HISTOIRE DE LA GUERRE DE LA VENDÉE

TOME PREMIER

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

 

 

N° I.

Plan de l'association bretonne, le 5 décembre 1791.

 

PAR ordre des Princes, avec l'accession des Bretons émigrés, pour l'honneur des associés et le bien de la province,

1° Il y aura, par ville d'évêché, six commissaires et un secrétaire pris dans les trois ordres, autant que faire se pourra ; ils recevront leurs instructions du chef de sociation.

2° Dans chaque ville ou arrondissement, il y aura trois commissaires pris dans les trois ordres, autant que faire se pourra ; ils recevront généralement leurs instructions des commissaires d'évêché, lesquels porteront, conformément aux instructions datées le .... et reçues le ... du chef ...

3° Les commissaires d'arrondissement ou de ville correspondront directement avec le chef, ou indirectement par les commissaires de leur évêché, suivant la distance plus ou moins éloignée où ils se trouveront du chef ou de leur commissaire, et la promptitude plus ou moins grande que les circonstances exigeront ; mais, dans le premier cas, ils instruiront les commissaires d'évêché, en leur faisant part à temps des objets importants de leur correspondance avec le chef.

4° Le chef fera connaître à MM. les commissaires d'évêchés, et à ceux des villes et d'arrondissements, les personnes qui, en cas de son absence ou d'événemens imprévus, pourraient recevoir, donner et signer des intelligences et des instructions, et le suppléer dans toutes les courses et autres objets qui exigeront en même temps son activité dans toutes les parties ou dans plusieurs parties de la province.

5° MM. les commissaires et autres membres de l'association prendront les mesures les plus actives et en même temps les plus sages, pour propager l'esprit et les vues patriotiques de l'association, pour y réunir toutes les personnes qui, par leurs moyens quelconques, peuvent y être utiles ; les moyens d'utilité sont des hommes et de l'argent. Ces objets doivent être préparés de manière qu'on puisse, vingt-quatre heures après l'avertissement, les faire partir pour un ou plusieurs lieux désignés.

6° MM. les commissaires et autres agents associés ne perdront pas de vue que tout le succès-dépend de l'ensemble ; qu'en s'attachant à conserver une propriété particulière, comme une faible partie de la province, on courrait risque de ne rendre aucun service essentiel ; enfin, que le salut général, tant des individus et des propriétés que de la constitution avantageuse et particulière de la province, dépend, en grande partie, de l'effet qu'aura, dans le principe de Faction, l'unanimité de toutes les parties, la force d'un grand ensemble, d'un corps respectable par le choix, les principes et le nombre, et dont on détachera, lorsqu'il sera formé et organisé — ce qui demande un peu de soins —, des divisions proportionnées à ce que les circonstances, dans les différentes parties de la province, exigeront. Ils seront convaincus de la nécessité de ce premier rassemblement, et de celle de mettre quelque temps en oubli les intérêts personnels qui contrarieraient l'intérêt général, lorsqu'ils réfléchiront que l'objet de l’association embrasse à la fois l'avantage de contribuer essentiellement et par les moyens les plus doux, au retour de la monarchie, à la conservation des droits de la province, des propriétés et de l'honneur breton.

7° Après avoir consulté les députés, qu'on priera à temps MM. les commissaires d'envoyer, et qu'ils prendront indistinctement parmi eux et les autres associés, on assignera un rendez-vous général, où l'on se rendra sans s'être préalablement assemblé à des rendez-vous particuliers, parce que ces rassemblements partiels, aussi marquants dans les cantons où ils auraient lieu, mais moins en état de résistance que le rendez-vous général, feraient peut-être des difficultés très-dangereuses à surmonter pour se réunir à ce dernier.

8° MM. les commissaires feront parvenir au chef, le plus souvent qu'ils pourront, l'état de leurs moyens actuels et de leurs espérances ; ils accompagneront ces envois de leurs conseils et des désirs de la partie d'association au service de laquelle ils seront particulièrement attachés. Ils feront en même temps part de la nature des encourage-mens et des récompenses qui peuvent faire entrer on maintenir utilement les individus dans l'association.

9° Tous les membres seront sans doute pénétrés de ce sentiment patriotique et profondément essentiel, que la division des ordres étant nécessitée dans tous les cas, pour rappeler au gouvernement monarchique et à la constitution bretonne, il est utile de faire voir que leur importance et leur existence politique et séparée ne peuvent donner à aucun des trois d'influence distinctive dans les opérations, de quelque nature qu'elles soient, de l'association, où tous les propriétaires ayant, à ce titre, des avantages égaux à obtenir, des dangers communs à éviter, doivent marcher main en main, en se communiquant leur force individuelle, pour composer une force générale, dirigée avantageusement pour tous vers le même but.

10° MM. les commissaires et autres membres de l'association feront tous les efforts que le courage et la sagesse approuveront, pour faire entrer dans l'association les milices nationales et les troupes de ligne. Ils jugeront combien il est important d'en réunir un nombre assez considérable pour détruire l'injuste soupçon, qu'elles auraient naturellement, que les vues de l'association sont dirigées contre elles, et pour lui donner une de ses plus grandes force actives. Les pouvoirs seront communiqués à MM, les commissaires d'évêchés et autres, et dans la confiance parfaite qu'ils n'en donneront aucune copie.

11° L'organisation militaire sera communiquée et réglée à temps. Il est extrêmement essentiel que MM. les commissaires et autres associés fassent, sans perdre de temps, leurs efforts pour acquérir des hommes populaires disposant de beaucoup de bras. Les premiers auront, pour être officiers dans les premiers grades, des titres proportionnés au nombre d'hommes qu'il feront parvenir au rendez-vous. A 'mesure que MM. les commissaires auront acquis de ces hommes essentiels, ils enverront au chef leur nom, avec quelques remarques caractéristiques des degrés d'utilité dont ils peuvent être, et de ceux de la confiance qu'on peut y mettre.

Bretagne, 5 décembre 1791.

Signé ARMAND DE LA ROUERIE.

 

N° II.

Commission donnée au marquis de La Rouerie par les Princes frères de Louis XVI.

Les Princes, frères du Roi, considérant que le bien de la province de Bretagne et le service de Sa Majesté exigent que le chef de l'association bretonne ait en mime temps le pouvoir nécessaire pour diriger les mouvements des troupes de ligne, des maréchaussées et autres militaires et gens armés dans cette province, leurs altesses royales ont conféré et confèrent au marquis de La Rouerie, colonel au service de France depuis le 10 mai 1777, et ancien officier général au service des Etats-Unis d'Amérique, la commission et le pouvoir de donner en leur nom les ordres que les circonstances lui paraîtront exiger, tant aux troupes de ligne qu'aux maréchaussées et autres militaires quelconques, et gens armés dans cette province. &donnant à tous les sujets fidèles qui y sont demeurés, de quelque état et condition qu'ils puissent être, de le reconnaître comme muni desdits pouvoirs, et d'obéir aux ordres qu'il leur donnera en cette qualité, soit avant, soit pendant le cours de la contre-révolution : le tout sous le bon plaisir du Roi, et jusqu'à ce que les Princes, frères de Sa Majesté, jugent à propos de révoquer et d'annuler la présente commission. Leurs altesses royales, persuadées de la nécessité de ramener au, même but et de faire concourir avec un accord salutaire les efforts de tous ceux qui seront employés dans la bonne cause ; voulant d'ailleurs écarter et même détruire les soupçons, jalousies et inquiétudes que l'arrivée des troupes étrangères en Bretagne paraît y inspirer, désirent et jugent à propos que, dans le cas de l'arrivée de ces troupes ou de toutes autres, leurs chefs entrent en relation avec celui de l'association bretonne, pour que ces chefs se conduisent en tous points de concert avec lui, relativement au bien des affaires du Roi, au rétablissement de son pouvoir légitime, et à la conservation de ses propriétés.

Autorisent, leurs altesses royales, M. le marquis de La Rouerie, en qui elles ont une juste confiance, à joindre, autant que faire se pourra, à l'association bretonne, les parties limitrophes des autres provinces, lesquelles seront sujettes aux mêmes règlements et travaux, et participeront aux mêmes avantages, à l'exception de ceux qui ne seraient relatifs qu'à la constitution particulière de la Bretagne.

Au surplus, les Princes, voyant avec satisfaction les principes d'après lesquels s'est formée ladite association, et convaincus des bons effets qui doivent en résulter, recommandent au marquis de La Rouerie de faire connaître de leur part, à ses compatriotes, que les services qu'ils pourront rendre au Roi et à l'Etat, en demeurant dans leur province et en se réunissant à cette coalition de zèle et de fidélité, leur paraissent plus importants que ceux qu'ils pourraient rendre au dehors ; et qu'en conséquence, quelque honorables que soient les motifs qui, dans les premiers moments, ont déterminé plusieurs d'entr'eux à venir se ranger sous les ordres de leurs altesses royales, elles désirent que le nombre n'en soit pas augmenté, et que les gentilshommes ou autres qui, par des raisons également honorables, n'ont pas abandonné leurs foyers, évitent de prendre le parti de l'émigration. En foi de quoi nous avons signé la présente, et y avons fait apposer le cachet de nos armes.

Fait à Coblentz, le 2 mars 1792.

Signé LOUIS-STANISLAS-XAVIER, CHARLES-PHILIPPE

Contresigné COURVOISIER.

 

N° III.

Pièce jointe à la commission de La Rouerie.

 

Les Princes, frères du Roi, informés de la position où se trouvent, en Bretagne, les citoyens demeurés fidèles à la religion et au Roi, exhortent le marquis de La Rouerie à continuer d'entretenir ces bons sentimens, à les confirmer de plus en plus, et à attendre avec confiance le moment mi l'action prochaine des forces extérieures offrira aux bons Français la possibilité de manifester ouvertement leur loyauté et leur courage. Les Princes feront paraître incessamment un manifeste qui fera connaître que leurs vœux ne tendent qu'au rétablissement de l'ordre, et annoncera l'esprit d'équité et de modération qui dirige toutes leurs démarches. Ce manifeste, soutenu par les armées des puissances confédérées, sera tel qu'il puisse éclairer la nation sur ses véritables intérêts, dissiper les fausses inquiétudes qu'on lui a imprimées, la rassurer coutre la crainte d'être surchargée d'impôts ou privée d'une liberté légitime ; niais en même temps il présentera tout ce qu'ont à craindre les factieux révoltés contre le gouvernement paternel d'un roi dont ils ont indignement méconnu la bonté, et il fera trembler les plus audacieux, en leur faisant voir la vengeance due à leurs forfaits suspendue sur leur tête.

La prudence dont jusqu'à présent le marquis de La Rouerie nous a donné des preuves, nous persuade qu'il évitera toute explosion prématurée ; mais si la violence d'une secte sanguinaire attentait à la vie et aux propriétés des citoyens, nous autorisons M. de La Rouerie à repousser, en ce cas, la force par la force ; et nous ordonnons à tous Français fidèles de lui prêter assistance, de seconder son zèle, de l'aider de tout leur pouvoir ; nous reposant entièrement, pour les moyens d'exécution, sur la sagesse et la modération dudit marquis de La Rouerie.

Coblentz, le 15 juin 1792.

Signé LOUIS-STANISLAS-XAVIER, CHARLES-PHILIPPE

 

N° IV.

Lettre de Calonne à La Rouerie, le 11 août 1792.

 

Notre brave et féal Fontevieux n'a pas négligé votre affaire, cher général, et nous ne l'avons pas négligée non plus, quoique nous l'ayons retardée. Il emporte la pièce qui va paraître le jour même que nous marcherons vers nos pénates, et c'est après-demain. Il ne vous porte que l'épreuve : c'est tout ce que nous avons ; et il vaut mieux s'en contenter que d'attendre encore deux jours. Vous avez aussi les commissions signées, et 10.200 livres, faisant moitié de ce que vous recevrez dans un certain genre[1], qui sera bientôt dans le cas de vous être envoyé où vous indiquerez. Euge, euge, macte animo, vir generose, c'est tout ce qu'on peut vous dire à présent, et on vous le dira de la part d'un grand homme[2], dont nous sommes pareillement content, ainsi que d'une grande Majesté[3].

Recevez les embrassements et les vœux de votre serviteur.

Signé DE CALONNE

 

N° V.

Brevets en blanc donnés à La Rouerie.

 

M. ..... étant instruit des motifs fondés sur votre mérite et l'utilité de vos services

.................... qui ont porté le marquis de La Rouerie, d'après les pouvoirs qu'il a reçus de nous, à vous nommer .......... nous approuvons et ratifions ladite nomination ; voulons et ordonnons que vous soyez obéi en cette qualité. En foi de quoi nous avons signé la présente confirmation, et y avons fait apposer le cachet de nos armes.

Fait à Coblentz, le juin ... 1792.

Signé LOUIS-STANISLAS-XAVIER, CHARLES-PHILIPPE

Par leurs altesses royales.

COURVOISIER.

 

N° VI.

Copie de la lettre du Roi Louis XVI à M. Desilles père, à l'occasion de la mort de son fils tué à Nancy.

 

Pour ne point renouveler votre douleur, je ne vous parte point, M. Desilles, de l’action héroïque de votre fils et de la perte que nous avons faite. Vous savez combien je partage votre peine et je voudrais pouvoir l'adoucir si les circonstances s'en présentent : je veux que vous me les indiquiez, et vous me trouverez toujours disposé à vous donner des marques de nia bienveillance.

Signé Louis.

 

Copie de la lettre de madame de la Fonchais à ses sœurs mesdames de Virel et d'Allerac, quelques moments ayant d'aller à l'échafaud.

 

Le 18 juin 1793.

Séchez vos pleurs, mes bonnes amies, du moins répandez-les sans amertume, tous mes maux vont finir ; je suis plus heureuse que vous : je vous supplie, mes amies, de reprendre de la tranquillité ; c'est de vous dont je suis occupée, et c'est sur vous que se tournent mes regrets ; mais, mes chères amies, je ne veux pas m'occuper de vous, cette idée m'affaiblirait, et je veux conserver toutes mes forces.

Je viens d'écrire à ma belle-sœur, pour lui recommander mes enfants : c'est un poids dont vous ne pouvez vous charger à présent ; mais, mes amies, je vous les recommande cependant ; veillez-y, je vous en prie. Mes bonnes amies, que leur éducation soit votre ouvrage, c'est à vous à la diriger, elle ne peut-être en meilleures mains que dans les vôtres : c'est vous qui allez être les mères de ces pauvres petits enfants, que ces titres si précieux vous aident à supporter la vie. Songez combien vous allez être utiles à ce qui vous reste de parents et d'amis ; que cette idée vous soutienne, mes amies : au nom de tout ce qui vous est cher, reprenez des forces, mes chères petites sœurs, ne vous laissez pas accabler dans ce moment que vous en avez le plus de besoin. Je crois qu'il serait à propos que ma belle-sœur envoyât tout de suite chercher mes enfants, vous vous consulterez ensemble pour ce qui les regardera,

Je vous quitte, mes amies, pour me rapprocher de la Divinité ; recevez l'adieu le plus tendre et le plus affectueux ; nous sommes encore dans le même endroit ; j'ai l'âme déchirée en pensant à vous. Je fais mille tendres amitiés à mes pauvres cousines, et à tout ce qui m'est cher. Vous savez l'expression de mon âme, soyez mon interprète.

Reprenez du courage, vous en avez besoin, modérez votre douleur. Adieu, mes chères, intéressantes et malheureuses amies ; nous nous rejoindrons un jour, modérez votre douleur, je vous le demande en grâce. Je vous embrasse de tout mon cœur, adieu, mes amies.

 

N° VII.

Pouvoirs donnés par le comité de sûreté générale à Morillon et Latouche-Chef, commissaires dans l'affaire des conspirateurs de Bretagne.

 

Du 13 mai 1793.

Le comité de sûreté générale, après avoir conféré avec le ministre des affaires étrangères, qui s'est plus particulièrement occupé de cette affaire ; considérant qu'il résulte des rapports, que les vingt-huit conspirateurs traduits au tribunal révolutionnaire ne sont pas les seuls qui aient trempé dans cette infâme coalition ; qu'il existe encore dans la ci-devant Bretagne un grand nombre de contre-révolutionnaires qui n'attendent que le moment d'éclater ; que déjà des mouvements se renouvellent dans la ci-devant Bretagne ; que même ces mouvements se propagent dans la ci-devant Normandie, où d'ailleurs il existe aussi une coalition ténébreuse, arrête :

1° Le ministre des affaires étrangères délivrera aux citoyens Lalligant-Morillon et Latouche-Cheftel une commission pour se transporter dans la ci-devant Bretagne et Normandie, ainsi qu'au citoyen Grenier, leur secrétaire-adjoint.

2° La mission de Morillon sera de rechercher tous les conspirateurs cachés ou connus qui ont trempé dans la coalition bretonne ; il pourra les faire mettre en état d'arrestation, requérir la force armée, etc., etc.

Pour tous ces objets, il se concertera avec le citoyen Cavagnac, député à la Convention et membre du comité de sûreté, envoyé dans les départements où se transportera Morillon.

Cheftel aura pour mission de parcourir, avec son adjoint Grenier, la ci-devant Normandie ; d'y rechercher et poursuivre les conspirateurs, etc. ; et il se concertera pour le tout avec le citoyen Prieur de la Côte-d'Or.

Attendu que la' mission confiée à Cheftel et à Morillon a la plus grande connexité, ils pourront correspondre ensemble, et même se transporter l'un et l'autre sur les points respectifs remis à leur surveillance.

 

N° VIII.

Décret sur la déportation des prêtres insermentés.

 

Du 16 août 1792. — 26 du même mois.

 

L'assemblée nationale, considérant que les troubles excités dans le royaume par les ecclésiastiques non sermentés, est une des premières causes du danger de la patrie ;

Que, dans un moment où tous les Français ont besoin de leur union et de toutes leurs forces pour repousser les ennemis du dehors, elle doit s'occuper de tous les moyens qui peuvent assurer et garantir la paix dans l'intérieur, décrète qu'il y a urgence.

L'assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

ARTICLE Ier. Tous les ecclésiastiques qui, étant assujettis au serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790, et celle du 17 avril 1791, ne l'ont pas prêté, ou qui, après l'avoir prêté, l'ont rétracté et ont persisté dans leur rétractation, seront tenus de sortir sous huit jours hors des limites du district et du département de leur résidence, et dans quinzaine hors du royaume : ces différents délais courront du jour de la publication du présent décret.

ART. II. En conséquence, chacun d'eux se présentera devant le directoire du district, ou la municipalité de sa résidence, pour y déclarer le pays étranger dans lequel il entend se retirer ; et il lui sera délivré sur-le-champ un passeport qui contiendra sa déclaration, son signalement, la route qu'il doit tenir, et le délai dans lequel il doit être sorti du royaume.

ART. III. Passé le délai de quinze jours ci-devant prescrit, les ecclésiastiques non sermentés qui n'auraient pas obéi aux dispositions précédentes, seront déportés à la Guyane Française ; les directoires de districts les feront arrêter et conduire de brigade en brigade aux ports de mer les plus voisins, qui leur seront indiqués par le conseil exécutif provisoire, et celui-ci donnera en conséquence des ordres pour faire équiper et approvisionner les vaisseaux nécessaires au transport desdits ecclésiastiques.

ART. IV. Ceux ainsi transférés, et ceux qui sortiront volontairement, en exécution du présent décret, n'ayant ni pensions ni revenus, obtiendront chacun trois livres par journées de dix lieues, jusqu'au lieu de leur embarquement, ou jusqu'aux frontières du royaume, pour subsister pendant leur route ; ces frais seront supportés par le trésor public, et avancés par les caisses de district.

ART. V. Tout ecclésiastique qui serait resté dans le royaume après avoir fait sa déclaration de sortir et obtenu un passeport, ou qui rentrerait après être sorti, sera condamné à-la peine de détention pendant dix ans.

ART. VI. Tous autres ecclésiastiques non sermentés, séculiers et réguliers, prêtres simples, clercs minorés ou frères lais, sans exception ni distinction, quoique n'étant point assujettis au serment par les lois des 26 décembre 1790 et 17 avril 1791, seront soumis à toutes les dispositions précédentes, lorsque, par quelques actes extérieurs, ils auront occasionné des troubles venus à la connaissance des corps administratifs, ou lorsque leur éloignement sera demandé par six citoyens domiciliés dans le même département.

ART. VII. Les directoires des districts seront tenus de notifier aux ecclésiastiques non sermentés, qui se trouveront dans l'un ou l'autre des deux cas prévus par le précédent article, copie collationnée du présent décret, avec sommation d'y obéir et s'y conformer.

ART. VIII. Sont exceptés des dispositions précédentes, les infirmes dont les infirmités seront constatées par un officier de santé, qui sera nommé par le conseil général de la commune du lieu de leur résidence, et dont le certificat sera visé par le même conseil général ; sont pareillement exceptés, les sexagénaires dont l'âge sera aussi dûment constaté.

ART. IX. Tous les ecclésiastiques du même département qui se trouveront dans le cas des exceptions portées par le précédent article, seront réunis au chef-lieu du département, dans une maison commune, dont la municipalité aura l'inspection et la police.

ART. X. L'assemblée nationale n'entend, par les dispositions précédentes, soustraire aux peines établies par le code p4nal, les ecclésiastiques non sermentés qui les auraient encourues ou pourraient les encourir par la suite.

ART. XI. Les directoires des districts informeront régulièrement de leurs suites et diligences, aux fins du présent décret, les directoires de départements, qui veilleront à son entière exécution dans toute l'étendue de leur territoire, et seront eux-mêmes tenus d'en informer le conseil exécutif provisoire.

ART. XII. Les directoires de districts seront en outre tenus d'envoyer tous les quinze jours, au ministre de l'intérieur, par l'intermédiaire des directoires de départe-mens, des états nominatifs des ecclésiastiques de leur arrondissement, qui seront sortis du royaume ou auront été déportés ; et le ministre de l'intérieur sera tenu de communiquer de suite à l'assemblée nationale lesdits états.

 

N° IX.

Décret qui transfère à Bressuire l'administration du district de Châtillon.

 

Du 30 août 1792. — 3 septembre.

L'assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de l'arrêté du conseil du district de Châtillon, en date du 26 de ce mois, et sur la motion d'un de ses membres ; considérant que les désordres commis, en différentes occasions, dans la ville de Châtillon, tant contre les propriétés de plusieurs patriotes ; que contre l'administration du district, dont les archives ont été brûlées, le 20 de ce mois, sans que les habitons de Châtillon aient cherché à s'y opposer ; considérant qu'il est important de placer l'administration dans un lieu où elle puisse être en sûreté, et que les travaux des administrateurs ne puissent être interrompus, décrète qu'il y a urgence.

L'assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

ARTICLE Ier. L'administration du district de Châtillon, département des Deux-Sèvres, provisoirement transférée à Bressuire, est définitivement fixée dans cette dernière ville.

ART. II. Le district de Châtillon prendra désormais le nom de district de Bressuire.

ART. III. L'assemblée nationale décrète la mention honorable, dans son procès-verbal, de la conduite des gardes nationales des districts de Chollet, Niort, Bressuire, Parthenay et autres districts qui ont concouru à dissiper l’attroupement qui dévastait le district de Châtillon, ainsi que de celle de la gendarmerie de Chollet, et nommément du sieur Boisard son lieutenant : décrète en outre, qu'un extrait du procès-verbal sera remis aux deux citoyens qui 9nt porté ces détails à l'assemblée.

 

N° X.

Décret qui met hors de la loi les prévenus d'avoir pris part aux révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires.

 

Du 19 mars 1793. — 20 du même mois.

La convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète ce qui suit :

ARTICLE Ier. Ceux qui sont ou seront prévenus d'avoir pris part aux révoltes ou émeutes, contre-révolutionnaires qui ont éclaté ou éclateraient à l'époque du recrutement dans les différents départements de la république, et ceux qui auraient pris ou prendraient la cocarde blanche ou tout on autre signe de rébellion, sont hors de la loi ; en conséquence, ils ne peuvent profiter des dispositions des lois concernant la procédure criminelle et l'institution des jurés.

ART. II. S'ils sont pris ou arrêtés les armes à la main, ils seront, dans les vingt-quatre heures, livrés à l'exécuteur des jugements criminels, et mis à mort, après que le fait aura été reconnu et déclaré constant par une commission militaire, formée par les officiers de chaque division employée contre les révoltés : chaque commission sera composée de cinq personnes prises dans les différents grades de la division soldée.

ART. III. Le fait demeurera constant, soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d'une seule signature confirmée par la déposition d'un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins.

ART. IV. Ceux qui, ayant porté les armes, ou ayant pris part à la révolte et aux attroupements, auront été arrêtés sans armes, ou après avoir porté les armes, seront envoyés à la maison de justice du tribunal criminel du département ; et après avoir subi interrogatoire dont il sera tenu note, ils seront, dans les vingt-quatre heures, livrés à l'exécuteur des jugements criminels, et mis à mort, après que les juges du tribunal auront déclaré que les détenus sont convaincus d'avoir porté les armes parmi les révoltés, ou d'avoir pris part à la révolte : le tout sauf la distinction dans l'article VI.

ART. V. Les moyens de conviction contre les coupables seront les mèmes pour les tribunaux criminels que pour les commissions militaires.

ART. VI. Les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, les émigrés, les agents et domestiques de toutes ces personnes, les étrangers, ceux qui ont eu des emplois ou exercé des fonctions publiques dans l'ancien gouvernement, ou depuis la révolution, ceux qui auront provoqué ou maintenu quelques-uns des attroupements des révoltés, les chefs, les instigateurs, ceux qui 'auront des grades dans ces attroupements, et ceux qui seraient convaincus de meurtre, d'incendie ou de pillage, subiront la peine de mort.

Quant aux autres détenus, ils demeureront en état d'arrestation, et il ne sera statué à leur égard qu'après un décret de la convention nationale, sur le compte qui lui en sera rendu.

ART. VII. La peine de mort prononcée dans les cas déterminés par la présente loi emportera la confiscation des biens, et il sera pourvu, sur les biens confisqués, à la subsistance des pères, mères, femmes et enfants qui n'auraient pas d'ailleurs des biens suffisants pour leur nourriture et entretien. On prélèvera en outre, sur le produit desdits biens, le montant des indemnités dues à ceux qui auront souffert de l'effet des révoltes.

ART. VIII. Les biens de ceux dont il est parlé, dans la première partie de l'article VI, et qui seront tués en portant les armes contre la patrie, seront déclarés acquis et confisqués au profit de la république, et la confiscation sera prononcée par les juges du tribunal criminel, sur le procès-verbal de reconnaissance du cadavre.

ART. IX. Les commandants de la force publique feront incessamment publier une proclamation portant injonction à tous les rebelles de se séparer et de mettre bas les armes.

Ceux qui auront obéi et seront rentrés dans le devoir, aux termes de la proclamation, et dans le délai de vingt-quatre heures, ne pourront être inquiétés ni recherchés.

Ceux qui livreront les chefs ou auteurs et instigateurs des révoltés ne pourront être poursuivis, ni les jugements rendus contre eux être mis à exécution.

Les personnes désignées dans la première partie de l'article VI ne pourront profiter des dispositions du présent article, et elles subiront dans tous les cas la peine portée par la présente loi.

ART. X. La loi portant établissement du tribunal extraordinaire sera exécutée, sauf la distraction d'attribution déterminée par la présente loi.

La présente loi sera portée, par des courriers extraordinaires, dans tous les départements de la république.

 

N° XI.

DÉPARTEMENT DE LA VENDÉE.

Adresse aux Français, de la part de tous les chefs des armées catholiques et royales, au nom de Sa Majesté très-chrétienne Louis XVII, roi de France et de Navarre.

 

Le ciel se déclare pour la plus sainte et la plus juste des causes. Le signe sacré de la croix de Jésus-Christ et l'étendard royal l'emportent de toutes parts sur les drapeaux sanglants de l'anarchie. Maîtres des cœurs et des opinions, plus encore que des villes et des hameaux qui nous donnent les doux noms de pères et de libérateurs, c'est maintenant que nous croyons devoir proclamer hautement nos projets et le but de nos communs efforts. Nous connaissons le vœu de la France, il est le nôtre : c'est de recouvrer et de conserver à jamais notre sainte religion catholique, apostolique et romaine, c'est d'avoir un roi qui nous serve de père au dedans et de protecteur au dehors. Et c'est nous qu'on appelle des brigands sanguinaires nous qui, fidèles à nos principes de religion et d'humanité, avons toujours aimé à rendre le bien pour le mal, à épargner le sang de ceux qui versaient à grands flots celui de nos frères, de nos pareils et de nos amis ! Que la conduite de ceux qui se disent patriotes soit mise en parallèle avec la nôtre : ils égorgeaient nos prisonniers au nom de la loi, et nous avons sauvé les leurs au nom de la religion et de l'humanité.

A Bressuire ils ont coupé par lambeaux des hommes qu'ils avaient pris sans armes pour la plupart, tandis que nous traitions comme des frères ceux que nous avions pris les armes à la main ; tandis qu'eux-mêmes pillaient on incendiaient nos maisons, nous faisions respecter, de, tout notre pouvoir, leurs personnes et leurs biens ; et si, malgré, tous nos efforts, quelques dégâts ont été commis dans les villes que nous avons conquises pour noire bon roi Sa Majesté très-chrétienne Louis XVII, nous en avons pleuré amèrement ; nous avons puni avec la plus éclatante sévérité les désordres que nous n'avions pu prévenir C'est un engagement formel que nous avons contracté, en prenant les armes, et que nous remplirons au péril de notre vie ; ainsi la France va être désabusée sur les mensonges aussi impudents que perfides et absurdes de nos ennemis Elle l'est depuis longtemps. Notre conduite à Thouars est connue. Cette ville prise d'assaut, comme presque toutes celles où nous sommes entrés jusqu'à ce jour, puisque deux mille soldats de l'armée catholique avaient pénétré par la brèche, lorsque l'ennemi capitula, est un exemple frappant de notre douceur et de notre modération. Patriotes, nos ennemis, que nous opposerez-vous encore ? Vous nous accusez de bouleverser notre patrie par la rébellion, et c'est vous qui, sapant à la fois tous les principes religieux et politiques, avez les premiers proclamé que l'infraction est le plus saint de tous les devoirs ; et d'après ce principe, qui nous justifierait à vos yeux, si la plus juste cause avait besoin d'être justifiée, vous avez introduit, à la place de la religion, l'athéisme ; à la place des lois, l'anarchie ; à la place d'un roi qui fut nôtre père, des hommes qui sont nos tyrans. Vous nous reprochez le fanatisme de la religion, vous que le fanatisme d'une prétendue liberté a conduits au dernier des forfaits ; vous que ce même fanatisme porte chaque jour à faire couler des flots de sang dans notre commune patrie. Ah ! le temps est enfin arrivé où les prestiges d’un faux patriotisme vont disparaître ; le bandeau de l'erreur est à moitié déchiré. Ô nos concitoyens ! jugez-nous, et jugez nos persécuteurs ! Qu'ont-ils fait ? qu'ont fait vos représentons eux-mêmes pour votre bonheur et pour le bien général de la France ? Qu'arracher de vos-cœurs les principes de votre foi, que s'amasser d'immenses trésors au prix de vos larmes et de votre sang, que porter désolation dans le sein le vos familles, en traînant de force, au milieu des camps et des combats, vos enfants, vos frères et vous-mêmes, qu'ils n'ont pas craint d'exposer à mille morts pour assouvir leur rage contre le trône et l'autel ; et pour s'assurer de l'impunité de leurs forfaits, ils ont enlevé à la charrue de paisibles cultivateurs, dont les bras assuraient à la patrie sa subsistance et sa vie. Ouvrez donc enfin les yeux, ô Français ! rendez-vous à nous, rendez-vous à vous-mêmes. Eh ! ne seriez-vous donc plus ce peuple si doux, généreux, fidèle à sa religion, idolâtre de ses Rois ?

Le peuple de Clovis, de Charlemagne, de saint Louis, de Louis XII, de Henri IV et de Louis XYI enfin, dont le fils, ce jeune et tendre rejeton de la famille auguste des Bourbons, prêt à' observer les dernières volontés d'un père qui mourut en pardonnant à ses bourreaux, vous ouvre son âme et brûle du désir d'être heureux de votre bonheur ! Seriez-vous insensibles à ce langage ? seriez-vous sourds à la voix de la religion, qui, depuis trop longtemps la proie des loups ravisseurs, redemande aujourd'hui ses véritables et légitimes pasteurs ? Non, sans doute, vous êtes nos amis, nos frères ; nous ne sommes qu'un peuple, disons mieux, qu'une même famille. Nos misères, nos jouissances nous sont communes : réunissons donc nos efforts sous l'égide du Tout-puissant, sous la protection d'un père commun. Epargnons, épargnons je sang des hommes, et surtout celui des Français. Il n'est plus aujourd'hui de place dans l'Etat pour ces êtres froids et égoïstes qui, languissant dans une honteuse oisiveté, affectant une coupable indifférence pour l'intérêt général, se tiennent à l'écart, prêts à s'engraisser des débris de la fortune publique et des fortunes privées. Deux étendards flottent sur le sol des Français, celui de l'honneur et celui de l'anarchie. Le moment est venu, de se ranger sous l'un de ces drapeaux ; qui balance est un traite également redoutable aux deux partis. Marchons tous d'un commun accord ; chassons ces représentants infidèles, qui, abusant de notre confiance, n'ont employé jusqu'ici qu'à des disputes stériles, à des rixes indécentes â des luttes déshonorantes pour le nom français, un temps qu'ils devaient employer tout entier à notre bonheur ; chassons ces représentons parjures, qui, envoyés pour le maintien de la monarchie qu'ils avaient solennellement jurée, l'ont anéantie, et renversé le monarque innocent sur les marches sanglantes d'un trône où ils règnent en despotes ; chassons enfin ces mandataires perfides et audacieux, qui, s'élevant au-dessus de tous les pouvoirs connus sur la terre, ont détruit la religion que vous vouliez conserver, créé des lois que vous n'avez jamais sanctionnées, disons mieux, que vous eussiez rejetées avec horreur, si votre vœu eût été libre ; ont fait du plus riche et du plus florissant des royaumes un cadavre de république, objet de pitié pour ceux qui l'habitent et d'horreur pour les peuples étrangers : que ces arbres dépouillés de leur verdure, tristes images du trône dépouillé de sa splendeur, que ces vains emblèmes de la licence tombent dans la poussière, et que le drapeau blanc, signe du bonheur et d'allégresse pour les Français, flotte sur les remparts de nos cités et sur les clochers de nos fidèles cam pagnes.

C'est alors qu'oubliant nos pertes mutuelles, nous déposerons nos armes dans le temple de l'Eternel ; c'est alors que, terminant une guerre dont les défaites et les triomphes réciproques ne sont que de vraies calamités pour notre mère-patrie, nous proclamerons, avec la paix de la France, le repos de l'univers ; c'est alors que, confondant dans l'amour du bien public tous nos ressentiments personnels et jusqu'à nos moindres sujets de mécontentements réciproques, de quelque parti, de quelque opinion que nous nous soyons montrés, pourvu que nos cœurs et nos mains n'aient pas trempé dans le crime, nous nous réconcilierons, nous nous unirons tous au sein de la paix, pour opérer le bien général, et donner à la France, avec son Roi et son culte catholique, le bonheur qu'elle attendit en vain de ces représentants infidèles. Tels sont, nous osons le répéter et le proclamer hautement, tels sont nos vœux, tels sont les vœux de tous les Français. Qu'ils osent le manifester, et la France est sauvée.

Fait au quartier-général, à Fontenay-le-Comte, ce 27 mai, l'an premier du règne de Louis XVII.

Signé DE BERNARD DE MARIGNY, DESESSARTS, DE LA ROCHEJACQUELEIN, LESCURE, DUHOUX, D'AUTERIVE, DONNISSAN, CATHELINEAU.

 

N° XII.

Sommation faite par les chefs de l'armée catholique et royale aux citoyens, maire et officiers municipaux de la ville de Nantes.

 

Angers, 9 juin 1793.

MESSIEURS, aussi disposés à la paix que préparés à la guerre, nous tenons d'une main le fer vengeur et de l'autre le rameau de l'olivier. Toujours animés du désir de ne point verser le sang de nos concitoyens, et jaloux d'épargner à votre ville le malheur incalculable d'être prise de vive force, après en avoir mûrement délibéré en notre conseil, réuni au quartier-général à Angers,

Nous avons arrêté à l'unanimité de vous présenter un projet de capitulation, dont le refus peut creuser le tombeau de vos fortunes et de celles d'une partie de la France, et dont l'acceptation, qui vous sauve, va sans doute assurer à la ville de Nantes un immense avantage et un honneur immortel.

En conséquence, nous vous invitons à délibérer et statuer que le drapeau blanc sera de suite, et dans l'espace de six heures après la réception de notre lettre, arboré sur les murs de la ville ;

Que la garnison mettra bas les armes, et nous apportera ses drapeaux pliés comme nationaux ;

Que toutes les caisses publiques, tant du département, du district et des municipalités, que des trésoriers et quartiers-maîtres de l'armée, nous seront pareillement apportées ;

Que toutes les armes nous seront remises ; que toutes les munitions de guerre et de bouche nous seront fidèlement déclarées ; et que tous les autres effets, de quelque genre que ce soit, appartenant à la république française, nous seront indiqués et livrés, pour que, par nous, il en soit pris possession au nom de Sa Majesté très-chrétienne Louis XVII, roi de France et de Navarre, et au nom de M. le régent du royaume ;

Qu'il nous sera remis pour otage les députés de la convention nationale, de présent en commission dans la ville de Nantes, et autres dont nous conviendrons.

A ces conditions, la garnison sortira, de la ville sans tambours ni drapeaux, les officiers seulement avec leurs épées, et les soldats avec leurs sacs, après avoir prêté le serment de fidélité à la religion et au Roi, et la ville sera préservée de toute invasion et de tout dommage, et mise sous la sauvegarde et protection spéciale de l'armée catholique et royale. En cas de refus, au contraire, la ville de Nantes, lorsqu'elle tombera en notre pouvoir, sera livrée à une exécution militaire, et la garnison passée au al de l'épée.

Nous avons l'honneur de vous faire passer, Messieurs, plusieurs exemplaires d'une adresse qui vous instruira plus en détail de nos véritables sentimens, et nous vous donnons l'espace de six heures pour nous faire connaître votre refus ou acquiescement à nos propositions.

Nous avons l'honneur d'être très-parfaitement, Messieurs, vos très-humbles et obéissants serviteurs,

Les commandants des armées catholiques et royales,

Signé DONNISSAN, BERNARD, D'ERVOUET, D’ELBÉE CH. DESESSARTS ; DUHOUX, D'AUTERIVE ; LA TRÉMOILLE, DE LA ROCHEJACQUELEIN, PIRON, CONCISE ; le chevalier D'AUTICHAMP, CATHELINEAU, STOFFLET, LA ROUERIE.

 

N° XIII.

Régiment général sur les biens dies nationaux.

 

Le conseil supérieur, considérant qu'il est urgent de statuer sur l'exploitation et la jouissance des biens dits nationaux, de quelque nature qu'ils soient ;

Pressé par les demandes itératives des conseils particuliers de différentes paroisses du pays conquis par Sa Majesté ;

Voulant concilier les règles immuables de la justice avec les intérêts des différents particuliers, ouï sur ce M. Carrière, pour le procureur général du Roi, a arrêté et arrête ce qui suit :

ART. Ier. Les ventes des biens ecclésiastiques, domaniaux et autres, connus sous la dénomination de biens nationaux, faites en vertu des décrets des soi-disant assemblées nationales, sont toutes et sans distinction déclarées nulles.

II. Toutes les cessions et reventes desdits biens, meubles ou immeubles, consenties par les premiers acquéreurs, sont également déclarées nulles.

III. Le conseil supérieur n'entend préjuger en aucune manière, par les dispositions des précédents articles, la question des indemnités que les acquéreurs desdits biens prétendraient obtenir pour les annuités payées par eux, ou les améliorations faites aux biens dont ils se sont rendus adjudicataires.

IV. Le conseil supérieur reconnaît qu'il n'appartient qu'au Roi, à l'Eglise et aux autres ordres de l'Etat, réunis en pleine et entière liberté, de réaliser, de telle manière légale et canonique qu'ils jugeront convenable, l'hypothèque assignée au papier-monnaie dans toute l'étendue du royaume, et de prononcer si la dîme, les abonnements de dîme et les autres redevances qui se percevaient en nature, continueront à être payés de la même manière qu'ils l'étaient en 1790.

V. L'administration des biens dits nationaux, dont les acquéreurs jouissent par eux-mêmes, sera confiée, pour la présente année, sous la surveillance des conseils particuliers, à des commissaires-régisseurs qui seront nommés par le conseil supérieur, dans chacun des arrondissements qui leur seront assignés.

VI. Sont exceptés de la régie et administration générale confiée auxdits commissaires :

1° Les biens des évêchés, cures et bénéfices à charge d'âmes, dont les titulaires non assermentés résident actuellement dans le pays conquis.

2° Les biens confisqués en vertu des décrets des soi-disant assemblées nationales, au profit de la nation, et ceux des personnes émigrées, dont les possesseurs légitimes résident actuellement dans le pays conquis, ou y sont suffisamment représentées par des fondés de procuration et des régisseurs.

VII. Les titulaires et possesseurs légitimes mentionnés dans l'article ci-dessus entreront de suite en jouissance des bénéfices et biens dont ils auraient été injustement dépouillés, en tenant compte aux acquéreurs des frais de culture, à dire d'experts.

VIII. Il sera libre aux titulaires et propriétaires de transiger avec les adjudicataires de leurs biens, pour les en laisser jouir à tel prix et condition qu'ils jugeront convenables.

IX. Les commissaires-régisseurs, nommés par le conseil supérieur, résideront dans le chef-lieu de leur arrondissement, et leur régie s'étendra à tous les biens qui y sont situés, hors ceux exceptés dans les articles précédents.

X. Lesdits commissaires-régisseurs verseront dans la caisse du receveur général des deniers de l'Etat, près le conseil supérieur, et compteront avec l'administration de toutes les sommes qu'ils percevront ; et pour sûreté des deniers qu'ils recevront, ils seront tenus de fournir bonne et solvable caution.

XI. Jusqu'à l'établissement des commissaires, les conseils particuliers de chaque paroisse sont autorisés à percevoir, en cas d'urgence, les fruits et revenus des biens qui devraient être administrés par lesdits commissaires et régisseurs, à la charge de leur en rendre compte, et d'en verser le produit en leur caisse, sitôt leur nomination.

XII. Les conseils de chaque paroisse seront tenus de dresser, aussitôt la réception des présentes, deux tableaux contenant l'état de tous les biens dits nationaux situés en leur paroisse, et d'envoyer l'un desdits tableaux au conseil supérieur, et l'autre au commissaire-régisseur de l'arrondissement.

XIII. Pour éviter les frais d'administration, les commissaires-régisseurs vendront, au plus offrant et dernier enchérisseur, et à prix comptant, tous les objets qui en sont susceptibles.

XIV. Ces ventes et adjudications seront précédées d'affiches et publications, et se feront en présence de deux membres du conseil particulier de la paroisse dans l'étendue de laquelle lesdits objets seront situés.

XV. Tous les objets qui n'agiront pu être vendus à l’encan, ou ne pourraient l'être qu'à un pris trop modique, seront recueillis et conservés par les commissaires-régisseurs, et l'administration leur tiendra compte des frais de régie sur le bordereau qu'ils en présenteront, visé et certifié par les conseils particuliers des paroisses dans l'étendue desquelles les frais d'administration auront été faits.

XVI. Les commissaires-régisseurs désigneront au conseil supérieur les endroits où ils croiront convenable d'emmagasiner et de conserver, avec le moins de frais possible, les objets qui n'auront pas été vendus.

XVII. Le conseil supérieur autorise les commissaires à affermer pour une année le temporel des bénéfices, même à charge d'âmes, dont les titulaires non assermentés ne se présenteront point dans le mois de la publication des présentes.

XVIII. Les titulaires assermentés ayant déjà reçu partie de leur traitement, n'entreront point en jouissance des revenus de leurs bénéfices pour la présente année ; mais lesdits revenus seront perçus par les commissaires-régisseurs) et le conseil supérieur fixera les sommes qui seront allouées auxdits titulaires assermentés, d'après les comptes qu'ils auront rendus.

XIX. Les commissaires-régisseurs veilleront soigneusement à la rentrée des revenus dont la régie leur est attribuée, et décerneront des contraintes, si besoin est, d'après l'autorisation du conseil supérieur.

XX. A l'égard des bois de haute futaie qui sont actuellement séparés du fonds, lesdits commissaires-régisseurs les exploiteront ou en disposeront par vente, de la manière la plus avantageuse, suivant l'usage pratiqué sur les lieux, et de concert avec les conseils des paroisses où ils sont situés.

XXI. Les commissaires-régisseurs ne pourront, en aucun temps, et sous quelque prétexte que ce soit, disposer, sans l'autorisation spéciale du conseil supérieur, des deniers et objets dont ils sont établis percepteurs.

XXII. Les baux à ferme consentis par les titulaires légitimes, par les gens de main-morte et les propriétaires avant et depuis la révolution, sont maintenus jusqu'à leur échéance ; à l'effet de quoi, les fermiers qui auraient été expulsés de leurs fermes sont autorisés à y rentrer, si bon leur semble, au terme d'entrée en jouissance, qui suivra la publication des présentes.

XXIII. Si aucuns desdits baux sont déjà échus, ils pourront être renouvelés ou prorogés pour une année seulement, par les commissaires-régisseurs, en la forme prescrite par l'article XIV.

XXIV. Les baux consentis par les acquéreurs des biens dits nationaux n'étant fondés sur aucun titre de propriété, sont et demeurent résiliés de plein droit pour le terme d'entrée en jouissance usité dans le canton, et qui suivra la publication des présentes.

XXV. Les fermiers qui se sont rendus adjudicataires des biens qu'ils tenaient à titre de ferme des anciens titulaires, et qui exploitaient lesdits biens par eux-mêmes, seront conservés dans leur jouissance jusqu'au terme en usage dans le canton, pour l'entrée et sortie des fermiers, et qui suivra la publication des présentes.

XXVI. A l'égard des adjudicataires qui occupent les maisons servant à la demeure ordinaire des pasteurs légitimes non assermentés, résidant actuellement en l'étendue du pays conquis, ou celles desdites maisons que l'administration supérieure jugerait devoir consacrer à des choses d'utilité publique, ils seront tenus de les vider de corps et de biens, un mois après la sommation qui leur en sera faite.

XXVII. Les receveurs généraux des biens dits nationaux verseront directement le prix de leur fermage dans la caisse du receveur général des deniers de l'Etat, et en compteront avec l'administration supérieure.

XXVIII. Les fermiers particuliers verseront leur prix de ferme dans la caisse du commissaire-régisseur de leur arrondissement ; et leurs comptes seront reçus par les conseils particuliers des paroisses, et envoyés par eux au conseil supérieur, pour y être définitivement arrêtés.

XXIX. Les sommes perçues par les commissaires-régisseurs, et provenant des ventes de fruits des biens nationaux et du prix des fermages, seront affectées au paiement des frais nécessaires pour l'exercice du culte catholique, apostolique et romain, pour le traitement des-ministres de ce même culte, et l'acquit des charges dont chacun desdits biens est grevé.

XXX. Le conseil supérieur fixera incessamment, par un règlement particulier, la juste répartition des sommes affectées à l'acquit des dépenses ci-dessus mentionnées.

XXXI. Le conseil supérieur n'ayant rien préjugé par l'article IV sur la dîme, les abonnements de dîmes et autres redevances qui se payaient en nature de fruits ; et cependant désirant conserver les droits de chacun, autorise tous les fermiers et propriétaires qui jouissent par eux-mêmes à lever tous les fruits de leur récolte, Sans en laisser aucune partie sur les champs sujets auxdites dîmes et redevances,

XXXII. Il est enjoint auxdits fermiers et propriétaires qui jouissent par eux-mêmes, de se présenter sans retardement aux conseils particuliers des paroisses de la situation des biens, et d'y faire une déclaration sincère et exacte, qu'ils seront tenus de signer, de la nature et quantité des fruits qu'ils auraient dû laisser sur leurs terres pour l'acquit desdits dîmes, abonnements de dîmes et autres redevances ci-dessus, si elles eussent été payées en nature avant 1790 ; de laquelle déclaration les conseils particuliers des paroisses enverront un double, bien et dûment certifié, au conseil supérieur.

XXXIII. Lesdits fermiers et propriétaires qui jouissent par eux-mêmes seront également tenus de rendre compte de la valeur des fruits mentionnés dans leur déclaration, dans le cas où le Roi, l'Eglise et les ordres de l'Etat le jugeraient à propos : si mieux n'aiment lesdits fermiers et propriétaires se libérer de suite, en payant sur quittance lesdits dîmes, abonnements de dîmes et redevances, soit en nature, soit en argent, de gré à gré, à ceux à qui elles étaient dues avant leur suppression prononcée par l'assemblée soi-disant nationale.

Fait en conseil supérieur, le 11 juillet 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

GABRIEL, évêque d'Agra, président ; MICHEL DESESSARTS, sec. prés. ; DE LA ROCHEFOUCAULT, doyen ; BRIN, doyen de Saint-Laurent ; BERNIER, curé de Saint-Laud d'Angers ; BOURASSEAU DE LA RENOLLIÈRE, BOUTILLIER DES HOMELLES, BODI, LYROT DE LA PATOUILLÈRE, DE LA ROBERIE, COUDRAYE, MICHELIN, THOMAS, PAILLOU, LE MAIGNAN, LE NOIR, CARRIÈRE, procureur général du Roi.

Par le conseil supérieur.

P. JUGAULT, secrétaire général.

 

N° XIV.

Ordonnance du conseil supérieur d'administration.

 

Le conseil supérieur d'administration, considérant que, par son régiment du ii juillet 'dernier, la régie et administration des biens dits nationaux est provisoirement attribuée aux conseils des différentes paroisses, jusqu'à la nomination des commissaires-régisseurs établis par l'article V du même règlement ;

Que les officiers desdits conseils sont aujourd'hui surchargés d'affaires de détail et d'administration qui ne leur permettent pas de vaquer plus longtemps à ladite régie ;

Que d'ailleurs la récolte des foins, blés et fruits, déjà très-avancée, nécessite plus que jamais la prompte élection et nomination desdits commissaires-régisseurs ;

Voulant en outre pourvoir aux inconvénients multipliés qui résultent de la cessation des fonctions des contrôleurs, dans un grand nombre d'endroits du pays conquis, et réunir au même bureau et dans la même personne l'exercice des deux charges que l'expérience a démontrées très-compatibles ;

Ouï sur ce M. Carrière pour le procureur général de Sa Majesté, a arrêté et arrête ce qui suit :

ART Ier. Il sera, conformément à l'article V du règlement du 11 juillet dernier, procédé par le conseil supérieur, dans les trois jours qui suivront la publication des présentes, à la nomination des commissaires-régisseurs qui ne sont pas encore désignés pour chaque chef-lieu d'arrondissement, dans toute l'étendue du pays conquis.

II. Ces nominations et élections n'auront lieu qu'en faveur de ceux que leur attachement à la religion et aux principes du gouvernement monarchique, leur fidélité au Roi et leurs lumières auront rendus spécialement recommandables et dignes de la confiance de l'administration, tant supérieure que particulière.

III. Il sera délivré à chacun d'eux une commission en bonne forme, imprimée, signée des officiers du conseil supérieur, et scellée du sceau royal.

IV. Ils fourniront, dans la huitaine qui suivra la réception de ladite commission, conformément à l'article X du règlement du s i juillet dernier, pour la sûreté des deniers de l'État, bonne et solvable caution en immeubles, de la valeur au moins de 6,000 livres, par acte devant notaire, contrôlé gratis ; et faute par eux de l'avoir fait dans le terme ci-dessus, ladite commission sera réputée nulle et de nul effet.

V. Aussitôt que les commissaires-régisseurs auront satisfait aux dispositions exprimées dans l'article ci-dessus, et que leur caution aura été agréée par le conseil supérieur, sur l'avis des conseils particuliers de leurs paroisses, ils entreront de suite et de plein droit dans l'exercice de leurs fonctions.

VI. La régie et administration des biens dits nationaux, confiée provisoirement, par l'article XI du règlement du 11 juillet dernier, aux conseils particuliers des différentes paroisses, cessera de leur être attribuée dès que les commissaires-régisseurs seront en activité.

VII. Les conseils particuliers des différentes paroisses fourniront aux commissaires-régisseurs tous les renseigne-mens dont ils ont besoin, et toutes les pièces dont ils sont actuellement dépositaires, qui pourraient faciliter l'administration des biens dont la régie leur est attribuée.

VIII. Les commissaires-régisseurs exerceront leurs fonctions sous la surveillance des conseils particuliers des paroisses où les biens qu'ils administrent sont situés, et en outre, sous l'inspection d'un chef de régie établi près le conseil supérieur, en qualité de directeur général du contrôle de la perception et administration des revenus de l'Etat, auxquels ils rendront compte à la fin de chaque mois, et celui-ci, dans la quinzaine suivante, au conseil supérieur.

IX. Lesdits commissaires-régisseurs réuniront à leurs fonctions celles du contrôle et insinuations des actes, et se conformeront, dans l'exercice de ces deux charges, tant aux dispositions du règlement du conseil supérieur du 11 juillet dernier, qu'à celles du tarif sur le contrôle de 1722, ainsi qu'aux autres règlements y relatifs et antérieurs à la convocation des états-généraux, faite par le feu Roi en 1789.

X. Ils suivront, pour l'exercice de leurs fonctions, l'ancien arrondissement dépendant du chef-lieu auquel ils sont attachés, sauf les changements que le conseil supérieur croirait devoir faire, et que les circonstances ou l'étendue de nos conquêtes pourraient nécessiter.

XI. Il sera fait, par les conseils particuliers, en présence des commissaires-régisseurs et contrôleurs, un inventaire des papiers, registres et pièces déposés chez les ci-devant receveurs de l'enregistrement de leur paroisse, lesquels papiers, registres et pièces seront remis de suite audit commissaire-régisseur et contrôleur, sur son récépissé.

XII. Les anciens receveurs de l'enregistrement, ou leurs fondés de procuration, seront dûment appelés à la confection dudit inventaire, et faute par eux d'y comparaître, il y sera procédé eu leur absence, nonobstant toute opposition, par toutes les voies de droit.

XIII. Tout le papier timbré trouvé par les officiers des conseils dans les bureaux &enregistrement, lors dudit inventaire, sera de suite envoyé au conseil supérieur.

XIV. Le papier timbré en vertu des décrets des soi-disant assemblées nationales ne pourra être employé qu'après avoir été de nouveau timbré, signé et paraphé, pour valoir timbre, par l'un des officiers du conseil supérieur, ou les commissaires qu'il lui plaira nommer à cet effet.

XV. Il est enjoint auxdits commissaires-régisseurs et contrôleurs d'exercer les fonctions qui leur sont déléguées avec exactitude et fidélité, à peine de déchéance et de privation du traitement qui leur est attribué.

Fait en conseil supérieur, à Châtillon-sur-Sèvre, le 24 juillet 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

GABRIEL, évêque d'Agra, président ; MICHEL DESESSARTS, sec. prés. ; BRIN, doyen de Saint-Laurent ; BERNIER, curé de Saint-Laud d'Angers ; BOUTILLIER DES HOMELLES, LE MAIGNAN, PAILLOU, LE NOIR, MICHELIN, THOMAS, GENDRON, DUPLESSIS, CARRIÈRE, procureur général du Roi.

Par le conseil supérieur.

P. JUGAULT, secrétaire général.

 

N° XV.

Régiment général sur la circulation des assignats marqués au coin de la prétendue république française.

 

Le conseil supérieur d'administration, instruit que la circulation du papier-monnaie, autorisée par son ordonnance en date du 8 juin dernier, éprouve dans plusieurs endroits du pays conquis des difficultés pour son interprétation et son exécution ;

Que les assignats de 400 livres et au-dessous, marqués au coin de la prétendue république, sont presque partout rejetés dans le commerce, par une suite naturelle de l'horreur qu'inspire à tous les vrais Français l'horreur de la destruction de la monarchie, et tout ce qui porte empreinte du républicanisme et de l'irréligion ;

Considérant que, paralyser ou détruire entièrement la circulation desdits assignats, ce serait priver injustement lesdits sujets du Roi, habitants du pays conquis, d'une partie de leur fortune, attenter à leurs propriétés, et rendre inutiles et de nul profit pour eux les caisses militaires enlevées à nos ennemis ;

Que néanmoins l'admission et circulation illimitées desdits assignats entraîneraient après elles les inconvénients les plus dangereux, en ce qu'elles tendraient à favoriser un commerce proscrit avec les ennemis de l'Etat, ou à surcharger les habitants du pays conquis d'un papier-monnaie dont l'hypothèque est incertaine ;

Qu'enfin il n'est aucun doute que notre jeune et infortuné Monarque, rétabli sur le trône de ses pères, ne s'applique à réaliser, de préférence à tout autre, l'hypothèque assignée au papier-monnaie que ses plus fidèles sujets auront accepté, et que les officiers les plus zélés auront signé et admis pour valoir en son nom ;

Ouï sur ce M. Carrière, pour le procureur général de Sa Majesté, a arrêté et arrête ce qui suit :

ART. Ier. Les assignats marqués au coin de la république, de quelque création et valeur qu'ils soient, ne pourront avoir cours dans le pays conquis, s'ils n'ont été préalablement signés et admis au nom du Roi, par les officiers du conseil supérieur qui seront délégués à cet effet.

II. Pour l'exécution du précédent article, tous et chacun des habitants du pays conquis qui sont maintenant possesseurs d'assignats de valeur quelconque, marqués au coin de la république, les déposeront, aussitôt la publication des présentes, entre les mains des conseils provisoires de leurs paroisses, qui leur en donneront un récépissé, si mieux n'aiment lesdits habitants les présenter directement au conseil supérieur.

III. Aussitôt que lesdits conseils provisoires auront reçu en dépôt la quantité d'assignats marqués au coin de la république, dont les particuliers habitants de leurs paroisses se sent trouvés nantis, ils les enverront sous cachet et enveloppe, par voie sûre, au conseil supérieur.

IV. Us joindront à cet envoi un état explicatif et détaillé de la quantité et qualité desdits assignats, dont le procureur général de Sa Majesté accusera la réception par le porteur.

V. Aussitôt l'envoi de la réception desdits assignats, ils seront signés et admis pour valoir au nom du Roi, par les officiers du conseil supérieur délégués à cet effet, et renvoyés de suite aux conseils provisoires des paroisses respectives, en la manière ci-dessus mentionnée, pour être rendus à tous et chacun des habitants qui les auront déposés entre leurs mains, sur leur récépissé.

VI. Les habitants des paroisses du pays conquis, dans lesquelles le conseil supérieur n'aura point encore établi de conseils provisoires, s'adresseront au conseil provisoire le plus voisin du lieu de leur habitation, pour faire entre leurs mains le dépôt desdits assignats, en la forme ci-dessus, ou se présenteront directement au procureur général du Roi près le conseil supérieur.

VII. Le terme de rigueur pour la signature et admission desdits assignats, au nom du Roi, par le conseil supérieur, sera d'un mois, à compter de la date des présentes ; lequel temps expiré, aucun particulier habitant du pays conquis ne sera admis à faire circuler les assignats marqués au coin de la république, s'ils n'ont été signés et admis conformément aux dispositions du présent règlement.

VIII. Aussitôt qu'une ville aura été conquise par les armées catholiques et royales, le présent régiment sera lu, publié et affiché dans son arrondissement, pour que les habitants de ladite ville, banlieue et environs, aient à s'y conformer dans les huit jours qui suivront la publication.

IX. Les assignats marqués au coin de la république, qui sont ou seront dans la suite remis entre les mains et dans la caisse du trésorier de l'Etat, seront également signés et admis, pour valoir au nom du Roi, par les commissaires du conseil supérieur.

X. Il est défendu, sur les peines de droit et amendes portées par l'ordonnance du conseil supérieur du 8 juin dernier, h tous les habitants du pays conquis, de refuser, sous quelque prétexte que ce soit, d'admettre en paiement lesdits assignats timbrés au coin de la république, dès qu'ils auront été munis, en la forme ci-dessus, de l'attache et signature des commissaires, officiers du conseil supérieur.

XI. Le conseil supérieur a nommé et nomme par les présentes, pour signer et admettre au nom du Roi, en vertu du présent règlement, lesdits assignats de toute valeur, de vingt-cinq livres jusqu'à quatre cents livres inclusivement, MM. Michel Desessarts, second président ; Bernier, curé de Saint-Laud d'Angers ; Carrière, procureur général du Roi près le conseil supérieur, et Jagault, secrétaire général ; et pour la signature des assignats de toute valeur, au-dessous de vingt-cinq livres, MM. Thomas et Barré, secrétaires du bureau des dépêches, auxquels il donne, à cet effet, tout pouvoir nécessaire, à la charge par eux de tenir et rendre un compte exact de leurs opérations.

Fait en conseil supérieur, à Chatillon-sur-Sèvre, le 2 août 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

GABRIEL, évêque d'Agra, président ; MICHEL DESESSARTS, sec. prés. ; BRIN, doyen de Saint-Laurent ; BERNIER, curé de Saint-Laud d'Angers ; BOUTILLIER DES HOMELLES, LE MAIGNAN, PAILLOU, LE NOIR, MICHELIN, THOMAS, GENDRON, DUPLESSIS et CARRIÈRE, procureur général du Roi.

Par le conseil supérieur.

P. JUGAULT, secrétaire général.

 

N° XVI.

Règlement sur l'ordre judiciaire.

 

Le conseil supérieur, ayant jusqu'ici travaillé, autant qu'il lui a été possible, au milieu du tumulte des combats et des soins qu'ont exigés les approvisionnements de nos armées, a fait cesser les suites funestes de l'anarchie produite par l'établissement d'une république monstrueuse, dont les fastes du monde n'offrent aucun exemple, et dont les principes tendent à abolir l'idée de l'Etre suprême et du culte qui lui est dû, la distinction des rangs fondée sur la même nature, les notions du juste et de l'injuste, le respect dû aux propriétés et au pouvoir légitime, pour y substituer l'irréligion, l'égoïsme,' des lois arbitraires, des tribunaux de sang, une insubordination subversive de toute société, le pillage, les massacres, les extorsions et tous les crimes, avant-coureurs de la loi agraire, si souvent proposée, par les factieux, et toujours rejetée par la plus illustre république qui fut jamais ;

Considérant que cette anarchie a fait encore de nouveaux progrès sous un gouvernement purement militaire, et a été fomentée par des hommes perfides, qui, feignant d'embrasser le parti de la religion et du Roi, mais toujours attachés aux principes républicains dont on vient de parler, s'efforcent de miner sourdement l'édifice de la monarchie renaissante, élevé sur nos victoires et sur nos triomphes ;

Considérant de plus que tous les règlements faits jusqu'ici pour le public et l'administration des pays conquis resteraient sans force et sans exécution, si le pouvoir judiciaire, avili, et pour ainsi dire anéanti par la prétendue république, n'était provisoirement rétabli, du moins en partie, et de la manière la plus propre à en faciliter les heureux effets, à rétablir le bon ordre, à assurer la vie, l'honneur et la propriété des fidèles sujets du Roi, à prévenir et à punir les crimes, et à faire respecter les lois ;

Voyant avec douleur qu'une grande partie de ceux auxquels le dépôt, l'interprétation et la défense des anciennes lois du royaume étaient confiés, ont été les premiers à s'élever contre elles et à les abroger ; que très-peu d'entre eux leur sont restés fidèlement attachés ; que dans ce nombre même il y a des âmes honnêtes, à la vérité, mais timides, et que le despotisme républicain a glacées de terreur, ce qui fait qu'on ne trouvera qu'une petite quantité de sujets propres à remplir les places judiciaires ;

Considérant enfin que, dans ce moment, il est presque impossible de rétablir dans leur plein exercice toutes les justices seigneuriales, dont le nombre est presque infini dans les pays conquis, tant à cause de la disette des sujets, que parce que les sièges royaux dont la plupart de ces justices seigneuriales relevaient, ne font pas encore partie du territoire soumis au Roi, et parce que leur rétablissement, s'il était possible, occasionnerait dans le serf des justiciables des contrastes et des disparates capables de mécontenter une partie des sujets de Sa Majesté, en soumettant les uns à plusieurs degrés de juridiction, tandis que les autres ne seraient soumis qu'à un, en plaçant dans un arrondissement plusieurs petits sièges, tandis qu'il n'y en aurait qu'un dans un autre ;

Désirant néanmoins conserver dans leur entier les droits de tous et d'un chacun, maintenir et relever les anciens sièges royaux, établir, autant qu'il sera possible, l'uniformité et la juste proportion entr'eux et les sièges nouveaux qui vont être créés provisoirement, placer les justiciables assez près de leurs justiciables pour qu'ils puissent vaquer à leurs affaires contentieuses, sans préjudice à leurs autres occupations et au bien de l'agriculture, terminer tout d'un coup les procès de peu de conséquence, faciliter les actes et contrats civils, et enfin remettre en vigueur les lois observées jusqu'à la convocation des états-généraux en 1789 ;

Ouï sur ce M. Carrière pour le procureur-général de Sa Majesté, a arrêté et arrête ce qui suit :

TITRE PREMIER.

Des différents sièges de justice, de leur compétence, des officiers desdits juges.

ART. Ier. Le pays soumis au Roi sera divisé en tel nombre d'arrondissements qu'il plaira au conseil supérieur de fixer, en observant qu'il y ait, autant que faire se pourra, au centre de chaque arrondissement, une ville ou gros bourg, et que les paroisses qui se trouvent sur les limites d'icelui n'en soient pas distantes de plus de trois à quatre lieues, afin que les habitants puissent commodément se rendre au chef-lieu, placé vers le centre, et en revenir dans un jour.

II. Dans chacun des chefs-lieux d'arrondissement il sera établi un siège royal provisoire de justice ; et s'il y avait déjà un ancien siège, il sera maintenu, en lui donnant ou en ne lui laissant qu'un ressort à peu près égal à celui des sièges provisoires.

III. Dans chacun desdits sièges anciens ou établis provisoirement, il y aura un sénéchal ou un bailli, un procureur du Roi et un greffier, et la justice y sera rendue au nom de Sa Majesté.

IV. Si le lieu où le siège se trouvera établi est considérable et fournit assez de sujets, il pourra être ajouté un lieutenant et même un assesseur.

V. Cet établissement n'est, comme il est dit, que provisoire, et, en conséquence, ne peut préjudicier aux droits de justice des seigneurs, au cas que le Roi juge à propos de les conserver ; mais toutes justices seigneuriales demeurent suspendues, quant à l'exercice, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.

VI. Les juges connaîtront toutes les matières civiles et criminelles dont connaissaient, avant la convocation des états-généraux de 1789, les sièges royaux ordinaires et tous ceux connus sous le nom de tribunaux d'exception autres que les officialités, même de matières consulaires, en un mot de toutes les choses qui peuvent faire la matière ou l'appendice d'un procès quelconque, et exerceront d'ailleurs toutes les fonctions ci-devant attribuées aux juges royaux, sans aucune exception.

VII. Lesdits juges prononceront en dernier ressort sur toutes les affaires où il ne s'agira que de la somme de cent livres en capital ou de cinq livres de revenu, et jusqu'au double, par provision, à la charge néanmoins de l'appel en ce dernier cas.

VIII. Il y aura, dans le lieu qui sera fixé par le conseil d'administration provisoire, une cour royale supérieure et provisoire, où se porteront les appels des autres sièges, les questions de compétence, les demandes en évocation et cassation ; elle expédiera toutes les lettres royales de bénéfice d'âge, de bénéfice d'inventaire, de restitution en entier, et autres semblables ; et ce jusqu'au rétablissement du conseil d'Etat, des parlements et autres cours supérieures et de chancellerie.

IX. Ladite cour royale supérieure sera composée au moins de sept membres, y compris le président ; il y aura un procureur-général qui pourra avoir deux substituts, dont le premier fera les fonctions d'avocat-général ; il y. aura aussi un greffier civil et un greffier criminel.

X. Si on fait la conquête d'une ville où il y avait un présidial établi avant les états de 1789, ce présidial y sera conservé avec les fonctions, pouvoirs et prérogatives qu'il avait ci-devant ; seulement le conseil supérieur se réserve de prononcer sur les difficultés qui pourraient s'élever sur les limites de son ressort, et d'en confirmer, suspendre ou destituer les anciens officiers, suivant l'exigence des cas.

XI. Dans les affaires criminelles, les juges en première instance appelleront d'autres juges ou des gradués jusqu'au nombre prescrit par les ordonnances, pour prononcer définitivement sur les matières.

XII. Les officiers de tous lesdits sièges et cour royale seront pris, autant que faire se pourra, parmi les anciens juges et officiers de justice royaux et seigneuriaux, afin que s'il y a quelque changement dans le titre et le ressort des juridictions, il y en ait le moins possible dans les dépositaires et défenseurs des lois de la monarchie.

XIII. La cour royale supérieure sera installée par le conseil supérieur d'administration ; les présidiaux et sièges anciens et provisoires inférieurs, le seront par des commissaires nommés par ledit conseil supérieur.

XIV. Tous les juges seront tenus de se conformer, soit pour les formes à observer, soit pour leur jugement, aux lois, coutumes, ordonnances, arrêts de règlement, statuts, usances qui étaient en vigueur avant la convocation des états-généraux de 1789.

XV. La police immédiate, dans tous les lieux où il y aura un siège royal, ancien ou provisoire, appartiendra aux officiers dudit siège ; dans les autres lieux de leur ressort, elle appartiendra aux conseils provisoires desdits lieux, sauf l'appel au juge royal, en cas de contestation, conformément à l'esprit de l'article 15 du régiment du 27 juillet dernier, concernant les conseils provisoires des paroisses.

XVI. Tous les juges royaux anciens et provisoires en première instance, connaîtront de tous les procès par écrit et instance, en litispendance devant les juges qui en doivent connaître dans les temps, à la charge de l'appel, et seront tenus de suivre les derniers errements, quand même lesdits procès ou instances auraient été portés devant les tribunaux soi-disant constitutionnels ou républicains. Il en sera de même des juges de la cour royale en matière d'appel.

XVII. Tous juges, procureurs du Roi et greffiers doivent être majeurs de vingt-cinq ans, et résider dans le lieu où sera établi le siège, ou du moins dans l'arrondissement d'icelui.

XVIII. Tous les officiers composant lesdites cours royales, présidiaux et sièges royaux, anciens et provisoires, seront nommés par le conseil d'administration. Cependant si dans les anciens sièges il est resté des officiers sans reproches, ils seront conservés, conformément à l'article 12 ci-dessus.

XIX. Il sera attaché, à chaque siège royal, un bureau de la conservation des hypothèques, suivant l'édit de 1771, auquel les juges se conformeront, tant pour les formes à observer, que pour les droits à percevoir et les émoluments à eux attribués. Le conseil supérieur nommera le greffier des hypothèques, qui comptera à l'administration des droits perçus.

XX. Tous les tribunaux établis par les soi-disant assemblées ou convention nationale, demeurent abolis sans exception, défenses sont faites à qui que ce soit de les reconnaître et d'y exercer aucunes fonctions, sous peine d'être déclaré rebelle au Roi et poursuivi comme tel.

XXI. Aussitôt la publication du présent règlement, les conseils provisoires des villes, bourgs ou paroisses, mettront les scellés sur les greffes et autres dépôts de titres situés dans l'étendue de leur territoire, se feront remettre les clefs des salles d'audiences et autres lieux destinés à l'usage des tribunaux, et contraindront par corps à ce faire les dépositaires qui refuseraient de les remettre.

XXII. Les scellés ci-dessus seront levés aussitôt après l'installation desdits cours et sièges royaux, en présence, autant que faire se pourra, des anciens officiers et greffiers des tribunaux républicains, du conseil provisoire des lieux, et des officiers du nouveau siège royal, dont le greffier fera l'inventaire desdits titres et papiers.

TITRE SECOND.

Des officiers inférieurs et ministériels, et de ce qui est nécessaire pour la validité des actes.

ART. Ier. Tous les huissiers et sergents royaux de création antérieure aux états-généraux de 1789, qui obtiendront de nouvelles provisions du conseil supérieur, continueront d'exercer leurs fonctions dans tout le ressort de ladite cour royale provisoire.

II. Seront aussi conservés les sergents créés avant ladite époque par les seigneurs ; mais ils ne pourront exercer que dans l'étendue du siège royal, ancien on provisoire, où le chef-lieu de la justice seigneuriale à laquelle ils étaient attachés se trouvera situé.

III. Le conseil supérieur conserve de mime dans leurs fonctions les notaires royaux, pour les exercer dans tout le ressort de ladite cour royale.

IV. Sont également conservés les notaires institués par les seigneurs avant la suppression de leur justice ; mais ils n'exerceront leurs fonctions que dans le même ressort attribué par l'article 2 du présent titre aux sergents créés par lesdits seigneurs.

V. Tous lesdits notaires, huissiers et sergents ne pourront néanmoins continuer leurs fonctions anciennes, ou en exercer de nouvelles, s'ils n'ont pris de nouvelles provisions du conseil supérieur. Tout acte qu'ils feraient sans être munis de ces provisions sera regardé comme nul, et ceux qui l'auront fait ou passé condamnés aux dommages et intérêts des parties.

VI. Le conseil supérieur se réserve la faculté de créer de nouveaux notaires, huissiers ou sergents, s'il est nécessaire.

VIT. Tous les actes de juridiction volontaire ou contentieuse seront écrits sur papier timbré du nouveau timbré, ou visé pour valoir timbre par un officier du conseil supérieur, ou le commissaire qu'il lui plaira nommer à cet effet, conformément à l'article 16 du règlement du 24 juillet dernier, et en outre sujets au contrôle, insinuation, centième denier et sceau, comme il en était usé avant les états-généraux de 1789, le tout à peine de nullité.

VIII. Le tarif de contrôle de 1722, les édits et déclaration concernant l'insinuation et centième denier, ensemble tous les édits interprétatifs qui étaient en vigueur lors de la convocation des derniers états-généraux, seront les seuls suivis par les contrôleurs des actes, conformément à l'article 9 dudit règlement du 24 du mois de juillet dernier.

IX. Tous les avocats et gradués pourront plaider et écrire les procès pendants en ladite cour royale supérieure, auxdits présidiaux et sièges royaux, anciens et provisoires.

X. Les personnes qui postulaient ces différents sièges royaux continueront de le faire, tant à ladite cour royale qu'aux sièges inférieurs.

XI. Les procureurs postulants aux justices seigneuriales ne seront admis à postuler qu'à celui des sièges royaux, anciens ou provisoires, auxquels ils déclareront s'attacher, sans pouvoir le faire à ladite cour royale ni aux présidiaux en matière présidiale, à moins que le conseil supérieur ne juge à propos de leur en accorder la faculté par leurs provisions.

XII. Lesdits avocats, gradués et procureurs ne seront admis à plaider qu'en représentant à ladite cour royale et aux autres sièges l'agrément du conseil supérieur, faute duquel ils ne seront points reçus à plaider, et leurs écrits ne passeront point en taxe.

XIII. On suivra, pour la taxe des dépens, le tarif qui était en usage dans les sièges royaux où le pays conquis ressortissait avant lesdits états-généraux.

XIV. Les greffiers desdits cour et siège seront nommés par le conseil supérieur, sur la présentation des juges.

XV. Le conseil supérieur nommera aussi, dans chaque lieu où il y aura un siège de justice quelconque, un receveur des amendes, consignataires et droits de sceau.

XVI. Tous règlements faits et à faire par le conseil supérieur, seront enregistrés en ladite cour royale supérieure, et dans tous les sièges en dépendant.

XVII. S'il se trouve quelque arrondissement où il ne soit pas possible d'établir, dans ce moment, un siège royal provisoire, le conseil supérieur se réserve d'attribuer provisoirement la juridiction sur cet arrondissement à tel autre des sièges royaux, anciens on provisoires en exercice, qu'il jugera à propos.

Fait en conseil supérieur d'administration provisoire, à Châtillon, ce 1er août 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

GABRIEL, évêque d'Agra, président ; MICHEL DESESSARTS, sec. prés. ; BRIN, doyen de Saint-Laurent ; BERNIER, curé de Saint-Laud d'Angers ; BOUTILLIER DES HOMELLES, LE MAIGNAN, PAILLOU, LE NOIR, MICHELIN, THOMAS, GENDRON, DUPLESSIS et CARRIÈRE, procureur général du Roi.

Par le conseil supérieur.

P. JUGAULT, secrétaire général.

 

N° XVII.

Bulletin officiel du conseil supérieur de la Vendée.

 

Châtillon-sur-Sèvre, le 20 juillet, l'an premier du règne de Louis XVII.

La Providence nous conduit de succès en succès ; les-efforts de nos ennemis tournent à leur confusion la valeur de nos troupes anéantit tous leurs projets, et l'Eternel, vengeur des crimes, appesantit de plus en plus son bras sur ces impies, destructeurs de toute religion et de toute autorité.

L'action du 15 du courant, quoiqu'entièrement à notre avantage, puisque nous avons pris trois pièces de canon et une, grande quantité de munitions de guerre et de bouche, nous laisse cependant le regret de n'avoir pas complété une victoire qui aurait pu assurer, pendant la moisson, la tranquillité du pays conquis, en détruisant toutes les forces de nos ennemis.

Une colonne ennemie d'environ six mille hommes s'étant rendue maîtresse de Vihiers, par la retraite de nos troupes, s'avança le 17 vers Coron. Trois cents braves réunis à la hâte, sans canons, et n'ayant d'autres armes que leurs fusils et leurs piques, opposèrent pendant plusieurs heures une résistance vigoureuse à un ennemi deux fois plus nombreux, et finit par le repousser avec perte d'un grand nombre d'hommes tués ou blessés, de deux caissons d'artillerie et d'un chariot chargé de provisions.

Le 18, nos soldats volèrent au secours des paroisses menacées par l'ennemi. Rien ne put résister à leur valeur : la soif du triomphe les avait tellement excités, qu'elle ne leur permit pas d'attendre l'arrivée de plusieurs de leurs généraux pour marcher contre l'ennemi. Celui-ci, fort de seize mille hommes, ayant trente pièces de canon, se promettait une victoire certaine. L'action s'engagea un peu après midi ; l'armée chrétienne et royale occupait les hauteurs de Vihiers, sous les ordres de M. Piron de Marsange et autres ; les chevaliers de Villeneuve et Kellars commandaient le centre, de la Guerivière et Boissy l'aile droite, Guignard de Tiffauges la gauche, et Forestier à la tête de la cavalerie, animés par l'exemple des Suisses et des Allemands, qui brûlaient de combattre l'ennemi, chargèrent avec la plus grande vigueur, sous la protection de l'artillerie, commandée par M. d'Herbold, connu par son habileté et son courage. La gauche résista ; le combat devint opiniâtre et sanglant dans la ville, et surtout sur la place du marché de Vihiers ; mais enfin, après une fusillade qui dura trois-quarts d'heure, nos soldats, se précipitant avec impétuosité dans les rangs de l'ennemi, renversèrent tout ce qui se trouva sur leur passage, et remportèrent une victoire complète. L'ennemi fut poursuivi d'un côté jusqu'à Martigné, et de l'autre jusqu'à Concourson.

Nous estimons sa perte à près de deux mille hommes, tués tant dans le combat que pendant sa fuite ; trois mille prisonniers, vingt-cinq pièces de canon et un plus grand nombre de caissons, deux chariots chargés de fusils. Un grand nombre de chevaux d'artillerie, de bœufs, de provisions et de munitions de toute espèce furent en outre le fruit de cette victoire.

Le général patriote Menou doit être actuellement mort de ses blessures ; Santerre n'a réussi qu'en sautant par-dessus un mur, à se soustraire à la poursuite du brave Loiseau, le même qui tua trois cavaliers en défendant M. Dommaigné à l'attaque de Saumur. Le bruit court que Santerre est dangereusement blessé. L'inviolabilité du député Bourbotte, membre de la prétendue convention, ne put le défendre contre le courage d'un de nos soldats, qui, ayant tué son cheval, le poursuivit longtemps et s'empara de ses armes, qu'il avait jetées. La valeur de nos troupes, en cette occasion, est au-dessus de tous éloges, et l'Europe aura peine à croire un jour aux prodiges qu'elles ont faits.

 

N° XVIII.

De par le Roi.

 

Nous, général en chef, commandants de division et autres officiers des armées catholiques et royales, réunis en conseil de guerre, infiniment touchés des ravages causés par les ennemis de la religion et du Roi dans les pays conquis ; considérant que la prétendue convention nationale ne respecte ni le droit des gens, ni l'humanité ; que, non 'contente de refuser l'échange des prisonniers, elle traduit devant le tribunal de sang qu'elle a établi, ses propres soldats tombés entre pos mains, et que notre clémence avait renvoyés dans leurs foyers, après avoir promis de ne plus servir contre nous, s'ils refusent de manquer à cette promesse et de se parjurer ; que tous officiers et soldats de l'armée catholique qui sont pris par les armées prétendues républicaines, sont égorgés sur-le-champ ou traduits au même tribunal, qui fait aussitôt tomber leurs têtes sous la main du bourreau ; considérant que nos ennemis exterminent hommes, femmes et enfants, et se font un amusement d'incendier les habitations et les moissons, comme a osé s'en vanter le lâche et cruel Westermann ; qu'en vertu d'un décret sanguinaire, violant les lois sacrées du domicile, ils font arrêter chez lui, pour le conduire au supplice, l'homme paisible et vertueux qui, pour le rétablissement du bon ordre, a accepté dans les conseils d'administration une place que son amour pour le bien public ne lui permettait pas de refuser ; considérant de plus quo les membres de la soi-disant convention nationale, les officiers-généraux commandant l'armée dite républicaine, et les prétendus fonctionnaires publics dans l'administration ou dans l'ordre judiciaire, sont les véritables coupables et les seuls peut-être ; que leurs soldats ont été contraints de se réunir sous des étendards que la plupart détestent ; 'qu'ils sont eux-mêmes opprimés par ceux qu'ils sont obligés de défendre, et que si, parmi eux, un petit nombre est encore égaré et tient aux principes sanguinaires d'une république imaginaire, il ne faut, pour le détromper, que déchirer le bandeau qui leur cache la vérité ; voulant enfin user à leur égard de tous les moyens de douceur et de modération, pour les ramener dans le sentier de l'honneur, dans ce moment où nous venons de remporter trois victoires mémorables, à Châtillon, à Thouareau et à Vihiers, où l'on a pris à l'ennemi plus de quarante pièces de canon, sans parler d'un nombre infini de prisonniers, avec ceux précédemment faits sur les champs de bataille ; dans ce moment où le colosse monstrueux de leur prétendue république s'écroule de toutes parts, et va écraser par sa chute tous ses défenseurs : déclarons à tous les Français, et spécialement à la prétendue convention nationale, aux généraux et officiers des armées républicaines, et à tous les prétendus fonctionnaires publics, administratifs et judiciaires, et même aux individus volontairement coupables des excès ci-dessus, que nous userons à leur égard de représailles, et qu'ils sont et seront responsables, sur leurs têtus et sur leurs biens, des violences publiques et particulières qui seront exercées contre les personnes et les biens des soldats et officiers des armées catholiques et royales, contre les officiers du conseil supérieur et des conseils particuliers des villes et des paroisses où ils sont établis provisoirement, et contre chacun en particulier des Français attachés à la religion et au Roi. Mandons au conseil supérieur séant provisoirement à Châtillon, de faire imprimer, publier et afficher les présentes partout où besoin sera.

Fait au quartier-général, à Argenton-Château, le 23 juillet 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

Signé D'ELBÉE.

Par MM. les commandants,

DURY DE BEAUVAIS, secrétaire.

Vu la proclamation ci-dessus le conseil supérieur, ouï sur ce M. le procureur-général du Roi, en a ordonné l'impression, et enjoint aux conseils particuliers des pays conquis de la publier et afficher partout où besoin sera.

Fait en conseil supérieur, à Châtillon-sur-Sèvre, le ii juillet 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

Michel DESESSARTS, second président.

Par le conseil supérieur,

P. JAGAULT secrétaire-général.

 

N° XIX.

Bulletin officiel du conseil supérieur de la Vendée.

 

Du premier août 1793.

Les débris de l'armée républicaine, battue à Villiers le 19, s'étaient précipitamment retirés, partie sur Douay et Saumur, partie sur Angers ; un corps d'environ deux mille patriotes occupait un camp sur les hauteurs désignées, et de là exerçait ses ravages dans tous les environs. Les habitants de Mozé et ceux de quelques paroisses voisines, réunis à la hâte, luttaient chaque jour avec avantage contre cette horde dévastatrice.

La division aux ordres de M. de Bonchamps vint au secours de ces braves, et attaqua le 26 l'armée républicaine dans ses retranchements. Elle parut faire bonne contenance et résista quelque temps à l'effort de nos troupes, mais enfin l'intrépidité des chefs, le courage des soldats, l'adresse et l'intelligence de nos artilleurs fixèrent la victoire. Le camp fut forcé, les retranchements emportés, les tentes et les bagages tombèrent en notre pouvoir, quatre pièces de canon furent prises, une autre tomba dans la rivière ; six cents patriotes périrent dans le combat, environ trois cents furent faits prisonniers ; un grand nombre précipité dans la Loire, en essayant de passer ce fleuve à la nage, y trouva la mort.

Le reste fuyait à toutes jambes vers Angers, lorsqu’environ quatre cents d'entr'eux, croyant n'être pas poursuivis, revinrent sur leurs pas et chargèrent notre troupe avec audace. On leur répondit avec une vigueur à laquelle ils ne s'attendaient pas. Une prompte et forte décharge en mit un grand nombre hors de combat ; le reste reprit à la hâte le chemin d'Angers, et nos troupes les poursuivirent jusqu'aux portes de cette ville.

On assure que le dimanche 26, dans la soirée, un détachement de soldats patriotes se porta de nouveau vers les Ponts-de-Cé ; notre garde se replia pour ne pas être cernée. Les habitants des paroisses voisines se réunirent le lendemain et chassèrent le détachement républicain, avec perte de plus de quatre-vingts prisonniers et de trente et quelques hommes tués ou blessés.

Peu de jours auparavant, une division de notre armée, sous les ordres du général eu chef, s'étant portée sur Thouars, un détachement de cavalerie, commandé par M. de La Rochejacquelein, s'en sépara pour s'avancer jusqu'à Loudun. Il entra dans cette ville à trois heures du matin, sans éprouver la moindre résistance, lit sept gendarmes prisonniers, enleva la caisse du_ district, brûla les prétendus décrets contenus dans ses archives, et détruisit toutes les marques extérieures du républicanisme.

Pendant ce temps, un corps d'ennemis assez nombreux surprenait à Saint-Philibert la garde avancée, aux ordres de M. de Royrand, et exerçait à Chantonay ses ravages ordinaires. Le tocsin sonnait de toutes parts ; l'effroi s'empara bientôt des vainqueurs ; ils évacuèrent Chantonay, après avoir incendié ce qu'ils ne purent emporter. Nos troupes les poursuivirent jusqu'à Sainte-Hermine, et de là s'avancèrent le 3o sur Luçon. L'armée républicaine les attendait, rangée en ordre de bataille au-delà de Bessai ; on l'attaqua avec vigueur. Nos troupes essuyèrent le feu le plus terrible de sa part, sans en être effrayées ; notre artillerie, mieux servie que jamais, leur répondit par des décharges multipliées : chaque boulet plongeait directement dans les rangs ennemis et les sillonnait. Déjà les bataillons républicains se disposaient à fuir ; leur centre était enfoncé, leurs soldats effrayés, tout nous présageait une victoire assurée, quand les lâches pillards qui se traînaient à l'arrière-garde, semèrent l'alarme dans tout le corps de l'armée en prenant la fuite. Ce contre-temps fâcheux nécessita la retraite. M. le prince de Talmont la protégea avec un bataillon de cavalerie, qui s'élança plusieurs fois dans les rangs ennemis, détruisit presque entièrement un détachement de hussards, et fit des prodiges de valeur : les Suisses et dragons ne se distinguèrent pas moins, et plusieurs habitai ; des paroisses qui nous avoisinent montrèrent autant de fermeté que de courage dans le combat.

Le général en chef et ses braves compagnons d'armes se sont exposés aux plus grands dangers ; la Providence et leur sang-froid les ont préservés de tout accident funeste. Le cheval de M. de Lescure a été blessé ; un gros de cavalerie ennemie, qui s'acharnait à sa poursuite, fut mis en déroute. Le jeune M. Le Riche de Langerie, qui faisait ses premières armes, a eu son cheval tué sous lui. Le nombre des prisonniers, des morts et des blessés est peu considérable de notre côté ; nos troupes ont laissé entre les mains de l'ennemi deux pièces de canon. Tel est le récit de cette action, que, par intérêt pour la vérité, nous nous faisons un devoir de rapporter avec autant d'exactitude et de fidélité que nos succès et nos victoires. Au reste, notre armée n'était forte que d'environ douze à quinze mille hommes, réunis à la hâte dans les paroisses voisines, tandis que la grande armée, victorieuse à Vihiers, poursuivait l'ennemi, par ses détachements, au Pont-de-Cé, à Thouars, à Loudun et dans les environs de Saumur et d'Angers.

Nous devons un juste tribut d'éloge et les regrets les mieux mérités à M. Sapineau de la Verrie, qui, blessé lors de la première attaque du Pont-Charron, tomba entre les mains de l'ennemi, éprouva de sa part les plus cruels traitements, et finit par être mis en pièces.

Un transfuge digne de foi, passé hier d'Ancenis en plein jour, écrit-on de Saint-Florent, a donné sur la situation de cette ville et celle de Nantes des nouvelles assez rassurantes. Il n'y a pas à Nantes, en ce moment, plus de deux mille hommes de troupes ; celles qui précédemment s'y étaient rassemblées, ont pris leur parti pour la Basse-Bretagne, ou plutôt chacun s'en est retourné chez soi. Le général Beysser est parti pour la Nouvelle-Angleterre, et le général Caudaux est fortement soupçonné d'aristocratie. Ancenis ne renferme pas plus de quinze à dix-huit cents hommes, qui tous n'ont pas un égal penchant à servir la république, et se rangeraient volontiers sous nos drapeaux, s'ils n'étaient chaque jour trompés par des nouvelles fausses et controuvées.

Un corps de républicains s'étant montré à Thouars dans la journée du 29, M. de Laugrenière est allé le reconnaître le lendemain, à la tête d'un détachement de cavalerie. S'étant assuré de la présence de l'ennemi, il a marché le 31 contre la ville. Un seul dragon s'est présenté d'abord et a provoqué nos soldats par des insultes. L'un d'eux lui a fait passer une balle dans le côté, d'un coup de carabine, à plus de trois cents pas ; il ne s'est sauvé qu'à l'aide de son cheval, laissant le long de sa route des traces de son sang. Le corps de notre armée s'est porté de suite à la chaussée de Cuvan, où elle a passé la rivière presque à la nage. Pendant ce temps, deux cavaliers patriotes s'échappaient sur la route de Saumur, quatre cents autres les avaient précédés sur celle de Poitiers ; en sorte que Thouars, à l'approche de nos troupes, s'est trouvé entièrement évacué.

 

N° XX.

Grand conseil de guerre tenu à Saumur.

 

Saumur, 2 septembre 1793.

L'an mil sept cent quatre-vingt-treize, et deuxième de la république française, une et indivisible, le lundi deux septembre, deux heures du matin.

Les citoyens Rewbell, Merlin, Richard, Choudieu, Bourbotte, Thurreau, Cavaignac, Meaulle, Philippeaux Ruelle et Fayau, tous représentants du peuple, et les généraux Rossignol, Canclaux, Menou, Santerre, Aubert Dubayet, Salomon, Duhoux, Ray, Mieskousky, et Dambarrère, en exécution de l'arrêté des représentants du peuple, du 27 août dernier, approuvé par arrêté du comité de salut public, se sont réunis en conseil de guerre.

D'abord l'on a élevé la question de savoir si les représentants délibéreraient concurremment avec les généraux.

Plusieurs ont soutenu que les instructions données aux représentants ne leur permettaient pas de délibérer avec les généraux ; mais d'autres ont répondu que l'arrêté du comité de salut public, ci-dessus énoncé, approuvait les dispositions prises par les représentants, qui consistent à ce que les généraux commandants en chef des divisions d'armée, et les représentants, arrêtent de concert un plan de campagne définitif et irrévocable, et qu'au surplus ils consentent volontiers à supporter une responsabilité qui tend à sauver la chose publique.

D'après ces observations, celui qui avait élevé la question a retiré sa proposition.

Le conseil s'est ensuite occupé de la nomination d'un président et d'un secrétaire. Le représentant du peuple Rewbell, a été choisi président, et Lachevardière, commissaire national, a été nommé secrétaire.

Le général Caudaux a donné lecture d'un arrêté du comité de salut public et d'une lettre du ministre de la guerre, par lesquels on lui annonce que l'armée fermail ; la garnison de Mayence va se porter sur Nantes, au moyen de quoi elle se trouve sous son commandement.

Différents membres ont répondu que le dernier arrêté du comité de salut public annulait implicitement l'arrêté antérieur, ainsi que les lettres du ministre de la guerre.

Après une discussion assez étendue, le président a mis aux voix cette question : « Le conseil pense-t-il que le dernier arrêté du comité de salut public annule le précédent, et que le général Canclaux doit être déchargé de toute responsabilité, relativement à l'arrêté premier du comité de salut public, et aux ordres donnés en conséquence par le ministre de la guerre » ? L'affirmative a été arrêtée à la majorité de vingt voix contre une[4].

La discussion s'est alors engagée sur le fond de la question ; qui consiste à savoir si la garnison de Mayence descendra sur Nantes, ou marchera directement contre les rebelles, sur Chollet et Mortagne.

La discussion a été interrompue par une proposition incidente, tendant à ce que chaque membre du conseil soit tenu de motiver par écrit son opinion. On a proposé, par amendement, de laisser à chacun la faculté de motiver son opinion, sans que cette faculté soit obligatoire. Cette dernière proposition a été adoptée unanimement ; et il a été décidé que chacun serait libre de motiver son opinion dans un écrit qui serait joint au procès-verbal, et signé de l'opinant.

La discussion a été reprise, et les différents membres ont parlé pour ou contre chacune des deux propositions.

Enfin, après une multitude d'observations, la discussion e été fermée, et l'on a commencé l'appel nominal sur cette question :

« La garnison de Mayence dirigera-t-elle sa marche par Saumur ou par Nantes ? » Sur vingt-deux votants, le citoyen Bourbotte a déclaré n'être pas en état de donner son avis : le général Dambarrère a demandé que l'on marchât simultanément par Saumur et par Nantes ; les citoyens Rewbell, Merlin, Thurreau, Cavaignac, Meaulle, Ruelle, Canclaux, Aubert-Dubayet et Mieskousky ont été d'avis de marcher par Nantes, et les citoyens Richard, Choudieu, Fayau, Rossignol, Menou, Duhoux, Santerre, Salomon et Ray ont pensé que l'on devait marcher par Saumur. A l'égard du général Chalbos, il a voté pour que l'on marchât par Saumur et Niort à la fois.

D'après cela, et attendu que dix voix ont été pour la marelle par Nantes, et dix Dour celle de Saumur, il ne s'est pas trouvé de majorité.

Alors la discussion s'est engagée de nouveau, et après de longs débats, le conseil a arrêté que les généraux se consulteraient entr'eux pour arrêter un plan qui serait soumis ce soir au conseil. La séance a été levée à quatre heures, et l'on s'est ajourné à huit heures du soir.

Et le même jour 2 septembre, huit heures du soir, le conseil réuni, l'un des généraux a annoncé qu'en exécution de l'arrêté pris cejourd'hui par le conseil, ils se sont rassemblés, et que les avis se sont réunis à cette question, que l'armée de Mayence marcherait par Nantes, et qu'il avait été convenu qu'ils se rassembleraient demain matin pour se concerter sur les mesures d'exécution. Un membre a demandé que le résultat de l'avis des généraux fût remis par écrit ; l'on a réclamé l'ordre du jour sur cette proposition, et il a été adopté d'après le rapport ci-dessus. Le président a consulté le conseil pour savoir s'il adoptait l'avis des généraux ; quatorze votants l'ont admis, et trois l'ont rejeté, dans l'ordre suivant : les citoyens Rewbell, Merlin, Ri' d'ara, Thurreau, Cavaignac, Meaulle, Philippeaux, Ruelle, Canclaux, Menou, Santerre, Aubert-Dubayet, Mieskousky et Dambarrère ont voté pour l'adoption, et les citoyens Choudieu, Fayau et Chalbos l'ont rejeté. En conséquence, il a été arrêté par le conseil que la garnison de Mayence marcherait par Nantes.

Fait à Saumur, les jour et an que dessus.

Signé REWBELL, CAVAIGNAC, MEAULLE, RUELLE, PHILIPPEAUX, THURREAU, MERLIN, CHOUDIEU, RICHARD, SANTERRE, MIESKOUSKI, CHALBOS, DAMBARRÈRE, MENOU, CANCLAUX, LACHEVARDIÈRE secrétaire.

 

Plan concerté entre les généraux Rossignol et Canclaux, relatif â l'armée des côtes de La Rochelle.

L'armée des côtes de La Rochelle se tiendra sur une défensive active ; néanmoins, la division du général Mieskousky opérera offensivement jusqu'à sa jonction, à l'aile droite de l'armée des côtes de Brest et à l'aile gauche de la division de Chantonay ; elle dirigera sa marche de la manière suivante :

Le 11, elle s'emparera d'Ainay ;

Le 12, elle marchera sur le Poiré ;

Le 13, aux Essarts ;

Le 14, à Saint-Fulgent, où elle prendra poste et se gardera militairement.

La division de Chantonay sera 'chargée de balayer tout le pays qui se trouve entre Chantonay et la Roche-sur-Yon, de manière qu'elle ne laisse aucun ennemi derrière elle, et que ses subsistances soient assurées.

Les postes de sa gauche correspondront directement avec ceux du corps commandé par le général Mieskousky.

La même division de Chantonay enverra occuper les postes de Mouilleron et de Bazoges, de la manière qui lui sera prescrite par le général de division Chalbos.

La division commandée par le général Chalbos se portera à la Chataigneraye, où elle devra arriver le 14 ; elle balaiera ses derrières et ses deux flancs ; et les postes de sa droite correspondront avec les postes de gauche de la division commandée par le général Bey. Il en sera de même des postes de sa gauche avec la division de Chantonay.

La division commandée par le général Bey se portera à Bressuire, où elle devra arriver le 14 ; sa droite occupera Chambroulet, et sa gauche le château de la Forêt-sur-Sèvre. Ce dernier poste correspondra avec la droite de la division commandée par le général Chalbos.

La division de Saumur fournira un poste à Argenton ; il y sera rendu le i4, et occupera les hauteurs qui sont derrière cette ville, au lieu dit le Breuil.

La gauche des postes de cette division correspondra avec ceux de la droite de la division aux ordres du général Rey.

La division de Saumur se portera à Vihiers, où elle sera rendue le 14 ; sa gauche correspondra 'avec la droite de la division d'Argenton ; elle occupera le château et les hauteurs qui avoisinent Vihiers.

La division aux ordres du général Duhoux, laissant une garde suffisante au Pont-de-Cé, se rendra le 14 sur les hauteurs de Beaulieu, et occupera les ponts de Baré et de Bezigon ; la gauche de ses postes enverra de fortes et fréquentes patrouilles, pour correspondre avec la droite de la division de Vihiers ; elle s'éclairera sur sa droite, pour connaître la marche et la position des ennemis sur la rive gauche de la Loire.

La correspondance sera extrêmement active entre toutes les divisions et le général en chef, qui tiendra son quartier-général à Doué ; la même correspondance aura lieu avec le général en chef des côtes de Brest, et entre les divisions, colonnes et postes des deux armées qui s'avoisinent, de manière que toutes les troupes puissent opérer de concert les mouvements qui leur seraient ordonnés, et qu'elles puissent se porter des secours réciproques, suivant l'urgence des cas.

Les différentes divisions et les postes se garderont par des retranchements, et auront soin de se garder par des patrouilles fréquentes et soutenues entre elles.

Fait et arrêté à Saumur, le 3 septembre 1793.

Signé CANCLAUX et ROSSIGNOL.

 

Plan d'opérations, concerté et arrêté entre les généraux Rossignol et Canclaux, touchant l'armée de Nantes.

L'armée de Mayence étant réunie à celle des côtes de Brest, sortira de Nantes le 11 ou le 13 de ce mois de septembre.

Elle aura, sur sa droite, une colonne de l'armée de Brest, qui, rassemblée à Paimbœuf, et, partant de là, balaiera toute la côte de Bourg-Neuf ; et se portera sur Port-Saint-Père, qu'elle enlèvera, et de là sur Machecoul.

Cette opération peut avoir lieu dès le 9 ; elle sera soutenue par la présence de l'avant-garde de l'armée de Mayence, qui se sera portée le même jour sur la hauteur de Saint-Léger, qui domine Fort-Saint-Père, et d'où ce poste pourra être canonné et bombardé, s'il est nécessaire. Une colonne, partie de la Hibaudière, en fera en même temps l'attaque de front ; et s'en étant emparée, y restera pour se réunir à la colonne de droite, dont elle doit faire partie. L'occupation de Machecoul doit décider la marche en avant de la colonne de l'armée des côtes de la Rochelle, qui en tient la gauche. Cette colonne, dite armée des Sables, qui est maintenant à la Roche-sur-Yon et Lamotte-Achard, après avoir attaqué Aizenay et Poiré, se portera sur la droite de la colonne de l'armée de Brest, jusqu'à Saint-Fulgent, le 13, et le 14 aux Herbiers, où elle se trouvera à la hauteur de Tiffauges, et de là marchera toujours sur la droite de la même colonne, pour se porter devant Mortagne le 26.

L'armée de Mayence se sera portée le 11 devant Ville-Neuve ; son avant-garde aura été le même jour au château de la Limousinière, en avant le Pont-James, où l'armée se portera le jour suivant, laissant la réserve à Ville-Neuve.

Sur la route de Nantes aux Sables, l'attaque aura lieu à Montaigu, par une colonne qui partira de Machecoul, et qui pourra se diviser en deux parties pour l'attaquer par le côté de Palluau en même temps que par celui de. Machecoul, et que l'avant-garde de l'armée de Mayence l'attaquera par le chemin de Nantes. Vertou pourra aussi être attaqué ce même jour par la colonne de gauche de l'armée de Brest, ainsi que le château de la Loue ; elle y prendra poste.

La légion nantaise et partie de la garde nationale sortie de Nantes, feront une diversion sur Saint-Sébastien et Basse-Goulaine.

Le 13 ou le 14, le corps d'armée se portera sur la route de la Rochelle, vis-à-vis Aigrefeuille.

La colonne de droite à Montaigu, qu'elle enlèvera ; le 14 ou le 15 elle se portera sur Tiffauges, et le 16 devant Mortagne.

Le même jour, le corps d'armée ayant passé le Maine attaquera Clisson et se portera devant Mortagne, y passera la Sèvre. Le 16, la réserve, qui aura passé la Sèvre sur le pont de Vertou, viendra attaquer Clisson par le chemin de Nantes, s'il est nécessaire, ou par sa droite, et se réunir à l'armée.

Comme l'armée des côtes de la Rochelle doit se porter simultanément des différents points qu'elle occupe sur Mortagne, les forces combinées se trouvant alors rassemblées, ainsi, que les généraux, on prendra, pour la continuité de la campagne, tel plan que l'on avisera bon être. Pour exécuter tes premiers mouvements dans un ensemble nécessaire, il faut qu'ils soient arrêtés d'une manière fixe et invariable, et sous la responsabilité de chaque général, à moins d'obstacles de guerre, dont chaque colonne sera prévenue par une correspondance journalière, et par des courriers extraordinaires portant des dépêches écrites.

Fait et arrêté au conseil de guerre, à Saumur, le 3 septembre 1793, l'an deuxième de la république française, une et indivisible.

Signé le général en chef de l'armée des côtes de Brest,

CANCLAUX.

J'adopte, pour le bien général, le plan présenté par le général Canclaux, me réservant le droit d'attaquer Mortagne, si je le juge convenable.

Signé ROSSIGNOL, général en chef commandant les côtes de la Rochelle.

Pour copie conforme,

GOULAIN, secrétaire.

 

FIN DU PREMIER VOLUME

 

 

 



[1] Faux assignats fabriqués à Londres.

[2] Brunswick,

[3] Le roi de Prusse.

[4] Celle de Philippeaux.