de l’agnation, c’est-à-dire de la parenté légale grecque, à Esthladas, qui n’était pas né, car il n’avait que 35 ans en 123 a. C., ce qui le fait mitre en 158. Cet Esthladas (et non Esthaldas, cf. S. de Ricci, in Archiv. f. Ppf., II, p. 518) est probablement l’auteur de la lettre citée plus haut, qui faisait campagne pour Évergète II en 130 a. C., et qui recommande à son père de veiller sur ses sœurs.

[99] Il est probable que l’an VI est ici du comput commun des deux Philométors (Philométor et le futur Évergète) : autrement, l’an VI de Philométor aîné correspondrait à 116/5 a. C. Il est déjà assez étonnant que Dryton ait testé près de quarante ans avant son dernier testament. Je suppose que le premier testament était inclus dans son-contrat de mariage.

[100] Pap. Grenf., I, n. 12. Pap. Heidelb., n. 1285. Si Esthladas était bien le seul héritier légal ayant droit au κλήρος entier, ce majorat ne formait sans doute que la moitié de l’avoir total de Dryton, le reste étant disponible à volonté. L’agoranome de Crocodilopolis s’appelait Ptolémée vers ce même temps (Pap. Amherst, II, n. 45).

[101] Pap. Grenf., I, n. 21.

[102] On a vu plus haut qu’il y a contestation sur le sens d’έπίταγμα (mot restitué ici d’après les n. 18,19) et du titre d’officier suivi de έπ' άνδρών. C’est sur ce passage que Grenfell fonde son interprétation : ΐππαρχος έπ' άνδρών =, officier de cavalerie en retraite. Dryton n’était plus d’âge à servir. et il était sans doute remplacé dans les cadres de l’armée par Esthladas : mais la question est de savoir si les officiers retraités conservaient le titre de leur ancien grade.

[103] Comme le testament cité plus haut (Pap. Grenf., I, n. 12) a été tait en l’étude de Ptolémée et probablement à Crocodilopolis, celui auquel se réfère ici Dryton ne peut être le même et doit être antérieur.

[104] On sait par le papyrus CCCCI du British Museum que la fille aînée Apollonia s’appelait Senmouthis, Aphrodisia Tachratis, Aristo Senmonthis, Nicarion Termouthis, et Apollonia la jeune Senpélaïs.

[105] Grenfell fait observer que l’excellente Apollonia devait s’être fait des revenus considérables par ses judicieux contrats de prêts et qu’il y a peut-être une touch of humour, de la part de Dryton, dans l’insertion de cette clause. Ceci vient à l’appui du passage d'Hérodote (II, 35), encore que l’historien exagère en adjugeant la quenouille aux hommes.

[106] L. Wenger (Die Stellverlretung im Rechte der Papyri, Leipzig, 1906, p. 82) suppose gratuitement que la légalisation n’était pas nécessaire quand le notaire en titre rédigeait lui-même l’acte.

[107] Pap. Brit. Mus., CCCCI, ap. Mahaffy, in Hermathena, IX [1893], pp. 251-254. Les cinq filles se disent lésées par un certain Ariston, qui parait bien être substitué à Esthladas et qui a profité de l’enchevêtrement de leurs propriétés pour usurper sur ses voisines έν ταΐς τής άμειξία[ς κ]αιροΐς. La démission dynastique entre les fils d’Évergète II avait dû provoquer des désordres dans cette Thébaïde toujours prête à la révolte.

[108] Grenfell-Hunt, Pap. Gizeh Mus., n. 10383, in Archiv. f. Ppf., I, pp. 63-65.

[109] On sait par nombre de papyrus que cet héliodore fut agoranome à Pathyris près Crocodilopolis de 118 à 113 a. C. Il l’était déjà, d’après le présent acte, en 124/3. Les éponymes de l’année ne figurant pas ici, le document doit être une copie légalisée.

[110] La condition servile n’était nullement en Égypte un obstacle pour un mariage légitime ; à preuve, l’union, au temps de Philippe Arrhidée, d’une fille ingénue avec l’esclave d’une divinité (Révillout, Précis, p. 1102). Le droit de posséder et d’avoir une famille est attesté par le fait que l’esclave est vendu avec sa famille et ses biens présents et à venir (Cours, p. 104).

[111] Diodore, I, 77, 6. C’est sous l’Empire seulement que les Romains se décidèrent à imiter en cela le droit égyptien. Gaius (I, 52) aurait bien da ne pas oublier l’Égypte en disant que le droit de vie et de mort sur les esclaves se rencontrait apud omnes peræque gentes.

[112] Maspero, Hist. anc., I, pp. 326-7. Les papyrus hiératiques nous montrent aussi que les esclaves proprement dits, qu’on vend et qu’on achète, sont des Syriens ou des nègres (Révillout, Cours de droit, p. 96). Sur les cessions et ventes d’esclaves (avec leur famille et leurs biens), voyez Révillout, op. cit., p. 101. Précis, p. 717. Wilcken, Ostr., I, pp. 103-704. Waszynski (Die Bodenpacht, p. 58) fait observer que la rareté des esclaves en Égypte a obligé les grands propriétaires à louer leurs terres à des tenanciers de condition libre et généralement à bon marché (Diodore, I, 74).

[113] Diodore, I, 79.

[114] C’est la conclusion que L. Boulard (Les instructions écrites du magistrat au juge-commissaire dans l’Égypte romaine, Paris, 1906, pp. 58-70) croit pouvoir tirer d’un procès en revendication d’enfant à l’époque romaine (Pap. Oxyr., I, n. 37-38). Le droit égyptien sur ce point aurait été incorporé au droit romain par la constitution de 331 p. C. (Cod. Theod., V, 7, 1).

[115] Diodore, I, 65. Cependant, Diodore cite plus loin (I, 77) toute une série de crimes punis de mort, y compris le meurtre d’un esclave.

[116] Révillout (Cours de droit, p. 103) cite un document de l’an VI de Darius, duquel il résulte qu’un esclave vendu souscrit au changement de maitre. Il se demande si peut-être ce consentement était légalement requis, et si, à son défaut, l’esclave ne recouvrait pas sa liberté par des ventes successives, comme chez les Romains, en vertu d’une loi des XII Tables, le fils vendu trois fois par son père (Si pater filium ter venum duit, filius a patre liber esto, Gaius, I, 132).

[117] Quant à l’affranchissement, le nom n’en existe ni en hiéroglyphes, ni en démotique, ni en copte même, tant l’esclavage tel que l’ont compris les Romains et même les Grecs semblait contraire aux vieilles traditions du pays (Révillout, Mélanges, p. 397). Sur les affranchissements dans l’Égypte romaine, cf. Pap. Oryrh., IV, n. 716. 722. L. Mitteis, Ueber die Freilassung durch den Teileigentümer (in Archiv. f. Ppf., III, pp. 252-256). J. Nietzold, Die Ehe in Aegypten, pp. 23-24. Pour l’époque ptolémaïque, pas de renseignements autres que ceux visés ci-après. Peut-être les esclaves pouvaient-ils changer de servitude par leur propre initiative, en usant du droit d’asile dans les temples.

[118] Pap. Par., n. 10, du 16 Épiphi an XXV de Philométor (Brunet de Presle) ou d’Évergète II (Letronne), c’est-à-dire, du 12 août 156 ou du 9 août 145 a. C.

[119] Cf. A. Bouché-Leclercq, L’Astrologie grecque, Paris, 1899, pp. 412-474, et les textes publiés ou recensés dans le Catalogue codicum Astrologorum græcorum, I-VI. Bruxelles, 1898-1908.

[120] On ne peut considérer comme esclaves tous les σώματα qui figurent en nombre dans les documents relatifs aux travaux publics (par ex., Pap. Par., III, n. 40. 43 verso, col. III-IV). Des σώματα sont des individus quelconques. Les σώματα έρσενικά parmi lesquels figurent, comme dispensés de quelque taxe, des ίερεΐς et νόθοι ne sont certainement pas des esclaves. De même, dans un autre recensement de population (III, n. 93, col. VII). Ailleurs (n. 107), σώματα désigne les passagers, ainsi distingués du fret chargé sur un bateau.

[121] Hibeh Pap., n. 29.

[122] Grenfell traduit l’expression τά γινόμενα τέλη par usual taxes. Il me semble que γινόμενα n’implique pas l’usage, mais plutôt une dette présentement née, du fait de la libération. On pourrait songer aux droits dus au fermier : mais il serait étrange de substituer l’esclave au fraudeur, que le fisc n’entend nullement ménager.

[123] La traduction assignments est justifiée par le contexte (plus haut l’esclave dénonciateur est ό ύποτεθείς) : mais ces sortes de procès devaient être assez rares. Le roi, en imposant l’obligation de les afficher tous les jours, ne veut pas dire qu’il y ait tous les jours de nouvelles citations.

[124] Dans les testaments du temps d’Évergète Ier, on voit les testateurs disposer de leurs σώματα θηλυκά et έρσενικά (Pap. Petr., III, n. 7. 12). Peisias lègue ses esclaves syriens (ibid., I, n. 12). Dion affranchit sa servante et le fils qu’elle lui a donné. Tel autre décide que, au cas où son fils héritier mourrait, deux de ses esclaves seront libres (ibid., III, n. 11). Le tout sans prévoir que le fisc peut réclamer une taxe quelconque.

[125] Les travaux de P. Foucart (Mém. sur l’affranchissement des esclaves, Paris, 1807) ont fait connaître ce mode de manumission en Grèce. Grenfell (in Tebt. Pap., I, p. 64) considère comme très probable que the form of manumission by a nominal sale to a temple prevailed in Egypt (cf. Pap. Oxyr., I, p. 105, and Mitteis, Hermes, XXXIV, p. 104)

[126] Cf. les hiérodules prostituées (qadishtu) et prostitués (nersega) dans les temples babyloniens, mentionnés dans la loi d’Hammourabi (art. 181. 187. 192-3). Cf. Herod., I, 199. Strab., XVI, p. 745, et les observations de H. d’Arbois de Jubainville [La famille celtique, p. 193] sur la confusion faite par Hérodote et Strabon entre les honnêtes femmes et les prostituées. On connait les ha-qedéshim ou effeminali, qui erant in domo Domini à Jérusalem (Reg., IV, 23, 7), les hiérodules d’Hiérapolis, de Comane (au nombre de 6000 d’après Strabon, XII, p. 535) etc., et les hétaïres hiérodules dans le temple d’Aphrodite à Corinthe (Strab., VIII, p. 378). En Égypte, les hiérodules étaient le plus souvent des captifs donnés aux temples par les rois (cf. J. Maillet, Les noms de l’esclave en égyptien, in Rec. de travaux, XXVII [1905], pp. 32-38 193-217. XXVIII [1908], pp. 113-131).

[127] Révillout, Cours de droit, pp. 98-99.

[128] Pap. Taur., VIII. Pétition des hiérodules de la grande Thoéris, qui administraient les biens du temple (probablement situé à Oxyrhynchos) et qui ont été molestés par un comarque (Hibeh Pap., n. 35 : vers 250 a. C.).

[129] On sait combien est copieux le dossier du reclus Ptolémée fils de Glaucias, contemporain de Philométor et d’Évergète II. Il sera analysé ci-après, ch. XXIX. Pour le sens de κάτοχοι, je ne puis que renvoyer aux études visées dans mon article Les reclus du Sérapéum de Memphis (Mél. Perrot). La condition des Jumelles Thauès et Taoûs, les protégées de Ptolémée, parait être celle de diaconesses libres et non pas d’hiérodules. Voyez les ίερόδουλοι ou ίεροί δοΰλοι du Sérapéum mentionnés dans Pap. Leid., D. Pap. Par., n. 30 ; les ίερόδουλοι en général dans Tebt. Pap., n. 6.

[130] Cf. à Babylone, les vierges épouses de Mardouk ; à Delphes, les pythies ; à Rome, les Vestales ; dans le christianisme, les vierges épouses de J.-C., pour qui la prise de voile reproduit les cérémonies du mariage chrétien. On a remarqué qu’une vague réminiscence de l’esclavage sacré survit encore dans l’usage, qui se fait de plus en plus rare, de vouer les enfants au blanc ou au bleu (couleurs de la Vierge) jusqu’à un certain âge. J’ai eu ainsi un camarade d’enfance vêtu tout de blanc, y compris la chaussure, jusqu’à l’âge d’environ dix ans.

[131] Tebt. Pap., n. 6 : de l’an XXXI (140/39 a. Chr.) : la date en mois macédonien Panémos correspondait, à la fin du règne, au mois de Pachon (lig. 28/9, lig. 36/7).

[132] Pap. Par., n. 36 : rapport de police sur des faits analogues aux suivants. Cf. Philostr., Epist., 60. Grenfell, Tebt. Pap., p. 64.

[133] Pap. Par., n. 11, de l’an XXV (de Philométor ?). Le παστοφόριον est au moins une auberge, car Onnophris déclare avoir conseillé à des κικιουργοί de ne pas y coucher, s’ils ne voulaient pas être rossés. Cf. la pétition d’un malheureux gendarme bâtonné par le pastopbore Péadios, du temple de Souchos à Crocodilopolis de Thébaïde (Pap. Grenf., I, n. 38 : de l’an XI [de Ptolémée Aulète, 71/0 a. C. ?], et ci-après, ch. XXIX).