HISTOIRE DES LAGIDES

TOME PREMIER — LES CINQ PREMIERS PTOLÉMÉES (323-181 avant J.-C.)

 

CHAPITRE PREMIER. — PTOLÉMÉE FILS DE LAGOS GÉNÉRAL D’ALEXANDRE (336-323).

 

 

Quand Alexandre le Grand monta sur le trône de Macédoine (336) et qu’il rappela auprès de lui ceux de ses amis qui avaient encouru la colère de Philippe pour avoir aidé et encouragé l’opposition faite par le prince royal à son père, l’Éordéen Ptolémée, fils de Lagos, banni en 337 avec Harpale, Néarque et autres, rentra en Macédoine. Alexandre le retint près de sa personne et lui attribua quelque fonction de cour réservée aux amis (φίλοι-έταΐροι) et conseillers du roi.

Nous n’avons pour nous renseigner sur la naissance de Ptolémée et la condition sociale de sa famille que des généalogies fabriquées après coup dans un intérêt dynastique, pour donner à la race des Lagides devenus rois les ancêtres royaux et divins exigés par le dogme monarchique. Nous verrons plus loin par quelles fictions banales, familières aux mythographes dans l’embarras, les Lagides devinrent des descendants de Zeus par Héraklès et Dionysos. Peut-être ne faut-il pas ajouter plus de foi à une autre tradition qui représente Ptolémée comme un plébéien fils de ses œuvres, distingué pour son mérite et tiré des rangs inférieurs de la milice par Alexandre[1]. Ptolémée était déjà un ami d’Alexandre du vivant de Philippe, et il n’est pas probable qu’il eût dès lors conquis cette amitié par des prouesses comme en peut faire tin simple soldat. L’assertion recueillie par Justin prend trop exactement le contre-pied de la généalogie héroïque ourdie par l’adulation officielle, et la défiance qu’elle inspire s’accroît quand on la voit servir de thème à des anecdotes d’un goût douteux. Sans doute, Ptolémée était un parvenu ; mais il n’en était pas à ignorer ou à ne pouvoir décemment citer le nom de son grand-père[2]. Selon toute vraisemblance, la famille de Ptolémée appartenait à l’aristocratie macédonienne, de petite noblesse, à classer au dessous des maisons d’où sortaient les généraux de marque comme Cratère, Léonnatos et Perdiccas. On peut supposer que Ptolémée était qualifié par sa naissance pour entrer dans le corps des pages royaux (βασιλικοί παΐδες)[3]. C’est là, dans cette pépinière de fonctionnaires et d’officiers, qu’il eut l’occasion de mériter l’amitié et la confiance d’Alexandre.

Ptolémée, mort en 283 à l’âge de 84 ans, était donc né vers 367, de Lagos et d’une Arsinoé, fille, dit-on, d’un certain Méléagre. Il avait un frère du nom de Ménélaos[4], et on lui attribue, pour des raisons à discuter plus loin, une sœur consanguine, Bérénice, née de Lagos et d’une seconde femme appelée Antigone, laquelle aurait été, par son père Cassandre, la nièce d’Antipater.

L’avènement d’Alexandre, dont il avait partagé la disgrâce, fut pour l’ancien page un coup de fortune qu’il avait attendu longtemps. Auprès d’un roi de vingt ans, il n’avait plus, lui qui avait dépassé la trentaine, l’air d’un tout jeune homme. Brave, sérieux, instruit, dévoué à la personne de son maître, il parait avoir été pour Alexandre un véritable ami, au sens courant du mot[5], un confident sûr et un conseiller discret. On ne saurait dire si Ptolémée prit part aux expéditions qu’Alexandre entreprit contre les Triballes et contre Thèbes (335) : ce qui est certain, c’est que Ptolémée, écrivant plus tard ses Mémoires, donnait sur ces campagnes des détails précis qui ne peuvent guère avoir été notés que par un témoin oculaire[6].

L’histoire le retrouve au cours de la grande expédition d’Orient, non pas dès le début, ni au premier plan, mais toujours aux côtés d’Alexandre, veillant sur la sécurité du prince et investi de missions de confiance. Les auteurs n’ont pas songé à nous dire s’il accompagna Alexandre en Égypte, et s’il vit jeter les fondements de sa future capitale. On en est d’autant plus surpris qu’ils aiment à découvrir dans les circonstances fortuites des pressentiments de l’avenir, et que celle-ci leur eût fourni une explication rationnelle du choix que fit plus tard Ptolémée de la satrapie d’Égypte. Mais il n’y a aucune raison de penser qu’Alexandre se soit séparé alors de son fidèle acolyte, qui a peut-être été l’historiographe de l’excursion à l’oasis d’Ammon[7]. Dans l’hiver de 331-330, à l’affaire des Défilés Persiques, Ptolémée commande 3,000 hommes chargés de couper la retraite aux Perses[8]. C’est lui qu’Alexandre détache au devant de la grande armée, avec environ 6.000 hommes, pour négocier ou accélérer par la force la capture de Bessos, trahi et délaissé par ses complices, Spitamène et Datapherne (329)[9].

Ptolémée était alors garde du corps (σωματοφύλαξ) en titre, étant entré dans l’état-major des sept officiers supérieurs à la place du somatophylaque Démétrios, impliqué dans le complot de Philotas (fin 330)[10]. Nous le voyons ensuite commander avec Héphestion le corps d’armée qu’Alexandre garde auprès de lui en Sogdiane (329)[11], diriger avec Perdiccas et Léonnatos le siège de la Pierre de Choriène[12] (328), et se signaler par sa bravoure personnelle dans les combats livrés aux Aspasiens. Blessé dans un premier engagement en même temps que Léonnatos et Alexandre lui-même, il tue de sa main, quelques jours plus tard, un prince indien qui avait failli l’abattre lui-même d’un coup de lance. Enfin, son corps d’armée prend une part brillante à l’écrasement final des Aspasiens (327)[13]. Moitié général, moitié ingénieur, il escalade et prend à revers les hauteurs d’Aornos, dirigeant avec un égal succès les travaux d’approche et les embuscades[14]. Au siège de Sangala, Alexandre utilise d’une façon analogue sa prudence et son coup d’œil[15]. Quand l’armée, s’engageant dans la voie du retour, descend le cours de l’Acésine, le Lagide commande encore un des trois corps d’armée qui doivent combiner leurs mouvements contre les Oxydraques, les deux autres étant conduits par Héphestion et Alexandre (326)[16]. Pour cette raison précisément, il n’était pas aux côtés d’Alexandre lorsque celui-ci fut dangereusement blessé à l’assaut de la capitale des Malliens. Il s’empressa lui-même plus tard de rectifier la légende qui faisait de lui en cette mémorable journée le sauveur d’Alexandre et prétendait expliquer ainsi son surnom royal de Soter[17]. On le retrouve un peu plus tard parmi les trente-trois triérarques auxquels Alexandre confie la flotte d’eau douce réunie sur l’Hydaspe[18].

Il n’eût dépendu que de lui, lorsqu’il tenait la plume, de grossir ses exploits et de se poser partout au premier plan sous le regard de la postérité. Il semble, au contraire, — la confiance absolue d’Arrien en témoigne, — avoir voulu rendre justice à chacun et opposer partout la vérité vraie au roman qui commençait déjà à envahir la merveilleuse histoire du conquérant.

Alexandre sut reconnaître et payer de retour le dévouement de son fidèle lieutenant. Une anecdote célèbre nous montre le roi veillant au chevet de son ami blessé et le guérissant avec une racine dont les vertus lui avaient été révélées en songe[19]. Son affection, mélangée, dit-on, de caprices et même d’accès de défiance, fit du Lagide une sorte de chambellan, de maître de la maison du roi[20]. Ptolémée assista ainsi, en témoin consterné, au meurtre de Clitos, qu’il avait prudemment emmené hors de la salle où s’était échauffée la dispute et qui y était rentré pour braver Alexandre ivre de colère et de vin[21]. C’est Ptolémée qui veillait à la porte de la tente royale le jour où la conspiration des pages mit en péril la vie d’Alexandre[22] : c’est lui que le roi charge de tout préparer pour l’holocauste volontaire du brahme Calanos[23]. A Suse, dans cette série de fêtes et de combinaisons polygamiques par lesquelles Alexandre inaugure sa nouvelle monarchie orientale, Ptolémée reçoit comme épouse Artacama, fille du satrape Artabaze, qui se trouvait être alors, par sa sœur Barsine, la belle-sœur d’Alexandre[24]. Il fait partie de ce cénacle de vice-rois qui entourent le nouveau Grand-Roi, le successeur des Pharaons, des rois de Babylone, de Ninive et de la dynastie des Achéménides (324).

Il est permis de croire qu’avec son sens rassis et sa prudence innée, il suivait sans enthousiasme son jeune et impétueux souverain dans une voie au bout de laquelle on risquait de rencontrer la désaffection des Macédoniens et des Hellènes. Il ne parait pas avoir pris fort au sérieux le mariage politique que lui avait imposé Alexandre, et il est probable qu’il s’en considéra comme tout à fait dégagé par la mort du roi (323).

Dans le conseil tenu par les généraux après la mort d’Alexandre, se posa tout d’abord la redoutable question qui ne devait être résolue qu’au prix de vingt ans de discordes et de luttes à main armée. Par qui et comment allait être gouverné le vaste empire improvisé par Alexandre ? Surpris par la mort, le conquérant n’avait laissé aucune instruction à ce sujet : ce serait lui faire injure que de lui prêter le mot fabriqué sous son nom par quelque rhéteur et de croire qu’il eût volontairement déchaîné la tempête en léguant sa succession au plus digne[25]. Le principe de l’hérédité monarchique pouvait seul sauvegarder l’unité de l’empire. Mais Alexandre avait tout improvisé, même ses amours, et ne s’était pas autrement soucié de distinguer entre ses concubines et ses épouses. Il avait eu de Barsine, fille d’Artabaze, un fils, Héraclès, alors âgé de quinze à seize ans[26], qui vivait avec sa mère à Pergame : mais c’était le fruit d’une union libre et Alexandre lui-même ne l’avait jamais traité en fils légitime. Depuis, le roi avait épousé, en 328, Roxane, fille du satrape de Bactriane Oxyartès, et, en 324, aux noces collectives de Suse, Statira, fille de Darius. Roxane portait dans son sein un rejeton d’Alexandre ; mais, à trois mois de sa délivrance[27], c’était l’inconnu, et même, ceux qui n’étaient pas encore habitués à considérer la polygamie comme un régime légal pouvaient douter de la légitimité de cet héritier éventuel, le futur Alexandre IV. D’autre part, on avait sous la main, à Babylone même, un frère consanguin d’Alexandre, Arrhidée, qui était à la fois bâtard et faible d’esprit, mais qui, aux yeux de l’armée, et surtout des simples soldats, avait l’avantage de n’être pas un métis, né d’une Orientale. Sa mère Philinna n’avait été qu’une concubine de Philippe[28], mais c’était une Thessalienne de Larissa. Perdiccas, qui était le plus en vue des généraux, proposa d’attendre les couches de Roxane ; Méléagre, d’élire Héraclès ou Arrhidée. Ptolémée tint le langage d’un Macédonien qui ne voulait être gouverné ni par un bâtard imbécile comme Arrhidée, ni par des rejetons d’aventure comme le fils de Barsine ou celui qu’on attendait de Roxane. Les Macédoniens, aurait-il dit, n’avaient pas vaincu les Perses pour obéir à leurs descendants. Il proposa donc de laisser vacant le trône d’Alexandre et de confier le gouvernement de l’empire aux chefs de l’armée, qui appliqueraient chacun dans un domaine particulier les décisions prises en commun[29]. Ce fut l’avis de Perdiccas qui prévalut dans le conseil ; mais l’infanterie, la plèbe militaire, refusa d’adhérer à cette décision. Elle proclama Arrhidée, que Méléagre s’empressa de reconnaître et de protéger ; si bien qu’il y eut conflit entre l’état-major et la cavalerie, d’une part, et les fantassins, de l’autre. Les cavaliers durent quitter Babylone, mais ils occupèrent les alentours, de façon à bloquer les rebelles. On finit par négocier, et il est probable que Ptolémée fit de son mieux pour ménager une transaction. Il avait pu, tout en se rangeant par devoir du côté de Perdiccas[30], conserver une attitude neutre, car l’avis qu’il avait exprimé au conseil ne l’engageait avec aucun des deux partis. Il fut convenu qu’Arrhidée serait roi sous le nom de Philippe, mais que les droits éventuels de l’enfant de Roxane, si c’était un enfant mâle, seraient réservés. On pouvait laisser provisoirement en suspens la question de savoir s’il serait associé au trône ou considéré comme l’héritier présomptif de Philippe Arrhidée[31]. Perdiccas, à qui l’on prétend qu’Alexandre mourant avait remis le sceau royal, serait, sous le nom de chiliarque, le vicaire général de l’empire et comme le tuteur du roi ou des rois succédant à Alexandre.

Ptolémée s’était bien gardé de prendre une attitude hostile à l’égard de Perdiccas, qui comptait régner sous le nom d’Arrhidée et qui commençait déjà à supprimer ses adversaires[32]. Il savait bien que, rejeté en théorie, son système serait appliqué en fait. Il fallut, en effet, tout en affirmant l’unité de l’empire, le partager en grands commandements militaires. Ptolémée choisit ou sut se faire attribuer la meilleure part. Il eut pour satrapie l’Égypte, avec les parties adjacentes de l’Arabie et de la Libye, c’est-à-dire un pays riche, pacifié, déjà ouvert de longue date à l’influence hellénique et qui s’était soumis sans coup férir à Alexandre[33]. Perdiccas, dont l’ambition clairvoyante se défiait des habiles, fit décider, il est vrai, que le nomarque d’Arabie, Cléomène de Naucratis, chargé par Alexandre de percevoir les tributs de l’Égypte et de surveiller les travaux d’Alexandrie, resterait adjoint à Ptolémée en qualité de sous-gouverneur (ϋπαρχος)[34] ; mais le Lagide se dit sans doute que, en dépit des précautions du régent, il saurait bien être le maître chez lui.

Une fois investi de ses pouvoirs, Ptolémée avait hâte de quitter Babylone ; mais il lui fallut attendre les couches de Roxane, dont le fils Alexandre, associé à l’empire, fut pour Perdiccas un nouveau pupille et un nouvel instrument de règne ; puis, assister aux funérailles d’Alexandre. Celles-ci durent être longuement préparées, si l’on voulait qu’elles égalassent au moins en magnificence celles qu’Alexandre avait commandées pour Héphestion. Le départ de Ptolémée se trouva ainsi retardé jusqu’à la fin de l’automne[35]. Si nous prenions au sérieux, plus qu’elles ne le méritent, les formules traditionnelles par lesquelles les prêtres égyptiens louèrent plus tard Ptolémée d’avoir rapporté en Égypte les images des dieux emportées par les Perses, nous supposerions que Ptolémée employa son temps à faire collection de cadeaux destinés à ses futurs administrés. Enfin, il put partir et arriva en Égypte vers le mois de novembre 323. Il était décidé à n’en plus sortir qu’à bon escient.

 

 

 



[1] (Ptolemæus) quem ex gregario milite Alexander virtutis causa provexerat (Justin., XIII, 4, 10). D’après U. Kœhler (SB. der Berl. Akad., 1891, p. 211-212), c’est un écho de la légende de Ptolémée exposé par Lagos sur un bouclier. En revanche, Justin (XV, 4, 2-6) accepte d’emblée l’origo admirabilis de Séleucos, fondateur de la dynastie des Séleucides, bien que Séleucos ne fût d’abord qu’un στρατιώτης βασιλέως (Appien, Syr. 55) et n’ait pas reçu de province à gouverner à la mort d’Alexandre. Pour la biographie de Ptolémée, voyez la consciencieuse compilation de R. Geler, De Ptolemæi Lagidæ vita et commentariorum fragmentis commentatio. Gymn. Progr., Halæ, 1838.

[2] Plutarque (De cohib. ira, 9. De nobilit., 19) rapporte qu’un grammairien à qui Ptolémée demandait, pour l’embarrasser, le nom du père de Pélée, lui répondit insolemment : je vous le dirai quand vous m’aurez dit d’abord quel était le père de Lagos. On a remarqué (Lumbroso, Krall) que plus tard les Septante, pour éviter de faire remarquer le sens ridicule du nom de Lagos, ont traduit lièvre (λαγώς) par δασυπούς.

[3] Pueri regii apud Macedonas vocabantur principum liberi, ad ministerium electi regis (Liv., XLV, 6).

[4] Éponyme du nome Ménélaïte (Strabon, XVII, p. 801).

[5] Sur les titres officiels de φίλοι, έταΐροι (βασιλέως), voyez ci-après, tome III.

[6] Cf. Arrien, Anabase, I, 2, 7 ; 8, 1.

[7] On peut se demander si le Ptolémée, fils de Philippe, qui commande la cavalerie au Granique (Arrien, I, 14, 6), ne serait pas le Lagide, qu’Arrien n’aurait pas reconnu en rencontrant son nom dans un auteur (peut-être Timagène) persuadé que le futur roi d’Égypte était en réalité un frère d’Alexandre. Cette généalogie avait ses partisans ; elle ne fait pas doute pour Quinte-Curce (IX, 8, 33). Pausanias (I, 6, 8) remarque que, si elle est vraie, l’hérédité explique la passion de Ptolémée pour les femmes.

[8] Arrien, III, 18, 9.

[9] Arrien, III, 29-30.

[10] Arrien, III, 27, 5. Cf. IV, 8, 9 (Ptolémée s’efforce de sauver Clitos). Arrien avait d’abord mis la nomination de Ptolémée comme σωματοφύλαξ en 336 (III, 7, 6). Il a dû employer alors ce terme dans un sens impropre, ou peut-être confondre le fils de Lagos soit avec le Πτολεμαΐος ό σωματοφύλαξ ό βασιλικός qui fut tué devant Halicarnasse en 334 (I, 22, 1), soit avec un autre garde du corps, Ptolémée fils de Séleucos (I, 24, 1). L’homonymie, la plaie de l’histoire ancienne, est à l’état chronique dans l’histoire des Lagides.

[11] Arrien, IV, 16, 1.

[12] Arrien, IV, 21, 4.

[13] Arrien, IV, 23-25 : d’après les Mémoires de Ptolémée, qu’il cite ici (IV, 25, 4). Les fragments de ces mémoires dans les Script. Alex. Magni (Didot), p. 86.

[14] Arrien, IV, 29-30.

[15] Arrien, V, 23-24. Ptolemæus plurimas, Alexander maximas urbes cepit (Curt., VIII, 10, 37).

[16] Arrien, VI, 5. Diodore, XVII, 104.

[17] Arrien, VI, 11, 8. Mais le démenti de Ptolémée ne fit pas disparaître la version accréditée par Clitarque et Timagène (Curt., IX, 5, 21), laquelle reparaît dans Pausanias (I, 6, 2) et Ampelius (Ptolemæus Euergetes, qui Alexandrum opud Oxydracas objecto clipeo profecit, § 35). La grossière méprise Euergetes nous donne un avant-goût des confusions commises par les compilateurs qui sont trop souvent nos seuls guides.

[18] Arrien, Indic., 18, 5.

[19] Cicéron, Divin., II, 66. Strabon, XV, p. 173. Justin., XII, 10, 3. Curt., IX, 8, 33. D’après Diodore (XVII, 103), à Harmatelia dans l’Inde. Anecdote suspecte, dédaignée par Arrien, qui n’en dit mot.

[20] Écuyer tranchant (έδέατρος), d’après Charès de Mitylène (ap. Athénée, IV, p. 171 c). Geier (op. cit., 13, n. 15) relève la bévue de Sainte-Croix entendant par Πτολεμαΐον τόν σωτήρα έδέατρον άποδειχθήναι, que Ptolémée dut à cet office protecteur son surnom de Σωτήρ. D’après Quinte-Curce (IX, 8, 33), regi an popularibus carior esset, dubitari poterat. Cf. l’inepte conte de Candaule et Ptolémée déguisé en Alexandre (Ps.-Callisth. et Jul. Valer., Hist., III, 49). En revanche, Élien croit savoir qu’Alexandre, jaloux et défiant, craignait l’adresse de Ptolémée (Var. Hist., XIV, 48. Cf. XII, 16).

[21] Arrien., IV, 8, 9.

[22] Arrien, IV, 13, 7. Ptolémée devait être aussi de garde le jour où survint un prodige qu’il est chargé d’annoncer à Alexandre (Arrien, IV, 15, 7-8).

[23] Arrien, VII, 3, 2.

[24] D’après Plutarque (Eumène, 1), Alexandre fit épouser une troisième fille d’Artabaze, appelée Barsine comme son alliée, à Eumène ; la seconde, donnée à Ptolémée, étant une Apama, homonyme, par conséquent, d’Apama, fille de Spitamène, femme de Séleucos et mère d’Antiochos Ier. Arrien (VII, 4, 6), corrigeant Plutarque, fait aussi de l’épouse de Ptolémée une fille d’Artabaze, mais il l’appelle Artacama. De toutes ces unions contractées par ordre, il n’y eut de durable que celle de Cratère, dont la femme, Amastris, épousa plus tard Lysimaque, et celle de Séleucos. Artacama ou Apama ne mit probablement jamais le pied en Égypte, où, vu sa nationalité, elle n’aurait pu être qu’impopulaire.

[25] L’anecdote est dans Justin (XII, 15, 8) et Quinte-Curce (X, 5, 14), qui interprètent le mot comme désignant Perdiccas.

[26] Dix-sept ans d’après Diodore (XX, 20) ; quatorze ans passés d’après Justin (XV, 2, 3) ; tout petit, d’après Appien (Syr., 52).

[27] Exacto mense octavo matura (Justin, XIII, 2, 5) : Sextus mensis est ex quo Roxane prægnans est (Curt., X, 6, 19). Droysen (II, p. 35, 4) croit pouvoir opter pour Justin.

[28] Satyros disait que Philippe terminait toutes ses campagnes par un mariage ; Philinna avait été, suivant lui, épouse aussi légitime que les six autres (Athénée, XIII, p. 557 c).

[29] Il faut renoncer à mettre d’accord, dans le détail, les versions de Diodore, de Justin et de Quinte-Curce. On se contente ici de prendre, en ce qui concerne Ptolémée, les assertions suffisamment concordantes de Justin et de Quinte-Curce. Il est certain que Ptolémée a poussé au démembrement de l’empire.

[30] D’après Quinte-Curce, il y aurait eu des scènes de violence jusque dans la chambre mortuaire, où Perdiccas s’était barricadé (X, 7, 24). La popularité de Ptolémée (IX, 8, 33) et ce que l’on sait de son caractère permet de lui attribuer un rôle de conciliateur.

Sur Perdiccas, vicaire général de l'empire en qualité de chiliarque, j'avais adopté, dans une question accessoire, l'opinion de Droysen. J. Beloch, Die Neuordnung des Reiches nach Alexanders Tode (Gr. Gesch., III, 2 [1904), pp. 236-248) a fait le triage de deux traditions incompatibles entre elles, que Droysen a eu le tort de combiner. L'une, représentée par Arrien et Dexippe (FHG., III, p. 668), attribue la προστασία τής βασιλείας à Cratère et la second rang à Perdiccas comme chiliarque succédant à Héphestion. L'autre, représentée par Diodore, Quinte-Curce et Justin, fait de Perdiccas le grand chef, mais ne lui donne pas le titre de chiliarque. Il en résulte que le chiliarque Perdiccas a usurpé les pouvoirs de Cratère, alors absent de Babylone, et, en cette nouvelle qualité, s'est substitué Séleucos comme chiliarque (summus castrorum tribunus, Justin., XIII, 4, 17). Ce n'est donc pas comme chiliarque que Perdiccas put être légalement le vicaire général de l'empire, titre qui ne convient qu'au προστάτης.

[31] Servata est portio regni Alexandri filio, si natus esset (Justin., XIII, 4, 3). En fait, il y eut association des deux rois, dont les noms servirent d’enseigne officielle symbolisant l’unité de l’empire, de 323 à 317 (Appien, Syr., 52). Sur le prétendu nom de Argos, attribué par Petau à Alexandre, fils de Roxane, voyez Droysen, II, p. 12, 1.

[32] Voyez les exécutions de rebelles et la mort tragique de Méléagre (Diodore, XVIII, 4. Curt., X, 9, 29).

[33] Sur les négociations et partages entre les généraux, voyez, outre les Histoires de Droysen (II, pp. 12-33) et de Niese (I, pp. 195-198), les études de A. Reicke, De rebus post Alexandri mortem Babylone gestis quæstionum, Part. 1, Regiom. 1887. E. Szanto, Die Ueberlieferung der Satrapienvertheilung nach Alexanders Tode (Arch.-Epigr. Mittheil., XV [1892], pp. 1218). Tirage au sort, d’après Justin (XIII, 4, 10), version improbable. Cf. Diodore, XVIII, 3. Curt., X, 10, 30. Les compilateurs de basse époque reprennent une tradition rejetée par Quinte-Curce, à savoir que la répartition avait été faite d’après un testament d’Alexandre. C’est lui, d’après le Barbarus Scaligeri (Chronica minora, I [1892], p. 270, éd. Frick), qui avait donné Αϊγυπτον δέ καί τά περί τής άνω Αιβύης Φιλίππω τώ καλουμένω Πτολεμαίω. Ce Philippe surnommé Ptolémée est donné comme le prédécesseur en Égypte de Ptolémée Lagide : c’est donc Philippe Arrhidée. On a là un échantillon des confusions qui foisonnent dans nos textes. Les chronographes simplifient la question. Alexandre partage son empire entre quelques parents, Séleucos, Démétrios, Philippe et Ptolémée (p. 447 Frick). Le scoliaste de Lucien (FHG., III, p. 668) ne reconnaît que trois successeurs d’Alexandre, Perdiccas, Ptolémée et Séleucos.

[34] Justin., XIII, 4, 11 (ad tractandam provinciam).

[35] Champollion-Figeac (Annales, I, p. 244-248) propose octobre. Cf. Droysen, II, p. 96, 2. Le fragment XII des Oxyrrhynchos Papyri dit simplement à la date de Ol. CXIV, 2 = 323/2 : Πτολεμαϊος ό Λάγου είς Αΐγυπτον πεμφθείς ήρξε τής χώρας.